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Assemblée générale du 17 avril 2019

Rapport moral pour l’année 2018

Isabelle SABATIER

Présidente du Comité de la SHPF

Mesdames, messieurs, chers amis,

En réunissant aujourd’hui l’assemblée générale de notre Société dans ce temple, nous renouons avec une tradition des premiers temps de la SHPF. Mais ce n’est pas le goût de la tradition qui nous y pousse. C’est très prosaïquement le chantier de rénovation de la Bibliothèque, rue des Saints-Pères, qui rend impossible d’y tenir toute réunion ou manifestation encore pour plusieurs mois. La paroisse de Pentemont-Luxembourg a accepté d’accueillir aujourd’hui notre assemblée dans cette chapelle, et nous l’en remercions vivement.

La perspective de la fermeture de la Bibliothèque que je viens d’évoquer nous a fait accélérer la mise en place du nouveau site web de la SHPF (https://www.shpf.fr/), de façon à maintenir le lien avec nos lecteurs et amis. Opérationnel depuis mars 2018, ce site rend les services que nous en attendions : présentation renouvelée des actualités et des activités de la Société, accès élargi à ses différentes ressources documentaires, mise en valeur des publications de la Société, la Revue d’histoire du protestantisme et les Cahiers de généalogie. Les bibliothécaires, Martina Gromesova et Sophie Vié, l’enrichissent régulièrement de nouvelles informations et répondent aux demandes reçues en ligne. Nous sommes très reconnaissants à la Fondation Eugène Bersier d’avoir proposé et assuré la prise en charge financière de cet indispensable outil de communication et de mise en valeur de la Société et de ses activités.

J’ai cité la Revue d’histoire du protestantisme, qui a pris le relais du Bulletin depuis trois ans. L’évolution de la ligne éditoriale accompagnant le changement de titre a été favorablement accueillie ; dans un contexte difficile pour les revues savantes, le nombre d’abonnés se maintient honorablement, non sans fragilités. Nous vous exhortons vivement à vous abonner ou à maintenir votre abonnement : votre soutien est indispensable, vital même. Et vous y gagnerez l’avantage d’être toujours au fait des travaux récents sur le protestantisme français et européen.

Les articles sont d’un haut niveau de qualité, comme c’est normal pour une revue savante ; le rédacteur en chef, Hubert Bost, est toujours attentif à ce qu’ils soient toutefois accessibles et leur illustration soignée.

Vous avez pu constater que la Revue alterne trois types de livraison :

– des numéros généralistes « classiques » ;

– des numéros thématiques comme « Protestantisme et reliques » sous la direction d’Hugues Daussy en 2016, « Le Luther des Français », sous celle de Matthieu Arnold et Pierre-Olivier Léchot en 2017, ou encore plus récemment « Regards croisés sur le fait religieux minoritaire en France et en Europe », dirigé par Valentine Zuber et Rita Hermont-Belot ;

– enfin, des numéros mixtes offrant, à la fois, le sommaire varié d’un numéro généraliste et un dossier de quelques articles consacrés à un thème ; ainsi dans le numéro 3-4 de 2018, vous avez pu lire le dossier « Poésie, musique et propagande religieuse au temps des Réformes », dirigé par Julien Goeury et Olivier Millet. Ce type de numéro devrait être renouvelé, par exemple, à l’issue de journées d’études.

Sous la précieuse direction d’Hubert Bost, l’équipe de rédaction s’efforce aussi, peu à peu, de « mondialiser » l’offre de lecture, en l’élargissant aux protestantismes de tous les continents ; et enfin de diversifier le contenu de la revue, en proposant des pages d’un style différent, comme des reportages (en 2016, ce fut l’inauguration de la plaque commémorative de la Saint-Barthélemy, en 2019 ce sera au tour des grands travaux de notre bibliothèque).

Grâce à l’interconnexion de notre nouveau site web avec celui de la Librairie Droz, il est devenu possible et même facile de consulter, sur le site SHPF, les sommaires des numéros parus et de s’abonner en ligne. L’achat d’un numéro, d’un dossier ou d’un article est maintenant opérationnel, ce qui est précieux pour les chercheurs désireux de prendre connaissance d’une étude ou d’un ensemble de travaux, sans forcément être abonnés. Il s’agit là d’une nouveauté importante qui contribue à améliorer la diffusion de la connaissance de l’histoire du protestantisme dans des milieux qu’elle concerne marginalement, et à l’adapter aux nouvelles pratiques universitaires, celles des doctorants et des enseignants-chercheurs notamment.

De leur côté, les Cahiers de généalogie ont connu en 2018 des évolutions notables qui ont permis d’attirer de nouveaux abonnés : la parution d’une version numérique en parallèle à la version imprimée et un élargissement de l’offre éditoriale grâce au renfort d’un plus grand nombre de rédacteurs d’article. N’hésitez pas à en juger par vous-même, en vous abonnant ! Nous sommes très reconnaissants à Denis Faure d’avoir accepté de prendre en charge et de renforcer cet ensemble rédactionnel avec Elisabeth Escalle, fidèle cheville ouvrière de ces Cahiers.

Du fait des travaux dans la bibliothèque, le programme culturel a dérogé, cette année 2018, à l’unité de lieu. Au cours du premier semestre, c’est encore rue des Saints-Pères que nous avons eu le privilège d’entendre quatre conférences de grand intérêt :

Les droits de l’homme sont-ils d’origine protestante ?, par Valentine Zuber

La Révocation de l’Édit de Nantes ou les faiblesses d’un État, par Philippe Joutard

Prêcher la République en chaire protestante aux xviiie et xixe siècles, par Céline Borello

Les Huguenots du Dauphiné : du xvie siècle à la Seconde guerre mondiale, par François Boulet.

Pour les Journées du Patrimoine, la Bibliothèque du protestantisme a ouvert ses portes, le samedi 15 septembre après-midi et a attiré plus d’une centaine de visiteurs, curieux de découvrir ce lieu méconnu. La petite exposition sur l’éducation protestante préparée par les bibliothécaires et la présentation de quelques objets emblématiques de nos collections par Marianne Carbonnier-Burkard ont été très appréciées. Cette expérience réussie devrait se renouveler à l’avenir.

C’est à l’Institut protestant de théologie (à défaut de la SHPF déjà en travaux) et à la Bibliothèque Mazarine, que se sont tenues les 12 et 13 novembre, deux journées d’étude co-organisées par la Bibliothèque Mazarine et la SHPF, consacrées à La réception de Luther en France et en Europe, et les origines de la Réforme. Elles introduisaient savamment l’exposition « Maudits livres luthériens, 1518-2018 : 500e anniversaire de la Réforme en France », brillamment inaugurée le 13 novembre dans la magnifique salle de lecture de la Bibliothèque Mazarine, en présence notamment de l’ambassadeur d’Allemagne. Réunissant un ensemble exceptionnel d’éditions rares du xvie siècle de ou sur Luther, l’exposition mettait notamment l’accent sur le rôle majeur de l’imprimerie dans la propagation très rapide des idées luthériennes en France à partir de 1518. Marianne Carbonnier-Burkard et Olivier Millet avaient sélectionné pas moins de 24 ouvrages précieux, issus en particulier du Fonds André. L’imposant catalogue de l’exposition fera date par la qualité de son iconographie et les contributions scientifiques des spécialistes de la Réforme et de l’histoire du livre qu’il réunit.

Enfin, le 13 décembre a débuté à l’Institut de France, le cycle de conférences organisé conjointement par la Bibliothèque de l’Institut et la SHPF, à l’occasion de l’exposition « Un moment protestant de l’Institut. Le concours de l’an X sur la Réformation de Luther » montée par Michèle Moulin. La conférence d’ouverture donnée par Patrick Cabanel nous a fait passer de l’essai de Charles de Villers, primé dans ce fameux concours de 1802, à la « longue crise allemande de la pensée française ».

Venons-en à la Bibliothèque et à l’événement marquant de l’année : les travaux de rénovation des magasins du sous-sol qui ont débuté mi-octobre. Le chantier, suivi par les architectes Étienne Dufaÿ et Anne de Robert, devrait se terminer courant juin. Il faudra encore plusieurs semaines pour achever l’installation des rayonnages mobiles et la remise en place complète des collections dans les sous-sols et dans les espaces touchés par les travaux, comme la Réserve. C’est donc fin septembre prochain que la bibliothèque devrait réouvrir au public.

Durant les travaux, les bibliothécaires sont privées de lecteurs, mais pas d’activité ! Un véritable chantier a, en effet, été engagé sur les périodiques, stockés provisoirement dans la salle de lecture, à leur retour de décontamination, en juillet. Reprenant, titre à titre, près de 1 200 périodiques, du xviiie siècle aux années 1980, Sophie Vié s’est attelée au récolement et au reconditionnement de ces collections ainsi qu’à la mise à jour de leurs signalements bibliographiques dans le SUDOC, catalogue collectif de l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur. Pour ce travail de longue haleine, elle est aidée d’une vacataire mise à disposition une journée par semaine par la Bibliothèque de la Sorbonne, ainsi que de Marie-France Monge-Strasse, toujours fidèlement présente.

En parallèle, Martina Gromesova a entrepris le retraitement de l’important fonds iconographique des portraits ; elle s’attache en particulier à identifier et à cataloguer les estampes originales dont elle intègre progressivement la description détaillée au catalogue de la bibliothèque, consultable en ligne sur le site web de la SHPF.

Très motivées et conseillées par Corinne Gibello-Bernette, les bibliothécaires mènent là des opérations essentielles à la conservation des documents, comme aussi à la connaissance exacte des richesses de la bibliothèque.

Si le chantier se déroule de façon satisfaisante, la question du financement des travaux engagés dans l’urgence demeure la préoccupation majeure du moment. Pour couvrir les 1,2 M€ nécessaires, les démarches auprès des acteurs publics, la recherche de mécénat et les appels aux donateurs privés ont été multipliés. Les premiers résultats sont encourageants, quoiqu’encore très insuffisants : seul 45 % du budget prévisionnel est réuni à ce jour, grâce aux subventions obtenues de la Région Île-de-France, de la Direction du Livre, grâce aussi aux dons personnels des amis de la Société alertés par nos différents appels. Des réponses sont encore attendues de la Ville de Paris, de fondations en France et à l’étranger, de grands mécènes également et de tous ceux qui souhaitent manifester leur attachement à la sauvegarde du patrimoine historique protestant. La SHPF a encore besoin de votre aide : soutenez et relayez nos appels.

Je tiens à remercier vivement les membres de la commission financière mobilisés sans répit sur ce dossier ; à commencer par son président Antoine Durrleman, qui apporte son concours aux nombreuses démarches entreprises, avec Jean-Hugues Carbonnier.

La charge de travail de notre secrétaire général et celle de François Matter, secrétaire général adjoint et trésorier, sont notablement alourdies par le suivi des travaux dans leurs aspects techniques et comptables. Nous devons saluer tout spécialement leur vigilante implication.

Lors de sa séance du 19 décembre, le Comité a procédé à un renouvellement partiel du Bureau, en réélisant François Matter comme trésorier et moi-même à sa présidence. Je suis très honorée de la confiance du Comité à mon égard, alors que la Société est engagée dans ces importants projets.

Le Comité n’a pas été épargné par le deuil avec la disparition en 2018 de deux de ses membres éminents :

• Raymond Goy, professeur honoraire des facultés de droit, salué pour ses travaux précurseurs sur la question des droits de l’homme et sur la protection des biens culturels.

• Paul Viallaneix, grand universitaire, spécialiste reconnu de Jules Michelet et de la littérature romantique, résistant des maquis de Corrèze, directeur du journal Réforme de 1984 à 1991 : une personnalité à l’aura exceptionnelle à qui un hommage a été rendu dernièrement à l’Ecole normale supérieure.

• L’annonce de la mort de Janine Garrisson le 24 janvier dernier a profondément attristé ses amis et bien au-delà. Nous reviendrons sur sa vie et son œuvre formidable, incontournable, l’année prochaine !

Nous gardons en mémoire les fortes personnalités de ces amis qui ont été de fidèles soutiens de notre société.

Avant de clore ce rapport, il me reste à évoquer les manifestations organisées en 2018 par les musées liés à la SHPF.

Le musée Jean Calvin, membre actif du Réseau des maisons d’écrivain et des patrimoines littéraires des Haut-de-France, a présenté au printemps, une exposition sur le thème « Écrivains et engagement(s) de Jean Calvin à Marguerite Yourcenar », ainsi qu’une conférence de François Dermange : « Calvin et le cuider », une clé pour comprendre la Renaissance française.

Le Musée du Bois-Tiffrais a tenu sa traditionnelle fête de l’été le 15 juillet ; le culte, présidé par la pasteure Emmanuelle Seyboldt, a été suivi de la conférence d’Alice Tacaille, musicologue de la Renaissance.

Courant août, le musée de Ferrières a célébré ses 50 ans, en déployant un riche programme artistique et culturel autour de la religion et de la laïcité.

L’Assemblée du Désert, le dimanche 2 septembre, a pris pour thème les femmes du Désert, à l’occasion du 250e anniversaire de la libération de Marie Durand de la Tour de Constance, Le culte, présidé par la pasteure Sophie Zentz-Amedro, a été suivi l’après-midi des allocutions historiques d’Inès Kirschléger et de Valérie Duval-Poujol, avant le message final de sœur Mireille, prieure des Diaconesses de Reuilly.

Le 33e colloque des musées protestants s’est tenu du 26 au 29 avril à Emden, ville portuaire allemande de la Frise orientale, qui accueillit, dès le xvie siècle, une importante communauté huguenote. Réunis au sein même de la Bibliothèque Jean a Lasco, les participants ont pu y découvrir des livres rares et précieux témoins de cette histoire.

Et maintenant, sans transition, je vais laisser à Gabrielle Cadier le soin d’introduire le conférencier de ce soir Frédéric Anquetil, qui va nous faire découvrir la vie toute de dévouement et d’engagement passionnés d’Annette Monod auprès des internés et prisonniers, connue jusqu’ici surtout, comme l’Ange du Vel’ d’Hiv’.