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Les placards de Nantes (mai 1560)

Le militantisme écrit des huguenots au début des troubles de religion

Antoine RIVAULT

agrégé et docteur en histoire Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Au xvie siècle, les protestants développent une culture de l’écrit et des mots pour convaincre et susciter les adhésions à leur Cause. Après la Bible traduite en vernaculaire, les libelles et pamphlets, favorisés par la nouvelle imprimerie, fleurissent dans le royaume de France1. À cet aspect du militantisme huguenot s’ajoute la diffusion de textes dits « infamants » et « diffamatoires » qui, à la fois décrient le roi et ses institutions et visent à rallier les « papistes » quand la seule polémique n’aboutit plus à rien. Au début des troubles de religion, dans la tradition du scandale des placards de 1534, cette stratégie de l’écrit est reprise avec encore plus de vigueur par les huguenots français. Nos recherches sur la Bretagne du début des guerres de Religion nous ont permis de découvrir plusieurs documents inédits qui renseignent sur la stratégie protestante à l’œuvre.

En avril 1560, le duc de Guise écrit au gouverneur de la province, le duc d’Étampes, et lui demande les noms de ceux qui « ont esté absens [de Bretagne] durant les assemblées d’alentour d’Amboise2 ». Les origines bretonnes de la conjuration font particulièrement craindre un retour des menaces dans cette province. À la fin du mois d’avril, Jacques Fabry, lieutenant au présidial de Vannes – et futur ligueur3 –, entre en possession d’une curieuse lettre missive qui ne trouve pas son destinataire. Fabry dresse un procès-verbal car est jointe à la lettre un libelle intitulé Les États de France opprimés par la tirannye de Guise au Roy leur souverain seigneur4. Il s’agit en réalité d’un texte rédigé après l’assemblée des conjurés d’Amboise tenue à Nantes le 1er février 15605. Utilisant le nom d’États – les généraux et non pas ceux de Bretagne –, il devait être présenté au roi sous la forme de remontrances qui ajoutent une dimension politique au conflit religieux6. David Potter le démontre bien en soulignant un passage particulièrement éloquent du libelle : « Néantmoins ceste seule cause [de religion] ne leur eust faict jamais prendre les armes, s’il n’y eust eu une cause civile et politique ; qui est l’oppression7 ». Deux jours après avoir dressé son procès-verbal, dans une lettre adressée au cardinal de Lorraine, Fabry dit avoir entendu parler d’un marchand de La Roche-Bernard en possession d’

une lettre qui touche en partie la sédition qu’on a voullu faire contre le Roy, notre souverain seigneur, et les princes qui sont entour sa personne [la conjuration d’Amboise], avecq aultre lettre dirigée à sa maiesté par les estatz de France non signés, et ne peult l’on scavoir ne trouver celluy à qui ledict pacquect se adressoict8.

Quelques jours plus tard, éclate à Nantes une grave affaire que le gouverneur Étampes doit s’efforcer de gérer et qu’on relie très rapidement aux événements vannetais : des protestants ont placardé des libelles dans la nuit du 6 au 7 mai. Le gouverneur est d’abord informé par René de Sanzay, capitaine de la ville. Les papiers menacent ni plus ni moins de couper la gorge aux grands magistrats de la ville. Ils ont été placardés – c’est pourquoi on les appelle placards – aux portes du président du parlement de Bretagne, Charles Le Frère, sieur de Belle-Isle ; du sénéchal de Nantes Guillaume Le Maire ; du greffier d’office et criminel de Nantes Guillaume Gaudin, sieur de la Chauvinière, ainsi qu’à la herse du château commandé par Sanzay en personne9. Les historiens connaissaient cet épisode rapporté par des chroniqueurs, mais on pensait que les placards avaient été perdus10. Or, une missive du gouverneur Étampes au duc de Guise évoque l’affaire. En effet, très rapidement après les délits, le gouverneur la fait remonter au roi et dit envoyer des copies des fameux documents au cardinal de Lorraine, frère de Guise11. En dépouillant minutieusement la correspondance passive des frères Guises pour l’année 1560, nous avons ainsi pu mettre au jour ces copies envoyées par le gouverneur de Bretagne, il est vrai, en assez mauvais état et cachées parmi bon nombre de missives politiques.

Ces textes inédits sont assez rares et renseignent abondamment sur le protestantisme du début des années 1560, dans une province considérée souvent à tort comme réfractaire aux idées de Calvin. Trois éléments caractérisent ces placards : la diffamation, la menace et la persuasion, ou du moins, une tentative de justification. Puis, plusieurs aspects de la rhétorique protestante sont mobilisés, de la critique de la papauté à la quête du salut, en passant par l’obéissance due à Dieu avant toute autre fidélité. Enfin, plusieurs références au long des textes font allusion au contexte politico-religieux tendu de la Conjuration d’Amboise.

Diffamation, menace et persuasion

Copiés par les soins du secrétaire du duc d’Étampes, les placards sont écrits à la deuxième personne du singulier, fait rarissime dans les archives et qui souligne le caractère insultant des écrits. Ces derniers s’attaquent durement aux quatre Nantais et l’adresse de chaque placard leur attribue un titre injurieux. Guillaume Gaudin est qualifié de « greffier sanglant, glorieux sot et meschant » ; Charles Le Frère, sieur de Belle-Isle et président du parlement, de « présidant sanglant » ; René de Sanzay, de « pour ceste heure cappitaine de ce chasteau de Nantes le malheureux » – ce qui sous-entend que les choses vont changer – et Guillaume Le Maire, de « seneschal asne et non scavant et invrongne ». Chaque placard adresse un message personnalisé qui peut porter sur le nom propre du magistrat visé. À Charles Le Frère, les huguenots disent : « Si tu estois vray frère et non véritable tirant [tyran], les promesses aulx imitations et suivans l’évangille qui est vérité, ne te habillat de l’abbit dissimulé ». À Guillaume Le Maire : « Si tu estoys scavant, ton nom de maire qui importe tiltre de bonne vertu et pollice et pareillement ton estat, tu te efforceroys scavoir la vérité de ton salut et ne vouldroys demeurer ingnorant ». En outre, les placards se répondent les uns les autres. À chacun sont ainsi rappelées les erreurs de ses compères. À Le Maire est cité Sanzay, qui est « de tout temps idôlatre, amateur des forbours papistes » désignant là ses accointances avec la population catholique de sa ville, « ancien haigneur des religieux suivans l’évangille ». Sanzay se distingue en effet par sa vive hostilité envers les protestants. En août 1562, il réalise un fort acte symbolique à leur encontre. Accompagné de François du Lix, capitaine des francs-archers de Nantes, il se rend au Pressoir, lieu de prêche et de baptême huguenot, pour y parrainer un nouveau-né, sa mère se disant « déceue par les exhortations que faisoinct les prédicans hérétiques et huguenotz audict Pressouer », ainsi qu’un enfant de quatre ans « baptizé à la huguenotte en la ville de Genesve »12. À Le Frère est rappelé le même Sanzay, « cy persecuteur de la religion, sectateur et soustien des pappistes, ensemble ce grand asne Parradys [?] seneschal, le plus ferme faulx juge qu’oncques ne fut ». L’accusation d’être un « faulx juge » désigne la partialité de Guillaume Le Maire. En décembre 1561, François d’Andelot, alors présent à Nantes, déclare ainsi au duc d’Étampes à propos de l’incendie du Pressoir que les « négligences précédentes » du sénéchal « ont toujours nourris tels troubles » et que « tant de gens de bien […] sont ainsi journellement tourmentez par la faulte des ministres de la justice »13.

Quant aux menaces de violence, elles sont bien réelles. Si Gaudin est accusé d’avoir inventé des menaces, celles contre Sanzay sont en revanche très sérieuses : « Seras chassé de ta charge et que on te mectra la main sur le collet ou briesfvement on te fera finir ta vie et ne t’en sauroict sauver ton chasteau ne ton souverain et maître ne ton chef qui t’a nourry ». À Le Maire est également promis un voyage accompagné de plusieurs autres Nantais au « chemin sans retour ».

Pourtant, les textes sont aussi et surtout des opportunités de faire passer un message qui doit servir la Cause huguenote. Ainsi, le placard adressé à Sanzay se termine par une promesse : « Et si tu nous croys et veulx estre des notres, seras grand et heureux et aura grand nombre d’amys et serviteurs ». À Charles Le Frère, sensible aux idées venues de Genève mais fermement opposé à toute action contre la monarchie, est reproché de dissimuler ses vraies opinions religieuses : « Nous te faisons cest advertissement par charité adce que tu ne te dissimule plus et que tu tienne la vraye voye de Christ ». Les huguenots pointent même le fait que la majorité de ses confrères au parlement sont déjà passés à la Réforme : « Si tu es scavant et digne de ton estat, tu doibts estre ferme, invincible contre ses idolatres pappistes et tenir et accorder l’oppinion de ta compaignée [le parlement] qui sont zélateurs et stables de l’honneur du seigneur ». Magistrat fier d’une longue carrière au service du roi, le président Belle-Isle estimera toujours qu’une réforme religieuse doit être menée non pas contre, mais par la Couronne. Il représente bien cette voie médiane, cet entre-deux confessionnel partisan de la concorde qui entend encore concilier réforme et obéissance au roi14. En novembre 1560, le gouverneur Étampes livre par ailleurs un véritable témoignage des qualités du magistrat à la reine-mère. Il a besoin de ce président pour maintenir l’ordre :

Il y a faulte d’homme qui puisse rendre la police en la justice telle qu’elle y est bien nécessaire principallement durant ces divisions, et ne congnoissant personne plus digne et qui y puisse mieulx pourveoir sans particullarité que le président de Belleisle, il seroit bon qu’il vous pleust, madame, luy ordonner de n’en bouger, si vous ne délibérez de le mander pour vous aller trouver en votre assemblée du XXme de décembre, où je ne vous tairay pas aussi, madame, qu’il vous seroit bien propre et nécessaire pour la bonne et grande congnoissance qu’il a de l’estat des affaires de ce pais15.

Quelques mois plus tard, Étampes déplore que le jeune Charles IX n’ait pas encore rencontré le magistrat breton :

Suis bien marry que le président de Bellisle n’ayt receu le paquet que votre magesté avoit ordonné luy estre envoyé car s’il feust allé là, je croy que vous l’eussiez congneu personne digne de vous faire service et aussi que ce eust tousjours estre plus de contentement à ceulx du pais qu’il y eust eu quelques des leurs16.

L’action de Belle-Isle à Nantes est particulièrement remarquée et louée. Le neveu du gouverneur, le vicomte de Martigues, l’atteste lui aussi très bien. En mai 1561, il rapporte à la reine-mère qu’il a réussi à désarmer la population de Nantes grâce à une manœuvre conçue par le magistrat (« par l’advis de monsieur le président de Belisle »)17. En juillet, il lui rapporte qu’il a pu maintenir l’ordre dans la ville grâce au concours du parlementaire18. Enfin, en novembre, il loue « le bon advis du président de Belisle »19. On sait d’ailleurs à quel point le président du parlement est proche du gouverneur au conseil duquel il siège20. Les deux hommes partagent bien des convictions de modération, attitude reprochée ici très sévèrement à Belle-Isle par la frange radicale du calvinisme breton, car il ne faut pas oublier que pour Calvin, le mot de « moyenneur » est on ne peut plus insultant. Particulièrement intéressantes sont les tensions naissantes autour des mots qui servent par ailleurs à désigner les protestants. Dans le premier placard, Guillaume Gaudin est ainsi apostrophé : « L’oppinion que tu as contre les suyvans l’évangille que tu dys héréticques et les appelles luthériens, huguenotz et meschans noms autres dont de tout mentz meschantement et n’est à toy de les baptiser ne à aultres ». À partir de 1560 en effet se diffuse le nom de huguenot pour désigner les protestants. En juin 1561, Bèze et Calvin eux-mêmes relèvent non sans étonnement l’emploi du nom de huguenot qui vient s’ajouter à celui de luthérien dans le vocabulaire des catholiques (« Huguenoti nomen »)21.

La rhétorique protestante à l’œuvre

Dans le format limité des placards, le discours est un concentré de violence, tendu par une représentation eschatologique du temps présent. Ce temps est le champ de bataille entre le Christ et l’Antéchrist. D’un côté les « dissiples de l’antécrist que se faict nommer pappe, dont tel nom ne ses faczons et constitutions ne furent jamays faictes ne commandées par le seigneur ains contraire à sa gloire ». De l’autre ceux qui suivent « la vraye voye de Christ », « les vrays destinez », les élus. Ces deux proches expressions désignent ceux qui sont sur la voie de « la vraie destination » grâce au principe Sola fide. Cette quête quotidienne du Salut par la foi, élément central des doctrines de Calvin, est rappelée avec vigueur. Ainsi, il est rappelé à Guillaume Le Maire qu’il doit s’efforcer de connaître « la vérité de [s]on salut ». Ensuite, deux placards évoquent le roi comme « notre » ou « ton souverain terrien », procédant à une distinction avec le souverain céleste. En rappelant que la monarchie est une puissance terrestre parmi d’autres s’opère une distinction entre obéissance au roi et obéissance à Dieu. En clair, la fidélité due au roi ne doit pas empêcher de professer une foi différente de la sienne22. C’est dans ce sens que le placard adressé à René de Sanzay le prévient ainsi : « Si tu es plus idolatre et croiant en constitution des homes », c’est-à-dire en les pouvoirs terrestres, dont ceux du pape ou du roi, « le seigneur te punira ». Ces théories de l’obéissance seront, au demeurant, reprises quelques années plus tard par les ligueurs. Le gouverneur de Vannes pour la Ligue, René d’Arradon, se justifiera de servir Philippe II d’Espagne et non pas Henri IV car, dit-il au roi catholique, « l’obligation du sermant qu’avons promis au baptesme de vivre et mourir an la religion catholique, apostolique et romaine » l’oblige davantage que l’obéissance due à un roi tout juste converti pour raisons politiques23. En 1558, François d’Andelot lui-même – dont on sait l’importance qu’il eut dans la diffusion du calvinisme autour de Nantes – n’avait pas hésité à affirmer au roi que si sa vie était vouée au monarque, sa conscience revenait à Dieu24.

À Nantes, ce problème de l’obéissance est au cœur des enjeux politico-religieux du temps des placards. En juillet 1560, le lieutenant général Bouillé note au duc d’Étampes : « Le monde est si changé, la crainte et l’obéissance si faillie, la division et partialité si grande »25. En août, il s’inquiète désormais de la fidélité au roi, soulignant qu’« aujourd’hui, la moitié de ce Royaume est armé » et que « c’est une mauvaise augure quand l’on ne craint point son Prince »26. En octobre 1560, l’évêque de Nantes, Antoine de Créquy, dénonce ainsi l’attitude des huguenots : « Il y a danger que, après avoir oblyé dieu, ilz oublyent le debvoir et obéissance qu’ilz doyvent au roy et à sa justice. J’en ay quantité d’informations et mesmes revellations et confessions qui m’ont esté baillées suyvant la publication de certain monytoire général que j’ay faict publier en mon diocèse », disait-il au cardinal de Lorraine27. Lors de l’incendie du Pressoir, en décembre 1561, les chefs de la communauté huguenote de Nantes insistent alors sur leur volonté d’être obéissants aussi bien à Dieu qu’au roi tout en procédant à une distinction entre ces deux formes d’obéissance. Au duc d’Étampes, le modéré Bonaventure Chauvin, sieur de La Musse, affirme à propos du lieu de culte que les huguenots « désirent que le lieu leur soit baillé par les mains de celui auquel, après Dieu, ils doibvent toute obéissance »28. Quant à François d’Andelot, présent à Nantes au moment des faits, il fait le lien entre la partialité des officiers de justice et une possible sédition : « La trop grande patience que l’on souffre aux mauvais ministres de la justice donne grande menasse d’une sédition que je n’ai jamais veue ny congneue en lieu si prochaine que cestuy-ci », dit-il au duc d’Étampes29. Ce danger parvient aux oreilles de Bouillé qui craint désormais une subversion socio-fiscale :

Beaucoup de gens de bien disent que c’est le vray commencemant de la sédition que ces assemblées [de huguenots], pour que c’est occasion de gaigner et attyrer beaucoup de ce pauvre menu peuple ignorant et que là-dedans on leur oste tant la craincte et leur baille t’on une sy grande liberté qu’ilz preignent sy gros cueur qu’on dict que à la fin cela tournera à rébellion et ne vouloir plus paier ny tailles ny rentes30.

Tel est son discours envoyé à Catherine de Médicis. Cela dit, dans les placards de mai, la fidélité au roi n’est pas encore véritablement mise à mal car les textes désignent avant tout comme tyrans le président de Belle-Isle ou, à demi-mot, les Guises. En effet, l’entourage lorrain du monarque est visé à plusieurs reprises : « Ses tirans et lappidateurs meurtriés qui sont près de notre souverain terrien » ; « Les meschans, pilleurs, exacteurs, anssiens de la plus haulte meurdries, bougres, incestes et tirans qui manient ledit prince ». On perçoit bien là les tensions liées à l’exercice du pouvoir par la maison de Lorraine depuis l’avènement de François II qui a épousé Mary Stuart, la fille de Marie de Lorraine, sœur des Guises. François, duc de Guise, et son frère Charles, cardinal de Lorraine, sont particulièrement visés comme manipulateurs du jeune roi, leur neveu par alliance. Leur rôle éminent dans la répression de la Conjuration d’Amboise joue pleinement dans les attaques des placards. Pour les huguenots nantais, le jeune monarque est véritablement manié, c’est-à-dire manipulé par les néfastes conseils des Guises. À tel point qu’à la mort de François II, Bouillé craint des troubles à venir à l’occasion du « changement de règne » et prend la plume pour s’assurer de la fidélité de grands seigneurs huguenots du comté de Nantes31. Et il est à noter que les troubles entre catholiques et protestants à Nantes en décembre 1560 suivent de très près la mort du jeune roi. Reste que, si Andelot et les huguenots se placent encore très largement sous l’obéissance du roi, de tels écrits sont rapidement considérés comme séditieux par les magistrats, et très vite par le gouverneur Étampes qui, s’il a pu être choqué par le fond, l’est aussi et surtout par la forme32.

L’ombre de la Conjuration d’Amboise

En effet, trois jours après avoir reçu une lettre du gouverneur Étampes relative aux placards, Sanzay lui écrit : « Il n’y a chose au monde que je haye plus que ce que maintenant les bailleurs de telz placards que ceulx que avez veus, et telles fassons de faire doibvent croistre le cueur et bonne voulonté aux gens de biens »33. Le capitaine pense faire ici la distinction entre les réformés « gens de bien », qui demeurent raisonnables (qu’Étampes appelle lui-même « gens de bien et esloignez de passion »34) – peut-être songe-t-il à Belle-Isle – et les plus radicaux de la Réforme. Au reste, le duc d’Étampes fait assez rapidement le lien avec l’affaire rapportée par le sénéchal Jacques Fabry à Vannes. Lucide, il sait déjà que ces placards s’insèrent en réalité dans un contexte plus large et complexe que la seule opposition aux magistrats nantais. À la fin d’une missive, il annonce au duc de Guise qu’il a également reçu de Rennes :

Une protestation imprimée qui est faicte par les estatz, que vous pouvez penser, contre vous et monsieur vostre frère, laquelle a esté attachée ainsi qu’on m’a mandé, presque à toutes les portes de ladicte ville et à celles des églises35.

En même temps, à la réponse de placards catholiques leur promettant la potence, les huguenots rennais ne placardent pas mais déposent – la nuance est d’importance – chez le sénéchal une profession de foi tout en se plaçant sous la protection du magistrat et promettant de bien servir le roi – mais sans mention des Guises. Ces textes, qui seront appelés par la suite « grands pardons », s’en prennent sévèrement au clergé mais s’apparentent davantage à des professions de foi, radicalement différentes des placards36.

Dans le même temps, Fabry mène toujours l’enquête à Vannes. Il interroge l’homme qui détient une copie de ces fameux placards et qui relève justement de la juridiction de Nantes. Une nouvelle et longue enquête est ouverte par les magistrats du présidial. Le juge Pierre de Saint-Martin remonte le fil de Vannes, Batz, La Roche-Bernard, Le Croisic, pour arriver au Havre où s’étaient tenues « congrégations et assemblées contre le Roy [et] aultres princes et seigneurs de son royaulme », en interrogeant essentiellement des marins (pilotes, maîtres de navires etc.)37. L’affaire dépasse désormais le seul espace breton et inquiète de plus en plus le pouvoir central.

Le 2 juin 1560, Guise rapporte à Étampes qu’il a bien reçu les placards trouvés à Nantes et estime qu’ils proviennent vraisemblablement « d’une mesme boutique de paillards, séditieux qui ne désireroient aultre chose que de veoir une ruyne et subversion en ce royaulme, car il est assez aysé à leur stille de veoir quels gens se peuvent estre et quel zèle ils ont de menasser de couper la gorge et de tuer les juges s’ils ne font ce qu’ils veullent »38. Fait-il allusion à l’imprimerie lyonnaise, alors en passe de supplanter Genève dans la publication des textes huguenots39 ? Au reste, en juillet, René de Sanzay émet quant à lui l’hypothèse que c’est un conseiller au parlement, Robert du Hardas, un « des plus importens luthériens », et ses fidèles « qui ont mys les plaicars à la porte de chacun »40. C’est le même qui se serait plaint au roi et à Guise de Sanzay et des magistrats. Sanzay rejoint d’ailleurs l’idée répandue chez les contemporains d’une forte implication des magistrats du parlement de Bretagne dans la défense du protestantisme41. Deux ans plus tard, le grand vicaire de l’évêque de Nantes, lui aussi un proche du gouverneur Étampes, rapporte à ce dernier qu’il a trouvé des livres huguenots amenés à Nantes par deux marchands libraires de Genève, Jehan Baratz et Florent Girard, et que le parlement a envoyé enquêter les conseillers Michel Dessefort et Robert du Hardas, grandement suspects de calvinisme à ses yeux42. Est-ce le signe des réseaux de Du Hardas dans le milieu libraire nantais ? Toujours est-il qu’en août 1561, les catholiques de Nantes déclarent que les huguenots de la ville ont « presché et faict plusieurs assemblées et conventiculles et sermons à ung pressouer [Pressoir] apartenant audit du Hardaz ». Le mois suivant, le prêche se tient au logis de Mathurin Papolin, libraire bien connu de la ville et dont la boutique sera saccagée en 156343. Ce même été, une assemblée se tient chez un autre libraire, René Pastoureau. Entre temps, les catholiques de Nantes ont identifié et désigné les principaux chefs huguenots de leur ville. Parmi eux, Robert du Hardas, Michel Dessefort, Louis de Châteautro, Pierre de La Chapelle et Guillaume Laurent, conseillers au parlement ; Antoine de Cornal et François Garreau, conseillers au présidial ; enfin, François Le Bloy, lieutenant criminel qui indiquera en décembre 1561 au duc d’Étampes que l’incendie survenu au Pressoir était l’œuvre du grand vicaire de l’évêque et de son neveu44. Selon les catholiques, les huguenots disent « que il n’y avoyt auculnes gens de bien en cestedite ville que ceulx qu’on appeloit Huguenotz, et que lesdits Huguenots estoient plus gens de bien que les papistes »45. Il ne faut donc pas écarter la piste d’une production littéraire issue du milieu parlementaire nantais, particulièrement touché par la répression d’Amboise. Dans ce sens, l’injonction au président de Belle-Isle d’imiter « ceulx de [s]a compaignée » pourrait trahir les magistrats huguenots, au premier rang duquel se tient Robert du Hardas. Il est aussi possible de penser à une opposition plus large à Nantes entre magistrats huguenots du parlement, coupés de leur président, et officiers locaux catholiques (capitaine, sénéchal, greffier). Mais il faut aussi songer aux liens entretenus entre les parlementaires et le milieu des petits et moyens artisans de la ville. En octobre 1560 éclatent de nouvelles tensions urbaines autour du lieu de culte des calvinistes nantais. L’évêque de Nantes, Antoine de Créquy, qui se distingue par son hostilité envers ces derniers, a une vive altercation avec un parlementaire huguenot qui vient d’acheter des poudres en quantité, Louis de Châteautro, sieur du Chesne, et il faut toute la diplomatie du duc d’Étampes pour séparer les deux hommes46. De même, le sénéchal Le Maire et le greffier Gaudin enregistrent la déposition et plainte d’un docteur en théologie nommé Jehan Levesque, qui s’est fait agresser

Par grand nombre de personnes, à cause que ledict Levesque, passant par la rue, avait advisé certains ymaiges et painctures sur papier avecques escripteaulx attachez et estallez pour vendre, et s’estant arresté à regarder lesdicts escripteaulx, ayant regardé ung image de Moyse en paincture et audessoubz les deux tables, et parceque au deuxiesme desdictes tables est escript : « Ymage poinct ne feras des choses qui sont au ciel ou sur terre ne auculnement ne t’inclineras devant elles », aurait ledit Levesque susdict, dict au vendeur d’icelles painctures qu’elles luy sembloient faulx, parce que telle prohibition y contenue debvait estre de faire ydoles et non des images47.

Ce texte qui pose, avec cette représentation des dix commandements, le problème de l’interdit de l’image, interpelle les magistrats. Ceux-ci sont envoyés sur ordre du gouverneur à la recherche des deux présumés agresseurs, l’apothicaire Bertrand Geslin et le marchand drapier Pierre Gouy. Guillaume Gaudin, qui rédige le procès-verbal de l’enquête, écrit que le sénéchal Le Maire pense à Geslin, « soubsonné d’estre sédicieux et en auraict esté appelé et interrogé par Monsieur maître André Guillard, premier président de Bretaigne, lors estant en ceste ville de Nantes du temps de la sédition d’Amboise ». Geslin aurait-il été interrogé à propos des placards en tant que potentiel rédacteur ? Reste que lorsque les soldats du sergent de ville se déplacent chez lui, ils n’y trouvent que Pierre Gouy. L’apothicaire s’est envolé. Mais l’arrestation de Gouy permet la saisie des papiers de la communauté protestante de Nantes dont une précieuse liste d’une soixantaine de noms de diacres et d’élus du canton de la Poissonnerie, ce qui permet de les convoquer ensuite devant la justice. Se tiennent côte à côte des chirurgiens-barbiers, des apothicaires, un « pédagogue d’enfants »48, des maîtres de métiers comme des drapiers, des vitriers, des couturiers, des marchands, des barbiers, des épiciers, des charpentiers, des maçons, des fourbisseurs, des serruriers, des cordonniers, un « casseur d’acier », et surtout des libraires comme René Pastoureau et Mathurin Papolin cités plus haut49. Assisté des magistrats de justice que sont le sénéchal Le Maire, le greffier Gaudin et trois conseillers au parlement, le duc d’Étampes entend les huguenots capturés. Il n’est pas fait mention des placards mais certains auditionnés affirment leur foi avec vigueur. Ainsi du chirurgien-barbier Guédas Porcher qui affirme devant le gouverneur de Bretagne qu’

Il y a dix ans qu’il y a cognoissance des abbus qui se sont mys premièrement en l’Eglise romaine, luy estant à Rome et depuys à Venise et Constantinoble, par quoy deslors ne y a plus adjousté de foy et dès le temps de cinq ans qu’il est demeurant en ceste ville s’est contenté de faire pareilles prières que l’on faict à Geneve […] qu’il ne la faict que pour son sallut et non pour désobéir au Roy et aimerait mieux mourir que ce faire.

Ces vives affirmations soulignent aussi le fort lien de la ville avec le commerce international, ce qui fera craindre aux catholiques la venue d’étrangers au prêche « en espérance, comme ilz dient, de y faire une seconde ville de Genesve »50. Ajoutons à ces dépositions et à cette liste une lettre missive des huguenots de Nantes adressée aux protestants de Genève datée du premier avril 1565 et signée par les neuf chefs de l’église de Nantes (deux diacres, six anciens et un scribe du Consistoire). Y sont apposées les signatures des conseillers au présidial Antoine de Cornal et François Garreau, de l’apothicaire Bertrand Geslin, du libraire Mathurin Papolin et du marchand drapier Pierre Gouy51. Ce dernier, devenu scribe du Consistoire, est le rédacteur de la belle missive envoyée à ses « frères » de Genève. Les auteurs des placards, ces fidèles de Robert du Hardas, sont donc probablement issus de ce milieu lettré d’artisans, de petits boutiquiers, de libraires et d’officiers moyens. Lors des troubles urbains qui se multiplient de 1560 à 1562, nombreux sont ceux cités sur la liste saisie en octobre 1560 qui se retrouvent dans les nombreux procès-verbaux des magistrats visés par les placards, à l’image de Geslin ou de Gouy. La bonne connaissance des magistrats de Nantes plaide ainsi pour une rédaction des placards par des huguenots de la même ville qui ont d’ailleurs souvent été aux prises avec eux lors d’affaires judiciaires répétées.

Toujours est-il que les placards de Nantes et de Rennes ainsi que les lettres de Vannes s’inscrivent donc plus largement dans le mouvement de contestation lié à la répression de la conjuration d’Amboise quelques semaines plus tôt. Dans le procès-verbal de Jacques Fabry est recopiée la fameuse lettre missive séditieuse qui évoque Nantes, La Roche-Bernard, la Basse-Bretagne et surtout « l’entreprinse par faulte que elle fut trop tost descouverte de VIII jours », c’est-à-dire la conjuration d’Amboise52. L’épistolier, qui affirme à son interlocuteur lui avoir déjà « écrit de Nantes », ajoute : « Il se briace quelque aultre chose que ne vous puys resciter par escript, et pour cause, mays en brieff le vous diray de bouche, dieu aydant ». Ce « aultre chose » désigne-t-il la rédaction des placards de Nantes ? L’épisode des placards serait alors à envisager comme une conséquence directe de l’échec des conjurés. Il ne faut en effet pas oublier que les rencontres secrètes de La Renaudie – qui hait les Guises – pour mettre en œuvre son complot, se sont tenues à Nantes et qu’une fois la conspiration étouffée, le greffier du parlement de Paris, Jean du Tillet, s’est enrichi sur lui et sur ses partisans en Bretagne53. Quelques jours après la conjuration, les Guises pensent d’ailleurs (à tort) que des conjurés – dont le propre secrétaire de Condé – se réfugient à Belle-Île54. La piste bretonne est donc des plus sérieuses.

Au demeurant, l’épisode met sévèrement à mal l’autorité des magistrats, et, lorsqu’il faut trouver un commissaire royal pour apaiser la situation dans la ville, le gouverneur Étampes écarte le capitaine Sanzay et le président Belle-Isle. Il estime pourtant ce dernier qu’il qualifie de « très suffizant ». Simplement, le président est insulté et décrié dans les placards et « leur est odieulz »55. Le commissionner représenterait un réel risque pour l’ordre. Le duc d’Étampes porte alors son choix sur un parent qu’il connaît bien, membre éminent de la noblesse huguenote nantaise qui avait fait jouer toute son autorité dans le maintien de l’ordre dans la ville au début des troubles, le respecté René d’Avaugour, sieur de Kergrois56. Durant l’été 1562, ce dernier est même invité par le duc à participer à une disputatio à Nantes entre catholiques et protestants, fait rare car tenu en pleine guerre civile, où s’y distingue aussi le fils du capitaine Sanzay, sieur de Saint-Marsault, qui fait aux huguenots « une objection extraicte des paroles de Sainct-Paul – c’est-à-dire du Nouveau Testament. La conférence explore des domaines bien précis comme l’Eucharistie57. Au croisement des confessions, Kergrois rassure les huguenots de Nantes comme les catholiques ouverts au dialogue. D’abord présent dans l’armée du duc d’Étampes en 1562, il rejoint ensuite le conseil de la reine de Navarre à La Rochelle en 156958. Son propre fils, le huguenot Charles d’Avaugour, sieur de Kergrois, sera lui-même l’un des deux commissaires pour l’exécution de l’édit de Nantes en Bretagne.

Étampes demande aussi une commission signée de la main du roi, plus forte qu’une simple commission de gouverneur. Mais de son propre aveu il déclare : « J’avois commis monsieur de Cargrois qui ne fault pas à mon adviz d’y faire son debvoir, estant du pais, ilz ne le recongnoisteront et obéiront comme s’il estoict auctorisé du Roy »59. Dans sa réponse aux Guises, il laisse alors poindre une idée : « Mon adviz seroit que vous y en envoissiez ung qui ne feust pas du pais, par ce qu’il seroit beaucoup plus craint »60. Voilà un gouverneur qui demande expressément la venue d’un commissaire extérieur à sa province, ce qui sera le cas après l’édit d’Amboise, en 1563. D’ailleurs, c’est là un sentiment partagé par son adjoint, le lieutenant général Bouillé, qui peut demander au roi d’envoyer « en ce pais ung commissaire bien insctruict », ou par le greffier Guillaume Gaudin, rapportant à Étampes qu’« il est impossible d’avérer et faire justice desdites contraventions, s’il n’y a quelques commissères vertueux et estrangers de ce payx, qui en informent et donnent assurance aux tesmoings et aux plaintifs de leurs personnes et biens61 ». Ainsi, un épisode tel que la diffusion de placards a pu engendrer la demande de commissaires extérieurs à toute passion non seulement confessionnelle mais aussi provinciale62.

En novembre, Guillaume Le Maire reçoit sur sa porte un second placard63. Une certaine forme de persuasion est peut-être toujours un des objectifs du placard car, à l’été 1561, le sénéchal informe Étampes des sollicitations des huguenots de la ville qui sont venus auprès de lui pour l’inviter à « assister à la prédication de leur Ministre64 ». L’officier, qui refuse mais ne peut repousser une discussion avec le vicomte de Rohan, le grand protecteur de la communauté protestante de Nantes, tient informé le gouverneur pour éviter toute suspicion à son égard. Plus tard, il signale que « quelques uns ont entré aux prisons des Régalles pour parler au libraire de Genève [Florent Girard], et ce contre la volonté du geollier65 », Puis, en août 1562, il « prie Dieu qu’il lui plaise illuminer tous les dévoyés » de Nantes, à l’image, dit-il, des néo-convertis qui vont désormais à la messe et font « fraternité et amitié » aux catholiques66. Il restera ancré du côté catholique, en dépit des placards huguenots.

Par ailleurs, l’affaire des placards inspira chez les magistrats nantais méfiance et inquiétude à propos de la diffusion de livres et pamphlets huguenots dans leur ville. En novembre 1560, à peine six mois après l’affaire des placards, Le Maire, Sanzay et Gaudin découvrent dans un paquet de missives interceptées depuis Angoulême et destinées à l’évêque de Saint-Brieuc, Jean du Tillet, qui avait été chanoine d’Angoulême, « ung libvre en francoys couverpt et relyé de parchemyn intitullé Le glaive du géant Goliath, Philistin et ennemy de l’Église de Dieu »67. Ce « petit livret », dit une missive anonyme, écrit par le huguenot et ministre d’Arvert, Charles Léopard, politise l’épisode biblique du combat de David contre Goliath, allégorie de la papauté, comme celui des huguenots contre le pape. Publié l’année suivante, son sous-titre précise : « C’est un recueil de quelques certains passages par lesquel il sera aisé à tous fidèles qui le liront de congnoistre que le Pape ha la gorge couppée de son propre glaive ». Le greffier Gaudin fait face à bien d’autres tensions, dont un meurtre en 1563 et rapporte alors au gouverneur : « Un meurtre énorme […] en la personne d’un prestre vicaire dudit lieu [Héric] qui alloit célebrer Messe, par deux de la nouvelle Religion ». Il mentionne aussi le mépris dont témoignent les huguenots pour sa charge : « Les malvivans et contrevenans aux Edits du Roi m’ont en horreur et leur est mon estat odieux68, me donnoient menaczes de mort, j’ai mieulx aimé demeurer en la miséricorde de Dieu que de tumber en la leur ». L’officier fait appel à la force armée du gouverneur, seul recours pour lui dans cette affaire, car dit-il, les autres officiers n’ont pas le même courage que lui : « Sans vostre auctorité et puissance, ledit crime pourra demeurer impuni, car personne de la Justice d’ici n’y osent aller69 ». Cette passivité des autres juges (pense-t-il aux conseillers du présidial ?) est particulièrement dénoncée par les catholiques comme signe d’appartenance à la Réforme. À l’inverse, le zèle de Gaudin est perçu par les huguenots comme le témoignage de son intolérance.

Cet épisode des placards montre que les tensions sont loin d’être expliquées uniquement par la dimension religieuse. On sait en effet combien les guerres de Religion ont profondément renouvelé la pensée politique. Derrière les mots « oppression » ou « tyran », on perçoit chez les huguenots bretons la peur d’une « altération irrémédiable de la monarchie »70. Il s’observe aussi un antagonisme entre officiers d’échelons différents : aux capitaine, président du parlement, sénéchal et greffier criminel s’opposent des conseillers au parlement et officiers moyens du présidial. Bien que l’on ignore l’identité précise des rédacteurs des placards, la bonne connaissance des magistrats locaux plaide pour une rédaction par des huguenots nantais, issus de la collusion des milieux lettrés d’artisans, de libraires et d’officiers moyens. Ainsi, les placards de Nantes éclairent un aspect méconnu du militantisme écrit des huguenots qui ne concerne pas uniquement les professionnels de la rédaction de libelles, mais aussi les plus humbles défenseurs de la Cause.

DOCUMENTS

1) Placard contre Guillaume Gaudin

(Source : BnF, Ms. Fr. 15641, f° 57)

À Guillaume Gaudin, greffier sanglant, glorieux sot et meschant

Tu dys que tu as trouvé ung escript de menasses que on t’a faictes y les fault cesser mais les exécuter ce que nous te assurons grand numbre qu’il sera faict si tu perseveres en tes meschanctes traisons, faulces promesses et en l’oppinion que tu as contre les suyvans l’évangille que tu dys héréticques et les appelles luthériens, huguenotz et meschans noms autres dont de tout mentz meschantement et n’est à toy de les baptiser ne à aultres. Et ceulx qui continueront en telz propos que les tiens s’en repentiront jusques à ceulx qui se disent, nomment et pour l’heure sont les plus grans car le seigneur le veult par ce qu’ilz luy sont contraires. Songe en ton cas et rapaize ceulx que tu as faché ou voullu offencer car ilz sont de meilleure religion, foy et loy que celle que toy et tous les papistes tiennent. Et y feussent ton président Le Frère, ton sénéchal et aultres et ton cappitaine qui ne te sauroit empescher que on ne te fasse finir la vye et à luy mesmes jusques dedans le chasteau où il ne fera longue demeure s’il ne faict comme le advertissons par charité ce requérant ung qui te ayme.

C’est la coppie du placart qui a esté trouvé ataché à la porte de Maître Guillaume Gaudin, greffier d’office et criminel de Nantes [d’une autre écriture ensuite] la nuict d’entre les six et septième jour de may 1560.

2) Placard contre Charles Le Frère

(Idem, f° 58)

À Charles Le Frère, présidant sanglant

Si tu estois vray frère et non véritable tenant les promesses aux imitateurs et suivans l’évangille qui est vérité ne te habillat de l’abbit dissimulé et la faczon ancienne vers toutes personnes et que tu ne obtemperasse que à ladicte evangille et non aulx dissiples de l’antécrist que se faict nommer pappe dont tel nom ne ses faczions et constitutions ne furent jamays faictes ne commandées par le seigneur ains contraires à sa gloire parce qu’il est seul. Si tu es scavant et digne de ton estat, tu doibt estre ferme, invincible contre ses idolatres pappistes et tenir et accorder l’oppinion de ceulx de ta compaignée qui sont zélateurs et stables de l’honneur du seigneur, amateur de ceulx qui le suivent nous suivans en oppinion ses tirans et lappidateurs meurtriés qui sont près de notre souverain terrien que nous debvronct tenir main et les faire mectre à la samble où ilz veullent et tous les jours pourchassent nous faire mectre. Nous te faisons c’est advertissement par charité adce que tu ne te dissimule plus et que tu tienne la vraye voye de Christ, te déclairant que là où tu y deffauldras et pour ce adhereras à ce malheureux Sanzay, cappitaine pour ceste heure cy, persecuteur de la religion, sectateur et soustien des pappistes ensemble ce grand asne Parradys, seneschal le plus ferme faulx juge qu’oncques ne fut, et du tout à fait d’aulcuns ingnorans opiniastres leurs semblans et mal voullans des scavans de ceste rite par faulte qu’ilz ont de prendre la vérité au rebours. Si ne les indvissez et contraignez suivre la voye qu’ilz doibvent et sans plus dissimuler, vous vous pourrez asseurez de finir briefvement avecques eulx et qu’il ne demoura que les vrays destinez pour demourer en leur liberté évangélicque que veullent ou non tous ceulx qui l’empeschent car le seigneur est le plus fort.

Sy [icy] est la coppie du placart qui a esté attachée de nuict à la porte de Monsieur le Présidant de Bellisle.

3) Placard contre René de Sanzay

(Idem, f° 59)

À René de Sanzay, pour ceste heure cappitaine de ce chasteau et ville de Nantes le malheureux

Tu te debvroys chastier d’estre contraire et ennemy et de parler contre les vrais chrétiens suivans l’évangille, addorant et servans le seigneur, seul et non autre car tu scais combien tu en as acquis d’ennemys et qui te ont empesché et empeschent de faire ton proffict et de prevenir où tu as prétendu et estre en grace de ton souverain terrien et que tu es empesché et brouillé en la plus part et presque en tous tes biens, saiches que si ne changes d’oppinion et que si tu es plus idolatre et croiant en constitution des homes que le seigneur te punira davantaige et ses bons serviteurs à qui tu as affaire et que davantaige seras chassé de ta charge et que on te mectra la main sur le collet ou briefvement on te fera finir ta vie et ne t’en sauroict sauver ton chasteau ne ton souverain et maitre ne ton chef qui t’a nourry ny les meschans, pilleurs, exacteurs, anssiens de la plus haulte meurdries, bougres, incestes et tirans qui manient ledit prince, frères ne conseil de ton président ne de ton seneschal car le seigneur est le plus fort qui le veult et les chastiera et toy comme meschant et pour l’honneur de luy et charité te faisans cest advertissement, suitz le si tu ne veulx estre ruyné. Et si tu nous croys et veulx estre des notres, seras grand et heureux et auras grand nombre d’amys et serviteurs.

Sy est la coppie du placart qui a esté trouvé attachée à la porte du chasteau la nuict d’entre les six à septiesme jour de may 1560.

4) Placard contre Guillaume Le Maire

(Idem, f° 60)

À Guillaume le Maire, seneschal asne et non scavant et invrongne quant et quant

Si tu estoys scavant, ton nom de maire qui impporte tiltre de bonne vertu et pollice et pareillement ton estat, tu te efforceroys scavoir la vérité de ton salut et ne vouldroys demeurer ingnorant et ne vouldroys accompaigner en faict ne volunté ceulx qui sont mesmes portant le crédict estans Roys ne pareillement le présidant le Frère, de nom et deffaict de toutte dissimulation et deception tant pour la religion que touttes aultres choses de se siècle ne aussy n’accorde à ce malheureux cappitaine de tout temps idolatre, amateur des forsbours papistes, ancien haigneur des religieux suivans l’évangille et ennemy s’il eust peu dont ilz ont bien empesché et empescheront et les feront ouster de sa charge et le mectront encores en plus basses eaulx qu’il n’est et ont par ci davant bien aydé à le mectre où il en est et en semblable tendront si tu ne te retournes et chasties et si tu ne leur aydes à leur courir suz comme à haigneur de vérité tu n’as tes bouges plus plaines que luy et t’en fault chercher comme luy. Advisez toy faictz tes affaires au matin sur penne de mauvaise grace et encores pires ne faictz plus tant le beau, grand lourdanet, et te advise changer d’oppinion sur penne que tu feras compagnée avecques beaucoup d’aultres au dessusdit chemin sans retour.

Si est la coppie du placart qui a esté attachée de nuict à la porte de Monsieur le Seneschal de Nantes.

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1. Tatiana Debaggi Baranova, À coups de libelles. Une culture politique au temps des guerres de religion (1562-1598), Genève : Droz, 2012, 520 p. Sur les années 1560-1562, voir Hugues Daussy, Le Parti huguenot. Chronique d’une désillusion (1557-1572), Genève : Droz, 2015, p. 152-166 : « La première guerre des pamphlets ».

2. Bibliothèque nationale de France [désormais BnF], manuscrits français [désormais Ms. Fr.] 20510, f° 86 : Guise au duc d’Étampes, Marmoutier, 13 avril 1560.

3. AD Morbihan, G 295 : Jacques Fabry, sieur de Bonnepart, est ancien sénéchal d’Hennebont et sénéchal de Vannes. Il est présenté comme ligueur en 1589 (Frédéric Joüon des Longrais, « Information du Sénéchal de Rennes contre les Ligueurs, 1589 », Bulletin et mémoires de la société archéologique du département d’Ille-et-Vilaine, t. XLI-1, Rennes, 1911, p. 128.

4. BnF, Ms. Fr. 16207, f° 225 : procès-verbal de Jacques Fabry, Vannes, 24 avril 1560 ; f° 226 : lettre missive, Le Havre de Grâce, jour de Pâques 1560 [14 avril].

5. H. Daussy, Le Parti huguenot, p. 152-153. Le texte a sûrement été imprimé à Lyon. Un exemplaire dans BnF, Ms. Fr. 17286 ; un autre dans Manuscrits de la collection des Cinq cents [désormais BnF, Vc] de Colbert 28, f° 32 (avec un autre exemplaire du procès-verbal de Fabry) ; encore dans Dupuy 89, f° 115 et dans BnF, Ms. Fr. 10190, f° 53. Le texte est aussi imprimé dans Mémoires de Condé, servant d’éclaircissement et de preuves à l’histoire de M. de Thou, Paris, 1743, t. I, p. 405-410.

6. « Je vous envoye si enclos une coplye des plaquars qui ont esté trouvez à Rouen. Par icelles verés de grandes choses », dit la missive. Le texte, n’ayant pu être présenté au roi à Amboise, il a en effet été placardé à Rouen, lors de Pâques 1560 (Éric Durot, « Les Guises comme figure(s) médiatique(s) », dans Gabriele Haug-Moritz, Lothar Schilling, Médialité et interprétation contemporaine des premières guerres de Religion, Oldenbourg : De Gruyter, 2014, p. 53).

7. David Potter, « “Alliance”, “Clientèle” and Political Action in Early Modern France : the Prince of Condé’s Association in 1562 », dans Véronique Gazeau (éd.), Liens personnels, réseaux, solidarités en France et dans les îles Britanniques (xie-xxe siècle). Personnal Links, Networks and Solidarities in France and the British Isles (11th-20th Century). Actes de la table ronde organisée par le GDR 2136 et l’Université de Glasgow (10-11 mai 2002), Paris : Publications de la Sorbonne, 2006, p. 208.

8. BnF, Ms. Fr. 15641, f° 2 : Jacques Fabry au cardinal de Lorraine, Vannes, 26 avril 1560.

9. AD Côtes-d’Armor, 1 E 3654 : René de Sanzay au duc d’Étampes, Nantes, 9 mai 1560. René de Sanzay est lieutenant de Montmorency à la capitainerie de Nantes depuis 1555. Il avait été maître des eaux et forêts d’Anjou (Catalogue des actes de François Ier, t. VI, p. 659, 1542).

10. Elizabeth Tingle, Authority and society in Nantes during the French Wars of Religion, 1558-1598, Manchester : University Press, 2013, 256 p. ; Roger Joxe, Les Protestants du comté de Nantes, xvie-xviie, Marseille, 1982, p. 53-54.

11. Vladimir Chichkine (éd.), Documents pour servir à l’histoire de France au milieu du xvie siècle. Début des guerres de Religion (1559-1560), édités par Elena Gourari, Tamara Voronova, Alexandra Lublinskaya, sous la direction générale de Vladimir Chichkine, numéro spécial de la revue Srednie veka, t. 7, Moscou, Institut de l’histoire universelle RAN, 2013, p. 66 : Étampes à Guise, Lamballe, 14 mai 1560.

12. AM Nantes, GG 416, paroisse Sainte-Croix, f° 91.

13. Dom Morice, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, Paris, 1746, t. III, col. 1294 : François d’Andelot au duc d’Étampes, Nantes, [décembre 1561].

14. Sa fille est l’épouse de Michel Dessefort, parlementaire breton passé à la Réforme. Belle-Isle a d’abord été sénéchal de Vannes, alloué puis sénéchal de Nantes, et enfin conseiller puis président du parlement de Bretagne.

15. BnF, Ms. Fr. 15875, f° 395 : Étampes à Catherine de Médicis, Rennes, 17 novembre 1561.

16. BnF, Ms. Fr. 3186, f° 35 : Étampes à Charles IX, L’Aigle, 31 janvier 1562.

17. BnF, Ms. Fr. 15875, f° 507 : Martigues à Catherine de Médicis, Nantes, 24 mai 1561.

18. BnF, NAF 21095, f° 65 : Martigues à Catherine de Médicis, Nantes, 22 juillet 1561. Le même jour, Le Maire et Gaudin terminent leur enquête à propos d’une assemblée tenue chez le libraire René Pastoureau (Dom Morice, Mémoires, t. III, col. 1276-1287).

19. BnF, Ms. Fr. 15875, f° 379 : Martigues à Catherine de Médicis, Nantes, 23 novembre 1561.

20. Antoine Rivault, Étampes et la Bretagne. Le métier de gouverneur de province à la Renaissance (1543-1565), thèse de doctorat sous la dir. de Philippe Hamon, Université Rennes 2, 2017.

21. Henri Meylan – Alain Dufour (éd.), Correspondance de Théodore de Bèze, Genève : Droz, 1963, t. III, n° 175 : Bèze et Calvin à Bullinger, Genève, 16 juin 1561.

22. H. Daussy, « Les huguenots entre l’obéissance au roi et l’obéissance à Dieu », Métaphysique et politique de l’obéissance dans la France du xvie siècle, numéro spécial de la Nouvelle Revue du xvie siècle 22 (2004), p. 49-69.

23. Archivo General de Simancas, Consejo de Estado, K 1596 : René d’Arradon à Philippe II, Vannes, 26 janvier 1595.

24. H. Daussy, « Les enjeux politiques d’une conversion. Les relations épistolaires entre Jean Calvin, Jean Macar et François d’Andelot en 1558 », La foi dans le siècle. Mélanges offerts à Brigitte Waché, Rennes : PUR, 2009, p. 253-261 ; R. Joxe, Les protestants du comté de Nantes, p. 39-49.

25. Dom Morice, Mémoires, t. III, col. 1250 : Bouillé au duc d’Étampes, Saint-Malo, 14 juill. 1560.

26. Ibid., col. 1252 : Bouillé au duc d’Étampes, Saint-Julien-de-Vouvantes, 8 août 1560.

27. BnF, Vc de Colbert 27, f° 120 : Antoine de Créquy au cardinal de Lorraine, Nantes, 27 oct. 1560.

28. Dom Morice, Mémoires, t. III, col. 1295 : La Musse au duc d’Étampes, Le Ponthus, 10 déc. 1561.

29. Ibid., col. 1294 : François d’Andelot au duc d’Étampes, Nantes, [décembre 1561].

30. BnF, Vc de Colbert 27, f° 245 : Bouillé à Catherine de Médicis, Nantes, 12 déc. 1560. Même discours livré quelques jours auparavant à Étampes (AD Côtes-d’Armor, 1 E 3654 : Bouillé au duc d’Étampes, Nantes, 7 déc. [1560] : « C’est le vrai commencement de venir à la sédition et pour donner le cœur si grand à toute la communauté et les mettre en cette libération de ne payer plus ni tailles ni rentes car l’on dit qu’on ne leur met en tête que toutes choses de liberté »).

31. AD Côtes-d’Armor, 1 E 3654 : Bouillé à Christophe du Matz, sieur du Brossay Saint-Gravé, Nantes, 10 et 13 déc. 1560. Le huguenot Brossay Saint-Gravé, capitaine de l’arrière-ban de Nantes, avait fondé un prêche chez lui, à Rochefort-en-Terre. Il sert ensuite dans l’armée d’Andelot et Coligny et meurt au siège de Domfront en 1574.

32. Notons que les huguenots n’osent pas rédiger de placard contre le gouverneur.

33. BnF, Ms. Fr. 22310, f° 148 : René de Sanzay au duc d’Étampes, Nantes, 17 mai 1560.

34. BnF, Ms. Fr. 15875, f° 395 : Étampes à Catherine de Médicis, Rennes, 17 novembre 1561.

35. V. Chichkine (éd.), op. cit., p. 70 : Étampes à Guise, Lamballe, 15 mai 1560.

36. Crevain rapporte néanmoins qu’« ils n’y furent pas longtemps, car les prêtres les coururent chercher » (Philippe Le Noir de Crevain, Histoire ecclésiastique de Bretagne depuis la Réformation jusqu’à l’Édit de Nantes, éd. B. Vaurigaud, Nantes, 1851, p. 40). Sur les placards catholiques, ibid., p. 41.

37. BnF, Ms. Fr. 15641, f° 10 : information faite par Pierre de Saint-Martin, juge au siège présidial de Vannes, 2 juin 1560. Jehan Jan, greffier criminel, Jehan de Talguerin, avocat. Jehan Jan est greffier d’office et notaire royal à Vannes (AD Ille-et-Vilaine, C 3735 : Jean d’Arz, sieur de Ruillac, au duc d’Étampes, avril 1562).

38. BnF, NAF 6011, f° 43 : Guise au duc d’Étampes, Romorantin, 2 juin 1560.

39. Sur l’imprimerie lyonnaise, qui utilise de faux lieux d’impression pour brouiller les pistes, voir H. Daussy, Le Parti huguenot, p. 159, qui s’appuie en particulier sur Monique Drouin-Bridel, Vingt-sept pamphlets huguenots (1560-1562), provenant de la bibliothèque Tronchin. Recherches bibliographiques et comparaison de textes, Polémiques religieuses. Études et textes, Genève – Paris : A. Jullien – Champion, 1979, p. 212.

40. BnF, Ms. Fr. 15871, f° 165 : René de Sanzay à Guise, Nantes, 14 juillet 1560.

41. En 1562, Étampes demande à la monarchie de « nécessairement pourveoir à la court de parlement aux juges huguenotz » (BnF, Ms. Fr. 15876, f° 365 : mémoire du duc d’Étampes, juillet 1562). « Quant quelqu’un de la nouvelle religion est accusé principalement en la Court de Parlement, il passe tousjours a meilleur marché que les autres et le plus souvent sans pugnition. Le mal vient de ce que presque tous les presidens et conseillers de ladite court sont de ceste nouvelle religion. Et quelques ungs les plus factieux et seditieux qui soient volontiers dans le royaume (Fumée et Martines) conduysent et président a tout cela » dit le gouverneur Martigues, neveu d’Étampes, en 1568 (BnF, Ms. Fr. 15547, f° 337 : réponse de Martigues à l’instruction de sieur Jean-Baptiste, Lamballe, 28 août 1568). Pour le lieutenant général Bouillé, les parlementaires dissimulent, si bien que « les connivences et dissimulations de quoy ceulx de la robbe longue usent ne font que croistre le coeur aux séditieulx et rebelles » (BnF, Ms. Fr. 15546, f° 170 : Bouillé à Catherine de Médicis, Rennes, 7 juin 1568).

42. Dom Morice, Mémoires, t. III, col. 1309-1310 : Gilles de Gand, grand vicaire de Nantes, au duc d’Étampes, Nantes, juin 1562. Gilles de Gand est depuis longtemps grand vicaire des évêques de Nantes.

43. Papolin dispose de véritables réseaux internationaux du livre. En 1560, il sert d’intermédiaire entre Claude Seneton de Lyon, et Charles Penot, de Medina-del-Campo (AM Nantes, HH 189).

44. AD Côtes-d’Armor, 1 E 3654 : François Le Bloy, lieutenant ordinaire de Nantes, au duc d’Étampes, Nantes, 24 décembre 1561. Le Bloy deviendra ensuite second président de la chambre des comptes. Voir le récit similaire du huguenot nantais modéré, Bonaventure Chauvin, sieur de La Musse, qui deviendra conseiller et chambellan d’Henri de Navarre et gouverneur de la place-forte protestante de Vitré (Dom Morice, Mémoires, t. III, col. 1295 : La Musse au duc d’Étampes, Le Ponthus, 10 décembre 1561). La seigneurie du Hardas se tient en Joué et Riaillé, au nord de Nantes (AD Loire-Atlantique, G 131). Du Hardas possède également une maison en ville (AD Loire-Atlantique, B 2407, f° 181). Il a été prévôt de Nantes et est un ami et « bon parans » de La Musse (Jean-Luc Tulot, Roger Nougaret et Alain Croix, « Noble, Huguenot et Père de famille : le testament moral de Bonaventure de la Muce (vers 1588) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest 100-1 (1993), p. 42). Le fils de Robert épouse en effet la fille de Bonaventure.

45. AM Nantes, GG 642 (religion réformée), 2 août 1561.

46. BnF, Vc de Colbert 27, f° 124 : Étampes à Guise, Nantes, 27 oct. 1560. Le même jour, l’évêque rapporte au cardinal de Lorraine : « Je vous supplye très humblement, Monseigneur, en l’honneur de dieu y remedyer car contynuant come ilz ont faict abusant du pardon du roy il n’y auroit plus besoing d’evesque et pour néant ma présance y seroyt recquise. Car par la parolle ny exemple ilz ne se veullent reduyre tant ilz sont inveterez en leurs dampnées oppynions » (BnF, Vc de Colbert 27, f° 120 : Antoine de Créquy, évêque de Nantes, au cardinal de Lorraine, Nantes, 27 octobre 1560).

47. BnF, Vc de Colbert 27, f° 88 : procès-verbal de Gaudin, Nantes, 27 oct. 1560.

48. En 1564, les catholiques de Nantes s’inquiètent en effet de la création au milieu de la ville d’« ung collège à petitz enfens ouquel ilz les font instruire de leur doctrine en une maison située en la place du pollory en laquelle se tient à présent leur ministre » (BnF, Ms. Fr. 15880, f° 26 : requête des habitants de Nantes à Charles IX, répondu au Conseil, Troyes, 10 avr. 1564). Le roi ordonne sa fermeture.

49. Ibid. L’identification des corps de métier de chacun est rendue possible par le croisement de la liste de Gaudin avec les dépositions rendues au sénéchal Le Maire et au même greffier Gaudin, les 18-22 juill. 1561, à propos d’une assemblée tenue chez le libraire René Pastoureau (Dom Morice, Mémoires, t. III, col. 1276-1287). Voir aussi Roger Joxe, op. cit., p. 70.

50. BnF, Ms. Fr. 15880, f° 26 : requête des habitants de Nantes à Charles IX, répondu au Conseil, Troyes, 10 avr. 1564.

51. Olivier Fatio – Olivier Labarthe (éd.), Registres de la Compagnie des pasteurs de Genève, t. III, 1565-1574, Genève : Droz, 1969, p. 167 : les huguenots de Nantes à leurs « frères de l’Eglize de Genesve », Nantes, 1er avril 1565. Les autres signataires sont Michel Morin, vitrier, Guillaume du Parc, François Amproux, Michel Joullain, marchand. Bonaventure Chauvin, sieur de La Musse, ne signe pas mais est cité comme un important soutien, une figure tutélaire de la communauté. Sa maison de Nantes est saccagée à l’automne 1562. Le duc d’Étampes le considéra toujours comme un modéré capable de dialogue (BnF, Ms. Fr. 15877, f° 181 : Étampes à Catherine de Médicis, Avranches, 7 oct. 1562 : « Monsieur de la Musse […] (encores qu’il soict de ladite religion) est ung de ceulx de qui je me suys autant aidé à contenir toutes choses en repos »). Après l’édit d’Amboise de 1563, c’est lui qui signe « pour lesdits de la religion » une requête au duc d’Étampes (BnF, Ms. Fr. 15881, f° 373). Il faut également signaler deux demandes de pasteurs envoyées à la Compagnie des pasteurs de Genève, l’une par les huguenots de Nantes, l’autre par ceux du prêche voisin de Nort (aujourd’hui Nort-sur-Erdre) (Bibl. de Genève [BGE], Fr. 197a, f° 155 : les huguenots de Nort à la Compagnie des pasteurs de Genève, Nort, 13 sept. 1561 ; BGE, Fr. 402/II, f° 65 : les huguenots de Nantes à la Compagnie des pasteurs de Genève, Nantes, 1er oct. 1561). La lettre de Nantes est signée par François de Chastillon, sieur d’Andelot, Louis de Malestroit, sieur de Pontcallec, La Vigne et H. Malherbe. La Vigne est peut-être Jean de La Vigne, barbier, valet puis secrétaire de La Renaudie (Henri Naef, La Conjuration d’Amboise et Genève, Genève, Paris : A. Jullien, Georg et Champion, 1922, p. 55).

52. BnF, Ms. Fr. 16207, f° 226 : lettre anonyme, Le Havre de Grâce, jour de Pâques 1560 [14 avril].

53. Elizabeth A. R. Brown, « La Renaudie se venge : l’autre face de la conjuration d’Amboise », Complots et conjurations dans l’Europe moderne. Actes du colloque de Rome (30 septembre – 2 octobre 1993), Collection de l’École française de Rome, 1996, vol. 220, n° 1, p. 451-474.

54. BnF, NAF 6011, f° 10 : le cardinal de Lorraine au duc d’Étampes, Marchenoir, 12 juin 1560.

55. V. Chichkine (éd.), op. cit., p. 70 : Étampes à Guise, Lamballe, 15 mai 1560.

56. BnF, Ms. Fr. 22310 ; f° 154 : René d’Avaugour, sieur de Kergrois, au duc d’Étampes, Nantes, 20 mai 1561.

57. Jacques Du Pré, Conférences avec les ministres de Nantes en Bretaigne : Cabanne et Bourgonniere : faicte par Maistre Jaques Dupré, docteur en théologie à Paris, et Prédicateur ordinaire de l’Église Cathedrale de S. Pierre de Nantes, au moys de Juill., Paris : N. Chesneau, 1564. L’événement est un fait assez rare pour être souligné et Elizabeth Tingle a ainsi pu parler de « mini colloque de Poissy » pour qualifier cette rencontre (Elizabeth Tingle, « A Mini-Colloquy of Poissy in Brittany: inter-confessional dialogue in Nantes in 1562 », Luc Racaut, Alec Ryrie (dir.), Moderate Voices in the European Reformation, Ashgate, 2005, p. 51-69). Quant à René d’Avaugour, il a été l’élève du moyenneur Nicolas Martimbos qui lui dédie son Graecae Grammatices rudimenta, Paris : Jean Loys, 1544, et lui permet de publier onze distiques latins à sa louange. Sur Martimbos, voir Thierry Amalou, Une Concorde urbaine. Senlis au temps des réformes (vers 1520-vers 1580), Limoges : PULIM, 2007, p. 116s.

58. AN, K 100, n° 53.

59. V. Chichkine (éd.), op. cit., p. 66 : Étampes à Guise, Lamballe, 14 mai 1560.

60. V. Chichkine (éd.), op. cit., p. 70 : Étampes à Guise, Lamballe, 15 mai 1560.

61. BnF, Vc de Colbert 27, f° 165 : Bouillé à Charles IX, Nantes, 11 nov. 1561 ; Dom Morice, Mémoires, t. III, col. 1334 : Guillaume Gaudin au duc d’Étampes, Nantes, 6 juillet 1563.

62. Jérémie Foa, Le tombeau de la paix. Une histoire des édits de pacification (1560-1572), Limoges : Presses Universitaires de Limoges, 2015, 546 p.

63. AD Côtes-d’Armor, 1 E 3654 : Bouillé au duc d’Étampes, Nantes, 7 novembre 1560.

64. AD Côtes-d’Armor, 1 E 3654 : Guillaume Le Maire au duc d’Étampes, 7 août 1561.

65. AD Côtes-d’Armor, 1 E 3654 : Guillaume Le Maire au duc d’Étampes, 31 juillet 1561. Selon Malcolm Walsby, Florent Girard est très certainement issu de la même famille que le célèbre éditeur genevois Jean Girard (The Printed Book in Brittany, 1484-1600, Leiden-Boston : Brill, 2011, p. 198).

66. AD Côtes-d’Armor, 1 E 3654 : Guillaume Le Maire au duc d’Étampes, 10 août 1562 : « Il en a plusieurs de cette ville qui se sont convertis. Au moyn ils déclarent par l’extérieur tant de aller à l’église que de ouyr la messe dévotement ».

67. BnF, Ms. Fr. 15871, f° 46-49 : procès-verbal de Gaudin, château de Nantes, 24 nov. 1560. L’enquête se déroule devant Guillaume Le Maire, René de Sanzay, Michel Brie et René Garreau, deux conseillers au siège présidial. Le second est un parent du huguenot François Garreau, aussi conseiller au même présidial. Le lendemain, Gaudin établit pour Bouillé une copie de la lettre mentionnant le livre (f° 50, Angoulême, 18 nov. 1560). La signature anonyme (« Celluy que scavez ») souligne bien la confidentialité de l’envoi. L’affaire avait été envoyée en cour par Bouillé (BnF, Vc de Colbert 27, f° 208 : Bouillé à Guise et au cardinal de Lorraine, Nantes, nov. 1560 : « Il m’a esté apporté ung pacquet adressant à l’evesque de Sainct-Brieux, lequel j’envoye présentement à monsieur d’Estampes, pour ce qu’il est par de là pour présenter à sa majesté et à vous »).

68. Le même mot est utilisé par le duc d’Étampes à propos du président de Belle-Isle.

69. AD Côtes-d’Armor, 1 E 3654 : Guillaume Gaudin au duc d’Étampes, Nantes, 7 octobre 1563. Gaudin deviendra en 1570 greffier en chef civil du parlement de Rennes quand, au même moment, Robert du Hardas, Michel Dessefort et Louis de Châteautro verront leurs offices supprimés.

70. Arlette Jouanna, Le Pouvoir absolu. Naissance de l’imaginaire politique de la royauté, Paris : Gallimard, 2013, p. 171.