Nicole VRAY, Marguerite de Navarre. Au seuil de la Réforme
Ampelos, 2019, 149 p.
Dans la petite collection d’Ampelos qui ramène à la lumière des femmes souvent laissées dans l’ombre, il revenait à Nicole Vray, qui connaît bien l’histoire de la Réforme et s’intéresse à celle des femmes, de nous donner ce petit ouvrage sur « La Marguerite des Marguerites ». Le somptueux portrait de la couverture indique le raffinement et le rang de cette princesse de la Renaissance, sœur de François Ier le magnifique. À l’intérieur, un dessin de Clouet la montre plus âgée, dans une grande sobriété, tenant dans ses bras non un perroquet exotique mais un petit chien, symbole de la fidélité.
Le sous-titre de ce livre exprime bien ce qu’a été le chemin de la vie de Marguerite de Navarre : très cultivée, animée par une grande spiritualité, connaissant les langues anciennes, lisant la Bible en latin, très tôt elle s’est passionnée pour les nouvelles traductions de la Bible, les travaux des humanistes, les écrits de Luther. Pendant longtemps, elle soutient le Cénacle de Meaux, mais la répression s’abat sur ses membres, et c’est à Nérac, sous la protection de Marguerite, que se réfugient Clément Marot après l’affaire des Placards ainsi que Lefebvre d’Étaples qui y meurt en 1536. Elle est consciente des écarts de l’Église catholique par rapport aux textes évangéliques et elle espère des transformations, notamment le droit de lire la Bible en français, mais cela reste interdit par la Sorbonne. Elle dénonce, elle protège, elle est inquiétée, mais elle ne saute pas le pas. Elle reste sur le seuil. Sa fille Jeanne d’Albret, elle, sautera le pas.
Marguerite a joué plusieurs fois un rôle politique, notamment quand elle est allée jusqu’à Tolède négocier auprès de Charles Quint la libération de son frère, le vaincu de Pavie. On comprend que, pour une telle personnalité, le mariage était affaire d’État. Son premier mari (1509) fut Charles d’Alençon, mais ils n’eurent pas d’enfant. Quand il mourut en 1525, elle épousa Henri d’Albret et devint reine de Navarre. De ses enfants, seule sa fille Jeanne, née en 1528, lui resta. En 1548, Jeanne se maria avec Antoine de Bourbon et en 1553 elle mit au monde le futur Henri IV. Marguerite était morte depuis quatre ans.
Mais Marguerite est aussi restée dans les mémoires pour son œuvre littéraire. Outre sa volumineuse correspondance, notamment avec Calvin, elle a écrit de nombreux poèmes ainsi qu’un ensemble de contes, l’Heptaméron, sur le modèle du Décaméron de Boccace, dans lequel elle n’hésite pas à exprimer des idées religieuses peu conformistes. Laissons les derniers mots à Du Bellay qui rendait hommage à son intérêt pour la littérature :
Cependant que la Cour mes ouvrages lisait
Et que la sœur du roi, l’unique Marguerite
Me faisant plus d’honneur que n’était mon mérite
De son bel œil divin mes vers favorisait…