Jean CALVIN Commentaire du Traité de la clémence de Sénèque. Traduction et édition critique par Pierre Ferrand et Pierre-Yves Quiviger
Paris : Classiques Garnier (Bibliothèque de a pensée juridique, 8), 2017, 539 p.
Premier livre de Calvin, ce Commentaire du Traité de la clémence de Sénèque, publié en 1532, n’est pas inconnu des biographes de Calvin qui le mentionnent tous et, souvent, le commentent brièvement, mais il n’a pas suscité beaucoup d’intérêt. La première raison est qu’il est paru en latin et n’a jamais été traduit en français ; on a donc ici la toute première édition française du traité, près de cinquante ans après sa traduction anglaise, par Hugo et Battles, qui en ont fait l’édition critique de référence. Une autre raison est qu’il n’est guère question de théologie, mais plutôt de droit, de philosophie morale, d’érudition humaniste, d’éducation politique (le Traité de la clémence peut passer pour un « miroir du prince »). Les idées ultérieures de Calvin, le réformateur Calvin, n’apparaissent pas. Les éditeurs du texte en font, avec raison, non un jalon dans l’histoire du protestantisme, mais un témoin de l’humanisme juridique français des années 1530. Leur introduction, assez brève, le situent bien dans la trajectoire d’un jeune étudiant en droit des universités de Bourges et d’Orléans, mais aussi d’un humaniste ambitieux qui relève le défi d’Érasme, éditeur des œuvres de Sénèque insatisfait de son travail et réservé envers le philosophe grec. Calvin entend donner la meilleure édition possible du De clementia, tout en défendant le style et la philosophie de Sénèque contre le prince des humanistes. C’est pour lui, en dehors de son attrait personnel pour ce texte, une manière de se positionner et de se donner une légitimité dans le monde humaniste, lui qui n’a encore que 23 ans. Il commente le texte paragraphe par paragraphe, en s’efforçant d’éclairer toutes les allusions, en éclairant l’arrière-plan du texte et en cherchant à dégager de sa pensée ce qui a toujours de l’intérêt à son époque. Il en profite pour montrer l’étendue de son érudition – qui n’est pas sans faille, avait remarqué en 1982 Jean Carbonnier, cité dans l’introduction. Le commentaire de Calvin semble d’ailleurs n’avoir eu un succès que très modeste et il ne lui a permis que d’être médiocrement apprécié des humanistes. Mais il a été l’occasion de faire ses armes en philologie, de réfléchir au couple droit-humanités, de développer des idées sur une bonne pratique du droit pour les princes.
Cette édition du Commentaire donne le texte latin avec sa traduction en regard. Les notes sont assez peu abondantes, mais suffisantes pour éclairer le texte. On dispose ainsi d’un ouvrage qui va permettre de mieux comprendre la jeunesse de Calvin et de ne pas le réduire au réformateur qu’il deviendra par la suite.
Yves Krumenacker