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Journaux, revues et rapports de sociétés : 
des collections à découvrir

Sophie VIÉ

C’est le don de livres du pasteur Athanase Coquerel père (1795-1868) en 1865 qui est à l’origine de l’idée d’une bibliothèque du protestantisme au sein de la SHPF. S’ensuivent en 1866-1867 les legs de Fréderic Monod et de Sigismond Scherer1, qui apportent à la future bibliothèque des collections importantes de brochures et de journaux, reflétant les activités du protestantisme européen et américain. Cette première bibliothèque (1869) fut tout d’abord hébergée place Vendôme, dans l’appartement du président et bienfaiteur Fernand de Schickler, puis, les dons affluant, dans un appartement voisin. C’est à la date symbolique de 1885 (commémorant le bicentenaire de la révocation de l’édit de Nantes) que le baron de Schickler acheta les immeubles du 54 rue des Saints-Pères et fit aménager le bâtiment situé au fond de la cour en bibliothèque, où elle se trouve encore actuellement.

Ces dons reflètent les intérêts de leurs possesseurs précédents. Le pasteur Frédéric Monod (1794-1863), parmi ses nombreuses activités, est le principal rédacteur des Archives du Christianisme, de 1824 jusqu’à sa mort ; Les périodiques qu’il a légués à la SHPF sont un panel représentatif de journaux français et suisses pour le xixe siècle.

La collection des rapports de sociétés philanthropiques ayant appartenu au pasteur Sigismond Scheler (1792-1865) 2 a été léguée à sa mort par l’un de ses fils à la SHPF (1865). Cette collection, qui constitue la majorité du fonds coté T est une ressource inégalée sur les œuvres et institutions protestantes du xixe siècle en France et en Europe (Allemagne, Suisse, Belgique principalement) comme aux États-Unis. La cote « T » offre aujourd’hui une collection variée de rapports de sociétés savantes, d’assemblées générales et s’est élargie à des documents plus atypiques comme les appels de fonds et les circulaires des Églises. Décrits sommairement dans notre catalogue jusqu’en 2018, ces documents on fait l’objet d’un chantier de signalement plus détaillé initié pendant la période de fermeture de la bibliothèque en lien avec les travaux de rénovation des sous-sols. Ce chantier devrait aboutir fin 2020 à un versement de nouvelles notices dans notre catalogue et dans le SUDOC.

Ces deux collections originelles ont été enrichies par de nombreux nouveaux titres jusqu‘à aujourd’hui, essentiellement par des dons et échanges avec des sociétés savantes, en particulier huguenotes. Malheureusement, le mode d’entrée de ces documents est très mal renseigné (dons, abonnements, legs, échanges), ce qui ne favorise pas la connaissance de l’histoire de la constitution de ces collections. Ces dernières se déclinent en deux grandes catégories : d’une part, les journaux et les revues ; les bulletins paroissiaux d’autre part. Pour les titres régionaux et les bulletins paroissiaux, hier comme aujourd’hui, nous comptons notamment sur la bonne volonté des pasteurs pour les envois.

Les journaux et les revues

Après les dons importants des années 1865-18673, il a fallu les inventorier, les cataloguer et, le plus souvent, les relier. Les membres de Société s’y attelèrent, en particulier William Martin (1828-1905). Il a ainsi catalogué les legs Scherer et Monod, les manuscrits de la collection Coquerel (Calas, les papiers Rabaut, etc.), la correspondance de Duplessis-Mornay, les gravures et portraits, et rédigé les fiches du catalogue papier par auteur/titre et par sujet. On peut lui attribuer sans trop de risque d’erreur la paternité de la première cotation des périodiques de la BPF : le préfixe « J » pour « Journaux » suivi d’une séquence numérique. Pour une raison qui nous est inconnue, après J 469, ce préfixe de cote fut abandonné en faveur d’un « P » pour Presse et les périodiques étrangers reçurent une cote spécifique : PAN pour le monde anglo-saxon, PAL pour le monde germanique et l’Empire Austro-Hongrois, et P in F° pour les périodiques de grand format. Malheureusement, nous ne pouvons pas retracer l’histoire de cette évolution des cotes, les archives de la Société étant lacunaires à ce sujet.

Après la guerre de 14-18, la question des périodiques n’apparaît plus dans les comptes rendus des réunions du Comité jusqu’aux années 1970, période de modernisation de la bibliothèque. Cette modernisation et la redynamisation de la bibliothèque dans les années 1970 entraîna un manque croissant d’espace de stockage. L’aménagement des caves est donc lentement envisagé, le coût financier d’un tel projet n’aurait pas pu être assumé par la Société surtout juste après les travaux de chauffage en 1969. Nous n’avons que peu de précisions sur l’état des caves avant cette date, les premiers rayonnages, fixes et en bois, sont installés le long des murs en 1965 pour abriter la collection des Bulletins. Des tableaux, bustes, cartons sont entreposés dans les différentes caves.

En 1977, le pasteur Denis Vatinel, en charge de la bibliothèque de 1975 à 1982, fait poser des compactus au fond de la cave : on y entrepose des archives en attente de tri et de classement (archives du Consistoire de Paris, papiers du pasteur Boegner), ainsi que les Bibles de la Société biblique de Paris (jusqu’en 1990). Il demande en 1978 une autre installation de compactus pour y placer les périodiques morts, dont la collection de rapports de Sigismond Scheler décrits ci-dessus.

En 1986, une réflexion concernant un projet de réaménagement de la cave 5 en salle d’exposition n’aboutit pas. En 1991, l’éclairage étant déficient depuis plusieurs années, des néons sont posés dans toutes les caves, avant la pose de nouveaux compactus les années suivantes pour faire face à l’accroissement des collections.

En même temps que s’opéraient les différents aménagements des espaces, une plus grande attention a été portée à la conservation et au signalement des collections. Mme Robequain, une des bénévoles de la Société, s’occupa à la fois du reconditionnement matériel des documents en boîtes d’archives et des états de collection aboutissant en 1977 à la constitution du fichier des périodiques vivants. Elle fit la distinction entre périodiques vivants et morts : ceux dont la parution courait encore étaient stockés au 2e étage et les autres furent descendus à la cave avec une nouvelle cote « SP » (S pour sous-sol et P pour périodique).

Ce travail de longue haleine aboutit aux 1 450 fiches rédigées par Mme Salon, autre bénévole assidue, pour le Catalogue collectif national des publications en série (CCNPS), l’ancêtre du SUDOC et qui sera mis en ligne dès 1998. Mme Salon continua en parallèle à inscrire les périodiques reçus dans le fichier dit « cardex » chaque semaine jusqu’en 2005.

À la faveur du réaménagement du 2e étage de la bibliothèque, les périodiques vivants ont rejoint les « SP » dans les caves, après une mise à jour et un enrichissement de leur état de collection par Florence Poinsot4 en 2006-2007. Ces états de collection ont ensuite été transmis au SUDOC, pour que les notices de ce catalogue corresponde à la réalité des collections physiques. Enfin, pendant les travaux de 2019, il a été décidé de recoter nos collections5 en commençant par les périodiques morts. Les nouvelles cotes sont des variations du préfixe « PER » suivi du format et/ou de langue et d’une séquence numérique : un périodique en anglais de plus de 25 cm est donc coté ainsi : PER 4° ANG xxx.

Les grands formats sont systématiquement dépliés et conservés à plat pour éviter les pliures et déchirures, les volumes reliés sortis des boîtes d’archives. Un grand nombre de boîtes de conservation en carton neutre de différents formats ont été acquis pour remplacer les boîtes d’archives usagées et défraîchies. Les états de collection sont vérifiés et mis à jour directement dans le SUDOC. En même temps, les notices des périodiques sont également vérifiées et complétées. Ces données pourront être basculées très facilement par les équipes du SUDOC dans notre catalogue Cassiopée.

Sur le papier collé sur la ficelle, le n° 61 est la cote du xixe siècle : 
« v. 22 juin [18]68 » ; le P 164 est la cote donné dans les années 1970 (?).

Les bulletins paroissiaux

Parfois simplement ronéotypé, ou sous la forme d’une feuille A4 pliée, les bulletins paroissiaux sont pourtant une source inégalée d’histoire régionale et locale. On y trouve invariablement l’éditorial du pasteur, souvent teinté de politique locale, les rubriques habituelles comme la tenue des réunions des Unions Chrétiennes de Jeunes Gens (UCJG), les annonces de quêtes pour les Missions, les baptêmes, mariages et enterrements célébrés dans la paroisse ou l’église locale, mais aussi des petites annonces, des articles historiques sur le protestantisme national ou régional, des conseils pour « la mère de famille », etc. Les numéros des deux guerres mondiales, des événements de 1968 ou pour les paroisses ou églises locales des anciennes colonies, la période de la décolonisation sont particulièrement instructifs. Le format du bulletin, la qualité de son papier, les changements de périodicité par exemple, nous renseignent aussi sur les revers de fortune de la paroisse ou église locale, et du degré d’implication des paroissiens et du pasteur.

Pour compliquer la tâche des chercheurs, les bulletins paroissiaux ont généralement un titre général. La BPF possède ainsi une trentaine de Lien de Tananarive à Nîmes en passant par Saigon et Colmar, une vingtaine de Le protestant de … (périodiques régionaux pour la plupart) de la Tunisie à la Brie, une quinzaine d’« Échos », une quinzaine de sobres Bulletin de l’église réformée de … ou des métaphoriques Le Semeur, Le Glaneur, La Gerbe ou La Lumière, L’Etincelle. Dans ces conditions, même si nos collections sont signalées dans les catalogues collectifs tels le SUDOC ou le CCFR, comment trouver facilement le titre qui pourrait nous intéresser ? Une réflexion sur la manière de décrire ce type de document devra être menée dans les prochains mois, afin de mieux mettre en valeur cette collection exceptionnelle et d’en faciliter l’accès.

Cette catégorie de périodiques est peu exploitée car méconnue et très difficile à repérer pour de nombreuses raisons. Premièrement, la presse paroissiale n’a pas toujours fait l’objet d’un dépôt légal à la Bibliothèque nationale de France, surtout les plus anciens titres. Elle n’est que très rarement conservée dans les bibliothèques municipales, plus souvent dans celles des archives départementales, mais de façon aléatoire et hétérogène selon les régions. Notre collection de bulletins paroissiaux (une petite centaine) est constituée d’un grand nombre d’unica, c’est-à-dire de titres qui n’existent qu’à la BPF et nulle part ailleurs.

L’Écho du temple : bulletin mensuel des protestants orléanais, juin 1929 : 
pasteur Franck Berton

En conclusion

Notre collection de périodiques comprend plusieurs ensembles très spécifiques comme les périodiques d’éducation, de la Croix-Bleue à L’Ami de la Jeunesse, le fonds des périodiques des éclaireurs et éclaireuses (presse nationale, régionale et journaux de troupes) ou encore un bel ensemble de périodiques protestants italiens. Mais force est de constater que cette collection reste très largement sous-exploitée.

Pour valoriser ces ensembles, les catalogues collectifs ne sont pas forcément les meilleurs outils, même s’ils restent indispensables. Des dossiers documentaires thématiques et/ou régionaux sur notre site tels que « La presse protestante de l’Ouest » ou « la presse protestante de jeunesse » pourraient être une piste pour mieux faire connaître ces fonds inexploités à un large public.

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1. Ces deux noms figurent aux côtés des ceux d’Athanase Coquerel père et fils, dans la contre-allée de droite en entrant dans la bibliothèque, au niveau du bureau de la présidence de salle. Ils apparaissent en lettres dorées sur fond noir, rythmant ainsi le pourtour de la salle de lecture au rez-de-chaussée.

2. Il fut également bibliothécaire du roi des Belges Léopold Ier de 1832 à sa mort en 1865.

3. Dans le numéro spécial du cent cinquantenaire de la SHPF, Jean-Daniel Pariset avance le chiffre de 7 000 volumes entrés à la bibliothèque à cette période : « La Bibliothèque de la Société et ses trésors », BSHPF 148, (2002), p. 763.

4. Bibliothécaire à la SHPF de 2004 à 2015.

5. Les anciennes cotes figurent ou vont figurer dans notre catalogue, en fonction des mises à jour régulières des notices.