Laurent BLANCHARD, À La Rochelle entre sa foi et son roi. Monsieur de Loudrière (c. 1580-1628)
Préface de Denis Vatinel, Maisons-Laffitte : Éditions Ampelos, 2018, 145 p.
Cette biographie de René de Talensac, dit Monsieur de Loudrière, est le fruit des recherches menées par Laurent Blanchard, directeur de la culture et du patrimoine de la ville de Guérande et nouveau propriétaire de la chapelle de l’Audrière (Saint-Mesmin, Vendée) qui avait appartenu au personnage dont il restitue le parcours. L’auteur tire de l’oubli ce noble poitevin qui avait, jusque-là, peu intéressé les historiens. Pourtant, ce réformé issu d’une lignée de la noblesse d’épée convertie au calvinisme et alliée aux grandes familles protestantes de l’époque, devenu sénéchal de La Rochelle en 1607, s’est impliqué dans les guerres de religion du premier quart du xviie siècle en prenant position du côté des « fermes », autour d’Henri de Rohan. Le tiraillement entre sa loyauté à son roi et sa fidélité à sa foi constitue le fil conducteur de cette biographie. Laurent Blanchard s’appuie principalement sur des sources (documents notariés, diaires, correspondances, histoires…) et une bibliographie accessibles sur internet qui ne sont cependant pas toujours référencées avec précision (notamment p. 31, 35 et 73) pour retracer de manière chronologique le parcours de René de Talensac. Le personnage n’a pas laissé de mémoires permettant d’expliquer ses choix et des zones d’ombre marquent sa trajectoire biographique, ce qui explique la prudence de l’auteur, qui formule des hypothèses lorsque les sources manquent.
Né vers 1580, René de Talensac est le fils d’un noble protestant et d’une huguenote zélée. Cinq ans après son mariage avec Françoise de Coligny, la petite-fille de l’amiral (1602), il est désigné sénéchal de La Rochelle. Au début du règne de Louis XIII, il se rapproche de Soubise et participe à plusieurs assemblées politiques protestantes. Devenu gouverneur de Fontenay-le-Comte en 1616, René de Talensac prend part aux affrontements militaires du côté des réformés dans les années 1620. Le conflit de fidélité auquel il est confronté explique ses revirements. Ainsi, quelques jours après avoir donné les clés de Fontenay-le-Comte au roi, le sénéchal de La Rochelle prend part au commandement des assiégés à Saint-Jean-d’Angély (1621) avant de proposer de se rendre. Associé à La Ravardière pour un projet d’expédition en France équinoxale, Monsieur de Loudrière abandonne finalement cette entreprise en 1625 pour soutenir Soubise qui lance une nouvelle révolte. Déclaré rebelle et traître par le roi alors qu’il se rallie à l’armée du duc de Buckingham venue secourir les Rochelais, il meurt de maladie le 2 mai 1628, pendant le siège de la ville. Le récit de la vie de René de Talensac est accompagné de larges extraits de sources, de riches annexes et d’une généalogie (à partir de la fin du xive siècle) qui témoigne d’une recherche minutieuse.
Quelques aspects de ce travail sont néanmoins critiquables. Des coquilles subsistent (comme dans la transcription p. 137), la qualité graphique de certaines illustrations n’est pas très bonne et la cartographie des séjours de Monsieur de Loudrière sur un fond de carte représentant les frontières de la France actuelle (p. 126) est un choix contestable. Par ailleurs, l’appui sur des ressources disponibles en ligne a conduit l’auteur à utiliser une bibliographie assez ancienne, ce dont il a conscience (p. 2), même si quelques ouvrages récents ont été mobilisés. Surtout, la succession des événements et la mention de faits anecdotiques (p. 26) font parfois perdre de vue le fil conducteur de l’ouvrage. Dans cette perspective, les considérations sur la foi personnelle de Monsieur de Loudrière, placées dans le dernier chapitre, auraient été bienvenues dès le début du livre pour renforcer la problématique, car elles permettent de saisir les ressorts du tiraillement de René de Talensac « entre sa foi et son roi ». Ces remarques ne doivent pas faire oublier l’intérêt de l’ouvrage qui ne se limite ni à un simple recueil de faits liés au parcours d’un individu, ni à une histoire strictement locale. Cette enquête, que l’auteur invite à critiquer et à enrichir, permet en effet d’appréhender les ambiguïtés d’un noble protestant méconnu qui, au début du règne de Louis XIII, « tenta de conjuguer le devoir à son roi et la fidélité à sa foi » (p. 120).