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Deux conceptions du rôle des autorités civiles en 1523

Martin Luther et Martin Bucer

Matthieu ARNOLD

Faculté de Théologie protestante de l’Université de Strasbourg (EA 4378)

Au cours des dernières décennies, deux grandes questions ont préoccupé les historiens qui s’intéressent à la Réformation : d’une part, celle de la continuité et/ou de la rupture entre la piété et la pensée de la fin du Moyen Âge et le mouvement à l’origine duquel se trouve Martin Luther1 ; d’autre part, celle de l’unité ou de la diversité de la Réformation à ses débuts2.

En lien avec le jubilé du 500e anniversaire de la Réformation, nous avons tenté de répondre à la première interrogation à propos des 95 thèses de Martin Luther : ces dernières s’inscrivent certes dans le mouvement de mise en garde contre la pratique des indulgences, voire de mise en cause de leurs fondements théoriques, tel qu’on le trouve déjà à la fin du Moyen Âge ; toutefois, par leur refus d’identifier la pénitence à la seule pénitence sacramentaire (« la vie tout entière est pénitence »), leur contestation du pouvoir du pape sur l’au-delà et leur compréhension existentielle du purgatoire, qui a déjà lieu ici-bas, elles constituent un document incompréhensible pour les théologiens scolastiques et provocateur pour la Curie3.

Nous souhaiterions à présent nous tourner à nouveau vers la seconde interrogation, à partir non plus des « feuilles volantes » rédigées par des clercs ou même des laïcs4, mais en comparant le Réformateur de Wittenberg à son homologue de Strasbourg, Martin Bucer. En effet, avant même de se séparer de Luther au sujet de la compréhension de la cène dans la seconde moitié des années 1520, Martin Bucer a développé – sans que cela constituât un motif de querelle entre Luther et lui – une conception différente des fonctions attribuées aux autorités civiles. Notre comparaison portera plus précisément sur deux écrits de 1523, De l’autorité temporelle et des limites dans lesquelles on lui doit obéissance (Luther) et Que nul ne vive pour lui-même, mais pour les autres, et comment l’homme peut y parvenir (Bucer).

Martin Bucer, un libre partisan de Luther

La première rencontre personnelle entre Bucer et Luther a lieu le 26 avril 1518, à Heidelberg, lors de la dispute publique organisée dans cette cité5. Dans le cadre de l’affaire des indulgences, Johannes von Staupitz, le vicaire général de l’ordre des Ermites d’Augustin, avait donné à Luther la possibilité de présenter sa théologie lors d’un chapitre général. En s’efforçant de clarifier les choses au sein même de l’ordre, Staupitz cherchait à éviter que Luther fût traduit à Rome, et il lui donnait l’occasion de gagner à ses vues un auditoire qui, marqué par l’humanisme et donc adversaire de la scolastique, lui était a priori favorable.

C’était le cas notamment de Bucer, lecteur enthousiaste des écrits du prince des humanistes, mais aussi des premières publications de Luther6. Nous avons la chance que, dans une longue lettre du 1er mai 1518 à son ami Beatus Rhenanus, il a rapporté non seulement le contenu des 40 thèses sur la tâche de la théologie et la vie chrétienne (elles reprenaient entre autres l’idée que l’être humain est incapable de collaborer à son salut ; voir les thèses 13-167) que Luther avait exposées le 26 avril, mais aussi l’impression qu’avait faite sur lui le Wittenbergeois – « tu sais, celui qui tape sur les indulgences, celui dont, jusqu’à présent, nous ne nous sommes que trop peu occupés8 » – lors d’un entretien le lendemain.

Bucer s’emploie à mettre en évidence l’accord parfait entre Luther et Érasme, tout en soulignant que le premier enseigne de manière plus ouverte et plus libre ce que le second ne fait qu’insinuer9. De fait, sa lettre atteste non seulement l’influence exercée sur lui par Luther, mais aussi la liberté avec laquelle il interprète le propos de son aîné10. Ainsi, Luther avait affirmé à la thèse 25 : « Celui-là n’est pas juste qui œuvre beaucoup, mais plutôt celui qui, sans œuvre, croit beaucoup au Christ11. » Bucer s’empresse de retenir que Luther ne rejette pas les œuvres, mais seulement la confiance que l’on place en elles12. Certes, cette interprétation ne trahit pas le fond de la pensée de Luther, que ce dernier précisera en 1520 pour combattre tout malentendu : « […] j’ai voulu montrer comment nous devons nous exercer et pratiquer la foi dans toutes les bonnes œuvres et faire d’elle l’œuvre par excellence13 ». Toutefois, en 1518, il ne s’agit pas encore pour lui de lutter pour le maintien des œuvres bonnes, fruit de la foi, mais de se concentrer entièrement sur la foi au Christ. De même, alors que, dans sa première thèse, Luther avait souligné exclusivement l’usage accusateur de la Loi – elle met en lumière, devant Dieu, le caractère pécheur de l’être humain –, Bucer refuse de limiter la Loi à ce seul usage ; elle est également « lex vitae », une Loi qui pousse à la vie14.

Ainsi, d’emblée, tout approuvant les attaques de Luther contre la scolastique et l’accent qu’il place sur la foi, par opposition à une théologie qui fait collaborer l’homme à son salut, Bucer se préoccupe de la vie chrétienne et des œuvres qui y sont liées. Jusqu’à son dernier écrit, De regno Christi15, cette préoccupation restera centrale pour lui.

Luther en 1520 : l’égale dignité devant Dieu de tous les croyants, mais des fonctions diverses

En 1520, dans son écrit réformateur À la noblesse chrétienne de la nation allemande, Luther s’emploie à abattre les « trois murailles » par lesquelles les « romanistes » ont empêché toute réforme de la chrétienté. La première d’entre elles réside dans la distinction entre l’état ecclésiastique – « le pape, les évêques, les prêtres, les gens des monastères » – et l’état laïque – « les princes, les seigneurs, les artisans et les paysans16 ». En raison du baptême commun à tous les chrétiens, objecte Luther, tous sont prêtres, ainsi que l’affirment saint Pierre (1 Pierre 2, 9) et l’Apocalypse (5, 10) ; tous ont également la même foi et le même Évangile. Aussi n’y a-t-il pas la moindre différence en dignité entre un prêtre, un paysan et un bourgeois, qui se distinguent les uns des autres par leur fonction : « […] tous appartiennent à l’état ecclésiastique : ils sont vraiment prêtres, évêques et papes, mais tous n’ont pas la même sorte de tâche à remplir17 ». La fonction des ecclésiastiques stricto sensu est d’« administrer la Parole et les sacrements de Dieu » ; « de même, poursuit Luther, l’autorité temporelle tient en sa main le glaive et les verges qui servent à punir les méchants et à protéger les bons18 ». Cette fonction, qui consiste à agir contre les coupables, doit s’exercer sur tous les membres du corps, y compris le pape, les évêques et les prêtres ; tous relèvent de la justice temporelle, affirme le Réformateur, qui refuse ainsi que les clercs soient déférés devant une juridiction ecclésiastique19.

Dans ce traité, Luther évoque la fonction de l’autorité temporelle immédiatement après avoir parlé de celle des clercs, responsables de la Parole et des sacrements ; il s’agit essentiellement d’une fonction de police, qui vise à châtier les méchants – même lorsqu’ils appartiennent au clergé – et à protéger les bons de leurs exactions. Le 19 septembre 1520, Martin Bucer écrit à Georges Spalatin, secrétaire du prince électeur de Saxe et confident de Luther. Il lui confie avoir lu l’Appel à la noblesse, au sujet duquel il émet un jugement extrêmement favorable20.

Deux écrits de 1523 : De l’autorité temporelle21 (Luther) et Que nul ne vive pour soi-même22 (Bucer)

Contextes

Avant de traiter du contenu de ces deux traités, il convient de rappeler qu’ils ont été rédigés dans des circonstances fort différentes.

Mis à l’abri à la Wartburg de mai 1521 à mars 1522, Martin Luther est revenu ensuite à Wittenberg et, en dépit de l’opposition de son collègue Carlstadt, il a repris la tête du mouvement réformateur en Saxe électorale ; il adresse même des lettres ouvertes à des partisans hors de l’Allemagne et rédige des écrits sur des sujets de société tels que le mariage ; de nombreuses « feuilles volantes » (Flugschriften) exaltent sa personne et son message réconfortant23. Son écrit De l’autorité temporelle est l’œuvre d’un théologien arrivé à sa pleine maturité et au sommet de son influence sur le mouvement évangélique, et il s’adresse à des pouvoirs publics qu’il connaît bien, les princes de Saxe. La rédaction de ce traité, en décembre 1522, a été précédée, les 24 et 25 octobre, par deux prédications sur la distinction entre les deux règnes : Luther entend répondre à un écrit de l’éminent juriste Johann Freiherr von Schwarzenberg, qui, sans doute (l’ouvrage a été perdu), défendait l’idée que le Christ règne à la fois sur le domaine spirituel et sur le domaine temporel24.

De l’autorité temporelle, ouvrage dédié au duc Jean le Constant, frère du prince électeur de Saxe Frédéric le Sage, est achevé au début de janvier 1523 et il paraît deux mois plus tard, entre le 12 et le 21 mars. Dans cet écrit, Luther lutte sur trois fronts : 1) la doctrine de la papauté au sujet du rapport entre l’Église et les pouvoirs temporels, qui subordonne les seconds à la première ; 2) la tendance, de plus en plus marquée, des autorités civiles de son temps à intervenir dans la vie de l’Église et à revendiquer une autonomie illimitée ; 3) l’éthique des premiers anabaptistes, qui, fondée sur le Sermon sur la Montagne, rejette les autorités civiles. Aussi Luther s’emploie-t-il à 1) établir que les autorités civiles ont été choisies par Dieu pour maintenir la paix25, ce qui implique que les gouvernants peuvent concilier les exigences de l’Évangile relatives à la non-violence avec le recours à la force qu’implique parfois la fonction politique ; 2) exhorter ces mêmes autorités – certaines d’entre elles persécutent ses partisans – à ne pas se mêler des affaires de Dieu et des questions proprement spirituelles ; 3) expliquer à ses partisans quelle est l’attitude à adopter vis-à-vis des pouvoirs publics. Il s’agit donc d’une part de légitimer l’autorité temporelle, pouvoir institué par Dieu pour la sauvegarde d’une création sans cesse menacée par le diable, et d’autre part de la distinguer de l’autorité spirituelle.

De son côté, Martin Bucer a été contraint, suite à la défaite de son protecteur Franz von Sickingen au début de mai 1523 et à l’échec de son ministère à Wissembourg, de fuir en secret cette petite ville du nord de l’Alsace, accompagné de son épouse Élisabeth Silberreisen, nonne défroquée et qui est alors enceinte. C’est en tant que prêtre excommunié et désargenté, marié à une ancienne moniale, qu’il arrive à Strasbourg, et la ville lui accorde sa protection le 18 mai. Depuis plusieurs années, quelques prédicateurs y proclament les idées luthériennes (les écrits de Luther sont imprimés et diffusés depuis 151926), mais le message évangélique se heurte encore à une forte opposition de la part de l’évêque et du clergé resté fidèle à la foi traditionnelle, tandis que les autorités de la cité demeurent dans une position attentiste. Bucer est d’autant moins sûr de rester à Strasbourg que le vicaire général lui a refusé l’autorisation de prêcher, et il envisage de trouver un ministère en Suisse27. Dans un premier temps, il exerce, à titre officieux, les fonctions de vicaire auprès de Matthieu Zell, le populaire prédicateur de la cathédrale, chez lequel il loge. Il donne également, avec l’accord du Magistrat selon lequel il n’annonce rien d’autre que l’Évangile et la doctrine apostolique, des cours en allemand sur les épîtres de Pierre et sur l’évangile de Jean28. C’est donc un réfugié, à la position encore mal assurée, qui, non sans audace, va exposer aux autorités de Strasbourg29 tout ce qu’il attend d’elles, en particulier pour la mise en œuvre de réformes ; mais son écrit ne concerne pas seulement les autorités civiles. Il y traite de la manière dont chaque croyant peut et doit être utile au salut de son prochain, corps et âme :

C’est dans l’intention de vous faire progresser, vous mes frères et mes concitoyens, selon la grâce qui m’a été donnée et conformément au devoir que nous avons tous les uns envers les autres, que j’ai cédé aux instances de quelques-uns d’entre vous ; et c’est pourquoi j’ai écrit ce petit traité destiné à vous exhorter selon l’Écriture à ce que nul ne vive pour lui-même, mais pour son prochain, et à montrer comment nous pouvons y parvenir, c’est-à-dire arriver à l’état de perfection qui nous est accessible ici-bas30.

À l’été de 1523, son collègue Matthieu Zell publie sa Christliche Verantwortung, qui expose les fondements de l’Église – la Bible et l’Esprit saint – et polémique contre le clergé traditionnel. Le traité de Bucer paraît le 24 août. Il constitue, à la différence de son Summary publié peu de temps auparavant et qui résume les prédications qu’il a prononcées à Wissembourg, un écrit programmatique. Par ailleurs, tandis que le Summary traite de la justification par la foi seule avant de s’attacher à la sanctification, cette dernière fait l’objet des premiers développements de Que nul ne vive pour lui-même ; ce n’est que dans la seconde partie de son traité que Bucer aborde la justification, qui est l’origine de la sanctification.

En exhortant ses lecteurs à ce que « nul ne vive pour lui-même, mais pour son prochain », Bucer reprend et développe, comme l’avait déjà noté Henri Strohl31, une exhortation lancée par Luther dans son traité La liberté du chrétien (1520) :

En effet, l’homme ne vit pas seulement dans son propre corps ; il vit aussi au milieu d’autres hommes sur la terre. C’est pourquoi il ne peut pas rester passif à leur égard. Il est toujours obligé de leur parler et d’avoir affaire à eux, bien qu’aucune de ces œuvres ne soit nécessaire pour le justifier et pour le sauver. En toutes ces œuvres, sa pensée doit donc rester libre et n’avoir d’autre intention que de servir les autres et de leur être utile grâce à elles. […] Voilà comment de la foi jaillissent l’amour et le désir joyeux de Dieu, et de l’amour une vie libre, spontanée et joyeuse, heureuse de servir gratuitement le prochain32.

Mais Que nul ne vive pour lui-même ne renvoie pas seulement de manière implicite à La liberté du chrétien. Il répond aussi, d’une certaine manière, à De l’autorité temporelle, que Bucer ne pouvait ignorer car il avait été publié à Strasbourg33.

Tâches et limites de l’autorité temporelle

1) Luther : maintenir la paix34

Dans la première partie de son traité, afin de surmonter la tension entre l’éthique du Sermon sur la Montagne et les appréciations positives de l’apôtre Paul sur le « pouvoir du glaive » (Romains 13), Luther divise l’humanité en deux catégories :

– d’une part, ceux qui relèvent du royaume de Dieu : « en vrais croyants, [ils] sont en Christ » et se comportent en authentiques chrétiens : ils ne font de mal à personne, aiment tout un chacun et sont même prêts à souffrir l’injustice ; aussi ces personnes n’ont-elles « nullement besoin d’un glaive temporel ou d’un droit temporels35 » ;

– d’autre part, les « injustes », qui appartiennent au royaume du monde36 : il est indispensable que les lois les contraignent à s’abstenir du mal et que, par la crainte qu’il suscite en eux, le pouvoir du glaive les tienne en bride « tout comme on enchaîne et ligote un fauve féroce pour l’empêcher de mordre et de déchirer sa proie selon sa nature37 ».

Les autorités civiles sont d’autant plus indispensables que les « méchants » constituent une écrasante majorité de l’humanité :

Car s’il n’en était point ainsi – attendu que le monde entier est mauvais, et qu’entre mille il se trouve à peine un véritable chrétien – les hommes se dévoreraient entre eux de telle sorte que nul ne pourrait prendre femme, ni élever d’enfant, ni pourvoir à sa nourriture, ni servir Dieu ; et le monde en serait désert et désolé. C’est pourquoi Dieu a instauré les deux règnes : le spirituel […] et le temporel, qui permet de tenir en échec les non-chrétiens et les méchants, et les obliger par là à vivre en paix et, quoi qu’ils en aient, à se tenir tranquilles38.

Dans le « Miroir des princes » qui constitue la troisième partie de son écrit, Luther insiste sur le fait qu’un bon souverain doit protéger et gouverner ses sujets afin qu’ils vivent en paix39. Toutefois, précise-t-il dans la deuxième partie, qui traite des limites de l’obéissance due à la Obrigkeit, le pouvoir des autorités, quoique essentiel dans un monde mauvais en proie aux assauts de Satan et de ses troupes, n’est pas illimité. Luther se sent d’autant plus tenu de préciser ses limites qu’en Saxe ducale, Georges le Barbu, resté fidèle à la foi traditionnelle, a fait saisir des exemplaires de son Nouveau Testament et entend contraindre ses sujets en matière de religion :

De même, quand il [= saint Paul] affirme que le pouvoir n’est pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal, il restreint encore le domaine du pouvoir, afin qu’il ne régisse pas la foi ou la Parole de Dieu, mais les mauvaises actions. C’est également ce que veut dire saint Pierre lorsqu’il parle d’« institution humaine ». Or une institution humaine ne peut jamais s’étendre au ciel ou à l’âme, mais seulement à la terre, au commerce extérieur des hommes entre eux […]40.

Luther estime que c’est la fonction des évêques et non celle des princes que de s’opposer aux hérétiques, et qu’en cette affaire, seule la Parole de Dieu doit combattre, et non le glaive41. Il signale encore que la limite à l’obéissance aux supérieurs est donnée par la déclaration de Pierre en Actes 5, 29 (« Mieux vaut obéir à Dieu qu’aux hommes ») ; s’il s’immisce dans le domaine de la foi, on pourra rétorquer au prince qu’il se comporte en tyran puisqu’il donne des ordres dans un domaine où il n’en a ni le droit ni le pouvoir. Toutefois, les sujets n’ont pas le droit de se soulever contre un tyran d’exercice : seul Dieu est habilité à intervenir contre lui42.

2) Bucer : maintenir la paix et « inciter les âmes à la louange de Dieu »

Dans la seconde partie de son écrit, Luther a traité du règne spirituel et du ministère de la Parole. De son côté, après avoir développé au début de son opuscule l’idée que nul ne devait vivre pour lui-même, Bucer en vient à parler du « ministère apostolique » : il s’agit pour lui de « la plus parfaite et bienheureuse vocation sur terre » (der best und volkummest standt uff erden und seligest)43 », dans la mesure où d’une part les services rendus à l’âme valent plus que ceux rendus au corps et où d’autre part le ministère apostolique concerne la communauté tout entière et non pas quelques individus. Puis, après avoir notamment polémiqué contre les mauvais prélats (ils recherchent leur intérêt et non pas la félicité des fidèles), Bucer en vient à traiter, de manière développée, de l’autorité temporelle (« der standt weltlicher oberkeit44 »), car il s’agit pour lui de la condition la plus proche de celle des clercs.

Comme Luther, il affirme que ces pouvoirs ont pour fonction de garantir la paix, de protéger les justes et de tenir les injustes en bride par des châtiments45. Toutefois, il en vient rapidement à la seconde fonction des autorités civiles, qui est la principale. En effet, pour lui – comme pour Zwingli dans ses Schlussreden de la même année46 –, ces autorités doivent veiller à faire respecter les deux tables de la Loi ; pour le bien commun47, il leur faut entreprendre des réformes dans la sphère religieuse et exercer un contrôle moral sur les citoyens.

Certes, à deux reprises, Bucer prend soin de préciser que la fonction des autorités civiles n’est pas de prêcher la Parole de Dieu48. Toutefois, la seconde de ces restrictions débouche sur l’exposé des devoirs des pouvoirs publics : « gouverner selon la Loi de divine et aider selon son pouvoir à ouvrir la voie à la parole divine49 ». Aussi trouve-t-on dans l’argumentation de Bucer non seulement une allusion à Romains 13, 1 – « comme il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu et que les autorités qui existent ont été instituées par Dieu50 » –, mais encore des références à l’Ancien Testament51 qui sont absentes chez Luther.

Pour Bucer, le roi exemplaire ne doit pas seulement protéger ses sujets, mais il lui faut régner de manière à rendre témoignage à Dieu. En d’autres termes, il lui faut observer personnellement la Loi de Dieu et gouverner selon cette loi : « Car là où Dieu n’est pas reconnu et où l’obéissance envers lui n’est pas avant tout exigée, la paix n’est pas une paix, et le droit n’est pas le droit, et tout ce qui devait être utile devient nuisible52. » Il est difficile de ne pas voir dans ces propos une critique adressée à la conception luthérienne de l’autorité civile, jugée incomplète car restreinte à la sphère temporelle.

Bucer précise encore que la raison humaine (que Luther jugeait suffisante pour gouverner les choses temporelles) est impuissante à distinguer le bien du mal et que, par conséquent, un bon juge doit être éclairé par Dieu, à l’exemple de Salomon (1 Rois 3, 9) 53. Certes, la référence à Salomon, qui pria Dieu de lui accorder un cœur sage, se trouve également chez Luther dans la troisième partie de son traité. Toutefois, tandis que Bucer recommande aux autorités civiles d’appliquer un « droit divin », Luther souligne que Salomon a placé sa confiance non dans la loi de Moïse, mais dans sa relation avec Dieu54. « Voilà pourquoi, poursuit-il, je ne saurai quelle loi dicter à un prince, je me limiterai à instruire son cœur afin de lui enseigner les sentiments et les dispositions qui doivent être les siennes en ce qui concerne le droit, les conseils, les jugements et les affaires55. »

On relèvera enfin que Bucer brocarde les gouvernants qui se refusent à user du « ius reformandi », ce droit d’entreprendre des réformes dans la sphère religieuse qu’il tient pour leur devoir. Ils n’agissent pas comme des chefs qui « gouvernent [les hommes] selon [la] loi [de Dieu] et [les] aident à obéir à ses commandements (vns noch seinem gesatz regieren vnd zu gehorsame seiner gebott fürdern) ». Aussi, comme les mauvais clercs que Bucer a critiqués auparavant, les gouvernants impies font-ils obstacle au salut de leurs sujets : « Comme dans le domaine spirituel et dans le domaine temporel, tout notre bonheur dépend de ce que nos préposés s’acquittent fidèlement de leur mission, notre perdition provient sans nul doute de ce que ceux-ci n’ont en vue que leur intérêt et ne veulent nous faire obéir qu’à leur volonté et non à celle de Dieu56. »

Conclusion

Dès 1523, Martin Bucer expose aux autorités civiles de Strasbourg, ville où il allait œuvrer durant un quart de siècle, ses conceptions relatives à leurs devoirs : à l’instar des souverains pieux de l’Ancien Testament tels que Salomon, il leur faut gouverner selon la Loi de Dieu et faire en sorte que leurs sujets agissent en faveur de leurs prochains et pour la gloire de Dieu. Lorsqu’il sera contraint de quitter la cité rhénane suite à la victoire de Charles Quint sur les protestants, c’est en Angleterre qu’il exposera au jeune Édouard VI ses conceptions en vue de l’établissement du « règne du Christ ». Entre 1523 et 1551, il aura tenté de gagner à ses vues des princes tels que Philippe de Hesse et d’autres cités d’Allemagne, comme la ville d’Ulm57.

Dès son écrit de 1523, les contours de sa pensée politico-religieuse se dessinent nettement, qui témoignent à la fois des influences reçues de Luther (l’importance de la foi, l’attention au prochain, l’accent mis sur la paix – que Bucer doit d’ailleurs sans doute autant à Érasme qu’à Luther) et des conceptions qui lui sont propres. De son côté, même si, petit à petit Luther accordera aux autorités civiles un rôle religieux plus important, jamais Wittenberg ne deviendra Strasbourg, le Saxon préférant fustiger les vices du haut de la chaire plutôt que d’enjoindre, comme le faisaient Bucer et ses collègues, les pouvoirs publics à sévir contre eux. Trop grande était sa crainte d’introduire une « nouvelle papauté » et de confondre à nouveau les deux règnes, qu’il s’était appliqué à distinguer.

Parus à quelques mois d’intervalle, De l’autorité temporelle et Que nul ne vive pour lui-même témoignent de la diversité de la Réformation à ses débuts, avant la Guerre des paysans et la controverse sur la Cène.

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1. Voir Volker Leppin, Transformationen. Studien zu den Wandlungsprozessen in Theologie und Frömmigkeit zwischen Spätmittelalter und Reformation, Tübingen : Mohr Siebeck, 2015.

2. Voir Hans R. Guggisberg, G. Krodel (éd.), Die Reformation in Deutschland und Europa. lnterpretation und Debatten, Gütersloh : Gütersloher Verlagshaus, 1993 ; Berndt Hamm, Bernd Moeller et Dorothea Wendebourg, Reformationstheorien. Ein kirchenhistorischer Disput über Einheit und Vielfalt der Reformation, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht,1995.

3. Voir Matthieu Arnold, Karsten Lehmkühler, Marc Vial (éd.), « La vie tout entière est pénitence… » Les 95 thèses de Martin Luther, Strasbourg : PUS, 2018 ; Matthieu Arnold, Luther, Paris : Fayard, 2017, p. 109-125.

4. Voir Matthieu Arnold, « Les recherches récentes sur les débuts de la Réformation », BSHPF 145 (1999), p. 485-508.

5. Voir Martin Greschat, Martin Bucer (1491-1551). Un réformateur et son temps, Paris : PUF, 2002, p. 29-32 ; Matthieu Arnold, « Bucer et Luther d’après la lettre du 1er mai 1518 à Beatus Rhenanus », in : James Hirstein (éd.), Beatus Rhenanus (1485-1547) et une réforme de l’Église : engagement et changement, Turnhout : Brepols, 2018, p. 123-136.

6. Le premier tome de sa correspondance (Correspondance de Martin Bucer, t. I : Jusqu’en 1524, publié par Jean Rott, Leiden : Brill, 1979 [désormais : BCor I]), pour lequel de nombreuses lettres sont perdues, atteste qu’il a lu notamment, outre le recueil des premiers écrits de Luther paru en octobre 1518 chez Froben à Bâle, son Commentaire sur l’épître aux Galates de 1519, ses Operationes in Psalmos (1519-1521) et À la noblesse chrétienne de la nation allemande (1520).

7. Voir Luther, Œuvres, t. I, éd. M. Lienhard et M. Arnold, Paris : Gallimard, 1999 (désormais : Luther, Œuvres, t. I), p. 166 (p. 165-200 pour l’ensemble de la dispute).

8. BCor I, 59-71 (n° 3) ; 1er mai 1518. « Is est Martinus, ille indulgentiarum, quibus nos minime parum nobis hactenus indulsimus, suggilator » (ibid., 60, 32-33).

9. « Cum Erasmo illi conveniunt omnia, quin uno hoc praestare videtur, quod quae ille duntaxat insinuat, hic aperte docet et libere. » (Ibid., 61, 54-56.)

10. Voir Martin Greschat, Martin Bucer (1491-1551), p. 30-32.

11. WA 1, 354, 29s ; traduction Luther, Œuvres, t. I, p. 167.

12. Martin Greschat, Martin Bucer (1491-1551), p. 31.

13. WA 6, 203s ; traduction Luther, Œuvres, t. I, p. 439.

14. Martin Greschat, Martin Bucer (1491-1551), p. 32.

15. Voir Martin Bucer, De Regno Christi. Libri Duo 1550, éd. François Wendel, Paris : PUF – Gütersloh : C. Bertelsmann, 1955. Le chapitre 1er du livre II porte sur les « voies et les moyens par lesquels les souverains pieux peuvent et doivent restaurer le Règne du Christ (Quibus uuis et rationibus regnum Christi possit et debeat restitui per pios reges) ».

16. WA 6, 406 ; traduction Luther, Œuvres, t. I, p. 595.

17. WA 6, 408s ; traduction Luther, Œuvres, t. I, p. 597.

18. Ibid.

19. Voir WA 6, 409s ; Luther, Œuvres, t. I, p. 599.

20. Voir BCor I, n° 17 : 117, 10-118, 15.

21. Von welltlicher oberkeytt wie weytt man yhr gehorsam schuldig sey, Wittenberg : Nickel Schyrlentz, 1523 (WA 11, 245-281 ; Martin Luther, Deutsch-Deutsche Studienausgabe, t. 3 : Christ und Welt, éd. Hellmuth Zschoch, Lepizig : EVA, 2016, p. 217-289, édition d’après laquelle nous donnons le texte original). Traduction française par Frédéric Hartweg, in : Luther, Œuvres, t. II, éd. M. Lienhard et M. Arnold, Paris : Gallimard, 2017 (désormais : Luther, Œuvres, t. II), p. 3-50.

22. Das ym selbs niemant, sonder anderen leben soll. Vnd wie der mensch dahyn kummen mög, Strasbourg : [Jean Schott], 1523. Traduction française sous le titre Traité de l’amour du prochain : Henri Strohl, Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses 27 (1947), p. 153-213 (texte original sur les pages paires ; nous citons d’après cette édition tout en renvoyant aux références de l’édition Bucers Deutsche Schriften [désormais : BDS], t. I Gütersloh : Gerd Mohn – Paris : PUF, 1960, p. 29-67).

23. Voir Matthieu Arnold, Luther, p. 267-332.

24. Voir Volker Mantey, Zwei Schwerter – Zwei Reiche. Martin Luthers Zwei-Reiche-Lehre vor ihrem spätmittelalterlichen Hintergrund, Tübingen : Mohr Siebeck, 2005, p. 233-245.

25. Sur la reprise, par Luther, de la thèse augustinienne des devoirs de l’ordre établi, notamment le maintien de la paix, voir Ulrich Duchrow, Christenheit und Weltverantwortung, Stuttgart : Ernst Klett Verlag, 1970, p. 229-246.

26. Voir Marc Lienhard, « Édifier et instruire. La réception des écrits de Martin Luther à Strasbourg jusqu’en 1525 », in : Matthieu Arnold, Madeleine Zeller et Benoît Jordan (éd.), Le Vent de la Réforme. Luther 1517, Strasbourg : Bibliothèque Nationale et Universitaire, 2017, p. 75-80.

27. « Vicarius episcopi, quod confessus sum vxorem habere me, praedicandi facultatem, quam hac lege petij, ut, si vnquam deprehenderetur docuisse me quod in divinis literis non expressum legatur, iuxta Domini praeceptum Deut. XIII, lapidibus me obrui faceret, atque occideret […]. ltaque incertus etiamnum rerum omnium haereo. Oro autem tuam charitatem, quando vix vspiam messis maior est quam apud vos, sicubi operam meam fratribus fore vsui putares […] uelis per literas mihi indicare. » (BCor I, 195,51–196, 55. 59-61 [n° 45] ; lettre du 9 juin 1523 à Zwingli.)

28. Voir Martin Greschat, Martin Bucer (1491-1551), p. 59-60 ; Andreas Gäumann, Reich Christi und Obrigkeit. Eine Studie zum reformatorischen Denken und Handeln Martin Bucers, Berne : Peter Lang, 2001, p. 51-53.

29. À la différence de Wittenberg, qui fait partie du vaste territoire de la Saxe électorale, Strasbourg, ville de près de 25 000 habitants, est alors une cité-État. Ville libre d’Empire, elle doit des comptes à l’Empereur seul. Son gouvernement est de type collégial ; le Magistrat est composé de deux collèges, le « Grand Conseil (Grosser Rat) », et le Collège des XXI (en fait, là aussi une trentaine de membres, une partie d’entre s’occupant de la politique intérieure, l’autre des affaires extérieures). À la tête du Magistrat, on trouve l’Ammeister, qui est assisté de quatre Stettmeister issus du patriciat et élus pour un an, chacun d’entre eux exerçant ses fonctions durant trois mois. Dans ce système oligarchique, les représentants de la noblesse urbaine, le patriciat, partagent le pouvoir avec l’élite économique, les représentants des corporations constituant deux tiers des membres du Grand Conseil.

30. Der vrsach / damit ich eüch meine brueder vnd mitburger / der gnad noch, so mir verluhen ist / fürderte / wie wir dann solchs gegen einander all schuldig seind / hab ich wœllen wilfaren etlichen von eüch die mich hierumb gebetten haben / vnd von dem das wir uns selb nit / sonder vnsern nechsten leben sollen / und wie wir dohyn kummen mœgen / das ist / zuem stand der volkummenheit die vns hye müglich ist / ein kleinen bericht vnd vermanung vsz der schrifft beschreiben (Traité de l’amour du prochain, p. 154s ; BDS 1, 44, 18-24).

31. Voir son introduction au Traité de l’amour du prochain, p. 147 (143-151).

32. WA 7, 34-36 ; traduction Luther, Œuvres, t. II, p. 858s.

33. Voir Marc Lienhard, « Édifier et instruire », p. 77.

34. Sur l’importance de la paix chez Luther, voir Matthieu Arnold, « Luther. Le droit, la guerre et la paix », in : La théologie. Une anthologie, t. III : Renaissance et Réformes, éd. Nicole Lemaître et Marc Lienhard, Paris : Cerf, 2010, p. 445-460.

35. WA 11, 249s ; traduction Luther, Œuvres, t. II, p. 9.

36. Sur la distinction, chez Luther, entre deux royaumes ou deux règnes (Reiche peut revêtir l’une et l’autre significations), voir Bernhard Lohse, Luthers Theologie in ihrer historischen Entwicklung und in ihrem systematischen Zusammenhang, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1995, p. 172-175 et 330-340 ; Matthieu Arnold, « Luther. Les deux règnes », in : La théologie. Une anthologie, t. III, p. 421-433 ; Marc Lienhard, Luther. Ses sources, sa pensée, sa place dans l’histoire, Genève : Labor et Fides, 2016, p. 399-410.

37. WA 11, 250s ; traduction Luther, Œuvres, t. II, p. 11.

38. WA 11, 251 ; traduction Luther, Œuvres, t. II, p. 11. « Denn wo das nicht were / Syntemal alle wellt böse / vnd vnter tausent kaum eyn recht Christ ist / würde eyns das ander fressen / das niemant kund weyb vnd kind zihen / sich neeren vnd Gotte dienen / damit die welt wüste wuerde / darumb hatt Gott die zwey regiment verordnet / das geystliche […] / vnnd das welltliche / wilchs den vnchristen vnd böszen weret / das sie euszerlich müssen frid hallten vnd still seyn on yhren danck. » (Deutsch-Deutsche Studienausgabe, t. 3, p. 230, l. 33 – p. 232, l. 2).

39. Voir WA 11, 273 ; Luther, Œuvres, t. II, p. 41.

40. WA 11, 266 ; traduction Luther, Œuvres, t. II, p. 32. « Item da er spricht. Die gewallt ist nicht zu furchten den gutten / sondern den bösen wercken beschrenckt er aber die gewalt / das sie nicht glawben odder Gottis wortt / sondern bösze werck meystern soll. Das will auch Sanct Peter / da er spricht. Menschlicher ordnung. Nun kan yhe menschlich ordnung sich nicht strecken ynn den hymel vnnd vber die seele / sondern nur auff erden auff den eusserlichen wandel der menschen vnternander. » (Deutsche-Deutsche Studienausgabe, t. 3, p. 260, l. 35 – 262, l. 2.)

41. Voir WA 11, 268s ; Luther, Œuvres, t. II, p. 35. C’est ce qu’il continuera d’affirmer l’année suivante, face à Thomas Müntzer dans sa Lettre aux princes de Saxe au sujet de l’esprit séditieux (WA 15, 210-221 ; traduction Luther, Œuvres, t. II, p. 147-159).

42. Voir WA 11, 266s ; Luther, Œuvres, t. II, p. 33s.

43. Martin Bucer, Traité de l’amour du prochain (éd. Strohl), p. 174s.

44. Ibid., p. 182.

45. « […] das in vsserlichem gut ordnung vnnd friden gehalten werd / die frummen beschutzet / die vnfrummen von beleydigung der frummen durch straff abgehalten » (Traité de l’amour du prochain, p. 182 ; voir BDS 1, 55, 3-5).

46. Le parallèle est signalé par Henri Strohl dans son introduction au Traité de l’amour du prochain, p. 149.

47. Bucer emploie ainsi l’expression « gemeyner nutz » à la fin de la première partie (Traité de l’amour du prochain, p. 192 ; BDS 1, 59, 14). Pour Berndt Hamm, la notion de bien commun constituait alors le « but de toutes les autres valeurs des villes » (Bürgertum und Glaube, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1996, p. 58).

48. « welcher ampt / wiewol es mit geistlichem als mit dem gots wort nit vmbgot » (Traité de l’amour du prochain, p. 182 ; BDS 1, 55, 2-3) ; « Wiewol aber weltlicher oberkeit dyenst / die sye der gemeyn schuldig ist / nit in dem stot, das sye das gœttlich wort vnd gesatz predigen » (Traité de l’amour du prochain, p. 182 et 184 ; BDS 55, 22-23).

49. « nach gœttlichem gesatz zu regieren / vnd irs vermœgen zu vffgang gœttlichs worts helffen » (Traité de l’amour du prochain, p. 184 ; BDS 1, 55, 24-25).

50. « Dann so kein gewalt ist on von gott / vnd der gewalt der allenthalben ist / ist von gott geordnet » (Traité de l’amour du prochain, p. 184 ; BDS 1, 55, 25-26).

51. Voir Traité de l’amour du prochain, p. 184 (// BDS 1, 56, 8-11) : « Darumb gebot gott dem volck Jsrael / kein künig zu setzen von frembden volck der nit ir brüder wer / sonder der der herr von iren bruedern erwœlen wurd / der solt jm das gesatz schreiben / vnd alletage seins lebens lesen [Dt 17, 15 et 18-20]. »

52. « Dann wo nit gott erkant / vnd sein gehorsam vor allem vffgericht würt / ist der frid kein frid / das recht kein recht / vnnd bringt schaden alles das do nutzlich sein solt. » (Traité de l’amour du prochain, p. 184 ; BDS 1, 56, 5-7.)

53. Voir Traité de l’amour du prochain, p. 186 : « Das betrachtet Salomon. J. Reg. Iij. […] vnd doch das wor gut vnd boesz zu vnderscheiden / vnd recht zu richten durch menschlich vernunfft nit maechtig / sonder noturfftig das jn solchs gott lernet. » (Voir BDS 1, 56, 25-27).

54. Voir WA 11, 273 ; Deutsch-Deutsche Studienausgabe, t. 3, p. 274, l. 10-13 ; Luther, Œuvres, t. II, p. 40.

55. « Darumb weysz ich keyn recht eym fursten fur zuschreyben / sondernn will nur seyn hertz vnterrichten / wie das soll gesynnet vnd geschickt seyn / ynn allen rechten / rethen / vrteylen vnd hendeln. » (Deutsch-Deutsche Studienausgabe, t. 3, p. 274 ; WA 11, 273 ; traduction Luther, Œuvres, t. II, p. 41).

56. « Dann wie in beydem geistlichem vnd weltlichem / vns aller nutz vnd wolfart zu stot / wann die vns fürstehn sollen / ires ampts getreülich warten / also folget sonder zweifel vnser gaentzlich verderben / so solche das ir suchen / vnd deshalb vns vff ire / vnd nit gottes gehorsam zyehen. » (Traité de l’amour du prochain, p. 190).

57. Voir Berndt Hamm, « La fascination de l’ordre. Martin Bucer et le virage de la ville d’Ulm en faveur de la Réforme », Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses 98 (2018/4), p. 393-414. – Voir encore, à propos des conceptions de Bucer et des tensions que ses idées ont souvent engendré avec les autorités politiques : Marijn de Kroon, Studien zu Bucers Obrigkeitsverständnis. Evangelisches Ethos und politisches Engagement, Gütersloh : Gerd Mohn, 1984 ; Matthieu Arnold, « Le rôle des autorités civiles dans la lutte contre les anabaptistes. La conception du Magistrat de Strasbourg et celle de Martin Luther », in : Anselm Doering-Manteuffel, Kurt Nowak (éd.), Religionspolitik in Deutschland von der Frühen Neuzeit bis zur Gegenwart, Stuttgart : Kohlhammer, 1999, p. 11-28.