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Frédéric Rognon, Charles Gide, Éthique protestante et solidarité économique

Lyon : Olivétan, 2016, 166 p.

Entre le capitalisme sans frein et le socialisme collectiviste, Charles Gide a ouvert une troisième voie dont on reparle aujourd’hui sous le nom d’« économie sociale et solidaire ». Charles Gide (1847-1932) est à l’origine de ce courant qu’il appelait le solidarisme, mot qui sera repris par un autre apôtre de ce mouvement, Léon Bourgeois. La nuance entre les deux vient de ce que Gide tient à souligner les affinités entre la solidarité et la morale évangélique.

Deux influences, en effet, sont à l’origine de sa pensée : celle de Charles Fourier et l’Évangile. De Charles Fourier, Gide sépare bien les aspects fantaisistes, délirants parfois, ainsi que l’immoralisme, de ce qu’il a gardé comme fécond : la coopération, celle des producteurs, et celle des consommateurs. Il ne peut accepter chez Fourier la notion de « travail attrayant » si contraire à l’éthique biblique pour qui le travail est une charge et une responsabilité de l’homme sur terre. Le travail est une obligation sociale. Charles Gide n’a jamais renié cette adhésion aux idées de Fourier, mais il l’a relu à l’aune de ses valeurs protestantes.

Agrégé de droit, professeur d’économie à Montpellier puis à Paris, il rencontre le protestant Edouard de Boyve et le fouriériste Auguste Fabre, et ensemble ils créent l’École de Nîmes, le courant coopératif protestant, fondateur de « Solidarité », future Université populaire. En 1886, Charles Gide débute des conférences de vulgarisation de ces idées en même temps qu’est lancée la revue L’Émancipation. Pour lutter contre l’injustice sociale qui lui est insupportable, il prône l’« Association » comme remède aux fléaux sociaux, via les coopératives de consommation. De 1886 à sa mort, Gide écrira 840 articles dans cette revue. Joignant la parole à l’écrit, par ses conférences partout, il est le « héraut de la coopération » et du solidarisme, c’est-à-dire de la responsabilité de chaque individu vis-à-vis de la société, mais aussi de toute la Création. Cela le conduit à prendre la défense des animaux et adopter une attitude pacifiste pendant la Grande Guerre. En 1888, il a participé à la naissance du mouvement du christianisme social sous le nom de l’APEPQS (Association protestante pour l’étude pratique des questions sociales), destinée à faire la jonction avec les pasteurs sensibles aux questions sociales. Gide, d’ailleurs, présente un rapport : « Du rôle pratique du pasteur dans les questions sociales ». La revue qui est alors fondée prend le nom, en 1896, de Revue du christianisme social. La contribution de Gide au christianisme social est à la fois dans l’apport théorique et dans l’engagement personnel. Mais il ne se limite pas là et ses engagements sont aussi académiques, pacifistes, dreyfusards, éducatifs et associatifs. Jusqu’à sa mort, il a gardé intacte sa foi pour l’idéal coopératif qu’il n’a cessé de propager par l’écrit et le verbe.

Gabrielle Cadier-Rey