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Carnaval et politique au xvie siècle

De la cohésion sociale à la subversion de l’ordre public. Le point de vue d’Erasmus Sarcerius, réformateur de Leipzig

Tiphaine GUILLABERT-MADINIER

Docteur en histoire moderne

Longtemps, l’historiographie a analysé le carnaval sous l’angle privilégié de ses liens avec les tensions sociales. Reprenant les théories du critique littéraire russe Michael Bakhtine et celles de l’anthropologue Max Gluckman, l’interprétation dominante a fait du carnaval un rite de rébellion. Pour le premier, le carnaval est un rite de désacralisation, qui ramène tout élément spirituel ou sérieux au concret et au matériel : c’est le principe du « réalisme grotesque1 ». Pour le second, il existe des cérémonies destinées à mettre en scène les tensions sociales, à leur donner une expression dans le cadre du rituel afin d’éviter la révolte dans le temps du quotidien2. Ces analyses ont été reprises par nombre d’historiens de la culture populaire et du carnaval, considéré dans un premier temps comme un rituel de rébellion des couches inférieures contre l’ordre institué. Peter Burke considère d’ailleurs qu’un trait du carnavalesque est l’irruption du désordre. Ainsi, dans le chapitre sur le carnaval, P. Burke met en avant la fonction subversive du festival qui dégrade, qui « découronne3 ». Selon lui, le carnaval actualise le thème du monde à l’envers et incarne ainsi le chaos et le désordre pour les classes supérieures. La plupart des études du carnaval sont ensuite revenues sur l’analyse de M. Bakthine qui en fait l’outil du populaire face aux cultures sérieuses et officielles. Mais les études plus récentes jugent artificielle la dichotomie entre culture populaire et humoristique d’un côté, culture officielle et sérieuse de l’autre. Ainsi, l’ouvrage d’E. Le Roy Ladurie sur le carnaval de Romans4 montre que ce n’est pas « la fête du pouvoir ni de la rébellion5 », mais un outil neutre dont disposent les différents groupes pour exprimer les tensions et les antagonismes. Désormais, on insiste sur la neutralité du carnaval, qui est un outil de dérision disponible pour toutes les causes, et pas seulement celles des classes inférieures. Enfin, tous soulignent la profonde ambivalence du carnaval, dont le dénouement paraît incertain. Au mieux, le carnaval agit comme une « soupape de ­sécurité », une manière de perpétuer les valeurs du quotidien en donnant un peu de souplesse à la population dans un cadre temporel précis6 ; au pire, la fête se mue en révolte, sans que cela soit tout à fait prévisible7. Quelles que soient les nuances apportées, c’est la fonction de manifestation des tensions qui est mise en avant. Le carnaval est une fête qui teste et met en cause la résilience de l’ordre en place. Pour l’ordre politique, c’est une fête qui défie et menace.

En 1551, le prédicateur luthérien Erasmus Sarcerius publie une prédication contre le carnaval qui souligne les enjeux politiques de la fête et dénonce son aspect subversif à Leipzig, ville luthérienne du duché de Saxe. Sarcerius est alors pasteur depuis un an de l’église Saint-Thomas de Leipzig. À cinquante ans, il fait partie des réformateurs qui allient activités théologiques et pastorales. C’est un homme de terrain dont la carrière a d’abord été marquée par l’enseignement, puis par la charge de superintendant dans le comté de Nassau-Dillenburg. À ce titre, il a organisé et participé à plus de 30 synodes et une dizaine de visites pastorales. Il a contribué à la rédaction d’ordonnances évangéliques, ces règlements destinés à organiser la vie ­religieuse d’un territoire passé à la Réforme. Il connaît donc bien à la fois les pratiques de l’« homme du commun » et les relations institutionnelles entre pouvoir ­politique et ­religieux8. S’il est vrai que le carnaval a toujours été considéré avec méfiance par les magistrats responsables de l’ordre, l’exhortation de Sarcerius auprès des autorités pour interdire le carnaval ne peut être considérée qu’avec bienveillance. Pourtant, le prince électeur de Saxe lui-même s’adonne cette année-là aux festivités du 11 février à Dresde9. Il semble que les deux sources de ­l’autorité ne portent pas le même jugement. Car comment comprendre que le pouvoir temporel ne saisisse pas cette aubaine pour « tordre le cou », selon la formule d’Erasmus Sarcerius, à ce ferment de désordre public ? Le cas de Leipzig nous permet-il de proposer une autre explication des rapports entre autorités politiques et carnaval au xvie siècle ? Pourquoi les attitudes respectives des autorités religieuses et politiques semblent-elles si dissemblables ?

Nous analyserons dans un premier temps les liens traditionnels du Conseil municipal au carnaval en partant de sources profanes. Puis nous reviendrons sur les arguments religieux exposés dans la prédication qui poussent Erasmus Sarcerius à s’y opposer. Enfin, nous verrons qu’il développe aussi une argumentation politique tout à fait originale.

La Saxe et le carnaval, une histoire joyeuse

Si l’on se penche sur l’histoire des rapports du pouvoir politique au carnaval avant la Réforme, on constate que, du xve au début du xvie siècle, l’attitude du Conseil de Leipzig – l’assemblée de patriciens qui dirige la politique de la cité – et celle des princes semblent plus bienveillantes qu’hostiles dans bien des domaines : législatif, financier, diplomatique et municipal au sens large.

Certes, les chroniques10 et les ordonnances11 sont émaillées d’interdictions touchant les fêtes carnavalesques ; certes, des abus sont dénoncés et condamnés ; mais cette législation ne permet-elle pas, en fin de compte, de préserver le bon fonctionnement et la pérennité du carnaval ? Ainsi, une ordonnance de 1482 réprime les excès de boisson à l’occasion du carnaval : désormais, les convives doivent se contenter d’un tonneau pour vingt personnes12. En 1499, selon une vieille coutume agraire, une femme est forcée de tirer une charrue dans les rues. Or, ayant été malmenée, elle se défend et cause la mort de l’un des hommes. Suite à cette affaire, la coutume est interdite, mais le carnaval est maintenu13. En 1511, alors que la mode est à la Rundtanz, un pas qui permet de faire sauter les femmes et de glisser par la même occasion un œil sous leurs jupons, une ordonnance vient promptement mettre un terme à ces frivolités en punissant d’une amende chaque pas sauté14. De même, en 1550, le prince tente de limiter dans le temps la licence des danses : une seule journée de danse est accordée pour le carnaval, tandis que les bals de nuit sont interdits15. L’un après l’autre, les débordements sont identifiés et canalisés afin de permettre au carnaval de durer sans attirer les foudres des moralisateurs. En revanche, certaines années, le carnaval est interdit pour des raisons exogènes : une mauvaise année économique, la guerre, ou des épidémies16. La législation du Conseil, loin de mettre fin à la fête, lui permet au contraire de durer en élaguant les pousses trop vertes.

Bien plus, le Conseil contribue financièrement à l’organisation du carnaval. En 1482, il invite deux fous professionnels aux prénoms évocateurs, Hans von Traupitz et Tile Hertwig, pour « la joie des danses de carnaval et le plaisir des bourgeois et de leurs fils17 ». Il rétribue des joueurs de fifre officiels pour les danses qui se tiennent au Rathaus et offre quelques tonneaux de bière à la même occasion18. Il est vrai que ces dépenses ne sont pas totalement à perte : d’un côté, les entrées au bal du Rathaus sont payantes, de l’autre, les entorses aux règlements des danses sont passibles d’amendes, ce qui procure dans les années 1530 des revenus réguliers consignés sous le terme de ­drehgeld (argent de la « danse tournée »)19. C’est donc que le carnaval n’est pas considéré en lui-même comme nuisible. D’ailleurs, à partir du moment où le pouvoir est mêlé à l’organisation du carnaval, il est assez proche pour désamorcer et anticiper toute subversion potentielle, faisant preuve de « ruse » comme succédané à la répression, tactique qu’a bien étudiée Marc Augé dans un autre contexte20. En fait, le carnaval se révèle être un élément de cohésion à deux niveaux : diplomatique et municipal.

La ville de Leipzig a été concernée de près par la fonction diplomatique du carnaval. Située en Saxe, elle a connu les soubresauts des conflits entre les deux branches de la maison de Wettin à la tête du duché depuis 142221. Au milieu du xve siècle, Frédéric II et son frère Guillaume III se disputent le pouvoir au point de se faire la guerre en 1446. Ce n’est qu’en janvier 1451 que la paix est rétablie. Le prince électeur Frédéric II invite alors son frère au carnaval de Leipzig. À cette nouvelle, les conseillers du duc Guillaume III, qui avaient poussé à la guerre contre Frédéric II en 1446, prêchent une nouvelle fois la méfiance, mais le duc décide de ne pas les écouter et de répondre favorablement à l’invitation. C’est une démonstration de confiance que de se rendre dans la ville à l’occasion du carnaval, car le duc se retrouve éloigné de ses partisans, tandis que les réjouissances, la foule, le tumulte rendent plus facile l’organisation d’un coup de main discret. Ce n’est pas un hasard si les chroniques exposent à chaque fois cet épisode dans le détail, en insistant sur le thème de la confiance : la célébration commune du carnaval apparaît comme la preuve d’une confiance politique mutuelle, comme une manifestation symbolique de l’entente. Le même scénario de réconciliation offert par le carnaval se reproduit en 1466, cette fois-ci à l’initiative du duc Guillaume de Saxe qui invite deux frères, Henri et Louis, qui se disputent la répartition du landgraviat de Hesse depuis le décès de leur père22. Il semble en fait que les invitations entre princes aient été fréquentes, et qu’elles fonctionnaient comme autant d’occasions de renouveler les alliances entre maisons23. Ainsi en 1534, le landgrave Philippe de Hesse réunit à Cassel le roi Christian du Danemark, les ducs de Brunswick et « beaucoup de comtes et seigneurs » pour le carnaval24. C’est sans doute à la lumière de ces exemples qu’il faut interpréter la lettre que Luther écrit à sa femme en février 1546, quelques jours seulement avant sa mort. Dans le contexte des dissensions politiques entre les frères Albert et Gebhard de Mansfeld, Luther, qui a accepté à leur demande d’arbitrer leur litige, décrit comment il œuvre au rapprochement progressif des comtes et se réjouit d’observer leurs enfants participer ensemble au carnaval25. Nul doute que Luther n’y ait lu un signe de rapprochement politique. On observe donc parmi la noblesse un usage du carnaval à des fins diplomatiques.

Propice à l’élaboration de liens diplomatiques et nobiliaires, le carnaval contribue aussi à la cohésion de la cité. Jusqu’à la fin du xvie siècle, les chroniques municipales annoncent régulièrement la tenue d’un carnaval selon une expression stéréotypée qui insiste sur son aspect jovial : « die fastnachts freude26 ». De même, les prédicateurs qui dénoncent le carnaval emploient l’expression en vogue utilisée par les contemporains : les participants sont « fröhlich und guter ding27 », joyeux et de bonne humeur. À son tour, Erasmus Sarcerius reprend des expressions populaires lorsqu’il évoque les « frères/compères de carnaval » (Fastnachts Brüder). La participation au carnaval est ainsi souvent caractérisée par une périphrase mettant en avant les liens d’amitié qui s’y nouent. La récurrence de ces expressions rappelle un phénomène étudié par Olivier Christin et Jérémie Foa, celui des « pactes d’amitié » conclus au moment des guerres de religion en France28. Leurs travaux montrent qu’au moment des divisions religieuses, nombre de villes ont mobilisé le concept d’amitié comme lien permettant de penser une appartenance commune au-delà des divisions religieuses pour établir la paix et conjurer les violences. L’invocation de cette amitié repose avant tout sur le constat explicite d’une fréquentation quotidienne et de l’existence d’un faisceau de liens sociaux.

« Fréquenter, manger, boire », écrit Jérémie Foa, sont des « verbes qui définissent autant d’actions et d’identités autres que religieuses : avant que de prier séparément, on se fréquente au marché, on boit ensemble à la taverne, on se croise dans la rue. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles les habitants jurent de se comporter les uns avec les autres en toute amitié29. »

Jérémie Foa et Olivier Christin supposent que le recours au concept d’amitié fait moins référence au modèle de l’amitié selon Montaigne qu’à celui de Cicéron30. L’amitié que se promettent les habitants n’est pas exclusive ni fusionnelle à l’exemple de celle qui unissait Montaigne et La Boétie ; elle est la vertu politique par excellence, celle qui fait préférer le bien commun à ses intérêts propres, comme Cicéron la qualifie dans son traité De l’Amitié, très en vogue au xvie siècle31. Ainsi, ces démonstrations contractuelles d’amitié visent à sceller l’union politique entre les habitants d’un même village, voire entre des cités voisines. Enfin, Jérémie Foa suppose que le concept d’amitié « réactivait des pratiques anciennes32 ». Or, ne trouve-t-on pas, justement, dans les réjouissances du carnaval l’une de ces pratiques anciennes qui mettaient en acte de manière festive des liens sociaux du quotidien – « fréquenter, manger, boire » – tout en favorisant des alliances politiques entre cités et la cohésion civique ? En ce sens, l’expression des « frères de carnaval » renverrait d’une part à l’unanimité vécue dans le partage de la fête, et d’autre part, à l’actualisation des liens d’unité politique.

À rebours de l’historiographie traditionnelle, ces exemples montrent que le carnaval sert aussi la cohésion du corps civique. Ce passé « joyeux » n’empêche pas le déploiement d’un discours critique émanant des cercles religieux moralisateurs.

L’attaque classique d’un moralisateur : la prédication d’Erasmus Sarcerius

Le 26 février 1551, Deux Prédications d’Erasmus Sarcerius, l’une contre la vie diabolique, désordonnée et bestiale que l’on mène pendant le carnaval ; et l’autre sur le jeûne sont imprimées et publiées à Leipzig33. Dans quelle mesure le contenu de ces prédications est-il original ?

La prédication sur le carnaval est structurée en cinq articles de longueurs inégales. Le premier article traite des origines du carnaval. Pour le pasteur, la fête est ancienne, une ancienneté qui n’a rien de positif puisqu’elle plonge dans les racines païennes de l’Antiquité. Le deuxième article s’interroge sur le lien entre le carnaval contemporain et celui supposé de l’Antiquité. C’est l’occasion pour l’auteur de regretter que les Allemands aient suivi toutes les superstitions, y compris les « enseignements inversés et fous de la papauté34 ». Selon lui, l’Église romaine a en effet instrumentalisé les réjouissances carnavalesques afin de mieux faire accepter les temps mornes du carême. Le troisième article revient sur la signification du mot « carnaval ». Comme Jean Bugenhagen avant lui35, Sarcerius réhabilite le terme censé désigner la préparation au temps de pénitence du carême, mais il déplore son dévoiement dans un sens « épicurien et sardanapalesque36 ». C’est de manière plus ironique qu’il aborde le quatrième article : « En quoi le carnaval est-il utile ? » Il l’est de six manières : il permet de révéler la nature pécheresse des hommes, d’enfreindre les Dix Commandements (ce qui donne lieu à un long développement), de déshonorer les sacrements, de se moquer de la religion en général, d’enchaîner les péchés comme on enfile les perles sur un collier, et enfin de s’habituer au péché jusqu’à le tolérer en dehors même du temps carnavalesque, et donc de prolonger sa mauvaise conduite le reste de l’année37. Après cette longue description argumentée des dommages produits par le carnaval, Sarcerius propose des solutions dans le dernier article et définit les modes d’action de la sphère temporelle et religieuse.

La deuxième prédication développe le thème du jeûne, que le prédicateur n’hésite pas à réhabiliter bien que l’une des premières mesures des réformateurs luthériens ait été d’abolir le carême et son hypocrisie, selon les préconisations de Luther dans ses traités de 1520-152138. Sarcerius justifie sa position en rappelant que la pratique du jeûne est récurrente dans la Bible, et qu’elle est utile pour corriger les mœurs après les débauches du carnaval auxquelles s’adonnent les chrétiens malgré ses prédications.

Pour Sarcerius, le carnaval est donc une fête profane incompatible avec le christianisme. En cela, ses réflexions reprennent celles de l’Église romaine. Depuis les Pères de l’Église jusqu’au xvie siècle, un courant ascétique considère les pratiques charnelles excessives telles que la gloutonnerie, l’ivrognerie ou même la danse comme des ferments de péchés. Dans le contexte d’exaspération des angoisses face à la mort à la fin du xve siècle, beaucoup de moralisateurs comme Geiler de Kaysersberg à Strasbourg ou Berthold Haller à Berne condamnent les « folies » du monde39. À la même époque un nouvel argument se dégage, que reprend aussi Sarcerius dans cette prédication : à la lumière des lectures de textes antiques, les clercs voient dans les flambeaux du carnaval les flammes des Lupercales. Désormais, les participants du carnaval sont aussi coupables d’idolâtrie…

Sarcerius prend soin aussi de montrer en quoi le carnaval nuit au Décalogue, c’est-à-dire à la discipline, dans sa prédication de 155140. La discipline, selon lui, n’est autre que l’application des Dix Commandements, c’est une attitude de gratitude envers la grâce salvatrice de Dieu. Les clercs ont la charge de définir les bonnes « traditions humaines » (menschliche Satzungen) afin de développer la discipline. La discipline est le thème principal des écrits du réformateur luthérien41. Comme l’a remarqué Susann Karant-Nunn, après Luther fleurissent les controverses pour savoir quelle est la place des bonnes œuvres dans l’accès au salut et la relation à Dieu. En effet, rappelle l’historienne, « les prédicateurs annoncent en même temps que l’homme est irrémédiablement pécheur et ne peut rien faire pour son salut, tout en menaçant les hommes de fléaux divins s’ils ne changent pas de comportements42 ». Erasmus Sarcerius est d’ailleurs l’un des auteurs protestants ayant le plus réfléchi sur ce thème43. Il n’a cependant pas une approche catholique qui vise la perfection et la sainteté, mais l’observance reste essentielle pour des raisons spirituelles, car c’est une preuve de la crainte et du respect de Dieu.

Somme toute, il s’agit d’une prédication assez classique contre la dépravation des mœurs : alors pourquoi Sarcerius prend-il la peine de la publier ?

L’appel aux autorités politiques

Si Sarcerius peut se targuer d’avoir ramené quelques fidèles à une vie plus pieuse grâce à ses exhortations contre le carnaval (première prédication) et par la promotion renouvelée de la pénitence (deuxième prédication), il ne constate pas moins avec lucidité que ses « prédications seraient beaucoup plus utiles si les autorités temporelles et leur administration faisaient aussi de leur mieux en mettant un terme aux comportements insolents dans les rues par des interdictions44 ». Là réside sans doute toute l’audace des propos. Ceux-ci s’appuient sur la nouvelle organisation des Églises luthériennes.

Rappelons que, dans un contexte de crise ouverte avec la papauté et afin de garantir la « liberté du chrétien » tout à la fois contre les prétentions temporelles de Rome et l’ingérence des autorités civiles en matière religieuse, le Réformateur de Wittenberg avait postulé une séparation claire entre le règne de l’Évangile et de la grâce, d’une part, et celui du monde terrestre et de l’ordre social, régi par la Loi, d’autre part45. Pourtant, au fil du temps, et surtout à partir de 1525 (Guerre des Paysans), Luther infléchit sa position de manière flagrante en faveur du pouvoir temporel et de son rôle dans le maintien et la préservation de la « vraie doctrine ». Cette association n’est en aucun cas une fusion selon Luther. Les trois états de la société, les autorités temporelles, religieuses et familiales ou communautaires, doivent garantir le respect du « Règne temporel » afin d’aider les fidèles à parvenir au salut46. La volonté de Sarcerius d’associer les autorités princières à la répression du carnaval abonde-t-elle dans ce sens ?

Selon lui, le représentant du pouvoir temporel est membre de l’Église et doit à ce titre défendre la vraie doctrine et la communauté de foi47. À l’instar de Luther et des autres lecteurs de saint Augustin, Sarcerius considère que les autorités politiques sont instituées par Dieu. À ce titre, elles sont responsables de leurs sujets, d’un point de vue religieux également, elles doivent avoir le souci de leur salut : « Dieu prescrit aux autorités qu’elles fassent non seulement de leurs mieux pour elles-mêmes, mais qu’elles se soucient fidèlement de leurs sujets48. » C’est donc un raisonnement inverse de celui des tenants de la théocratie pontificale, pour lesquels le pape a le droit de s’immiscer dans les affaires du monde, puisque l’identité chrétienne et l’enjeu du salut priment sur l’identité politique et la vie ici-bas. Du côté de Sarcerius, l’appel pressant aux autorités politiques est résumé dans la préface en une formule : « là où la parole de Dieu touche les cœurs [Kirchengewalt] et l’administration temporelle corrige les corps [Obrigkeitgewalt], là le temps tordra le cou à la vie de carnaval désordonnée et délétère49 ». Elles sont donc responsables de la disciplinarisation des corps. L’implication des autorités temporelles doit se traduire selon le pasteur de manière très concrète par des lois : « C’est pourquoi, les autorités temporelles sont responsables de l’opposition à mener à la vie du carnaval par des édits et des lois50. »

La fonction attribuée aux autorités politiques est accentuée par des considérations sur l’ordre social. Il faut « mettre un terme au comportement insolent dans les rues par une interdiction51 ». En une formule ramassée, Sarcerius signale dès son introduction aux prédications les effets négatifs du carnaval à deux égards : le carnaval comme désordre qui porte atteinte à l’espace public, et le carnaval comme ferment de désobéissance politique. Dès le titre et continuellement par la suite, le carnaval est associé au champ lexical du désordre (unordentlich). La rupture de l’harmonie perpétrée par le carnaval peut s’entendre de plusieurs manières. D’un point de vue méta­physique, on l’a vu, la satisfaction des sens comme unique objet du désir éloigne de la pensée de Dieu. Mais dans cette prédication, le désordre est aussi à comprendre de manière très concrète et sociale. Selon Erasmus Sarcerius, la vie de la cité est mise à mal par le carnaval car ce désordre trouble l’espace public. Sarcerius insiste sur le tapage que provoquent les « frères de carnaval » en rugissant de colère ou de plaisir dans les rues et les allées, en se répandant comme des abeilles anonymes par la ville52, donc dans un espace qui ressort de la juridiction temporelle. Commentant le quatrième commandement sur « l’obéissance à nos parents et aux autorités », le prédicateur propose d’ailleurs une lecture bien éloignée des conceptions cathartiques parfois attribuées au carnaval. Selon lui, le carnaval est un moment où les lois et règlements (edicten, geboten und befehlen53) sont tournés en dérision, ce qui « blesse la paix commune, et encourage la sédition et d’autres pratiques nocives, et empêche d’accomplir/d’observer le devoir d’obéissance54 ». De plus, le port des masques n’est pas présenté comme une pratique rituelle mais comme une manière de régler ses comptes dans l’impunité, provoquant rixes, voire meurtres55. Par cette allusion aux masques qui cachent les visages, l’auteur glisse du trouble de l’espace public et de la paix civique au trouble politique et au risque bien plus grave de sédition. Les pratiques carnavalesques ne sont pas des rites de cohésion sociale, mais des moyens de désobéir à l’ordre social et politique. Sarcerius ne se situe pas au plan symbolique du carnaval comme langage imagé pour parler de réalités sociales, mais au plan juridique du respect ou de l’infraction à la loi. On ne saurait être plus clair : obstacle à l’ordre public, le carnaval ne peut avoir sa place dans la société politique.

* * *

Ces deux prédications présentent dans une large mesure des arguments connus, caractéristiques de l’évolution de la pastorale religieuse protestante vis-à-vis du carnaval56. Mais c’est par la responsabilisation des autorités temporelles qu’elles se démarquent. Si cette thématique n’est pas le seul propos de la publication, son importance est mise en valeur par la place qu’elle prend dans le texte. L’auteur développe en effet ce thème en des points stratégiques. Les deux prédications sont encadrées par une préface et une postface qui sont deux admonestations directement adressées aux autorités. De plus, Sarcerius a l’habileté de développer des arguments nouveaux qui ne traitent plus du carnaval seulement en tant qu’il pose problème pour l’âme, mais en ce que certains aspects comme l’obéissance des sujets et le respect de l’ordre public en font un objet mondain susceptible d’être corrigé par le règne temporel.

En 1551 pourtant, l’idée de s’unir aux efforts du clergé pour éradiquer le carnaval dans son ensemble a quelque chose d’incongru pour le pouvoir temporel. Pourquoi se priverait-il d’une fête si utile à la diplomatie et à la cohésion civique ? En dépit de l’appel insistant à la coopération avec les autorités et d’une argumentation en des termes non seulement religieux mais politiques, la publication de la prédication contre le carnaval est un échec. L’année même où paraît l’ouvrage, le prince Moritz de Saxe fête le carnaval à Dresde en présence du duc Auguste de Saxe et du margrave Albrecht57. De plus, les chroniques signalent la tenue régulière du carnaval au cours du second xvie siècle. Cet échec tient avant tout à l’adhésion évidente des élites politiques au carnaval.

Cependant, comme si Sarcerius avait perçu l’évolution inéluctable de la disciplinarisation des mœurs en assurant « qu’avec le temps, ils tordraient le cou au carnaval58 », on observe un infléchissement important à la fin du xvie siècle. La législation contre le carnaval émane désormais des autorités politiques sous forme d’ordonnances ducales, de mandats ou d’interdictions. C’est que le carnaval a, entre-temps, été bel et bien identifié comme un ferment récurrent du désordre public. De nombreux documents énumèrent en effet les tumultes que produit la fête. En 1613, des étudiants ont suscité la colère des cordonniers en se moquant d’eux à travers une danse59. L’année suivante, les étudiants, toujours, se sont bagarrés cette fois avec des commerçants à l’occasion des défilés déguisés60… La liste des « tumultes » se poursuit ainsi jusqu’au début des années 163061. Cette évolution trouve son point d’orgue dans le mandat du 17 février 1630, publié le 19 février par le Conseil de Leipzig sur ordre du prince Georges, duc de Saxe. Celui-ci commande de se tenir à l’écart de toutes mascarades, défilés et circulations, de mener une vie calme et tranquille, et de se préserver de toutes moqueries et préjudices, en bref de rompre avec toutes les exubérances et indisciplines de la « nature carnavalesque » (Fastnachts-Wesen)62. Ce mandat semble donner tardivement un écho politique au programme répressif d’Erasmus Sarcerius.

Au terme de cette étude de cas, il semble possible de réévaluer les rapports entre carnaval et subversion en distinguant plus nettement les moments de celle-ci. Il est frappant de constater que les cas de carnavals qui dégénèrent en révolte et qui changent quelque chose de l’état de la société ne sont connus des historiens qu’à partir des conflits religieux du xvie siècle. C’est sans doute en généralisant les écrits des moralisateurs (protestants et bientôt catholiques) du xvie siècle que les historiens ont fait du carnaval une fête révolutionnaire et subversive. S’il est d’usage de critiquer la répartition sociale du rire et du sérieux chez Bakhtine, il semble donc qu’il faudrait aller plus loin en remettant en cause sa conception même d’un carnaval révolutionnaire. L’exemple de Leipzig rappelle le rôle de cette fête joyeuse dans l’entretien des liens nobiliaires et diplomatiques, tout autant que sa capacité à intégrer le corps civique de la municipalité. Le carnaval peut s’étudier autrement que dans un rapport de domination.

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1. C’est « le transfert de tout ce qui est élevé, spirituel, idéal et abstrait sur le plan matériel et corporel, celui de la terre et du corps », « le rire rabaisse et matérialise », Michael Bakhtine, L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Age et sous la Renaissance, Paris : Gallimard, 1970, p. 29.

2. Max Gluckman, Rituals of Rebellion in South-East Africa, Manchester : University Press, 1952.

3. Voir en particulier le chapitre sur le carnaval et spécialement p. 260, 268 et 280 dans Peter Burke, Popular Culture in early modern Europe, New York University Press, 2009 (1re éd. 1978). Pour des analyses similaires, voir aussi l’analyse des pièces de carnaval de Nuremberg faite par Samuel Kinser qui déclare « The play’s implications in fact subverted Nuremberg’s elite and official norms » (Samuel Kinser, « Presentation and representation : Carnival at Nuremberg, 1450-1550 », Representations 13 (1986), p. 18.

4. Emmanuel Le Roy Ladurie, Le Carnaval de Romans : de la Chandeleur au Mercredi des cendres, 1579-1580, Paris : Gallimard, 1979.

5. Formule empruntée à l’analyse synthétique de Suzanne Chappaz-Wirthner, Le turc, le fol et le dragon : figures du carnaval haut-valaisan, Neuchâtel : Éditions de l’Institut d’ethnologie – Paris : Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 1995.

6. Voir principalement Natalie Zemon Davis, Les Cultures du peuple, Rituels, savoirs et résistances au xvie siècle, Marie-Noëlle Bourguet (trad.), Paris : Aubier Montaigne, 1979 (1re édition 1965) ; pour une étude plus récente, voir Sebastian Kusche, « Ritual versus Disziplin. Wie die Fastnacht in Leipzig verschwand », Stadtgeschichte. Mitteilungen des Leipziger Geschichtsvereins e.V. Jahrbuch 2005, Markkleeberg : Sax-Verlag, 2012, p. 11-28.

7. À ce sujet, voir la préface de Natalie Zemon Davis dans Norbert Schindler, Karneval, Kirche und die verkehrte Welt, Zur Funktion der Lachkultur im 16. Jahrhundert, Jahrbuch für Volkskunde, 7 (1984) ; et voir Glenn Ehrstine, « Of Peasants, Women, and Bears : Political Agency and the Demise of Carnival Transgression in Bernese Reformation Drama », Sixteenth Century Journal, XXXI/3 (2000), p. 677.

8. Voir principalement : Anton Wilhelm Röselmüller, Das Leben und Wirken des Erasmus Sarcerius. Ein Beitrag zur Reformationsgeschichte, Kästner, 1888 ; Stefan Rhein, Günther Wartenberg (dir.), Reformatoren im Mansfelder Land: Erasmus Sarcerius und Cyriakus Spangenberg, Leipzig: Evang. Verlag, 2006 ; Lothar Berndorff, Die Prediger der Grafschaft Mansfeld : eine Untersuchung zum geistlichen Sonderbewusstein in der zweiten Hälfte des 16. Jahrhunderts, Potsdam: Universitätsverlag Potsdam, 2010.

9. Cité dans la correspondance de Valerius Krakau à Christoph von Karlowitz, Dresde, 11 février 1551, in Johannes Herrmann (éd.), Politische Korrespondenz des Herzogs und Kurfürsten Moritz von Sachsen. 5. Band. 9. Januar 1551 – 1. Mai 1552, Berlin : Akademie-Verlag, 1998, p. 83.

10. Cyriacus Spangenberg, Mansfeldische Chronica der erste Theil : von Erschaffung und Austheilung der Welt, und insonderheit von der Graueschafft Mansfelt, Eisleben, 1572 ; Petrus Albinus, Commentarius novus de Mysnia, oder, Newe Meysnische chronica, Wittenberg, Gedruckt durch Hans Lufft, 1580 ; Zacharias Rivander, Düringische Chronica Von Ursprung vnd Herkommen der Düringer, Auch allen ihren fürnembsten Geschichten vnd Thaten…, Franckfurt am Main : Spieß, 1581 ; Wilhelm Dilich, Hessische Chronica, Kassel, 1605 ; Zacharias Schneider, Chronicon Lipsiense, Leipzig, 1655 ; Johann Jacob Vogel, Leipzigisches Geschicht-Buch, Oder Annales, Lankisch, 1756.

11. Corpus novum Saxonicum…, Dresden : C. Bergen, 1660 ; Johann Christian Lünig (dir.), Codex Augusteus oder neuvermehrtes Corpus juris Saxonici worinnen die in dem Churfürstenthum Sachsen und darzu gehörigen Landen, auch denen Marggrafthümern Ober- und Nieder-Lausitz, publicirte und ergangene Constitutiones, Decisiones, Mandata und Verordnungen enthalten, nebst einem Elencho, dienlichen Summarien und vollkommenen Registern, Leipzig : Gleditsch, 1724.

12. L’ordonnance du duc Ernest et de son frère Albert, datée de 1482, est reproduite dans Corpus novum Saxonicum…, op. cit., p. 7.

13. Johann Jacob Vogel, Leipzigisches Geschicht-Buch, Oder Annales, Das ist, op. cit., p. 71.

14. Voir Sebastian Kusche, « Ritual versus Disziplin. Wie die Fastnacht in Leipzig verschwand », op. cit., p. 11.

15. Johann Christian Lünig (dir.), Codex Augusteus oder neuvermehrtes Corpus juris Saxonici, op. cit., p. 693-694.

16. Voir par exemple les mentions de la peste en 1495 et 1519 dans Gustav Wustmann, « Aus Leipzigs Vergangenheit », in Leipziger Kalender illustriertes Jahrbuch u. Chronik, Leipzig : Jachner & Fischer, n˚ 3, 1906, p. 37.

17. « zu der frewden des fastnachts tantzes vnd den frolichkeiten der burger vnd burgers sone zu bietten », n° 521, 16 février 1482, Carl Friedrich von Posern-Klett, Urkundenbuch der Stadt Leipzig, Leipzig : Giesecke und Devrient, 1868, p. 430.

18. Gustav Wustmann, « Aus Leipzigs Vergangenheit », op. cit., p. 73s.

19. Sur le terme drehgeld, voir Carl Wilhelm Theodor Schuster, Edouard Henri Emmanuel Adler-Mesnard et Adolphe Regnier, Nouveau Dictionnaire français-allemand et allemand-français, Paris : C. Fouraut, 1855, p. 1028. Gustav Wustmann, « Aus Leipzigs Vergangenheit », op. cit., p. 40s.

20. Marc Augé, Pouvoirs de vie, pouvoirs de mort : introduction à une anthropologie de la répression, Paris : Flammarion, 1977, cité dans Suzanne Chappaz-Wirthner, Le turc, le fol et le dragon, op. cit., p. 344.

21. Sur le récit qui suit, voir Johann Jacob Vogel, Leipzigisches Geschicht-Buch, Oder Annales, Das ist, op. cit., p. 56 ; Zacharias Rivander, Düringische Chronica Von Ursprung vnd Herkommen der Düringer, op. cit., p. 495-496.

22. « 1466 : Alß auch zu der Zeit Herman und Jörge reidesel deß stiffts zu Fulda feinde gewesen, und die stadt Geisa ingenommen und sonst viel dorff geplündert und verbrandt, ist Landgraff Ludwig denen Reideseln, Landgraff Heinrich dem Apt Reinhardo beygestanden : diß hat also einen unwillen zwischen beiden Fürsten veruhrsachet. Herzog Wilhelm zu Sachsen beider Fürsten angewanter und vätter sahe solche verbitterung der brüder ungern, und bracht so viel zu wege, daß er sie gen Herschfeldt zu einer gültlichen unterhandlungen zusammen bracht, darzu er dann auch Grafen Johan und Wilhelm zu henneberg gezogen. Wiewol man nun ganzer acht tage angewendet, und keinen fleiß vereinigung anzurichten gesparet, so ist es doch ohne einige frucht abgangen, in dem landgraff Ludwig Cathrinen von Brandenstein, welche ihm Herzog Wilhelm au seiner concubinen und beyschläfferin zu einer gemahlin erhoben, nicht vor eine Fürstin achten oder ehren wöllen, und ihm hierob den herzog zuwider gemacht. Daran dann Landgraff Heinrich nicht geringes gefallen getragen, der hoffnung, so die sachen zum kriege gerathen würden, deß herzogen beistand zu geniessen. Darumb luth er ihn auch folgents zur fastnachts freude gen Marpurg. Landgraff Ludwig zwar achtet dieses wenig, verfügte sich aber nicht so weniger mit 200 pferde zu Marggraff Albrechten zu Brandenburgk seinem vertrawten freunde, so wol die fastnacht mit ihm zu halten, als auff den nohtfall, seinem beistand zuerwerben, und ward also beyderseits die zeit mit frôligkeit danßen, thurniren und stechen, insonders aber zu Marburg, als Landgraff Heinrich den herzogen und seine gemahlin durch die Wederawische Grafen, Curten von Boineburgk und 600 reuter annehmen und zu Marpurg inführen lassen, mit grossem geprenge zugebracht. Under dessen bemühten sich beyderseits unterthane die feindschafft abzulegen, und hielten deswegen im früelinge auff dem Spiß ein zusammenkunnft, da dann landgraf Ludwig al seine beredter Herr seine sache selbsten vorgetragen, wiewol alles vergebens, sintemal etliche in allem das widerspiel L, Heinrichen beredeten. » Wilhelm Dilich, Hessische Chronica, op. cit., p. 249.

23. N’est-ce pas aussi le cas du carnaval de 1584 qui célèbre la réunion du roi Henri III et de son frère ? Nicolas Le Roux, « The Politics of Festivals at the Court of the Last Valois », in J. R. Mulryne et Elizabeth Goldring (dir.), Court Festivals of the European Renaissance: Art, Politics and Performance, Aldershot : Ashgate, 2002, p. 111.

24. Wilhelm Dilich, Hessische Chronica, op. cit., p. 304.

25. « sonst sind die iungen Herrn frolich, faren zu samen mit den narren glöcklin auff Schlitten, und die Frewlin auch, und bringen einander Mumenschantz », 14 février 1546, in D. Martin Luthers Werke, Kritische Gesamtausgabe (Weimarer Ausgabe), Br. 11, p. 300.

26. Wilhelm Dilich, Hessische Chronica, op. cit., p. 249 ; Johann Jacob Vogel, Leipzigisches Geschicht-Buch, Oder Annales, Das ist, op. cit., p. 46, 56 ; Zacharias Rivander, Düringische Chronica Von Ursprung vnd Herkommen der Düringer, op. cit., p. 495.

27. Johannes Bugenhagen, Von mancherley Christlichen sachen, tröstliche leren, Wittemberg : Hans Luft, 1531, fol. G iiv-G iiiiv.

28. L’expression est d’Oliver Christin. Voir Olivier Christin, La paix de religion : l’autonomisation de la raison politique au xvie siècle, Paris : Seuil, 1997, p. 122-132.

29. Jérémie Foa, « Peut-on être ami avec un hérétique ? L’exemple du règne de Charles IX (1560-1574) », Perspectivia.net, 2013, no 8, paragraphe 10.

30. Ibid., paragraphes 11 et 29.

31. Les travaux récents d’Olivier Christin mettent en avant une autre source intellectuelle de ces pactes d’amitié, l’Ethique à Nicomaque d’Aristote qui fait le lien entre les types de gouvernements et les types d’amitié au livre 8. Celui de la démocratie correspond à l’amitié entre les frères. Séminaire de l’EPHE, 27 janvier 2017.

32. Jérémie Foa, « Peut-on être ami avec un hérétique ? L’exemple du règne de Charles IX (1560-1574) », art. cit., paragraphe 21.

33. Erasmus Sarcerius, Zwo predigten Erasmi Sacerrij/ Eine wider das teuflische vnordentlische vnd vihische leben so man in der Fastnachts zeit triebt. Vnd die andere vom Fasten, Leipzig : Jacobum Berwaldt, 1551.

34. Ibid., fol. B.

35. Sarcerius et Bugenhagen étaient très proches. En fait, ce dernier a souvent recommandé Sarcerius pour qu’il obtienne différents postes. Il est donc très probable que Sarcerius ait eu la connaissance des positions de Bugenhagen sur le carnaval. Voir Anton Wilhelm Roeselmueller, Das Leben und Wirken des Erasmus Sarcerius: ein Beitrag zur Reformationsgeschichte, Annaberg : Kästner, 1888, p. 4-6.

36. Erasmus Sarcerius, Zwo predigten, op. cit., fol. Bii.

37. Ibid., fol. B ij-C iij.

38. En particulier dans De la liberté du chrétien (1520) : voir trad. d’Albert Greiner dans Martin Luther, Œuvres, t. I, éd. par Marc Lienhard et Matthieu Arnold, Paris : Gallimard-Pléiade, 1999, p. 839-863.

39. Rudolf J. Ramseyer, Die Fastnacht in Stadt und Kanton Bern. Geschichte und Brauchtum eines uralten Volksfestes, Überarbeiteter und bis in die Gegenwart ergänzter Vortrag, gehalten am 5. Februar 1999 an der Seniorenuniversität Bern, p. 9.

40. Erasmus Sarcerius, Zwo predigten, op. cit., fol. B ijv-Cv.

41. Sur la conception particulière de la discipline chez Sarcerius, voir Lothar Berndorff, Die Prediger der Grafschaft Mansfeld eine Untersuchung zum geistlichen Sonderbewusstein in der zweiten Hälfte des 16. Jahrhunderts, op. cit., p. 106-108.

42. Susan C. Karant-Nunn, The Reformation of feeling: shaping the religious emotions in early modern Germany, Oxford : Oxford University Press, 2010, p. 88.

43. Lothar Berndorff, Die Prediger der Grafschaft Mansfeld eine Untersuchung zum geistlichen Sonderbewusstein in der zweiten Hälfte des 16. Jahrhunderts, op. cit., p. 106.

44. « Viel mehr aber würde meine predigte nutz schaffen, wenn die weltliche Obrigkeit auch nach jrem ampte würde das befte thun, und dem freche wefen auff den gaffen, durch verbot einen abbruch thun », E. Sarcerius, op. cit., fol. A iiv.

45. TRE 36, p. 776-793 ; Karla Sichelschmidt, Recht aus christlicher Liebe oder obrigkeitlicher Gesetzesbefehl?: juristische Untersuchungen zu den evangelischen Kirchenordnungen des 16. Jahrhunderts, Tübingen : J. C. B. Mohr (P. Siebeck), 1995.

46. Le salut est possible par l’obéissance au règne temporel et l’exercice de sa liberté dans le règne spirituel par la grâce divine.

47. Je reprends ici l’analyse proposée par Lothar Berndorff dans le chapitre « Christliche Disziplin – Stände – und Schwerterlehre bei Erasmus Sarcerius », dans Lothar Berndorff, Die Prediger der Grafschaft Mansfeld eine Untersuchung zum geistlichen Sonderbewusstein in der zweiten Hälfte des 16. Jahrhunderts, op. cit., p. 106-120.

48. « Und die Obrigkeit aber von Gott hierzu verordenet, das sie nicht allein ires bestens warnemen sol, sonder auch für jre unterthanen getrewlichen sorgen, auff das sie thun, was recht ist, und sich mit einem züchtigen und unstrefflichen leben danckbar beweisen, zum zeugnis, das sie Gott den Vater zu irer seligkeit rechschaffen erstand haben. » E. Sarcerius, op. cit., fol. E iii.

49. « Als denn wo Gottes wort die hertzen treffe/ und der Obrigkeit ampte die leibe züchtige/ fo möchte die zeit dem unordentlichen und schedlichen fastnachts leben den Garaus machen », ibid., fol. A iiv.

50. « Darumb ist die weltliche Obrigkeit schüldig mit edicten und gesetzen/ dem rochlosen Fastnacht leben zuweren. » ibid., fol. C iiiv.

51. « dem freche wefen auff den gaffen, durch verbot einen abbruch thun », ibid., fol. A iiv.

52. « Denn ja des blerrens, ruffens, schreiens, jauchzens und bleckens in allen gassen und strassen kein ende, ziel, oder mas ist, desgleichen auch des umbher schwermens unnd lauffens, mit verdeckten und verlarfften angesichtern… », ibid., fol. B iiiiv.

53. Ibid., fol. B iiii.

54. « da wird gemeiner friede gekrencket, auffruhr unnd andere schedliche practiken beratschlaget », ou encore « zuvertstörung des gemeinen friedens vnd zuverhinderung pflichtiges gehorsams », ibid., fol. B iiii et fol. B iiiiv.

55. Ibid., fol. B iiiiv.

56. Cf. Deuxième partie, première sous-partie de ma thèse : Tiphaine Guillabert-Madinier, Les Combats de Carnaval et Réformation. De l’instrumentalisation à l’interdiction du carnaval dans les Églises luthériennes du Saint-Empire au xvie siècle, thèse de doctorat, Universités Sorbonne et Neuchâtel, 25 novembre 2017, Neuchâtel, Alphil (à paraître).

57. Voir la lettre du 11 février 1551 de Valerius Krakau à Christoph von Karlowitz, in Johannes Herrmann (éd.), op. cit., p. 83.

58. E. Sarcerius, op. cit., fol. A iiv-A iii.

59. Ibid., p. 351.

60. Ibid., p. 353.

61. Ibid., p. 405 ; Johann Christian Lünig (dir.), Codex Augusteus oder neuvermehrtes Corpus juris Saxonici, op. cit. p. 1507-1510.

62. « Anno 1630. […] Den 19 dieses [Februar] hat E. E. Rath das von Churfürstl. Durchl. Zu Sachsen ernstliche Mandat, wider das verdammliche Fastnachts-Wesen öffentlich anschlagen und publiciren lassen, dieses Inhalts : […] die bevorstehenden Fastnacht über und sonsten alles Mummens, Verlarffens und Umblauffens, sich gänzlich äussern und enthalten, ein stilles und eingezogenes Leben führen, und sich selbst vor Schimpff und Schaden hüten sollen, [welchen Ihr Churfürst. Durchl. gnädigsten Befehlich gehorsamste Folge zu leisten wir Pflicht-schuldigt, auch unseres tragenden Amts und Obrigkeit halben, zumahl bey ießiger hochanfehnlichen derer Churfürtsen, Graffen/herren und vieler vornehmer Gesandter Gegenwart,] die Bürger und einwohner allhier von aller üppigkeit und zuchlosen Fastnachts-Wesen abzumahnen ». Johann Jacob Vogel, Leipzigisches Geschicht-Buch, Oder Annales, Das ist, op. cit., p. 405.