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De bruit et de fureur :

échos poétiques, catholiques et protestants, de la bataille de Jarnac (13 mars 1569)

François Rouget

Dept. of French Studies, Queen’s University (Kingston, Ontario – Canada)

La composition de vers de circonstance est inséparable de l’événement qui l’a suscitée. Si la poésie française du xvie siècle est largement conditionnée par la vie publique, les poètes se doivent de faire résonner les accidents de l’Histoire et les péripéties qui émaillent la politique du royaume. Mariages et naissances princiers, entrées royales et alliances diplomatiques offrent une matière inépuisable à l’inspiration des écrivains. Sous le règne des Valois, la guerre et la paix ont constitué des thèmes obligés de l’activité des poètes de cour jusqu’au tournant des années 1558-1559 qui virent la signature de la paix de Cateau-Cambrésis, scellant la concorde entre la France et l’Espagne, et la mort brutale d’Henri II1.

Peu après, les premiers incidents entre catholiques et protestants conduisirent au conflit armé. Les guerres civiles et religieuses allaient mobiliser les forces militaires des deux camps et le service des écrivains durant trente-cinq ans. Les poètes français, soit par conviction, soit par devoir, s’engagèrent dans une campagne de propagande. Après le massacre de Wassy (1562), puis l’assassinat de François de Guise à Orléans (1563), la bataille de l’opinion se poursuivit2. Chaque guerre de Religion fit place tour à tour à l’exhortation au combat puis à la célébration de la paix. La troisième (1568-1570) donna lieu à un déferlement de textes manuscrits et imprimés qui s’explique par le nombre d’affrontements armés et la mort de Louis de Condé, lors de la bataille de Jarnac, le 13 mars 1569.

Cet événement eut un écho retentissant, comme l’avait été la mort du duc de Guise. D’un côté, les catholiques accueillirent la nouvelle avec ferveur ; de l’autre, les protestants rendirent hommage à celui qui leur avait servi de chef militaire et de guide spirituel. Les relations des mémorialistes sur la bataille de Jarnac et leurs implications idéologiques sont déjà connues3. C’est le corpus poétique des réactions des deux camps que nous souhaitons analyser ici. Il sera question d’étudier la nature et les formes de la célébration poétique (réjouissances et deuil), et rappeler le rôle que jouèrent les principaux poètes engagés : J. Grévin, A. de Chandieu, et de nombreux anonymes, dans le camp protestant ; et leurs opposants catholiques, Ronsard, J. Dorat, et leurs émules – dont le jeune Louis Dorléans, le plus virulent d’entre eux, qui sera appelé à jouer un rôle important au cours de la Ligue.

Les circonstances historiques de la bataille de Jarnac et la réaction protestante

Après la publication de l’édit de Saint-Maur (23 septembre 1568), les huguenots se voyaient interdits de liberté de culte et privés de leurs charges d’officiers de la couronne. Cette mesure eut pour effets la défiance à l’égard du roi, la fuite de Condé et de Coligny, et incita les protestants à contre-attaquer en rassemblant leurs forces au port de La Rochelle. C’est vers cette place de sûreté, accordée par l’édit de Saint-Germain, que se tournaient tous les regards et qu’il fallait renforcer4. Au cours du dernier trimestre de 1568, les troupes de Condé et de Coligny furent rejointes par celles de Guillaume d’Orange qui s’emparèrent de villes en Poitou et en Saintonge. Après la trève hivernale, la confrontation avec les troupes de l’armée royale paraissait inéluctable. La bataille eut lieu à Bassac, sur la Charente, tout près de Jarnac, le 13 mars 1569, et constitua l’un des événements majeurs des guerres de Religion, au point d’inspirer deux gravures à Tortorel et Perrissin5. Ce jour-là, les 20 000 ( ?) hommes du duc d’Anjou, devenu lieutenant-général du royaume, conseillé par Gaspard de Saulx-Tavannes, franchirent la Charente grâce à un pont reconstruit la veille, près de Châteauneuf. Elles attaquèrent l’arrière-garde de l’armée protestante à Vibrac, Bassac et Triac, et défirent environ 400 soldats. Le reste des troupes pu se réfugier à Cognac et à Saintes6. Malgré des pertes relativement modestes, ce fut un coup dur pour le camp protestant, dont bon nombre de soldats furent faits prisonniers ou tués, et qui perdit son chef, Louis de Condé, abattu d’une balle dans la tête par un soldat, peut-être François de Montesquiou, alors que le prince avait rendu les armes.

Cette perte eut un grand retentissement dans l’opinion à cause de la stature du prince de sang, mais aussi à cause des circonstances de sa mort. Alors qu’il avait été blessé accidentellement d’une ruade du cheval de La Rochefoucauld, Condé avait montré son courage et repris le combat, mais, encerclé par les troupes du duc d’Anjou, il dut se résoudre à la reddition. Le coup de feu tiré par Montesquiou, contraire au code de l’honneur nobiliaire, fut perçu par certains comme un acte de lâcheté et de cruauté (d’Aubigné), par d’autres (Brantôme) comme un incident militaire. Le pire est le sort humiliant qu’Henri réserva à la dépouille de son ennemi : il la fit porter sur le dos d’un âne, devant la risée populaire7. Les partisans du prince, Robert Stuart et d’autres officiers, connurent un sort équivalent. Cette guerre apparaît comme une vendetta, qui permit la revanche des catholiques sur l’assassinat de François de Guise à Orléans, et du connétable de Montmorency à Saint-Denis, dans des circonstances similaires. Quelque exagérés que soient les témoignages des uns et des autres sur la disparition de Condé, la figure du prince sortit grandie de cette défaite. Ses supporteurs ne manquèrent pas de lui rendre hommage.

Depuis le début du conflit, les poètes protestants n’entendaient pas laisser le champ libre à leurs adversaires. En 1569 encore, leurs complaintes attaquaient le pape et le cardinal de Lorraine, et leurs consolations en vers entendaient panser les blessures de l’âme comme s’efforcèrent de le faire Jean de la Taille8 et les auteurs anonymes de vers contemporains de la défaite de Jarnac :

Le prince de Condé

Il a esté tué,

Mais monsieur l’Admiral

Est encore à cheval

Avec La Rochefoucault,

Pour chasser tous ces papaux, papaux, papaux9.

Mais c’est surtout l’Ode sur les miseres des Eglises Françoises, publiée à la suite de l’Epitaphe de la mort tresillustre Prince Wolfgang, comte Palatin du Rhin […], composée par Antoine de Chandieu10, qui donne toute la mesure de la souffrance éprouvée par le camp huguenot. Publiée sans doute en juin 1569, à la mort de Wolfgang, qui avait conduit ses troupes pour combattre en Poitou, l’ode accompagnée de musique déplore les calamités du temps et décrit les persécutions perpétrées par l’Église de Rome11. Silencieuse sur la mort de Condé, elle offre un tableau saisissant des exactions et présente un chant vibrant en faveur de l’unité de son camp. Après la disparition de Wolfgang qui voulut joindre les troupes allemandes à l’armée française de Condé, le parti huguenot était en désarroi. En publiant sa plaquette à Genève, chez Jean Durant, Chandieu montrait qu’il ne fallait pas baisser les bras, et que le sang versé, dont l’image envahit l’espace de l’Ode, ne resterait pas impuni.

Est-ce à ce moment-là, ou peu après, que parurent les Lettres et remonstrances au Roy, feu Louys de Bourbon, Prince de Condé12 ? En tout cas, cet ouvrage imprimé fin juillet ou début août de 1569 par Henri Estienne, à Genève13, contient Le recit du meurdre desloyalement perpetré en la personne dudict sieur Prince […] (p. 105-118) et plusieurs « epitaphes » qui font de cette partie de l’ouvrage un véritable tombeau poétique14. On y trouve des vers attribuables à Henri Estienne, Antoine de Chandieu, Jacques Grévin et d’autres poètes qui, comme eux, sont désignés par leurs seules initiales, pour pleurer le prince et blâmer Montesquiou. Plaquette de vers français, latins et italiens, ce tombeau rendait public l’émoi éprouvé par Estienne et ses coreligionnaires dont on peut supposer qu’il fut largement partagé en France. Pour preuve, la copie manuscrite de vers funèbres sur Condé qu’on trouve dans le manuscrit Fr. 22565 de la BnF, et qui rassemble les papiers de François Rasse des Neux15. Les divers poèmes jouent sur tous les registres : entre l’annonce de la mort de Condé présentée par le chevalier de Losse à Charles IX (n° IV, « Noble chevalier de Losse ») ; la « complainte » de Françoise de Longueville, seconde épouse de Condé, pour répliquer aux vers fallacieux qui lui furent prêtés par les catholiques (n° VI, « Dames d’honneur, je vous pry’ à mains joinctes » / n° VII, « Tous vrays Chrestiens ayant de Dieu la crainte »)16 ; la prosopopée du prince (n° VIII, « Approche ce tumbeau et me vien recognoistre », et n° XXVIII, « Si tu t’enquiers, Passant, qui gist en ce cercueil ») ; et le « couronnement » ironique de son assassin (n° IX, « La voix qu’ouyt en mourant Montesquiou »). Ailleurs dans l’album, on découvre un dialogue entre la France et le Ciel qui énonce un « Air funebre de la mort de Monsieur le prince de Condé » (n° CXCV, « Loÿs, Loÿs, Loÿs, si tu ciel on oit goutte »).

Si violente fût-elle, l’annonce de la disparition de Condé dans les écrits de l’époque montre que les partisans du prince étaient écartés entre la souffrance et l’espoir de rebondir.

La célébration de la victoire par les poètes catholiques

Du côté catholique, la victoire de Jarnac fut annoncée avec triomphe et célébrée d’abord par des Te Deum un peu partout dans le royaume. La mort de Condé réjouit le pape Pie V qui félicita Charles IX et l’encouragea à éliminer ses « ennemis » considérés comme hérétiques17. Malgré la multiplication des marques de réjouissances, les écrivains semblent avoir évité les actes de diffamation à l’encontre de la personne de Condé. Certains, comme le polygraphe François de Belleforest et le prédicateur Arnaud Sorbin, cherchèrent à excuser ses fautes en invoquant l’intervention de mauvais conseillers18. Même Louis Dorléans, le plus acharné opposant aux huguenots, l’épargne dans l’exécration de sa foi.

Pourtant, on l’a vu avec la prosopopée supposée de Françoise de Longueville, les propos injurieux n’épargnèrent pas la dépouille de Louis de Bourbon. Par la voie manuscrite, les vers saluant la victoire et humiliant les vaincus se répandirent assez vite. On composa des vers satiriques, des chants de dérision sur des airs populaires qui furent recueillis dans les anthologies parisiennes jusque dans la décennie 1570-1580. Les poètes officiels, et ceux qui entendaient se joindre à eux, trouvèrent là l’occasion d’apporter leur soutien public à la couronne et de louer le jeune duc d’Anjou dont le rôle, dans les événements de 1569, fut exagéré à dessein. Face à Charles IX, que l’on disait attentiste aux côtés de sa mère et des Guises, Henri pouvait incarner les espoirs d’une cour catholique soucieuse d’ordre et de paix, imposant une politique religieuse de fermeté à l’égard des rebelles.

Parmi ceux qui célébrèrent la victoire de Jarnac, on reconnaît nombre de poètes établis sous le règne d’Henri II, et de plus jeunes qui se situent dans leur mouvance. On fera remarquer d’abord que le triomphe catholique de l’année 1569 n’a pris toute sa dimension dans l’opinion qu’au terme de la campagne, après la victoire remportée à Moncontour (3 octobre). Après Jarnac, le combat de La Roche-L’Abeille, puis le siège de Poitiers (été), l’armée royale prit l’ascendant. Cette répétition de succès redoubla les marques de célébration poétique.

Dès le printemps, la propagande fut mise en route. Après le récit des témoins de la bataille, les poètes s’en inspirèrent pour louer les vainqueurs. Les poètes débutants profitèrent de l’occasion qui leur était offerte pour prendre la plume et distribuer leurs compositions. À côté d’Arnaud Sorbin, qui fit paraître un Chant d’allegresse « contre les rebelles Calvinistes » où résonnent les accents des Discours ronsardiens19, on découvre le Triomphe heroïque avec trophées de Monseigneur le duc d’Anjou par Jacques de l’Espervier, poète dauphinois dont on sait peu de chose20. Son discours en décasyllabes suivis proclame la puissance d’Hercule, héros de Vérité, sur « la folle outrecuidance » des hérétiques. Ces lettrés semblent avoir composé leurs vers dans l’urgence, sans doute pour les soumettre au plus vite à l’attention convoitée du duc d’Anjou. Enfin, chez le même libraire, parut l’Hymne à la victoire de Monsieur, frere du Roy, obtenue entre Jarnac et Chasteauneuf par Jean-Baptiste Bellaud21. Signalée par Antoine Du Verdier, cette plaquette n’a pu être retrouvée. Elle nous renseignerait sur les débuts poétiques d’un écrivain d’occasion, engagé dans les conflits religieux.

Au même moment, le plus célèbre des poètes, Ronsard, fit peut-être circuler à la Cour son « Chant triomphal pour jouer sur la lyre », qui parut discrètement parmi les pièces du Sixiesme livre des Poemes, le 1er août22. On y rencontre l’emblématique liée à Hercule, récurrente dans les poèmes de ses émules, et que Ronsard conservera jusque dans son éloge d’Henri, devenu roi de France, auquel il offrira un Panegyrique, en 157923. Pour reproduire le rythme du dithyrambe antique, Ronsard choisit le sizain hétérométrique de vers impairs (7-3-7-7-3-7) dont la cadence abrupte convient à l’éclat de la célébration. La tonalité agressive du poème24 s’inscrit dans le droit fil des Discours de 1562-1563, dont les révisions textuelles, qui accompagnent les rééditions successives, accentuent la violence marquée contre Bèze et ses partisans. L’attitude de Ronsard en cette année 1569 est curieuse : s’il contribue à chanter les victoires catholiques, il fait circuler ses vers avec discrétion. Outre la pièce parue dans les Poemes, il rédige en plus de deux cents vers L’Hydre deffaict25, où le développement de la légende d’Hercule laisse place à l’avènement de l’Hercule français, Henri, vainqueur d’« un serpent contrefaict » (v. 98) qui rappelle le monstre Opinion des Discours. Suivent l’énumération des batailles (Jarnac, v. 129 ; Moncontour, v. 150), l’exhortation pour éliminer les ennemis rescapés, et l’éloge final et conjoint de Charles IX et de son frère cadet, « ce jeune Duc, ce guerrier Hercullin » (v. 186), sanctifiés dans le temple poétique que le poète promet de leur édifier. Ce long poème fut précédé d’une « Priere à Dieu pour la victoire », avant la bataille de Moncontour, qui parut anonymement dans le Chant triomphal sur la victoire obtenue par le Roy d’Antoine Valet26. Ce type de poème d’encouragement, qui a d’autres antécédents dans la carrière de Ronsard27, montre bien l’engagement personnel dans la vie politique de 156928. A-t-il agi de son propre chef, ou bien à la sollicitation de ses proches ? On constate en effet qu’il concède plus qu’il ne prend l’initiative.

Celle-ci en revient sans doute à Jean Dorat, poète et interprète du roi, humaniste réputé et poète néo-latin très actif29. Avant sa fameuse conversion religieuse, datant de 1570, on observe l’implication progressive de Dorat en faveur de la lutte anti-protestante30. C’est lui qui diffuse la plaquette in-4° des Paeanes, sive triplicem victoriam felicitate Caroli IX Galliarum regis […] et Henrici fratris […], publiée à Paris, chez Jean Charron, fin 1569. Le titre place les trois victoires de 1568-1569 (Mensignac, Jarnac et Moncontour) dans un cycle en faveur des deux princes, et le recueil sous l’égide d’une troupe de poètes confrères de Dorat. En tout, on relève dix poèmes français, latins et grecs, dont la moitié sont de Dorat (n° 1-3, 5, 10)31. Celui-ci ne ménage pas ses forces pour remercier et louer les chefs catholiques. S’il se tourne d’abord vers Charles, selon l’ordre protocolaire (n° 1-2), il marque une nette allégeance à son frère, étoile montante, et aussi à Charles de Lorraine, bras armé de la cause catholique (n° 10). La liste de ses contributions dans le florilège montre qu’à partir du péan initial, évocation générale des trois batailles, le poète amplifie sa voix au moyen de la répétition (n° 5, péan grec traduit ensuite en latin et en français). Il parvient ainsi à faire résonner la gloire triomphale sur toutes les cordes de la lyre.

Il n’est pas surprenant de le voir entouré de ses amis qui, à leur tour, commémorent les succès de 1569. Les cinq autres contributeurs offrent une pièce chacun. Inutile de revenir sur Ronsard (n° 6) et de nous arrêter sur le chant latin de Vergèce (Ange ou Nicolas), qui commet un éloge convenu du roi. Mais penchons-nous sur les voix françaises de Jean-Antoine de Baïf, de Remy Belleau et d’Amadis Jamyn.

Le premier compose quatorze sizains d’octosyllabes sur la victoire de Moncontour « sous la conduite de Monseigneur de duc d’Anjou », mais dédiée au roi en 157332. Dans cette pièce, le héros Henri fait l’objet d’un hommage conventionnel. Le souvenir de la victoire sur les « rebelles » se réduit au surnom que Baïf accorde aux deux frères, les « Dompteurs des rebelles » (v. 54). La pièce de Belleau, autre membre fondateur de la Pléiade, est plus ambitieuse. En 376 heptasyllabes, son ode congratule le roi de sa victoire à Moncontour33. Là encore, le poète n’élude point l’éloge des deux frères (121-128). Henri est l’Hercule vainqueur du Python, et la terre est jonchée du corps sanglant des mutins (v. 329-336). Si la dureté du ton y est mieux marquée, en revanche la symbolique et l’imagerie n’ont rien de neuf, et l’ode semble résumer la fin des guerres de 1569 pour espérer l’avènement de la paix. La troisième pièce française est due à un jeune poète, servant de secrétaire à Ronsard, retiré au prieuré de Saint-Cosme. Dorat lui offre l’occasion de se faire entendre mais il est fort possible qu’il se soit d’abord fait connaître par une ode circulant par la voie manuscrite, comme l’avait fait son maître. En effet, Jamyn avait composé ses onze sizains hétérométriques (10x2, 6, 10x2, 6) « sur la bataille de Jarnac » et l’avait dédiée à Jean de Belot, celui-là même à qui Ronsard offre le Sixiesme livre des Poemes, ouvert sur un sonnet de Jamyn34. Son poème est un chant de joie collective entièrement réservé à vanter la force d’Henri. Il sera repris dans ses Œuvres poétiques (Paris, M. Patisson, 1575). À Dorat, il préfère offrir un « Cantique de la victoire » à Moncontour, correspondant sans doute mieux à l’actualité immédiate. Réédité en 1575, il est constitué d’une suite de 102 décasyllabes clamant la force des Valois sur les troupes de Coligny, incarnant la tyrannie. Là encore, l’allure du poème classe celui-ci parmi les pièces de circonstance, composées à la hâte, pour répondre à une commande.

Dorat semble avoir procédé rapidement à réunir tous ces poèmes35, sortis de plumes respectées à la Cour, afin de produire un volume collectif, copieux, destiné à appuyer la politique royale et, peut-être aussi, à capter les faveurs des Valois. Même si ces vers ne sollicitent jamais ouvertement une récompense pour leurs auteurs, ils profitent souvent du récit des guerres pour louer sans limites leurs héros.

Louis Dorléans et le succès du Cantique de Victoire (Paris, R. Le Mangnier, 1569)

Parmi les contributeurs aux Paeanes, on note l’absence de Philippe Desportes, pourtant déjà bien en cour, et peut-être déjà au service du duc d’Anjou. Seule une raison majeure a pu l’empêcher de célébrer les victoires de Jarnac et Moncontour. On remarque aussi la voix de poètes faisant leurs premières armes. C’est le cas de Louis Dorléans (1542-1629) qui fit paraître à Paris, chez Robert Le Mangnier, un Cantique de victoire (Jarnac), contemporain de l’événement. Par conviction religieuse, par ambition littéraire ou par opportunisme, le jeune homme s’empressa de composer les 276 vers de son poème et le livrer aux presses. La date du privilège accordé à Le Mangnier étant le 25 mars 1569, le poète dut se mettre à l’ouvrage dès l’annonce de la victoire, et la plaquette parut sans doute entre le 25 et le 31 mars.

Au moment des faits, Dorléans n’était connu que par quelques vers funèbres en l’honneur du connétable de Montmorency (1567) et de Jacques de La Chastre (1568). Avocat au Parlement de Paris, lié peut-être au cénacle de Dorat, il s’engagea rapidement dans le parti des ultra-catholiques puis des ligueurs. Sa haine des huguenots le poussa à refuser de reconnaître Henri de Navarre comme roi de France. Ses pamphlets aussi nombreux que violents l’obligèrent à s’exiler, avant un retour en grâce que lui valut son allégeance tardive à Henri IV36. Si ses œuvres, en vers et en prose, sont d’une valeur inégale, elles présentent un intérêt historique réel pour comprendre les enjeux des guerres civiles.

Sa première œuvre polémique est donc ce Cantique de victoire, pièce singulière par son ampleur et sa tonalité belliqueuse. Le poète cherche à frapper fort pour se distinguer de ses confrères : il est le premier à célébrer la victoire de Jarnac ; il lui consacre un texte ambitieux et d’une violence singulière ; il a enfin obtenu la reconnaissance du public, comme le montre le nombre assez élevé de réimpressions à Paris, à Lyon et à Rouen.

Le Cantique de 1569 est peu connu de la critique qui a vu en lui tantôt « une véritable épopée » (F. Charbonnier)37, tantôt une « psalmodie » (N. Lombart) politiquement et religieusement engagée38. En effet, sur 46 sizains d’alexandrins semblables à des versets, le poète déploie un vaste discours qui, du récit historique, passe à la vision prophétique quasi-hallucinatoire. Notons que, si le cantique vante l’action d’Henri d’Anjou et l’autorité de Charles IX, il s’adresse d’abord à Dieu. En Lui, Dorléans voit le bras armé de la vengeance des catholiques contre l’hérésie. Le lexique de son poème résonne comme le tonnerre des Cieux ; le réseau métaphorique exploite les images du sang et de l’effroi pour confirmer

Que c’estoit toy, Seigneur, toy, Seigneur, voirement,

Qui faisoit des pecheurs si grande boucherie.

(v. 59-60)

Le poème s’ouvre sur la proclamation de la foi en Dieu (str. 1-2) et sur les preuves de sa toute-puissance au moyen de deux tableaux. Le premier constitue une description vive de la violence exercée sur les méchants (str. 3-6). Le second insiste davantage sur l’abattement éprouvé par ceux-ci (str. 7-12) Le recours à l’anaphore (str. 13-15) et l’insistance portée à la description visuelle (str. 16-17, 20) font de la première partie du poème la vision d’un conflit universel, entre le passé et le présent, le ciel et la terre, les catholiques et les protestants, qui se résout par l’apparition de Dieu. La prosopopée occupe la seconde partie du Cantique (str. 22-45) avant une brève conclusion énoncée par Dorléans. Le discours direct de Dieu, ou exhortation adressée à Charles IX, fait entrer l’épopée sur la scène dramatique. Son monologue contient une justification de sa présence et des châtiments dont il a accablé les huguenots (str. 24-25), ainsi qu’un enseignement de « preceptes » (str. 26). Au moyen d’exemples extraits de la Bible (Saül, str. 28 ; Aza, str. 30 ; Ioran, str. 39), Dorléans délivre un embryon d’« institution du Prince », à l’instar de Ronsard39, qui en précise les fondements : le respect de la justice (str. 32-33), de la piété (str. 34) – termes de la devise de Charles IX –, et de l’autorité (str. 35). Ce qui est remarquable ici est la menace que Dorléans prête à Dieu face au roi. Les strophes 36 à 44 rappellent la toute-puissance du Seigneur et le tourment qu’il fait peser sur ceux qui, au « sens dereglé », ignorent ses « edits » (v. 211-212) :

Affin que tous les Roys aprinsent que je suis

Le seigneur, des seigneurs, et que c’est moy qui puis

Les soufler devant moy comme pouldre legere.

(v. 262-264)

On le voit, le Cantique de L. Dorléans est moins un chant de victoire militaire, un péan ou un Te Deum, qu’un sermon évangélique qui tire sa force de l’évocation brutale de la bataille et de l’exhortation à la guerre sainte. Par là, le poète fait comprendre à son lecteur que la victoire de Jarnac (laquelle n’est pas nommée, pas plus que n’est décrit le lieu des affrontements) est la première étape d’une campagne pour éliminer « les meschans » (v. 275). Ce cantique de propagande présente déjà les arguments et tous les aspects du style que Dorléans développera dans ses œuvres de la maturité.

Son allure de prédication qui le distingue des autres poèmes célébrant la victoire de Jarnac explique peut-être son succès auprès du public. Car on a réussi à identifier au moins six éditions du Cantique pour la seule année 1569. L’examen attentif de la page de titre et de la typographie des impressions produites pour Le Mangnier nous a conduit à distinguer quatre impressions dont voici les principales caractéristiques :

1. Exemplaire du château de Chantilly (cote : IX-E-030, accessible en ligne) : CANTIQVE / DE VICTOI- / RE, PAR LEQUEL ON / PEVT REMARQUER LA VEN- / gence, que Dieu a prise dessus ceux qui / vouloient ruyner son Eglise et la Frâce. // PAR LOYS DORLEANS. // [marque] // A PARIS, / Pour Robert le Mangnier Libraire, Ruë / neufue nostre Dame, à l’image S. / Iean Baptiste. / 1569. / AVEC PRIVILEGE. In-8 de 8 ff. ; A-B4. Extraict du privilege en A1 v° (signé Myron) en 10 lignes. Au f. B4 v°, sonnet « A M. Dorleans sur son cantique de victoire », signé P. T. [Pierre Tamisier ?], dont l’incipit est : « Apres que des Geants les esquadres mutines ».
Autre exemplaire : BnF, 8-YE-Pièce-3485.

2. Exemplaire de la BnF Rés. YE-20486 :
Comme n° 1 mais on observe un décalage des lignes du titre ; pas de virgule après « victoire » ; ligne 3 : « France ».
Autre exemplaire : Bibl. Sainte-Geneviève, cote 8 F Sup. 72 Rés. (P. 11).

3. Exemplaire de la BnF Rés. YE-1795 :
Comme n° 2 mais on observe un décalage des lignes du titre ; pas de virgule après « victoire » ; ligne 3 : « France » ; lignes 10-11 : « à l’enseigne / S. Iean Baptiste » ; date décalée à droite. En A1 v° ; privilège imprimé en 9 lignes.

4. Exemplaire du château de Chantilly (cote : IV-F-043) :
Décalage des lignes du titre ; pas de virgule après « victoire » ; ligne 3 : « France » ; en A1 v° : avant l’extrait du privilege, on trouve un second sonnet signé P. T. : « Sur la victoire obtenue par le Roy en mars » (incipit : « Deux fois au mois de Mars la France divisée »).
Autres exemplaires : B. M. Lyon, cote : 314312 (accessible sur Gallica) ; BnF, Rothschild, IV, 3178 ; Bibl. Sainte-Geneviève, 8 Z 1012 Inv. 3153 Rés.

5. Exemplaire de la Bibl. Méjanes à Aix-en-Provence, cote : Rec. D. 9, 167 : Édition publiée par Benoît Rigaud, à Lyon, 1569, « avec permission ». Elle suit l’impression n° 4 de Le Mangnier.

6. Exemplaire de la Bibl. Méjanes à Aix-en-Provence, cote : Rec. D. 1, 1206 : Édition publiée par Martin Le Mesgissier, à Rouen, en 1569, en 7 ff. n. ch. + 1 f. blanc.

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La réaction à la bataille de Jarnac exprimée par les deux camps politico-religieux fut donc tantôt rapide, tantôt plus lente. Si les poètes firent circuler leurs vers d’abord par la voie manuscrite, clandestinement ou non, ils décidèrent ensuite de leur donner une diffusion plus large. En surnombre, les témoignages des catholiques furent publiés séparément, et c’est au terme des événements marquant l’année 1569 que les contributions des poètes de l’entourage de J. Dorat furent réunies dans un recueil commun. De leur côté, les huguenots ne s’en laissèrent pas compter, qui exprimèrent leur tristesse et rendirent un hommage poétique collectif à leur chef quatre mois seulement après sa disparition. Cette mort, plus que l’issue de la bataille elle-même, servit à cristalliser ou à raffermir les convictions des deux communautés religieuses. L’exemple de L. Dorléans le montre bien car, s’il entrait une part d’opportunisme courtisan dans son initiative, ce jeune homme motivé par une foi exacerbée sut donner des accents singuliers à son Cantique qui rencontra la ferveur du clan catholique dans plusieurs provinces de France. Indépendamment de sa valeur littéraire, il constitue un document important de l’histoire de la troisième guerre de Religion, et il nous a paru utile de le reproduire à la suite.

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Note sur l’édition

Pour l’établissement du texte, nous avons suivi scrupuleusement la graphie et la ponctuation de l’original. Cependant, conformément aux habitudes de l’édition savante, nous avons résolu les tildes et les esperluettes, et distingué le i du j, et le u du v.

[A2 r°]

CANTIQUE DE VICTOIRE À DIEU

PAR L. D. P.

1

Or estions-nous de Dieu tousjours bien asseurez

Qu’en rigueur noz pechez ne seroient mesurez,

Ny les exces commis par noz offences hautes :

Mais que d’humble façon luy requerant mercy,

Son cœur incontinent se verroit adoucy,

Et demandant pardon, nous l’aurions de noz fautes.

2

Assez à ceste fois l’avons-nous éprouvé40,

Quand le grand Dieu vivant, le grand Dieu s’est trouvé

Luy-mesmes bataillant contre noz adversaires,

Et que pour nous sauver de leurs cruelles dentz,

C’est luy tout le premier qui a donné dedans [A2 v°]

Renversant noz haineux qui luy estoient contraires.

3

Nous avons bien cogneu que c’estoit nostre Dieu,

Lors que nous l’avons veu paroissant au my-lieu

Des nuaux éclaircis de flamme devorante,

Et que de mille feux estant environné

Sa main un si grand coup de tonnerre a donné

Que la terre un long temps resta toute tremblante.

441

Ce tonnerre grondant devancé d’un éclair

Rouoit, piroüettoit, et sifloit dedans l’air,

Jusqu’à ce que tombant d’un bruyant

precipice Dedans leurs escadrons il se vint élancer,

Et si effroyement leurs troupes renverser,

Que chacun, ô Seigneur, redouta ta Justice.

5

Les mons à cest abord, et craintifz, et poureux,

Et les cavez rochers se briserent en deux,

La mer pâle d’effroy s’enfuyt à vau-de-route,

La terre s’en ouvrit jusques aux fondemens,

Bref, à veoir alteré chacun des elemens,

Nous pensions que perist ceste machine toute.

6

Adonc ton bras puissant aysement nous feit veoir

Les grandz éclatz de feu, que tu faisois pleuvoir

Plus menu sur leurs corps que ne tombe une gresle42,

Dont tant soit peu touchez, rien plus on ne voyoit, [A3 r°]

Qu’un tourbillon pouldreux que le vent tournoyoit,

Et qui poureux encor s’enfuyoit pesle mesle.

7

Ceux qui fuyrent de peur, te voyant furieux

Fouldroyer, pouldroyer, le front ambicieux

De ceux qui contre toy avoient levé la teste :

Ne fuyrent pas pourtant les efforts de ta main,

Car tu les fis tomber par le glaive inhumain

En pensant eviter les trais de ta tempeste.

8

Tu les fis arrester au my-lieu de leur cours,

Et te jettant sur eux comme se jette un ours,

De dentz de teste et piedz sur les chevres sauvages.

Tu vins l’espée au poing à les abattre tous,

Si qu’estans demeurez souz l’horreur de tes coups

Le sang large-undoyant43 noya les pasturages.

9

Nous les vismes, Seigneur, abbatuz par monceaux

Nous les vismes trenchez en dix mille morceaux,

Remarquant en cela qu’elle estoit ta vengence,

Quand dessus le pecheur tu laschois ton couroux,

Sus le pecheur mutin, qui se mocquoit de nous,

Et qui cent fois le jour irritoit ta clemence.

10

On ne voyoit par tout que des corps amassez,

Et les champs seulement estoient ensemencez

D’armes, de sang, de mortz, de carnage, et turye : [A3 v°]

Si que passant par là, on jugeoit aysément,

Que c’estoit toy, Seigneur, toy, Seigneur, voirement,

Qui faisoit des pecheurs si grande boucherie44.

11

Aussi l’as tu monstré, lors que tu as permis

Que les corps atterrez de tous tes ennemis

N’eussent vuydes d’esprit l’honneur de sepulture :

Et quant tu as voulu, que ceux là qui estoient

Pasture de peché ce pendant qu’ilz vivoient,

Fussent apres la mort des bestes la pasture45.

12

Car les chiens affamez, et mesmes les oyseaux

Se sont jusqu’au crever rempliz de leurs boyaux,

Les loups qui ont senti tant de charongnes mortes,

Ont de fain assailliz, les bois abandonné,

Pour prendre ce repas que leur avoit donné,

L’eternel qui punit le vice en telles sortes.

13

Aussi c’est toy, Seigneur, c’est toy seul, qui as peu

Confondre, et massacrer, par le glaive, et le feu

Noz haineux, et les tiens : dont l’audace mutine

Avoit tant enhardy ses sacrileges mains,

Qu’apres avoir pillé tes habitacles sainctz,

Ilz les mettoient à sac, et tournoient en ruyne46.

14

C’est toy Roy souverain de tous les Roys, c’est toy,

Qui as à son besoing secouru nostre Roy47, [A4 r°]

C’est toy qui l’as gardé, lors que ta main puissante

Et ton bras royde, et fort, s’est jetté devant luy,

Et qu’il a recullé les effors de celuy

Qui vouloit ruyner sa jeunesse innocente.

1548

C’est toy qui as enflé la poitrine, et le cœur,

De nostre jeune Duc49, que tu as faict vainqueur,

C’est toy qui l’as conduit, lors que pour ta querelle

Suivy de noz soldatz brusquement animez,

Il a foncé rompu les bataillons armez,

De ceux qui te portoient une hayne immortelle.

16

Dieu, que de plaisir alors nous recevions,

Que de plaisir, Seigneur, quant ainsi nous voyons

D’escadrons bien serrezla campagne couverte,

Tant de Princes cogneuz et d’heur, et de renom,

Tant de braves soldatz pour ton nom,

Et voyre que pour toy la mort n’est point de perte.

17

Par tout on ne voyoit qu’enseignes ondoyer,

Par tout on ne voyoit qu’armures flamboyer,

Et croy que Josué ce grand fouldre de guerre,

N’en eut jamais autant rangez dessouz sa main :

A l’heure qu’à pied sec il passa le Jourdain,

Affin de conquester la Palestine terre50.

18 [A4 v°]

Tous pour marque ilz avoient ton signe, ô Dieu vivant,

Ton signe de la croix, qui s’en alloit devant

Pour monstrer que ta croix estoit leur asseurance,

Et qu’ilz vouloient mourir bataillant pour ta croix,

Comme toy, par ta croix, tu avois autresfois,

Moyenné des pecheurs l’entiere delivrance51.

1952

Toutesfois de toy seul nous estions ébahis,

Voyant tes feux épars couvrir un long païs,

Le ciel courbé soubz toy comme une nuë épaisse,

De ta bouche, et ton nez, saillir charbons ardens,

Et redoutable aux yeux de tous les regardans,

De tes dardz ensouffrez enfondrer une presse.

20

Nous estions étonnez de te veoir decocher

Tes fleches si menu, que tu venois ficher

D’un coup mille pecheurs portez dessus la pouldre :

Et comme si jamais ilz n’eussent esté nez,

Qui estoient soubz tes coups si tost exterminez,

Qu’on les voyoit en vent, voire en rien se resouldre.

21

Ta parole pourtant nous donna plus d’effroy,

Quand elle fut ouye, et de nous, et du Roy,

Auquel tu t’aparuz caché d’une grand’ flamme,

Ainsi qu’en ta maison graces il te rendoit,

De luy avoir soubmis, celuy qui desbandoit,

Les traicts plus furieux qu’il sent en son ame53. [B1 r°]

22

Roy, luy dis-tu Seigneur, leve les yeux en hault,

Et sans craindre ce feu qui est bruslant, et chault,

En la fleur de tes ans, commence à me cognoistre :

Je suis le Dieu vivant, le grand Dieu d’Israël,

Invincible, infiny, admirable, eternel,

Dieu des dieux, et des Roys le seigneur, et le maistre54.

23

C’est ma subtile main, qui a mis dans les cieux

Ce nombre reluisant de lampes, et de feux,

Qui donnent la clarté à ceste masse ronde :

J’ay basty ce grand tout, et les plus graves Roys

Ne sont en leur grandeur qu’ouvrage de mes doigts,

Qui les ont façonnez, comme ilz ont faict ce monde.

24

Long temps je t’ay congneu avant que fusses né,

Et pour regir ce Parc je t’avois destiné,

Toy encor enfermé au ventre de ta mere :

Je t’avois reservé au sceptre que tu tiens,

Pour estre l’heritier du royaume, et des biens,

Que j’avois paravant ordonnez à ton pere55.

25

C’est pourquoy ma main forte a voulu ruyner

Ceux qui se sont vouluz contre toy mutiner :

Non contre toy tout seul, mais contre moy encore,

Et que j’ay confondu leurs corps, et leurs espris,

Affin qu’en te craignant, ton peuple fust apris [B1 v°]

A craindre l’Eternel que par tout on adore.

2656

Entend donc maintenant à ces préceptes miens :

Si tu trouves jamais vivant parmy les tiens

Un qui ayt butiné ma maison, et mon Temple,

Et qui ayt de ce jour eschappé mon effort,

Je veux sans delayer qu’il soit mis à la mort,

Et qu’aux oyseaux du ciel il soit donné pour exemple.

27

Tu n’auras point d’esgard si c’est un grand seigneur,

Car je suis l’Eternel, songneux de mon honneur,

Et qui par tout moyen en poursuy la vangence,

Aussi bien sus le chef d’un puissant Empereur,

Que sus le dos courbé d’un pauvre Laboureur,

Ne regardant à rien qu’à la seule innocence57.

28

Tu sçais, comme Saül, lequel j’avois voulu

Oindre pour gouverner Israël mon esleu,

Refusant mettre Agag au tranchant de l’espée,

Qui avoit mon honneur, et mon peuple souillé,

Fut d’un sceptre si beau aussi tost despouillé,

Et d’estrange frayeur sa poictrine frappée58.

29

C’est pourquoy je ne veux qu’un seul reste vivant

De ce troupeau meurtrier, qui pipé va buvant

Dans le vaisseau d’erreur que donne la paillarde59 : [B2 r°]

Ordonnant à jamais, qu’un peuple qui est mien

Avecque les pecheurs ne communique en rien,

S’il ne veut avoir part aux maux que je leur garde.

30

Ainsi me pleut Aza, lequel ayant deffaict

Quelque sauvage Dieu que sa mere avoit faict,

Luy-mesme la chassa, et mit hors de l’Empire :

Ne voulant endurer, qu’on servist autres Dieux,

Que moy, Dieu souverain, qui tonne dans les cieux,

Et qui faict effrayer ce monde soubz mon ire60.

31

Je t’enjoins donc, ô Roy d’avoir escris au cueur

Mes saincts commandemens, qu’avec toute rigueur

Les vieux Roys tes ayeulx ont tenuz en la France,

Et les monstrer à ceux qui sont soubz ton pouvoir,

T’asseurant, si tu fays en cela ton devoir,

J’augmenteray ton heur, ta force, et ta puissance.

32

Tu seras Juste aussi, car jamais dépité

Je ne fus contre ceux qui gardent equité,

L’equité faict regner, non la richesse grande :

Et pource à tes subjects chacun en son endroit

Tu donneras le sien, et garderas leur droit,

Sans que d’un petit point la faveur te commande61.

33

Je t’ay faict leur seigneur, eux, ils sont tes vassaux,

Tu es pere, eux enffans, toy pasteur, eulx agneaux, [B2 v°]

A toy, comme au seigneur, ils doivent leur service,

Comme au pere l’honneur, l’amour comme au pasteur,

Et toy, comme pasteur, leur pere, et leur seigneur,

Tu leur dois tout support, tout amour, et justice62.

34

Voy donc à m’obeïr, car si je m’aperçoy

Que tu sois amateur de mon nom, et de moy :

Sur les Roys d’icy bas je te feray paroistre,

Comme les cedres vieulx plantez sur le Liban

Paroissent dessus ceux qui n’ont encore un an,

Ou dessus les ciprés qui ne font que de naistre.

35

Du peuple ton voisin tu seras redouté,

Et si feray le tien, si comble de bonté,

Si riche, si heureux, si doulx si pacifique :

Que ceux qui te verront pleins d’ébaïssement,

Diront que Salomon, en son commencement,

Ne fut jamais si grand, si brave, et magnifique63.

36

Mais si en tes plaisirs tu es tant aveuglé,

Que tu ne suyves rien que ton sens dereglé,

Et que de mes édits tu faces peu de conte :

Contre toy je feray tes subjects eslever,

Qui de moy soustenuz, viendront à te grever,

Et mettre sus ton front une eternelle honte.

37 [B3 r°]

La fain, la peste aussi, te mineront par tout,

Mon cousteau, ma fureur, courront de bout en bout,

De tes païz perduz, sans que tu me resistes,

Non plus que Pharao ce tiran endurcy :

Sinon qu’humilié me demandant mercy

De plus me courroucer à la fin tu desistes.

38

Car c’est moy, c’est moy seul, qui fais d’un forgeron

D’un chartier, et d’un serf, d’un simple vigneron,

Un Roy tel que tu es : et d’un berger champestre,

Un monarque puissant, superbe, et sourcilleux,

Et puis le ravallant quant il est orguilleux,

Aux vers, aux chiens, aux poux, qui le donnent à les paistre64.

39

Joran l’esprouva bien, à qui je fis sentir

Mon ire si avant, que l’on luy vit sortir

Les trippailles du corps qu’il laissoit par la place :

Et l’autre que je fis, en le voulant punir,

Si ladre, si infaict, et si ord devenir,

Que ses membres pourris tomboient devant sa face65.

40

Ainsi je rabaissay le Babilonien66,

A qui j’avois donné le bord Sydonien,

L’Egipte, Mede, et Tyr, et Gaze pour sa proye,

Quant trop presumptueux, et ne cognoissant pas

Avoir esté vainqueur en vertu de mon bras,

Jamais il ne voulut cheminer en ma voye. [B3 v°]

41

Je le menay si bien, que de Roy qu’il estoit,

Arrogant, desdaigneux, et lequel se traictoit

De mets delicieux, et d’assietes friandes :

Il devint comme un beuf, qui va le mufle en bas,

Sans conseil, sans raison, n’ayant à son repas

Sinon un peu de fein pour toutes ses viandes.

42

Je luy ostay son cueur enflé trop vainement,

Et son corps qui s’estoit vestu pompeusement,

Nud, honteux, et aject, demeura sus la plaine :

Pour un lit parfumé, il n’eut que des fueillars,

Et au lieu d’un Palais muré de toutes pars,

Rien que d’un viel rocher la cachette mal saine.

43

Ainsi faict compagnon des cruels animaux,

Encor je ne voulu le tirer de ces maux,

Que le poil herissé qui couvroit son visage,

Ne passast en grandeur les aigles les plus hauts,

Et que fussent pareilz aux griffes des oyseaux,

Les ongles que portoit cest orguilleux sauvage.

44

Adonc il me cogneut, et lors je luy osté

Du corps, et de l’esprit ceste brutalité,

Luy remettant au chef sa couronne premiere :

Affin que tous les Roys aprinsent que je suis

Le seigneur, des seigneurs, et que c’est moy qui puis [B4 r°]

Les soufler devant moy comme pouldre legere.

45

Fay donc ma volonté, en me craignant tousjours,

Car si tu m’obeïs, tu verras que tes jours

Seront si fortunez, et si remplis de gloire67,

Que ceux qui survivront en la posterité,

Confesseront tout hault que je t’ay assisté,

Ne voulant que de toy se perdit la memoire.

46

Ainsi dis-tu Seigneur : Et nostre Roy jura,

Ta bonté, qui son sceptre en sa main asseura,

De garder les decrets de ta parolle saincte,

Or nous te supplions d’augmenter son vouloir,

Affin que les meschans, jamais ne puissent veoir,

Au rivage François ton Evangile estainte.

1569.

FIN.

____________

1. Voir David J. H. Hartley, « Les poètes français et la prise de Calais (janvier 1558) », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, t. LVI (1994), p. 19-28, et Jean Vignes, « Le poète et la guerre (autour de la prise de Calais, 1558) », in Cité des hommes, cité de Dieu. Travaux sur la littérature de la Renaissance en l’honneur de Daniel Ménager, Genève : Droz, 2003, p. 207-218. Voir aussi D. H. Hartley, « La célébration poétique du traité de Cateau-Cambrésis (1559). Document bibliographique », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, t. XLIII (1981), p. 303-318, et « La mort du roi Henri II et sa commémoration poétique. Document bibliographique », ibid., t. XLVII (1985), p. 379-388.

2. Voir François Rouget, « Ronsard et la célébration poétique de la mort de François de Lorraine (1563) », Revue d’Histoire Littéraire de la France 117-2 (2017), p. 369-389.

3. Voir surtout Denis Crouzet, Les guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion, v. 1525-v. 1610, Seyssel : Champ Vallon, 2009, Livre I, chap. 4, p. 236 et suiv. ; Anne-Marie Cocula, « Dreux, Jarnac, Coutras : le rebondissement de la vendetta des Grands », in Avènement d’Henri IV. Quatrième centenaire. I - Coutras, Pau : J&D Éd., p. 17-37 ; et Ariane Boltanski, « “Dans cette bataille, tomba et fut écrasée la tête du serpent”. Les usages idéologiques de la mort du prince de Condé dans le camp catholique », in La bataille : du fait d’armes au combat idéologique, xie-xixe siècle, éd. A. Boltanski et alii, Rennes : Presses universitaires, 2015, p. 123-141.

4. Voir Arlette Jouanna et alii, Histoire et dictionnaire des guerres de Religion, Paris : R. Laffont, « Bouquins », 1998, p. 181-182.

5. Philip Benedict, Graphic History. The Wars, Massacres and Troubles of Tortorel et Perrissin, Genève : Droz, 2007, p. 343-349.

6. Sur les détails de cet événement, voir le Discours de la bataille donnée par Monseigneur le duc d’Anjou […] contre les rebelles de ladicte Majesté, entre la ville d’Angolesme et Jarnac, le XIII. jour de Mars 1569 […], Lyon : B. Rigaud, 1569 (accessible sur Gallica ; et éd. Toulouse : J. Colomiès, 1569), et le Vray discours de la bataille donnée par Monsieur, le 13 jour de mars 1569 entre Chasteauneuf et Jarnac, Paris : G. de Nyverd, 1569 (accessible sur Gallica ; et éds. à Lyon, M. Jove, et à Rouen, Le Mégissier). Voir aussi le résumé qu’en propose Pierre Chevallier dans sa biographie d’Henri III, Paris : Fayard, 1985, p. 113-115.

7. Voir A.-M. Cocula, art. cité, p. 24-27.

8. Voir les Sonnets satyriques du camp de Poictou, in Œuvres complètes, éd. R. de Maulde, Paris : L.Willem, 1878-1882, t. IV, p. III-V.

9. Poème cité par Brantôme, in Vies des grands capitaines, Discours LXXX, in Œuvres complètes, éd. L. Lalane, Paris : Veuve Renouard, 1864-1882, t. IV, p. 346-349, et repris par Le Roux de Lincy, Recueil de chants historiques français […], Deuxième série : xvie siècle, Paris : Ch. Gosselin, 1842, p. 290, et par François Charbonnier, La poésie française et les guerres de Religion (1560-1574), Paris, 1920 (et Genève : Slatkine Reprints, 1970), p. 306.

10. Bibliothèque de Genève, cote : Ba 4623, accessible sur le site d’e-rara.ch.

11. Pour l’analyse détaillée de cette pièce, voir F. Charbonnier, op. cit., p. 444-447, et Sara K. Barker, Protestantism, Poetry and Protest : The Vernacular Writings of Antoine de Chandieu (c. 1534-1591), Farnham-Burlington : Ashgate, 2009, p. 209-218.

12. BnF Lb33 238, et Zentralbibliothek, Zurich (cote : 18190, 13, accessible sur e-rara-ch.). Voir J. Pineaux, La poésie des protestants de langue française (1559-1598), Paris : Klincksieck, 1971, p. 173-174.

13. Henri Estienne sollicite la permission de l’imprimer le 25 juillet ; voir Eugénie Droz, L’imprimerie à La Rochelle : Barthélemy Berton, Genève : Droz, 1966, p. 88, et Paul Chaix, Alain Dufour et Gustave Moeckli, Les livres imprimés à Genève de 1550 à 1600, Genève : Droz, 1959, p. 288.

14. Epitaphes de Louys de Bourbon, prince de Condé, p. 1-30, suivies d’un « Advertissement au lecteur » présentant l’ajout d’épitaphes latines (p. 33-59) et de « quelques escrits dudict sieur de Condé » (p. 61-80). Sur la fortune de ce type d’ouvrages à la Renaissance, voir Le Tombeau poétique en France, dir. Dominique Moncond’huy, La Licorne, n° 29, 1994, en partic. Amaury Flégès, « “Je ravie la mort” ; tombeaux littéraires en France à la Renaissance », p. 71-142. Nous remercions Mme Sandra Weidmann (Zentralbibliothek, Zurich) de nous avoir procuré une reproduction de ces Epitaphes.

15. Sur ce personnage, voir Jeanne Veyrin-Forrer, « Un collectionneur peu connu, François Rasse des Neux, chirurgien parisien », in Studia bibliographica in honorem Herman de la Fontaine-Kerwey, Amsterdam : Hetzberger et Co., 1968, p. 389-415 (repris dans La Lettre et le texte. Trente années de recherches sur l’histoire du livre, Paris : Presses de l’ENS, 1987, p. 423-477).

16. Le texte des vers diffamatoires est recueilli par Le Roux de Lincy, op. cit., p. 291-293.

17. Voir F. Charbonnier, op. cit., p. 398, qui cite plusieurs lettres du pape.

18. Tatiana Debbagi Baranova, À coups de libelles. Une culture politique au temps des guerres de religion (1562-1598), Genève : Droz, 2012, p. 299-300.

19. Voir F. Charbonnier, op. cit., p. 307, T. Debbagi Baranova, op. cit., p. 300, et A. Boltanski, art. cité, p. 133-134.

20. Lyon : B. Rigaud, 1569. Accessible sur Gallica. Abbé de Saint-Hylaire, ce personnage est l’auteur de quelques vers de circonstance parus chez B. Rigaud en 1568-1569.

21. Lyon : B. Rigaud, 1569, 8°. Signalé dans le Universal Short Title Catalogue d’Andrew Pettegree (www.ustc.ac.uk, n° 61214), ce livre n’a pas été retrouvé à ce jour.

22. Voir les Œuvres complètes de Pierre de Ronsard éd. P. Laumonier, R. Lebègue et I. Silver, Paris : STFM, 1914-1975, t. XV, 1953, p. 61-66 («Tel qu’un petit Aigle sort »).

23. Ibid., t. XVIII, p. 1-17, et voir F. Rouget, « Ronsard et le lyrisme officiel sous Henri III », in L’Éloge lyrique, dir. A. Génetiot : Presses Universitaires de Nancy, Collection du CEMLA, 2009, p. 81-93.

24. Sur sa genèse et son contenu, voir le commentaire de Malcolm Smith, « An Early Edition of a Discours by Ronsard », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, t. XXVIII (1966), p. 682s.

25. Éd. citée, t. XV, p. 377-387, et M. Smith, art. cité. 26. Ibid., t. XVII, p. 401-408.

27. Notamment dans les plaquettes de circonstance relatant les festivités entourant le traité de Cateau-Cambrésis (éd. citée, t. IX), et l’étude de Daniel Ménager, « Ronsard et le poème de circonstance », in Culture et pouvoir au temps de l’Humanisme et de la Renaissance, Actes du congès Marguerite de Savoie (1974), éd. L. Terreaux, Genève-Paris : Slatkine et Champion, 1978, p. 319-329.

28. Parmi les Discours dans l’édition collective de 1578, on note l’arrivée d’une pièce nouvelle, « Les Elemens ennemis de l’Hydre » (« Non seulement les hommes ont fait teste »), continuation de « L’Hydre deffaict », et dont la composition remonte à la fin de 1569. Voir l’éd. citée, t. XVII, p. 409-411. En revanche, Ronsard n’a jamais réuni aux Œuvres les décasyllabes du « Charon » sur la victoire de Moncontour, pièce inachevée et restée inédite (éd. citée, t. XVIII, p. 431-438).

29. Sur ce personnage, voir Geneviève Demerson, Dorat en son temps. Culture classique et présence au monde, Clermont-Ferrand : Adosa, 1983, et Philip Ford, éd. du Mythologicum ou interprétation allégorique de l’Odyssée et de l’Hymne à Aphrodite par Jean Dorat, Genève, Droz, 2000 ; et aussi Jean Dorat, poète humaniste de la Renaissance, Actes du colloque international (Limoges, 6-8 juin 2001), éd. Chr. de Buzon et J.-E. Girot, Genève : Droz, 2007.

30. Max Engammare, « Que fais tu là Dorat… en bas d’une hautre fenestre ? La religion de Jean Dorat, d’une piété convenue à une spiritualité engagée », in Jean Dorat, poète humaniste de la Renaissance, op. cit., p. 65-94.

31. Elles sont recueillies dans ses Poematia, Paris : G. Linocier, 1586, p. 330-368.

32. Voir l’éd. des Œuvres complètes, dir. J. Vignes, Paris : Champion, Les Poemes, IX, 2, 2002, p. 483-485, et notes, p. 911-913. Baïf composa aussi quelques sonnets relatifs à Moncontour qu’il recueillit dans ses Passetems (1573).

33. Œuvres poétiques, éd. Guy Demerson, Paris : Champion, t. III, 1998, p. 123-135.

34. Voir l’éd. S. M. Carrington des Premières poésies et Livre Premier, Genève : Droz, 1973, p. 210-213.

35. Sans doute plus rapidement que Pascal Robin Du Faux dont Nicodie, ou hymne de victoire […] (à Angers, chez R. Piquenot) parut seulement au début de 1570.

36. Pour la biographie de Louis Dorléans, voir la notice du Dictionnaire des poètes français de la seconde moitié du XVIe siècle (1549-1615), C-D, de Jean Paul Barbier-Mueller et alii (Genève : Droz, 2015, p. 574-585). Pour la connaissance de certaines de ses œuvres, voir les études d’Anne-Marie Brenot, « La peste soit des Huguenots. Étude d’une logique d’exécration au xvie siècle », Histoire, économie et société, 4 (1992), p. 553-570, d’Anne-Bérangère Rothengurger, « L’églogue de la naissance de Jésus-Christ par Louis Dorléans : datation et filiation poétiques », in J.-E. Girot (éd.), Le Poète et son œuvre. De la composition à la publication, Genève : Droz, 2004, p. 259-287, et de Daniel Ménager, « Vers et prose dans Le Banquet du comte d’Arété de Louis Dorléans », in Le prosimètre à la Renaissance, Cahiers V.-L. Saulnier, n° 22, Paris : Presses de l’ENS, 2005, p. 143-153.

37. Op. cit., p. 308.

38. Nicolas Lombart, « Ce que les vieux n’avoient sceu, / Tu l’as peu / Parachever en une heure… L’heure triomphale dans les hymnes de victoire catholiques du XVIe siècle », in J.-Cl. Arnould (éd.), L’instant fatal, Université de Rouen, Publications numériques du CÉRÉdI, n° 3, 2009, p. 7.

39. Voir l’Institution pour l’adolescence du Roy Charles IX (1562) et les préceptes qui referment la Bergerie (1565), v. 997-1084 ; éd. citée, respectivement, t. XI, p. 3-13, et t. XIII, p. 126-130.

40. « Nous en avons fait assez la preuve ».

41. Début du tableau de la colère et de la vengeance divines jusqu’à la strophe 14.

42. Rappelons que la grêle est l’une des plaies que Dieu infligea à l’Égypte (Exode 9, 13-35).

43. Mot composé sur le modèle du style homérique prôné par les poètes de l’école de la Pléiade.

44. Spectacle terrifiant peut-être imité du « Chant triomphal » de Ronsard, éd. citée, t. XV, p. 63-64, v. 37-54.

45. Amplification d’un passage de Ronsard, ibid., p. 64, v. 61-66 : « Leurs corps ouvertz de cent coups / Sont aux Loups / La proye sans sepulture, / Et les autres sans tombeaux / Aux Corbeaux / Servent aux champs de pasture ».

46. Allusion au pillage des églises catholiques perpétré pendant les guerres de Religion.

47. Charles IX, au nom de qui le frère conduisit les troupes catholiques en Guyenne et en Charente.

48. Ici commence la description des « escadrons » glorieux d’Henri d’Anjou.

49. Henri, duc d’Anjou, était âgé de dix-huit ans à peine lors de la bataille de Jarnac.

50. Évocation d’après Josué 3, 9-17.

51. Assimilation des soldats catholiques aux « croisés », par opposition aux protestants ou « soldats du Christ » (voir Denis Crouzet, Dieu en ses royaumes. Une histoire des guerres de religion, Seyssel : Champ Vallon, 2008).

52. Description de la force divine qui prépare la prosopopée finale énonçant la prophétie de la victoire des catholiques (str. 22-45). Cette apparition de Dieu sur le champ de bataille est une topique des chansons de geste.

53. Apparition qui rappelle celle de Dieu devant Moïse (Exode 3, 2).

54. Pour cette révélation, voir Exode 3, 6.

55. Le roi Henri II, mort en 1559.

56. Début des commandements ou « preceptes » divins qui s’apparentent à une « institution du prince » (la piété, la justice, l’obéissance, etc.). Dorléans s’inspire peut-être ici de ceux que Ronsard présente dans les quatrains conclusifs de sa Bergerie royale (1565), éd. citée, t. XIII, p. 126-130.

57. Strophe inspirée d’une sagesse horatienne : voir Odes, II, 14, v. 7-10. Voir aussi Ronsard qui reprend cette image dans l’Institution pour l’adolescence du Roy Charles IX (1562), éd. citée, t. XI, p. 12, v. 179-182.

58. Épisode rapporté dans l Samuel 15.

59. Sur la « paillarde », voir Apocalypse 17.

60. Sur l’histoire d’Asa, voir 1 Rois 15, 11.

61. Sur l’importance de cette idée, comparer avec Ronsard, Institution pour l’adolescence…, éd. citée, p. 5 (v. 34-36) et p. 12 (v. 175-178).

62. Ibid., p. 7, v. 63-68, et Bergerie, éd. citée, p. 126, v. 997-1008.

63. Ibid., p. 8, v. 89-94, et Bergerie, ibid., p. 127, v. 1017-1020. Sur la richesse de Salomon, voir 1 Rois 10, 14-29.

64. Reprise du motif de la fragilité humaine ; voir supra, str. 27.

65. Évocation de Joram (2 Chroniques 21, 15-18) et d’Ochosias (« l’autre ») dans 2 Rois, 9.

66. Cette strophe et les quatre suivantes résument la légende de Nabuchodonosor ; voir l’interprétation de son rêve par Daniel (4 Daniel 22-24).

67. Motif traditionnel de l’éloge chrétien présentant Charles IX en « roi de gloire » (Psaumes 24).