« Noire, belle » : Kàddug Yàlla gi
Une traduction nouvelle de la Bible en wolof
George Joseph est professeur émérite de Français et d’Études francophones à Hobart & William Smith Colleges. Après l’obtention d’un PhD de Français à Indiana University (Renaissance), il a étudié le problème de la traduction des écrits bibliques, avec un ouvrage sur Clément Marot, Boston, 1985. Il a ensuite étudié les littératures africaines à Dakar, obtenant un « Certificat des littératures d’Afrique et de Madagascar » en 1972-73. Il a continué à travailler dans ce domaine à Colgate Rochester Divinity School, Rochester, NY, publiant sur la poésie orale wolof et la traduction de la Bible en wolof. Voir « Women’s Tattooing Songs from West Africa », Women’s Songs from West Africa, ed. Thomas A. Hale and Aissata G. Sidikou, Bloomington and Indianapolis : Indiana University Press : 2014, p. 151-159 ; « An “Unintended” Reader Writes Back : Linguistic Ecological Considerations of the Evangelical Translation of the Bible into Wolof », Eco-Imagination : African and Diasporan Literatures and Sustainability, ed. Irène Assiba d’Almeida, Lucie Viakinnou-Brinson, Thelma Pinto, African Literature Association Annual Series.16, Trenton, NJ : Africa World Press, 2014, p. 283-296 ; « Reading Wolof Bible Translations with Muslims », Bible Translation and African Audiences, ed. Ernst R. Wendland and Jean-Claude Loba-Makote, Acton Press, Nairobi, Kenya, 2004, p. 86-99. – « La Pédagogie des griots », Diagonales : La revue de la francophonie linguistique, culturelle, éducative, 47 (August 1998), p. 21-23 ; « The Wolof Oral Praise Song for Semu Coro Wende », Research in African Literatures 10, 3 (1979), p. 145-178.
L’auteur remercie la Commission Fulbright et Hobart & William Smith Colleges qui ont apporté leur soutien à ce travail.
« Je suis noire, belle » : ce que la bien-aimée du Cantique des Cantiques (1, 5)1 y dit-d’elle-même, l’écrira-t-on de Kàddug Yàlla gi (la Parole de Dieu), traduction de la Bible en wolof mise en chantier il y a cinquante ans environ, déjà partiellement accessible, et qui devrait être publiée en son entier en 2024 par la Mission Baptiste du Sénégal.
L’équipe de ses traducteurs a été constituée au titre de la société missionnaire WorldVenture au Sénégal, désignation actuelle de la Conservative Baptist Foreign Mission Society créée à Chicago en mai 19432. WorldVenture se définit comme une organisation missionnaire chrétienne évangélique. Elle se présente moins comme une Église que comme une « famille » de croyants qui adhèrent à une série d’énoncés doctrinaux dont le premier est : « Nous croyons que la Bible est la Parole de Dieu écrite par des hommes divinement inspirés comme aucun autre ne le fut. Elle est totalement crédible et elle est l’autorité ultime en matière de foi et de conduite de la vie. » Faut-il voir là un paradoxe ? Cette déclaration d’allure « fondamentaliste » n’interdit pas aux traducteurs la lecture des éditions critiques contemporaines du texte massorétique de l’Ancien Testament, du texte grec du Nouveau Testament et des variantes qui y sont recueillies, ni des versions telles que la Syriaque, la Septante ou la Vulgate, dans l’approche de l’hypothétique texte original des écrits bibliques. Celles et ceux qui animent cette Équipe de la traduction évangélique en wolof – désormais : ÉÉ3 – se présentent comme des chrétiens qui ont connu une « nouvelle naissance /born-again Christians ». Du fait de ce qu’ils désignent comme leur abandon à Christ, ils s’estiment spirituellement aptes à faire entendre le message qu’ils discernent dans les textes bibliques grâce aux compétences linguistiques et culturelles qu’ils ont acquises.
Quelques points sont à noter ici.
Le projet de l’ÉÉ est donc évangélique par son origine, ses agents, son financement et son objectif. Marilyn Escher, qui coordonne l’ÉÉ, préfère la qualification d’évangélique à celle de protestante, malgré l’usage qui est parfois fait du premier terme dans la société américaine, et elle s’accorde à la définition que l’on en donne couramment4.
En second lieu, WorldVenture, qui revendique les précédents d’Érasme, de William Tyndale et de Martin Luther, affirme que traduire la Bible, c’est répondre à un ordre divin. C’est là une attitude claire, énoncée au sein d’un milieu islamisé où la traduction du Coran peut susciter des réticences.
Troisièmement, l’ÉÉ, que dirigent des missionnaires baptistes, vise à provoquer une réponse religieuse dans le public qui est visé : il s’agit là d’un prosélytisme a-confessionnel qui ne s’arrête pas à la production d’une traduction. « Au-delà de la syntaxe », il s’agit de provoquer un mouvement spirituel chez les lecteurs et auditeurs, par les émotions, raisonnements, questions et décisions d’ordre religieux5. Cependant aucune dénomination, aucune Église particulière n’est assignée comme destination à une personne qui, ayant lu la Bible et s’en étant approprié tel ou tel élément, aurait connu un déplacement spirituel qui peut la conduire soit vers une assemblée locale déjà existante, soit vers la création d’une église nouvelle si la réponse est collective.
Enfin – et ceci est fondamental dans la conduite du travail de traduction –, l’ÉÉ s’adresse à une population rurale bien identifiée s’exprimant dans une langue spécifique : « le wolof régional soutenu6 ». Les destinataires ont le wolof pour langue maternelle, et ils peuvent être illettrés quant au français. Ce « wolof régional soutenu » est une langue commune fondée sur le wolof des campagnes dont le vocabulaire est plus extensif et la grammaire plus complète que dans le « wolof urbain », contaminé par le français et souvent réduit au statut de langue véhiculaire pratiquée pour le commerce et les affaires. Il est imprégné par la langue des traditions orales et des sermons que prêchent les imams (xudbakat) à la radio et à l’assemblée du vendredi à la mosquée. Il requiert aussi le choix d’un niveau élevé de style et un vocabulaire exempt de termes familiers ou vulgaires. Enfin, le souci de « clarté » prévaut. La langue d’arrivée ne sera pas « déformée » pour faire place à des hébraïsmes ou des hellénismes, car on ne s’adresse pas ici à des universitaires ! Dans la suite de cet article, nous voulons présenter la résolution de quelques problèmes linguistiques par l’ÉÉ, sans toutefois ignorer que ses choix religieux y contribuent.
L’ÉÉ peut s’appuyer sur des travaux antérieurs.
Ainsi Mgr Kobès (1820-1872), de la Congrégation catholique romaine du Saint Esprit, avait-il entrepris de traduire la Bible, pour une Église catholique qui, dans le Sénégal du xixe siècle, faisait porter l’essentiel de ses efforts sur la production d’ouvrages didactiques tel le catéchisme.
Du côté protestant, il faut compter avec les travaux de François Villéger, agent au Sénégal de la Société des Missions évangéliques de Paris, de 1870 à 1879, puis avec les traductions élaborées au sein de la Mission méthodiste de Gambie à partir de 18797. De Villéger, les traductions des Évangiles de Matthieu et de Jean sont encore disponibles. Il a utilisé les grammaires catholiques et leur graphie fondée sur l’alphabet latin, mais a reconnu qu’il fallait utiliser le wolofal – l’un des adjamis utilisés en Afrique occidentale –, c’est-à-dire une transcription du wolof dérivée de l’alphabet arabe. Les méthodistes gambiens, venus plus tard, ont créé leur propre alphabet comme on peut le voir dans ce qui subsiste de leur traduction de l’Évangile de Matthieu.
En 1962, le missionnaire anglais Eric Church est arrivé en Gambie sous les auspices des Assemblées des Frères larges8. Bien que lui et son épouse Eithne aient fini de traduire en 1967 l’Évangile de Matthieu et le Livre des Actes, Eithne Church ignore si son mari a jamais vu la traduction complète établie par la mission méthodiste en Gambie. Eric Church est le premier coordonnateur de l’ÉÉ dont il est comme le fondateur. Diplômé du London Bible College9, il a poursuivi ses études au Sénégal10, et a collaboré au Dictionnaire wolof-français de A. Fal, R. Santos et J.-L. Doneux, un dictionnaire rédigé dans l’alphabet latin, désormais officiel au Sénégal11. Il a pris sa retraite en 1990 et, jusqu’à son décès survenu en 2003, il a collaboré avec l’ÉÉ depuis la Grande-Bretagne où il s’était retiré.
Marilyn Escher, qui travaillait avec lui depuis 1972, lui a succédé. Américaine, elle est un agent de WorldVenture. Après l’obtention d’un B.A. en Anglais (Wheaton, Illinois) et d’un M.S. à l’Université de Hawaii, elle a suivi des cours sur les langages bibliques dans divers séminaires et au Summer Institute of Linguistics (SIL International)12. Elle est la coordinatrice des traducteurs, mais aussi des contrôleurs, relecteurs et réviseurs auxquels les premières traductions sont soumises13. M. Escher a notamment veillé, selon les conseils de E. Nida, à « nationaliser le projet » de traduction – selon son expression –, c’est-à-dire à permettre à des locuteurs dont le Wolof est la langue maternelle de traduire directement à partir des langues bibliques, ce qui est conforme à un principe de WorldVenture.
Pour l’Évangile de Matthieu, il a été fait appel à Maguette Fall, un Mouride14, descendant de l’un des damels, rois qui ont administré le royaume de Cayor, au cœur du territoire où l’on parle le wolof. M. Fall, bon connaisseur des traditions orales des griots royaux associés à sa famille, fut aussi envoyé à l’École des fils des chefs, une institution française créée pour endoctriner les enfants de la noblesse colonisée.
Mbaye Mbengue Fall succéda à son père pour traduire la suite du Nouveau Testament. Alors que son père n’avait jamais renoncé à l’islam, il déclara être devenu chrétien.
Les Fall durent s’en remettre d’abord à des traductions des textes hébreu et grec fournies par les missionnaires, puis Mbengue Fall, auparavant étudiant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, fut envoyé la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine pour acquérir une formation en langues bibliques.
Mamadou Diop prit la suite de Mbengue Fall, décédé en 2000. Musulman dans sa jeunesse, M. Diop en fut plus superficiellement influencé par l’islam que Mbengue Fall et il avait une moindre maîtrise de la langue arabe. À l’Université Cheikh Anta Diop, il obtint une maîtrise de mathématiques en 1982, puis une maîtrise de littérature anglaise en 1992. Il suivit aussi des cours au Centre de Linguistique appliquée de Dakar (CLAD), avant d’étudier l’Hébreu, d’abord au Wycliffe Center d’Horsleys Green (Buckinghamshire), ensuite à Jérusalem, au Centre des traducteurs de la Bible affilié à l’Université hébraïque de Jérusalem. Des études personnelles en hébreu moderne, arabe et grec enrichirent sa formation. On notera que, conformément aux directives de WorldVenture, ni Mbaye Mbengue Fall ni M. Diop n’eurent à prendre un nom chrétien ni à s’habiller à l’occidentale quand ils devinrent chrétiens. Leur christianisme devait rester local.
Ainsi constituée, et après avoir commencé par l’Évangile de Matthieu, l’ÉÉ a publié en fascicules diverses sections du Nouveau Testament, ce qui a conduit à en diffuser une édition complète, Kàddug Dëgg gi (« Parole de Vérité ») : Kóllëre Gu Bees Gi15.
L’ÉÉ a également créée un site : www.biblewolof.com qui inclut la traduction des textes bibliques, dans l’alphabet officiel et en wolofal ; elle a aussi procédé à des enregistrements oraux. Le site inclut encore des applications pour iPhone (Android et Kindle), ainsi qu’un dictionnaire wolof – anglais/français/allemand.
Pour réaliser la traduction, l’ÉÉ adopte une procédure longue, décrite dans un document interne intitulé « Principes proposés pour la traduction de la Bible en wolof ». Trois étapes y sont distinguées. Une première traduction est rédigée. Elle critiquée et révisée au sein de l’Équipe en même temps qu’il est procédé à de premiers tests de compréhension auprès de personnes qui lui sont extérieures. Puis cette révision est distribuée plus largement dans des Églises et des assemblées qui sont invitées à présenter leurs observations, à noter des difficultés et faire des suggestions. Enfin le texte est repris et discuté au sein de l’ÉÉ, le premier traducteur ayant la charge de rédiger la version finale. Pendant ce temps, la formation continue des traducteurs, contrôleurs et réviseurs est poursuivie.
L’ÉÉ travaille en référence aux écrits de E. Nida (1914-2011), de l’Alliance Biblique Universelle, auteur de nombreux manuels à l’intention des traducteurs16.
Il demande que soit d’abord déterminée la signification d’un texte biblique pour le public auquel il était originellement adressé. Les membres de l’ÉÉ sont donc parties prenantes aux recherches sur la tradition textuelle, la rhétorique, le lexique, la sémantique, la « forme » et les « fonctions » des textes bibliques et l’histoire de leur interprétation. Comme E. Nida, ils veillent au respect des niveaux culturels et linguistiques des divers publics visés, du plus simple au plus érudit, et ces opérations ont pour eux un intérêt plus qu’instrumental : leur traduction sera donc le fruit d’un véritable travail herméneutique17. Leurs modèles ne sont pas le « français fondamental » ni le « today’s English », et ils maintiennent un niveau de langue analogue à celui qui est recherché dans la Bible du Semeur18. Ils y ajoutent le souci de parvenir à une traduction destinée à la lecture privée autant qu’à un usage public dans des situations liturgiques, sans transiger sur le maintien d’un wolof soutenu. Les emprunts à des traductions catholiques jugées trop influencées par la langue sérère, l’une des autres langues nationales du Sénégal, s’en trouvent réduits, de même que la possibilité de contribuer à une traduction œcuménique, par souci d’éviter des contraintes issues de la tradition catholique19. L’ÉÉ se donne en effet pour règle le respect de la culture du public ciblé, de sa religion, de ses traditions et pratiques quotidiennes, autant que de sa langue.
Il faut ajouter ici que WorldVenture nourrit le projet, qui reste à financer, de traductions dans d’autres niveaux de wolof, par exemple en « wolof urbain fondamental ».
La culture théologique des membres d’une association telle que WorldVenture reste évidemment attestée tout au long du travail de traduction. Ainsi, quand M. Escher s’exprime sur la dimension « religieuse » de son travail et de celui de ses collègues, elle évoque volontiers – citant Paul Ricœur – la transformation spirituelle que le travail de traduction opère en ceux qui s’y emploient. Ils sont comme emportés dans un processus herméneutique qui transforme leur compréhension du message biblique en même temps que leur travail de traduction « enrichit » un texte qui est le lieu de la révélation d’une Parole, et pas seulement un porteur d’informations. M. Escher et ses collègues se voient engagés – à partir de leur recherche d’équivalences dynamiques et d’un transfert de signification – dans un dialogue interprétatif avec les destinataires de la traduction, tous progressant ainsi vers « une révélation plus pleinement multiculturelle ». Ils contribuent alors à la création d’un « christianisme mondial » au sens que lui a donné Lamin Sanneh20. Persuadée de « mettre à bas le mur de Babel » parce qu’avec ses collègues, elle contribue à détruire l’incompréhension entre des locuteurs de langages divers, M. Escher situe parfois son travail dans la perspective de la Pentecôte chrétienne, évoquant l’assistance de l’Esprit saint. Elle et ses collaborateurs se joignent ainsi au « voyage spirituel » auquel ils invitent leurs lecteurs et auditeurs, tous étant invités à donner une réponse à leur lecture d’écrits bibliques devenus accessibles.
On ne peut pas, dans les limites d’un article, rendre compte de l’ensemble du travail accompli par l’ÉÉ. Pour en suggérer l’ampleur, la méthode et le résultat, nous avons retenu des exemples, jugés significatifs, de la traduction en wolof soutenu de passages de l’Épître aux Romains, puis d’un verset problématique du Cantique des cantiques et enfin d’éléments du vocabulaire de l’Évangile de Jean.
L’Épître aux Romains : la justification par la foi
L’importance de l’Épître aux Romains pour des chrétiens protestants est bien connue, et sa traduction a toujours conduit à de vifs débats et des choix divers. À ce propos, l’ÉÉ se situe dans une tradition théologique et herméneutique qui lit dans l’épître paulinienne la distinction de deux étapes dans le processus de la justification par la foi. M. Escher, énonce clairement ce point. Le sacrifice de Jésus-Christ apporte un pardon inconditionnel, « sauvant les hommes du pouvoir du péché et de la mort, se substituant aux hommes pour payer la rançon due à Dieu » : c’est là une première étape dont on peut parler d’un point de vue quasiment juridique. Suit une seconde étape dans laquelle il est question de l’appropriation par le fidèle de cette justification devant Dieu qui est proposée. La réalisation de la libération, ou du salut, ou de la restauration, apportée par le Christus victor est conditionnelle : « L’auditeur de la prédication est en effet placé devant une alternative : ou bien suivre l’Esprit ou bien consentir au pouvoir du péché qui demeure en nous, et cela jusqu’à notre mort ». Reconnaître la nécessité de ce choix est comme un début de conversion à la foi chrétienne21.
De la traduction, il est alors attendu qu’elle marque bien l’originalité de ce processus de la justification par Dieu et devant Dieu en deux étapes, afin d’éviter toute confusion avec la religion pratiquée par les auditeurs. Pour distinguer ces deux étapes de la justification « paulinienne », l’ÉÉ puise dans le vocabulaire wolof et, après un temps d’hésitation, retient deux termes pour traduire δίκη (« justice ») et ses dérivés – à savoir jub et njekk. Ils apparaissent dans la traduction de Romains 5, 18 :
Ἄρα οὖν ὡς δι’ ἑνὸς παραπτώματος εἰς πάντας ἀνθρώπους εἰς κατάκριμα, οὕτως καὶ δι’ ἑνὸς δικαιώματος εἰς πάντας ἀνθρώπους εἰς δικαίωσιν ζωῆς•.
Kon nag noonee moyug kenn jure mbugalu nit ñépp daal, noonu la jenn jëfu njekk jurale ñépp dundin wu yees ci kaw àtteb njub bu leen jenn jëf ja may22.
Njub23, c’est « l’œuvre de justice d’un seul » (Christ) qui concerne tous les hommes, en ce sens qu’elle ouvre une possibilité pour tous. Njekk désigne la deuxième étape de la justification et décrit la qualité de la vie de l’homme justifié. Ce terme fait référence au terme hébreu / tsadik. M. Diop s’en explique : « L’idée de justice au sens purement légal du terme est souvent, à juste titre, traduite par njub, dëgg ou yoon. Mais si nous voulons vraiment restituer le sens de tsadik compris comme acte de justice – en anglais « a righteous act » –, njekk est sans doute le mot qu’il nous faut ». Et M. Diop de poursuivre : « En effet ce njekk décrit l’intention ou l’acte qui rencontrent l’approbation de Dieu. Et ce sont précisément de telles intentions ou de tels actes qui, dans la conception musulmano-wolof font tenir leur auteur pour tsadik aux yeux de Dieu ». M. Escher marque le contraste entre njub et njekk par une analogie, approximative, empruntée à Steve Diehl, co-fondateur des Forgiveness Ministries24 : « Njub évoque un tribunal où siège un juge en robe noire. Il lui revient de prononcer la sentence, en l’occurrence la peine capitale. Puis il annonce que la peine est suspendue du fait de la mort de Christ sur la croix. Si le condamné accepte une telle remise inconditionnelle et se repent – c’est-à-dire reconnaît sa faute et s’en détourne – le juge njub quitte son banc, se transforme en njekk, enfile une blouse blanche de médecin et entreprend de changer les conséquences destructrices de la faute, jusqu’à rendre une récidive impossible et réconcilier les diverses parties du procès entre elles, selon ce qui est écrit dans Romains 5, 18 ». Ainsi l’homme justifié par Christ est-il libéré de tout un système qui conduit à la mort, par le paiement d’une rançon, terme biblique que l’ÉÉ traduit par jot.
M. Escher précise encore : « Dieu aime le pécheur et prend l’initiative d’une réconciliation ; Dieu hait le péché et est offensé par le péché, c’est pourquoi il intervient par Christ, pour apporter la réconciliation. Christ n’est en effet pas venu pour condamner, mais pour sauver… Notre emploi de jot (racheter, rédimer, s’acquitter d’une rançon) et de njekk (la justice miséricordieuse) provient en droite ligne de notre traduction du Lévitique et d’autres textes vétérotestamentaires. Jot apparaît en Ex 4, 25 (Cippora désignant Moïse comme un époux racheté, c’est-à-dire sauvé de la mort, par le sang ; Ex 13, 15 : les premiers-nés rachetés, c’est-à-dire sauvés de la mort (voir aussi 34, 19 ; Nombres 3, 12-13 ; 18, 15-17) ; 21, 8 : le rachat de la servante ».
La différence la plus claire entre jot désignant ce rachat miséricordieux par une rançon, et le terme islamo-wolof usuel pour pardon – baal se rencontre dans la révision par l’ÉÉ de la traduction du terme « τὸ ἱλαστήριον – le propitiatoire » dans l’Épître aux Hébreux 9, 5. Le propitiatoire est le kubeeru njotla (Nombres 3, 12-13 ; 18, 15-17 – kaporeth en hébreu), le lieu de l’expiation. Dans un premier temps, baalukaay avait été retenu, puis njotlaay fut préféré, pour souligner la distinction entre pardon islamique d’une part, chrétien d’autre part.
L’étude du vocabulaire utilisé par l’ÉÉ pour rendre compte de la justification par la foi en Christ montre comment ses options doctrinales – les deux étapes de la justification – commandent au choix des mots. La volonté de rompre avec les termes coraniques et islamiques joue aussi son rôle. C’est ainsi qu’on a vu le terme baal supplanté par njot. De plus, l’objectif missionnaire explique le choix des termes. Il s’agit de substituer une expression non coranique à une expression coranique. On pense ici à la fête de Korite (Eid al fitre) qui marque la fin du Ramadan, au cours de laquelle une salutation wolof habituelle est couramment employée : baal ma aq (veuille me pardonner pour les péchés ou méfaits que j’ai commis à ton encontre). À quoi on répond : baal na la (je te pardonne), ou bien : Yàlla nanu Yàlla boole baal (Puisse Dieu vous pardonner à tous). L’abandon du lexique de ces formules créée-t-il un obstacle à la compréhension ou ouvre-t-il la possibilité de communiquer une nouvelle réalité ?
Rappelons à nouveau que, pour les traducteurs de l’ÉÉ, traduire est davantage qu’un exercice académique. C’est – à les lire – un acte qui naît de leur foi et l’augmente en même temps qu’ils souhaitent « allumer » en retour un mouvement spirituel chez les destinataires de leur traduction.
Cantique des Cantiques 1, 5
Bel exemple de la résolution à frais nouveaux des questions maintes fois posées aux traducteurs anciens du Cantique des Cantiques, le verset 5 du premier chapitre :
« וְֽנָאוָ֔ה אֲנִי֙ שְׁחֹורָ֚ה25. » En wolof : damaa ñuul, rafet (je suis noire, belle).
Comment en effet traduire le vav du texte massorétique en évitant toute « racialisation » de la beauté et sans heurter la sensibilité de lectrices et de lecteurs sénégalais ?
Dans des temps et des lieux où la blancheur était canonique, la traduction de ce vav suggérait comme une contradiction : une femme peut-elle être à la fois noire et belle ? Ainsi la Vulgate : « Nigra sum sed formosa » ; la Bible dite d’Olivetan, Neuchâtel, 1535 : « Je suis brune / mais plaisante » ; ou encore Louis Segond : « Je suis noire, mais je suis belle ». Une explication, voire une excuse, était alors souvent trouvée au verset 6 où la femme lie son teint sombre à son travail dans les champs. Ce teint est un caractère acquis, d’où la TOB : « Ne faites pas attention si je suis noiraude/Si le soleil m’a basanée ».
On sait cependant que la Septante rend ce vav par la conjonction de coordination καἰ. D’où le choix des rédacteurs de la NRSV26 : « I am black and beautiful » (Je suis noire et belle). Les traducteurs de l’ÉÉ savent aussi reconnaître la légèreté de la valeur de la particule hébraïque vav 27« וְֽ ». C’est pourquoi ils ont usé de la figure dite asyndète – l’absence de conjonction entre deux mots d’une expression. D’un usage courant en wolof, elle n’y est pas le signe d’un oubli ou d’une omission, mais renvoie au fait qu’une liaison, ou une conjonction, n’est ni attendue ni nécessaire – l’usage de la virgule étant cependant requis à l’écrit. De plus, l’asyndète laisse le choix ouvert entre une coordination ou un contraste, et n’ouvre aucune polémique. M. Diop s’en explique : « Nous avons voulu éviter toute traduction qui aurait suggéré que le noir n’est pas aussi beau qu’une teinte plus pâle, ou bien l’inverse. Te (et) serait trop positif ; waaye (mais) trop négatif. Nous nous en sommes tenus à ce qui paraît plus exact et neutre : Dama ñuul, rafet. Aucune cumulation ni aucun contraste ne sont exprimés, il y a juste un empilement de termes ». Il vaut la peine de noter que Chouraqui, dans sa traduction du Shir Hashirîm (Cantique des Cantiques) a retenu une solution analogue : « … moi noire, harmonieuse… ».
Le respect de la forme contribue également à provoquer une réponse des lecteurs à la traduction qui leur est proposée, notamment dans un cadre liturgique. Et l’ÉÉ ne s’accorde pas avec Henri Meschonnic et Claire Placial28 pour critiquer la théorie de l’équivalence fonctionnelle qui ne respecterait pas suffisamment la poétique du texte biblique, du fait d’une approche trop linguistique du texte. Or l’ÉÉ cherche parfois à concilier la poétique du texte hébreu avec les règles d’une poésie libre wolof.
Ainsi dans la traduction de Cantique des Cantiques 1, 5 :
Yéen janqi Yerusalem, damaa nuul, rafet (Vous, filles de Jérusalem, je suis noire, jolie) ;
Ñuul ni xayma ya ca Kedar (Noire comme les tentes de Kedar).
Mel ni ridoy Buur Suleymaan (Comme les rideaux du roi Salomon)29.
La première ligne de la traduction en wolof correspond au premier demi-verset du texte massorétique. Il se termine avec la césure qui suit l’équivalent du mot « jolie ».
Ensuite, le texte hébreu est divisé, dans la traduction, en deux segments qui correspondent chacun à une comparaison introduite par « » (comme). Mais au lieu de répéter « / mel ni (comme) », le terme ñuul (noir) est repris à l’entrée du premier de ces segments – comme il ne l’est pas en hébreu –, suivi par ni – équivalent discret de mel ni. La traduction n’est donc pas littérale, mais ainsi ñuul (noir), déjà mis en évidence dans la traduction parataxique du premier demi-verset hébreu, est privilégié, et du rythme est donné à la phrase. Un public qui apprécie la beauté de la poésie orale ne peut qu’y être sensible, en même temps qu’un style « soutenu » est respecté. Ainsi, tant la forme donnée à ce passage que son libellé peuvent éveiller une réponse du public à la lecture ou l’audition de ce texte. La difficulté initiale est surmontée d’une façon originale.
L’Évangile de Jean
Les traducteurs de l’ÉÉ, on l’a dit, attendent de l’appropriation de texte biblique par ses lecteurs la naissance d’une démarche spirituelle. Pour qu’elle soit conforme à leur attente, ils ont veillé à prendre leurs distances à l’égard des représentations du christianisme qu’engendraient de premières traductions en wolof, jugées erronées. Ils ont cherché également à éviter des confusions avec des termes et des thèmes propres à la religion musulmane. Dans la suite de cet article, nous présenterons quelques-unes des décisions qu’ils prirent à cet effet au cours de la traduction de l’Évangile de Jean. Cet Évangile est le premier à avoir été traduit par M. Escher en 1970, et cette version est restée quasiment inchangée jusqu’à une révision inédite que M. Escher nous a aimablement communiquée. Une relecture de l’Évangile devrait être terminée d’ici trois ans. Á cette fin, M. Diop a rassemblé des suggestions auxquelles il pourra être fait référence dans un document intitulé : Révision des termes clés.
Le titre de l’Évangile. « εὐαγγέλιον κατά’Ιωάννην »
Le titre proposé en wolof est : Xibaaru jàmm bu Almasi Yeesu, ci jottlib Yowaan (Les nouvelles de paix concernant le Messie, transmises par Jean). Il développe l’expression grecque εὐαγγέλιον κατά ’Ιωάννην (Évangile selon Jean)30, sans que soit oublié l’effet éventuellement produit sur un public musulman. Pour traduire « évangile », xibaaru jàmm vient remplacer xebaar bu baax dont M. Diop a écrit qu’il s’agit d’une traduction maladroite de « bonnes nouvelles ». La substitution de jàmm (paix) à baax (bon) évoque l’une des salutations wolof les plus courantes : jàmm ngam ? (Avez-vous la paix ?), aussi bien que l’expression islamique passée en wolof : salaamalekum (la paix soit avec vous). Mais le libellé du titre, tout en faisant référence à ces manières de dire familières, précise bien que la traduction protestante vise à annoncer la paix de Christ31.
Identifier Jésus par le terme Almasi (le Messie) est suggéré par le terme arabe masīḥ. Préférer ce terme au grec Christos (Christ) relève d’une volonté d’ouverture aux musulmans.
La transcription wolof Yowaan fait aussi référence à un usage musulman. En grec Ἰωάννης désigne autant Jean l’Évangéliste que Jean le Baptiste. En wolof, ce dernier est identifié comme Yaxya, terme coranique. Les traducteurs ont donc décidé de suivre la pratique arabe pour ce qui est de l’évangéliste, et ont transcrit Ἰωάννης par Yowaan pour l’évangéliste. Naguère on usait de Yowaana, mais désormais ce terme a la valeur des prénoms Joanna en anglais, Jeanne en français.
Les traducteurs ont parfois dû éviter des confusions avec des termes ou des thèmes attestés dans la religion traditionnelle des Wolofs32.
Le premier est lu en Jean 1, 14 : « Καὶ ὁ λόγος σὰρξ ἐγένετο » (Et la parole a été faite chair (traduction Segond)). Les traductions catholiques et protestantes antérieures traduisaient σὰρξ ἐγένετο par yaramu, une forme verbale du terme wolof signifiant « corps ». Ensuite M. Escher a recommandé de retenir l’équivalent dynamique nit (être humain) pour traduire σὰρξ (chair)33. D’autres termes qui paraissent être des alternatives possibles, tels que der (peau) ou yaram (corps), ne peuvent être retenus car ils ne conviendraient pas, aux yeux de l’ÉÉ, à la figure dite synecdoque, par laquelle on prend la partie pour le tout. Il fallait en outre éviter tout terme signifiant « viande ». Mais aucune forme verbale n’est associée à nit, et ἐγένετο ne pouvait être rendu par soppiku (fut transformée en), parce que cela reviendrait à évoquer l’existence des génies – raab – et suggérer un syncrétisme entre religion chrétienne et religion sénégalaise traditionnelle. D’où le choix final du passé doon (était faite), doon étant le passé du verbe di (être)34.
Dans le même souci d’éviter des associations malencontreuses, l’ÉÉ évite de transcrire – comme les catholiques le font – le mot français croix par kwa, kwa désignant aussi une sorte de gris-gris porté par des chrétiens sénégalais, une association qui a également cours dans la population rurale et animiste. Mais si l’ÉÉ rejette le recours à une synecdoque pour exprimer σάρξ, elle le trouve acceptable à propos de la croix. L’ÉÉ a donc retenu bant (bois), le materiau duquel elle est faite désignant la croix et ce qui y est associé35. Ces deux exemples montrent que les traducteurs ont tenu à associer la foi au Christ à la renonciation à la croyance aux djinns et aux amulettes.
L’ÉÉ a encore veillé à éviter les confusions entre chrétiens et musulmans que rendaient possibles des traductions antérieures en wolof. En voici trois exemples.
Soobe (immerger) pour βαπτίζειν (baptiser) (Jn 1, 31).
Le manuel des Sociétés bibliques invite à simplement transcrire le terme grec pour exclure toute référence à des pratiques de dénominations particulières. Cependant l’ÉÉ, dont la coordinatrice est baptiste, traduit le terme originel par soobe (immerger), parce qu’elle associe la transcription « baptiser » à un contre-sens qui pourrait surgir dans un public rural musulman. En effet, « baptiser » dirige l’attention des Wolofs ou bien vers le rite catholique, ou bien vers le ngente musulman, quand un prénom est attribué au nouveau-né, huit jours après sa naissance. La solution retenue correspond mieux à la doctrine baptiste du baptême d’un croyant adulte, un baptême par immersion. « Quand nous leur avons soumis soob (immerger), des lecteurs ont alors mentionné le bain rituel donné aux nouveaux convertis à l’Islam : dañuy tuub (repentance) », analogue au rite de sangu-set, le bain de purification après un rapport sexuel, une éjaculation ou une menstruation36.
πάσχα τῶν Ἰουδαίων / Màggalu Yawut, gi ñuy wax bésub °Mucc (la pâque des Juifs) (Jean 2, 13).
Les auteurs catholiques retiennent paak pour désigner « la célébration du Passage », la Pâque juive. Mais ce terme n’a pas été retenu car, pour le grand public, il signifie la Pâque chrétienne. De ce fait, en entendant lire Jean 13, 1, une audience rurale musulmane aurait pensé que Jésus fêtait cette Pâque chrétienne, alors qu’il célébrait le Passage.
Dans l’édition de 1987, on lit : Màggalu Yawut, gi ñuy wax bésu Jéggi ba (la fête des Juifs désignée comme le jour du Passage). Cette expression est ensuite devenue : besu Mucc ba (jour du salut), comme on peut le voir sur le site web et le lire dans le projet de révision de la traduction de l’Évangile de Jean. M. Diop justifie ce changement : « Dans Jean 31, 1, jéggi pourrait suggérer jéggi siraat, le parcours que l’on suit pour aller au Paradis en empruntant une passerelle jetée sur l’abîme37. Or le thème majeur du Livre de l’Exode est le salut (mucc) non de l’individu mais de la nation ». Cette révision permet d’éviter un terme ambigu en milieu musulman, et à la suite d’une suggestion de Newman et Nida38, elle évite toute référence à une « traversée », qu’il s’agisse d’une rivière ou d’une barrière.
De telles décisions – par exemple le rejet de paak – ont parfois motivé des critiques de la part de catholiques trouvant dans la traduction protestante comme une « islamisation du christianisme ». À cela M. Diop répond que s’il n’évite pas toujours l’emploi de termes coraniques ou islamiques, il refuse d’une manière générale de donner à sa traduction une tonalité particulière. De fait, on dit de lui qu’il utilise moins de termes en usage en islam que Mbengue Fall.
Dans sa version de ce texte (Jean 13, 1) – et à la façon, pour une fois ! – de la Today’s English Version, l’ÉÉ apporte une précision incluse dans màggalu – de màggal (festival ou célébration). La fête du Passage s’en trouve véritablement désignée comme un « festival » sans qu’il soit besoin d’aucune note explicative. Or des chrétiens sénégalais critiquent l’usage de ce terme lourd, à leurs yeux, de connotations musulmanes trop précises, car il ferait référence à la fête religieuse qui célèbre un marabout de la confrérie mouride. Le lexique suggérait d’autres mots : xumbël, fàttalikuleee ou encore xew – ce dernier étant retenu par les catholiques et par Villéger. Mais M. Diop a tenu bon, parce que, au dire de M. Escher, il pense que màggal n’est pas une propriété exclusive des mourides. Pour M. Diop, xumbal était trop familier, et xew peut désigner tout genre de célébration, triste comme des funérailles peuvent l’être, ou joyeuse. Or màggal désigne plus spécifiquement une célébration religieuse joyeuse. En fait, M. Diop ne retient pas systématiquement màggal partout. Ainsi, dans les Actes des Apôtres 7, 43, le déplacement du tabernacle n’est plus désigné par màggalukaay, mais désormais par jaamookaay, car si màggal désigne une célébration, jaamu convient mieux pour désigner un temps d’adoration, une liturgie.
Troisième exemple d’évitement d’une confusion possible : mburu (ἄρτος / pain) dans Jn 6, 25. Les membres de l’ÉÉ ont tôt constaté que le public auquel ils s’adressent pense immédiatement, et de façon anachronique, aux « baguettes » (ou « pains parisiens ») introduites par les Français et que l’on trouve pratiquement partout dans la région. D’où l’emploi d’un équivalent dynamique ñam (nourriture) pour « pain ». Villéger avait conservé mburu, comme les catholiques. C’est à ce propos que le directeur de l’Éducation du diocèse catholique de Gambie m’avait expliqué que la liturgie permettait d’éviter de penser aux « baguettes ». Lors de l’élèvation de l’hostie, il disait en effet très clairement : « Ceci est le pain – mburu – de vie ». C’est à un nouvel exemple du recours à la liturgie d’une Église déjà existante pour clarifier une traduction inédite qui pourrait engendrer une incompréhension.
Dans d’autres cas, la traduction a requis des recherches plus sophistiquées.
ζωὴν αἰώνιον (la vie éternelle) (Jean 4, 14).
Dans l’Évangile de Jean, on peut comprendre que cette expression « la vie éternelle » désigne l’existence du fidèle remodelée par sa connaissance de Jésus-Christ, et dans laquelle il est introduit avant même qu’il meure. Villéger, les catholiques et une première ébauche de la traduction de l’ÉÉ ont donc désigné cette vie nouvelle d’avant et après la mort par l’expression « vie éternelle » : dund gu dul jeex (la vie qui ne finit jamais). Ce qui prête à discussion : dund, en effet, c’est vivre ici-bas, par opposition à mourir. Dund gu dul jeex ne convient donc pas. M. Diop trouve que c’était là une bien pâle expression pour dire la qualité de la vie impliquée dans ζωὴν αἰώνιον, une forme de vie qui n’a rien de commun avec l’existence biologique39. Gardant cette distinction présente à l’esprit, il propose texe ba fàww, lu dans le projet de révision. Texe est un terme religieux, présent dans des expressions telles que texey àddina, texey laaxir (la vie qui est bénie sur terre et au-delà). Fàww est un synonyme du terme de dérivation arabe abada (éternité)40.
Παράκλητος (le Paraclet) (Jean 14, 16)
Newman et Nida ont rendu les traducteurs attentifs au fait que παράκλητος a été traduit de très diverses manières au cours de l’histoire : « avocat », « consolateur », « aide », et l’insatisfaction devant ces termes explique que l’on s’en est parfois tenu à une translittération : « Paraclet ». En wolof, catholiques et protestants retiennent le terme dimbalikat (l’aidant), renonçant, à la suite de Newman et Nida à une simple translittération, procédé fréquemment admis par exemple pour « baptiser ». Dans la révision, l’ÉÉ revient à taxawukat qui signifie aussi « celui qui aide », un terme déjà utilisé dans les traductions catholiques anciennes.
Quelle que soit la traduction retenue, dans un contexte où le Coran est lu et commenté, des traducteurs chrétiens sont attentifs au fait que les exégètes du Coran voient dans le terme « Paraclet » une référence à Mahomet – Ahmad (le Très Glorieux). Il en va ainsi dans la sourate 61, 6 : « Et quand Jésus fils de Marie dit : “O Enfants d’Israël, je suis vraiment un messager de Dieu à vous, confirmateur de ce qu’il y a devant moi de par la Thora, et annonciateur d’un messager à venir après moi, dont le nom sera le Très Glorieux [Ahmad]” »41.
L’édition bilingue du Coran publiée sous les auspices du roi d’Arabie saoudite, et distribuée devant la mosquée du quartier que j’habitais à Dakar, justifie ainsi cette interprétation : au lieu de paracletos, Jean aurait dû écrire pereiclytos (celui qui est loué), c’est-à-dire Ahmad – l’un des noms de Mahomet42. C’est là l’un des très rares passages pour lesquels l’ÉÉ a rédigé une note explicative, ce qui est en effet très inhabituel dans ce type de traduction protestante, dans lesquelles on préfère adjoindre un glossaire. Ici, il s’agit de faire pièce à une objection, en expliquant que ce taxawukat est un esprit. Et M. Escher explique cette exception : il s’agit d’écrire clairement que le Paraclet est le saint Esprit, ce qui ne va pas dans le sens de son identification à Mahomet
τὸ πνεῦμα (l’esprit). La nouvelle édition propose des termes divers, alors que les anciennes traductions tant catholiques que protestantes retenaient xel mu sell mi (à la lettre : le saint esprit – en anglais : mind). Souvent M. Diop remplace xel par noo (souffle), ce qui renvoie aux termes bibliques ruach et pneuma.
Avec leur traduction de ὸ πνεῦμα, comme dans d’autres exemples précédents, on comprend que les traducteurs évangéliques tiennent à se mettre à distance de l’islam et de la religion wolof traditionnelle, mais aussi des traductions chrétiennes antérieures à la leur. Ce faisant, ils cherchent à orienter le plus précisément possible le public des lecteurs et auditeurs dont ils espèrent la conversion vers le christianisme « biblique » tels qu’ils se le représentent.
Ces observations permettent d’entrevoir l’ampleur et l’intérêt du travail de traduction en cours.
Kàddug Yàlla gi s’inscrit dans la très longue série des traductions totales ou partielles de la Bible entreprises, notamment depuis le xixe siècle, à l’intention des pays non-européens. C’est là un témoin de la vitalité de très nombreuses « sociétés bibliques » de nationalités et de statuts divers qui tiennent à rendre et à donner la parole – la Parole – autant à des groupes de millions de locuteurs qu’à des minorités : ainsi la Société Wycliffe (France) – organisation partenaire de SIL – vient-elle de s’adresser à une dizaine de milliers de locuteurs du Bandeal en Casamance.
Kàddug Yàlla gi est rédigée en wolof, l’une des langues nationales du Sénégal dont la langue officielle est le français43. Le wolof est parlé par une majorité de Sénégalais, hors-même sa province native – le Nord-Ouest –, à Dakar notamment, mais aussi en Gambie et en Mauritanie ainsi que par de nombreux exilés en Europe ou en Amérique du Nord. De ce fait les « niveaux de langue » pratiqués sont nombreux et les situations de diglossies fréquentes, et parler cette langue, ne va pas toujours de pair avec la capacité de la lire ou de l’écrire. Les traducteurs de l’ÉÉ, bien informés de ces paramètres, ont donc fait le choix de s’adresser à un public rural, qui ne connaît pas le français, en un « wolof régional soutenu ». Cependant ce public d’accueil n’est pas figé, et d’entrée on peut identifier le risque qui plane sur la réception et l’usage de cette traduction, un risque qui est d’ordre démographique et socio-économique. L’attrait croissant de Dakar et les déplacements de la main-d’œuvre jouent en effet en faveur du « wolof urbain » de plus en plus imprégné par le français et les autres langues nationales.
Dans une situation linguistique complexe et mouvante, au contact d’autres projets de traductions plus ou moins avancés, les membres de l’ÉÉ retiennent l’attention pour plusieurs motifs.
En premier lieu, tous sont à même, de par leur formation, de lire l’hébreu et le grec, ce qui leur permet une consultation critique des dictionnaires et des grammaires, des autres versions et des manuels qui médiatisent l’accès à des débats exégétiques et théologiques parfois complexes.
En second lieu, leur méthode. Elle requiert le recours, pour une première « mouture », à des « contrôleurs », puis, avant la rédaction finale à des tests de lecture et de compréhension devant des groupes divers. Cette traduction inclut de ce fait un élément « populaire ». Souvenir de Martin Luther ? : « Il faut interroger autour de soi les mères dans leurs foyers, les enfants dans les rues, l’homme ordinaire sur le marché, voir sur leur bouche comment ils parlent et traduire d’après cela : alors [les gens] comprennent qu’on leur parle allemand [ici : wolof !!] avec eux »44. Le texte est donc prêt à l’emploi dans des assemblées protestantes si elles admettent l’usage du wolof, imitant en cela la paroisse catholique de Saint Abraham à Guédiawaye où la messe est célébrée dans cette langue. Rappelons que les traducteurs sont de langue maternelle wolof et résident au Sénégal. Seule la coordinatrice du projet, M. Escher, qui y réside aussi, s’avoue parfois comme en exil entre sa culture et sa langue maternelles américaines et le wolof.
Enfin, rappelons-le, les traducteurs sont « des missionnaires qui s’avancent au-delà de la syntaxe pour provoquer des mouvements spirituels » pouvant aller jusqu’à la création d’Églises. Une de leurs références est Lamine Sanneh et sa vision d’un christianisme mondial renouvelé, et leur travail peut nourrir la recherche d’une tolérance réciproque entre ceux qui sont musulmans et ceux qui ne le sont pas ou plus, sans exclure des conversions.
Il est évident que tout traducteur imprime à son travail des traits de sa personnalité, de sa culture, de ses orientations : on l’a dit ici, à propos de la traduction d’expressions sur la justification par la foi ou sur le baptême. L’ÉÉ ne bénéficie sur ce point d’aucun privilège d’innocence et l’on a noté pourquoi elle se tient à distance des traductions catholiques comme des projets de traductions œcuméniques qui lui paraissent incorporer trop d’élaborations ou de compromis théologiques45.
Kàddug Yàlla gi, aboutissement d’un long travail linguistique et œuvre littéraire, jouera à n’en pas douter un rôle culturel éminent, comme – mutatis mutandis – d’autres Bibles d’un lointain passé : la Septante, la Vulgate, les Bibles de Luther de Tyndale. Ainsi, s’ils viennent à être publiés, les notes, correspondances et documents accumulés depuis des années pour accompagner les travaux de l’ÉÉ constitueront un fonds de grande valeur pour les prochaines recherches sur la langue wolof.
Enfin, ce volume enrichira des représentations et un imaginaire jusqu’à présent essentiellement nourris par le Coran et la pratique de la religion musulmane, et ce qui a été transmis de la France au Sénégal. Ce corpus littéraire aux styles variés méritera d’être intégré dans une bibliothèque wolof, aux côtés des écrits de Cheikh Ndao, Boubacar Boris Diop et Ousmane Sembene46.
On ne peut que souhaiter à ses réalisateurs de voir cette traduction des écrits bibliques en wolof « soutenu » trouver bientôt sa place dans l’histoire religieuse et culturelle du Sénégal.
Traduit et préparé pour l’édition par Bernard Roussel, EPHE
Au cours de la procédure de consultation des membres du comité de lecture au sujet de cet article, notre collègue Anne Lagny, l’une des membres de ce comité, a émis un très intéressant avis, que l’équipe éditoriale de la Revue a proposé de publier, en accord avec l’auteur, George Joseph
En qualité de germaniste (sans être linguiste à proprement parler), qui fais métier aussi de traduire, j’ai été vivement intéressée par cet article. Il donne un aperçu sur les problèmes majeurs que pose la traduction du texte biblique dans un contexte religieux et culturel particulier. Il rappelle aussi (à l’époque du tout anglais…) l’importance cruciale des langues dans la communication de contenus religieux, en montrant comment ceux-ci s’incarnent dans une langue, elle-même comprise et présentée comme un système, structuré, mais non pas clos sur lui-même ou figé, mais capable d’évoluer. La langue est comprise ici comme un lieu de passages, de contacts et d’échanges culturels : elle est le lieu de la consolidation d’une identité culturelle « nationale » ou ethnique, le lieu de démarcations, aussi, puisque cette identité culturelle religieuse rattachée/ancrée dans le christianisme est ouverte au milieu islamisé dans lequel elle s’inscrit, mais soucieuse de rappeler précisément la ligne de partage entre islam et christianisme, et – point tout aussi important, dans une perspective post-coloniale –, d’évacuer toute trace de l’imprégnation par le français, qui est la langue du colonisateur catholique. L’article donne des matériaux très riches pour penser les échanges culturels et interculturels au sens large du terme.
Bien des aspects de ces développements font écho à mes recherches sur le piétisme historique et me permettent de prolonger mes réflexions sur un type d’expérience religieuse qui ne met pas l’accent principal sur l’appartenance confessionnelle ou le raisonnement sur les vérités dogmatiques. Je retiendrai tout d’abord l’accent mis sur le relatif effacement des frontières confessionnelles (ce que l’auteur appelle « un prosélytisme a-confessionnel »), au profit de la qualité de l’expérience spirituelle visée, dont la traduction du texte biblique doit être le vecteur. Relatif seulement, car l’auteur de l’article montre bien, par l’analyse des choix de traduction, qu’il ne s’agit pas d’indifférentisme et qu’il importe, à certains endroits, de fixer la ligne de partage : en l’occurrence, la démarcation avec l’islam et le refus de l’empreinte du catholicisme. J’ai pu observer des phénomènes analogues lorsque je me suis intéressée à des traductions de livres de spiritualité – par exemple la réception de la littérature puritaine, ou catholique, en milieu protestant. Les textes de spiritualité passent d’une confession à l’autre au prix d’un certain nombre d’aménagements et de transpositions, d’épurations effectuées par des traducteurs qui sont à la fois des passeurs et des gardiens de l’orthodoxie dans leur propre confession. Les traducteurs manifestent le souci de communiquer la teneur d’une expérience spirituelle, de donner en exemple des pratiques de piété, ou des techniques de méditation, au-delà des barrières confessionnelles, donc de créer un horizon supra-confessionnel commun, qui peut être le ferment d’une certaine tolérance, même si la conscience « confessionnelle » proprement dite n’est jamais totalement annulée et demeure à l’arrière-plan, latente, mais toujours vigilante.
Je retiendrai aussi ce qui apparente cette entreprise de traduction à une mission d’évangélisation, avec l’accent mis sur la dynamique du processus herméneutique dans lequel celui qui traduit et fait passer est en même temps celui qui s’engage dans une démarche de compréhension de la culture où s’enracine cette langue. Je pense plus précisément à un modèle de mission morave, plutôt celui des Frères moraves qui ne concevaient pas leur entreprise d’évangélisation sans commencer par partager la vie de ceux qu’ils voulaient toucher et par apprendre leur langue, ce qui permettait à ces derniers de s’approprier l’expérience religieuse dans les catégories de leur culture. Je m’arrêterai pour finir à l’inspiration que vont chercher ces traducteurs d’aujourd’hui chez leurs prédécesseurs de l’âge de l’humanisme et de la Réforme (Érasme, Luther, Tyndale). Le choix de la langue vernaculaire, non savante, mais soutenue (qui correspond à un état de la langue moins corrompu, plus enraciné dans les traditions orales), le rôle des traditions wolof, les exemples d’application de la dynamic equivalence theory témoignent du soin apporté à la transmission du texte aux gens du peuple, tout comme à l’intégration dans le corps du texte des références culturelles permettant l’appropriation personnelle du message évangélique. Les exemples donnés ici montrent l’intérêt de s’arrêter à ces « détails » concrets, qui sont pour ainsi dire la pierre de touche de l’authenticité de l’incarnation du texte dans le contexte d’une culture, ainsi élevée à un sommet. La traduction du texte biblique, ainsi comprise, acquiert la dimension d’un monument de la culture d’un peuple, tout comme la traduction de Luther a marqué une date dans l’histoire de la langue et de la culture des pays allemands. Ce n’est pas un des moindres mérites de cet article que de nous instruire, en définitive, sur les usages que l’on peut peut faire, aujourd’hui, de l’histoire de la Réforme.
Anne LAGNY
Professeur des Universités
Histoire des idées et civilisation germaniques ENS de Lyon
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1. Voir ci-dessous, p. 593.
2. Sur World Venture, dont le siège actuel est à Littleton (Colorado), son histoire, son organisation, ses projets en cours, voir https://www.worldventure.com. La Mission Baptiste au Sénégal, dont relève Marilyn Escher, actuelle directrice de l’équipe des traducteurs, est enregistrée au fisc sénégalais sous le numéro NINEA MBS 202154110C9 qui appartient à WorldVenture.
3. En anglais Wolof Evangelical Translation Team (WET).
4. Voir « Evangelicalism », dans The Oxford Dictionary of the Christian Church, Second Edition ed. by F. L. Cross and E. A. Livingstone, Oxford University Press, 1978, p. 486.
5. Voir « Breaking down Babel » : https://worldventure.com/bible-translation/. Il y est précisé que les missionnaires de WorldVenture vont au-delà de la résolution des problèmes de syntaxe pour « allumer des mouvements spirituels » (to ignite spiritual movements). C’est là une expression en usage dans des mouvements de réveil anciens et contemporains. Et il est ajouté : « Nous ne sommes pas là uniquement pour résoudre des problèmes linguistiques. La linguistique et la traduction de la Bible sont un moyen pour faire des disciples et planter des Églises ».
6. Traduction de l’expression anglaise « advanced regional wolof ». Le terme « soutenu » et ses valeurs sont attestés par les dictionnaires, notamment le Trésor de la Langue Française, et admis par les linguistes. On peut ici emprunter à l’ouvrage de Tobias Warner, Tongue-Tied Imagination : Decolonizing Literary Modernity in Senegal, New York : Fordham University Press, 2019, « Epilogue », et écrire : « La Bible en wolof s’adresse à des musulmans, analphabètes en français, qui forment une population rurale au Sénégal, et l’auditoire [audience] que les traducteurs espèrent sera formé par les futures convertis au christianisme qui se rassembleront pour former une entité spirituelle nouvelle ».
7. Voir Robert Needham Cust, A Sketch of the Modern Languages of Africa, Oxford : Routledge, 2000, vol. 2, p. 174 ; G. G. Findlay and W. W. Holdsworth, The History of the Wesleyan Methodist Missionary Society, London : Epworth, 1922, Vol 4, p. 141.
8. Le mouvement de l’Assemblée de Plymouth s’est scindé en deux branches en 1848 : les « Frères larges » des Assemblées évangéliques et les « Frères étroits » ou « darbystes » (du nom de John Nelson Darby), plus exclusifs.
9. Institution « évangélique » interdénominationnelle créée en 1943, devenu la London School of Theology.
10. Voir Eric Church, Le système verbal du Wolof, Documents Linguistiques n° 27, Département de Linguistique Générale de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Dakar, Université de Dakar, 1981.
11. Arame Fal, Rosine Santos, Jean-Léonce Doneux, Dictionnaire wolof-français, Paris : Karthala, 2000. On y utilise l’alphabet latin, désormais officiel au Sénégal (pour la transcription du wolof, voir Décret 2005-992 du 21.10.2005). Dans l’Introduction, Éric Church est identifié comme « Pasteur Church » : c’est là une maladresse, car si E. C. a créé une Église à Dakar, il appartient à une dénomination très attachée au « sacerdoce universel » qui ignore les ministères ordonnés.
12. Fondé par William Cameron Townsend, missionnaire au Guatemala, en 1934, SIL International intervient dans le champ des langues menacées d’extinction : elle a le statut d’ONG, mais son objectif missionnaire évangélique a suscité de nombreuses réticences et oppositions [voir https:// www.sil.org/about/history].
13. Les propos de M. Escher auxquels il sera parfois fait référence dans les pages qui suivent sont des réponses, communiquées par courriel, à des questions que l’auteur de l’article lui a posées. Il n’a pas été jugé utile d’en indiquer les dates.
14. La très influente confrérie des Mourides a été créée par le Cheikh Ahmadou Bamba (1857-1927), longtemps déporté puis assigné à résidence par la puissance coloniale. Voir Abdoulaye Bara Diop, « Croyances religieuses traditionnelles et islam chez les Wolof », dans Daniel Sotiaux, Peuples du Sénégal, Saint-Maur : Sepia 1996, p. 49-51.
15. Le Nouveau Testament en langue wolof traduit du grec par les Assemblées évangéliques du Sénégal, la Mission baptiste du Sénégal, N. P. Biblica – c’est-à-dire : International Bible Society, 1987.
16. Voir Eugene Nida, Toward a Science of Translating : with special Reference to Principles and Procedures involved in Bible Translating, Leiden : E. J. Brill, 1964. – Jan de Waard, E. Nida, D’une langue à une autre : traduire, l’équivalence fonctionnelle en traduction biblique (trad. de l’anglais par Janine de Waard), Villiers-le-Bel : Alliance biblique universelle, 2003.
17. Sur l’opposition « instrumental » vs. « hermeneutique », voir Lawrence Venuti and Mona Baker, The Translation Studies Reader, 3rd ed., London & New York : Routledge, 2012 (2000), p. 502.
18. Aux éditions Excelsis, F-26450 Charols.
19. Ces réticences peuvent viser la traduction entreprise en 1990 par le Père Hermann de Vriendt, avec l’aide du linguiste Léopold Diouf, de l’Université de Dakar qui fait référence à la Traduction œcuménique de la Bible éditée en France.
20. V. L. Sanneh & Michel McClymond, The Wiley Blackwell Companion to World Christianity, J. Wiley & Sons, 2016. – D. Willis James Professor of Missions and World Christianity at Yale Divinity School and Professor of History at Yale University, membre de l’Institut Pontifical, le Gambien Lamin Sanneh († janvier 2019)), converti de l’islam au catholicisme quand il était adolescent, est devenu un spécialiste de renom mondial en matière de missiologie et de relations entre islam et christianisme. Dans Translating the Message. The missionary Impact on Culture, Maryknoll (USA) : Orbis Book, 2e éd. 2015, il établit le rôle essentiel de la traduction pour la mission chrétienne.
21. C’est sur ce point que les orientations doctrinales « évangéliques » des traducteurs liés à WordVenture diffèrent de celles des calvinistes « historiques ». Pour l’ÉÉ la volonté des fidèles touchée par la prédication et aidée par l’Esprit saint est sollicitée pour que surgisse une « chrétien régénéré » (born-again Christian) qui attestera de sa conversion en demandant le baptême.
22. Traduction L. Segond (1946), Romains 5,18 : « Ainsi donc, comme par une seule offense la condamnation a atteint tous les hommes, de même par une seul acte de justice la justification qui donne la vie s’étend à tous les hommes ». Nous citons cette traduction pour la commodité du lecteur.
23. M. Diop suggère que le wolof dispose d’autres termes équivalents : dëgg, yoon.
24. Voir www.forgivenessministries.org.
25. Le texte hébreu est cité d’après Biblia Hebraica Stuttgartensia, with Westminster Hebrew Morphology. (Electronic ed., So[ng], 1:2-3), German Bible Society ; Westminster Seminary, 2004.
26. New Revised Standard Version publiée une première fois en 1989 par le National Council of Churches.
27. Pour une discussion du sens du « וְ », voir Graham S. Ogden et Lynell Zogbo, A Handbook on the Song of Songs, United Bible Society Handbooks Helps for Translators, 1998, sur 1, 5 et 1, 6. – Pour la discrétion du « וְ », voir Francis Brown, S.R. Driver, Charles Briggs, The Abridged Brown-Driver-Briggs Hebrew-English Lexicon of the Old Testament From A Hebrew and English Lexicon of the Old Testament, based on the Lexicon of William Gesenius, éd. par Richard Whitaker, Boston – New York : Houghton and Mifflin, 1906 : « words like or, then, but, notwithstanding, howbeit, so, thus, therefore, that, constantly appear where the Hebrew has simply « ».
28. Henri Meschonnic, Poétique du traduire, Paris : Verdier, 1999, p. 26, 130, 146. – Claire Placial, « Application et limites de la théorie de l’équivalence dynamique en traduction biblique : le cas du Cantique des Cantiques », Atti dei Convegno giornate internazionali di studi sulla traduzione, Cefalù, 30-31 ottobre e 1 novembre 2008, Vol. II, a cura di Vito Pecoraro, 2009 [https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01165827].
29. Traduction par l’auteur de l’article.
30. Les textes imprimés modernes grecs adoptent en général un titre bref « κατα ϊωαννην ». Pour une étude des titres des Évangiles dans les manuscrits grecs, voir S. J. Gathercole, « The Titles of the Gospels in the Earliest New Testament Manuscripts », Zeitschrift für die neutestamentliche Wissenschaft 104.1 (2013), p. 33-76.
31. La traduction catholique est bien différente ; elle transcrit du français les termes clés : « L’evañsil Yéesu Krista ba Saz mu sell mi bind (L’évangile de Jésus Christ que Jean, le saint, écrit). Villéger avait mêlé une transcription du français à une autre, du grec : Evansïl naka Yoana (L’Évangile selon Jean).
32. Selon A.B. Diop, op. cit., p. 41-42 : « La religion traditionnelle wolof dont il ne reste aujourd’hui que des survivances, devant la poussée de l’Islam […] est mal connue comme système religieux. Elle n’a pu être reconstituée en tant que tel de manière précise, mais on en connaît certains aspects essentiels ».
33. Par contre Villéger et les traducteurs catholiques observent que le mot hébreu « basar/chair » connaît un usage métonymique et désigne parfois l’être humain dans sa totalité en opposition à Dieu. V. « σáρξ » dans G. Kittel, G. Friedrich, G. W. Bromiley, Theological Dictionary of the New Testament, Grand Rapids (Mi) : W.B. Eerdmans, 1985, vol. VII, p. 98-125.
34. Voir J.-L. Diouf, Dictionnaire, p. 110. Il s’agit ici du sens donné à Doon 1 : « Être » au sens existentiel.
35. Voir Kittel, op. cit., vol. 7, p. 572.
36. Voir Le fascicule des Termes-clés révisés 2 : « Tuub, c’est se convertir. Dañuy tuub / ils se convertissent ». Sur le sangu-set, voir J. L. Diouf, Dictionnaire, p. 302 et 353.
37. Voir http://oussoul.over-blog.com/article-le-pont-as-sirat-44412300.html : « As-Sirât est un pont installé au-dessus de l’Enfer. Tous les humains du premier jusqu’au dernier, seront contraints d’y passer. Le passage se fera selon la qualité des œuvres : Il y en aura parmi eux qui passeront tel un éclair, d’autres comme un vent soufflant très fort, d’autres à la vitesse d’un cheval, d’autres en marchant rapidement, d’autres en se traînant sur les genoux, d’autres en rampant et d’autres tomberont carrément dans le feu. Sur les côtés du Pont, des pinces, dont seul Allah en connaît le nombre, happeront certains ! »
38. Voir B. M. Newman, E.-A. Nida, J.-Cl. Margot, Évangile de Jean. Manuel du traducteur, Société Biblique Française, 2004, ad loc.
39. Voir l’article « ζάω » dans Kittel, op. cit., vol. II, p. 852-853.
40. Dans le Dictionnaire d’Aram Fal et al., op. cit., p. 222, « texe », c’est « être heureux, être prospère, être bienheureux ». Et des consultants confirment que, pour eux, « texe » signifie « salut ».
41. Traduction par Muhammad Hamidullah.
42. V. The Holy Qur-ān : English translation of the meanings and Commentary, Revised & Edited by The Presidency of Islamic Researches, IFTA, Call and Guidance, King Fahd Holy Qur-ān Printing Complex, Al-Madinah Al-Munaward: 1411H (1990). Voir les notes n° 5438 for S. 61 (p. 1738-1739) et n° 41 for S. 81 (p. 165).
43. Dans la Constitution de 2016, sont également nommées au rang de langues nationales : le diola, le malinké, le pular, le sérère et le soninke – une liste ouverte à d’autres langues qui viendraient à être « codifiées ».
44. Voir Martin Luther, « Lettre ouverte sur la traduction » (trad. Philippe Büttgen), Rue Descartes, 14 (février 1995), Paris : PUF, p. 31-39.
45. Voir la traduction entreprise sous les auspices de SIL International : https://www.sil.org/sites/default/files-intel/flagship-french.pdf. ; et encore Téereb Injiil di Kaddug Yalla éditée par la Mission Baptiste au Sénégal en 1987 (rééd. 2004).
46. Cheikh Aliou Ndao, Buur Tilleen Roi de la Médina, Paris : Présence Africaine, 1972. – En wolof : Buur Tilleen, Dakar : IFAN Cheikh Anta Diop, 1993. – Boubacar Boris Diop, Les petits de la guenon, Paris : Éditions Philippe Rey, 2009. – En wolof : Doomi Golo. Dakar : Éditions Papyrus Afrique, 2003. Bàmmeelu Kocc Barma. Dakar : Éditions EJO, 2017, non traduit. Murambi, le livre des ossements, Abidjan : Nouvelles Éditions Ivoiriennes, 2001 (un roman écrit après un voyage de Diop au Rwanda après le génocide). – Ousmane Sembene, « Le père du cinéma africain », a réalisé plusieurs films en wolof, et en a écrit des textes en français : Xala, Paris : Présence Africaine, 1973 (film en 1975) ; Le Mandat précédé de Véhi Ciosane, Paris : Présence africaine, 1966 (film en 1968). À lire aussi, Les bouts de bois de Dieu, Paris : Presses Pocket, 1969.