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Un « moment protestant » de l’Institut de France :

le concours sur la Réformation de 1802

Michèle Moulin (Sacquin)

Conservateur général, Bibliothèque de l’Institut de France

Introduction

Si durant un des siècles qui ont précédé le seizième, alors qu’aucune barrière ne s’était encore élevée contre la suprématie des Pontifes romains, une assemblée savante eut voulu peser les résultats d’un schisme, d’une opinion contraire à celle de Rome, la question sans doute, eût été conçue ainsi : « Quels sont les maux et les scandales dont l’Église a été affligée à l’occasion de telle doctrine impie et pernicieuse ? » – Aujourd’hui que plusieurs nations respectables se sont séparées de l’Église romaine, que les relations intimes qui unissent entr’eux tous les européens ont habitué les chrétiens sectateurs de Rome à voir dans les autres des gens aussi vertueux, aussi policés, aussi éclairés qu’eux, la question doit s’énoncer d’une autre manière. Une assemblée de philosophes, au milieu de la France rendue au catholicisme, propose : « de fixer l’influence de la réformation de Luther sur l’état de la société européenne, sur le progrès des lumières. » Ce grand changement dans le langage en suppose un grand dans les opinions ; et sous ce point de vue, on pourrait dire que la question se répond à elle-même1.

Ainsi s’exprime le lauréat du concours proposé en avril 1802 par l’Institut national de France : « Quelle a été l’influence de la Réformation de Luther sur la situation politique des différents États de l’Europe et le progrès des Lumières ». De tous les concours proposés par l’Institut depuis sa création en 1795, celui-ci est sans nul doute celui qui a provoqué le plus de débats et qui a eu le plus d’écho en Europe. Parfaitement inédit, le sujet n’a rien d’anodin au moment de la signature du Concordat et la Classe des sciences morales et politiques sait ce qu’elle fait en posant une question qui ne pouvait que déplaire à Bonaparte. La Classe des sciences morales est supprimée en janvier 1803. La sélection, en avril suivant, d’un texte qui affirme que les pays ayant embrassé la Réforme ont connu un développement politique, économique et culturel bien supérieur à celui des pays demeurés catholiques, apparaît comme une provocation supplémentaire. Publié, le livre de Villers, est aussitôt encensé et traduit dans les pays protestants et le jeune James Mill, son interprète anglais peut écrire :

When the question which gave occasion to this work was first proposed by the National Institute of France, it particularly attracted the attention of the translator. In a Catholic country, the approbation of Catholicism has in general implied the belief that everything opposed to Catholicism is full only of evil2.

L’Europe s’interroge alors sur l’avenir confessionnel de la France. Mill semble penser qu’en 1801, l’opinion française, détachée du catholicisme par la Révolution, est devenue favorable au protestantisme. Elle lui est certainement moins hostile depuis Voltaire et la Révolution a achevé un processus d’émancipation commencé timidement sous Louis XVI avec l’« édit de tolérance » de 1787. En 1800, l’éditeur bernois Heinzman avait écrit dans un récit d’un voyage fait à Paris pendant l’été 1798 :

J’ai remarqué chez nombre de braves Français qu’ils sont parvenus en effet au point d’estimer les Protestants pour avoir aboli le Catholicisme longtemps avant eux. Ils croient que si la Réformation de l’Église de France commencée dans le siècle passé n’eût pas été supprimée par la force, la révolution actuelle n’aurait pas eu lieu, ni les horreurs exercées contre les Protestants sous Louis XIV […]. Aussi les Français Républicains estiment les Protestants, et leur attribuent la première victoire de la lumière sur les ténèbres. Le vrai révolutionnaire, l’homme de bon sens en France, est l’ami des Protestants3.

Les Français rencontrés par Heinzmann étaient surtout des militaires, et lui-même affichait depuis l’occupation de Berne des convictions révolutionnaires toute fraîches (son antipapisme en revanche était plus ancien). Plus sérieusement, après le coup d’État du 22 floréal an VI (11 mai 1798), Germaine de Staël rédige « Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution et des principes qui doivent fonder la République en France »4, conseillant dans le chapitre « des religions » d’adopter le protestantisme comme religion d’État de préférence à la théophilanthropie, tout en maintenant la liberté des cultes mais en excluant le catholicisme qu’elle juge incompatible avec la République. Par ailleurs, la Décade philosophique et littéraire, dont le directeur est Jean-Baptiste Say5, publie de nombreux articles favorables au protestantisme. Ces textes ont cependant une audience limitée, même s’ils ont un écho certain à l’Institut. Le « parti catholique » se reconstitue alors et va bientôt trouver un chantre inégalé en la personne de Chateaubriand, soutenu, au sein même de l’Institut, par son ami Fontanes. Il devient de plus en plus évident que Bonaparte restera catholique et la France avec lui jusqu’à ce que la signature du Concordat balaie les derniers espoirs des laudateurs de la Réforme. Dans ce contexte, la mise au concours de ce sujet qui conteste ouvertement la politique consulaire est un acte politique dont la portée est aussitôt comprise6.

La Classe des sciences morales et politiques de l’Institut

Le 15 octobre 17957, au terme de longues discussions et après présentation de plusieurs projets, la convention thermidorienne crée l’« Institut national des sciences et des arts » en remplacement des anciennes académies royales supprimées en 1793 par les jacobins. Rédigé par Daunou, l’article 298 de la Constitution de l’an III qui établit le Directoire précise : « Il y a pour toute la République un Institut national chargé de recueillir les découvertes, de perfectionner les arts et les sciences ». La loi du 4 avril 1796 en établit le règlement et la séance d’inauguration a lieu le même jour. L’Institut se compose alors de trois classes : sciences physiques et mathématiques, sciences morales et politiques, littérature et beaux-arts. Chacune de ces classes est divisée en sections – six pour la deuxième Classe8 – composées de six membres parisiens résidant et de six membres non résidant auxquels il faut ajouter huit associés étrangers. La deuxième Classe a un effectif plus réduit que les deux autres : trente-six membres seulement contre soixante-douze pour la Classe des sciences et quatre-vingt-seize pour la Classe de littérature et beaux-arts. Elle n’en demeure pas moins la plus représentative de son époque. Reliant le savoir à la politique, dans l’esprit des Lumières et dans la continuité de l’entreprise encyclopédique, elle constitue une véritable nouveauté contrairement aux deux autres classes dans lesquelles il est aisé de retrouver les anciennes académies. Contrairement à une idée répandue, le groupe, que Bonaparte stigmatisa sous l’appellation d’« idéologues » est loin d’être majoritaire avec onze membres seulement9. Il est surtout présent dans la section d’analyse des idées. Or celle-ci n’est pas la plus active. Sur quatre cent cinquante-trois mémoires lus, elle n’en produit que trente-trois, loin derrière la section d’histoire qui en présente cent quatre-vingt-sept10. La cohésion de ce groupe et son influence peuvent cependant le faire paraître plus important qu’il ne l’est dans les faits. Les idéologues, qui se réunissent jusqu’en 1800, date de sa mort, chez la veuve d’Helvétius à Auteuil et chez Sophie de Condorcet, belle-sœur de Cabanis, disposent d’une tribune efficace avec la Décade philosophique et littéraire. Ce périodique novateur a vu le jour au début de 1794. Chamfort et Ginguené proposent alors à Jean-Baptiste Say, rencontré chez Mirabeau, de fonder un périodique décadaire, à la fois journal savant et revue d’actualité. Le premier numéro paraît le 10 floréal an II (29 avril 1794). C’est un recueil de soixante-quatre pages intitulé La Décade philosophique et littéraire, journal républicain dont le sous-titre deviendra après le 9 thermidor « par une société de gens de lettres ». On est alors en pleine terreur jacobine et Chamfort est mort depuis seize jours. Ginguené sera emprisonné du 3 mai au 10 août. Le contrat est signé par Say, Ginguené, Amaury Duval, Andrieux, Le Breton et Toscan, bibliothécaire du Muséum national d’histoire naturelle. Quatre des six signataires – mais pas Jean-Baptiste Say – seront membres de l’Institut11. Say, Andrieux, Ginguené et Le Breton seront membres du Tribunat12. La Décade philosophique et littéraire dont Say est, dans les faits, le seul rédacteur en chef, est pratiquement l’organe officieux de l’Institut, publiant des articles de ses membres ainsi que les comptes rendus des séances13.

Le concours de l’an X

Dans la tradition des académies d’Ancien Régime, chaque section de chaque classe propose régulièrement un concours sur un sujet donné14. Ainsi, le 15 messidor an V (3 juillet 1797), la section d’histoire avait proposé le sujet suivant : « Rechercher et observer l’esprit public en France de François Ier à la convocation des états-généraux de 1789 ». L’intitulé du concours est transformé en l’an VII, faute de candidats, et devient : « Quelles ont été les causes du développement de l’esprit de liberté en France de François Ier à 1789 ? » Le 12 ventôse an X (3 mars 1802), cette section discute sept sujets de prix15. C’est le cinquième qui est retenu. Il s’intitule « Quelle a été l’influence de la Réformation de Luther sur la situation politique des différents États de l’Europe et sur le progrès des Lumières ? » Sur les sept sujets proposés, deux portaient sur l’Antiquité, deux sur le Moyen Âge et deux sur l’époque moderne et plus précisément sur le xvie siècle (« Quel était l’état des sciences et des arts sous François Ier ? » et « Quel changement la découverte de l’Amérique a-t-elle apporté à l’état des mœurs en Europe ? »). La section d’histoire, bien qu’ayant réintégré un nombre non négligeable des érudits de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, n’en pose pas moins les bases d’une histoire philosophique nouvelle, proche de celle que défendait déjà l’École écossaise – William Robertson en particulier – et les historiens de l’université de Göttingen. Cette nouvelle Clio accorde à l’histoire comparée des nations européennes une place privilégiée et dédaigne d’autant moins l’histoire contemporaine que les grandes questions de l’époque sont au centre de ses préoccupations. Elle rejoint sur ce point l’autre grande revue de l’époque, le Magasin encyclopédique de Millin16, qui, comme la Décade mais avec une optique plus conservatrice, rend compte des travaux de l’Institut17.

Le choix du sujet sur la Réformation s’inscrit résolument dans l’actualité : le 15 juillet 1801, l’accord définitif sur un concordat avait été conclu entre Joseph Bonaparte et le cardinal Consalvi. Ratifié par Pie VII le 15 août et par Bonaparte le 8 septembre, ce traité ne devient effectif en France qu’après son adoption, le 18 germinal an X (8 avril 1802), par le Corps législatif et par le Tribunat récemment épuré18. Le sujet retenu est mis au concours un mois plus tard le 5 avril 1802, le jour même où Portalis présente devant un Corps législatif docile le projet qui sera signé par le premier consul et le pape, le 8 avril. La Décade annonce le concours sur Luther dans le numéro du 20 germinal an X (10 avril 1802) dans lequel est publié le texte du Concordat. Le 14 avril, l’éditeur Migneret met en vente le Génie du christianisme ou Beautés de la religion chrétienne attendu impatiemment après le succès d’Atala qui a révélé Chateaubriand. Fontanes en fait l’éloge dans le Mercure de France cependant que la Décade publie un compte rendu très critique. Enfin le 18 avril, jour de Pâques, le cortège consulaire s’achemine solennellement vers Notre-Dame pour sceller le grand acte de réconciliation avec l’Église catholique. La Décade annonce le concours sur Luther dans le numéro du 20 germinal an X (où est publié le texte du Concordat) cependant que Fontanes fait dans le Mercure de France l’éloge du Génie du christianisme, vivement attaqué dans la Décade. La bataille d’opinion fait rage et le concours sur l’influence de la Réformation en est un épisode important. La majorité de la Classe des sciences morales est hostile ou indifférente au catholicisme. Parmi les membres de la section d’histoire, on trouve l’ancien jésuite et très anticlérical Legrand d’Aussy ainsi que le luthérien Christophe-Guillaume Koch19 de Strasbourg. Lévèque20, qui est catholique, n’en rationalise pas moins la vocation de Jeanne d’Arc dans son Histoire des Valois ; Anquetil-Duperron est, avec l’historien de la Provence, Jean-Pierre Papon, le seul « papiste » : il avait publié en 1767 une justification de la Révocation, arguant que deux religions ne pouvaient coexister dans le même pays.

Cette démarche provocatrice a joué un rôle non négligeable dans la décision prise par Bonaparte de réformer l’Institut en supprimant, le 23 janvier 180321, la Classe des sciences morales et politiques dont les membres sont répartis dans les quatre nouvelles classes. Cinq jours plus tard, l’artisan du Concordat et des articles organiques, le juriste gallican Jean-Etienne Marie Portalis, est élu non dans la troisième Classe d’histoire et de littérature ancienne comme on aurait pu s’y attendre, mais dans la deuxième Classe de langue et de littérature française. Le prix – une médaille d’or de cinq hectogrammes – qui aurait dû remis par la Classe des sciences morales dans la séance du 15 messidor an XI (4 juillet 1803), est alors proclamé par la nouvelle troisième Classe dans la séance du 2 germinal an XII (23 mars 1804), deux jours après la promulgation du Code civil. Le 18 mai Napoléon est proclamé empereur. La Classe d’histoire et de littérature ancienne, qui n’est pas divisée en sections, se compose de quarante membres, huit associés étrangers et soixante correspondants (les anciens « membres non résidant »). Parmi les membres étrangers on trouve Christian Gottlob Heyne de Göttingen, Plusieurs membres correspondants sont protestants : Prévost et Sennebier de Genève, Koch, Jean Schweighauser22 et Oberlin23 tous de Strasbourg24.

Les huit « commissaires » sont désignés dans la séance du 25 germinal an XI (15 avril 1803) en même temps qu’est annoncée la clôture du concours. Ce sont Toulongeon25, Pastoret26, Garran-Coulon27, Lévesque, le protestant Bitaubé28, Silvestre de Sacy29, Camus30 et La Porte du Theil31. Tous n’ont pas appartenu pas à la Classe des sciences morales. À l’exception de Camus, ce sont des conservateurs modérés et aucun idéologue ne figure parmi eux. Il n’en demeure pas moins que six candidats sur sept ont fait l’éloge de la Réforme et Louis de Bonald s’en étonnera plus tard. Seul Maleville, qui obtient diplomatiquement le deuxième prix, est favorable au catholicisme. Les rapports des commissaires, s’ils ont existé sous forme écrite, n’ont pas été conservés. Les manuscrits, numérotés par ordre d’arrivée, se trouvent aux Archives de l’Institut de France. S’ils portent les noms des commissaires qui les ont lus, ils ne sont pas annotés. Une enveloppe cachetée contenant le nom de l’auteur accompagne chacun d’entre eux : elle sera ouverte après la décision du jury.

Le premier manuscrit est rédigé en allemand. Dans la séance du 26 messidor an XII (15 juillet 1804) est signalé l’envoi par l’éditeur Treuttel et Wurtz de la traduction du « Mémoire en allemand sur Luther ». La date portée sur la page de titre signale qu’il a été reçu le 25 frimaire an XI (16 décembre 1802) et est accompagné de la traduction et d’une lettre de l’éditeur du 23 messidor an XI (12 juillet 1803) mentionnant le nom du traducteur, un « homme de lettres » nommé Loss rétribué cent quatre-vingt-douze livres par l’Institut. Cette dépense paraît excessive et, dans la séance du 25 germinal an XI (15 avril 1803), il est décidé qu’on n’admettra plus que des mémoires en français ou en latin pour les concours à venir. L’original allemand n’est pas paginé, replié et cacheté le dernier feuillet contient des vers et la signature « Schlegel ». Le manuscrit traduit, de cinquante-deux feuillets, porte le texte allemand sur la page de gauche et la traduction française en regard sur celle de droite. Après une brève évocation des abus de la papauté et de l’histoire de la Réforme, de Huss aux quatre-vingt-quinze thèses de Luther, l’auteur passe aux « effets bienfaisants qui sont résultés de la Réformation ». Il insiste sur la nécessaire soumission à l’autorité civile en se référant à l’Epître aux Romains et termine par un parallèle flatteur entre Luther et Bonaparte.

Le mémoire n° 2 porte en épigraphe deux citations : l’une est tirée de la préface de l’Esprit des lois : « Je n’écris point pour censurer ce qui a été établi dans quelque pays que ce soit » ; et l’autre de Mirabeau : « La religion est un des plus grands ressorts des institutions sociales32. Il s’achève sur cette affirmation :

Si la Réformation de Luther a fait quelques biens à certains peuples, que de maux n’a-t-elle causé au plus grand nombre ; et combien de pays même les plus favorisés, n’ont-ils pas eu d’abord à en souffrir ! Ainsi au milieu de résultats si compliqués, se trouve confirmée néanmoins la justesse d’une pensée commune aux plus illustres philosophes, savoir que rien n’est plus dangereux que de porter atteinte à une religion ancienne et dominante parce que cette religion est toujours liée plus ou moins aux mœurs, aux lois, à la constitution des États qui la suivent.

Son auteur est Pierre Joseph, marquis de Maleville33. Ce texte, le seul qui soit favorable au catholicisme, est publié sous le titre Discours sur l’influence de la réformation de Luther : ouvrage dont il a été fait mention honorable dans la dernière séance publique de l’Institut national34.

L’auteur du mémoire n° 3 est Frédéric Des Cotes, pasteur de l’Église française réformée de Kirchheim-Polanden et prédicateur de la cour du prince de Nassau Weilbourg à Hanau. Il s’intitule « L’accord parfait des sciences morales et politiques avec la religion chrétienne ou Réponse à cette question proposée pour sujet de prix le 10 germinal de l’an X de la République française par la Classe des Sciences morales et politiques ». C’est le manuscrit le plus long avec cent-soixante et une pages contre cent-trente-deux pour celui de Villers. Il porte en épigraphe : « Sanabilibus agrotamus malis, Sen. » Cette citation, tirée du De Ira (livre II, chapitre XIII) de Sénèque avait été utilisée par Rousseau dans une version plus complète, et assortie d’une traduction, en tête de l’Émile : « Non, ce n’est pas une maladie incurable ; la nature, qui nous a fait naître pour la vertu, secondera nos efforts si nous voulons nous réformer. » L’hommage de Des Cotes est sans doute destiné davantage à Rousseau qu’à Sénèque. Son exposé s’ouvre sur un éloge vibrant de Bonaparte, « le Pacificateur universel à jamais ». Prétendant voir dans le sujet proposé un moyen de faire s’accorder les « raisons particulières » avec la « raison publique », il écrit :

C’est là sans doute, le grand et le principal objet, que l’Institut National, de concert avec le gouvernement consulaire, s’est proposé, en proposant comme sujet de prix la question de la réformation de Luther…

Il voit donc, ou feint de voir, dans le concours un adjuvant au Concordat. Il se place ensuite, comme le laisse entendre l’usage des termes raison privée et raison publique, sous le patronage de Kant, reprenant sa définition des Lumières et usant largement de « De la religion dans les limites de la simple raison » rédigé dix ans plus tôt. Anhistorique et philosophique, le texte du pasteur Des Cotes était hors sujet et ne retint pas l’attention du jury.

Le mémoire n° 4 est de Jean-Jacques Leuliette35. Il s’achève par un « Coup d’œil sur l’État de l’Europe jusqu’au seizième siècle et sur les changements qui sont survenus depuis cette époque ». Reçu le 12 germinal an XI (2 avril 1803), le manuscrit de quarante-trois pages, calligraphié avec soin et dépourvu de ratures, porte en épigraphe une citation tirée de l’Introduction à l’Histoire de Charles Quint de Robertson :

In passing judgement upon the caracters [sic] of men, we ought to try them by the principles and maxims of their own age, not by those of another for although virtue and vice are at all times the same manners and custom vary continually36.

L’influence de l’historien écossais est sensible dans le manuscrit qui contient un éloge de l’Amérique des pères fondateurs et une comparaison entre l’Amérique du Sud catholique et l’Amérique du Nord protestante. Leuliette est le plus anticlérical de tous les candidats. Sa préface est un éloge de la tolérance et une attaque en règle contre le catholicisme : « Malgré les efforts d’une secte qui travaille à faire rétrograder l’esprit humain, il n’est pas possible que la raison s’éclipse37. » Très favorable au protestantisme, il prend acte des conquêtes révolutionnaires pour affirmer avec aplomb : « Les religions réformées forment aujourd’hui la base de la croyance de 8 millions de Français38. »

Le texte est publié en 180439 et Villers le reproduit dans l’édition de 1808 de son propre Essai. Un compte rendu élogieux paraît dans la Décade du 12 octobre 1804. Leuliette concourut par la suite pour un prix sur « les circonstances qui ont amené l’abolition de l’esclavage en Europe » ; le prix fut retiré mais le texte de Leuliette édité40.

Le mémoire n° 5 est un texte calligraphié avec application de dix-huit pages, passablement médiocre et très antipapiste portant en épitaphe : « Incedo per ignes », autre citation utilisée par Rousseau dans l’Émile41. Joint au manuscrit, le billet cacheté contenant le nom et l’adresse de l’auteur a été conservé et nous indique qu’il s’agit d’un certain B. B. Maison rue de la Poterie, n°10. B. B. Maison est signalé dans le catalogue de la BnF comme l’auteur d’une Ode sur les bienfaits qui ont signalé le passage de S. M. l’Empereur et roi dans la ville de Montauban en 180842 qui fut tirée à cinq cent exemplaires d’après la Bibliographie de l’Empire. Il ne semble rien avoir publié d’autre.

Le mémoire n° 6 est l’œuvre de Nicolas Ponce43, polygraphe habitué des concours de l’Institut qui, en l’an IX, avait remporté le prix d’histoire pour le meilleur mémoire sur cette question : « Par quelles causes l’esprit de liberté s’est-il développé en France depuis François Ier jusqu’en 1789 ? ». Son texte avait été imprimé par Baudoin pour l’Institut et la Décade en avait publié un compte rendu élogieux signé par Michel de Cubières44. Cubières reprochait cependant à Ponce d’avoir mis en tête la renaissance des lettres sous François Ier, en faisant une vive critique du souverain, ainsi que l’abaissement de la féodalité par Richelieu, « des amis de la liberté [les protestants qui ne sont pas nommés] ont pu en être victimes ». Pour Cubières, les seules causes à retenir étaient la Réforme, la révolution anglaise (Cromwell est pour lui un « génie ») et la révolution américaine. Ponce avait aussi concouru pour un sujet portant sur les emprunts publics45. Son essai sur la Réformation est classiquement divisé en trois parties : « De l’État de l’Europe avant la Réformation », « De la Réformation et de son influence politique » et « De l’influence de la Réformation sur le progrès des Lumières ». Son histoire des guerres de Religion est très favorable à la Réforme, mais c’est en Angleterre et dans la Révolution de 1688 qu’il cherche un modèle. L’ouvrage fut édité deux fois sous l’Empire, une première fois en 1804 et une seconde fois en 1808 comme celui de Villers46. En exergue du manuscrit figure une citation de la Henriade de Voltaire47 remplacée dans l’édition de 1808 par un extrait d’Adam Smith :

On peut regarder la constitution de l’Église romaine pendant les dix, onze, douze et treizième siècles et quelques temps encore avant et après, comme la conspiration la plus terrible qui ait jamais été formée contre le gouvernement civil, aussi bien que contre la liberté, contre la raison et contre le bonheur du genre humain48.

Le texte se termine par cette affirmation propitiatoire : « Le concordat tel qu’il a été conclu entre le premier Consul de la République française et le Pontife de Rome, est sans contredit le dernier coup porté à l’ambition des papes. »

L’Essai de Villers est le dernier manuscrit déposé à l’Institut par l’entremise de Charles-Frédéric Reinhard, membre de la section de géographie de la deuxième Classe49, le 8 avril 1803 (18 germinal an XI)50. Ambassadeur à Hambourg et membre de l’Académie des Sciences de Göttingen, Reinhard était un correspondant de Goethe. Il avait apporté également un livre de l’historien Arnold Hermann Ludwig Heeren, lui aussi professeur à Göttingen : « Développement des suites politiques qu’a eu la réformation pour l’Europe »51. Heeren avait songé à concourir pour le prix de l’Institut et s’en était ouvert en décembre 1802 à Villers, ce dernier lui avait alors proposé de s’effacer mais Heeren, qui préférait se consacrer à l’histoire du monde antique, avait élégamment renoncé à sa candidature, allant jusqu’à communiquer le manuscrit de son livre à son confrère52. S’il faut en croire Villers, l’historien August Luwig von Schlötzer et le théologien Heinrich Eberhard Gottlob Paulus lui apportèrent également leur soutien53.

L’introduction s’ouvre sur un vibrant hommage à l’Institut pour le sujet choisi et un éloge de la France, pays de la liberté d’expression :

L’Institut a donc été animé du vrai génie de l’histoire, en provoquant la solution du problème qu’il a si bien posé. Il est glorieux pour tout écrivain d’avoir à traiter devant un semblable tribunal de la religion et de la politique, ces deux points cardinaux de la vie humaine.

Villers expose ensuite sa méthode historique : l’événement qu’est la Réformation doit être replacé dans son contexte, il est un élément d’une chaîne qui va de la cause première (« C’est sur cette pente glissante que se perd la métaphysique ») à l’effet ultime décrit comme « un âge d’or de la moralité », « un ordre de choses plus juste, plus humain, où les droits de chacun soient plus assurés, et où ces droits soient également répartis ». Récusant tout pessimisme, il discerne dans l’histoire de l’humanité une courbe ascendante vers le progrès en dépit de fléchissements circonstanciels : « jusqu’à nous les hommes ont gagné du terrain, il est croyable que nos successeurs en gagneront aussi ». L’histoire téléologique, humaniste et européenne de Villers ressemble beaucoup à celle de Kant, son maître à penser et son principal sujet d’étude. On y retrouve l’Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, essai publié en 1784, que Villers a traduit en 1798 pour le Spectateur du Nord54. La première partie de l’essai est consacrée à une histoire de la Réformation centrée sur la Réforme luthérienne. Villers en étudie les causes, expose les événements qui l’ont précédée et présente la civilisation européenne au début du seizième siècle, sur le plan politique, religieux et littéraire. La Réforme est présentée comme un retour aux sources du christianisme, c’est-à-dire que, d’emblée, Villers adopte le point de vue protestant :

Tout était confondu et altéré : il fallait une réformation, un rappel de l’esprit primitif, une simplification de la forme extérieure. Cette réformation s’opéra au seizième siècle dans une partie de l’Occident et on la désigne par le nom de Luther qui en a été le courageux et principal moteur.

La seconde partie étudie l’évolution politique, économique et culturelle des nations européennes en relation avec leur situation confessionnelle et l’on y trouve déjà, avant Quinet et avant Max Weber, le postulat de la supériorité des nations protestantes sur les nations catholiques55.

Les résultats du concours sont proclamés dans la séance du 11 ventôse an XII (2 mars 1804) : le mémoire n° 7 a recueilli la majorité des suffrages. Le « billet cacheté » est ouvert et révèle le nom de Villers que le secrétaire est chargé de prévenir. Les mémoires 2 et 4 ont une mention honorable. Enfin, il est annoncé, au cours de la séance du 16 germinal an XII (17 avril 1804), que le manuscrit de Villers sera déposé à la bibliothèque56.

Charles Villers n’est pas un inconnu à l’Institut. Depuis Göttingen où il enseigne, cet ancien émigré s’efforce d’introduire auprès de ses compatriotes la culture allemande et notamment la philosophie de Kant avec un succès mitigé en particulier à l’Institut57. Ce prix lui offre une notoriété qu’il espérait depuis longtemps.

Charles [de] Villers

Né le 4 novembre 1765 à Boulay, entre Metz et la frontière allemande, de la fille d’un noble languedocien et d’un receveur des finances dévot qui avait ajouté la particule à son patronyme, Charles de Villers est mort à Göttingen le 26 février 181558. En 1783, après des études chez les bénédictins, il intègre le corps royal d’artillerie bien qu’il ne soit pas gentilhomme. Nommé à Strasbourg la même année, il partage son temps entre mondanités et études sous l’influence du marquis de Puységur, grand défenseur de la théorie du magnétisme animal. En 1787, le jeune officier publie un roman intitulé Le magnétiseur amoureux aussitôt mis au pilon59. Après avoir salué les débuts de la Révolution avec enthousiasme, il soutient que la liberté doit être réservée aux peuples vertueux et que la France n’est pas encore mûre pour en profiter dans De la Liberté 60, écrit qui lui attire l’hostilité des Jacobins. En 1792 il émigre et sert quelques mois dans l’armée des princes, puis parcourt l’Allemagne, chassé par l’avancée des armées françaises, avant de s’inscrire en 1796 comme étudiant à l’université de Göttingen61. Fondée en 1734 et inaugurée trois ans plus tard par l’électeur de Hanovre, autrement dit le roi George II d’Angleterre, Göttingen est rapidement devenue une des universités phares des Lumières allemandes. Le primat de la théologie y ayant été aboli et la censure supprimée, elle accueille des savants de renom tels les philologues Johann Matthias Gesner et Christian Gottlob Heyne ou le médecin naturaliste Albrecht von Haller et offre aux étudiants et aux professeurs, outre un jardin botanique remarquable, une exceptionnelle bibliothèque organisée suivant un plan encyclopédique. De nouvelles disciplines émergent, en particulier une histoire et une philologie historico-critique. Le dispositif de Göttingen s’inscrit dans un projet de sécularisation et d’internationalisation des connaissances typique de l’Aufklärung62. Villers suit les cours de Heyne, de Johann Gottfrid Eichorn, d’Arnold Hermann, de Ludwig Heeren, de Ludwig Timoteus von Spittler et surtout de l’historien August Ludwig von Schlötzer avec la fille duquel il se lie63.

Né catholique, cet homme des Lumières est plutôt indifférent en matière de religion. Dans ce contexte, la rencontre avec le protestantisme dans sa forme luthérienne est pour lui une révélation : il découvre qu’il est possible de concilier religion et exigences scientifiques, tradition et progrès. Médiateur infatigable, il va consacrer le reste de sa vie à faire connaître en France les richesses de la pensée et de la culture allemandes : il publie en 1797 des Lettres westphaliennes64 enthousiastes puis collabore, en 1798, au Spectateur du Nord de Baudus et Fauche-Borel65. Ces efforts n’ont cependant guère de succès car il se heurte à l’hostilité de Rivarol puis à celle de l’abbé Barruel et perd le soutien de Baudus que sa germanophilie indispose. S’il ne s’occupe plus que de littérature dans le Spectateur, il le fait en louant les vertus allemandes, fondées sur un excellent système d’instruction publique, et en dénigrant la légèreté française. En désaccord avec Baudus, il quitte le journal en 1800 pour se consacrer à l’introduction de Kant en France. Ses articles du Spectateur lui avaient cependant valu l’approbation du philosophe de Koenigsberg et l’attention de Germaine de Staël. Villers espère alors gagner le soutien de la Classe des sciences morales et politiques de l’Institut de France. Mais là encore, le jeune homme manque de finesse car il a plusieurs fois manifesté son opposition au matérialisme des Lumières et à l’empirisme des encyclopédistes, dont les idéologues sont les héritiers cependant que sa présentation de la philosophie de Kant est une condamnation explicite du sensualisme. Par ailleurs, l’enthousiasme de Villers pour tout ce qui est allemand et ses critiques maladroites des milieux littéraires français ont déplu. En mai 1801, il se rend à Paris, après avoir obtenu l’autorisation de séjourner en France grâce à Charles-Frédéric Reinhard. Le 22 juillet, il envoie à l’Institut sa Philosophie de Kant, ou Principes fondamentaux de la philosophie transcendantale qu’il a fait paraître chez Collignon à Metz. Mais la dédicace grandiloquente « À l’Institut national de France, tribunal investi d’une magistrature suprême dans l’empire des sciences » ne suffit pas à lui concilier les philosophes de l’Institut malgré une intervention plus que maladroite de Mercier66. Les débats attirent l’attention du premier consul, lui non plus peu enclin à apprécier Kant67. Le livre est vivement attaqué dans le Publiciste de Jean-Baptiste Suard le 28 juin 1801, puis par Amaury Duval dans la Décade philosophique et littéraire le 11 novembre suivant68. Germaine de Staël prend la défense de Villers contre Gérando69, lui aussi introducteur, mais plus circonspect, de Kant, et contre les critiques de tous bords qui s’entendent pour railler, au nom du bon goût français, une supposée balourdise germanique70. Blessé, Villers écrit à Georges Cuvier au début de 1802 dans une lettre ouverte publiée chez Collignon :

Quand, à la fin de vendémiaire dernier, je vous quittai pour venir faire encore quelque séjour parmi les lettrés de la Germanie, observer leurs progrès, étudier leur esprit et m’enrichir de leurs travaux, je vous promis, mon cher Cuvier, de vous informer des productions littéraires les plus récentes de ce pays. J’arrive à peine, et n’ai pu encore me mettre au courant de tout ce qui s’est passé pendant mon absence. Plus tard, je remplirai de grand cœur la tâche que je me suis imposée. Vous êtes du très-petit nombre de ceux qui, sur la rive gauche du Rhin, rendent au moins une demi-justice aux gens de la rive droite. Vous avez lu et saisi sans effort ma Philosophie de Kant, laquelle m’a attiré tant d’injures et de pitoyables réfutations de la tourbe des critiques parisiens. Votre opinion, et celle de quelques hommes éclairés, m’a consolé du petit malheur d’avoir été jugé de travers par ces messieurs. Principibus placuisse viris non ultima laus est. Et heureusement que leurs clameurs n’arrêteront pas le cours d’une réforme qui s’opérera tôt ou tard dans le règne de la pensée71.

À la même époque, il rencontre le Bernois Philip Albert Stapfer, ministre plénipotentiaire de la République helvétique, qui, comme lui, a étudié à Göttingen. Leur admiration pour l’encyclopédisme et la liberté de penser de la Georgia Augusta72, ainsi que leur intérêt pour Kant, rapprochent les deux hommes qui s’emploient dès lors à traduire en français les œuvres des professeurs de Göttingen73. Sous la Restauration, c’est Stapfer qui signera la notice de Villers dans la Biographie universelle de Michaud74. Villers cependant, déçu par le mauvais accueil réservé à son livre par le public français, revient en Allemagne à la fin de 1801. Le 18 mai 1802 suivant, le très luthérien Cuvier lui écrit :

Que disent vos Protestants et surtout vos Kantiens de toutes les belles choses que nous faisons ici ? voilà nos matérialistes qui, n’ayant pas voulu des noumènes de l’entendement pur, vont être obligés d’avaler la transsubstantiation avec tous ses agréments, au reste ils disent qu’un dieu de pain leur convient encore mieux qu’un autre : c’est toujours matière75.

Villers ne se décide qu’à l’automne après quelques hésitations à participer au concours lancé par l’Institut le 5 avril. Le sujet avait suscité un grand mouvement d’intérêt dans les universités allemandes : Herder songe à concourir76 et Heeren, qui a commencé à y travailler, s’efface devant Villers77. Il ne reste à ce dernier que quelques mois pour rédiger son mémoire et l’envoyer à Paris avant la date limite fixée par l’Institut du 5 avril 180378.

Villers séjourne à Paris de la fin août 1803 aux premiers mois de 1805. Il est donc sur place pour recevoir le prix qui lui est remis par la nouvelle Classe d’histoire et de littérature au Louvre, dans la salle des Caryatides, ancien local de l’Académie française, où se tient la séance commune de l’Institut. Rayé de la liste des émigrés le 2 septembre 1804, il est reçu par Sophie de Condorcet, par les Suard, par le protestant Bitaubé, un des commissaires du concours, par Joseph Lavallée et par le général Saint-Laurent. Il retrouve Cuvier et Benjamin Constant, de retour dans la capitale, ainsi que les amis de ce dernier, Claude Hochet et Prosper de Barante. Il est accueilli avec faveur par Fanny de Beauharnais, tante de l’empereur. La Société des sciences de Paris lui décerne le titre de membre associé correspondant, le 13 septembre 1804. Le 27 fructidor an XIII (14 septembre 1805), Villers est élu membre correspondant de l’Institut mais avec seulement seize suffrages sur vingt-neuf, cependant que Schnurrer79 et Scrofani80 élus en même temps, obtiennent la majorité absolue. Villers s’est heurté à la réticence des condillaciens qui n’ont pas oublié sa défense de Kant et à l’hostilité des catholiques tels Delisle ou Fontanes. Enfin l’université de Göttingen décerne à celui qui était déjà membre correspondant de son Académie des Sciences depuis le 19 novembre 1800, le titre de « docteur honoris causa » le 27 septembre 1805. Villers doit ce succès à l’actualité des thèses soutenues dans ce livre. Le revers de la médaille est que son essai indispose le pouvoir, ce qui n’est pas pour lui déplaire, lui qui écrivait déjà à Germaine de Staël le 4 mai 1803 :

Quelle partie de Delphine, quelle phrase, quel mot a donc pu vous valoir l’anathème de la cour de Saint Cloud ? J’ai entendu parler d’opinions religieuses, de quelques traits en faveur du protestantisme. Si cela est, que ne fulminera-t-on pas contre moi l’hiver prochain ! Je suis à la veille de me rendre mille fois plus coupable…81

Par la suite, son intérêt pour le protestantisme ne faiblit pas et il commence la rédaction d’une vie de Luther qu’il n’a pas le temps de terminer. Il en fait un abrégé, resté manuscrit, pour la Biographie Universelle, et traduit la Vie de Luther de Mélanchthon82. Enfin il écrit un avant-propos pour une nouvelle édition de la Confession d’Augsbourg, qui paraîtra en 1817, après sa mort, sous le titre : Précis historique sur la présentation de la confession d’Augsbourg ; à l’empereur Charles-Quint par plusieurs Princes, États et Villes d’Allemagne. Il envisage aussi de participer au débat sur la réunion des Églises chrétiennes avant d’abandonner ce projet83.

Succès et controverses

De tous les concours de l’Institut, le concours sur la Réformation est probablement celui qui suscita le plus de débats. Benjamin Constant écrit dans son journal :

J’ai lu un discours de Villers sur la Réformation … il est plein de faits, de connaissances d’idées et tout y est présenté avec brièveté, clarté et force. Ce qui est inexplicable, c’est que l’Institut l’ait couronné, car c’est l’ouvrage le plus hostile contre le catholicisme qui se soit peut-être jamais publié84.

La Décade consacre près de trente pages en deux articles au compte rendu du livre85. Le premier texte qui parait dans le numéro du 10 floréal an XII (30 avril 1804), est de Claude Fauriel et n’est pas tout à fait aussi élogieux qu’on aurait pu s’y attendre et que l’écrit François Azouvi86. Fauriel, après avoir repris Villers sur le rôle qu’il attribuait aux protestants dans le développement des recherches orientalistes, lui reproche d’avoir déprécié la France au profit de l’Allemagne. Il modère également sa critique de la pratique catholique :

Les dogmes extravagants, les fables ridicules n’appartiennent-ils pas à l’esprit plus qu’à la forme d’une religion, ou du moins ne peuvent-ils pas agir sur cet esprit et le corrompre sans le secours d’aucune forme extérieure ; et dès-lors n’y a-t-il pas lieu à réformation dans un cas inverse à celui admis exclusivement par l’auteur ? Un système religieux ne peut-il pas être très absurde avec des formes extérieures très simples ? L’attachement exclusif au matériel des religions caractérise-t-il exactement la superstition, et peut-il y avoir superstition sans l’influence des opinions, des idées et des sentimens ? La mysticité, que le C. Villers regarde comme l’opposé de la superstition, est-elle autre chose que la superstition raffinée des imaginations vives auxquelles manque le contre-poids du jugement ?

Un échange de lettres s’ensuit87. Dans la première d’entre elles, datée du 22 germinal, Villers, visiblement froissé, répond à la critique sur les recherches orientalistes :

Je relis, tout souffrant que je suis aujourd’hui ce que vous avez dit de l’orientalisme cultivé par les Protestants, et je vois clairement que vous avez compris autre chose, et plus que je n’avais voulu dire […]. Dévoiler par la plus savante critique les secrets de l’histoire, de la chronologie, de la culture, de l’état politique, moral, religieux, des peuples et des lieux où s’est passée la scène des événements de l’Ancien Testament, voilà la tâche qu’ils ont remplie, et qui est un peu plus intéressante que vous ne semblez le croire. Vous en penseriez, sans nul doute, autrement si vous aviez, par exemple, sous les yeux l’Introduction à l’Étude de l’Ancien Testament, par Michaëlis de Gottingue, ou les travaux d’Eichhorn sur le même objet, ou les dix volumes de sa Bibliothèque orientale, ou que vous eussiez assisté à un cours de critique sur Jérémie par le vieux Schnurrer de Tubingue…

Piqué, Fauriel lui réplique :

J’ai appris, mon cher Villers, que vous étiez mécontent, sinon de ce que j’ai dit de votre ouvrage, du moins de mes dispositions à votre égard. J’en ai été affligé et surpris. Il y a dans votre livre des choses très bonnes, très utiles, et qui doivent en faire aimer et estimer l’auteur ; je les ai louées sincèrement. J’ai cru y trouver aussi des inexactitudes de raisonnement et de fait ; j’en avais parlé avec modération, avec réserve, et j’aurais tâché, de continuer à en parler de même. Il est vrai que, comme plusieurs autres personnes qui d’ailleurs vous rendent justice, et dont le suffrage ne devrait pas vous être indifférent, j’ai été blessé de quelques traits d’une partialité qui me semble peu philosophique ; je m’en suis expliqué avec vous-même, avec une franchise qui, si j’en juge d’après ma manière de sentir, ne devrait être regardée que comme une marque d’estime. Si je trouvais votre projet de faire connaître en France tout ce qui tient à la littérature et au génie de l’Allemagne, moins intéressant et moins digne des travaux d’un homme de talent, zélé pour le progrès des lumières, je vous assure que j’aurais été beaucoup moins frappé de ce qui me paraît capable d’en diminuer l’intérêt et le succès. Si je n’avais eu ni estime ni amitié pour vous, j’aurais gardé froidement pour moi ou pour les autres ce que je vous ai dit à vous-même. Je n’ai voulu ni vous blesser ni vous déplaire, et si, contre mon intention, cela m’est arrivé, je vous en témoigne sincèrement mes regrets. Quoique pressé par d’autres travaux, j’avais commencé un deuxième extrait que M. Amaury Duval attendait probablement pour le prochain numéro de la Décade. Le ton de la critique y eût été plus prononcé que dans le premier ; mais il eût été également dicté par un sentiment dont j’étais loin de supposer que vous eussiez à vous plaindre. Puisque je me suis trompé, je n’ai plus aucun motif de continuer, je n’en ai plus que de me taire ; et je vous serais obligé si vous vouliez en prévenir M. Amaury. Acceptez mes excuses et mes regrets d’avoir si mal rempli votre attente ; et croyez qu’à tout évènement, et malgré toutes les apparences, je ne cesserai de vous rendre justice, et d’avoir pour vous une affection dont j’aurais aimé que vous ne doutassiez pas, mais qui est indépendante même de votre manière de sentir à mon égard88.

Affolé par la réaction de Fauriel, Villers contacte Amaury Duval avant de répondre le 30 germinal (20 avril 1804) :

Ci-joint, mon cher Fauriel, un fragment de lettre d’Am. Duval, qui, comme vous le verrez désire avoir le morceau que vous avez eu la bonté d’écrire sur mon ouvrage. Si par hasard, ce morceau était prêt, ou seulement la première moitié, vous m’obligeriez beaucoup de me l’envoyer de suite. Je dois voir, à 4 h. A.D. et je le lui remettrai. Que ce que je vous ai écrit l’autre jour sur l’orientalisme biblique ne vous arrête et ne vous gêne nullement. Ne changez même rien à ce que vous avez dit, si telle est toujours votre conviction. Je ne serais pas fâché de voir la discussion s’ouvrir sur cette matière. Il s’ensuivrait une explication qui donnerait lieu à moi ou à d’autres, de dire bien des choses que je n’ai pas dites, et de détailler au long les titres des orientalistes protestants89.

Le 18 floréal (8 mai 1804), Villers répond à une dernière lettre de Fauriel :

Ce n’est point de votre bienveillance et de l’amitié personnelle que vous m’accordez, mon cher Fauriel, que j’ai jamais douté ; mais j’avoue que j’ai été affecté, dans l’explication que nous eûmes chez vous, un matin, de vous voir m’accuser, avec une très grande vivacité, de déprécier gratuitement la France, de relever outre-mesure l’Allemagne, etc. Ce n’est pas, comme vous le dites, une partialité peu philosophique qui me fait incliner pour la culture morale et intellectuelle de l’Allemagne protestante. C’est, j’ose le dire, un sentiment de préférence très motivé, fondé sur dix ans d’études et d’observations. Si vous connaissiez mieux les bases de ma conviction, si nous avions vécu davantage ensemble vous trouveriez peut-être quelque chose de plus noble et de plus raisonnable que ce qu’on a coutume de désigner par l’odieux nom de partialité. Convenez qu’il a dû être pénible pour moi de les voir ainsi méconnaître par vous, que j’avais cru plus capable que personne de les apprécier. Quant à l’extrait que vous avez commencé de mon ouvrage dans la Décade, et dont je suis très loin d’être mécontent, je vous prie sincèrement de vouloir bien le continuer. Je vous ai fait une observation sur le code prussien, au sujet duquel vous aviez pris le change, – une autre au sujet de l’orientalisme des théologiens protestants, sur lequel vous preniez aussi le change. Mais que cela ne change rien au reste de votre travail. – Vous m’avez dit, il est vrai, en termes fort clairs, que vous croyez beaucoup moins que moi à l’influence de la Réformation. J’y croyais aussi beaucoup moins, quand j’ai commencé à l’étudier sérieusement, et j’imagine qu’alors j’aurais nié et traité de chimère ce qu’on m’aurait dit à ce sujet. Ce n’est qu’en y regardant de très près, et en remontant à toutes les sources, que s’est découverte à mes yeux toute la fertilité de ce grand évènement, qui a occupé presque exclusivement les cabinets et les têtes pensantes de l’Europe entière, depuis 1520 jusqu’en 1648. – Il se fait de la besogne, pendant cent vingt-huit ans d’activité ; mais, deux ou trois siècles après, on le perd de vue. – Adieu. – Ne pensez pas qu’il y ait rien de changé dans mon attachement et mon estime pour vous90.

Villers s’était essayé à la fin de la première partie de son livre à une sorte d’uchronie avant la lettre en tentant une « conjecture sur ce qui serait arrivé en Europe, si la réformation n’y avait pas eu lieu » : « Rien, écrit-il, n’aurait pu sauver l’Europe d’un asservissement prochain et du joug d’une monarchie universelle. » Fauriel de son côté ne voit dans la Réforme que « le moyen et l’occasion » des progrès politiques et culturels qui sont le fruit d’une évolution inéluctable de la société :

[…] toutes les causes de la Réformation renforcées et multipliées par quelques excès de plus dans l’exercice de l’autorité papale, et surtout par un degré de plus d’instruction et de lumières, degré que, d’après les données essentielles de la question, nul obstacle ne pouvait empêcher, pour avoir agi un peu plus tard, n’en eussent agi que d’une manière plus générale et plus complète91.

Cette argumentation est celle des catholiques modérés, de Chateaubriand au groupe du Correspondant sous le second empire. C’est finalement Amaury Duval qui donne un second compte rendu à partir de la deuxième édition de l’Essai, le 30 fructidor an XII (17 septembre 1804).

La publication de l’Essai de Villers ouvre donc une controverse théologico-politique qui se développera au cours du siècle92. Le Citoyen français, dirigé par l’armateur protestant Lemaire, le Magasin philosophique93 et le Publiciste94 soutiennent Villers contre les attaques des catholiques du Mercure de France95, du Journal des Débat et contre celles, plus modérées, du Journal de Paris de Roederer96, la publication officieuse du gouvernement. Benjamin Constant évoque dans son journal la violence de certaines réactions :

J’ai lu la critique du Mercure contre Villers. Il est impossible de se faire une idée de la fureur qu’il inspire à ses antagonistes […]. Le pauvre Villers a voulu se battre contre un écrivain du Mercure, s’étonnant enfin de ce qu’on disait qu’il était un assassin, un laquais et un spoliateur des propriétés parce qu’il a écrit que la Réformation avait eu des conséquences utiles. Il s’agite et croit que par des réponses il empêchera de parler des gens qui ne sont pas plus de leur avis que du sien97.

Tranchant de Laverne adresse à Villers une Lettre critique d’autant plus intéressante que son auteur, qui a étudié le droit public et la philosophie à Göttingen avant la Révolution, est, lui aussi, un germaniste et un traducteur de Kant. Au contraire de Villers, il catholicise Kant, sur la religion duquel il a écrit98, reprochant à la Réforme d’avoir rompu l’unité spirituelle, revendiquée par le philosophe allemand. Selon Laverne, une réforme de l’Église romaine devait suffire99. Cette position mitigée lui vaut une mise au point de Villers sur l’unité kantienne et de vives critiques de l’abbé de Boulogne, lequel ignore tout de Kant. L’abbé s’indigne par ailleurs dans les Annales littéraires et morales :

Ce qui est difficile à concevoir, c’est qu’une société, payée par la nation française, donne la palme à un discours qui n’est qu’un tissu de témérités et de déclamations contre le culte que cette même nation, à quelque portioncule près, professe solennellement ; c’est que cette palme soit décernée en face d’un Gouvernement qui vient de conclure un Concordat avec le chef de l’église romaine ; de sorte qu’au dire de M. Villers, il aurait contracté alliance avec un culte superstitieux ennemi des lettres, ou, pour parler le jargon moderne, des idées libérales : c’est que le faiseur d’essai n’eut pas craint de réveiller, par son indécente diatribe, des haines heureusement assoupies, et des souvenirs affligeants pour l’humanité, qu’il importe d’ensevelir dans un éternel oubli ; c’est enfin que cet outrage public fait au catholicisme nous vienne de la part même des prédicateurs de la tolérance, des protecteurs zélés de tous les cultes, et des prôneurs infatigables de la liberté des consciences100.

Boulogne, qui n’hésite pas à appeler Voltaire à la rescousse, cite les critiques de l’astronome polonais Jan Sniadecki. En effet, dans la séance du 5 prairial an XIII (25 mai 1805), avait été lue une lettre de ce dernier offrant à l’Institut trente exemplaires d’une brochure de seize pages imprimée à ses frais et intitulée Réflexion sur les passages erronés et injurieux à la Pologne qui se trouvent dans l’ouvrage de M. Villers sur la réformation et demandant à la Classe de « réparer les erreurs commises par l’auteur ». Décision avait été prise de déposer l’ouvrage à la bibliothèque et on avait écrit à Sniadecki, comme c’était l’usage, que « la classe ne répond point des opinions énoncées »101.

La réponse la plus significative à l’Essai sur l’influence de la Réformation est celle que Louis de Bonald publie en juillet 1806 dans le Mercure de France sous le titre De l’unité religieuse en Europe :

L’Institut, en proposant cette question délicate, s’exposait au danger de voir ses intentions méconnues. Il n’a pu éviter cet écueil et comme s’il eut voulu, par un appel imprudent aux discussions religieuses, rallumer des feux mal éteints ou faire revivre des opinions surannées, les ouvrages qui ont remporté ou disputé le prix, ceux du moins qui sont venus à la connaissance du public, ont tous, ce me semble, et même quelques-uns avec un peu d’exagération et d’aigreur, relevé les avantages réels ou prétendus que la société a retirés de la réformation de Luther. L’Institut, forcé de prononcer, n’a donc pas eu à choisir entre des considérations opposées sur l’influence du luthéranisme, et n’a pu décider qu’entre des talents divers. Mais il n’en a pas moins atteint son but et plus sûrement peut-être en couronnant l’ouvrage qui a porté le plus loin les avantages de cette influence. L’événement religieux et politique le plus mémorable des temps modernes, a été remis sous les yeux du public, de par l’autorité du premier corps de l’Europe. Il a été permis de considérer l’effet de la réformation sans s’exposer à aucun reproche et la politique a pu, à son tour, examiner dans leurs résultats ces opinions orageuses que la théologie avait discutées dans leurs principes102.

On voit que Bonald, oubliant à dessein Maleville, laisse planer le doute sur l’objectivité d’un concours dont les concurrents défendent tous, peu ou prou, la même opinion : les ouvrages sont-ils tous venus à la connaissance du public ? Et tout en félicitant ironiquement l’Institut d’avoir proposé à la frivolité française un sujet aussi sérieux, il ne manque pas d’insinuer que la noble institution a ouvert la boîte de Pandore d’une controverse trop publique pour être honnête. Adoptant la posture d’une bienveillante tolérance, il refuse le débat sur l’influence de la Réformation en feignant de préférer le mieux au bien – conformément à la théorie de la perfectibilité prônée par Villers – et ce mieux préférable au bien, discutable, de la Réformation c’est l’unité religieuse, dans le sein de l’Église catholique bien entendu. Un débat s’ensuit sur ce thème auquel Villers envisage de participer avant d’y renoncer103.

À partir de 1807, le contexte politique change. L’empereur, en conflit avec le pape, voit d’un œil plus indulgent l’ouvrage de Villers ce qui permet à celui-ci de rééditer son livre en 1808. Le ton du Journal de Paris s’est nettement radouci :

Cette nouvelle édition, très soignée, est enrichie par l’auteur de remarques, de notes et d’additions nouvelles et en outre d’une table raisonnée des matières, rédigée par un de ses amis, pénétré de l’importance de l’ouvrage ; il le considère comme un « des plus riches en idées, des plus lumineux et des plus utiles qui aient été publiés depuis vingt ans ; ce n’est pas dit-il un livre de controverse, source de nouvelles animosités ; c’est un ouvrage de pur raisonnement politico-historico-philosophique qui ne touche point aux dogmes, et qui ne parle absolument que des effets salutaires de la réformation sur la société européenne, son organisation et les sciences qu’elle cultive »104.

Il faut noter que l’auteur de ce laconique compte rendu préfère laisser la plume à l’auteur de la «Table des matières raisonnées » (un index des matières) qui n’est autre que Stapfer. Le Magasin encyclopédique en revanche publie un compte rendu signé D. résolument enthousiaste :

Voici la troisième édition d’un ouvrage qui est du petit nombre de ceux où la vérité a trouvé un interprète aussi habile qu’impartial. L’Influence de la Réformation étoit une matière d’autant plus délicate qu’elle intéressoit toutes les classes de lecteurs, et on ne pouvoit guères manifester une opinion sur cet événement sans s’exposer à choquer ceux qui n’auroient pas la même façon de voir. Malgré la sanction honorable que l’Institut avoit donné à la manière dont M. VILLERS l’a développée, on devoit donc s’attendre qu’il trouveroit de nombreux antagonistes, mais le succès de son ouvrage prouve que le public a su rendre justice à ses talens, et que ses vues d’utilité se réalisent. […] Il seroit à désirer que l’auteur voulût compléter le tableau des effets de la réformation en traçant les variations qui se sont introduites depuis dans les opinions religieuses des différentes communions, et en montrant les améliorations incontestables qu’elles ont éprouvées. Ce sont aujourd’hui des objets qu’il est permis de développer et qui sont d’un intérêt vrai et d’une utilité générale, puisqu’ils mettent en quelque sorte le siècle au courant de ces [sic] propres opinions105.

Il n’y aura pas en 1808 de polémique comme il y en avait eu trois ou quatre ans plus tôt. L’empereur ne l’aurait pas admis. En 1809, lorsque l’Institut discute des ouvrages à sélectionner pour les prix décennaux, l’« excellent ouvrage » de Villers est proposé pour un « grand prix de première classe à l’auteur du meilleur ouvrage de littérature qui réunira au plus haut degré la nouveauté des idées, le talent de la composition et l’élégance du style » :

L’auteur y jette de nouvelles lumières sur une des révolutions les plus mémorables et les plus importantes de l’histoire moderne, dont il analyse les conséquences avec beaucoup plus d’étendue et de sagacité qu’on ne l’avait fait encore. Il ne tient pas toujours la balance bien égale entre les deux doctrines dont il expose la lutte ; mais sous le rapport philosophique et même politique, ce rapport contient quelques vues neuves et des résultats utiles106.

L’auteur du rapport précise cependant que l’Essai de Villers n’est pas au niveau de l’autre ouvrage proposé, l’Examen critique des anciens historiens d’Alexandre le Grand de Sainte-Croix. En outre, ce prix a été discuté dans la Classe de la langue et de la littérature françaises et non dans la Classe d’histoire et de littérature ancienne où les chances de Villers auraient été meilleures. Cette tactique dilatoire est soulignée par le protestant Pierre Samuel Dupont de Nemours qui, dans son rapport, s’étend longuement sur le fait que le livre de Sainte-Croix aurait dû être présenté par la Classe d’histoire avant de conclure, presque en passant : « Je crois que la classe doit accorder la première mention honorable au Mémoire de M. de Villers, dont elle connaît plus que personne le mérite puisqu’elle l’a elle-même couronné107. »

La véritable question est l’absence, malgré la volonté de l’empereur, du Génie du christianisme parmi les livres présentés par l’Institut et les prix ne seront finalement pas décernés. Villers quant à lui est retourné en Allemagne où il défendra bientôt les habitants de Lübeck contre les exactions des troupes françaises avant de se porter au secours des universités allemandes menacées de suppression. Son Essai ne sera réédité qu’en 1820 chez un éditeur protestant, dans le contexte peu favorable de la Restauration et de l’entreprise de reconquête catholique qui l’accompagne108 et sans susciter de véritable débat si ce n’est une riposte d’un chanoine de Dijon109.

Échos européens

Seuls les pays protestants ont fait écho à la publication d’un livre qui ne pouvait que leur plaire. L’Allemagne luthérienne, où Villers était connu et apprécié, se montre particulièrement enthousiaste et plusieurs revues donnent des comptes rendus favorables, au premier rang desquelles la Gazette d’Iéna110. L’ouvrage est traduit, dès 1805, à Hambourg par C. F. Cramer avec des suppléments de Henke, professeur de théologie à Helmstedt111, et à Leipzig par N. P. Stampeel, précédée d’« une longue préface par un célèbre vétéran de la théologie protestante », J. G. Rosenmüller de Dresde contenant la réfutation par Villers de la lettre de Laverne112. Deux nouvelles traductions à Leipzig en 1808 et à Dusseldorf en 1810 suivent la troisième édition de l’Essai. Un abrégé du pasteur Franz von Plieth paraît à Nordhaus en 1805 et fait lui aussi l’objet d’un compte rendu, tant est grande la volonté des universités luthériennes de diffuser l’ouvrage113. La seule réponse catholique est publiée en 1810 par Eckschlœger. Intitulée Ueber den Geist und die Folgen der Reformation, elle met, selon l’auteur de la préface de l’édition de 1851 de l’Essai : « tous les maux de l’Allemagne sur le compte de la réformation, parce qu’elle a empêché la maison d’Habsbourg de devenir la maîtresse absolue de l’empire germanique »114.

Une traduction hollandaise, annotée par H. Hervyck, est publiée à Haarlem en 1805. Deux traductions sont données en danois dont l’une par Woldike, pasteur luthérien115. La traduction suédoise paraît en 1811116 et Bernadotte, rencontré en 1805 chez Fanny de Beauharnais, fait part à Villers en 1813 du succès de cette traduction117.

L’ouvrage connaît deux traductions anglaises en 1805, la première par B. Lambert et la seconde, plus remarquable, par le jeune James Mill. Une longue introduction élogieuse et de copieuses notes font de cette édition un ouvrage à quatre mains. Knut Hakonssen le considère d’ailleurs comme le premier ouvrage de Mill, antérieur à sa rencontre avec Jeremy Bentham118. Après avoir fait l’éloge de l’Institut pour avoir mis au concours une question de facto favorable à la Réforme, acte de courage devant l’autoritarisme de Bonaparte (dont Mill reconnaît cependant la tolérance en matière de religion) et nouveauté après deux siècles de persécutions, de la Saint-Barthélemy à la Révocation, Mill conclut :

We shall be told that France stripped herself of catholicism and that she is now restored to catholicism in name rather than in reality. This is no objection to the exhilarating conclusion respecting the progress of reason. It is no small matter that France is stripped of bigotry and superstition. This is the first step. The transition from no religion to pure religion is, in a whole people, much easier than from a corrupt and pernicious to a pure religion. The propensity in man to religious sentiments will ever prevent a nation from being long without a religion ; and the intermediate state which produces writings like that we are now perusing, so powerfully calculated to introduce a good religion, cannot be considered as useless119.

La même année, le livre paraît en Écosse120. Enfin l’ouvrage est publié à Philadelphie en 1833121 et la traduction de Mill est rééditée en 1836 en relation avec la question irlandaise.

La postérité de Villers en France jusqu’à la fin de la troisième République

Après la fin de l’Empire, l’Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation ne connaît que deux rééditions, et chaque fois dans le contexte d’une lutte contre le catholicisme intransigeant : une première fois, nous l’avons dit en 1820, et une seconde fois en 1851, toujours chez l’éditeur protestant Truttel et Wurtz122. Délibérément oublié par les écrivains catholiques, dont Chateaubriand, Villers est peu cité, semble-t-il, par les écrivains libéraux. Les jeunes Michelet et Quinet le lisent à la fin des années 1820 lors de leurs séjours en Allemagne, mais Guizot n’en parle guère alors qu’il l’avait rencontré chez Stapfer où il exerçait les fonctions de précepteur123. En 1839, le jeune médecin et historien Émile Bégin lui consacre deux articles bien documentés dans L’Austrasie, revue du Nord Est de la France, qu’il vient de fonder à Metz124. Élogieux, le texte de Bégin n’a pourtant rien de militant, ce qui n’est pas le cas de la préface du pasteur Adam Maeder à l’édition de 1851. Maeder, pasteur de l’Église réformée du Bouclier à Strasbourg de 1815 à 1873 et théologien orthodoxe des plus intransigeants, s’inscrit dans une démarche esquissée par Guizot à la même époque sans grand succès et visant à former un front chrétien uni rassemblant catholiques et protestants contre l’incroyance. L’époque était à la controverse et les catholiques intransigeants groupés derrière Veuillot et reprenant les thèses de Bonald, Maistre et du premier La Mennais, se livraient à une violente campagne de dénigrement de la Réforme accusée d’avoir fait le lit des plus sanglantes révolutions125. C’est donc pour réhabiliter la Réforme que Maeder donne une cinquième édition de Villers dont il souligne dans sa préface le conservatisme social et politique. De fait, le véritable héritier de Villers est Edgar Quinet, dont l’évolution vers l’analyse théologico-politique a souvent été mise en parallèle avec celle de son aîné126. Mais Quinet cite peu Villers sans doute trop conservateur et surtout trop germanophile à son goût127. Les pasteurs libéraux que fréquentaient Quinet et ses amis, Coquerel fils ou Martin-Paschoud, n’avaient guère de points communs avec le pasteur Maeder. Après la défaite de 1871, il n’est plus question de citer les laudateurs de l’Allemagne prussienne et Villers semble bien oublié. C’est un spécialiste de Mme de Staël, Paul Gautier, qui s’intéresse à nouveau à lui dans la Revue des Deux Mondes en 1906128, cependant que Fernand Baldensperger, spécialiste de littérature comparée, lui consacre quelques textes129. Le genevois Louis Wittmer publie en 1908 une biographie – souvent utilisée depuis – issue d’une thèse appuyée sur de nombreuses sources d’archives. Au tournant du siècle, alors qu’un nouvel antiprotestantisme se développe autour de l’affaire Dreyfus, Villers ne semble pas avoir déclenché les foudres des nationalistes. C’est en 1922 seulement que le maurrassien Louis Reynaud consacre à l’auteur de l’Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation de Luther tout un chapitre de son livre, intitulé L’influence allemande en France au xviiie et au xixe siècle, sous le titre « La campagne germanophile des Idéologues et des émigrés. Charles Villers ». Villers y est accusé de « teutomanie »130. Quatorze ans plus tard et dans un autre contexte, l’archiviste lorrain Henri Tribout de Morembert voit en Villers un « précurseur du troisième Reich »131.

Conclusion

Peut-on parler, à propos du concours de 1802, d’un « moment protestant » de l’Institut de France ? Plusieurs éléments semblent aller dans ce sens : le sujet retenu, sa formulation, le choix des lauréats. Mais c’est un « moment » déjà dépassé et un combat sans avenir qu’il faut rattacher au devenir des opposants libéraux à Napoléon, cette « génération perdue » qui fut celle des idéologues. Les thèses de Villers valaient bien celles de Bonald, mais son style ne soutenait pas la comparaison avec celui de Chateaubriand. Mieux représentés d’ailleurs au Tribunat qu’à l’Institut, les protestants français ne soutinrent guère leur héraut d’autant qu’ils furent nombreux à se rallier au nouveau pouvoir, satisfaits d’un Concordat qui, par le biais des articles organiques, leur garantissait un droit de cité et une liberté de culte récemment acquis. Le débat, vif dans les débuts, fut étouffé dans l’œuf par l’empereur. Lorsque les thèses de Villers furent reprises, près d’un demi-siècle plus tard, sous un autre empire, elles le furent de façon plus radicale – par-delà les Lumières, il s’agissait de lier Réforme et Révolution – par des hommes bien différents, socialement et politiquement, de celui qui n’en reste pas moins leur précurseur. Villers avait trouvé en Westphalie une patrie d’élection et, sans jamais parler de conversion, un héros en la personne de Luther. Après plus d’un siècle de silence, il ramenait en France un débat théologico-politique actualisé et riche d’avenir. Mais la montée des nationalismes et du nationalisme prussien en particulier, jeta sur le trop germain Villers, sinon l’opprobre du moins l’oubli. Quant à l’Institut, il n’avait guère aimé Villers avant de couronner en sa personne un opposant à la politique religieuse du premier consul. Cet Institut, plus « antipapiste » que protestant, disparut peu ou prou en 1815 et ne se retrouva jamais, même et surtout pendant la période où François Guizot, que l’on surnommait dans les milieux catholiques « le pape du protestantisme », en fut un membre éminent.

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1. Charles Villers, Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation de Luther, Paris et Metz, 1804, p. 1-2.

2. « Lorsque la question qui a suscité cet essai fut mise au concours par l’Institut, elle attira particulièrement l’attention du traducteur. Dans un pays catholique, l’approbation du catholicisme implique généralement que tout ce qui s’y oppose ne peut être que mauvais. » Charles Villers, An Essay on the Spirit and Influence of the Reformation by Luther, translated and illustrated with copious notes by James Mill Esqu., London : C. and R. Baldwin, 1805, p. I.

3. [Johann Georg Heinzmann], Voyage d’un Allemand à Paris et retour par la Suisse, Lausanne, 1800, p. 181 et 172-173.

4. Ce texte est resté inédit jusqu’en 1906. Luisa Omacini en a publié une édition critique aux éditions Droz en 1979. Travaillant sur le manuscrit conservé au Département des manuscrits de la BnF, elle a constaté que les corrections étaient de la main de Benjamin Constant.

5. Say est issu d’une famille huguenote de Nîmes réfugiée à Genève après la révocation de l’édit de Nantes.

6. Voir l’analyse d’Andrew Jainchill, Reimagining Political After the Terror : The Republican Origins of French Liberalism, Ithaca (NY) : Cornell University, 2008, p. 266.

7. Décrets du 3 brumaire (rapporteur Daunou) et du 5 fructidor an II.

8. Analyse des sensations et des idées ; morale ; science sociale et législation ; économie politique ; histoire ; géographie.

9. Voir Jules Simon, Une académie sous le Directoire, Paris, 1885 ; Martin S. Staum, « The Class of Moral and Political Sciences, 1795-1803 », French historical studies XI-3 (1980), p. 371-397 ; Sophie Anne Leterrier, L’institution des sciences morales (1795-1850), Paris, L’Harmattan, 1995, p. 11-16 ; Claude Nicolet, « L’Institut des idéologues », dans Mélanges de l’Ecole française de Rome, Italie et Méditerranée, 1996, vol. 108, n°2, p. 659-676 ; Martin S. Staum, Minerva’s message. Stabilizing the French Revolution, Montreal : McGill-Queen’s University Press, 1996.

10. S. A. Leterrier, L’institution des sciences morales, p. 12.

11. Le Breton est secrétaire de la Classe des sciences morales et politiques (1796-1797) puis secrétaire perpétuel de celle des Beaux-Arts (1803-1816) ; Ginguené appartient à la classe des sciences morales et politiques (section d’analyse des sensations et des idées) puis à celle des inscriptions et belles-lettres (section d’histoire et de littérature ancienne) ; Amaury Duval est élu en 1811 membre de la Classe des inscriptions et belles-lettres ; François Andrieux enfin doit à Collin d’Harleville sa nomination dans la section de grammaire en 1795.

12. Say avait gagné la faveur de Bonaparte en préparant une liste des livres que le jeune général devait emporter en Égypte. Comme les autres idéologues, il fut favorable au 18 brumaire avant de passer dans l’opposition.

13. Voir Joanna Kitchin, Un journal « philosophique », La Décade, Paris : Lettres modernes, 1966, et Marc Regaldo, Un milieu intellectuel : la Décade philosophique (1794-1807), Paris : Champion, 1976, 5 vol.

14. Art. 7. « L’Institut publiera tous les ans, à une époque fixe, les programmes des prix que chaque classe devra distribuer. » Voir « The prize contest culture » dans Martin S. Staum, Minerva’s message, p. 64-74.

15. Archives de l’Institut de France, Registre des procès-verbaux de la classe des sciences morales et politiques, p. 99-100.

16. Le Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, parait à Paris de l’an III à avril 1816, en 122 vol. in-8°. Son rédacteur principal est Aubin-Louis Millin de Grandmaison (1759-1818), érudit naturaliste et antiquisant et bibliothécaire à la Bibliothèque nationale.

17. Virginie Martin, « Les enjeux diplomatiques dans le Magasin encyclopédique (1795-1799) : du rejet des systèmes politiques à la redéfinition des rapports entre les nations », Cahiers de l’Institut d’Histoire de la Révolution française, 2012/2.

18. Le 18 janvier 1802, Bonaparte avait procédé à l’épuration du Tribunat grâce à un renouvellement, prévu comme annuel, d’un cinquième de ses membres et le 1er avril un nouveau règlement avait été proclamé qui diminuait le rôle du Tribunat. Cette assemblée rassemblait nombre d’idéologues qui avaient approuvé le coup d’État du 18 brumaire mais s’avéraient peu disposés à supporter sans broncher l’autoritarisme grandissant du premier Consul. Le Concordat en particulier était un sujet de mécontentement pour ces hommes des Lumières, pour la plupart anticléricaux. Le Tribunat comptait une proportion relativement importante de protestants (voir Michel Edmond Richard, Notables protestants en France dans la première moitié du xix siècle, Caen : Éditions du Lys, 1996, p. 13-17).

19. Christophe-Guillaume Koch, 1737-1813, est bibliothécaire de la ville de Strasbourg puis directeur de l’Ecole diplomatique de la ville avant d’enseigner le droit à l’Université protestante. La révolution de 1789 ouvre une parenthèse politique dans sa vie d’universitaire. Il est envoyé en mission à Paris pour y défendre les droits et les biens des protestants d’Alsace. Devenu un membre actif de la Société des amis de la Constitution, il fréquente les constituants, dont certains sont ses anciens étudiants. Ses interventions à Paris permettent la mise au point de deux décrets : celui du 17 août 1790 qui garantit les droits, libertés et biens des protestants d’Alsace, tels qu’ils leur avaient été reconnus par les traités de Westphalie, puis celui du 1er décembre 1790 qui exempte les domaines protestants de la vente des biens nationaux.

20. Pierre Charles Lévesque (1736-1812), ancien membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, proche des encyclopédistes, a collaboré à l’Histoire des Deux Indes de Raynal. Membre de la section d’histoire, il lit vingt et un rapports dont treize sont publiés (Staum, p. 242).

21. Arrêté du 3 pluviôse an XI (23 janvier 1803).

22. Fils d’un pasteur protestant, il s’intéresse à la philosophie morale écossaise de John Hutchinson et d’Adam Ferguson, et aux langues orientales.

23. Jérémie Jacques Oberlin, (1735-1806), frère du pasteur Jean-Frédéric Oberlin, philologue et archéologue ; il est l’un des principaux rédacteurs du Magasin encyclopédique.

24. Sur les Strasbourgeois, voir le rapport de Camus intitulé « d’un voyage fait à la fin de l’an X » dans Histoire et mémoires de l’Institut Royal de France, Classe d’histoire et de littérature ancienne, volume 1, 1815 et Georges Livet, L’Université de Strasbourg de la révolution française à la guerre de 1870. « La rencontre avec l’histoire », Strasbourg : Presses universitaires de Strasbourg, 1996.

25. François-Emmanuel Toulongeon (1748-1812). Membre de la section d’analyse des sensations et des idées, il est l’auteur d’une Histoire de la Révolution en 4 volumes publiés de 1801 à 1810. Actif, il lit treize mémoires dont deux sont publiés (Staum, p. 240). Dans la séance du 15 fructidor an XI, il offre le deuxième volume de son Histoire de France depuis 1789, écrite d’après les mémoires et manuscrits contemporains recueillis dans les dépôts civils et militaires. Dans l’introduction de cet ouvrage, il fait de l’historien un moraliste qui doit éviter les dérives violentes de l’esprit de parti. Il est donc ce qu’on appellerait aujourd’hui un contemporanéiste et fait preuve d’une relative impartialité.

26. Claude-Emmanuel-Joseph-Pierre, marquis de Pastoret (1755-1840), ancien membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, membre de l’Institut le 6 décembre 1795 (troisième section, science sociale et législation). En 1791, il avait été à l’initiative de la transformation de l’église Sainte-Geneviève à Paris en « Panthéon patriotique ». Exilé après l’insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV, il rentre en France sous le Consulat.

27. Jean-Philippe Garran de Coulon (1748-1816). Il appartient à la section science sociale et législation.

28. Paul Jérémie Bitaubé (1732-1808), pasteur calviniste né à Koenigsberg d’une famille de réfugiés français. Ancien membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, il est membre de la troisième Classe, section langues anciennes, antiquités et monuments.

29. Antoine Isaac Silvestre de Sacy (1758-1838), élu le 12 décembre 1795 dans la section des langues anciennes de la troisième classe. Il refuse de prêter le serment de haine à la royauté sous le Directoire.

30. Armand Gaston Camus (1740-1804), ancien membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Membre de la Classe de littérature et beaux-arts est un janséniste, très anticlérical. Conventionnel régicide, il est le rédacteur avec Lanjuinais de la Constitution civile du clergé.

31. François-Jean-Gabriel de La Porte du Theil (1742-1815). Membre de l’Académie des Inscriptions puis en 1795 de la Classe de littérature et beaux-arts.

32. « Ainsi la religion, qui ne devrait sous aucun rapport ressortir du gouvernement uniquement institué pour les affaires de ce monde, la religion, simple intérêt de conscience entre Dieu et l’homme, est dans le fait un des plus grands ressorts de nos institutions sociales, et l’un de ceux peut-être qui influent le plus sur tout le système politique d’une nation. » Mirabeau, De la monarchie prussienne sous Frédéric le Grand, 1788, p. 427.

33. Pierre Joseph, marquis de Maleville, 1778-1832, avocat puis préfet de Sarlat de 1804 à 1811, comte d’Empire, député après les Cent jours, marquis sous la Restauration. Il est le fils du juriste Jacques de Maleville qui fut un des quatre rédacteurs du Code civil.

34. Paris : Lenormant, prairial an XII (mai-juin 1804), 184 p.

35. Jean-Jacques Leuliette (1767-1808), fils de forgeron, autodidacte, lié à Louis-Sébastien Mercier, réfuta l’écrit de Lally-Tollendal en faveur des émigrés. Collaborateur et rédacteur de La Sentinelle, il devint professeur de littérature à l’Ecole centrale de Seine-et-Oise à Versailles.

36. « En portant un jugement sur les caractères des hommes, nous devriez les juger selon les principes et les maximes de leur temps et non selon ceux d’une autre époque car, bien que la vertu et le vice ne changent pas, les usages et les coutumes varient sans cesse. »

37. Op. cit., p. IX.

38. Op. cit., p. XVIII.

39. Discours qui a eu la mention honorable, sur cette question proposée par l’Institut national : quelle a été l’influence de Luther sur les Lumières et la situation politique des différents États de l’Europe ?, Paris : Chez Gide, 1804, XXVII-164 p.

40. Discours sur cette question : comment l’abolition progressive de la servitude en Europe a-t-elle influé sur le développement des lumières et les richesses des nations ? Ouvrage qui a été distingué honorablement par l’Institut National, Versailles, 1805.

41. « Incedo per ignes suppositos cineri doloso » : j’avance sur un feu caché sous des cendres trompeuses, Horace, livre II, Ode I.

42. Paris : imprimerie de Laurens, 1812, 11 p.

43. Graveur et écrivain, il a collaboré avec Michaud pour la Bibliographie universelle et écrit pour le Moniteur et le Mercure.

44. An IX, troisième trimestre, t. 29, p. 276-280.

45. Mémoire sur cette question proposée par l’Institut National : Pour quels objets et à quelles conditions convient-il à un État républicain d’ouvrir des emprunts publics ? Augmenté d’une note sur l’état politique de l’Angleterre, au commencement du dix-neuvième siècle, Paris, an XI, 1801.

46. Nicolas Ponce, Essai historique sur cette question proposée par l’Institut National : Quelle a été l’influence de la Réformation de Luther sur la situation politique des différents états de l’Europe et sur le progrès des Lumières, Paris : Gide, an XIII, 120 p. et Dentu, 1808.

47. « Rome devint l’arbitre et non l’effroi des Rois ; / Sous l’orgueil imposant du triple diadème / La modeste vertu reparut elle-même / Mais l’art de ménager le reste des humains / est surtout aujourd’hui la vertu des Romains. »

48. Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. … sur la quatrième édition, par M. Roucher, et suivies d’un volume de notes … par M. de Condorcet, Paris : Buisson, 1790-1791, t. IV, p. 237. La citation est approximative mais pas plus antipapiste que le texte original.

49. Après la réorganisation de 1803, il intègre la Classe d’histoire et de littérature ancienne.

50. Archives de l’Institut de France, AIBL E 20, plumitif des séances.

51. Il s’agit de « Entwickelung der politischen Folgen der Reformation für Europa », contenu dans le volume des Kleine historische Schriften, publiés de 1803 à 1808 en trois volumes et traduits en 1817 sous le titre Mélanges historiques et politiques chez Treuttel et Wurtz.

52. « M. Heeren me répliqua de la façon la plus obligeante, que c’était lui qui se retirait de la carrière, qu’il renonçait au concours (et par conséquent au prix qu’il eût sans peine obtenu), et qu’il s’abstiendrait de traiter la seconde partie de la question, sur le progrès des lumières. » Troisième édition de l’Essai, 1808, p. X.

53. « M. de Schloetzer et M. Paulus me firent aussi l’honneur, vers ce temps, de m’adresser, l’un de Goettingue, et l’autre de Iéna, deux lettres fort instructives. » Ibid., p. XI.

54. T. VI, p. 1. Je n’ai pu consulter sur ce sujet l’article à paraître de Catherine Julliard dans Nicolas Brucker et Franziska Meier (dir.), Un homme, deux cultures. Charles de Villers entre France et Allemagne. 1765-1815. Colloque de Metz, 25-26 juin 2015, Paris : Garnier Flammarion, sous presse.

55. Voir l’analyse de Michael Printy, « Protestantism and Progress in the Year XII : Charles Villers’s Essay on the Spirit and Influence of Luther’s Reformation », Modern Intellectual History 9-2 (2012), p. 303-329.

56. Art. 11 du règlement de l’Institut : « Chaque classe de l’Institut aura dans son local une collection des productions de la nature et des arts, ainsi qu’une bibliothèque relative aux sciences et aux arts dont elle s’occupe. » Les manuscrits des divers concours, comme les plumitifs des séances, ne sont pas conservés à la Bibliothèque mais aux Archives de l’Institut.

57. François Azouvi et Dominique Bourel, De Königsberg à Paris. La réception de Kant en France (1788-1804), Paris : Vrin, 1991, p. 113s.

58. Voir Louis Wittmer, Charles de Villers, 1765-1815. Un Intermédiaire entre la France et l’Allemagne et un précurseur de Mme de Staël, Genève - Paris : Georg - Hachette, 1908 ; Ruth Ann Crowley, Charles de Villers Mediator and Comparatist, Bern : Peter Lang, 1978, chapitre III : « Villers’ Historical Thought – The Essai on Luther », p. 91-130, et les travaux de Monique Bernard, dont Charles de Villers et l’Allemagne. Contribution à l’étude du Préromantisme européen. Litteratures. Université Paul Valéry – Montpellier III, 1976, thèse mise à jour et consultable en ligne, et Charles de Villers. De Boulay à Göttingen. Itinéraire d’un médiateur franco-allemand, Metz : Éditions des Paraiges, 2016.

59. Charles de Villers, Le magnétiseur amoureux, éd. François Azouvi, Paris : Vrin, 1978.

60. Charles de Villers, De la Liberté : son tableau et sa définition ; ce qu’elle est dans la société ; moyens de l’y conserver…, Metz : et Paris, 1791 ; 2e éd. Paris, 1791 ; 3e éd. Paris, 1792 (seule cette 3e édition porte le nom de l’auteur).

61. Voir Elisabeth Décultot, « La réception française du modèle universitaire allemand à l’époque napoléonienne. L’exemple de l’université de Göttingen », dans Hans Erich Bödeker, Philippe Büttgen et Michel Espagne (dir.), Göttingen vers 1800. L’Europe des sciences de l’homme, Paris : Cerf, 2010, p. 107-128.

62. Voir Céline R. Trautmann-Waller, « Le Musée académique de Göttingen et ses collections européennes, de la Curiosité aux Lumières », dans Etudes Epistémè, Revue de littérature et de civilisation (xvie-xviiie siècle) 26 (2014). En ligne http://journals.openedition.org/episteme/337

63. Il s’agit de la brillante Dorothea Schlötzer, plus tard Madame de Rodde (1770-1825), première femme docteur de l’histoire allemande.

64. Lettres westphaliennes écrites par le comte de R. M. à Mme de H., sur plusieurs sujets de philosophie, de littérature et d’histoire et contenant la description pittoresque d’une partie de la Westphalie, Berlin : Fred. Wiweg, 1797.

65. Le Spectateur du Nord : journal politique, littéraire et moral, Hambourg, 1797-1802.

66. Wilhelm von Humbodt avait présenté Kant à l’Institut dans une série de conférences en 1798. Cf. Claude Obadia, « Kant entre le marteau et l’enclume. Villers, Humboldt et Schelling », Le Philosophoire 34 (2010/2), p. 135-155.

67. « C’est durant son séjour à Paris que Villers rédige, à la demande de Bonaparte, un court texte Philosophie de Kant aperçu rapide des bases et de la direction de cette philosophie, Paris, an X. Karl Vorländer l’a retrouvé dans la bibliothèque de Goethe à Weimar et publié dans Kant-Studien 3 (1898-1899), 4-9, avec une introduction 1-4. Villers avait adressé ce texte à Goethe de Lübeck le 10 août 1803. » Jean Bonnet, Kant instituteur de la République (1795-1904). Genèse et formes du kantisme français dans la construction de la synthèse républicaine, Sciences de l’Homme et Société. École pratique des hautes études - EPHE Paris, 2007, p. 26.

68. Dès le 2 octobre 1801 un « abonné » publiait un « avis important » sur le Kant de Villers : « notre auteur écrivait-il, est un jeune homme qui a fait des efforts louables, quoique malheureux pour nous instruire, et qui a trop cru en rentrant dans ce pays-ci, qu’on n’y savait rien, parce qu’il ne savait rien de ce que l’on y faisait. » La table des matières donne l’identité de l’abonné qui n’est autre que Destutt de Tracy.

69. G. de Staël, Correspondance générale, éd. Béatrice Jasinsky, p. 422-424, lettre du 30 octobre 1801. Cette lettre contient une assez vive critique du sensualisme, critique développée dans la lettre à Villers du 1er août 1802, ibid., p. 538-541. Mme de Staël y reproche également à Villers son manque de tact qui a froissé l’amour-propre français.

70. Signalons cependant un article intitulé « Kant jugé par l’Institut » publié dans le Magasin encyclopédique de Millin, 8e année t. IV, p. 145-160 (1802) et signé De Gersdorf, qui, s’il critique la partialité de Villers, loue sa bonne volonté.

71. Lettre de Charles Villers à Georges Cuvier sur une nouvelle théorie du cerveau, par le Dr Gall, ce viscère étant considéré comme l’organe immédiat des facultés morales, Metz : Collignon, 1802.

72. La Georgia, fondée par l’électeur de Hanovre, autrement dit George II d’Angleterre, n’était pas soumise à la censure ecclésiastique, ce qui permit le développement d’audacieuses études bibliques.

73. Villers traduit les Commentaires de Heyne sur les Figures d’Homère dessinées par Johann Heinrich Willhelm Tischbein, Metz : Collignon, 1801-1802, 2 vol. Voir E. Décultot, « Von Göttingen nach Paris und zurück. Philipp Albert Stapfers und Charles de Villers’ Beitrag zum deutsch-französischen Wissenschaftstransfer (1800-1815) », dans H. E. Bödeker, Ph. Büttgen et M. Espagne (éd.), Die Wissenschaft vom Menschen in Göttingen um 1800, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 2008, p. 85-99.

74. M. Michaud (dir.), Biographie universelle, ancienne et moderne, Paris : L. G. Michaud, 1827, p. 69-82.

75. Lettre conservée dans le fonds Villers de la Bibliothèque municipale et universitaire de Hambourg et citée par M. Bernard dans sa thèse de doctorat (1976), p. 120. L’édition de la correspondance est en cours.

76. Il ne reste de son projet qu’une note manuscrite communiquée par Muller et Wieland à Villers, note traduite et publiée par ce dernier à la fin de l’édition de 1808 de l’Essai.

77. Villers saura l’en remercier. C’est grâce à lui, qui corrige et traduit en français son texte, que Heeren remporte en 1808 le prix de la classe d’histoire et de littérature ancienne de l’Institut sur « L’influence des croisades sur la liberté civile des peuples de l’Europe ». Sa traduction est publiée avec une introduction du traducteur en 1808, Philip Albert Stapfer en a dressé la table des matières.

78. Voir la préface de Villers à la troisième édition de l’Essai publiée en 1808.

79. Christian Frederich von Schnurrer (1742-1822), orientaliste et théologien luthérien de l’Université de Tubingen.

80. Saverio Scrofani, 1756-1835. Historien et économiste italien.

81. Mme de Staël, Charles de Villers, Benjamin Constant : Correspondance. Établissement du texte, introduction et notes par Kurt Kloocke avec le concours d’un groupe d’étudiants. Francfort : Peter Lang, 1993, p. 49.

82. « Précis historique de la vie de Martin Luther », Almanach des Protestants de l’Empire français, Paris : Librairie Protestante (chez Bretin), 1810, p. 1-91.

83. M. Bernard, Charles de Villers et l’Allemagne, p. 125-126. Sur les projets de réunion, voir infra, n. 103.

84. Édition de 1895 p. 25, cité par Andrew Jainchill dans Reimagining Political After the Terror.

85. La Décade philosophique, littéraire et politique 41 (1804 - An XII), troisième trimestre, p. 209-223 et quatrième trimestre, p. 538-551.

86. François Azouvi, La réception de Kant en France, p. 210.

87. Bibliothèque de l’Institut de France (BIF), fonds Fauriel Ms 2327(2), pièces 485-487, trois lettres de Villers à Fauriel et un brouillon de lettre de Fauriel à Villers.

88. BIF, Ms 2327 I, f. 173B. Il s’agit d’un brouillon abondamment corrigé et non daté.

89. BIF, Ms 2327 II, pièce 486.

90. BIF, Ms 2327 II, pièce 487.

91. Cité par Sainte-Beuve, « Historiens modernes de la France/M. Fauriel », Revue des Deux Mondes, Période Initiale, t. 10, 1845, p. 658-662.

92. Cf. Michèle Sacquin, Entre Bossuet et Maurras, op. cit.

93. Compte rendu de la troisième édition de l’Essai dans Magasin encyclopédique, t. 5 (1808), p. 205-206.

94. Un compte rendu anonyme très élogieux paraît le 26 germinal an XII (16 avril 1804) mais la rédaction a ajouté une note prudente : « Nous déclarons que nous n’adoptons pas toutes les opinions qui sont déclarées et énoncées dans cet extrait dont l’auteur n’est pas attaché à la religion catholique. » Cité par L. Wittmer, p. 215. L’auteur dont il est question est-il protestant ou s’agit-il de l’israëlite Michel Berr, très lié à Villers, qui rédigera plusieurs notices nécrologiques sur ce dernier : Magasin encyclopédique 2 (1815), p. 395-399 et Mercure de France 20.2, 8 avril 1815, p. 395-402.

95. Compte rendu de l’Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation de Luther dans Mercure de France 17 (1804 - An XII), 166 du 14 fructidor an XII (1er septembre 1804), p. 485-500. L’article, très violent, est signé CH. D., il s’agit sans doute de Charles-François-Louis vicomte Delalot, 1772-1842, qui avait pris part à l’insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV.

96. Journal de Paris, 25 et 26 mai 1804. L’article est probablement de Roederer qui reproche surtout à Villers sa partialité en faveur des protestants.

97. B. Constant, Journal, éd. de 1895, p. 25.

98. Dans le Conservateur, n° 2, 1800, p. 92-226, sous le pseudonyme de Phil. Huldiger.

99. Léger-Marie-Philippe Tranchant, de Laverne, Lettre à M. Charles Villers relativement à son « Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation de Luther », Paris-Strasbourg : Henrichs et Levrault, 1804. 88 p.

100. [abbé de Boulogne], « Observations sur l’ouvrage de M. Charles Villers intitulé : Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation de Luther et couronné par l’Institut National », dans Annales littéraires et morales, XXIe et XXIIIe cahiers, Paris : Adrien Le Clere, 1804, p. 441-485.

101. Jan Śniadecki (1756-1830), représentant des Lumières polonaises, influencé par l’école écossaise et admirateur de Condillac, était hostile à Kant et au spiritualisme. Il se trouvait alors à Paris : cf. J.-M. Quérard, La France littéraire, t. 9, 1838, p. 199.

102. Louis de Bonald, « De l’unité religieuse en Europe », dans Mélanges littéraires, politiques et philosophiques, volume premier, Paris, 1819, p. 284ss.

103. Il écrit dans sa préface à l’édition de 1808 : « on verra facilement ce qu’on doit penser d’un projet qui depuis quelques années semble occuper derechef les esprits, après avoir été abandonné si longtemps, et qu’on peut appeler aussi le rêve de quelques gens de bien ; celui de l’inutile et inexécutable réunion des cultes. » (Op. cit., p. XXII). Voir Bernard Plongeron, « L’anticontroverse, les projets de réunion des communions chrétiennes du Directoire à l’Empire », dans Michel Péronnet (éd.), La Controverse religieuse, Actes du premier colloque Jean Boisset (24-27 septembre 1979), Montpellier, 1980, t. II, p. 97-133.

104. Journal de Paris, n° 176, 24 juin 1808, p. 1251.

105. Magasin encyclopédique, 1808, t. V ; p. 205-206. La fin de l’article laisse à penser que l’auteur est calviniste. Il pourrait s’agir du pasteur Paul-Henri Marron (1754-1832) alors président du consistoire de l’Église réformée de Paris et collaborateur régulier du journal.

106. Rapports et discussions de toutes les classes de l’institut de France sur les ouvrages présentés pour les prix décennaux, Paris, 1810 ; rapport de la Classe de la langue et de la littérature françaises, p. 33.

107. Ibid., rapport de la Classe d’histoire et de littérature ancienne, p. 63.

108. Essai sur l’esprit et l’influence de la réformation de Luther : Ouvrage qui a remporté le prix sur la question proposée dans la séance publique du 15 germ. an X (5 avril 1802), par l’Institut national de France : « Quelle a été l’influence de la Réformation de Luther sur la situation politique de différens États de l’Europe, et sur le progrès des lumières ? » par Charles Villers, correspondant de l’Institut national de France, de la Société royale des sciences de Gœttingue, etc. Nouvelle édition, Paris, chez Treuttel et Würtz, 1820. XXIV-493 p. Cette édition ne se trouve ni à la BnF ni à la BIF.

109. Denis Robelot, De l’influence de la Réformation de Luther sur la croyance religieuse, la politique et le progrès des lumières, Lyon : Rusand, 1823, xvi-446 p.

110. Compte rendu de l’Essai sur l’esprit et l’influence de Luther (seconde éd.) et des traductions allemandes de Stampeel et de Cramer. In Allgemeine Literatur-Zeitung, 1er-2 octobre 1807 ; compte rendu de L’Essai par Johann Wilhelm von Archenholz, « Ein paar Worte über die Preisschrift den Nutzen der Reformation für die Welt betreffend », Minerva, 1804.3, p. 373-375. Friedrich L. Bouterwek, « Die Religionen. Eine Anmerkung zu der Preisschrift des Hrn. v. Villers über den Geist und die Folgen der Lutherischen Reformation », Neues Museum der Philosophie und Litteratur 1805.3 (1805), 2, p. 61-91.

111. Versuch über den Geist und den Einfluss der Reformation Luthers … von Karl Villers, nach der 2ten Ausgabe aus dem Französischen übersetzt von Karl Friedrich Cramer. Mit einer Vorrede und Beylage einiger Abhandlungen von Heinrich Philipp Konrad Henke, Hamburg : B. Gottlob Hoffmann, 1805.

112. Darstellung der Reformation Luthers, ihres Geistes und ihrer Wirkungen : Aus dem Französischen nach der 2ten Ausgabe übersetzt von N. P. Stampeel. Nebst einer Vorrede von D. Johann Georg Rosenmüller, Leipzig : J. C. Hinrichs, 1805, xlviii-256 p.

113. Versuch über Luthers Reformation, ihren Geist und ihrem Einfluß. Ein Auszug aus der gekrönten Preisschrift des Herrn Villers abrégé de Franz. von G. F. H. Plieth, Nordhaus 1805. In Neue allgemeine deutsche Bibliothek 102.2 (1805), p. 367.

114. Essai sur l’esprit et l’influence de la réformation de Luther, par Charles de Villers. 5e édition, augmentée du Précis historique de la vie de Martin Luther, de Melanchthon, revue et publiée avec une préface et des notes par A. Maeder, Paris – Strasbourg : Treuttel et Würtz, 1851, 346 p.

115. D’après Johann Samuel Ersch, Zweiter Nachtrag zum gelehrten Frankreich, 1771-1805, qui signale aussi une traduction en italien sans plus de précisions.

116. Försök öfver lutherska reformationens natur och verkningar ; i afseende på det politiska tillståndet och upplysningens fortgång i Europa. Skrift, som vunnit priset i fransyska national-institutet ; af Charles Villers, Stockholm, 1811.

117. Cf. M. Bernard, Charles de Villers et l’Allemagne, p. 118.

118. Knut Hakonssen, « James Mill, the Scottish Enlightenment and the problem of civil religion », Political Studies 33/4 (1985), p. 628-641.

119. « On nous dira que la France s’est débarrassée du catholicisme et qu’elle ne l’a rétabli aujourd’hui que de nom et non dans la réalité. Rien ne fait objection à la réjouissante conclusion concernant le progrès de la raison. Ce n’est pas rien que la France soit débarrassée de la bigoterie et de la superstition. C’est le premier pas. La transition d’une absence de religion vers une religion épurée, est, pour un peuple entier, bien plus facile que celle qui conduit d’une religion corrompue à une religion pure. Le penchant de l’homme pour les sentiments religieux empêchera toujours un peuple de se passer longtemps de religion ; et la période intermédiaire qui produit des écrits comme celui que nous parcourons aujourd’hui, si puissamment étudié pour présenter une bonne religion, ne peut pas être vue comme inutile. » Charles Villers, An Essay on the Spirit and Influence of the Reformation by Luther, translated and illustrated with copious notes by James Mill Esqu., London : C. and R. Baldwin, 1805, p. 4 et 5.

120. Charles Villers, An Essay on the Spirit and Influence of the Reformation of Luther, London – Edinburgh – Glasgow : Baldwyn, Ogle, Hill, Anderson, Brash, 1805. 490 p.

121. Charles Villers, An Essay on the Spirit and Influence of the Reformation, Philadelphia : Key & Biddle, 1833. 187(-36) p.

122. Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation de Luther par Charles de Villers, cinquième édition augmentée du précis historique de la vie de Martin Luther, de Mélanchton, revue et publiée avec une préface et des notes par A. Maeder, Paris et Strasbourg, 1851.

123. Il a certes commenté élogieusement son Coup d’œil sur les Universités allemandes et le Coup d’œil sur l’état actuel de la littérature et de l’histoire en Allemagne dans le Publiciste des 27 décembre 1808, 1 janvier 1809 et 25 août 1809, mais il écrit à la même époque à Fauriel qu’il n’est plus en correspondance avec Villers : « je n’ai passé qu’une matinée avec lui, mais il m’a paru un peu disposé à devenir mystique. » BIF, Ms 2327, f. 367. Lettre publiée par Paul et Victor Glachant, dans La Nouvelle Revue, novembre 1901, p. 255.

124. L’Austrasie, revue du Nord Est de la France 4 (1839), p. 73-114, et 5 (1840), p. 145-171.

125. Voir Michèle Sacquin, Entre Bossuet et Maurras, p. 130ss.

126. Voir en particulier les analyses de Patrick Cabanel dans Le Dieu de la République. Aux sources protestantes de la laïcité (1860-1900), Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2003, et de Marion Deschamp et Marc Aberlé, « Le legs politique de Luther chez les penseurs républicains français du xixe siècle. Un héritage discuté », Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, 45-1 (2017), p. 89-120.

127. Voir Michèle Moulin-Sacquin, « Quinet et l’héritage de Charles de Villers », in Sophie Guermès et Brigitte Krulic (dir.), Edgar Quinet, une conscience européenne, Berne : Peter Lang, 2018, p. 243-261.

128. Paul Gautier, « Un idéologue sous le Consulat et le Premier Empire », Revue des Deux Mondes 32 (1906), p. 128-152.

129. Voir Le mouvement des idées dans l’émigration française (1789-1815), Paris : Plon, 1924 et « Un déraciné de l’an IV » dans La semaine littéraire, 24 octobre 1908, p. 505–507.

130. Sur Louis Reynaud, voir Michel Grunewald, Louis Reynaud (1876-1947) : L’itinéraire d’un germaniste proche de l’Action Française. Lendemains – Études comparées sur la France, Francke/Narr, 2012, 37 (146/147), p. 18-44.

131. Un précurseur du IIIe Reich, Charles-François-Dominique de Villers, 1765-1815, Nancy : Société d’impressions typographiques, 1936 (5 janvier 1937), in-8°, 11 p.