Anne Robert et la condamnation de la secte des Multipliants
(Montpellier, mars-juin 1723)
Otto Selles
Calvin College, Grand Rapids MI
Mais quelles remontrances peut-on faire à des martyrs ?
André Chamson, La Tour de Constance
Au début des années 1720, un groupe de protestants commence à se réunir, non dans une campagne isolée au Désert, mais en plein centre de Montpellier dans la maison d’Anne Robert, veuve du marchand Jean Verchand. Guidés par l’inspiration, ces protestants établissent au premier étage de cette maison un lieu de culte étonnant, décoré avec des écrits prophétiques placardés aux murs, des fleurs de lys et des étoiles en carton doré attachées au plafond. Dans la salle principale, appelée le Résidu, se dressent trois pavillons, en forme de pyramides, tapissés d’écrits prophétiques. Il y a aussi une chaire de prédicateur, trente-six chaises, un laurier en arbre de vie et d’autres objets symboliques. Trois sacrificateurs, habillés en vêtements sacerdotaux, et un pasteur y président des assemblées où on célèbre le baptême de repentance, la cène et le mariage, ainsi que des cérémonies de leur propre invention. Le groupe tient un registre détaillant les noms de pas moins de 223 personnes inscrites au rôle des « baptemes de la nouvelle creation du monde du secon[d] avenemant de J.C. par son St Esprit » 1. Un autre registre, parlant des enfants de Sion, contient les noms de 232 fidèles2.
Le samedi 6 mars 1723, Louis de Bernage, intendant du Languedoc, et le duc de Roquelaure, commandant militaire de la province, envoient des soldats chez Anne Robert qu’ils font arrêter avec douze autres personnes. Le groupe de treize prisonniers est composé de six hommes (Jacob Bonicel, Jacques Bourrely, les frères Antoine et André Comte, Pierre Figaret, Jean Vesson), cinq femmes (Marie Blayne, Anne Gaussent, Suzanne Loubière, Jeanne Mazaurigue, Anne Robert), un garçon (Pierre Cros) et une fille (Marguerite Verchand). Ces enfants de Sion seront bientôt connus, à Paris même, sous le nom de Condormants ou Multipliants, selon une rumeur les soupçonnant de célébrer « pendant l’office » des multiplications charnelles3. Même si les désignations de Multipliants et de secte portent en elles-mêmes un jugement négatif sur le groupe, ce sont les termes entrés dans l’usage pour le décrire et nous continuerons à les employer4.
Pendant l’audition des prisonniers, l’intendant Bernage découvre l’existence d’un lieu de culte semblable à Lunel, près de Montpellier, ce qui déclenche de nouvelles arrestations. À la fin du procès, le 22 avril 1723, Bernage prononce son jugement, envoyant à la pendaison quatre prisonniers : le pasteur Jean Vesson, les sacrificateurs Jean Bonicel et Antoine Comte, et la prophétesse Marie Blayne. L’intendant condamne Anne Robert à assister à leur exécution puis à être rasée et enfermée à vie. Il l’envoie à la Tour de Constance à Aigues-Mortes avec six autres femmes liées à la secte. Le troisième sacrificateur est Jacques Bourrely, fils de Marie Blayne et âgé de 16 ans. Il échappe à la mort mais doit accompagner au port de Marseille quatre Multipliants condamnés à vie comme galériens. Marguerite Verchand, 12 ans, la fille d’Anne Robert, est enfermée dans un couvent à Agde. Pierre Cros, 13 ans, fils catholique d’Anne Gaussent, est relâché. Au milieu du mois de mai 1723, l’intendant fait raser la maison d’Anne Robert. Ces punitions suffisent pour arrêter les activités des membres du groupe à Montpellier et Lunel.
Quoique la secte des Multipliants représente un des chapitres les plus intéressants de l’histoire du protestantisme français au xviiie siècle, son histoire est aujourd’hui peu étudiée et mal connue. Dans les histoires générales du protestantisme français, même les plus récentes, on peut lire quelques lignes à propos de l’association entre l’ancien pasteur du Désert Jean Vesson et « la secte montpelliéraine, “hébraïsante”, des Mutlipliants5 », cette « communauté de nouveaux convertis inspirés, réunie à Montpellier chez une visionnaire6 ».
Il existe cependant de nombreux travaux sur les Multipliants. On peut consulter, parmi les plus utiles, ceux d’Alexandre Germain (1845, 1855-1857) 7, d’Edmond Hugues (1872) 8, d’André Vigne (1934) 9, d’André Peyriat (1974) 10 et de Daniel Vidal (1982-1983) 11. L’étude d’Hubert Bost (2003) offre une excellente analyse historiographique, résumant la trajectoire critique des études sur les Multipliants :
Dans un premier temps, le jugement et la condamnation qui conduisent les sectaires arrêtés au tribunal, puis les envoient à la potence, aux galères ou en prison, se trouvent rédupliqués dans le discours légitime, catholique et protestant. La perception du phénomène multipliant est gouvernée par la recherche d’une norme au nom de laquelle certaines croyances et conduites sont jugées inacceptables et répréhensibles.
Les travaux de Germain et de Vigne offrent pour la première fois un état objectif des faits. Cependant, en dépit de la qualité de leurs études, Germain et Vigne « ne peuvent s’empêcher de juger » le groupe. C’est l’enquête de Daniel Vidal qui « marque la dernière étape de cette évolution » grâce à son approche à la fois interdisciplinaire et minutieuse12.
Quoique les analyses de Daniel Vidal sur la sociologie et les cérémonies multipliantes soient éclairantes13, elles ne renouvellent pas entièrement l’histoire proprement dite de la secte, qui reste peu développée depuis les travaux, au xixe siècle, du doyen Alexandre Germain. À l’image des recherches récentes sur les Camisards et le prophétisme14 ainsi que sur les Églises du Désert15, nous pensons qu’il est temps de reprendre l’étude de cette affaire à nouveaux frais. Quelques publications ont tenté récemment de ranimer la mémoire des Multipliants, sans pourtant offrir de nouvelles réponses16. Il faut dire que les principaux documents sur les Multipliants, conservés dans le carton C196 aux Archives départementales de l’Hérault à Montpellier, sont normalement inaccessibles aux chercheurs, ce qui n’a pas encouragé la publication de nouveaux travaux sur le sujet. Après avoir procédé à un inventaire complet du dossier C196, nous avons constaté que les nombreux documents du procès (procès-verbaux, interrogatoires, dépositions, recollements, confrontations) constituent un des premiers ensembles à réexaminer17.
Afin de délimiter le sujet, nous nous proposons d’étudier en détail le statut d’Anne Robert dans le procès contre les Multipliants. Il ne s’agit pas de reprendre ici, malgré leur intérêt, l’examen des différentes cérémonies, des discours prophétiques ou du langage particulier des Multipliants : cela dépasserait largement les bornes de cet article18. Notre analyse entend répondre à trois questions qui nous ont frappé dès notre première rencontre avec l’histoire de la secte19. Premièrement, qui était Anne Robert, cette femme qui recevait prédicants, sacrificateurs et prophétesses chez elle ? Ensuite, si plus de deux cents personnes sont passées chez Anne Robert pour participer aux différentes cérémonies multipliantes, ses voisins et ses amis ne s’y seraient-ils pas intéressés ? Et finalement, si l’intendant infligea la peine de mort à une femme (la servante Marie Blayne), pourquoi Anne Robert, hôtesse de la secte, échappa-t-elle au bourreau ? Après une esquisse biographique d’Anne Robert, on proposera l’analyse de son arrestation, des interrogatoires du procès et de la correspondance entre l’intendant Bernage et Versailles. Cette étude permettra d’exhumer de fort intéressantes pièces du procès qui n’ont pas encore été examinées en détail, notamment l’information regroupant les dépositions étonnantes des voisins d’Anne Robert et de son ami Antoine Bousquet, conseiller et procureur à la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier.
À travers l’étude de ces documents, on pourra établir les liens entre Anne Robert et les autres prisonniers et expliquer comment elle justifie sa décision de les accueillir chez elle. Pendant le procès, elle met en avant ses visions et surtout sa foi, soumise à la volonté de Dieu. En dépit des preuves indiquant sa participation active au culte multipliant, les autorités concluent que la demoiselle Verchand est certainement la dupe de fanatiques sacrilèges du plus bas étage et mérite non pas la mort mais l’emprisonnement à vie. À travers ces analyses, il est possible de proposer un portrait plus complet d’Anne Robert, une idée plus précise des courants dans le protestantisme français après la guerre des Camisards, et une compréhension plus exacte du rôle de la procédure dans la répression du protestantisme français en Languedoc au début du règne personnel de Louis XV.
Anne Robert et les Multipliants
Éléments biographiques
Interrogée pendant le procès sur « son nom, surnom, age, qualité, demeure et religion », elle
[a] dit qu’elle s’appelle Anne Roberte, veuve du sieur Jean Verchand mar[chan]t de cette ville, agée de quarante-cinq ans ou environ, d[e] la Religion pretendue refformée20.
Née vers 1678, elle a connu comme jeune fille le culte protestant d’avant la Révocation. Les interrogatoires indiquent aussi que ses parents étaient de Sommières, non loin de Montpellier et de Nîmes21. On peut donc supposer qu’elle-même était originaire de Sommières22, mais il n’est pas établi que son mari l’était aussi23. Si l’on admet qu’elle venait de Sommières, on ignore en revanche à quel moment Anne Robert arrive à Montpellier. Selon son acte de mariage, elle épouse Jean Verchand à l’église Notre-Dame des Tables à Montpellier le 14 mai 1705. Son père, Pierre Robert, est désigné comme bourgeois et les témoins comprennent des Montpelliérains comme un marchand droguiste, un praticien (du droit24) et Henri Verchand, étudiant en droit 25. L’acte de mariage indique aussi que Jean Verchand est le fils de « feü Pierre Verchant et de feüe demoisselle Marie Puyol ». Selon Pierre Clerc, il s’agit probablement de Pierre Verchand, procureur général d’un fermier général, et de Marie Pujol, fille d’un conseiller du roi26. Si tel est le cas, Anne Robert est entrée par son mariage dans le milieu des notables de Montpellier27.
Marguerite Verchand, la fille d’Anne Robert et de Jean Verchand, est née le 10 octobre 1710 et a été baptisée à la même église le 14 octobre 1710. L’acte de baptême indique que « le père absent » est représenté par Pierre Robert, bourgeois, et Daniel Verchand, marchand 28 ; comme marraine, on trouve le nom d’une Marguerite de Pujol29. Il est clair qu’Anne Robert est bien intégrée dans la classe marchande ainsi que dans le milieu judiciaire et administratif de Montpellier.
Lors de son interrogatoire, Anne Robert se déclare membre de la religion prétendue réformée, mais la participation de ses proches aux sacrements catholiques ne doit pas étonner. C’est alors une pratique commune parmi les protestants pour assurer leur état civil, surtout en ce qui concerne les notables aisés et avant le développement des cérémonies au Désert30. Dans sa première étude sur les Multipliants, Alexandre Germain indique à propos d’Anne Robert :
Une relation que j’ai entre les mains dit que le père de cette femme avait eu autrefois une maison de campagne rasée près de Sommières pour y avoir tenu des assemblées religieuses contre les ordres du roi31.
Ce père est un certain Charles Verchant de Montpellier, sans doute un parent de son mari32. La ferveur religieuse d’Anne Robert se révèle plutôt à travers la correspondance que Benjamin Du Plan, gentilhomme protestant d’Alès et futur député général des Églises réformées du Désert33, entretient avec elle en 1720-172234. Même si les réponses d’Anne Robert manquent, cet extrait d’une lettre de Du Plan donne une idée de leurs échanges :
Mademoiselle et chere sœur en notre S. J. C. [Seigneur Jésus-Christ], L’amitié et l’estime que j’ay conçu pour vous sont trop gravéz dans mon cœur pour que l’absence soit capable de vous effacer de mon esprit. Je me souviens, ma chere sœur, avec plaisir de vous et je demande à Dieu de toutte mon ame qu’il vous accorde de plus en plus les lumieres et les vertus de son esprit pour vous faire connoitre les grands misteres de son amour. [… ] Vous avez recue ma chere sœur les premices de l’esprit. Ce sont des avantgouts de la gloire que Dieu prepare à ses elus35.
On croit lire un billet doux à travers le discours mystique. Du Plan ajoute cependant à la fin : « Je prie Dieu qu’il vous benisse et qu’il vous conserve avec votre cher mary et votre chere fille » et promet une visite, si Dieu l’« inspire36 ». Dans sa correspondance avec le pasteur Antoine Court à l’automne 1723, après la condamnation des Multipliants, Du Plan indique qu’il s’était rendu à Montpellier vers 1719 (« il y environ trois ans et demy ») sans apparemment y retourner par la suite37. On peut donc avancer que le mari d’Anne Robert est mort en 1719 ou 1720, peu après la visite de Du Plan.
Cette hypothèse est confirmée par un document de 1744-1745 portant sur la succession d’Anne Robert et la pension de sa fille Marguerite. On y apprend que Jean Verchand brassait d’assez importantes affaires, avec la vente en 1714 d’une maison pour la somme de 5 368 livres, dont sa femme avait reçu 3 000 livres en dot, sous forme d’une rente annuelle de 150 livres. Selon ce document, Jean Verchand meurt le 28 avril 1720 et Anne Robert continue à percevoir cette rente38. Cette mort pourrait expliquer le développement vers 1720 de la correspondance mystico-passionnelle entre Du Plan et la récente veuve39. Et plus important, comme nous le verrons, cela contribuerait à expliquer pourquoi Anne Robert commence vers cette date à ouvrir sa maison à des « rentiers » (locataires) et à de futurs Multipliants.
La rue où Anne Robert habitait, tout près du puits du Temple, s’appelle aujourd’hui la rue des Multipliants. Au n° 5, où était située sa maison, on trouve seulement aujourd’hui un rez-de-chaussée composé d’une porte et d’un garage, créant un vide entre les immeubles de cette rue étroite. Ce vide est comme l’illustration de la vie d’Anne Robert dont on n’a qu’une connaissance très lacunaire. On ne sait presque rien sur les différents membres de sa famille. On ignore tout de la formation qu’elle a reçue, lui permettant de correspondre avec un gentilhomme comme Du Plan. On ne connaît ni la nature du commerce de son mari, ni toutes les ressources qu’il lui a léguées à sa mort. Même pour la période multipliante où la documentation est plus abondante, certains détails entrés dans les dictionnaires biographiques se fondent sur des renseignements limités et partiellement confirmés. Comme on le verra plus loin, des questions restent sans réponse : a-t-elle réellement été détenue en prison à Carcassonne avec la prophétesse Suzanne Loubière40 ? Son mariage avec le sacrificateur Jacob Bonicel a-t-il été célébré – et consommé41 ? Est-elle morte à la Tour de Constance juste avant le 13 novembre 173942 ? Dans ce flou biographique, les pièces de l’instruction et des témoignages contemporains offrent en revanche une bonne idée de son statut social, de son caractère et de ses convictions religieuses.
L’arrestation d’Anne Robert, demoiselle Verchand
Le 14 janvier, 1723, l’intendant Bernage et le duc de Roquelaure se rendent à Nîmes où ils assistent à l’ouverture des États de Languedoc43. Quelques jours après leur arrivée, ils apprennent qu’« il se faisoit des assemblées de relligionnaires à Montp[elli]er chez la dame[ois]elle Verchand, veuve d’un bourgeois de cette ville ». Informés que les assemblées « pourroient estre considérables », Bernage et Roquelaure décident d’attendre d’être revenus à Montpellier « pour mieux approfondir les circonstances et voir par [eux-]mesmes de quelle nature estoient ces assemblées44 ». En effet, à la fin des États le 3 mars 172345, les deux chefs ne tardent pas à agir contre les Multipliants. Le samedi 6 mars vers 10 heures du matin, ils apprennent qu’« on entendoit dans cette maison faire quelques prières ». Roquelaure commande à Claude Trinquaire (ou Trinquere), lieutenant de la maréchaussée de Montpellier46, de « faire conduire à la citadelle tous ceux qu’il y trouveroit ». De son côté, Bernage envoie son subdélégué Hierosme Loys pour entrer dans la maison immédiatement après les soldats afin d’« en reconnoitre les dispositions, faire la recherche de tous les livres, ecrits et papiers qui y seroient, s’en saisir et dresser du tout proces-verbal47 ».
Tout en offrant une description fascinante du lieu de culte découvert dans la maison, le procès-verbal de capture dressé par le lieutenant Trinquaire souligne l’écart énorme entre le point de vue des autorités et celui d’Anne Robert :
L’an mil sept cent ving[t-]trois, et le sixieme mars à onze hures du matin, nous Claude Trinquere, ecuyer, lieutenant du prevost general de Languedoc à la residance de Montpellier, en consequence des ordres de Monseigneur le duc de Roquelaure, lieutenant general des armées du roy, commandant en chef dans la province de Languedoc, et de Monseigneur de Bernage, intendant de lad[ite] province, nous sommes transportés à la maison de la veuve de Verchand, à la teste de vingt hommes detachés du regiment d’Auvergne, et de cinq gardes de la marechaussée, où estant, aurions trouvé la porte de l’entrée de lad[ite] maison fermée, et ayant hurté pendant trois diverses fois, lad[ite] de Verchand se mit à la fenestre du second estage et nous dit qu’elle n’ouvroit sa porte qu’à Monsieg[neur] le duc de Roquelaure, ce qui nous obligéa d’apeller un serrurier pour l’anfoncér, ce qui fut fait48.
L’attitude d’Anne Robert est frappante : elle s’estime en droit de traiter directement avec le duc, commandant militaire en Languedoc depuis 170649. Cela pourrait indiquer à la fois son caractère et ses étroits liens avec les notables de la ville. Trinquaire continue son rapport où se succèdent des portes verrouillées :
Et estant monté, nous aurions trouvé la porte du premier estage fermée par derriere avec un verroul, ce qui nous obligéa de dire à lad[ite] de Verchand, qui estoit presente, de nous faire ouvrir lad[ite] porte, qu’il faloit infa[il]liblement qu’il eût des gens enfermés, à quoi elle repondit qu’il n’y avoit personne, ce qui nous auroit obligé de faire enfoncer lad[ite] porte par led[it] serrurier. Et estant entrés avec Mr le major de la ville, trois grenadiers et les gardes de notre suitte, nous aurions trouvé dans la premiere chambre, vingt-quatre bancs tous neuf avec leurs dossiers et marchepieds, le plancher d’en haut garni d’une toille blanche, et un lit à terre composé d’une paliasse, deux drats [draps], un traversin, et une couverture. Ayant remarqué que derriere la porte d’entrée de lad[ite] chambre il y avoit un ecrit contenant ses mots, Il est ordonné de la part de Dieu, à tous ceux qui entreront ycy de ce laisser foulier [fouiller], autrement la porte leur sera fermée, et malheur à celluy-là qui ne le souffrira pas ; ayant aussy remarqué qu’il y avoit plusieurs placarts autour des murailles de lad[ite] chambre (30-30v).
Voici la paillasse qui donnera vraisemblablement naissance au terme « multipliant ». On voit aussi les premiers signes d’un lieu de culte tout particulier, et d’une mise en garde d’inspiration divine et post-camisarde contre le port des armes. Arrivé devant une troisième porte, Trinquaire essuie un troisième refus de la part d’Anne Robert :
Et voulant entrer dans une chambre atenant, nous aurions trouvé la porte fermée par derriere, ce qui nous obligéa de requerir une troisieme fois à lad[ite] de Verchand, qui estoit avec nous, de nous faire ouvrir lad[ite] porte, laquelle nous auroit repondû qu’il ni [n’y] avoit personne dans la chambre, surquoy nous aurions enfoncé nous-même lad[ite] porte. Et voulant entrer dans lad[ite] chambre, un homme, à nous inconü, se presentà devant nous, portant un petit collet, et une espece d’aube, un baudrier en forme d’estolle, un bonnet en forme de casque, entouré de papier dauré et garny d’aygrettes, tenant à sa main une canne de rozeau au bout de laquelle il y avoit un estandar de taffetas. Lequel homme nous dit, Que venés vous faire ycy, à quoy je repondis que je venois l’arrester de la part du roy, de meme que toute sa compagnie. Et d’abord l’ayant saisy, je le mis hors de lad[ite] chambre et le consigna entre les mains de nos gardes et des grenadiers (30v-31).
Anne Robert se signale par sa façon de mentir sans vergogne. Quant à l’homme inconnu, faut-il croire à la réplique de Trinquaire, digne d’un roman de cape et d’épée ? Le récit montre qu’Anne Robert et les Multipliants s’estiment autorisés à s’assembler et à s’habiller selon leur fantaisie. Les arrestations se poursuivent :
Et en suitte j’arresta prisonnier dans la meme chambre cinq hommes et un enfant de douze à treize ans, deux desquelles estoient habillés d’une aube blanche avec un baudrier pardessus en forme d’etolle, portant chacun un bonnet en forme de casque de carton, entouré de papier d’auré [doré] garny d’aygrettes ; un autre habillé à l’ordinaire d’un habit obscur portant un petit collet tenant en ses mains un baton au bout duquel il y avoit un rondeau entouré de laurier y ayant un escrit de chaque cotté ; un autre homme habillé à l’ordinaire d’une colleur gris obscur, lequel vint à nous de genoux tenant en ses mains la bible ouverte qu’il nous presenta en nous disant, voila pour vous convertir ; un autre homme habillé d’une colleur obscure ; et le jeune enfant estoit jambe nüe ne portant que ses culottes, une veste et un bonnet de laine. Comme aussy j’arrestá quatre femmes, la demoiselle Verchand et sa fille ; une desquelles femmes, que je ne connois point de même que les autres, portoit une espece d’aube blanche ; et la fille de lad[ite] veuve de Verchand estoit habillée de même portant un bonnet de moirre d’argent bordé d’un taffetas blanc, et une aygrette attachée avec un ruban vert (31-31v).
On commence à percevoir une hiérarchie vestimentaire : trois hommes aux bonnets dorés, un homme au petit collet, une femme en aube blanche, c’est-à-dire les trois sacrificateurs (Antoine Comte, Jacob Bonicel et Jacques Bourrely, fils de Marie Blayne), le pasteur (Jean Vesson) et la prophétesse du groupe (Marie Blayne). Le luxe de détails fournis par Trinquaire montre que ce lieutenant a été frappé par cette scène, notamment par le rôle inexpliqué des enfants, l’un jambes nues (Pierre Cros, fils de la cuisinière Anne Gaussent) et l’autre (Marguerite Verchand, fille d’Anne Robert) au bonnet extraordinaire.
Trinquaire termine son rapport par une description du lieu qui témoigne de sa surprise devant une décoration si singulière :
Ayant veu que dans un coin de lad[ite] chambre il y avoit une chaire de noyer parié[e] d’un tapis de cadis vert à trois ran[g]s de frange de soye de meme colleur ; trois pavillons garnis de papier et de rubans de plusieurs colleurs aux trois fasses [faces], avec des guidons de taffetas des colleurs rouge, vert, blanc, et blû ; trente-six chaises de bois de solle rangées, à chacune desquelles il y avoit un petit ecritau ; deux caisses de tambourg attaché[e]s à la muraille ; et à cotté de lad[ite[ chaire, il y avoit un laurier de huit pieds d’auteur dans un grand vaze où estoit suspendü par une serviette un plat de fayanece dans lequel il y avoit deux oranges de Portugal, les quatre bouts de lad[ite] serviette estoient liéz de quatre rubans, l’un vert, l’autre rouge, le troisieme blû et le quatrieme blanc ; les murailles de lad[ite] chambre estoient parées de fleurs de lis de papier d’oré et plusieurs ecrits attachés à lad[ite] muraille ; et le plancher d’an haut de lad[ite] chambre estoit garny d’etoille blanche parsemée des etoilles de papier doré ; et au milhieu il y avoit une espece de soleil entouré de fleurs de lis ; et à cotté estoit suspendû une lampe de fer blanc à sept luminons, et dans une autre chambre nous y avons trouvé quantité de cannes de rozeau garnies de quatre couronnes de laurier, chacune atachées avec des rubans des colleurs susd[ites] (31v-32v).
C’est tout un univers semé d’étoiles et de fleurs de lys où règne un symbolisme biblique50 : trois franges, trois pyramides, quatre rubans, quatre couleurs, sept lumignons, vingt-quatre bancs et trente-six chaises. Mais Trinquaire conclut son rapport d’une façon plus terre à terre :
Tous le[s]quels prisonniers nous conduisimes avec c’est [cet] esquipage dans les prisons de la cittadelle de cette ville et laissés en garde à Monsieur le Major de la place, lesquels hommes et femmes nous pourrons reconnoistre s’ils nous sont representés (32v-33).
C’est ainsi que la ville de Montpellier voit passer Anne Robert parmi les Multipliants, avec leur équipage de bâtons et de bonnets, en route vers la citadelle.
Quelques témoignages contemporains confirment l’ensemble du procès-verbal de Trinquaire, avec des variations de détail et d’appréciation. Selon une lettre anonyme du 7 mars 1723, un témoin oculaire indique que le lieutenant a distribué parmi les Multipliants davantage de coups de poing que de vaillants propos. Ce témoin fait aussi comprendre les soupçons qui planaient déjà sur Anne Robert et les femmes multipliantes :
On dit que la demlle Verchand est grosse. Elle seroit encore veuve si elle n’avoit eté mariée par ces fols. Chaque mariage ne subsiste que pendant la volonté des deux parties. La servante, jolie comme un cœur, a eu 4 maris. La fille de Madlle Verchand devoit être mariée la nuit derniere. Elle n’a cependant que 12 ans. La demlle Verchand est fort jolie.
La lettre termine avec cette anecdote :
Dans le tems, que cette cohorte passoit dans la grande rüe, un cardeur de laine, qui travailloit devant la porte d’un bourgeois, fut surpris de trouver parmi ces fanatiques sa femme qui l’avoit quitté depuis six mois et dont il ne savait pas le sort. M. de Bernage fait le procés à ces misérables51.
Dans un autre manuscrit du 6 mars 1723, on soupçonne Anne Robert d’avoir épousé « le grand sacrificateur » et « on la dit enceinte ». On se préparerait d’ailleurs à immoler un enfant à Pâques ; « leur débauche est abominable » 52. Immolation d’enfants, disparition de femmes, grossesse, mariages multiples, mariages d’enfants – et de jolies femmes profanant le mariage, telles sont les rumeurs populaires qui se propagent au sujet des Multipliants.
Ces soupçons d’immoralité à propos d’Anne Robert ne doivent pas faire oublier un détail intéressant de son arrestation, selon une source des mieux informées. Dans une lettre du 8 mars 1723 à Nicolas de Lamoignon, marquis de Basville, ancien intendant du Languedoc, Pierre Verduron, futur procureur du roi pour le procès, décrit l’arrestation et la maison. Puis il indique que le duc de Roquelaure
fit conduire les prisonniers ainsi habillés [en baudriers, bonnets, etc.] dans les rues, jusqu’à la citadelle pour les exposer à la risée du peuple qui courroit en foule de toutes parts. La veuve de Verchand fut conduitte en chaise avec sa petite fille53.
Selon un autre témoin, Pierre Cros se trouvait dans une première chaise et ensuite Anne Robert et sa fille54. Malgré son refus de collaborer avec le lieutenant Trinquaire, Anne Robert aurait-elle reçu un traitement de faveur en raison de son statut social ? Ou le duc voulait-il souligner la participation des deux enfants à la cérémonie55 ?
Pasteurs, prédicants et assemblées
L’après-midi du 6 mars vers une heure, Hierosme Loys, le subdélégué de l’intendant, se rend avec son greffier à la maison d’Anne Robert, où il trouve une garde de trente soldats et le major de la ville56. Monté au premier étage, Loys dresse un inventaire qui confirme les détails fournis par Trinquaire auxquels il ajoute d’importantes précisions. Loys relève que les vingt-quatre bancs à deux places de la première chambre, dite le Parvis57, sont « tous neufs » et que l’on a pratiqué une ouverture « par laquelle on voit tout ce qui se passe dans l’autre chambre » (2-4, 138v-139v). Dans la deuxième chambre, Loys note que le pavillon au milieu des trois est « le mieux orné » et qu’« on peut y entrer par le bas » (4, 139v). Il y trouve « un petit coffre en forme de tronc » avec à l’intérieur
quantité de petits billets pour ceux qui devoint assister aux assamblées, cachettés et sur le revers il y a écrit ces mots : gardéz bien ce billet d’amour sy vous voulez entrer dans la maison d’oraison, temple de Salomon où habitte l’arche mistique (5, 140)
À côté de la chaire se trouve une table sur laquelle est posée une Bible « avec un petit ecritoire et une plume ». Le tiroir de la table renferme « trois registres couverts de papier jaune et plusieurs autres papiers ». Loys saisit ces registres, ainsi que « plusieurs livres et papiers » qu’il a trouvés dans un cabinet (8, 141v). Dans la troisième chambre, il y a
deux cadres dorés où il y a un papier enchassé, escript en deux colonnes, le premier commancant par ses mots assemblés-vous mon peuple pour faire ma volonté et l’autre commancant le premier fevrier 1722 à huite heures du soir (9-10, 142-142v).
Loys met les papiers et les livres « dans deux grands sacs » et les fait porter à sa maison pour en faire la « description » (10, 142v). Loys note ces détails dans le cadre des premières accusations contre la veuve. Bernage lui a en effet commandé de se « transporter dans la maison d’Anne Robert, veuve du sr Verchand, accusée d’avoir donné retraite à des predicants et tenu des assamblées » (1, 138).
Pour comprendre le procès contre Anne Robert, il faut rappeler les termes du deuxième article de l’édit de Fontainebleau, qui a révoqué l’édit de Nantes en 1685 : « Défendons à nosdits sujets de la R. P. R. de plus s’assembler pour faire l’exercice de ladite religion en aucun lieu ou maison particulière, sous quelque prétexte que ce puisse être [… ] 58 ». La déclaration du 1er juillet 1686 précise que les ministres qui rentreraient ou qui se cacheraient toujours en France seront « punis de mort » (article I). Cette déclaration défend à tous les sujets du roi « de donner retraite, secours, ni assistance » à ces ministres, « à peine [… ] contre les hommes des galères à perpétuité et contre les femmes d’être rasées et enfermées pour le reste de leurs jours », avec la « confiscation des biens » (article II) 59. Ces différents articles ne parlent que des « ministres », c’est-à-dire des pasteurs formés et consacrés pour célébrer les sacrements ; il ne s’agit pas de « prédicants » laïcs. Il semble que les avocats et juges conseillant l’intendant Bernage aient débattu pendant les jours suivant l’arrestation sur la distinction entre « ministre » et « prédicant » pour conclure qu’il fallait aussi appliquer la peine de mort aux prédicants60. Dans le cas d’Anne Robert, il s’agissait de déterminer à quel point elle était engagée dans le culte multipliant.
Dans ces deux sacs de documents, il est clair que Loys possède assez d’éléments pour prouver l’organisation d’assemblées religieuses chez Anne Robert. Il a les registres des baptêmes et des mariages, ainsi que des « billets d’amour » et des certificats d’« exemption de tailles et de capitation » fournissant les noms des participants. Il a pris soin de noter la présence de la Bible, d’une chaire, de bancs et de chaises, autant d’indices matériels d’une assemblée religieuse. Loys décrit aussi dans son procès-verbal les pavillons « garnis de papier où est escript diverses receptions, exhortations et prieres en stile prophetique, mélés de plusieurs passages de l’ecriture » (4, 139v). Si le subdélégué est un fin connaisseur des assemblées religieuses et du prophétisme, c’est grâce à sa longue expérience, comme Pierre Verduron l’indique à l’ancien intendant Basville le 8 mars 1723 :
Le bon homme M. Loys, à l’age de 89 ans, travaille nuit et jour à la procedure avec la meme force que vous l’y avés vû à l’age de 55 ans61.
Né en 1633 et mort en 1728, Loys a connu la naissance de Louis XIV, la révocation de l’édit de Nantes et le début du règne personnel de Louis XV (le 15 février 1723, quelques semaines avant l’arrestation) 62. Selon Pierre Rolland, Loys, « sous la direction de Basville », « instruit pratiquement toutes les procédures contre les protestants » lors de la guerre des Camisards. Il participe aussi au procès d’une assemblée protestante en 171663. Face au bon homme Loys, Anne Robert risquait, au minimum, une condamnation à vie.
Interrogatoires
Les premiers interrogatoires des treize prisonniers commencent dès le samedi suivant l’arrestation et se prolongent le dimanche 7 mars 1723 et tous les jours de la semaine suivante. D’après un premier état des interrogatoires, comparé aux transcriptions, on peut en dresser la liste :
Le 6 mars : | Anne Robert, veuve de Jean Verchand |
Le 7 mars : | Jacques Bourrely |
Jean Vesson | |
Antoine Comte | |
Pierre Cros | |
Marguerite Verchand | |
Le 8 mars : | Jacob Bonicel, 1er et 2e interrogatoires |
Le 9 mars : | Pierre Figaret |
Anne Robert, 2e interrogatoire | |
Le 10 mars : | André Comte |
Marie Blayne | |
Le 11 mars : | Anne Gaussent |
Suzanne Loubière | |
Le 12 mars : | Jeanne Mazaurigue |
Jacob Bonicel, 3e interrogatoire | |
Jean Vesson, 2e interrogatoire64 |
Selon un autre document, un « extrait » des frais de procédure du 6 mars au 27 mai 1723, l’interrogatoire d’Anne Robert « fut commancé le 6e mars à huit heures du soir et finit à trois heures du matin » 65. Malheureusement, la transcription de cet interrogatoire, comme celle de l’interrogatoire de Marguerite Verchand, manque au dossier de l’instruction. Quant aux autres interrogatoires du dimanche 7 mars, les transcriptions de ceux de Jacques Bourrely66, Jean Vesson67 et Antoine Comte68 sont partielles ; contrairement à celui de Pierre Cros69.
Ces premières auditions montrent que, même après un interrogatoire de sept heures, la veuve Verchand n’a pas révélé grand-chose sur la nature des assemblées multipliantes. Avec les autres prisonniers, Loys essaie toujours d’établir si une assemblée, avec un sermon et prières, se tenait à l’arrivée des soldats ; il n’a pas encore découvert que Vesson en était le prédicant70. Le subdélégué s’intéresse à la fonction des curieux objets du culte multipliant, comme les drapeaux (tenus pendant la prière, répond Bourrely) 71. Il cherche aussi à savoir l’origine des différents éléments du lieu de culte, comme le nom du « charpentier qui a fait la chaire et les bancs qui sont dans l’avant chambre » ou la personne « qui a composé les escrits et placards trouvés et attachés aux murailles72 ». Par rapport à « un petit billet » trouvé dans la maison, il demande si « les mots d’exemption de tailles et cap[itati]on » sont liés aux « frais » des assemblées. Vesson dit l’ignorer, mais Loys poursuit : il veut savoir « s’il n’a veu fanatisé dans les assemblées où s’est trouvée la nommée Marie Magdelaine servante de la demlle Verchand73 ». Pierre Cros admet que les participants aux réunions « venoint le samedy au soir, y restoint tout le dimanche et s’en retournoint le lundy matin » pour entendre des prédications et faire des prières. Loys continue : « Interrogé s’il n’a pas veu qu’ils fissent des mariages, des baptemes et la cene », ce que le jeune homme nie74. Loys balance entre la volonté de comprendre la particularité des Multipliants et le désir d’obtenir des aveux relatifs à l’organisation d’assemblées religieuses « fanatiques » avec des prédications et la célébration des sacrements.
Un exemple de châtiment
Dans une longue lettre à Louis Phélypeaux, marquis de La Vrillière et secrétaire d’État chargé de la Religion prétendue réformée depuis 170075, Bernage explique, deux jours après l’arrestation, le choix de faire une descente chez Anne Robert76. Il fait ensuite un récit assez détaillé de l’arrestation et rapporte comment son subdélégué Loys a saisi des livres et papiers « en quantité et dont il n’a pas encore eu le temps de faire un entier examen ayant esté jusqu’à present occupé à interroger les prisonniers » (23). Bernage poursuit : « Je vous diray seulemen en gros la disposition de ce lieu de presche ou pour mieux dire de fanatisme que j’ay visité moy-meme » (23) 77. À la fin de cette description, Bernage conclut :
Car vous jugez bien par tout ce que je viens de vous expliquer que ceux qui estoient dans cette maison s’estoient fait une relligion qui ne ressemble guieres plus à la pretendue refformée qu’à la catholique et qui tient autant du judaïsme que du calvinisme (24v-25).
Il décrit ensuite leurs cérémonies : un baptême de repentance au cours duquel « ils faisoient laver les pieds et la teste », des mariages et « une cene composée d’eau de vie, de vin et d’eau disant que ces trois liqueurs representoient la trinité » (25-25v).
Malgré son intérêt pour « cet abominable sanctuaire » (24), Bernage en cherche avant tout les responsables. Selon ses premières informations, « il paroit que les premiers auteurs de cette affreuse novation » sont les frères Antoine et André Comte, venus de Lunel pour s’établir chez Anne Robert « plus d’un an » auparavant (25v). Par la suite, Galantiny (Jacob Bonicel) s’est joint au groupe (25). Au mois de novembre 1722, ils ont invité « un fameux prédicant nommé Jean Besson » (Vesson), recherché depuis longtemps par l’intendant Basville puis par Bernage lui-même (26). La capture de Vesson est une aubaine pour les autorités. Bernage et Roquelaure décident de l’interroger en personne et de toute évidence sans la présence d’un greffier. Vesson avoue « sa profession » de prédicant, mais prétend qu’il ne faisait que des prières ou exhortations. Il insiste sur le fait qu’« il n’aprouvait pas les ornements et ceremonies extrao[r]d[inai]res » (26). Bernage n’en est pas convaincu :
[Vesson] a un peu varié de ce qu’il nous avoit dit dans l’interrogatoire juridique qu’il a presté devant mon subdelegué mais il en dit neantmoins assez pour qu’avec les preuves qu’on trouvera d’ailleurs il soit suffisamment convaincu d’estre predicant (26v).
Vesson reconnaît d’ailleurs que plus de cinquante personnes sont venues aux assemblées lorsque l’intendant et le duc se trouvaient à Nîmes (27) 78. Bernage termine sa lettre en demandant à Versailles les pleins pouvoirs pour punir les prisonniers :
Comme je suis persuadé que Sa Majesté jugera qu’il est tres important de punir severement ces dangeureux predicants et leurs adherants, j’ay lh [l’honneur] de vous envoyer un projet d’arrest pour m’en attribuer la connoissance et les juger en d[erni]er ressort pareil à ceux que vous avez fait expedier en pareil cas et que je vous suplie de m’envoyer le plutôt qu’il sera possible car rien ne sera plus capable d’arrester les progres d’un mal si dangereux que cet exemple de chatiment (27v) 79.
L’objectif de l’intendant est clair : réunir des preuves afin de pouvoir condamner à mort les prédicants.
Une vision et un second mariage
Au fur et à mesure des interrogatoires, les autorités se font une meilleure idée des cérémonies multipliantes. Jacob Bonicel offre même à l’intendant un mémoire expliquant le symbolisme derrière leur culte80. Jean Vesson rédige aussi un mémoire, mais il est moins révélateur que celui de Bonicel81. Pour sa part, Pierre Cros remet à l’intendant un mémoire qui explique en détail comment étaient célébrés le baptême de repentance, le mariage et la cène82. S’appuyant sur des documents trouvés dans la maison par Loys83 et le mémoire de Bonicel, Bernage interroge en personne Vesson et Bonicel84. Mais l’intendant n’oublie pas Anne Robert, comme il l’explique à La Vrillière le 15 mars 1723 :
La veuve Verchant que je vis pareillem[en]t en particulier n’est pas moins fanatique que ceux qu’elle a receu dans sa maison et me fit des recits de ses visions dont elle paroist aussy persuadée que si c’estoit des articles de foy85.
L’intendant joint à sa lettre son propre mémoire résumant tous les renseignements rassemblés sur les Multipliants, y compris cette vision fondatrice :
La veuve Verchan ajoute à ce fanatisme le recit d’une vision qu’elle pretend avoir eue il y a deux ou trois ans dans un endroit des Cevennes où elle alla, dit-elle, par le conseil d’une femme qu’elle connoissoit pres St André de Valborgne ; et elle assure comme un article de foy qu’elle vit sur les dix à onze heures du matin le ciel s’ouvrir et apparoistre une chaire blanche de predicateur où estoit un homme aussy vestu de blanc, et à l’un des costés un ange qui sonnoit de la trompette et, de l’autre, un ange qui tenoit deux lauriers dans ses mains elevées, d’où elle augura que Dieu paroissoit luy-meme pour luy annoncer la verité ; que cette vision dont, dit-elle, son esprit demeura frappé, la porta à recevoir chez elle Antoine Comte et ensuitte André Comte son frere et Jacob Galantiny [Bonicel], qui y vinrent de la part de Dieu et qui formerent peu à peu cet etablissement de relligion visionnaire, car chacun d’eux et plus encore la nommée Marie Blayne sa servante, qu’ils apelloient prophetesse, avoient, disoient-ils, des visions et inspirations du St Esprit, chacun à leur tour86.
On reconnaît dans cette vision un mélange de l’apôtre Paul, ici sur un chemin de Damas cévenol, et de l’apôtre Jean devant le trône de Dieu. Mais au lieu de mettre en doute sa sincérité, comme le mémoire de Bernage le fait, il est important de voir comment Anne Robert, détenue et comparaissant devant le représentant du roi, n’hésite pas à justifier l’entreprise multipliante par une vision.
Dans son deuxième interrogatoire du 9 mars 1723, Anne Robert donne des détails supplémentaires sur les débuts de la secte. Voici son échange avec Loys :
L’avons exhorté de nous dire comment led[it] Jacob et autres etoint venus dans sa maison, pourquoy et de quelle maniere elle les avoit recus.
A dit que quand ces gens-là vindrent dans sa maïson ils luy dirent qu’ils venoint de la part de Dieu87.
Elle invoque le même argument à propos de son mariage avec Jacob Bonicel :
Interrogée sy elle n’avoit pas fait dessein de ce [se] marier avec led[it] Jacob.
A dit que ces gens-là lui disoint que c’etoit la volonté de Dieu et qu’elle le croyait.
Interrogée s’y le mariage n’a eté consommé et beny par les trois principaux de l’assamblée.
A dit que non mais que sy elle avoit connu que ce fut la volonté de Dieu elle l’auroit fait (391v, p. 2).
S’agit-il d’une hésitation de la veuve (45 ans) ou du royal sacrificateur (30 ans) devant la volonté de Dieu ? on l’ignore88. Il y a bien eu mariage, dont on trouve une promesse, un contrat (en trois exemplaires) et un acte dans un registre. Le contrat stipule même les obligations financières en cas de décès ou de rupture, dans un langage pieux et juridique où Bonicel semble obtenir de considérables avantages financiers89. Pour sa part, le pasteur Jean Vesson affirme qu’il n’a célébré qu’un seul mariage – celui entre Marie Blayne et Antoine Comte90. Lorsque Loys montre à Bonicel le registre contenant l’acte de mariage entre Anne Robert et lui, le sacrificateur répond que le mariage « n’a point été acomply91 ». D’après Suzanne Loubière, il faut donc croire que « c’etoit des mariages pour le ciel et non pas pour la terre92 ».
Dans quelle mesure peut-on faire confiance à la veuve Verchand ? Le 9 mars, 1723, Loys lui pose des questions précises à propos de l’usage des tambours trouvés dans le Résidu. Elle dit n’en rien savoir93. Elle est par contre capable de donner l’adresse où ces tambours ont été achetés (« chez Valade », 392, 3). Dans son troisième interrogatoire du 18 mars 1723, elle est aussi en mesure de confirmer dans les moindres détails l’histoire d’une table spéciale, richement décorée de douze couronnes, douze fleurs de lys et un cœur au milieu, soutenue par douze pieds en forme de mouton. En bonne marchande, elle en avait fait baisser le prix de cinquante à dix-huit livres car le sculpteur n’avait pas réussi la commande comme prévu (394, 3). Mais, questionnée par rapport à l’usage précis de cette table, elle répond que :
led[it] Antoine Comte luy dit que lad[ite] table etoit pour faire quelque belle chose, ne se souvenant par precisement de ce qu’il luy dit (395v, 6).
Pierre Cros, en revanche, âgé de treize ans94, parle en détail dans son mémoire d’une procession à travers Montpellier, prévue pour Pâques, à laquelle Anne Robert et sa fille devaient participer avec les autres membres du groupe, accompagnés par soixante enfants et des instruments de musique, y compris des tambours95. Il indique aussi dans son mémoire que la table était prévue pour la communion à Pâques96. Comment expliquer ces immenses trous de mémoire dans le témoignage d’Anne Robert ? La tension liée à tout interrogatoire ? Il s’agit plutôt de la volonté de donner des renseignements tout en cachant sa participation directe aux cérémonies de la secte.
Anne Robert et les Multipliantes : une prophétesse parmi d’autres ?
Les premiers interrogatoires des autres prisonnières offrent divers renseignements sur Anne Robert et sur les raisons pour lesquelles ces femmes se trouvaient chez elle le 6 mars 1723.
— Dans son interrogatoire du 10 mars 1723, Marie Blayne, dite Magdelaine, explique ses liens avec Anne Robert : « A dit qu’elle a connu particulierement ces parents qui etoint de la ville de Sommieres. Qu’il y a trente-trois ans qu’elle habitte dans la rue où la maison de la dlle Verchand est située et qu’il y a environ trois ou quatre ans qu’elle y demeure ou en qualité de servante ; ou en qualitté de rantiere97 ». Veuve protestante de 46 ans98, c’est une habituée de la famille et une voisine qui s’installe chez Anne Robert vers 1720 – donc à l’époque de la mort de Jean Verchand.
— Anne Gaussent, protestante de 45 ans et habitante de Montpellier, indique que son mari, un matelassier catholique du nom d’André Cros, « la maltraitta beaucoup et la mit hors de sa maison ». Elle s’était réfugiée chez Anne Robert avant Noël 172299, où elle travaillait dans la cuisine100. Rappelons le récit du cardeur étonné de voir, dans la procession des Multipliants vers la citadelle, sa femme « qui l’avait quitté depuis six mois et dont il ne savait pas le sort101 » – il s’agit peut-être d’André Cros, matelassier (et cardeur ?), et de sa femme Anne Gaussent. Pour sa part, Gaussent dit avoir fait des matelas pour Anne Robert et que celle-ci connaît Marie Blayne, originaire du même pays – donc de Sommières102.
— Suzanne Loubière, protestante de 36 ans et originaire de Nîmes, dit habiter chez Anne Robert depuis trois semaines. Loys lui demande comment elle connaît Anne Robert : « A dit qu’elle a été icy [Montpellier] plusieurs autres fois, qu’elle y fut arretée dans le temps des Camisards, qu’elle fut envoyée en exil à Carcassonne où elle a demuré sept ans et que ce fut dans ce temps-là qu’elle connut la demlle Verchand103 ». Pourrait-on en conclure qu’Anne Robert a elle aussi été prisonnière à Carcassonne104 ? Ce n’est pas certain. Il est possible que Suzanne Loubière l’ait connue lors de ses séjours Montpellier, « dans le temps des Camisards ». Et Anne Robert aurait-elle pu épouser Jean Verchand, marchand de bonne famille, en 1707 après un séjour en prison ? Plus important, la correspondance de l’intendant ne parle jamais d’elle comme prisonnière à l’époque camisarde. Dans un interrogatoire du 7 avril, 1723, Loys montre cependant à Anne Robert « un petit livre » qui contient « diverses prophéties », surtout un texte du 8 septembre 1702, et demande si « la prophétie n’est ecritte de sa main ». Elle le nie – malheureusement ce manuscrit ne se trouve plus dans le dossier de l’instruction, de sorte qu’il n’est pas possible d’en examiner l’écriture105.
— Dans un interrogatoire du 12 mars 1723, on apprend que Jeanne Mazaurigue arrive avec Suzanne Loubière chez Anne Robert avant Noël 1722, donc trois mois (et non trois semaines) avant l’arrestation. Protestante de 38 ans, elle aussi ancienne prisonnière à Carcassonne, Jeanne Mazaurigue est venue à Montpellier « par la volonté de Dieu et inspiration de Dieu ». C’était une vision reçue à Saint-André-de-Valborgne, « une vision par laquelle elle s’est vüe en prison dans cette citadelle ». Et c’était « par inspiration » qu’elles se sont dirigées chez Anne Robert « l’ayant entendue nommer auparavant106 ». Quant à son statut dans la maison, elle « ne faisoit qu’écrire ce que lad[ite] Loubiere luy dictoit107 » (343, 3). Quand Loys demande à Jeanne Mazaurigue « sy dans ces assemblées elle n’a fanatisé et prophetisé », elle répond qu’« elle n’a pas fanatisé mais elle a prophetisé » (344v, 18) – un échange résumant parfaitement la différence de perspective entre le subdélégué et la prophétesse.
La maison d’Anne Robert offre d’abord un logement et un travail (Marie Blayne), et même un refuge (Anne Gaussent). C’est aussi un lieu pour des femmes protestantes seules du même âge, avec des enfants (Anne Robert et sa fille Marguerite, Marie Blayne et son fils Jacques Bourrely, Anne Gaussent et son fils Pierre Cros). Elles ont souvent des origines communes (Sommières) et connaissent le même lieu cévenol d’expériences visionnaires (Saint-André-de-Valborgne). Anne Robert a des contacts avec les prophétesses (Marie Blayne, Suzanne Loubière) depuis longtemps et prophétise peut-être elle-même depuis la période camisarde108. Sa maison attire finalement des femmes venues pour prophétiser (Loubière, Mazaurigue) au moment même où le pasteur Jean Vesson arrive chez elle.
Anne Robert et les Multipliants : un refuge contre la peste
À la différence des femmes arrêtées chez Anne Robert, il est difficile de déterminer précisément quand les hommes sont arrivés dans sa maison. Soit les interrogatoires sont lacunaires, soit questions et réponses manquent de précision. On sait cependant que ces hommes se retrouvent chez Anne Robert le 6 mars 1723 souvent pour les mêmes raisons que les femmes.
Comme on l’a vu plus haut, Bernage soutient après les premiers interrogatoires que les frères Antoine et André Comte sont « les premiers auteurs » de la secte à venir chez Anne Robert109. Il estime ensuite qu’Antoine est arrivé avant son frère110.
— Protestant de 30 ans, Antoine Comte dit devant Loys qu’il réside à Montpellier depuis environ deux ans, soit depuis le milieu de l’année 1721 et un an après la mort de Jean Verchand111. Les interrogatoires d’Antoine Comte sont particulièrement lacunaires et on en sait très peu sur lui112. Analphabète, il a laissé moins de traces que Bonicel. Comme sacrificateur, il joue toutefois un rôle fondateur dans la secte. Inspiré du Saint Esprit, il dicte les nouveaux noms de baptême dans un hébreu qui lui est propre, au grand étonnement des autorités113 et aussi de son père cordonnier114.
— Lors de son premier interrogatoire du 10 mars 1723, son frère André Comte se présente comme un simple cordonnier de Lunel, âgé de 26 ans et « de la religion de Jesus Christ, c’est-à-dire de la religion calviniste », venu (sans aucune indication de date) « en ville pour travailler de son mestier, que n’ayant pas trouvé à travailler, il alla chez la dem[oise]lle Verchand ». Et si la connaissait, c’est parce qu’il avait « porté quelques fois des soliers à sa fille115 ».
— Pierre Figaret, protestant de 25 ans et cardeur du Grand-Gallargues (Gallargues-le-Montueux), explique ainsi sa présence dans la maison le soir du 5 mars au samedi 6 mars de l’arrestation : « il avoit batu de la laine pour faire des matelas pour la dlle Verchand, maitresse de la maison, qu’il alloit voir si elle en vouloit faire battre davantage116 ».
— Quant à Pierre Cros, fils d’Anne Gaussent, catholique de 13 ans et originaire de Saint-Chinian, il explique qu’il avait habité chez un oncle boucher qui l’avait fait garder le bétail. Peu content de son travail, il est parti pour Montpellier où « il tomba chez la demlle Verchand qui le retira ». Arrivé vers le mois de janvier, il travaillait dans la cuisine de la maison117.
— Le sacrificateur Jacques Bourrely, 16 ans et originaire de Lunel, habite à Montpellier depuis un an avec sa mère Marie Blayne118. Ses interrogatoires sont incomplets et on ne sait ni son métier, ni pourquoi il est venu s’installer chez Anne Robert. Sacrificateur, il participe aux différentes cérémonies mais joue un rôle moins important que Bonicel ou Comte119.
— François Baumès figure parmi les prisonniers multipliants à la Citadelle, mais il est arrêté après le 6 mars 1723. Âgé de 24 ans, originaire de Alès, ce maître formier120 se déclare catholique et habitant de Montpellier depuis dix-sept ans. Il dit avoir résidé chez Anne Robert comme « rantier » pendant deux ans, mais deux ans auparavant, soit de 1719 à 1721121. Pour sa part, Pierre Figaret se dit ami de Baumès : « qui logoit dans cette maison et qu’il l’alloit voir souvent122 ».
— Jacob Bonicel, âgé de 30 ans, est un protestant originaire du Pont-de-Montvert dans les Cévennes123. Garçon maître « canabassier » 124, il arrive à Montpellier en 1721 pour travailler au moment où « le mal contagieux etoit dans le Gevaudan ». Les routes sont bloquées et Bonicel se trouve « sur le pavé ». Il cherche du travail à l’hôtel de ville de Montpellier – mais le consul ne peut lui rien offrir125. En effet, après s’être déclarée à Marseille en 1720, la peste était passée vers l’ouest ; le Gévaudan est donc bloqué par les autorités au début du mois d’août 1721, avec le blocus total du Languedoc à la fin de l’année et au début de 1722126. C’est dans ces circonstances qu’il faut imaginer Bonicel frappant à la porte d’Anne Robert127.
— Parmi les derniers locataires arrivés dans la maison, Jean Vesson, âgé d’environ 45 ans, tonnelier de Cros (près de Saint-Hippolyte-du-Fort) et ancien prédicant du Désert, se présente parmi les Multipliants le 24 décembre 1722128. Démis de ses fonctions de prédicant en décembre 1720, il disparaît complètement en juin 1722129. Lors du procès, il explique les circonstances financières qui l’ont obligé à devenir le pasteur de la secte : « quand il sortit de sa maison, ce fut à cause qu’il etoit accablé des debtes et que tous les jours les huissiers et ses gents faisoient des executions dans sa maison etant d’ailleurs chargé d’une nombruse famille qu’il ne pourroit pas faire subsister [… ] (164v-165, 8-9) ».
Artisans en quête de travail, fuyards de la peste, prédicants démunis : Anne Robert les a tous reçus dans sa maison.
C’est aussi dans le contexte de l’épidémie de peste que la secte se développe en 1722. D’après Alexandre Germain, on peut y voir « la prétention de composer une Église130 ». Selon la formule de Daniel Vidal, la « frontière institutionnelle » de la secte se dessine cette année-là131. Sans revenir ici sur toutes les cérémonies qui s’y déroulent, on peut en résumer les étapes essentielles au procès : le 6 janvier 1722, le jour des Rois, Antoine Comte, Jacques Bourrely et Jacob Bonicel, « le dernier veneu », sont passés comme pasteurs, « tous enfants de Dieu » 132. Il y a ensuite les promesses de mariage (9 avril 1722), le baptême de repentance (1er novembre 1722) et aussi la cène (vers le 15 novembre 1722), une communion où on boit, en trois fioles, le vin, le « musquat » et l’eau-de-vie133.
Anne Robert participe aux étapes fondatrices de la secte. Comme indiqué plus haut, Bonicel et elle se promettent mariage et négocient leur contrat dès avril 1722. Le 1er novembre de cette même année, Antoine Comte et Marie Blayne baptisent Jacob Bonicel, lui donnant le nom en ebru de Galintiny St Jean Octo. Le même jour, Bonicel baptise Anne Robert, la deuxième personne inscrite après lui dans un registre présentant les 223 baptisés. Par ce baptême de repentance, elle reçoit le nouveau nom de La Glanitino134. En novembre 1723, Anne Robert « promet à son dieu de prendre la sainte communion d’un nouveau sacrificateur de l’eternel135 ». Elle soutient financièrement les assemblées, notamment à travers la fabrication des ornements dont elle semble régler les frais136. Elle autorise les Multipliants à transformer les trois salles du premier étage de sa maison en lieux de culte137. Et elle permet aux sacrificateurs de célébrer dans sa maison le baptême de cinquante-quatre personnes le 26 décembre138. Avec au moins onze locataires permanents et des centaines de nouveaux baptisés, sa maison devient ainsi un refuge social, économique et spirituel – et fait du bruit dans le quartier.
Anne Robert face à ses voisins et à son ami Antoine Bousquet
L’audition des témoins
Le va-et-vient autour de la maison d’Anne Robert attire l’attention des voisins et de ses amis, dont certains sont convoqués pour témoigner devant Loys les 26 et 27 mars 1723139. Il s’agit d’un groupe de onze témoins140, dont le lieutenant Trinquaire et quatre de ses soldats (256v-263, 8-21) 141. La déposition de Trinquaire répète le contenu de son procès-verbal (270v-275, 36-45). Quant aux soldats, ils confirment des détails de l’arrestation et de la description de l’intérieur de la maison. Le garde Antoine Aller indique que, à la fin de l’arrestation, « le bruit du voisinage etoit que ses [ces] gens-là faisoint des assamblées et reunions des predicans » (261-261v, 17-18).
Les bruits entendus dans le voisinage sont tout d’abord rapportés par Isabeau Gramive (ou Gramire), âgée d’environ 45 ans et femme de Jean Arnaud, marchand de blé à Montpellier. Dans sa déposition, elle corrobore le nombre de personnes venues chez Anne Robert à Noël :
la veille de la Noel dernier elle vit entrer dans la maison de la demlle Verchand plusieur de paysans et paysannes à toutte sorte d’heures, à quatre heures, à cinq heures et six heures du soir et quelques-uns à huit heures, ensemble des enfans de douze à treise, quatorse ou quinse ans, que pendant toutte la nuit elle entendit chanter diverses voix et qu’elle entendit encore une voix seule qui parloit sur le tond de predicant n’ayant pas peu entrendre ce qu’il disoit. Que cella est encore arrivé plusieur de fois depuis ce temps-là mais que les personnes qui entroient dans lad[ite] maison n’etoint pas un sy grand nombre, que c’etoit ordinairement le samedy au soir que ces gens à elle inconnus entroient dans lad[ite] maison où ils demuroient tout le dimanche et n’en sortoint que le lundy par diverses petittes troupes et trois ou quatre portant un petit rameau de laurier à la main [… ] (253-253v, 1-2).
Son témoignage évoque ensuite la réaction des voisins et celle d’Anne Robert :
Que les autres voisins demandoint à lad[ite] Verchand, que venoint faire tant des gens dans sa maison, elle leur repondoit qu’elle etoit maitresse dans sa maison, qu’elle ÿ pouvoit faire ce qu’elle vouloit et qu’ils n’avoient qu’à ne s’ambarasser pas de cella ; que des gens qui etoint dans la maison de lad[ite] Verchand elle qui depose n’a connu que la nommée Bourrelie [Marie Blayne] quy ne sortoit jamais ; que le sr Fizes fit faire une petite ouverture à une maison qu’il a mitoyenne avec celle de lad[ite] Verchand pour voir ce qu’on y faisoit mais que cette ouverture fut fermée dans le moment ; qu’à la seconde étage de lad[ite] maison où les gens qui etoint dans lad[ite] maison couchoint, on y fit aussy un autre petit trou pour voir ce qu’on y faisoit mais que la deposante n’a jamais eu la curiositté d’aller voir ce qui s’y faisoit [… ] (254, 3).
La tension s’installe entre Anne Robert, qui se défend comme maîtresse dans sa maison, et ses voisins, curieux au point de percer des trous dans les murs à différents étages pour découvrir ce qui s’y passait142 !
Le témoin suivant est Anne Fabrigue, servante dans la maison de la demoiselle Sèvres et âgée de 20 ans. Elle confirme le déroulement des assemblées chez Anne Robert, le soir et la nuit, « et même le matin avant jour elle entendoit, de son lit qui est à un endroit où il ny a qu’une muraille au milieu, un homme qui parloit fort haut d’un tond de predicant ». Et c’était une prédication qui a duré une heure, suivie par des chants. On apprend que le sieur Fizes – le perceur de trous – est en fait conseiller à la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier143. Il « envoya chercher lad[ite] Verchand pour luy faire des reprimandes de ce qu’elle faisoit dans sa maison » et « Verchand lui repondit qu’elle luy etoit son obligée et qu’elle n’y retourneroit plus » (255-255v, 5-6). Quelques semaines après, Anne Fabrigue aperçoit toutefois, à une fenêtre de la maison d’Anne Robert, une femme inconnue « vetue d’une aube ou chemise blanche » et ensuite un homme « portant un petit colet comme les pretres » (255v, 6).
Jean Arnaud, troisième témoin, mari d’Isabeau Gramive et âgé de 47 ans, dit avoir vendu du vin à un petit groupe, composé d’un homme, deux enfants et quatre ou cinq femmes, qui est entré ensuite chez la demoiselle Verchand. Il a entendu, lui aussi au lit, une fois vers minuit « une personne qui parloit tout haut sur le ton d’un predicant » (256-256v, 7-8).
Certains voisins n’ont pu s’empêcher d’écouter par les trous dans les murs mitoyens avec la maison d’Anne Robert. Après la déposition des quatre soldats, le huitième témoin s’appelle Jean-Barthélemy Ricard, clerc tonsuré de 22 ans et précepteur chez M. Fizes. Il offre un témoignage frappant d’une conversation entendue le 6 mars à 8 heures du matin, quelques heures avant l’arrestation des Multipliants :
il etoit dans un galetas de la maison de la demlle de Sevres où il y avoit un trou qui repond dans la maison de la demlle Verchand, que de là il entendit parler dans lad[ite] maison un homme et une femme qui parloint des visions qu’ils avoint eues, que la femme disoit avoir veu par le secours de l’esprit des gens qui luy reprochoint d’etre une fausse prophetesse de Bâal, à quoy elle avoit repondu qu’elle etoit Michée, que l’homme qui etoit avec elle luy repliqua, qu’elle etoit avec plus d’aparance Abigäil144 [… ] (263v-264, 22-23)
Après cette curieuse conversation, Ricard indique qu’il
entendit qu’on demanda à un enfant qui etoit dans lad[ite] chambre s’il vouloit dejuner, chanter ou danser, à quoy l’enfant repondit que non, qu’on lui demanda ensuitte s’il vouloit prier Dieu, qu’il repondit qu’oüy, et que la dessus led[it] homme, qu’il ne connait pas, dit qu’il avoit raison de prefferer le dejuné de l’ame à celuy du corps [… ] (264, 23)
De plus en plus indiscret, Ricard ajoute « que la fenestre de la chambre où ils etoint ayant été ouverte, il vit un lit vert dans lequel il luy parut que led[it] homme et la femme etoient couchés et qu’une autre femme leur vint dire qu’il etoit temps de se lever » (264v, 24). Le couple a cependant continué à parler, cette fois-ci, d’une vision. La femme ne savait pas si elle devait la révéler « aux fidelles ». Si la vision lui était « particuliere », ce serait une vision « d’en bas », au lieu d’une vision partagée, venue « d’en haut » (264v-265, 24-25) 145.
François Pommier, le neuvième témoin, fait état de cérémonies extraordinaires, aperçues grâce à un autre trou. (Les maisons du conseiller Fizes et de la demoiselle Sèvres semblent être mitoyennes de celle d’Anne Robert, tandis que la maison de Jean Arnaud et d’Isabeau Gramive se trouve en face.) Âgé de 35 ans, valet de chambre au service de Pierre de Fizes et aussi curieux que Ricard, Pommier se trouvait trois semaines auparavant au troisième étage, dans la chambre de Mme Fizes vers 10 heures du soir :
au plus haut de lad[ite] maison où il y avoit un trou à la muraille par lequel on entendoit ce qu’on disoit dans une chambre du second etage de la maison de lad[ite] Verchand, qu’il entendit la voix d’un homme quy crioit d’une voix forte en ces termes, allo, allo, ce qu’il dit et prononca par trois fois, qu’apres il fit pendant autres trois fois le chant du coq aussy d’une voix forte en disant carcaraka [… ] (266, 27).
François Pommier a aussi entendu l’homme dire à une fille, sans doute à propos de la cène,
qu’elle alloit prandre de l’eau de vie, du vin blanc et de l’eau, et que ce qu’elle alloit prandre feroit ou son salut ou sa condamnation, qu’il fit la meme chose à six autres ne sachant sy c’etoit des hommes ou de femmes, qu’il entendit meme que quelqu’un de ces hommes ou femmes vomïssoint, qu’il luy parut que ce qu’ils faisoint etoit de mechante augure par ce qu’elles disoint en se plaignant en ces termes aÿ aÿ, mon Dieu, qu’il entendit encore que quelqu’un de ses hommes battoint des deux talons contre la terre ce qui faisoit beaucoup de bruit [… ] (266v, 28).
C’est un monde de visions, de bruits et de cérémonies bizarres que ses voisins curieux découvrent chez Anne Robert.
Dans ce contexte, on comprend les tracas que connaît Antoine Bousquet, le dixième et le plus important témoin de ces journées d’audition. Âgé d’environ 41 ans, Bousquet est procureur à la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier et donc un collègue du conseiller Fizes (267, 29) 146. Il fournit cette déposition révélatrice :
il y a environ vingt-cinq ans qu’il connoit la demlle Verchand ayant contracté amitié avec elle ; que quelques personnes qui scavoint que luy qui depose etoit amy de lad[ite] Verchand, l’avertirent qu’on faisoit des assamblées dans sa maison, avec des seremonies extraordinaires qu’on faisoit dans sa maison, et le prierent de luy en parler, et de l’obliger à ne continuer plus à faire ces assamblées et seremonies [… ] (267v, 30)
Cette déposition apporte la preuve des liens de longue date entre Anne Robert et les notables de la ville. Ou, comme le conseiller Claude-Daniel de Laurès le dira quarante ans plus tard dans ses mémoires : « Cette femme appartenait à bien honnêtes gens de la ville, mais elle avait donné depuis longtemps de[s] marques de fanatisme le plus outré147 ».
Bousquet rend visite à Anne Robert au mois de janvier 1723, un peu avant midi. Il indique qu’
il la trouva couchée avec sa fille dans la salle quy est au premier etage de sa maison, qu’apres lui avoir donné le bonjour il s’apercut qu’il y avoit trois ou quatre hommes qui etoient pres de son lit sous les rideaux, qu’il luy demanda qui etoient ces hommes, qu’elle luy repondit qui s’estoient de ces parents qui venoint prendre congé d’elle, que ces gens-là sortirent de sa chambre et s’en allèrent, que quand il fut seul avec elle, il luy remonstra que ce qu’on disoit dans la ville des assamblées qu’on faisoit dans sa maison luy faisoint un grand prejudice, et qu’elle devoit cesser cella, qu’elle luy repondit qu’il etoit un fol, de quoy avoit-il peur, qu’elle etoit bien gardée et que Dieu la gardoit, qu’il s’apercut que devant la porte de la chambre joignant il y avoit un garderobe qui la couvroit, et, comme on l’avoit informé que dans lad[ite] chambre il y avoit des pavillons et autres choses148 (267v-268v, 30-32).
Il est frappant de voir jusqu’où Anne Robert dissimule la vérité à son ami, et dans des circonstances très suspectes, avec des hommes inconnus cachés sous les rideaux de son lit et une garde-robe bloquant l’accès à la salle principale149. On s’étonne aussi qu’elle n’éprouve nulle peur d’être arrêtée. Il faut donc la prendre au mot : au début de l’année 1723, Anne Robert se sent complètement protégée par Dieu. On constate aussi que les assemblées constituent un secret de polichinelle puisque les Montpelliérains sont au courant des fameux pavillons du Résidu.
Comme les assemblées qui se déroulent chez Anne Robert continuent à faire du bruit, Bousquet rend à nouveau visite à son amie, trois ou quatre jours après son premier passage. Cette fois-ci, il doit hurler devant une porte fermée. Anne Robert descend enfin pour lui ouvrir. Le procureur fait à la veuve « les memes remonstrances et elle lui repondit toujours la meme chose » (269, 33).
Le 23 janvier 1723, le conseiller Fizes écrit à Bousquet pour qu’il l’informe de ce qui se passe chez Anne Robert. Bousquet lui explique les démarches qu’il a faites auprès d’elle. Il suggère à Fizes d’appeler Anne Robert chez la demoiselle de Sèvres « pour luy faire les remonstrances et luy faire connaitre les facheuses suittes qui pourroint arriver du mauvais commerce qu’elle faisoit dans sa maison » (269, 33). Bousquet se rend donc à nouveau chez Anne Robert, mais il trouve une fois de plus porte close. Devant le refus d’une servante de réveiller sa maîtresse, Bousquet menace d’enfoncer la porte. Anne Robert descend enfin pour assister à la réunion de crise (citée ci-dessous dans la déposition d’Anne Fabrigue, servante de la demoiselle de Sèvres). L’ami Bousquet et les voisins « lui remonstroint les conséquences facheuses et la perte de sa fille qui arriveroit sy elle continuoit à faire des asamblées dans sad[ite] maison ». Elle leur promet que « cella n’arriveroit plus » et réitère cette promesse à Bousquet lorsqu’il la reconduit chez elle (269v, 34).
Quelques jours après, Bousquet apprend que « cella continuait » et que la maison avait reçu une grande quantité de lauriers et de pain. Il retourne chez Anne Robert et parvient cette fois à monter directement au premier étage, mais il se trouve alors à nouveau devant une porte fermée. La voix d’un homme lui parvient, qui demande « s’il venoit de la part de Dieu ». Anne Robert arrive toutefois, ouvre la porte et la referme derrière elle pour conduire Bousquet directement au second étage. Il y voit dans une chambre « quantité de pain » puis ils entrent dans une autre chambre avec « un lit tendu de vert ». Cette fois, Bousquet ne ménage pas ses mots. Il parle à Anne Robert de « tout ce qu’on disoit d’elle » et la prévient que, si elle n’exécutait sa promesse d’arrêter les assemblées, « quelque malheur lui arriveroit ». Il précise la menace : « lors que Monseigneur le duc de Roquelaure et Monseigneur l’Intendant seroint arrivés des etats, ils la feroint mettre dans la cittadelle ». En réponse, Anne Robert invoque « toujours de mauvaises raisons », les mêmes qu’auparavant (269v-270, 34-35).
Après les quatre visites rendues par Bousquet, la veuve Verchand est amplement avertie du sort qui l’attendait le 6 mars 1723. Pourquoi reste-t-elle sourde aux avertissements de son fidèle ami et de ses voisins – qui ont sans doute leurs entrées chez Roquelaure et Bernage ? Il se peut même que les conseillers Bousquet et Fizes aient contacté le commandant et l’intendant directement pour les informer de leurs rencontres avec la veuve. Se croit-elle protégée par Dieu au point de négliger toute prudence ? Les interrogatoires du mois d’avril 1723 et sa confrontation avec les témoins offrent quelques indices sur son état d’esprit avant l’arrestation.
Anne Robert face aux témoins
Lors de l’interrogatoire consécutif à l’audition des témoins, Loys demande à Anne Robert le 3 avril 1723 « qui est le premier qu’elle introduisit dans sa maison pour y faire les assamblées qui s’y sont faittes depuis longtemps ». Elle lui répond
qu’elle ne s’en souvient pas, que quand elle a recue ceux qui sont venus, ils luy ont dit qu’ils venoint de la part de Dieu, qu’elle a cru faire un[e] œuvre meritoire quand elle les a recus n’ayant fait que prier Dieu. Qu’elle aprehenda le flau [fléau] de dieu tombat sur elle, sy elle leur eut refusé ce qu’ils luy avoient demandé150.
À Loys qui cherche à recueillir des indications précises sur le vrai début de la secte, elle ne fournit que des explications floues (« ils » et « quand elle les a recus »), et cela après presque un mois d’interrogatoires et d’incarcération. On note toutefois que la raison pour laquelle elle accueille la secte chez elle est son désir de plaire à Dieu et d’éviter la peste, le fléau du jugement divin.
Anne Robert a l’occasion de s’expliquer davantage lors de sa confrontation avec les témoins, devant Loys, les 7 et 8 avril 1723151. Face à Jean-Barthélemy Ricard, le clerc tonsuré qui a vu un couple au lit en train de parler de visions, Anne Robert nie qu’il s’agisse d’elle (440, 3). Par rapport à la servante Isabeau Gramive qui a entendu la voix d’un prédicant à travers la muraille, elle admet que « ces gens-là » étaient venus « pour prier Dieu » et que « lesd[its] gens luy faisoint croire que le mal contagieux n’entreroit point dans la ville » (441, 5). Face à sa voisine Anne Fabrigue, elle affirme sèchement que l’homme aperçu dans sa maison « ne la regarde point » (442, 7). Quant à Jean Arnaud, le mari d’Anne Fabrigue qui a vendu du vin à tout un groupe, Anne Robert explique qu’il s’agit sans doute des « deux rantiers » qu’elle logeait alors. Et la voix d’un prédicant qu’il a entendue, c’était la prière (443, 9). En ce qui concerne François Pommier, valet du sieur Fizes, et les femmes qu’il a entendues se parler dans la chambre, la veuve affirme ne pas savoir ce que c’était (448v, 20). Toutes ses réponses visent à minimiser l’étendue des activités dans sa maison ainsi que sa propre participation au culte multipliant.
Confrontée à son ami Bousquet, Anne Robert reconnaît la véracité de sa déposition. Par rapport aux autres prisonniers arrêtés à son domicile, elle dit « qu’elle ne pouvoit point s’en deffaire parce que ces gens-là avoint ecrit dans la bible qu’ils luy arrantoint sa maison et que c’etoit dieu la luy arrantoit (449, 22). « Arrenter » veut dire « donner quelque maison ou piece de terre, de vigne, à rente, en rente » 152. Quant au passage biblique cité par les Multipliants, c’est peut-être une référence à la parabole des vignerons infidèles, où un maître loue (« arrente ») sa vigne à des vignerons qui ne produisent pas de bons fruits153. Selon ce sens, Dieu lui aurait donné sa maison pour qu’elle en produise une rente d’ordre spirituel. Et grâce à leurs prières, ils arriveraient ensemble à éviter la peste. Quoi qu’il en soit, Anne Robert se considère apparemment comme impuissante, captive de l’interprétation de la Bible que font les Multipliants.
Les dernières étapes du procès lui donnent l’occasion de fournir des précisions. Lors des recollements, du 9 au 11 avril, Loys fait lire aux accusés la transcription de leurs interrogatoires154. Anne Robert revient sur celui du 3 avril, où elle considérait l’accueil des Multipliants chez elle comme une « œuvre méritoire ». En fait, « elle a entendu bien faire attendu qu’on ne meritte rien envers Dieu ». C’est une correction d’usage assez calviniste, il faut l’admettre. Et si elle avait dit qu’elle prenait la cène, « ce n’etoit qu’une preparation pour la faire » (175, 29155).
Lorsque Loys confronte Marie Blayne à Anne Robert le 15 avril, elles ne se disent rien – et la prophétesse-servante ne demande aucune modification aux interrogatoires de sa maîtresse156. Selon le dossier du procès, la dernière occasion où Anne Robert peut s’exprimer devant la justice se situe ce 15 avril, lors de sa confrontation avec Marie Blayne, Antoine Comte et Jean Vesson157. À la fin de cette confrontation, elle agrée le contenu des interrogatoires de Jean Vesson et offre une ultime explication :
quand elle a fait cella, on luy disoit que Dieu avoit commandé de la faire, ce qui l’obligea de souffrir qu’on fit tout ce qui a esté fait dans sa maison (385, 9).
Ainsi s’achève la défense offerte par la veuve Verchand, pieuse victime de « ces gens-là ».
La Condamnation des Multipliants, coupables de sacrilège et profanation
« Immenses volumes d’écritures »
Le 14 avril 1723, l’intendant Bernage écrit à Versailles pour s’excuser de la lenteur du procès. La répétition des interrogatoires devant les accusés, les confrontations entre ceux-ci et les témoins – tous ces documents nécessaires à la conviction « produisent de si immenses volumes d’ecritures », que « ce grand proces » ne sera jugé que la semaine suivante, au 22 avril 1723158. Le travail de l’intendant et de ses officiers a été compliqué par la capture de nouveaux prisonniers multipliants à Lunel le 20 mars 1723, dans une salle de culte semblable à celle installée chez Anne Robert159. Ces six nouveaux prisonniers sont Louis et Philippe Comte, frères d’Antoine et André, et leurs parents, François Comte et Victoire Bourlette, ainsi que deux jeunes femmes, les sœurs Susanne et Françoise Delort. À ces accusés qu’il faut interroger s’ajoute le procès du pasteur Jean Huc-Mazel, dit Mazelet, arrêté vers le 22 mars 1723160. La capture de cet ancien camisard et prédicant de la première heure représente, après celle de Vesson, un autre grand coup pour Bernage. Condamné à mort et exécuté le 5 mai 1723, Mazelet sera inhumé avec grande pompe en raison de son abjuration161.
En examinant l’ensemble du dossier de l’instruction de l’affaire des Multipliants, on s’étonne du volume de documents, qui constitue un petit monument au rôle des procédures judiciaires dans la répression du protestantisme au début du xviiie siècle. L’intolérance religieuse engendre un système qui se veut juste, un système où toute condamnation doit reposer sur des preuves solidement établies162. Même s’il s’agit, dans le cas présent, d’un groupe de protestants pris en flagrant délit d’assemblée religieuse, le duc de Roquelaure et Bernage ne peuvent commander une exécution immédiate des prisonniers. Comme Alexandre Germain le remarque,
Aucune des formalités judiciaires ne fut cependant omise. L’instruction se fit avec soin ; les interrogatoires eurent lieu selon les règles ; puis se succédèrent, sans en rien sacrifier, les récolements et les confrontations de rigueur [… ]. Les juges s’acquittèrent de leur mission, et ce ne fut pas leur faute si nos Multipliants eurent à se plaindre ; ce fut la faute de la loi163.
Malgré le strict respect des formes de la justice, les peines décrétées contre les Multipliants par l’intendant le sont en fonction de considérations politiques et sociales, ce qui apparaît à travers les termes du jugement.
Les termes du jugement : l’intendant face à l’opinion
On a vu que Bernage envoie à Versailles dès le 8 mars un projet d’arrêt afin d’obtenir la connaissance pour juger les prisonniers en dernier ressort164. Après avoir lu sa lettre au duc d’Orléans, La Vrillière signe l’arrêt d’attribution et en renvoie l’extrait officiel le 15 mars 1723 à Montpellier165. L’arrêt commence ainsi :
Le roy étant informé que la nommée Anne Robert veuve de Jean Verchand ayant introduit dans sa maison en la ville de Montpellier les nomméz Antoine Comte et André Comte son frere du lieu de Lunel, où ils ont fait les fonctions de predicant dans des assemblées de nouveaux convertis qui se trouvoient dans cette maison, et qu’ils y ont fait venir le nommée Jean Besson, tonnelier du lieu de Cros prés St Hypolite, connu depuis long tems pour predicant dans un grand nombre d’assemblées où il s’est trouvé, qui faisoit les mêmes fonctions avec eux dans cette maison où ils ont été arrêtéz par les ordre du duc de Roquelaure le 6e de ce mois [… ] lesd[its] Besson, Comte et Galantiny faisoint lesd[ites] fonctions de predicant, même avec des ceremonies et vêtemens extraordinaires [… ] 166.
Tout en soulignant le rôle central d’Anne Robert, l’arrêt cherche à faire respecter la loi en ce qui concerne les prédicants (qu’il faut traiter comme les ministres) et « ceux qui introduisent des assemblées dans leurs maisons et qui y assistent » (37v).
Bernage désigne Pierre Verduron comme procureur du roi (25 mars 1723) 167. Après un premier examen de la « forme de procédure » (5 avril 1723) 168, Verduron donne ses conclusions le 19 avril 1723. Le procureur requiert que Jean Vesson, Jacob Bonicel et Antoine Comte
soint condemnés à faire amende honorable nus en chemise, la corde au col, tenant chacun en leurs mains une torche de cire ardente du poids de deux livres au devant la porte et entrée de la chapelle de la cittadelle de cette ville, où ils seront conduits par les executeurs de la haute justice, ayans un ecriteau devant et derriere avec ces mots predicant sacrilege et là estant, nuds testes et à genoux, ils declareront que mechamment ils ont fait des assemblées sacrileges, et prophané les sacremens, dont ils se repentent, et en demandent pardon à Dieu, au roy et à la justice ; ce fait, seront menés par lesd[its] executeurs sur la place de l’esplanade, où lesd[its] Vesson, Jean Jacob Bonissel et Antoine Compte, seront pendus et etranglés, jusques à ce que mort naturelle s’en suive, leurs corps morts jettés au feu et reduits en cendres qui seront jettées au vent169.
Anne Robert, Marie Blayne, Suzanne Loubière et Jeanne Mazaurigue devront assister à cette exécution avant d’être envoyées en prison. La maison d’Anne Robert sera rasée aux fondements « sans que sur le sol lad[ite] maison il puisse estre fait à l’avenir aucun batiment » (155).
Ce qui étonne dans ce jugement, c’est le choix de faire porter aux trois condamnés à mort un écriteau avec la désignation « prédicant sacrilège ». Pour le procureur, l’affaire des Multipliants n’est pas un énième cas de procès contre une assemblée protestante. C’est un procès contre la profanation des sacrements dans des assemblées sacrilèges. L’instruction s’oriente sur cette piste du sacrilège au fur et à mesure des interrogatoires. Cela explique le soin avec lequel le subdélégué Loys pose des questions aux accusés par rapport aux sacrements et leur fait signer tout document prouvant leur célébration170.
Bernage annonce pourtant le 22 avril un jugement assez différent des réquisitions du procureur. Vesson, Bonissel et Antoine Comte sont toujours condamnés à mort, mais l’intendant déclare aussi
Marie Blayne, atteinte et convaincue d’avoir participé auxd[ite]s fonctions des[dits] Vesson, Bonissel et Compte, d’avoir fanatisé, et d’être la principalle motrice des assemblées [… ] 171.
Quant aux quatre autres femmes arrêtées dans la maison, Bernage les considère aussi comme coupables :
Lesd[ites] Anne Robert, Jeanne Mazaurigue et Susanne Loubiere atteintes et convaincues, sçavoir, lad[ite] Anne Robert, d’avoir recu dans sa maison lesd[its] predicants et les assamblees, et tant elle que les deux autres, de les avoir servis dans leurs fonctions ; pour reparation de quoy, les avons condemnées à assistér à l’execution et etre ensuitte rasées et enfermées pour le reste de leur vie ; dans les prisons qui seront jugées convenables [… ] pour avoir assisté aux[dites] assemblées, condamne lad[ite] Anne Gaussente à estre aussi rasée et enfermée le reste de ses jours (119-119v).
Bernage ajoute qu’une fois la maison rasée, « il sera posé une croix au milieu du sol au pied destal de laquelle il sera fait mention par une inscription du present jugement » (119v).
L’intendant écrit à Versailles le lendemain pour résumer et expliquer cette condamnation, développée avec l’aide de six juges et de Loys172. Si le sacrificateur Jacques Bourrely n’était qu’un aide des vrais prédicants, il n’en va pas de même pour sa mère :
Marie Blayne, qui se disoit prophetesse sous le nom de Marie Magdelaine et qui avoit seduit la veuve Verchant par l’etablissement de cet espece de temple, où elle avoit trouvé moyen d’introduire les predicants et d’autres femmes aussy fanatiques, a esté condamnnée à mort, ce qui a paru tres necessaire pour l’exemple parce que si on l’eut seulem[ent] condamnée à estre razée et enfermée, comme on a presque toujours pratiqué à l’esgard des femmes, et comme on a fait par le meme jugement à l’esgard des autres moins coupables qu’elles, cela n’auroit point intimidé un grand nombre de celles qui trouvent le moyen de bien gagner leur vie à ce dangereux metier et qui auroient toujours cru que le pire qui pust leur arriver, si on les prenoit, seroit de passer le reste de leurs jours bien nourries avec quelques-unes de leurs compagnes dans une tour173.
Le point de vue de l’intendant et des juges s’éclaire. Pour ces hommes de loi, les prophétesses exercent un métier et gagnent leur vie en dupant des gens crédules comme la bourgeoise Anne Robert. L’emprisonnement à vie à la Tour de Constance ne serait qu’une sinécure – aux frais du roi. C’est pourquoi il faut exécuter Marie Blayne et sauver la vie d’Anne Robert, même si cette dernière a hébergé la secte et participé pleinement à la profanation des sacrements dans des assemblées sacrilèges174.
Le cinquième et dernier interrogatoire d’Anne Robert permet de comprendre comment on en est arrivé à l’idée d’une grande séduction prophétique. Le 7 avril 1723, alors que commence sa confrontation avec les témoins, Loys lui demande
S’il n’est pas vray que Marie Magdelaine ne la seduite, subornée et trompée pour lui faire faire tout ce qu’elle a fait, sy elle ne l’amenoit hors la ville quand il faisoit un grand soleil, et sy elle ne le luy faisoit regarder fixement jusqu’à ce qu’elle en etoit entierement eblouïe, et sy dans cet eblouissement, elle ne luy faisoit voir qu’elle avoit des visions175.
Les documents de l’instruction ne permettent pas d’expliquer comment Loys a appris cette histoire de supercherie solaire. Même si Anne Robert lui oppose un simple non, Bernage, Loys et les autres juges y ont trouvé une explication rationnelle aux visions et au choix de la demoiselle Verchand – amie et voisine de conseillers à la Cour des comptes, aides et finances – de changer sa demeure en maison d’oraison, temple de Salomon où habitte l’arche mistique176.
En formulant son jugement, Bernage se montre attentif à l’opinion des protestants montpelliérains. Le 16 avril 1723, il écrit à Versailles son espoir de rendre son jugement la semaine d’après : « C’est l’objet de l’attention de tous les NC [Nouveaux Convertis] de ce pays » 177. Et après l’énoncé du jugement, il indique à La Vrillière le 23 avril :
Je croy devoir vous ajouter qu’il me paroist fort à propos de rendre ce jugement public pour detromper les peuples que [selon lesquels] ce sont des juifs et non des contrevenants aux ordres du roy qui deffendent l’exercice de la R[eligion] P[rétendue] Refformée que nous venons de punir. J’ay mesme pour cet effet menagé beaucoup les termes de la qualification des crimes comme vous pourrez vous en apercevoir par la lecture. Mais je n’ay pas voulu cependant le faire imprimer que vous ne me fimes scavoir si S[on] A[ltesse] R[oyale] le jugera à propos178.
Bernage parle sans doute de la décision d’ôter toute mention de sacrilège ou de décrire les profanations dans le jugement. Il se sent obligé d’adapter son jugement pour répondre à l’opinion publique et de l’orienter vers la nécessité de réprimer les assemblées protestantes. Même s’il dispose des pleins pouvoirs de juger les accusés en dernier ressort, il bute, pour citer Benoît Garnot, sur « la force beaucoup plus grande de l’opinion », ce qui explique « les distorsions entre les décisions de l’État et leur application dans la France d’Ancien Régime179 ».
Exécutions, galères, emprisonnements… et un exorcisme
Après les exécutions des condamnés à mort du 22 avril 1723180, l’intendant envoie Marguerite Verchand dans un couvent à Agde, où elle arrive vers le 24 avril181. À la fin du mois ou début mai, Bernage organise l’envoi à Sète de cinq prisonniers, qui seront ensuite transférés par mer aux galères de Marseille182. Au même moment, il fait transférer à la Tour de Constance les quatre condamnées : la « veuve Verchant », Suzanne Loubière, Jeanne Mazaurigue et Anne Gaussent. Même s’il n’a pas encore pu juger définitivement les trois femmes arrêtées à Lunel, il décide de les envoyer aussi à Aigues-Mortes parce qu’elles ne « meritent pas moins d’estre enfermées183 ». Lorsque la peine de mort n’est pas envisagée, l’intendant n’hésite pas à expédier le procès.
Quant à la maison d’Anne Robert, le subdélégué Loys se consacre à sa destruction complète. Une lettre anonyme du 17 mai 1723, probablement écrite par le procureur Verduron à Basville184, offre un aperçu de la manière dont Loys fait vendre aux enchères les biens d’Anne Robert (vers le 11 mai), puis, escorté du lieutenant Trinquaire et de ses soldats, commande au bourreau de brûler les objets du culte multipliant (vers le 14 mai185) :
Il y a six jours que le vieux M. Loys comm[issai]re fit l’enquand [encan] des meubles de la demlle Verchand. Trois jours après il descendit à la rue la marechaussée avec le lieu[tenan] de prevot à leur tete. Le bourreau y brula tous les burlesques instrum[en]ts] dont se servoit cette pharisaique canaille pour attirer les sots, seduire les credules, tromper les idiots, enjolir les faciles, et saigner à tous la bource pour se divertir, en secret et à l’ombre de la bouteille, des benets seduits et facinés (257v-258, 198-199).
On reconnaît ici l’opinion de Bernage : l’affaire des Multipliants n’était qu’une escroquerie sous forme de cérémonies burlesques. Après l’autodafé des ornements de la maison d’oraison, Loys prononce une prière d’exorcisme et le bourreau inflige à la maison des coups de fouet symboliques :
Après cette brulante scene, M. Loys armé d’un marteau en frapa trois fois la porte de la maison de la demlle Verchand où l’inique congrés des fanatiques s’assembloit.
Fugite partés adversae
Vicit Leo de tribu juda
Le bourreau muni d’une masse et d’un ciseau foueta la muraille et lui imprima des cicatrices profondes, apres quoy les maçons procederent à la demolition de cet edifice odieux (258, 199) 186.
Ainsi les vœux de Verduron sont finalement exaucés, et la maison d’Anne Robert subit une punition digne d’un lieu de sacrilège. D’après une source, la chaire du Résidu serait passée avant cette démolition à l’église de Sainte-Catherine et les bancs d’église du Parvis auraient été donnés aux Capucins – pour une récupération complète du lieu de culte multipliant187.
Quant au dernier article du jugement de Bernage – l’érection sur le site d’une croix munie d’une inscription –, Verduron offre à l’intendant un texte de sa propre composition, mais qui ne sera pas retenu188. Versailles permet à l’intendant de faire imprimer son jugement en entier, mais lui refuse la croix. La Vrillière lui transmet l’avis du duc d’Orléans sur l’inconvénient de la croix :
cela pourroit par la suitte occasionner des insultes de la part des nouveaux convertis et obliger par consequent à faire de nouvelles pursuittes, ce qu’il est bon d’éviter autant que l’on peut ; il faudra donc s’il vous plaist vous contenter que cet article du jugement paroisse devoir estre fait, sans cepend[an]t le faire executer189.
Après la publication du jugement et la démolition de la maison, l’intendant explique à Versailles le 13 juin 1723 qu’il avait fait dire à Montpellier que le site était trop petit pour y ériger une croix ; la croix et l’inscription se feraient sur les trois murs mitoyens qui restent. Il est d’ailleurs au courant de « quelques religionnaires qui font courir le bruit que ce n’est que par crainte d’un soulevement qu’on n’y fait pas edifier cette croix190 ». Malgré les soucis de Bernage, le duc d’Orléans offre une réponse formelle, par la voix de La Vrillière, le 24 juin 1723 : il n’y aura ni croix ni inscription « dans le terrain de la maison de la veuve Verchant, ny dans le mur191 ». Bernage doit s’incliner devant les volontés de la Cour. Le site ne portera aucune marque de sa condamnation d’Anne Robert192, à part le nom actuel de la rue des Multipliants193 et le creux où se dressait sa maison194.
En ce qui concerne l’emprisonnement d’Anne Robert, il n’a pas été possible d’établir avec exactitude les détails de son séjour à la Tour de Constance. Il y a bien sûr la version imaginée par André Chamson dans son roman La Tour de Constance, où la veuve apparaît comme une âme pieuse et conciliatrice au sein d’un groupe mélangé de prisonnières multipliantes, inspirées et autres195. « La Verchant » fictive meurt avant 1736, ce qui correspond à l’année (« vers 1735 ») fournie par Charles Bost dans son étude sur la prison196. Mais au Conseil du roi, il est de nouveau question de la veuve Verchand et des Multipliants le 13 novembre 1739. On y tranche sur la créance réglant la pension de Marguerite Verchand chez les religieuses d’Agde – une créance qui se base sur l’héritage laissé par sa mère. Cet extrait des actes du Conseil est probablement rédigé par Bernage197 :
il s’eleva il y a quelques années dans la ville de Montp[elli]er une secte de fanatiques dont les principaux auteurs ayant seduit la mere de la sup[pléan]te dont l’esprit etoit naturelement très foible, elle leur accorda sa maison pour y tenir l’assemblée, qu’ils y furent trouvés dans l’exercice de leurs fonctions et furent conduits dans la cittadelle de Montp[elli]er avec lad[ite] demlle Verchand, que les auteurs de la secte furent punis de mort et lad[ite] Verchand condamnée en une prison perpetuelle dans la tour de Constance où elle est morte depuis peu, que ses biens furent confisqués au roy et sa maison razée [… ] 198.
On retrouve la version officielle de la vie d’Anne Robert : un esprit naturellement faible, séduite par des fanatiques et enfermée jusqu’à sa mort dans la Tour de Constance, une mort qui se produisit un jour vaguement connu, peut-être vers 1735 mais avant le 13 novembre 1739.
Que penser finalement de la demoiselle Verchand ? Que son ami Antoine Bousquet eut raison ? Puisqu’elle ne l’écouta pas, un malheur lui arriva, avec des conséquences extrêmement fâcheuses. Et comme Bousquet et ses voisins l’avaient prévu, Anne Robert perdit sa fille Marguerite, qui passa plus de vingt ans dans un couvent199. Tous les habitants de sa maison subirent un grave châtiment. Notons que sa servante Anne Gaussent passa quarante ans dans la Tour de Constance avant d’y mourir en 1763 vers l’âge de 85 ans200. Jacques Bourrely, Pierre Figaret, André Comte et François Comte moururent tous à l’hôpital des forçats à Marseille201. Il est possible qu’elle les ait avertis d’une descente du duc de Roquelaure et qu’ils ne l’aient pas écoutée. Comme maîtresse dans sa maison, Anne Robert ne fut-elle pas cependant responsable de leur arrestation ?
Si elle n’écouta pas Bousquet, c’est sans doute parce que la voix de sa foi (obéir à la volonté de Dieu – et à sa conscience bien errante) l’emporta sur celle de la raison (éviter une arrestation imminente). Et si elle obéit à cette première voix, c’était en raison d’une foi attachée aux visions et aux prophéties, d’une foi troublée par l’arrivée de la peste en Languedoc. À cet égard, elle partageait des croyances semblables celles de bon nombre de protestants français de l’époque, y compris les opposants les plus farouches au prophétisme202. Dieu frappa à sa porte, et elle l’ouvrit aux Multipliants.
On pourrait aussi avancer qu’elle refusa d’écouter Bousquet parce qu’elle s’était donnée corps et âme au culte multipliant – et vivait dans une maison devenue maison d’oraison, complètement isolée du monde réel des pendaisons, galères et emprisonnements à vie. Se serait-elle identifiée à ses « geôliers » inspirés qui avaient pris le contrôle de sa maison ? Quoi qu’il en soit des hypothèses psychologiques, on ne peut nier ces faits : c’est elle qui s’était fait baptiser La Glanitino, l’épouse promise du principal sacrificateur. C’est elle qui avait accueilli et subventionné la secte. Et c’est elle qui avait permis à sa fille de s’habiller en aube blanche et de participer aux cérémonies le jour où le lieutenant Trinquaire et ses soldats vinrent chez elle. Comme pour les centaines d’autres qui traversèrent le seuil du Résidu et se présentèrent au baptême de repentance de la nouvelle création, ce lieu de culte avait sans doute un grand attrait pour elle, tant sur le plan spirituel que sur le plan rituel.
S’agit-il plutôt d’un esprit faible, une bourgeoise qui venait de perdre son mari et, naturellement, se laissa berner par Marie Blayne et ses amies prophétesses ? En lisant les interrogatoires, on perçoit pourtant dans ses réponses une intelligence assez vive. Anne Robert réussit à esquiver les questions insidieuses du bon vieux Loys et n’admet pas dans toute son ampleur sa participation à la secte. Les plus cyniques penseront peut-être qu’elle aura ainsi réussi à sauver sa peau en jouant à l’esprit faible – et c’est Marie Blayne, sa servante illettrée, qui en aura fait les frais. Nous pensons que, lors des interrogatoires, Anne Robert essaya de se tirer, comme elle le pouvait, d’une situation dont elle avait finalement compris la gravité. C’est pour cette raison que la franchise ne transparaît pas dans son discours, et cela dès l’arrivée du lieutenant Trinquaire aux portes de sa maison, trois fois fermées. Adoptant une attitude de « chacun pour soi », elle n’affiche d’ailleurs aucune solidarité envers ses anciens coreligionnaires multipliants, ces gens-là avec lesquels elle venait de passer plus d’une année intense de prière et de dévotion.
Le dernier mot sur Anne Robert peut être laissé à l’un de ses contemporains, le pasteur Pierre Corteiz, ancien prédicant camisard devenu champion de la discipline ecclésiastique et farouche opposant des inspirés203. Le 12 mars 1723, Corteiz écrit à sa femme pour décrire un voyage qu’il venait de faire parmi les protestants de la Vaunage. Peu après la fin des séances des États du Languedoc au 3 mars 1723, Corteiz et ses compagnons décident de s’aventurer à Congénies, « où Vesson a son siège et les prétendus inspirés leur refuge204 ». Une fois au village, Corteiz forme une assemblée et entame tout de suite un débat avec des hommes de la région sur le prophétisme. Voici une partie de la réplique offerte par Corteiz aux partisans des prophètes et prophétesses :
Mes [Mais] pourriez-vous desavouér que sur la fin de janvier 1723 [et] au commancemt de fevrier en l’an 1723 que tous vos pretandus inspiréz ne ce [se] soi[en]t ramasséz et liguéz ensemble à la maison de la veuve de Mr. Verchant à Monpelier pour faire choses [h]oribles et œuvres extravagants (26v, 52) ?
Parfaitement au courant des cérémonies et des chefs multipliants, Corteiz les critique avec véhémence205. Mais il ajoute cette note vers la fin de sa lettre :
Je vien[s] d’aprandre que le 7 du courant ont apris [on a pris] 4 femmes et 4 hommes [sic] à la maison de madelle de Verchant à Montpelier avec que leurs abis [habits] bigarés, leurs tambours. Cette demoiselle e[s]t à plaindre car elle croyoit bien faire. Ces pretandus expirés [inspirés] luy avoi[en]t troublé la cervelle et aveuglé le bon jugement (27, 54).
Le discours du pasteur protestant Corteiz sur Anne Robert ressemble beaucoup à celui de l’intendant catholique Bernage. Avec cette exception importante : Corteiz la plaint et semble la comprendre.
Bourgeoise généreuse, obstinée et menteuse ; protestante dévote, visionnaire et crédule ; enfant de Sion engagée et finalement renégate : Anne Robert, veuve de Verchand, manifeste bien des contradictions humaines. Mais elle croyait bien faire et résista ainsi à la répression religieuse du siècle de Louis XV.
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1.Archives départementales de l’Hérault, C196 (1), f. 173-196v, p. 1-42, « Registre des baptemes ».
2.AD Hérault, C196 (1), f. 211-215, « Or[… ]s d’s noms et surnoms d’s enfans d’ Sion, le’ sise juin, 1722 ».
3.Edmond Barbier, Chronique de la Régence et du règne de Louis XV (1718-1763) ou Journal de Barbier, Paris : Charpentier, 1857, première série (1718-1857), avril 1723, p. 264.
4.Alexandre Germain, « Nouvelles recherches sur la secte des Multipliants », Mémoires de la section des lettres de l’Académie des sciences et lettres de Montpellier, t. II, 1855-1857, p. 411-412. Par rapport au terme « Multipliant », Germain dit : « J’accepte le nom, sans admettre le fait ».
5.Patrick Cabanel, Histoire des protestants en France (xvie-xxie siècle), Paris : Fayard, 2012, p. 869.
6.Jean Baubérot et Marianne Carbonnier-Burkard, Histoire des protestants. Une minorité en France (xvie-xxie siècle), Paris : Ellipses, 2016, p. 218.
7.Alexandre Germain, « Nouvelles recherches sur la secte des Multipliants », art. cit., p. 401-481. Cet article remplace et corrige son étude antérieure « Les Multipliants, épisode de l’histoire de Montpellier. 1721-1723 », Revue catholique du Midi (1845), p. 2-51.
8.Edmond Hugues, Antoine Court. Histoire de la restauration du protestantisme en France au xviiie siècle, Paris : Michel Levy, 1872, t. I, ch. V, « Les Inspirés et les Multipliants, 1715-1723 », p. 163-212.
9.André Vigne, Jean Vesson et les Multipliants, thèse présentée à la Faculté Libre de Théologie Protestante de Montpellier et publiquement soutenue le 6 juillet 1934 (cote 62.015/1934).
10.André Peyriat, « Les Multipliants », Encyclopédie des Cévennes. Almanach cévenol 7 (1974), p. 37-79.
11.Daniel Vidal, « La Secte contre le prophétisme : les Multipliants de Montpellier », Annales ESC 37 (1982), p. 801-825 ; « Matériaux pour une théorie des sectes : les “Multipliants” contre les inspirés languedociens (1719-1723) », BSHPF, 128 (1982), p. 143-171 ; Le Malheur et son prophète. Inspirés et sectaires en Languedoc calviniste (1685-1725), Paris : Payot, 1983, « Du cercle et de son excentrique (La secte montpelliéraine des Multipliants, 1719-1723) », p. 199-278.
12.Hubert Bost, « Remarques historiographiques sur les “Multipliants” de Montpellier », in Joël Fouilleron et Henri Michel (éd.), Mélanges à la mémoire de Michel Péronnet, vol. 2 : La Réforme, Montpellier : Centre d’histoire moderne et contemporaine de l’Europe méditerranéenne et de ses périphéries, 2003, p. 237-251. Voir surtout les p. 250-251. H. Bost mentionne aussi les publications suivantes sur les Multipliants : Charles d’Aigrefeuille, Histoire de la ville de Montpellier, Marseille : Lafitte reprints, 1976, réimpression d’une édition de 1877 par M. de La Pijardière. L’édition originale date de 1737), t. 2, p. 316-326 ; Philippe Corbière, Histoire de l’Église réformée de Montpellier, Montpellier-Paris : F. Poujol-Librairies protestantes, 1861, p. 369-376 ; L.-G. Pélissier, « La secte des Multipliants d’après un témoin oculaire », BSHPF 37 (1888), p. 607-611 ; Jean Cadier, « La secte montpelliéraine des Multipliants », Bulletin de l’Académie des sciences et lettres de Montpellier, nouvelle série, 2/1 (1971), p. 44-50 ; Paul Bordarier, « À Propos du procès du prédicant Jean Vesson pendu sur l’esplanade de Montpellier, le 22 avril 1723 », BSHPF 120 (1974), p. 294-304 ; et aussi le roman d’André Chamson, La Tour de Constance, Paris : Plon, 1970.
13.H. Bost, « Remarques historiographiques sur les “Multipliants” de Montpellier », p. 248.
14.W. Gregory Monahan, Let God arise : the war and rebellion of the Camisards, Oxford : Oxford University Press, 2014 ; Lionel Laborie, Enlightening enthusiasm : prophecy and religious experience in early eighteenth-century England, Manchester : Manchester University Press, 2015.
15.Pauline Duley-Haour, Désert et Refuge : sociohistoire d’une internationale huguenote. Un réseau de soutien aux « Églises sous la croix » (1715-1752), Paris : Champion, 2017 ; Pierre Rolland, Dictionnaire du Désert huguenot. La reconquête protestante / 1715-1765, Paris : Les Éditions de Paris, 2017.
16.Valdo Pellegrin, Montpellier la protestante, Sète : Les Nouvelles Presses du Languedoc, 2009, voir ch. 13, p. 114-119 sur la rue des Multipliants ; Jean-Paul Chabrol et Jacques Mauduy, Atlas des Camisards. 1521-1789. Les huguenots, une résistance obstinée, Nîmes : Alcide, 2013, p. 218 et 220-221, soulignant le contexte géographique ; Jean-Claude Richard Ralite (éd.), Les Multipliants de Montpellier en 1723, Arts et traditions rurales, Montpellier, 2015 (ce volume offre une réimpression des études de Germain, Vigne et Bost).
17.En 2007, les Archives départementales de l’Hérault nous ont accordé le droit de photographier intégralement le « dossier Multipliants » du carton C196. Le dossier se divisait alors en deux liasses, l’une regroupant des documents trouvés chez Anne Robert lors de son arrestation et l’autre renfermant des documents de la procédure criminelle. Mais depuis notre première consultation, le microfilmage du dossier a entraîné le mélange des liasses. Suivant le conseil de M. Julien Duvaux, chef du service des archives anciennes des AD Hérault, nous précisons autant que possible, pour chaque document : le titre, la date, l’auteur et toute pagination interne. Afin de permettre des comparaisons avec des travaux antérieurs à notre enquête, nous continuons à préciser toutefois la liasse (1 ou 2) et le numéro de feuillet, marqué normalement en haut à droite d’un document (voir nos deux premières notes ci-dessus). Nous tenons à remercier M. Duvaux pour son aide et pour son autorisation, à titre exceptionnel, de réexaminer en avril 2018 ces documents souvent fragiles. Nous remercions aussi Calvin College et son Alumni Association de nous avoir accordé un congé et une bourse de recherches afin de reprendre ce projet.
18.Nous comptons aborder ces questions dans une autre étude considérant les Multipliants en tant que secte, église ou communauté. Nous y examinerons aussi la nature du prophétisme multipliant, surtout à travers le personnage de Jacob Bonicel. Il nous semble que l’opposition soulignée par D. Vidal de « la secte contre le prophétisme » est à nuancer. L’aspect iconographique des Multipliants (écritures prophétiques, dessins) mérite aussi attention.
19.Voir notre article sur le séjour du pasteur Antoine Court à Genève, « A Case of hidden identity : Antoine Court, Bénédict Pictet and Geneva’s aid to the Church of the Desert (1715-1724) », in John B. Roney et Martin Klauber (éd.), The Identity of Geneva : The Christian Commonwealth, 1564-1864, Westport, CT : Greenwood Press, 1998, p. 93-109.
20.AD Hérault C196 (2), f. 393, p. 1, 3e interrogatoire d’Anne Robert, 18 mars 1723, par Loys.
21.AD Hérault C196 (2), f. 473v, p. 2, interrogatoire de Marie Blayne, 10 mars 1723, par Loys.
22.A. Germain, « Nouvelles recherches », p. 412, n. 1, sans indication de source.
23.Affirmé par A. Peyriat, « Les Multipliants, », p. 42, sans indication de source.
24.Praticien « ne se dit guere que de ceux qui sçavent la manière d’instruire et de conduire les procés » (Dictionnaire de l’Académie française, 1e éd., 1694).
25.Archives Municipales de Montpellier (AMM), GG 241, f. 27, Notre-Dame des Tables, mariages. L’orthographe des noms est parfois difficile à déchiffrer, mais on y lit « Mons[ieur] Jean Verchant marchant et habitant de cette ville, fils legitime et naturel de feü Pierre Verchant et de feüe demoisselle Marie Puyol d’une part, et demoiselle Anne Robert, fille legitime et naturelle de sieur Pierre Robert bourgeois et demoiselle Gillette Lacour d’autre part, assistéz de mons[ieu]r Guillaume Baget, marchant drogiste de cette ville, de monsieur Jean Francois Roumiau [Romieux ? ], particien habitant de cette ville, de mons[ieu]r Henry Verchant, étudiant en droit, et de mons[ieu]r Barthelemy Palu, marchant de cette ville, lesquels ont tous signés avec nous le contrat de mariage, a esté receu par mestre Tessot [ ? ], no[tai]re de cette ville ». Signé par Anne Robert, Baget, Verchant, Verchant, Wert [ ? ], Romieux, Raillere [ ? ], de Pulol [Pujol], Derobert, Merlé, Portale, Boyer curé.
26.Voir Pierre Clerc, Dictionnaire de biographie héraultaise. Des origines à nos jours. Anciens diocèses de Maguelone-Montpellier, Béziers, Agde, Lodève et Saint-Pons, Montpellier : Les Nouvelles Presses du Languedoc, 2006, t. II, p. 1890, « Verchand (Pierre) » : « procureur général du Fermier général Louis Boucherat, épouse à Montpellier en 1680 Marie Pujol fille de Jean, cr du roi, recevoir des tailles au diocèse de Lavaur ».
27.Voir Louis de La Roque, Armorial de la noblesse de Languedoc, généralité de Montpellier, Montpellier-Paris : F. Seguin-F. Diot, E. Dentu, 1860, t. 1, « Catalogue des gentilshommes de Languedoc, 1675 », p. 263 (Jean de Pujol, baron de La Grave) et p. 264 (Guillaume de Pujol, conseiller et secrétaire du roi).
28.AMM, Notre-Dame des Tables, baptêmes, GG243, f. 127 : « L’an cy-dessus [1710] et le quatorziem d’octobre Marguerite, née le dixieme du present mois, fille legitime de Mr. Jean Verchand marchand et d[emois]elle Anne Robert, a été baptizée par moy, soussigné vicaire. Son parrain a été Mr. Jean Malafoue perruquier, faisant pour Mr. Jacques Carriere marchand de laine, sa marraine d[emois]elle Anne Lafouse, faisant pour de[moise]lle Marguerite de Pujol ; le père absent, presents Mrs. Pierre Roubert bourgois, ajeul maternel, et Daniel Verchand marchand, ajeul paternel, tous signés avec moy ». Signé par Ruffy [ ? ], Robert, Verchand, Carriere, Lafousse, de Malafaix [de Malafaise ? ], de Pujuol, et [ ? ] p[rê]tre et vicaire.
29.Ce nom (Pujol ou Poujol) ne figure pas dans le dictionnaire de Pierre Clerc.
30.Voir, à titre d’exemple, le baptême catholique de l’écrivain La Beaumelle dont la mère était catholique et le père protestant : Claude Lauriol, La Beaumelle, un protestant cévenol entre Montesquieu et Voltaire, Genève : Droz, 1978, p. 13.
31.A. Germain, « Les Multipliants, épisode de l’histoire de Montpellier. 1721-1723 », p. 21, n. 1.
32.Voir G. E. Falguerolles, « La Tour de Constance dans la lutte pour le rétablissement des libertés de pensée et de réunion », BSHPF 114 (1968), p. 242. Nous n’avons pas retrouvé cette relation, dont André Vigne a probablement eu aussi connaissance : il indique que les parents d’Anne Robert « furent sans doute de fervents réformés puisqu’en 1707 il eurent leur maison rasée sur ordre du roi pour y avoir tenu des assemblées religieuses » : Jean Vesson et les Multipliants, dans Les Multipliants de Montpellier en 1723, p. 49, sans indication de source.
33.Voir D. Bonnefon, Benjamin Du Plan, gentilhomme d’Alais, député général des Synodes des Églises Réformées de France, 1688-1763, Paris : Sandoz et Fischbacher-Grassart, 1876 ; P. Duley-Haour, Désert et Refuge : sociohistoire d’une internationale huguenote, p. 257-265 ; et du même auteur, « Les tribulations d’un député général des Églises : l’affaire Du Plan (1743-1751), RHP 1 (2016), p. 99-114.
34.AD Hérault C196 (1), pièces 69-93, f. 1x-44x. La plupart de lettres ne portent aucune date, mais certaines sont datées des années 1720, 1721 et 1722. Ces lettres mériteraient un examen détaillé.
35.AD Hérault C196 (1), n° 88, f. 34x et f. 34xv, lettre de Benjamin [Du Plan] à [Anne Robert], sans date.
36.Ibid., f. 35xv.
37.Bibliothèque publique et universitaire de Genève (BGE), Ms. Court, 12, Benj. [Du Plan] à [Court], [septembre] 1723, p. 23, f. 15. Voir la transcription, parfois inexacte, de cette lettre dans D. Bonnefon, Benjamin Du Plan, gentilhomme d’Alais, p. 76.
38.AD Hérault C392, f. 74, « A Monseigneur Le Nain, intendant en Languedoc », sans date. Le document mentionne la date 28 avril 1744 (f. 74v). D’autres lettres de ce carton portant sur la question sont de 1745. Voir G. E. Falguerolles, « La Tour de Constance », p. 241 et A. Peyriat, « Les Multipliants », p. 72.
39.Comparer A. Vigne, Jean Vesson et les Multipliants, dans Les Multipliants de Montpellier en 1723, p. 56-60. Voir aussi AD Hérault C196 (1), n° 92, p. 41x-42x. À la fin du dossier de lettres de Du Plan à Anne Robert, on trouve un fragment d’une lettre de la main de Du Plan (sans date, sans signature), mais attribuée à la veuve par Vigne (p. 59). On y lit : « Je ne scay à quoy attribuer ces froideurs et ces indiferences que vous faites paroitre pour une femme et une fille que vous devriez aimer et considerer plus que touttes choses au monde [… ] Je me sacrifierois pour vous s’il etoit necessaire. C’est mon devoir parce que la providence m’a unie avec vous mais je ne vois pas que vous repondiez à ma tendresse par de temoignages reels. Touttes vos promesse[s] s’evanouissent comme de la fumée (p. 41x) [… ] Dieu n’aprouve pas que vous abandonniez votre femme et votre enfant pour courir apres de chose[s] incertaines. Tout le monde me blame de ce que je vous laisse courir. Dieu le scait et vous aussi que cela ne depend pas de moy. Vous etes le maitre de faire ce qu’il vous plait (p. 41xv) ». Cette lettre étaie l’idée d’un lien amoureux rompu entre Du Plan et Anne Robert mais cela n’explique pas pourquoi elle se trouve dans un fragment écrit de la main du gentilhomme.
40.P. Rolland, Dictionnaire du Désert huguenot, p. 396, « Robert Anne », pour la notice biographique la plus récente.
41.P. Clerc, Dictionnaire de biographie héraultaise, t. II, p. 1890, « Verchand Veuve, née Anne Robert. Elle épouse en 1722 Jacob Bonicel. » Comparer une notice double sur Anne Robert, t. II, p. 1642-1643.
42.P. Rolland, Dictionnaire du Désert huguenot, p. 396.
43.AD Gard, C323, États de Languedoc, 1723, registre, f. 1. À propos du rôle des États, voir Stéphane Durand, Arlette Jouanna, Elie Pélaquier, Jean-Pierre Donnadieu et Henri Michel, Des États dans l’État. Les États de Languedoc de la Fronde à la Révolution, Genève : Droz, 2014.
44.AD Hérault C196 (2), f. 20, minute d’une lettre de Bernage à La Vrillière, 8, mars 1723, f. 20. Selon Ch. d’Aigrefeuille, Histoire de la ville de Montpellier, p. 314, le duc de Roquelaure avait reçu un placet de la part des Multipliants pour faire une procession à Noël (1722), ce qui le pousse à ordonner d’enquêter sur le groupe. Dans ce cas, Roquelaure aurait été au courant des assemblées chez Anne Robert avant son départ pour Nîmes. Cependant, nous n’avons pas retrouvé ce placet et la correspondance de Bernage avec Versailles n’en parle pas.
45.Selon A. Germain, « Nouvelles recherches », p. 404. Cf. le registre des États (AD Gard : C323, f. 130) où Roquelaure signe un document au 1er mars 1723.
46.P. Clerc, Dictionnaire de biographie héraultaise, t. II, p. 1850. Clerc distingue entre Claude Trinquaire, « financier puis prévôt de la Maréchaussée de Montpellier » et son fils Jean Claude Trinquaire, « écuyer, capitaine lieutenant de la Maréchaussée de Montpellier ». Il s’agit ici bien sûr du lieutenant qui se présente comme « Claude ».
47.AD Hérault C196 (2), f. 20v, minute d’une lettre de Bernage à La Vrillière, 8 mars 1723.
48.AD Hérault C196 (2), f. 30, « 6e mars 1723. Verbal de capture » par Trinquaire. Paraphé à la fin par « Trinquere » et Loys, 28 mars 1723 (f. 33), qui correspond au jour où le lieutenant dépose son rapport officiel (voir ci-dessous). Pour les références à un document après une première indication en note, nous signalons la pagination entre parenthèses dans le texte même du présent article. Tout en conservant l’orthographe originale des manuscrits, on a ajouté des accents et modernisé la ponctuation pour faciliter la lecture. Les inscriptions, mots soulignés ou dialogues sont transcrits en italique.
49.P. Clerc, Dictionnaire de biographie héraultaise, t. II, p. 1666.
50.Voir J. Cadier, « La secte montpelliéraine des Multipliants », p. 47 ; A. Vigne, Jean Vesson et les Multipliants, dans Les Multipliants de Montpellier en 1723, p. 9, n. 2 ; et A. Peyriat, « Les Multipliants », p. 75 : il est trop tôt dans le siècle et trop improbable d’imaginer un lien entre les Multipliants et la franc-maçonnerie.
51.Biblioteca dell’Accademia Nazionale dei Lincei e Corsiniana, Rome (BCR) : 33 B 1, ms. Corsiniano 1747, « A Montpellier le 7 mars 1723 », sans nom, f. 45 ; manuscrit découvert par L.-G. Pélissier, « La Secte des Multipliants d’après un témoin oculaire, Montpellier, 7 mars 1723 », p. 611.
52.Cité d’après Fernand Benoit, « Une secte de Manichéens à Montpellier au dix-huitième siècle », Revue de folklore français 6 (juillet-octobre 1935), p. 218. Le manuscrit se trouve à la bibliothèque de l’Academia de la Historia (Madrid) dans un recueil manuscrit de D. Melchior Macanas, Memorias históricas, politicas y gubernativas de España y Francia, au chapitre Documentos relativos a una asamblea de judaïsantes maniqueos.
53.BGE, Ms. Court 30, f. 249v, p. 182, copie d’une lettre de Verduron à Basville, 8 mars 1723. Cette lettre se trouve, avec d’autres documents liés aux Multipliants, à la fin du manuscrit de [Charles-Joseph de La Baume], « Histoire de la revolte des fanatiques ou camisards » (voir f. 113 pour le titre). Cf. Ch.-J. de La Baume, Relation historique de la révolte des camisards, éd. Patrick Cabanel, Montpellier : Les Presses du Languedoc, 2004, p. 9. Il s’agit sans doute des « trois nouvelles lettres portant sur la secte des “Multpliants” » envoyées « au printemps 1723 » par la sœur de Mérez au père Marc de Saint-Claude, prieur carme du couvent de Nîmes, qui travaillait à compléter l’histoire de La Baume.
54.BCR : 33 B 1, ms. Corsiniano 1747, « A Montpellier le 7 mars 1723 », sans nom, f. 44 ; et L.-G. Pélissier, « La secte des Multipliants d’après un témoin oculaire », p. 609.
55.Comparer Ch. d’Aigrefeuille, Histoire de la ville de Montpellier, p. 316, par rapport à cette procession : « leur marche étoit terminée par celle de leur hôtesse, suivie de sa fille, qui attiroit la compassion de tout le monde ». D’Aigrefeuille écrit cependant bien d’années après Verduron. On trouve un autre témoignage contemporain de l’arrestation dans Claude-Daniel de Laures, Mémoires pour servir l’histoire de la ville de Gignac et de ses environs, préface Jean-Marcel Jover, prés. Jean-Claude Richard, Montpellier : Arts et Traditions Rurales, 2004, 4e partie, ch. 23, « Histoire des multiplians », p. 299-307. Conseiller à la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier, C.-D. de Laurès (1701-1776) indique que cette histoire arriva sous ses yeux (p. 299) mais il semble copier d’Aigrefeuille presque entièrement.
56.AD Hérault C196 (2), f. 138-138v, p. 1-2, « Proces Verbal de dessante », Loys, 6 mars 1723.
57.Voir le dessein et la description du premier étage par l’architecte Desfours : AD Hérault C196 (2), f. 128, 12 mars 1723. Il y aussi une autre version, sans doute le brouillon, moins détaillée mais accompagnée d’une description intéressante des salles : AD Hérault C196 (2), f. 130v-131, « Description de la maison de lad[ite] Verchan ». Voir aussi A. Peyriat, « Les Multipliants », p. 47-49.
58.Léon Pilatte (éd.), Édits, déclarations et arrests concernant la Religion p. réformée, 1662-1751, précédés de l’Édit de Nantes, Paris : Fischbacher, 1885, p. 242.
59.L. Pilatte, Édits, p. 292.
60.AD Hérault C196 (2), f. 1-14. Il s’agit d’un dossier fascinant de notes et de conseils portant le titre « Multipliants. Problèmes de procédure contre les religionnaires » (titre indiqué au crayon, du xixe ou du xxe siècle). Voir surtout un « Mémoire pour M. l’Intendant », f. 9-12v, où on justifie la peine de mort contre les prédicants en raison des différentes exécutions commandées par l’intendant Basville. C’est l’avis qui sera suivi par Bernage dans l’élaboration d’un projet d’arrêt envoyé à Versailles (voir ci-dessous).
61.BGE, Ms. Court 30, f. 249v, p. 182, copie d’une lettre de Verduron à Basville, 8 mars 1723.
62.P. Clerc, Dictionnaire de biographie héraultaise, t. II, p. 1245, « Loys (Jérôme) ».
63.P. Rolland, Dictionnaire du Désert huguenot, p. 447, « Loys Hiérosme ».
64.AD Hérault C196 (2), f. 103-103v, « Estat de ceux qui ont esté arrestés dans la maison de la veuve Verchant qui ont esté interrogés avec la datte de leurs interrogatoires ». Notons que l’orthographe des noms varie beaucoup dans les manuscrits et les différentes histoires de la secte. Le nom de « Vesson » s’écrivait et se disait sans doute « Besson ». Selon la pratique languedocienne de féminisation des patronymes, « Robert » se féminise en « Roberte », « Gaussent » en « Gaussente », « Loubier » en « Loubière », « Mazauric » en « Mazaurigue, Mazaurine ou Mazaurienne », et « Verchand » en « Verchande ». Il y a aussi des variations de Bourrely (Borrelly), Comte (Compte), Cros (Crouzet), Bonicel (Bonissel), et Verchand (Verchan, Verchant). Bonicel se présente aussi dans les documents du procès comme « Galantiny / Galentiny » ou « Jacob et Jean », ses noms de baptême multipliant. Voir les notices dans P. Rolland, Dictionnaire du Désert huguenot. Nous nous sommes efforcé d’adopter un système cohérent dans notre propre texte tout en gardant l’orthographe originale dans les citations des manuscrits.
65.AD Hérault C196 (2), f. 41. « Etat des fraix de la procedure faite contre Jean Vesson, Jacob Bonnissel, Antoine Comte, Anne Robert, veuve de Jean Verchand et autres ». C’est une copie, signée à l’original par l’intendant Bernage le 27 mai 1723 (f. 50).
66.AD Hérault C196 (2), f. 492-493, p. 13-15 (seules pages qui restent de la transcription, les p. 1-12 ont disparu), interrogatoire de Jacques Bourrely, 7 mars 1723, par Loys.
67.AD Hérault C196 (2), f. 480-481v, p. 3-4 et 13-14 (seules pages conservées), interrogatoire de Jean Vesson, 7 mars 1723, par Loys.
68.AD Hérault C196 (2), f. 488-489v, p. 17-18 (seules pages conservées), interrogatoire d’Antoine Comte, 7 mars 1723, par Loys.
69.AD Hérault C196 (2), f. 482-484v, p. 1-6, transcription complète, interrogatoire de Pierre Crouzet [Cros], 7 mars 1723, par Loys.
70.AD Hérault C196 (2), f. 480v, p. 4, interrogatoire de Jean Vesson, 7 mars 1723. Pierre Cros révèle que le prédicant figure parmi les prisonniers et qu’il s’appelle « Solmifa » (AD Hérault C196 (2), f. 483, p. 3). Il s’agit du nouveau nom de baptême multpliant donné à Vesson.
71.AD Hérault C196 (2), f. 492, p. 13, interrogatoire de Jacques Bourrely, 7 mars, 1723.
72.AD Hérault C196 (2), f. 488, p. 17, interrogatoire d’Antoine Comte, 7 mars 1723 ; et f. 481, p. 13, interrogatoire de Jean Vesson, 7 mars 1723.
73.AD Hérault C196 (2), f. 481v, p. 14, interrogatoire de Jean Vesson, 7 mars 1723 ; même question à propos de Marie Blayne posée à Bourrely, f. 492v-493, p. 14-15, 7 mars 1723.
74.AD Hérault C196 (2), f. 482v et 484, p. 2 et 5, interrogatoire de Pierre Crouzet [Cros], 7 mars 1723.
75.P. Rolland, Dictionnaire du Désert huguenot, p. 446.
76.AD Hérault C196 (2), f. 20-20v, minute d’une lettre de Bernage à La Vrillière, 8 mars 1723.
77.Selon un autre témoignage : « Le Duc de Roquelaure et l’Evêque furent le même jour pour voir les décorations. L’intendant y fut le lendemain dimanche » (F. Benoit, « Une secte de Manichéens à Montpellier au dix-huitième siècle », p. 217). Ch. d’Aigrefeuille parle de « plus de dix mille » visiteurs au site, ce qui semble exagéré (Histoire de la ville de Montpellier, p. 317). Mais selon la lettre du « témoin oculaire », la maison se visitait librement (BCR : 33 B 1, ms. Corsiniano 1747, « A Montpellier le 7 mars 1723 », sans nom, f. 44-44v ; L.-G. Pélissier, « La secte des Multipliants d’après un témoin oculaire », p. 609-610).
78.AD Hérault C196 (1), f. 193-196v, f. 20-24, « Registre des baptemes ». Pour le 10 janvier 1723, ce registre fait état de 42 baptêmes célébrés par « Jean sacrificateur de la nouvelle aliance de Jesus Christ » (n° 182 à 223). Le registre s’arrête à ce jour-là.
79.Voir AD Hérault C196 (2), f. 51-52v pour le projet d’arrêt.
80.Ce mémoire n’a pas pu être retrouvé dans le carton AD Hérault C196. Pour une copie manuscrite, voir BGE, Ms. Court, 30, f. 250v-254, p. 184-191, « Memoire ou Galimathias ecrit par Jacob, l’un des fanatiques prisonniers à la Citadelle de Montpellier pour expliquer leurs ceremonies ». Ch. d’Aigrefeuille le présente un peu en désordre (Histoire de la ville de Montpellier, p. 319-323) et A. Germain le présente en entier (« Nouvelles recherches », p. 442-447).
81.AD Hérault C196 (1), f. 159, « Mémoire de Besson » ou « Mémoire des choses plus principalles nessaires à savoir qui se passoit dans la maison de mad[am]e de Vergant, pandan le temps que je y ai demuré ». Voir la transcription du mémoire par A. Germain, « Nouvelles recherches », p. 440-442.
82.Ce mémoire de Cros est aussi absent du carton AD Hérault C196. Tout en le découpant par ses commentaires, A. Germain le cite en entier (« Nouvelles recherches », p. 430-439). Bernage l’envoie à Versailles le 29 mars 1723. Voir AD Hérault C196 (2), f. 71, minute d’une lettre de Bernage à La Vrillière. Dans l’instruction du procès, Loys fait souvent référence à ce mémoire. Voir, par exemple, la confrontation entre Vesson et Cros, AD Hérault C196 (2), f. 192v-193, p. 10-11, 12 avril 1723.
83.Le document clef de la procédure est « La reception de Jean Vesson faite le 25 xbre 1722 » où Vesson est reçu comme pasteur « pouvant donne la Ste Cene et benir les mariages ». Il y promet « d’estre un loyal pasteur » devant les « trois mages » (AD Hérault C196 (2), f. 28, copie manuscrite). Voir aussi AD Hérault C196 (1), f. 136/90 (double pagination), « Rolle des ministres quy ont pris l[’h]uile et le sel de grace [… ] », au f. 93, « Le 25e Xbre 1722 Jean Vesson est passé ce jourd’huy pasteur recevant le sel et l[’h]uile de ma grace dans la chere de justice, recue de son troupau, pouvant donner la ste cene et benir le[s] mariages ». Paraphé par Loys et Vesson. Ce même document fournit les noms des anciens.
84.AD Hérault C196 (2), f. 57-58, minute d’une lettre de Bernage à La Vrillière, 15 mars 1723. Voir, par exemple, AD Hérault C196 (2), f. 433v-434, p. 2-3, 3e interrogatoire de Jacob Jean Galentiny [Jacob Bonicel], 12 mars 1723, par Bernage, pour cet échange essentiel entre l’intendant et le royal sacrificateur : « Luy avons remontré que puisqu’il a fait ce mémoire qui contient une explication des ceremonies qui paroissent contraires à la relligion protestante aussy bien qu’à la relligion catholique, il est d’une nouvelle secte qui est inconnue. Repond qu’il est de la relligion protestante et que si Dieu leur a donné des ornements particuliers pour la magnificence et l’ornement de cette relligion, on ne peut pas dire que cela y soit contraire. »
85.AD Hérault C196 (2), f. 58.
86.AD Hérault C196 (2), f. 64-65, minute du mémoire, sans auteur, titre ou date. Il est possible que Loys ait aidé à rédiger ce mémoire. Voir AD Hérault C196 (2), f. 58v, minute de lettre où Bernage indique à La Vrillière l’envoi du document, 15 mars 1723.
87.AD Hérault C196 (2), f. 391, p. 1, 2e interrogatoire d’Anne Robert, 9 mars 1723.
88.Voir AD Hérault C196 (2), f. 322, p. 1, interrogatoire de Jacob Jean Galantiny [Jacob Bonicel], 8 mars 1723, où il dit avoir 25 ans. Voir aussi AD Hérault C196 (2), f. 110, un certificat de notoriété du [11 ? ] mai 1713 : Bonicel est né le 5 mai 1693 au Pont-de-Montvert. Ce certificat remplace les registres de l’église, brûlés par les Camisards en 1702.
89.AD Hérault C196 (1), f. 194, « Registre dés mariages d’ la nouvelle creation du reigne de J. C. dé son secon avenemant par son St Esprit », voir f. 199-199v, « Conclusion du mari[a]ge de damlle Anne R[obert] et sieur Jacob Bonicel, le 28e 7bre 1722 ». Voir aussi AD Hérault C196 (1), n° 38, f. 72, « Lignées quy se sont faites en l’année 1722 », où on trouve la promesse de mariage entre les deux du 9 avril 1722 ; AD Hérault C196 (1), f. 41-43, le contrat de mariage du 2 avril 1722 (deux versions de la main de Bonicel, une 3e version de la main d’Anne Robert), signé par Bonicel et Robert. Selon la première version du contrat (f. 41-41v), ils se promettent se marier « en vray et legitime mariage en presance de nosre Seigneur Jesus Chri[s]t et iceluy acomplir et solamniser dans sa loy et religion pretanduë reformée » ; « et lad[ite] Anne Roubert sera obligée de reconoitre au profit de moy Jacob Bonicel son futeur epoux à mesure de la reception de’ més droits paternels et maternels seur tout et chacun ses biens presants et advenir pour m’etre rendus et restitués à quy de droit apartiendra en cas de predeceps sans enfants de moy d[it] Jacob Bonissel, lesd[ites] parties ayant pris un double chacun tiré de l’original de leurs propre main et se sont signés de leurs bon vouloir, contantemant et bonne volonté, fait à Monpeiller dans la maison de Anne de Roubert, ma future epouse, lé second avril mil sept cens vingt-deux ». Selon la deuxième version (f. 42-42v), « en cas de predeces san[s] enfans », Bonicel recevrait « la somme de six cens livres » et « me prometant lad[ite] Anne Roubert ma future epouse de faire heritier le premier enfant qu’elle aura de moy de tous ses biens », après avoir donné une part à Marguerite Verchand. Le contrat termine : « Et qué le premier de nous deux quy rompra le lien du mariage, estitué [institué] du ciel et quy se doibt acomplir sur la terre, sera obligé de bailler à l’autre la somme de mille livres pour la rupture dud[it] mariage ».
90.AD Hérault C196 (2), f. 136, p. 1, interrogatoire de Jean Vesson, 28 mars 1723, par Bernage.
91.AD Hérault C196 (2), f. 412, p. 11, interrogatoire de Jacob Bonicel, 1er avril 1723, par Loys.
92.AD Hérault C196 (2), f. 372v, p. 4, 2e interrogatoire de Suzanne Loubière, 3 avril 1723, par Loys.
93.AD Hérault C196 (2), f. 391v, p. 2, 2e interrogatoire d’Anne Robert, 9 mars 1723, par Loys.
94.Voir AD Hérault C196 (2), f. 482, p. 1, 1e interrogatoire de Pierre Crouzet (Cros), 7 mars 1723, par Loys.
95.Selon le mémoire de Pierre Cros, dans A. Germain, « Nouvelles recherches », p. 437-439.
96.Ibid., p. 435. Voir p. 435-436, note 1 où Germain donne davantage de détails sur cette table extraordinaire. Le dessin détaillé de la table, que Germain attribue à Bonicel ou à Antoine Comte, se trouve toujours dans le dossier AD Hérault C196 (1), f. 237v, paraphé par Loys et Robert. Pour le mémoire de commande (11 décembre 1722) et la quittance du menuisier-sculpteur Coste ([20 décembre ? ] 1722), voir AD Hérault C196 (1), f. 145-145v/103-103v.
97.AD Hérault C196 (2), f. 473v, p. 2, interrogatoire de Marie Blayne, 10 mars 1723.
98.Ibid., f. 473-473v, p. 1-2. Lorsque Loys lui demande sa religion, Marie Blayne répond « qu’elle est de la religion catholique apostolique romaine selon les edits de Saint Paul. Interrogée quelle est la nature de la religion qu’elle professe. A dit que depuis les ordres du roy elle a professé la religion catholique apostolique romaine, qu’elle a été à la messe, qu’elle a confessé et communié parce qu’autrement on ne l’auroit point mariée, que depuis ce temps-là elle n’a pas frequenté les sacrements, que veritablement elle a été quelques fois à la messe mais qu’elle ne l’a pas cominüé ».
99.AD Hérault C196 (2), f. 405, p. 1, interrogatoire d’Anne Gaussent, 11 mars, 1723, par Loys. Voir f. 406, p. 3 : « Interrogée sy elle croyoit tout ce que ses gens-là lui disoint sur inspiration du St Esprit et leurs autres ceremonies. A dit que non et qu’elle demuroit là ne sachant où aller, croyant qu’elle etoit encorcelée, de quoy elle demande pardon à Dieu, au roy et à la justice et suplie Monseigneur le duc de Roquelaure, le Monseigneur l’Intendant de lui pardonner d’avoir été avec ces gens-là, promettant de à l’advenir vivre dans la religion catholique, apostolique et romaine, demandant pour cella d’etre mise dans un couvent pour servante ».
100.AD Hérault C196 (2), f, 319, p. 3, confrontation entre Anne Gaussent et Jacob Bonicel, 15 avril 1723.
101.BCR : 33 B 1, ms. Corsiniano 1747, « A Montpellier le 7 mars 1723 », sans nom, f. 45 ; et L.-G. Pélissier, « La Secte des Multipliants d’après un témoin oculaire, Montpellier, 7 mars 1723 », p. 611.
102.AD Hérault C196 (2), f. 405-405v, p. 1-2, interrogatoire d’Anne Gaussent, 11 mars, 1723, par Loys.
103.AD Hérault C196 (2), f. 375v, p. 2, interrogatoire de Suzanne Loubière, 11 mars 1723, par Loys. Selon Charles Bost, Les Martyrs d’Aigues-Mortes, Nîmes : C. Lacour, 1997 (réimpr. de l’éd. de 1922), Appendice III, p. 139, elle est prisonnière de 1705 à 1712.
104.Comparer P. Rolland, Dictionnaire du Désert huguenot, p. 396, « Robert Anne ». Pendant la guerre des Camisards, la plus grande prison des femmes se trouvait à Carcassonne (p. 16).
105.AD Hérault C196 (2), f. 389, p. 5, interrogatoire d’Anne Robert, 7 avril 1723, par Loys. Comme il avait accès à d’autres documents d’Anne Robert, le subdélégué avait ses raisons pour poser la question.
106.AD Hérault C196 (2), f. 342-342v, p. 1-2, interrogatoire de Jeanne Mazaurine [Mazaurigue], 12 mars 1723. Voir p. 344, p. 17, où elle explique comment « elle fut arretée dans sa maison pour avoir assisté à une assamblée et conduite à la cité de Carcassonne où elle a demuré cinq ans ». Selon Ch. Bost, Les Martyrs d’Aigues-Mortes, Appendice III, p. 139, elle est prisonnière de 1706 à 1712.
107.Blayne, Gaussent et Loubière ne signent jamais leurs interrogatoires et sont évidemment analphabètes.
108.Voir D. Vidal, Le Malheur et son prophète, p. 358, note 10 et AD Hérault C196 (1) 104-104v, 6 janvier ou 9 janvier, 1722. D. Vidal indique que ce document porte la mention « prophétie de la demoiselle Verchand ». Nous n’avons pas retrouvé cette mention mais le document serait de la main d’Anne Robert.
109.AD Hérault C196 (2), f. 25v, minute d’une lettre de Bernage à La Vrillière, 8 mars 1723.
110.AD Hérault C196 (2), f. 64v, minute d’un mémoire de Bernage ou de Loys pour La Vrillière, [mars 1723].
111.AD Hérault C196 (2), f. 166, « Recolements des prevenus », n° 3 Antoine Comte, 9-11 avril 1723.
112.AD Hérault C196 (2), f. 488-489v, p. 17-18, interrogatoire d’Antoine Comte, 7 mars 1723, par Loys (voir ci-dessus) ; C196 (2), f. 354-354v, p. 1-2, document intégral, interrogatoire d’Antoine Compte [Comte], 14 avril 1723, par Loys.
113.AD Hérault C196 (2), f. 67v, minute d’un mémoire de Bernage ou de Loys pour La Vrillière, [mars 1723].
114.AD Hérault C196 (2), f. 490-490v, p. 3-4, interrogatoire de François Comte, sans date, par Loys. Le père des frères Comte justifie sa participation à la secte en se disant enchanté des chefs qui lui faisaient « croire qu’il ne pouvoit etre sauvé que dans leur religion ». Et ensuite : « Que ce qui l’anchanta davantage fut qu’Antoine son fils qui etoit illettré parloit de diverses langues et qui fut cause qu’il entra dans leurs sentiments et dans leur croyance ». Voir D. Vidal, « La secte contre le prophétisme », p. 812-818 pour une analyse des noms de baptême et du langage multipliant.
115.AD Hérault C196 (2), f. 476v, p. 1, interrogatoire d’André Comte, 10 mars 1723, par Loys.
116.AD Hérault C196 (2), f. 475, p. 2, interrogatoire de Pierre Figarert, 9 mars 1723, par Loys.
117.AD Hérault C196 (2), f. 482-482v, p. 1-2, interrogatoire de Pierre Crouzet [Cros], 7 mars 1723, par Loys.
118.AD Hérault C196 (2), f. 167v, p. 14, « Recolements des prevenus », n° 4 Jacques Bourrely, 9-11 avril, par Loys. Selon ce document, il est interrogé le 7 mars et le 2 avril 1723.
119.Ibid., f. 168-168v, p. 15-16 ; f. 492-493, p. 13-15, interrogatoire de Jacques Bourrely, 7 mars 1723, par Loys ; et f. 486-487, p. 3-4 et 9, interrogatoire de Jacques Bourrely [2 avril ? ] 1723, par Loys.
120.Formier : « ouvrier qui fait et rend des formes pour les souliers » (Dictionnaire de l’Académie française, 5e éd., 1798).
121.AD Hérault C196 (2), f. 397-397v, p. 1-2, interrogatoire de François Baumès, 3 avril 1723, par Loys. Voir AD Hérault C392, f. 75, l’affiche de condamnation du 22 avril 1723. Baumès avait déjà été interrogé par Rosset, conseiller au présidial de Montpellier, et Loys les 24 et 30 octobre 1722. Comparer AD Hérault C196 (2), f. 171, p. 21, « Recolements des prevenus », n° 7 François Baumès, 9-11 avril 1723, où Loys évoque des interrogatoires de Baumès, devant lui et Rosset, le 24 février et le 13 novembre 1722. Le dossier de l’instruction ne contient pas les transcriptions de ces interrogatoires.
122.AD Hérault C196 (2), f. 477, p. 3, continuation de l’interrogatoire de Pierre Figaret, 9 mars 1723 [ ? ], par Loys.
123.AD Hérault C196 (2), f. 326, p. 1, 2e interrogatoire de Jacob Jean Galentiny [Jacob Bonicel], 8 mars 1723, par Loys. Rappelons qu’il dit avoir 25 ans, mais selon le certificat cité ci-dessus il avait 30 ans (AD Hérault C196 (2), f. 110). Selon ce même certificat, son père Jean Bonicel avait été juge, ce qui est confirmé dans son contrat de mariage avec Anne Robert (AD Hérault C196 (1), f. 41, 2 avril 1722). Dans un interrogatoire, Bonicel indique qu’« il a un frere avocat à Mande qu’on apelle Lhermet mais que ce fut le nom d’une terre que son feu père possedoit » (AD Hérault C196 (2), f. 411-411v, p. 1-2, 1er avril 1723, par Loys).
124.Voir le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales, « cannabasseur » : « marchand, fabricant de grosses pièces de chanvre », http://www.cnrtl.fr/definition/dmf/CANNABASSEUR, consulté le 8 août 2018.
125.AD Hérault C196 (2), f. 161v-162, p. 2-3, « Recolements des prevenus », n° 1 Jacob Bonicel, 9-11 avril 1723, par Loys.
126.Alain Molinier, « Une épidémie qui s’éteint en Vivarais : La peste de 1721 », Études héraultaises 5-6 (1984), p. 19-20. Selon Ch. d’Aigrefeuille, Histoire de la ville de Montpellier, p. 311, on décide à Montpellier dès le premier août 1720 « de ne laisser que deux portes de la ville ouvertes ». À la fin de l’année 1721, « la contagion avoit gagné la ville d’Alais : on interdit aussitôt à Montpellier toute communication avec cette ville » (p. 313).
127.À propos de Bonicel, Ch. d’Aigrefeuille, Histoire de la ville de Montpellier, p. 318, soutient que « Dans le premier interrogatoire, l’un des prisonniers avoüa qu’il étoit de la ville de Mende en Gevaudan, appellé du nom de sa famille Jacques Bonicel, clerc tonsuré ; qu’il avoit été envoyé à Montpellier pour y faire ses études, et qu’il y avoit porté le petit colet ; mais qu’ayant connu la religion des enfants de Dieu, il l’avoit embrassée et la prêchoit sous le nom de Jacob ». A. Germain, « Nouvelles recherches », p. 413, indique, sans donner sa source, que « Bonicel avait conçu, à vingt ans, la pensée de suivre la carrière ecclésiastique ». Il se peut, encore une fois, que Germain cite un document aujourd’hui perdu. Mais aucune source connue ne soutient cette précision biographique. Lettré et d’une plume facile, Bonicel avait reçu sans doute une bonne éducation. Mais avant de chercher des preuves solides d’une vocation de prêtre, il serait plus intéressant de trouver une des sources de la particularité multipliante dans le milieu judiciaire où Bonicel avait grandi et son travail de marchand, ce qui aiderait à expliquer son dévouement considérable pour registres, contrats et billets.
128.AD Hérault C196 (2), f. 164-164v, p. 7-8, « Recolements des prevenus », n° 2 Jean Vesson, 9-11 avril 1723, par Loys.
129.Voir P. Rolland, Dictionnaire du Désert huguenot, p. 430, « Vesson [Besson] Jean » ; E. Hugues, Antoine Court. Histoire de la restauration du protestantisme en France au xviiie siècle, t. I, p. 193-197 ; A. Vigne, Jean Vesson et les Multipliants, dans Les Multipliants de Montpellier en 1723, p. 13-19 ; et pour un nouvel examen des débats dans le contexte desquels se situe la déposition de Vesson, voir P. Duley-Haour, Désert et Refuge : sociohistoire d’une internationale huguenote, ch. 4 « Retour à la tradition huguenote (2) : l’“ordre ecclésial” », p. 135-161.
130.A. Germain, « Nouvelles recherches », p. 427.
131.D. Vidal, « La secte contre le prophétisme », p. 802.
132.AD Hérault C196 (1), f. 106-106v, « A Montpeiller ce 6e janvier 1722, 6 hures du soir dans la maison de Gededon [sic], l’arche mistique ».
133.AD Hérault C196 (1), f. 217v, p. 27v, document marqué « Ce cayer prouve qu’on fait la cene dans les assemblées, n° 290 ».
134.AD Hérault C196 (1), f. 175, p. 1, « Registre des baptemes ».
135.AD Hérault C196 (1), f. 217, p. 27, document marqué « Ce cayer prouve qu’on fait la cene dans les assemblées, n° 290 ».
136.AD Hérault C196 (2), f. 328v, p. 6, 2e interrogatoire de Jacob Jean Galentiny [Jacob Bonicel], 8 mars 1723 : « c’est la demlle Verchand qui a fourni tout cella ».
137.Voir encore une fois le dessin de la maison par l’architecte Desfours, AD Hérault C196 (2), f. 128, 12 mars 1723.
138.AD Hérault C196 (1), f. 180v-184v, p. 12-20, « Registre des baptemes », n° 52-105.
139.Voir AD Hérault C196 (2), f. 285, pour la copie d’une convocation du 26 mars 1723 par un huissier nommé Galabert auprès des témoins Bousquet, Pommier et Ricard, appelés à comparaître le 27 mars 1723.
140.AD Hérault C196 (2), f. 253-275, p. 1-44, « Information », 26-27 mars 1723, par Loys.
141.Pierre Aller, Jean Sabatier, Antoine Aller et François Gely (Gelly ?). A. Aller et Gely ont assisté seulement à la fin de l’arrestation, au moment où Trinquaire faisait ligoter les trois sacrificateurs (f. 260-262, p. 15-19).
142.AD Hérault C196 (2), f. 327, p. 3, 2e interrogatoire de Jacob Jean Galentiny [Jacob Bonicel], 8 mars 1723, où Loys demande « sy les voisins ne prenoint garde » à tous les gens qui arrivaient le samedi soir et Bonicel répond qu’« il scait qu’un des voisins a fait percer une muraille en plusieurs endrois pour les empecher de prier Dieu ».
143.P. Clerc, Dictionnaire de biographie héraultaise, t. I, p. 839. Clerc indique un Pierre de Fizes (1656-1744), « conseiller maître en la CCAF » et un Pierre Fizes (1695-1764) qui devient conseiller correcteur en 1751 seulement. Le voisin d’Anne Robert est sans nul doute Pierre de Fizes – voir à la fin de cet article pour d’autres détails sur Fizes fils en 1746 qui confirment cette identification.
144.Femmes du roi David : Abigail, ancienne femme vertueuse du méchant Nabal (1 Samuel 25) ; Mical, fille du roi Saül, critique la façon dont David danse devant l’arche. Ce dernier la maudit ensuite (2 Samuel 6, 20-23). Cela pourrait justifier la préférence pour Abigail contre Mical qu’éprouve un dévoué multipliant de l’arche mystique.
145.Le témoin continue : « il entendit encore qu’ils parloint du lieu de Conpiae [ ? ] duquel lieu ils avoint été obligés de se retirer dans le temps que le frere dud[it] homme y était avec Marie » (265, 25). S’agit-il d’Antoine Comte et de Marie Blayne ?
146.Voir P. Clerc, Dictionnaire de biographie héraultaise, t. I, p. 938. Il s’agit peut-être de Marc Antoine de Gayon, seigneur du Bousquet (1673-1745), conseiller maître « en la CCAF de Montpellier en 1719 » qui avait cependant 50 ans à cette époque. Il faut admettre que, comme dans le cas de Bonicel, on ne peut faire confiance à l’âge fourni par accusés et témoins.
147.Claude-Daniel de Laures, Mémoires pour servir l’histoire de la ville de Gignac et de ses environs, p. 299.
148.La déposition continue ainsi à la même page (f. 268v, p. 32) : « il lui demanda que vouloit dire que cette porte fut fermée par ce garderobe, qu’elle luy repondit qu’elle avoit affermé cette chambre à la dame de Sevres et qu’elle avoit percé la muraille de son costé et qu’elle passoit par cet endroit-là sans passer dans sa salle, qu’ensuitte elle se leva du lit et apres s’etre habillée, ils monterent au second étage de la maison qu’ils trouverent [ ? ] de garnie, à cause que la demlle Fabre, qui y logeoit, se changeoit [… ] ». Selon le dessin de la maison établie par l’architecte Desfours (AD Hérault C196 (2), f. 128, 12 mars 1723), il était possible de monter au deuxième étage sans entrer dans les salles du premier étage. Peut-être la dame de Sèvres partageait-elle un escalier avec Anne Robert avant ces travaux. La demoiselle Fabre paraît ici pour la première et seule fois dans l’instruction.
149.En janvier 1723, Robert loge au premier étage dans la première salle, qui sera bientôt le Parvis, avec ses bancs d’église.
150.AD Hérault C196 (2), f. 379v, p. 2, interrogatoire d’Anne Robert, 3 avril 1723, par Loys. Ce document incomplet n’offre que les f. 379-380 avec les pages 1-2 et 11-12 de l’interrogatoire.
151.AD Hérault C196 (2), f. 439-450v, p. 1-24, « Confrontements », 7-8 avril, par Loys.
152.Dictionnaire de l’Académie française (1694).
153.Voir Matthieu 21, 33-46, Marc 12, 1-12 et Luc 20, 9-18.
154.AD Hérault C196 (2), f. 161-187, p. 1-42 [52], « Recolements des prevenus », 9-11 avril, par Loys.
155.Jeanne Mazaurigue se rétracte aussi par rapport à la cène. Voir f. 179, p. 37 du même document. Anne Robert répète le même argument lorsque Loys la confronte à Jean Vesson. Voir AD Hérault C196 (2), f. 204, p. 33, 12 avril 1723. Il est possible que ces prisonnières aient adopté une défense commune par rapport aux sacrements.
156.AD Hérault C196 (2), f. 228, p. 3, « Confrontements » de Marie Blayne, 15 avril 1723, par Loys. Résignée, Marie Blayne ne dit rien non plus par rapport aux interrogatoires de Jean Vesson et de Pierre Cros (f. 228v-230, p. 4-8).
157.AD Hérault C196 (2), f. 381-385v, p. 1-10, « Confrontements » d’Anne Robert, 15 avril 1723, par Loys. Il est curieux que Bonicel ne figure pas dans ce groupe. C’est dans cet interrogatoire que Marie Blayne admet avoir couché avec Antoine Comte mais précise « qu’il ne l’a point connue charnelement » (f. 382, p. 3).
158.AD Hérault C196 (2), f. 77, minute d’une lettre de Bernage à La Vrillière, 14 avril 1723.
159.AD Hérault C196 (2), f. 146-147v, minute d’une lettre de Bernage à La Vrillière, 22 mars 1723. Lors d’un interrogatoire, Philippe Comte, un certain Delort et un certain Redonnel ont été dénoncés. Bernage ne réussit pas à faire arrêter les deux derniers, mais il fait saisir leurs biens et arrêter les deux filles Delort. Voir AD Hérault C196 (2), f. 277-277v, pour la minute d’un mémoire indiquant que dans la maison de Delort où on a trouvé des « inscriptions attaché[e]s aux murailles semblables à celle de la maison de la demlle Verchand ». Voir aussi BGE, Ms. Court 30, f. 249v-250, p. 182-183, « A Lunel ce 21 mars 1723 », où on mentionne l’arrestation faite « hier » et on offre une brève description du lieu de culte.
160.AD Hérault C197, f. 30, lettre de Castanier à [Bernage], 22 mars 1723. Le dossier du jugement contre Huc-Mazelet dans le carton C197 est à examiner, surtout de le contexte du développement de la Déclaration de 1724 et le renouveau de la répression du protestantisme. Pour un résumé de sa vie, voir P. Rolland, Le Dictionnaire du Désert huguenot, p. 331.
161.AD Hérault C197, f. [135] (marqué f. 180 en bas), affiche de condamnation de Huc-Mazelet, 5 mai, 1723 ; BGE, Ms. Court 30, f. 257v, p. 198, copie d’une lettre, sans doute de Verduron, précédée du jugement contre Mazelet (5 mai), de son abjuration (4 mai), et du jugement contre les Multipliants (22 avril).
162.Richard Mowery Andrews, Law, magistracy and crime in Old Regime Paris, 1735-1789, vol. 1, The system of criminal justice, Cambridge : Cambridge University Press, 1994. Cet ouvrage permet de comprendre les différentes étapes de la procédure, surtout p. 415-504, « Trial and judgment : the procedure of the 1670 Criminal Ordinance ». Andrews souligne que « Contrary to tenacious legend, those subjected to provostial or presidial trial and judgment were not subjected to a distinctive or summary procedure », à part l’absence du droit de faire appel, p. 504.
163.A. Germain, « Nouvelles recherches », p. 471.
164.AD Hérault C196 (2), f. 27v, minute d’une lettre de Bernage à La Vrillière, 8 mars 1723 ; f. 51-52v, minute du projet d’arrêt.
165.AD Hérault C196 (2), f. 122-123v, lettre de La Vrillière à Bernage, 15 mars 1723. Le duc d’Orléans et le cardinal Dubois s’occupent de cette affaire mais La Vrillière tient le jeune Louis XV au courant en lui faisant voir, par exemple, le mémoire de Bernage (voir AD Hérault C196 (2), f. 132, lettre de La Vrillière à Bernage, 24 mars, 1723).
166.AD Hérault C196 (2), f. 37, « Extrait des registres du Conseil d’Estat ». Voir le registre original aux AN E/2047, f. 61-61v.
167.AD Hérault C196 (2), f. 145v, note ajoutée à la fin d’une copie de l’arrêt du 15 mars 1723. Voir P. Clerc, Dictionnaire de biographie héraultaise, t. II, p. 1893, Pierre Verduron (1655-1731) : « Docteur agrégé à la faculté de droit de Montpellier en 1681, était avocat du roi au présidial, dont il fut fait Conseiller d’Honneur en 1721 ».
168.AD Hérault C196 (2), f. 134-135v, « Conclusion sur la forme de procedure », 5 avril 1723.
169.AD Hérault C196 (2), f. 153v-154v, « Conclusions diffinitives du procureur du roi », 19 avril 1723. Voir la transcription dans A. Peyriat, « Les Multipliants », p. 69-70.
170.L’autre piste que Loys suit dans ses interrogatoires sans beaucoup de succès est celle de la révolte armée ou la révolte fiscale, ce que les accusés rejettent à maintes reprises. Comme Anne Robert le lui explique, quand un sermon parle du besoin d’être « bien armé », il s’agit « des armes de la foi » (AD Hérault C196 (2), f. 380-380v, p. 12-[13], interrogatoire d’Anne Robert, 3 avril 1723). Quand Loys demande si Vesson « n’a pas participé au brulement des eglises et massacre des pretres » à l’époque camisarde, le prédicant nie toute association avec la guerre : « ces rebelles firent tout ce qu’ils purent pour luy faire quitter sa maison et venir avec eux, ce qu’il ne voulait pas faire et qu’on le menassa de le tuer s’il ne venoit point, que dans ce temps-là Rolland l’obligea de venir à une assemblée et le menassa de le tuer le pistolet à la main s’il ne venoit pas » (AD Hérault C196 (2), f. 241v, p. 2, 5e interrogatoire de Jean Vesson, 31 mars 1723). Un amalgame entre Camisards et Multipliants est clairement à éviter.
171.AD Hérault C196 (2), f. 118, version manuscrite de la condamnation du 22 avril 1723. Voir AD Hérault C392, f. 75 pour un bon exemplaire de la version imprimée. L’affiche trouvée dans le dossier C196, marquée au crayon par le numéro 18, est abîmée et incomplète.
172.Voir AD Hérault C196 (2), f. 120 pour les signatures du jury et C392, f. 75, pour leurs noms imprimées : Bernage, Bornier, de Montaigne, Chauvet, Jausserand, Rat, Rosset et Loys (subdélégué, rapporteur). On trouve le jugement partiellement transcrit dans A. Germain, « Nouvelles recherches », p. 473-474, n. 2.
173.AD Hérault C196 (2), f. 93-93v, minute d’une lettre de Bernage à La Vrillière, 23 avril 1723.
174.Le dossier C196 comprend aussi une fiche imprimée de l’ordonnance du 25 février 1703, au milieu de la guerre des Camisards, où le roi donne à l’intendant Basville le droit de raser les maisons où les « Phanatiques » et « autres revoltéz » font des assemblées ou bien de raser les maisons de ceux qui les aident ou leur donnent retraite. Ni Bernage ni Verduron ne font référence à cette ordonnance directement.
175.AD Hérault C196 (2), f. 389-389v, p. 5-6, 5e interrogatoire d’Anne Robert, 7 avril 1723.
176.AD Hérault C196 (1), n° 125, f. 82, « billet d’amour », sans date, paraphé par Vesson et Loys.
177.AD Hérault C196 (2), f. 80v, minute d’une lettre de Bernage à La Vrillière, 16 avril 1723.
178.AD Hérault C196 (2), f. 96v, minute d’une lettre de Bernage à La Vrillière, 23 avril 1723.
179.Benoît Garnot, Crime et justice aux xviie et xviiie siècles, Paris : Imago, 2000, p. 74.
180.L’exécution, dont il n’a pas été possible de trouver une relation, a probablement lieu le jour du jugement, ce qu’on peut en déduire des différentes minutes de lettres envoyées par Bernage le 23 avril 1723 à La Vrillière (AD Hérault C196 (2), f. 93-96v), Le Blanc, secrétaire d’État à la guerre (f. 88-88v), Dodun, contrôleur général (f. 90-91) et au cardinal Dubois (124-124v). Il est clair que Bernage cherche l’approbation de ces dirigeants, et à travers eux, celle du duc d’Orléans et du roi (f. 124v).
181.AD Hérault C196 (2), f. 126-126v, lettre de Jeanne de Beumes, supérieure du couvent Notre-Dame, à Bernage, 24 avril 1723 : « nous avons recu avec bien du plaisir la petite Verchande » (f. 126).
182.AD Hérault C196 (2), f. 87, minute d’une lettre de Bernage à La Vrillière, 3 mai 1723. Selon le texte du jugement du 22 avril, il s’agit de Jacques Bourrely, Pierre Figaret, André Comte (arrêtés dans la maison d’Anne Robert), François Baumès (participant aux assemblées, arrêté après le 6 mars 1723) et François Comte (père des frères Comte, arrêté à Lunel). Bernage y ajoute un sixième homme, Etienne Caulet, condamné cinq mois auparavant pour avoir assisté aux assemblées de Vesson. Comparer P. Rolland, Dictionnaire du Désert huguenot, p. 271. Bernage les envoie à Sète puisque c’est l’itinéraire « à moins de frais » pour rejoindre Marseille. L’opinion publique et aussi l’argent limitaient l’application de la justice. Louis Comte sera condamné à mort comme déserteur (voir AD Hérault C196 (2), f. 233 et 236, « Mémoire pour bailler à M. l’intendant » sur Louis Comte, f. 234-234v, minute d’une lettre de Bernage à Le Blanc, 7 avril 1723 ; et le résumé fourni par P. Rolland, Dictionnaire du Désert huguenot, p. 282). Philippe, le quatrième frère Comte, semble avoir été libéré puisque son nom ne figure pas dans les listes de galériens – voir ci-dessous.
183.AD Hérault C196 (2), f. 87v, minute d’une lettre de Bernage à La Vrillière, 3 mai 1723. Il s’agit des femmes arrêtées à Lunel : Victoire Bourlette, femme de François Comte et mère des frères Comte, avec les deux sœurs Suzanne et Françoise Delort. À ce groupe, Bernage ajoute la prophétesse Isabeau, dite La Vivaraise, arrêtée comme « prédicante fanatique » à Saint-André-de-Valborgne. Voir P. Rolland, Dictionnaire du Désert huguenot, p. 367. Il s’agit d’Isabeau Monier (Mounier), prophétesse pendant la guerre des Camisards sous le nom de Lucrèce Guigoune. Elle fut aussi prisonnière à Carcassonne pendant 7 ou 8 ans. Loubière, Mazaurigue et Monier formeront un trio de prophétesses déterminées à la Tour de Constance.
184.BGE, Ms. Court 30, f. 257v-258, p. 198-199.
185.AD Hérault C196 (2), f. 49, « État des fraix de la procedure » : « A Lacombe pour le charbon qu’il a fourny au corps de garde etably dans la maison de lad[ite] Verchand qui a subsisté depuis le sixieme mars jusques au 10e may ». Il est possible que cette vente se soit passée le 10 mai au départ de la garde, et la destruction de la maison, trois jours après, soit au 13 mai.
186.Il s’agit d’une prière ou de la devise attribuée à saint Antoine de Padoue, franciscain portugais et combattant d’hérétiques en France au xiiie siècle : « Ecce Crucem Domini ! Fugite partes adversae ! Vicit Leo de tribu Juda, Radix David ! Alleluia ! », en français, « Voici la croix du Seigneur ! Fuyez, puissances ennemies ! Le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David, a vaincu ! Alleluia ! » Voir Jean Rigauld, La Vie de Saint Antoine de Padoue, éd. Ferdinand-Marie d’Aurles, Bordeaux et Brive, 1899, p. 154-156, surtout p. 156, n. 1 (gallica.bnf.fr). Voir également les sites http://www.preces-latinae.org et http://www.santantonio.org, consultés le 18.10.2018. Sixte V fit graver cette prière sur l’obélisque de la place Saint-Pierre à Rome.
187.Museon Arlaten (Arles), 2005.0.2763, « Représentation de la maison de la de Verchand », note manuscrite anonyme au verso du dessin, sans date.
188.Voir BGE, Ms. Court 30, f. 258, p. 199 : « Le cher amy Mr. Devez [de La Devèze], dont je recus hier la lettre, me marque que M. de Bernage n’aura pas manqué de me charger d’une inscription pour la croix qu’on doit arborer sur les ruines de la maison de la demlle Verchand. Voicy sur son idée ce que j’ay porté ce matin à cet intendant. Sa simplicité fait son merite. Elle roule sur trois mots du prophete [lesquels ? ]. Regnante / Ludovico XV°. / domus imperiorum eversa est / et / ad peretuam rei memoriam / crux christi / erecta est / 1723. » : « Pendant le règne de Louis XV, la maison fut détruite par son pouvoir et la croix du Christ érigée à la mémoire perpétuelle de cet acte ».
189.AD Hérault C196 (2), f. 150v, lettre de La Vrillière à Bernage, 2 mai 1723.
190.AD Hérault C196 (2) f. 97v-98, minute d’une lettre de Bernage à La Vrillière, 13 juin 1723.
191.AD Hérault C196 (2), f. 159, lettre de La Vrillière à Bernage, 24 juin 1723.
192.Comparer V. Pellegrin, Montpellier la protestante, p. 118-119. Jacob Bonicel, Jean Vesson, Antoine Comte et Marie Blayne sont inscrits au Musée du Désert (Le Mas Soubeyran, Mialet) au tableau des « Prédicants et pasteurs martyrs morts pour la défense de l’Évangile et la liberté ». Grâce aux efforts de M. Pellegrin, les quatre Multipliants ont aussi ajoutés à la stèle, placée devant l’ancienne citadelle, commémorant les pasteurs et prédicants exécutés sur l’esplanade à Montpellier après la révocation de l’édit de Nantes.
193.Selon Marcel Barral, Les Noms de rues à Montpellier du moyen âge à nos jours, Montpellier : Espace-Sud Éditions, 1989, p. 250 et 375, le guide de Flandio, publié en 1778, cite déjà le nom de la rue des Multipliants.
194.C’est probablement au conseiller Pierre de Fizes que la rue doit cette anomalie. Voir AD Hérault C429, f. 17-24, dossier de documents renvoyé à Montpellier par le comte de Saint-Florentin, 3 juillet 1746, surtout un « Mémoire », f. 18-18[ter], [1746], que nous résumons : Après la démolition de la maison d’Anne Robert, Pierre de Fizes se plaint auprès de l’intendant des dommages faits au mur de façade de son immeuble. Bernage envoie l’architecte Desfours pour évaluer les réparations (426 livres). À la fin (20 août 1723), Fizes et Bernage s’accordent sur ce marché : Fizes obtient l’usage des deux caves et de ce qui reste du rez-de-chaussée (valeur estimée à 498 livres) contre un paiement de 72 livres. Fizes « fit ensuite elever sur les surfaces des caves un batiment » (f. 18bis). Alors le malheur d’Anne Robert fait le bonheur de Fizes et on oublie ainsi un article du jugement. Mais ce n’était pas un immeuble complet – il y avait toujours « une irrégularité dans la rue » (f. [18ter]) en 1746. Cette année-là, Fizes fils demande à Saint-Florentin le droit de bâtir sur le lieu ou d’être exempt « d’en payer la taille » (f. 18bisv). Le mémoire offre cet argument : « D’ailleurs, cette sorte de fanatiques improprement appelés Multipliants ne s’est pas reproduite. Et on croit qu’il importe peu de laisser des traces et des vestiges de ce qui se passa en 1722 [1723] » (f. [18ter]). Puisque la rue garde cette irrégularité, on peut penser que Saint-Florentin a pris en compte les vœux de Bernage, qui demeurent bizarrement respectés jusqu’à nos jours.
195.A. Chamson, La Tour de Constance, p. 78 : « – Après le triomphe des persécuteurs, reprit Anne Verchand, je me suis mariée avec un marchand de Montpellier qui m’a bientôt laissée veuve avec un peu de bien et une grande maison, près le Puits du Temple. J’ai vécu là, en réglant toutes mes maximes de vie sur l’enseignement des Ecritures, mais ce n’était pas assez pour servir Dieu comme il doit l’être. Le Seigneur ne laissait pas mon âme en repos, et je n’arrêtais pas de rechercher sa présence ». Et p. 99 : « – Pourquoi nous dresser les unes contre les autres ? murmura la veuve Verchand en se mettant à genoux. Il va nous falloir nous supporter pendant des années… Prions que la grâce nous soit donnée de pouvoir vivre ensemble. »
196.Ibid., p. 272 et Ch. Bost, Les Martyrs d’Aigues-Mortes, Appendice III, p. 139. Comparer BGE, Comité genevois pour le protestantisme français, C.F. 6, f. 8, « Coppie figurative du mémoire qu’on a mandé des prisonnnieres qui sont à la tour de Constance », dans une lettre anonyne à M. P[ictet ? ], 8 juin, [1736], où on voit les noms de Bourlette, Loubière et Gaussent – mais Anne Robert, veuve de Verchand, n’y figure pas.
197.AD Hérault C392, f. 72, copie d’une lettre du comte de Saint-Florentin à Bernage, 30 novembre 1739, par laquelle il envoie l’arrêt à l’intendant.
198.AD Hérault C392, f. 71, « Extrait des registres du Conel d’État », signé Phélypeaux [comte de Saint-Florentin], copie manuscrite, 13 novembre, 1739.
199.Voir le résumé dans G. E. Falguerolles, « La Tour de Constance », p. 242 et l’ensemble de documents sur Marguerite Verchand, AD Hérault C392, f. 64-105.
200.Selon les notices de P. Rolland, Dictionnaire du Désert huguenot : Victoire Bourlette est toujours enfermée en 1751 (p. 257) ; Suzanne Loubière meurt à la Tour le 30 juin 1745 (p. 347) ; Jeanne Mazaurigue, est conduite à la Tour, mais il n’y a aucune trace de son séjour (p. 360) ; Suzanne et Françoise Delort sont libérées de la Tour après quelques mois (p. 292) ou quelques années, selon G. E. Falguerolles, « La Tour de Constance », p. 240.
201.Voici les dates de leurs décès selon Gaston Tournier, Les galères de France et les galériens protestants des xviie et xviiie siècles, Montpellier : Les Presses du Languedoc, 1984, p. 183-185 : Bourrely (1er janvier 1727) ; Figaret (24 février 1726) ; André Comte (13 février 1730) et F. Comte (19 octobre 1741). François Baumès est libéré le 24 novembre 1729 à condition de quitter le royaume. À Londres, Baumès retrouvera Benjamin Du Plan ; ils assisteront comme témoins aux mêmes mariages. Voir William Minet et Susan Minet (éd.), Register of the Church of Rider Court, 1700-1738, London : Publications of The Huguenot Society of London, vol. 30 ; Frome : Butler and Tanner, 1927, p. 44 : mariage du 3 mars 1747 entre Pierre Morisset et Catherine Baumès ; et William Minet et Susan Minet (éd.), Registers of the Churches of the Tabernacle Glasshouse Street and Leicester Fields, 1688-1783, Publications of The Huguenot Society of London, vol. 29, Frome : Butler and Tanner, 1926, p. 164 : mariage du 23 février 1747/8 entre Dominick Rose et Elizabeth Baumès.
202.Vers 1720, Antoine Court écrit un sermon sur Apocalypse 3, 20 où la peste de Marseille est interprétée comme un signe de la colère de Dieu contre la maladie spirituelle parmi les protestants. Voir notre article, « Une épée à deux tranchants : prédication et politique dans quelques sermons d’Antoine Court 1718-1729 », Entre Désert et Europe, le pasteur Antoine Court (1695-1760). Actes du colloque de Nîmes (3-4 novembre 1996), réunis par Hubert Bost et Claude Lauriol, Paris : Champion, 1998, p. 118-121.
203.Voir Pierre Corteiz, Mémoires et lettres inédites, Mende : Société des Lettres, Artes et Sciences de la Lozère, 1983.
204.BGE, Ms. Court, 17G, f. 26, f. 51, lettre de Corteiz, Rouvière et Roux à Isabeau Corteiz, 12 mars 1723.
205.Ibid., « Donnés un second batepme, le faisant aministrer par l’anfant de Boureille [Jacques Bourelly], veuve de feu metre Bourel [Marie Blayne], chapelier sy-devant à Grand Galargues – ne ce [n’est-ce] pas abandonner entierement les regles evangeligues ? » (f. 26v, p. 52). Cette lettre est partiellement transcrite dans P. Corteiz, Mémoires et lettres inédites, p. 146.