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Paul Fagius et l’Intérim de 1548 à Strasbourg :

l’Église comme arche de Noé, au départ vers l’exil1

Cornel Zwierlein

Otto-Friedrich Universität – Bamberg

Strasbourg et Magdebourg à l’époque de l’Intérim

Lorsque l’on considère les rayonnements européens de la Réforme, c’est moins la paix d’Augsbourg de 1555 qui marque la fin d’une époque et le commencement d’une autre, que les conflits smalkaldiens et l’impact de l’Intérim qui laissent des traces décisives2. L’édit impérial a été élaboré par les catholiques modérés Julius Pflug et Michael Helding, et promulgué par Charles Quint durant la diète d’Augsbourg le 15 mai 1548, après la défaite des princes protestants de la Ligue de Smalkalde au Mühlberg. Il est appellé « interim » parce qu’il est conçu comme un règlement intermédiaire de la situation confessionnelle en attendant la décision du concile supposé général. Ce lien avec le concile, qui devait retourner de Bologne à Trente dans ces années suite aux succès de la politique impériale, donne tout de suite à l’intérim un impact fort dans la sphère publique naissante européenne – davantage encore que la paix d’Augsbourg de 1555. L’Intérim rétablit presque toute la doctrine catholique (messe, justification par les œuvres, tous les autres rites), et ne concède aux protestants que la communion sous les deux espèces, et les prêtres mariés à cette date pouvaient rester dans cet état. La promulgation et le renforcement de l’Intérim – avec des négociations spécifiques et des modifications (comme l’Intérim de Leipzig de 1549) dans toutes les villes et territoires – interrompt donc brusquement l’essor de la cause protestante, entraînant des migrations de théologiens et de communautés entières qui résistent à cet édit. C’est aussi en raison de ces mouvements migratoires que l’Intérim devient un événement majeur à l’échelle européenne. Au Nord-Est et dans le centre de l’Allemagne, on assiste à des migrations mineures, qui ne conduisent pas hors de l’Empire : elles résultent d’une scission importante entre les philippistes de Wittenberg et les gnésioluthériens, entre Magdebourg, Iéna et partiellement aussi Ratisbonne d’un côté, et des lieux qui restent de manière continue sous l’influence de Wittenberg de l’autre. Mais au Nord-Ouest, un exode d’Emden vers Londres se met en place sous Lasco et Micron3 – une communauté de croyants qui ne cessera, pendant presque une décennie, de se déplacer continuellement entre l’Allemagne, le Danemark, l’Angleterre, les Pays-Bas, Francfort et le Palatinat ; au Sud-Ouest, Brenz devient un exilé entre Montbéliard, Bâle et différents lieux cachés dans le Wurttemberg, Osiander quitte Nuremberg pour Königsberg4 et les théologiens et réformateurs les plus importants de la région situés à Strasbourg doivent aussi partir pour l’Angleterre : Bucer, Vermigli, Fagius5. L’Intérim, qui met, partout dans les territoires allemands, un terme au processus de croissance de la Réforme, marque donc dans le même temps un moment de commencement : la Réformation en Angleterre, sous Cranmer, franchit finalement des étapes théologiquement décisives.

Paul Fagius (Paul Büchlein, 1504-1549), né à Rheinzabern, est devenu l’un des hébraïsants chrétiens les plus importants de sa génération. Comme réformateur il marque la Réforme à Heidelberg, Constance, Isny dans l’Allgäu, où il élabore une importante typographie des lettres hébraïques avec le juif converti Elie Lévita, avant de joindre ses compétences d’exégète vétérotestamentaire à ceux des autres réformateurs de Strasbourg6. L’expérience de Fagius, telle que la révèlent les leçons qu’il donne à la Haute École jusqu’aux derniers jours avant son départ forcé de Strasbourg avec Bucer, est au cœur de cet article.

Pour ce qui concerne ces régions luthériennes de l’Est, une historiographie très dense a bien mis l’accent ces dernières années sur cette question de la perception par les acteurs mêmes de la « fin de la Réformation ». On a surtout montré comment la vision du monde et des événements qu’avaient les luthériens dans ces années était alors marquée par une pensée apocalyptique aux formes multiples et différenciées, ainsi que des différentes formulations du droit de résistance qui se sont développées de 1546 jusqu’au siège de Magdebourg7. On s’est depuis proposé d’écrire l’histoire de la mentalité luthérienne de l’Intérim jusqu’au xviie siècle, comme un prolongement de ce qui s’était développé durant cette période8.

L’historiographie offre une image beaucoup moins claire, ou bien s’accorde sur ce qui était la perception, les références typiques, l’auto-conception des acteurs à la frontière occidentale de l’Empire, en direction de la France et des Pays-Bas, là où ont lieu ces importants mouvements de migration, bien connus, vers l’Europe de l’Ouest. Cela tient tout d’abord aux sources, en particulier à la production massive qui sort des presses de Magdebourg – sur lesquelles beaucoup d’autres auteurs non résidents à Magdebourg mais opposés à l’Intérim publiaient aussi leurs écrits, l’impression de ces derniers étant prohibée dans leur propre pays ou leur ville. La « chancellerie de Dieu » – pour reprendre l’expression par laquelle les prédicateurs eux-mêmes désignaient, dans la Confessio de 1550, la cité de Magdebourg dans sa fonction propagandiste9 – offre un vaste corpus assez clairement identifiable pour les chercheurs qui s’intéressent aux pamphlets polémiques, aux sermons et aux légitimations savantes et théologiques10. Une telle production est d’une ampleur sans équivalent. Rien de comparable même pour Strasbourg, alors que cette cité a été l’un des grands centres de l’imprimerie de la Réforme dès ses premières années : les bibliographies rétrospectives ne comptent pas plus de quelque 150 publications pour les années de 1546 à 1549, et la plupart des écrits qui sortent des presses de Strasbourg tend aussi à être loin des chemins de la confrontation et de la controverse anti-impériale11. Emergence également de la forte main de Charles-Quint si sensible dans le sud-ouest de l’Empire, on n’y trouve pas, dans ces années, d’œuvres publiciste en quantité importante de Bucer, Fagius, Hédion, Marbach ou Vermigli, pas plus que de publications sur le droit de résistance qui soit comparable à la production luthérienne – alors que Bucer avait été parmi les premiers à avoir publiquement légitimé le droit de résistance au début de la Réforme, dès l’an 153012. Au total, c’est bien peu en comparaison de Magdebourg. Très peu de discours « apocalyptiques », très peu d’Antéchrist directement nommé dans le petit nombre de pamphlets anti-intérimistes13. Lorsqu’un émissaire de Magdebourg fit une visite à Strasbourg, en janvier 1552, immédiatement après l’armistice conclu près d’Elbe entre le duc Moritz et la ville (5 novembre 1551), et apporta quatre pamphlets de la « chancellerie de Dieu » qui légitiment a posteriori la défense alors même que la nouvelle ligue anti-impériale commence à se former, l’étudiant Martin Crusius nota bien le contenu des écrits14. Mais on a peu de traces d’une collaboration antérieure entre les anciens alliés de la Ligue de Smalkalde, ou d’une affinité très étroite d’esprit entre eux. Bucer et Fagius étaient déjà partis depuis plus d’un an.

Quel était donc l’esprit collectif qui présidait à cette combinaison paradoxale et quasiment dialectique entre, d’une part, la ferme, stricte et pure adhésion à la Réforme chez les Strasbourgeois qui peut conduire à l’émigration, et d’autre part une tonalité qui, si on la compare avec les Magdebourgeois, s’avère plus moderée et plus mesurée envers l’extérieur ?

On rêverait de disposer des sermons prêchés à la cathédrale et dans les églises de Saint-Thomas et de Saint-Pierre-le-Jeune au cours de ces années : nombreuses en sont les traces, mais quasiment aucun texte intégral n’est parvenu jusqu’à nous. Mais Strasbourg possédait un avantage sur Magdebourg : c’était sa Hohe Schule. En rassemblant ce qui reste des leçons théologiques dispensées sans interruption de 1546 à 1549, on dispose de sources qui permettent de reconstruire une sorte de Weltanschauung ou de cosmologie plus ou moins partagée par les Strasbourgeois, comparable au discours politico-théologique des Magdebourgeois, même si le medium est différent des pamphlets et des autres écrits publiés dans la « chancellerie de Dieu ». À la Haute École l’exégèse partait du commentaire du texte de la Bible ad verbum et offrait des observationes, donc une exposition des loci communes thématiques, mais à l’intérieur du commentaire biblique et non comme sujet de leçons à part. L’exégèse était donc totalement concentrée sur la parole divine, elle ne visait que très secondairement à interpréter le temps présent, comme une exposition théologique suivant un système thématique « moderne » ou scolastique l’aurait facilement permis. Le caractère de l’exégèse était très spécifiquement humaniste, philologique et historique, mais moins allégorique et moins proche de l’homilétique15. Telles sont les caractéristiques de ce que l’on a pris l’habitude de désigner comme l’école rhénane (du Rhin supérieur) d’interprétation biblique de Strasbourg16. Or, comme l’ont remarqué de études récentes sur Vermigli, un examen plus détaillé des sources révèle que le temps présent et les menaces actuelles des années 1540 ont continué d’inspirer ce qui semblait être à première vue une exégèse beaucoup plus philologique, historique et puriste et moins engagée que celle de Wittenberg. Ceci devient évident lorsqu’on compare des cahiers manuscrits des étudiants, qui conservent la trace de l’enseignement oral dispensé à Strasbourg, avec les œuvres exégétiques imprimées (lorsque les deux formes existent). Malheureusement, il ne reste aucun témoignage textuel (de sa main ou de celle d’un étudiant) des leçons que donnait Bucer lui-même17. Au total, on dispose de neuf fragments de leçons d’exégèse de Paul Fagius, Pierre Vermigli et Johann Marbach, qui couvrent les années 1545/6 à 1549, et se trouvent dans quatre manuscrits conservés à Munich, Hamburg et Tübingen, ainsi que dans les éditions imprimées de Vermigli. À l’exception d’une leçon de Marbach sur Matthieu, toutes concernent l’Ancien Testament. Les plus précieuses sont celles de Fagius, conservées dans deux manuscrits à Munich et à Hambourg.

Le manuscrit de Munich est connu depuis les recherches de Johannes Ficker (1912), mais il n’a guère été étudié jusqu’à aujourd’hui18. Le manuscrit de Hambourg était considéré depuis la seconde guerre mondiale comme perdu, mais en fait il avait été emporté par les forces russes à Moscou, d’où il a été restitué en 1990 à Hambourg19. Personne ne l’a encore utilisé dans la recherche. Il s’agit du cahier de notes du jeune étudiant natif de Strasbourg Martin Schalling, dont le nom est demeuré dans la mémoire du protestantisme comme poète et compositeur de la chanson Herzlich lieb hab ich dich, o Herr, mais qui a aussi joué un certain rôle dans les controverses intra-luthériennes avant et après la formule de Concorde, controverses dans lesquelles il aimait retourner à ses racines théologiques à Strasbourg20. Quand il écoutait Marbach et Fagius, il n’avait guère plus de 15 ou 17 ans. Sa plume a conservé les dernières leçons théologiques prononcées par Fagius sur le sol de l’Empire avant son départ de Strasbourg. Plus que nous n’en avons pour Bucer. Les deux manuscrits de Tübingen (leçons de Marbach et de Hédion) sont de la main du jeune Martin Crusius, lorsqu’il était étudiant à Strasbourg21. Rien ne semble avoir subsisté sous forme manuscrite de l’œuvre exégétique de Vermigli de cette époque qui n’avait rien publié dans ce domaine avant son départ de la ville rhénane22, ni ses propres notes, ni des cahiers d’étudiants ; la chronologie de ses commentaires reste discutée dans les détails, mais elle semble maintenant assez bien établie depuis son premier commentaire (Lamentationes Jeremiae) jusqu’aux prières sur les Psaumes (Preces), avant qu’il ne soit le premier à partir – à cette date sans avoir été soumis à des pressions politiques directes – en octobre 1547 vers Oxford23.

Paul Fagius exégète de l’arche de Noé et le mouvement ecclésiologique strasbourgeois des petites communautés (Gemeinschaften)

En combinant ce qui nous reste de l’enseignement de la théologie à l’université (Hohe Schule) de Strasbourg, dans ces années, avec la correspondance et les écrits concernant les disputes sur les Gemeinschaften, bien connus et étudiés par Bellardi, Hammann et d’autres24, et les disputes sur l’Intérim à Strasbourg, on voit apparaître une mentalité de fin de Réformation comparable à celle que l’on observe à l’est de l’Allemagne, et cependant bien différente.

Dans le mouvement de tension et de division internes à l’Église de Strasbourg, Bucer se trouve, bien sûr, toujours au premier plan : il est du côté des prédicateurs Fagius, Marbach, Lenglin et Schnell, qui soutiennent le durcissement de la discipline et l’autonomisation partielle des communautés contre les autres prédicateurs Hédion, Zell, Nigri et Steinlin. Et il est aussi, depuis des décennies, la voix théologique officielle de Strasbourg dans les négociations sur la diète d’Augsbourg, à côté du célèbre Jacob Sturm25.

Mais il conviendrait de mieux mettre en évidence la figure de Paul Fagius et de lui accorder presque autant d’importance qu’à Bucer : Fagius assurait en même temps les fonctions de professeur de l’Ancien Testament à la faculté et celles de prédicateur à Saint-Pierre-le-Jeune, où étaient fédérées les trois paroisses de Strasbourg qui mirent en œuvre la fondation des Christliche Gemeinschaften. L’attribution à un seul auteur des Gutachten, des réponses et des autres textes se référant à cet épisode qui figurent aujourd’hui dans l’édition des œuvres de Bucer n’est simplement pas possible, et l’éditeur Bellardi avait déjà soupçonné, pour plusieurs textes centraux, un apport important de la part de Fagius26.

À la suite des recherches approfondies menées par Bellardi et Hammann sur la chronologie, on considère que c’est seulement à partir de la fin de l’année 1546 et au plus tard au début de 1547 que l’on peut identifier des réunions particulières de cercles nommés Christliche Gemeinschaften. Ces réunions se déroulaient à l’intérieur des communautés de paroisse normales et de façon distincte (exercice de la discipline [beschickung] et du droit d’excommunication à part exercé par les prédicateurs, comme le remarque le Conseil de la Cité dans sa séance du 21 février 1547)27. Ce développement ecclésiologique semble avoir réalisé le projet formulé dans l’avis Von der Kirchen mengel vnnd fähl (6 janvier 1546), à savoir une tentative de renouvellement de la force et de l’esprit d’une seconde Réforme dans un moment de crise. À cette date ce projet était toujours rejeté par le Conseil28. La formation des communautés se comprend donc comme un mouvement grassroots, qui va au-delà de la position politique du Conseil. Le mouvement préconise la purification des cérémonies, de la vie spirituelle et de la discipline de la cité face aux menaces extérieures qui commencent à poindre début 1546 : Charles Quint, qui s’est débarrassé de son ennemi François Ier, ayant désormais les mains libres pour réorienter son attention et ses forces vers l’Europe centrale et le « problème des hérétiques ». En juillet 1546, les prédicateurs de Strasbourg s’étaient à nouveau adressés au conseil en se fondant sur leur office : il fallait interpréter toutes les afflictions, la peur, le danger que la ville avait supportés depuis deux ans comme autant de « punitions certaines et exhortations par le Dieu tout-puissant par lesquelles il nous veut réveiller et pousser vers une véritable pénitence et conversion29 ». Les prédicateurs se réfèrent aux livres du Pentateuque, où les transgressions du Décalogue sont sévèrement punies : ils requièrent l’instauration de grandes journées de prière dans toute la ville chaque mardi, sans quoi Strasbourg risque de connaître le destin de Sodome et Gomorrhe et des peuples qui ont péché contre Dieu (Dt 28, 1-68 ; Nb 25, 1ss ; Jg 20, 46-48)30. À la mi-novembre 1546, les troupes de la Ligue de Smalkalde se retirèrent au Nord ; Charles Quint gagna le Sud-Ouest, la ville d’Ulm et le duché de Wurttemberg capitulèrent respectivement en décembre et janvier 1546/47. Strasbourg resta isolée avant de se réconcilier elle aussi, pour un moment, avec l’empereur. Campi et Selderhuis ont déjà montré comment les Prières sur les Psaumes de Vermigli, qui datent probablement de cette année 1547, contiennent un grand nombre d’évocations de peurs et d’angoisses devant les menaces auxquelles l’Église était alors exposée : plusieurs allusions – au concile (de Trente), à la mauvaise discipline et probablement aux Kirchpfleger de Strasbourg eux-mêmes31 – font comprendre que le Sitz im Leben de ces prières était justement la guerre de Smalkalde et la situation très tendue qui la suivit tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la cité. À ce moment précis, Fagius n’est pas seulement en train de former la Zentralgemeinschaft des fameuses communautés, cette ecclesiola in ecclesia dans sa paroisse de Saint-Pierre-le-Jeune : c’est alors qu’il commence ses leçons sur le livre de la Genèse à la Hohe Schule le 15 novembre 1546 ; on remarque clairement dans ces leçons un intérêt tout particulier pour les chapitres 6 à 8 et pour l’histoire de Noé. Nous savons, notamment depuis les études qu’ont menées François Wendel, Bernard Roussel et Gerald Hobbs sur l’école strasbourgoise de l’exégèse32, que Bucer, Fagius, Capiton, auxquels on peut joindre Vermigli, évitaient habituellement d’interpréter la Bible dans un sens allégorique – ce modus interpretationis qui conservait un goût médieval33. Mais il semble qu’il faille nuancer ce jugement : si l’on en croit l’étudiant Schalling et ses notes, son travail de commentaire, Fagius présenta plusieurs fois certains passages comme des allegoriae et plus souvent encore comme des mysteria. Les interprétations allégoriques et christologiques sont souvent intitulées ainsi34, et dans l’histoire de Noé, l’interprétation ecclésiologique prime sur le commentaire. L’arche figure bien sûr, selon la tradition inaugurée par saint Augustin35, un typus ecclesiae. L’œuvre exégétique de Fagius se lit donc en consonance absolue avec son travail ecclésiologique et par le projet de la Gemeinschaft qu’il mène parallèlement, et sa lecture biblique donne un sens plus profond et biblico-historique à ce travail : Fagius interrompt après le chapitre 5 – probablement à la mi ou à la fin décembre – sa façon habituelle de commenter chapitre par chapitre et verset par verset. Le début de l’argument du sixième chapitre commence ainsi :

Habet igitur hoc caput sextum [caput]36 3 praecipuas partes. Prima ostendit scelera & flagitia hominum, propter quae diluuium inuectum fuit, ea inimicum sunt contemptus verbi diuini, Idolatria, publica Tyrannis, caedes furta, foeda37, libido & id genus similia contra primam & secundam tabulam peccata. Secunda pars proponit exemplum infinitae Dei misericordiae in ipso Noah cum sua familia conseruata. Tertia habet descriptionem formae arcae in salute generis humanae exstruandae quae erat Ecclesiae typus in procellis afflictionum huius mundi ad consumationem usque seculi per gratiam Dei conseruandae38.

L’une des raisons pour lesquelles les prédicateurs exigèrent l’introduction d’une discipline plus stricte à Strasbourg avait toujours été le constat de nombreux cas de péchés, comme la vie « épicurienne »39, qu’ils dénonçaient jusqu’au sein des membres du Conseil de la cité40, et le mauvais fonctionnement de la discipline « normale » qu’exerçaient les Kirchpfleger nommés par le magistrat41. En interprétant la situation à Strasbourg au prisme de l’histoire biblique de Noé, on voit les justes immédiatement au dernier moment avant le déluge : la punition du déluge se comprenait parce que même les gouverneurs et les magistrats avaient gravement négligé leur office42. Dieu n’aime pas détruire et perdre ses enfants, comme le montre sa patience pendant les 120 ans qui précèdent le « κατακλυσμός », et c’est l’œuvre du Saint Esprit et des ministres d’animer les hommes à la conversion et à la pénitence : ce qui se lit à nouveau comme une description de la tâche des prédicateurs à Strasbourg43. Alors que, dans le texte de la Genèse, on ne trouve guère de termes relatifs à l’office du « ministre », à la prédication et aux offices des sacrements, l’interprétation de Fagius tend à identifier la conception protestante des offices du ministre avec ce que faisait Noé lui-même44. Au moment même où on discutait vivement à Strasbourg de l’étendue des droits des ministres concernant une correctio fraterna envers le pouvoir politique dans le domaine des mœurs45, Fagius insiste sur cette tâche des ministres « antédiluviens » qui consistait à critiquer sévèrement les hommes et les magistrats. Fagius formule ainsi, dans son commentaire de Genèse 6,4 (Vulgate : « gigantes autem erant super terram in diebus illis ») le statut de l’Église de Dieu, toujours menacée :

Nunquam defuerunt Ecclesiae sui Tyranni, persecutores & oppreßores, per quos semper ecclesia mirabiliter exercita fuit. Ita Ecclesia sub Adamo habuit suum Tyrannum Cain & impiam eius posteritatem, sub Noah ante diluuium suos Nephilim id est gigantes & post diluuium suos Nephilim Tyrannum Nimroth : qui violentia & viribus corporis freti caeteros opprimebant, rapiebant, grassabant, & libidinabant. Non est ergo quod miremur si & hodie Ecclesia tales Tyrannos habeat, praesertim nobiles illos centauros qui sua violentia omnia perturbant46.

Les réflexions sur la solitude de Noé dans ces temps d’affliction et sur la dimension de l’Église sont également très révélatrices : Noé n’était pas contaminé par ses péchés comme l’étaient les gigantes, « car il était élu par Dieu pour être la semence de l’époque à venir [quia enim electus erat a Deo, ut esset semen futuri seculi]47 » et le nombre des élus est petit :

Quod unus & solus Noah cum sua familia perstitit in vero Dei cultu reliquis hominibus omnibus ab eo defflectentibus, haec nobis praecipue consyderanda proponunt, Primum verum esse quod Christus dicit. Multi vocati, pauci electi. Alterum in causa fidei & religionis, ubi certum habetur verbum Dei non esse spectandam & sequendam multitudinem, quae fere est errantium48.

Que Dieu ait prescrit à Noé la construction d’un bateau comme moyen de sauvetage alors qu’il aurait justement pu sauver son élu d’un mot, qu’il ait donné des indications précises pour cette construction, signifient, selon Fagius, le pouvoir qu’ont la providence et la volonté de Dieu d’utiliser des moyens bien visibles pour accomplir son action salvatrice en ce monde. Les mesures données à l’arche, notées de façon exacte dans le texte biblique, devraient être entendues comme des signes de la proportionalité existant entre la grâce divine donnée aux hommes et leur capacité à connaître le Christ : l’Église, dans ses dimensions bien définies et limitées, se régit et se conserve entièrement selon les préceptes de Dieu qui la protège :

Quod vero arcam Deus ad certam mensuram, & quantitatem fieri voluit ad mysterium si applices hoc habet. Ecclesiam si certos & definitos habere terminos, deinde cognitionem Christi, qui illius caput & gubernator esse dari ad mensuram, ut Eph : 4 Vnicuique nostrum data est gratia secundum mensuram cognitionis Christi. Quod vero arcam sine ullis humanis gubernaculis quibus reliquae naues gubernant fieri voluit, significat Ecclesiam cuius arca typus erat sine humanis consilijs sola Dei protectione, in tot & tantis huius mundi procellis regi & conservari 49.

Seul Noé a été choisi par Dieu pour construire l’arche ; hors de l’arche de Dieu, il n’y a point de salut ; on y est appelé par Dieu50. Entrer dans l’arche signifie aussi être élu, être promis dans l’Église à la vie éternelle. La solitude de Noé dans sa justice enseigne au chrétien que seul Dieu reconnaît ses serviteurs : alors que tout le monde le considère comme « hérétique », Noé est en réalité le seul juste. Fagius voit dans Noé une figure exemplaire pour toutes les époques de l’Église : à leur époque, Jean Hus et Jérôme de Prague étaient animés d’une semblable foi en Dieu et en la justice de leur cause, alors que le monde – et même ce qui s’appellait alors l’Église visible – les condamnait comme hérétiques ; ils furent les Noé de leur temps. Ainsi il nous faut aussi agir comme Noé « aujourd’hui, contre cette tentation sévère […] contre autant de pères, de conciles, de papes, de cardinaux, d’évêques & contre tant d’universités » (je souligne, C.Z.)51. Ce passage montre que Fagius était déjà attentif, en 1546, aux leçons wittenbergoises de Luther sur la Genèse, dont le premier tome, qui comprend l’histoire de Noé, venait d’être publié en 1544 par les soins de Melanchthon et de Veit Dietrich : on y trouve ce rapprochement entre Jean Hus, Jérôme de Prague et Noé52. Si les dimensions horribles du déluge y sont décrites de façon détaillée par Moïse, c’est pour démontrer non seulement l’étendue de l’ire de Dieu, mais aussi celle – une fois encore – de la foi et et de la constance de Noé face à toutes ces misères, dans cet « exil53 ».

Fagius n’était pas le premier interprète protestant de l’histoire de Noé. Vermigli avait déjà fait l’exégèse de ces chapitres à Strasbourg à peu près deux ans auparavant : il faisait surtout entendre à ses auditeurs la tradition augustinienne de l’interprétation de l’histoire de Noé telle qu’elle se trouve exposée dans la Cité de Dieu. À côté des autres références (Lactance, Ibn Ezra, Rabbi Salomon, et même Giovanni Nanni (i.e. pseudo-Bérose) pour l’identification éventuelle de Noé comme un géant54), c’est cette matrice augustinienne qui offre de temps à autre une clé interprétative au-delà du sens littéral. Pourtant, Vermigli s’efforce aussi de placer Noé dans un contexte historique biblique précis, et aucune interprétation véritablement allégorique ne se trouve dans ses commentaires. Cependant l’interprétation typologique (christologique) se trouvait déjà chez Vermigli : d’abord dans les thèses doctorales défendues à Strasbourg55, puis dans son commentaire au livre mosaïque de 1543/44 : l’arche comme typus ecclesiae56, Noé comme typus d’un ministre diligent57 et comme typus Christi58, le déluge comme typus du jugement dernier59. Mais ces passages typologiques étaient beaucoup moins « en contact » avec la réalité et avec l’histoire humaine après Noé qu’ils ne le deviennent chez Fagius ; on ne trouve pas chez Vermigli, comme chez Luther et Fagius, une comparaison de Noé avec d’autres héros de la vérité de l’Église (Hus/Jérôme de Prague). Pourtant, chez lui aussi, l’histoire de l’arche sert à montrer que l’Église n’est pas stable, qu’elle n’est pas fixée en un lieu unique :

Marg. « Ecclesia vagabunda est » : Hic tu mihi contempleris Ecclesiam in terris vagabundam, nunquam fere sitam eodem loco. Ante diluuium vbi commorabatur Sethi progenies, circa initia vbi Adamus cum filijs residebat, nunc aquis vehebatur in arca, paulo post cum Abrahamo & patriarchis peregrinabitur, in Aegyptum deinde migrauit, in terram Chenaan Mosis opera ducente Deo postea venit, inde in Babylonem, quo fit ut ei certae sedes tribui non debeant, sed illam esse credamus vbicunque locorum bene & synceriter in Christum creditur60.

Vermigli et Fagius appartiennent à un mouvement qui voit l’exégèse protestante sur la Genèse atteindre un nouveau pic d’intensité et de densité textuelle entre 1544 et 1550. Leurs voix, à Strasbourg, se distinguent cependant de cette combinaison entre interprétation typologique d’inspiration augustinienne et une ecclésiologie protestante, voire précisement réformée proto-calviniste. Zwingli l’avait commentée de façon beaucoup moins extensive et les quelques lignes de son interprétation typologique restaient christologiques, non ecclésiologiques : l’arche serait aussi, comme Noé même, un symbole du Christ dans lequel les chrétiens sont sauvés61. Konrad Pellikan ne s’était livré à aucune interprétation typologique globale, se concentrant sur le sens historique et littéraire du texte62. Le plus important commentaire sur la Genèse était donné par les leçons de Luther, rapportées dans une édition des notes de ses étudiants – cas semblable donc aux cahiers que nous avons de Fagius. Le premier volume en était sorti de presse en 1544. Il ne semble pas que Vermigli l’ait connu ou utilisé – nous devons dater ses leçons sur la Genèse de 1543/44 environ –, alors que chez Fagius, un an et demi plus tard, un ou deux passages en révèlent déjà la lecture63. Luther avait lui aussi longuement développé l’interprétation ecclésiologique de l’histoire de Noé, mais de façon bien différente : dans son texte, on trouve à maintes reprises la conception des trois états (status ecclesiasticus, politicus, oeconomicus)64, si importante pour la structuration de l’ordo saecularis concernant ce monde ; la conception de la division des deux règnes avec ce deuxième niveau de répartition du règne du monde en trois états se surimpose à la conception ecclésiologique proprement dite, tout cela étant assez éloigné de la théologie strasbourgeoise. Luther propose même davantage de comparaisons entre l’histoire de Noé et les événements de son propre temps que Fagius ; mais sa démarche est plus comparative que « typologique », si l’on entend par ce terme l’identification des figures et des conceptions vétérotestamentaires comme typi christologiques. Le petit nombre qui compose l’Église de Noé est comparable au petit nombre de fidèles de l’Église évangélique aujourd’hui, que l’Église papiste dépasse largement en nombre65. Chez Luther, le sens des césures dans l’histoire biblique (avant et après le Christ), le sens aussi pour les étapes de la temporalité eschatologique, semblent s’imposer beaucoup plus fortement : la Réforme a apporté la révélation à travers le prophète Luther lui-même66, la « consummatio saeculi » imminente prédomine dans le travail de compréhension et d’interprétation du livre de Moïse67. De plus, la figure quasi-manichéenne de la double ecclésiologie est très marquée dans le commentaire de Luther : dans chaque aetas de l’Église on trouve la même duplicité entre vraie et fausse Église, entre l’Église de Caïn et celle d’Abel, entre celle de Jacob et celle d’Esaü, entre celle de Noé et celle de Nimrod – et « aujourd’hui », entre l’Église évangélique et celles du pape et du Turc68. Malgré leurs points communs, les aetates des Églises sont bien distinctes. Chez Luther, les leçons ecclésiologiques qu’il peut et veut tirer des trois chapitres de la Genèse entendant ce temps biblique comme une époque depuis longtemps révolue, ne sont comparées de manière anagogique avec l’Église « d’aujourd’hui en Allemagne [Germania] » installée dans les territoires de l’Empire et transférées vers elle. On note chez Luther une localisation dans le hic et nunc de l’Église évangélique : c’est une Église « allemande ». Luther ne fait rien du caractère mobile, « vagabond », migratoire de l’Église de l’histoire de Noé, et n’insiste ni sur la terminologie ni sur la conception de l’élection et des élus comme membres de l’arche-Église69.

Chez Vermigli et Fagius, l’herméneutique tend en revanche à confondre complètement l’Église des temps de Noé avec la leur : c’est la même Église qui existe depuis toujours ; la temporalité plus linéaire et séquentielle de Luther s’oppose à une temporalité strasbourgeoise, chère aussi à la théologie fédérale naissante, qui insiste sur l’éternité de la communio cum Christo depuis Adam. Entre la fin de l’année 1546 et janvier 1548, l’un des thèmes qui revient dans la discussion à Strasbourg était notamment le reproche selon lequel la fondation de communautés chrétiennes hors ou à part des paroisses normales conduirait à établir quelque chose comme deux classes de chrétiens dans la même ville70. La réponse de Bucer et de Fagius a toujours été que le nombre des élus est petit ; là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, là est mon Église, dit le Christ (Mt 18, 20)71. Cela se lit en consonance avec l’interprétation ecclésiologique de l’arche que propose Fagius : peu sont élus, un seul peut-être sera sauvé, comme Noé, et ne seront sauvés que ceux qui ont la foi véritable, qui sont justes devant Dieu, qui montrent les véritables signes de la pénitence et de la conversion72. Il est remarquable de voir comment Bucer et Fagius, en novembre et décembre 1547, insistent d’un côté sur l’ouverture de leurs communautés à « tous vrais croyants » et sur la nécessité de ne pas être schismatiques dans le sens strict du droit ecclésiastique73, et tentent d’un autre côté de maintenir une frontière stricte, une distinction qui est pour eux celle de la vérité de la foi vécue74. La pensée ecclésiologique des Christliche Gemeinschaften était fondée sur une radicalisation de la communauté de la Cène (1 Cor 10, 16s) et de la conception de l’Église comme corps du Christ dont chaque véritable croyant est un membre75. Bref, chez Vermigli et Fagius, la communauté qui embarque dans l’arche est la communio cum Christo au sens d’une Christliche Gemeinschaft comme « core church76 » d’esprit strasbourgeois, mais de caractère transtemporel, et pas nécessairement lié avec un pays comme l’Allemagne77.

L’exégèse du Lévitique et des Nombres, et la discipline strasbourgeoise

Nous ignorons à quelle date précise Fagius a achevé son exégèse des chapitres 6 à 9 de la Genèse, mais il a commencé celle de Lévitique 24 à 27 le 3 décembre 1547, alors que Vermigli était parti de Strasbourg pour Oxford depuis un mois et demi. Les passages les plus pertinents concernent les interprétations par Fagius des lois saintes selon Lv 26, la question de ce qu’est la véritable obéissance dans un État78 et la façon dont il faut comprendre les punitions et les souffrances des justes. Les hommes pieux qui sont exaltés dans le texte biblique sont des exemples pour la manifestation de la gloire de Dieu, et donc Abel, Joseph, Asaph et Job dans tous leurs malheurs – on pourrait ajouter : tout comme Noé – ont fait preuve de la vraie obéissance, car le règne du Christ n’est pas de ce monde79. Mais selon la hiérarchie des signes par lesquels Dieu punit la désobéissance et selon les sept modes de transgression80 de ses lois, Strasbourg en était visiblement arrivé à un point paroxytique, parce que « obsidia, & religionis ablatio qui summa est poena81 ». Le choix des chapitres du Lévitique par Fagius suggère donc encore une fois le lien avec le problème de la discipline et avec la nécessité de rétablir dans la ville le vrai culte et la discipline des mœurs.

Dans l’échange entre les prédicateurs qui militent en faveur d’une réforme stricte de la discipline confiée aux ministres mêmes d’un côté et Hédion de l’autre, apparaît une vision du monde plutôt « cyprienne » en débat avec des tendances augustiniennes : où situer le droit de discipline et de l’excommunication ? L’Église est peut-être protégée par le magistrat séculier, mais elle pourrait exister sous le gouvernement d’un magistrat non-chrétien82 : ce qui montre qu’une certaine indépendance à l´égard du pouvoir séculier est nécessaire en ce qui concerne les sacra. Situer la discipline et ses armes seulement à l’intérieur d’une Église conçue comme une entité indépendante, menacée de l’extérieur, sépare donc Bucer, Fagius et leurs adhérents de Hédion et encore plus du Conseil. Hédion avait proposé un compromis en présentant le magistrat, en tant que chrétien, comme un passager dans le bateau de l’Église au même titre que les croyants. Ainsi ses prérogatives en matière de l’élection des visiteurs (Kirchenpfleger) sont toujours placées à l’intérieur de l’Église83 ; au contraire, plus séculière et nettement augustinienne, la vision du Conseil insistait sur l’attribution du glaive au magistrat en tant que détenteur du pouvoir immédiatement délégué de Dieu (Rm 13, 1)84. On peut l´interpréter quasiment comme une dispute entre des presbytériens et des érastiens avant la lettre. Dans ce contexte, insister sur le petit nombre des membres de la communauté et de l’Église manifeste autant une volonté purificatrice distinguant les vrais et les faux croyants chrétiens que la conviction selon laquelle l’Église de Dieu est menacée et dispersée. Pendant son séjour à Augsbourg, Bucer insiste aussi, à l’extérieur de Strasbourg, sur le petit nombre des élus et des membres véritables de l’Église85 ; il se réfère, contre l’article de la plénitude de pouvoir du pape de l’Intérim, à l’ecclésiologie de Cyprien qui aurait donné le même plein pouvoir à chaque évêque, sans hiérarchie entre eux : une position presque proto-anglicane86.

Le 10 février 1548, Fagius entreprend de commenter le livre des Nombres. Il est le premier, ou l’un des premiers réformateurs à prendre le soin de commenter le texte87. Le texte biblique se lit d’abord comme une énumération des tribus armées d’Israël. Mais à nouveau, Fagius l’interprète de façon plutôt typologique, comme la matrice de compréhension d’une bonne république comme de l’Église elle-même. Dans son commentaire de Nombres 1, Fagius explique que le texte doit être compris comme une symbolisation de la division nette entre offices séculiers et ecclésiastiques88 : seuls les Lévites, comme ministres de l’Église de l’Ancien Testament, comparables à ceux du Nouveau, étaient admis au culte divin : « Debebant ministrare in sacris & nullus alienus admitti89. » L’exercice de la discipline de l’Église comme moyen de limiter le nombre de ses membres aux vrais croyants est réaffirmé alors que Fagius insiste en même temps sur la volonté de Dieu d’inviter le plus grand nombre possible au moins à l’audition de la prédication. Le « mysterium » de ce texte d’énumération du peuple consiste à dire que Dieu connaît bien le nombre de ses élus, qu’il n’oublie aucun d’entre eux, qu’il connaît exactement l’étendue de son Église90. Et encore une fois, comme dans l’histoire de Noé, Fagius insiste sur la mobilité de l’Église. Dans ce que Schalling désigne comme les « Allegoriae » du chapitre 4 des Nombres, Fagius interprète les indications données par Dieu à Moïse et Aaron sur la manière de préparer l’arche d’alliance sainte pour son transport comme un signe de la transmutabilité de l’Église :

Allegoriae : Primo mandat [s’ensuit : « ad nubes amouetur » ( ?)] ut filij Aaronis deponant tabernaculum & tegant sanctiora vasa. Ita ministri boni debent aedificare Ecclesiam ex verbo dei non sua voluntate. Sepius transferebatur taberna : Ita Ecclesia non est unici loco & gente alligata sed in toto orbe dispersa ubique sunt Electi. Impium ergo est Ecclesiam dicere Romanae sedi alligatam. Sunt forte ibi pij ministri sed de externa agimus Ecclesia puro verbo dei & sacramentorum syncera perceptione. Quamlibet familia propriam habet functionem ita in Ecclesia varia offitia Eph. 4 & comparatur corpori humano. Nulla familia relinquitur otiosa. Ita nemo otiosus esse debet in Ecclesia praesertim qui bonis Ecclesiae alienatur91.

La conservation de l’huile sainte et des candélabres dans l’arche d’alliance ne sont pas des signes pour les sacrements « papistes » de l’extrême-onction, mais l’allégorie de l’arche d’alliance est christologique : seul le Christ enflamme le candélabre du mot de Dieu ; c’est seulement à travers ses grâces et par lui seul, « mediator & pontifex », que les sanctifiés sont reçus dans l’éternité. La protection de l’arche d’alliance et les soins qu’on y apporte signifient aussi la clôture de l’Église, la preuve qu’elle a besoin de la protection divine ; le temple métaphorique de Dieu ne doit pas être donné en pâture aux chiens. Alors que Bucer se trouve en prison à Augsbourg parce qu’il refuse encore de signer l’Intérim (du 13 au 20 avril 1548), Fagius en arrive au neuvième chapitre des Nombres le 18 avril. La description de Dieu apparaissant comme des nuages noirs pendant la journée et comme des feux pendant la nuit durant la migration du peuple d’Israël est interprétée comme le signe de la présence continuelle de Dieu auprès de son Église. Fagius insiste à nouveau sur le fait que le mouvement du tabernacle (de l’arche d’alliance) à travers le désert signifie la mobilité de l’Église :

Quod tabernaculum non manet perpetuo in uno loco, sed ad varia, adumbrandum est Ecclesiamque non semper uno loco & gente alligatam esse sed per voluntatem dei ad varias nationes transferri, admonet quoque nos hic non habere locum manentem, sumus enim adhuc in castris Ecclesiae militantis, subvolamus aliquando si strenue contra mundum & diabolum pugnauerimus, ad Ecclesiam qui in coelis est triumphantem92.

Le pape est décrit ici comme la perversion même, comme le singe des lévites (« Papa est simia Levitici ministerii »93). Trois jours après que les prédicateurs de Strasbourg ont donné leur premier avis officiel négatif sur le texte de l’Intérim au Conseil de la Cité, Fagius rédige (31 mai 1548) son commentaire sur le chapitre 11 des Nombres, qui rapporte le mécontentement du peuple d’Israël lorsqu’il doit se contenter de la manne : il se révolte contre Dieu et rêve de pouvoir manger à nouveau la bonne viande d’Égypte. Fagius compare allégoriquement cette situation avec celle de l’Église, balançant entre les tentations de la papauté et le choix de la prédication vraie de l’Évangile :

Nulla hic est predicatio mi<sericor>diae divinae, qua ex seruitute liberati erant, ac Aegiptij afflicti, pharao submersus erat. Et huiusmodi tantum gridant de penuria ciborum, ita & hodie nulla vera predicatio est bonitatis diuinae, qua nos per doctrinam Evangelij horrendis tenebris erroribus & impietatibus eripuit & in regnum filij sui transtulit, tamen querelae sunt de ammissa externa pace & tranquillitate sub Papatu habita, quod offensio dei grauissima est94.

Durant les semaines et les mois qui suivent le retour de Bucer à Strasbourg, et alors qu’on discute de l’adoption ou non de l’Intérim à Strasbourg, Fagius progresse dans son exégèse du livre des Nombres : il suit le chemin de Moïse et Aaron dans le désert, il commente les dangers subis par le peuple d’Israel qui se révolte plusieurs fois contre ses « ministres » ; à la fin août/début septembre 1548, il arrive au chapitre 16, qui décrit la « conspiration » de Koré, Dathan et Abiram contre Moïse et Aaron. En insistant à plusieurs reprises sur le fait que c’est à l’instigation du diable, de Satan, que de telles conspirations naissent dans le cœur des hommes et s’organisent, il suggère l’actualité de cet épisode pour l’époque contemporaine : dans la « gens electa » de l’Église strasbourgeoise de ces années, personne ne doit se permettre d’usurper un office qui n’est pas le sien, ce serait comme si dans le corps humain les pieds voulaient agir à la place de la tête, lui usurpant sa fonction95. Cette même position de la division stricte des fonctions est le ceterum censeo de la dispute disciplinaire et de l’emphase que Bucer et Fagius avaient donné à la division des offices suivant la vocation de chacun à l’intérieur de l’Église. À la toute fin de l’année 1548, Fagius est parvenu aux chapitres 23 et 24 du livre des Nombres, qui racontent l’histoire du « mage » Balaam sollicité par le roi Balac pour maudir le peuple d’Israël dont la route traverse son pays ; Balaam est empêché par Dieu de le faire. À plusieurs reprises Fagius compare l’action du « faux prophète » Balaam avec l’œuvre des papistes qui, stimulés par Satan, agissent sous le couvert du nom de Dieu : ainsi ont-ils même convoqué un concile contre le peuple de Dieu96. Fagius, au début de 1549, presse son travail, semble-t-il, pour arriver au moins au chapitre 27 avec l’achèvement de l’œuvre de Moïse qui doit encore gravir la montagne d’Abarim pour voir la terre promise et transférer à Josué l’office de pontifex. Le 23 février, Fagius commente ce passage en s’expliquant en général sur la relation entre pouvoir séculier et pouvoir ecclésiastique :

Quod inaugurationi Iosue summus pontifex quoque interiore in cuius conspectu ea quoque fieri debuit, quemquam & Josua in omnibus arduis negotijs consulere, ab eoque voluntatem dei discere ut quiuis etiam posthac princeps in Israel debebat, monet inter magistratum politicum & ministros Ecclesiae summum esse debere consensum, nec magistratum suo gladio contra Deum abuti debere, sed pro Deo & Ecclesia eius, hinc enim omnis Reipublicae salus, & numquam melius habuit Respublica Israelitica, nisi quando consensio fuit inter magistratus & ministros Ecclesiae, sacerdotes & prophetas97.

Ce qui était justement perdu à Strasbourg, à savoir le consensus au moins entre les principaux prédicateurs Bucer et Fagius, et le Conseil s’était résolu à accepter l’Intérim – ce consensus aurait dû régner pendant un transfert du pouvoir entre les pontifices de l’Église. Fagius se console du fait qu’« aujourd’hui aussi [leur] Église sub Evangelio » a toujours son pontifex qui sera leur réconfort : « Habemus enim summum pontificem unigenitum filium Dei semper nobis praesentem », Jésus-Christ est le seul et nouveau pontife98.

La leçon suivante sur le chap. 28 des Nombres n’aura pas lieu : Fagius fut déposé par le Conseil le 1er mars et dut quitter la ville le 6 avril. L’étudiant Schalling note dans son cahier :

Discedendum erat D. Paulo Fagio, furore maximo aduersus ipsum & D. Martinum Bucerum instigante Satana populorum summa capita. Cumque in Angliam venissent, D. Fagius 28 Augusti in febrim quartanam incidit, ac euocatus est ex viuis per misericordem Deum 13 Nouemb. ao 154999.

Martin Schalling, In Librum Numerorum Commentaria D. Pauli Fagij, SUB Hamburg Cod.theol. 1289, p. 48-194 [10 février 1548-23 février 1549], ici p. 194 (23 février 1549)

L’œuvre de Satan que Fagius voyait dans l’histoire biblique du peuple d’Israël, dans les conspirations contre Moïse et Aaron, dans les plans entre Balaam et Balac contre le peuple d’Israël, comparés par Fagius avec les actions des papists – cette œuvre, toujours d’actualité, avait exilé et tué le serviteur de Dieu à Strasbourg. Bucer et Fagius sont les nouveaux Moïse et autres Aaron en chemin vers une autre terre100, portant avec eux le tabernacle de l’arche d’alliance qui n’est autre que la vérité évangelique ; nouveaux Noé aussi, résistant seuls, demeurant constants et fidèles : l’Église, constituée d’un petit nombre de croyants, peut être transférée d’une nation à l’autre. L’ecclesia militans est mobile, elle n’est pas fixée dans un lieu ou une ville, elle est là où la communauté du Christ, formée dans la Cène par la force de la foi, est présente. Il s’agit donc d’une nouvelle évolution déplorable dans l’histoire de l’Église, d’un état de tranquillité et de paix assez agréable vers une exigence nouvelle de se rétablir et de se réformer –, mais ce n’est pas la fin des fins ; c’est une rupture à Strasbourg et en Allemagne peut-être, mais pas la fin définitive dans la temporalité linéaire biblique.

Conclusion. L’expérience strasbourgeoise aux origines de l’identité d’un protestantisme d’exil réformé dans la deuxième moitié du xvie siècle

Si on lit ainsi l’œuvre exégetique de Fagius et de Vermigli comme une matrice interprétative des événements qu’ils vivaient – en témoignent les marques comparatives qu’ils emploient eux-mêmes explicitement entre le temps biblique et le leur (« hodie »), au fil de leurs leçons –, on voit que les grands thèmes de l’Église de Strasbourg dans les années 1546 à 1549 se lisent et se comprennent de façon cohérente : la formation des communautés chrétiennes est intrinsèquement liée avec la question et les formules précises de la discipline. L’ecclésiologie des communautés est une ecclésiologie minimaliste et puriste qui, pour le Nouveau Testament, se réfère à la communio cum Christo et à la Cène ; mais pour l’Ancien Testament, c’est l’Église réduite, prête à migrer ou même en pérégrination, c’est l’Église de Noé, celle de Moïse et d’Aaron.

La peur et l’angoisse ont peut-être été comparables à Strasbourg et à Magdebourg dans les années qui ont suivi la mort de Luther, mais les membres des deux types de l’Église protestante vivent, spirituellement, dans des mondes différents : la lutte des Strasbourgeois est une lutte contre Satan, comme l’était celle du peuple d’Israël, davantage qu’une lutte finale contre l’Antéchrist – même si, bien sûr, cette figure ainsi que les métaphores apocalyptiques apparaissent ici et là aussi dans le Sud-Ouest. La lutte des réformateurs du Sud entre mieux dans le schéma apocalyptique ; Osiander, se retire, avec une certaine logique, non pas à l’Ouest et en Angleterre, mais à Königsberg. Contrairement à ce que l’on trouve chez les anti-intérimistes luthériens, chez Bucer et Fagius, mais aussi dans l’ensemble de la production strasbourgeoise, les métaphores et les images apocalyptiques sont peu nombreuses et sans usage systématique. Le lien entre les époques et les périodes de la vie de l’humanité est plus fort : le sens pour l’éternité de la communauté d’Église depuis Adam jusqu’à nous est manifeste. Le bien et la lumière de la vérité peuvent surgir ici et là, même chez les païens avant le Christ, car quidquid bonum Dei est101. La division entre les deux règnes est moins nette chez ces théologiens du sud-ouest de l’Empire et de la Suisse que celle qu’avait établie Luther, ce qui mène à une cosmologie et une vision historico-bibliques différentes102 : a priori, les alliances entre Dieu et l’homme (avec Adam, avec Noé, avec Moïse, renouvelées dans la personne du Christ) sont les répétitions d’une relation homme/Dieu et non une succession d’états différents dans la temporalité linéaire. Une interprétation « typologique » de l’histoire de Noé est possible, une interprétation typologique aussi de l’œuvre salvatrice de Jésus-Christ : les deux moments se réfèrent au même contrat homme/Dieu du temps de la création de l’homme. Deux pages (dans la notation de l’étudiant anonyme du manuscrit de Munich) chez Fagius présentent les traces de la théologie fédérale, fondée dans les mêmes années par Bullinger103.

Pour Strasbourg, la « fin de la Réforme » pouvait seulement signifier un nouveau déluge, une nouvelle manifestation des ombres contre laquelle il fallait réagir comme Noé, en préparant l’Église, en faisant pénitence, en réduisant le nombre de véritables voyageurs sur le bateau de secours. L’ecclésiologie des Strasbourgeois tend, dans ces moments-là, à une autonomie la plus grande possible de l’Église concrète : une indépendance dans les sacra avec le magistrat, suivant l’inspiration nettement vétérochrétienne de Cyprien. Cette pensée facilitait même la conception d’une mobilité et d’un transfert de l’Église véritable hors de la ville, de façon autonome, en exil, si les temps le nécessitaient. On peut migrer sans magistrat – vers l’Angleterre par exemple.

Cette ecclésiologie strasbourgeoise anti-intérimiste de l’Église-arche préfigure aussi une identité ecclésiologique qui se traduit parmi les Églises du refuge et de l’exil plus tard au xvie siècle. Ce n’est pas un hasard si l’un des exilés d’après la Saint-Barthélemy, Daniel Toussain – dont le père Pierre Toussain était le réformateur du Montbéliard104 –, réfugié à Heidelberg, écrivit l’un des traités majeurs de consolation à ses frères en exil sous le titre L’Arche de Noé (1596). Fagius interprétait Lévitique 26 quasiment en même temps que l’histoire de Noé ; Toussain adopte la même démarche : « tout cela reuient à ce que dit nostre Dieu au chap. 26 du Leuitique : Si vous mesprisez mes ordonnances, & enfraignez mon alliance : ie mettrai ma face contre vous105 ». Le mépris de la loi de Dieu et le peu de pénitence en France avaient été la cause du châtiment des huguenots et de son peuple, et du déluge que représentaient les guerres de religion depuis 1562 :

Or pour retourner à la consideration de l’arche de Noé, elle nous fait voir à lœil que l’Eglise Catholique ou vniuerselle, qui a promesse de salut & vie eternelle, n’est pas vne assemblee pompeuse, de tous hommes, qui aye tousiours grand lustre, & soit fondee sur la preeminence de quelques prelats : mais que c’est ce petit troupeau, que le Seigneur a trié de tout ce monde peruers, lequel obeissant à sa parole, & croyant à ses promesses, se separe de la corruption du monde, & se renge en son arche, en sa bergerie, en sa cabane, toute simple qu’elle semble estre, estant toutesfois bastie d’vne matiere incorruptible, ou regeneree par la semence incorruptible de sa parole, conduite par son autorité, & dependant de sa prouidence, cerchant vie au milieu de la mort, à sçauoir, en la mort & passion de Iesus Christ, comme Noé au milieu des eaux106.

Le genre est tout différent de celui des leçons de l’exégèse biblique strasbourgeoise : c’est un traité à part qui se fonde sur la métaphore de l’arche pour interpréter toute l’histoire récente non-biblique des croyants tant en France que dans les Églises du Refuge. Au vu de ce développement postérieur et de cette application extrêmement claire, on comprend mieux comment les leçons théologiques et le travail réalisé dans les Christliche Gemeinschaften à Strasbourg, consistant à se « séparer du monde », comment ensuite le choix de l’exil, celui de mettre le « petit troupeau » sur l’arche, sont les manifestations d’une identité communautaire et ecclésiologique distincte qui émerge dans ces années de la « fin de la Réforme [allemande] » à Strasbourg. Une telle identité préfigure, de façon inconsciente, l’avenir des Églises du protestantisme de l’Europe de l’Ouest et l’histoire de leurs migrations successives, ininterrompues jusqu’à la fin de l’époque de la confessionalisation.

Note sur les manuscrits et abréviations

1) Universitätsbibliothek München Ms. 8° Cod.ms. 10

UB Munich Ms. 8° Cod.ms. 10, reliure, page de titre (fol. 2r) et Argumentum in Caput Sextum (fol. 37v)

Il s’agit du cahier d’un étudiant anonyme, rédigé d’une écriture humaniste bien lisible, qui appartenait au moins depuis le xviiie siècle au collège des jésuites (l’ancienne université) d’Ingolstadt : Codices manuscripti Bibliothecae Academiae Ingolstadiensis [= UB München, Cim. 34g/4° Cod. ms. 387], fol. 4v : entrée du catalogue : « Fagius, Paulus : In Genesim. 8° - 1546 – 89 »). Le manuscrit est relié dans un fragment de parchemin usé, écriture du xve siècle, qui contient les parties d’un Légendaire, probablement des mois d’août et septembre de l’année 1546, avec des extraits de la vie de sainte Ricardis, la femme de Charles III, dont la sépulture se trouve en Alsace, à l’abbaye d’Andlau, et de saint Lambert. Les versions de cette vie de Ricardis employées sur ce parchemin sont proches des textes qui se trouvent dans un recueil semblable conservé au monastère Bödeken (H. Moretus, « De magno legendario Bodecensi », Analecta Bollandiana 27 (1908), p. 257-358, 316 (août, n° X), p. 324 (septembre, n° 38)), bien différent des versions notées dans la Bibliotheca hagiographica latina, vol. II (K-Z), Bruxelles, 1900-1901, nos 4677 et 7201. La vénération pour sainte Ricardis était plutôt locale. L’emploi de ce parchemin comme matériel de reliure devrait donc renvoyer précisément à la situation post-réformatrice à Strasbourg : de nombreux bréviaires, légendaires et autres textes médievaux se trouvaient prêts à être recyclés, dans la mesure où les saints cessaient d’être vénérés. Ce manuscrit a été repéré par Ficker, Anfänge, p. 48, puis cité par Schindling, Humanistische Hochschule, p. 352

n. 49. Il contient deux fragments des leçons de Fagius :

FagGEN = « In Genesim commentaria viri clarissimi Pauli Fagij – 1546.15 Nouemb. » (f. 2R-55V)107.

FagNUMM = « In Librum Numeri Commentaria Domini Pauli Fagij Anno 1548. Febr : 10. » (f. 56R-65V).

2) Staats- und Universitätsbibliothek Hamburg, Cod. theol. 1289

SUB Hamburg, Cod. theol. 1289, p. 1 et p. 132 (début de la leçon de Fagius tenue le 14 septembre 1548, sur Nombres 16)

Ficker, Anfänge, p. 48 avait également noté l’existence de ce manuscrit alors qu’il ne l’avait pas vu. Après la seconde guerre mondiale on lit à ce propos chez Raubenheimer, Fagius, p. 65 : « in der Hamburger Stadtbibliothek befindlich gewesene[s], heute nicht mehr vorhandenes Fagius-Manuscript » ; ibid., p. 133 : « nicht mehr vorhanden », « nicht mehr auffindbar » ; Schindling, Humanistische Hochschule, p. 352 n. 49 « seitdem [sc. seit Ficker 1912] verschollen » ; Die theologischen Handschriften der Staats- und Universitätsbibliothek Hamburg, 2. Quarthandschriften (Cod. theol. 1252-1750), bearb. Nielüfer Krüger, Hamburg, Hauswedell, 1985, entrée à Cod. theol. 1289 : « verschollen ». – Je remercie vivement Mme Privatdozentin Dr. Monika Müller, SUB Hamburg, d’avoir vérifié que le manuscrit fait partie du nombre de ceux qui furent pris par l’armée russe après 1945 et qui sont rentrés en possession de la bibliothèque en 1990. Le manuscrit appartenait au xviie siècle à la bibliothèque de Johann Friedrich Mayer (professeur de théologie à Greifswald, 1650-1712). Konrad Zacharias Uffenbach l’avait acheté lors de la mise aux enchères de cette bibliothèque à Berlin en 1716. Avec la collection d’Uffenbach, le manuscrit entrait dans la bibliothèque publique de Hambourg. Il n’a jamais été utilisé dans l’historiographie du protestantisme.

L’étudiant qui avait pris ses notes dans ce cahier était « Martinus Schalling Argentinensis » (p. 1 du Ms.). Dès 1546 Schalling junior fréquentait les cours de la Hohe Schule. Le père de Schalling, Martin senior, avait été un ami de Bucer ; il fut diacre chez Capiton, puis diacre à Saint-Pierre-le-Jeune. Après avoir perdu ses charges à la suite de l’Intérim, il revint à Strasbourg comme diacre de Johann Marbach 1549/50 à Saint-Nicolas. En 1550, toujours à cause de l’Intérim, il se réfugia comme pasteur de la paroisse de Weitersweiler108. Il dédia un traité sur la Cène à son fils Martin junior le 20 mai 1550 (cf. Alfred Eckert, « Martin Schalling, 1532-1608 », Zeitschrift für bayerische Kirchengeschichte 38 (1969), p. 204-242, 205). Martin Schalling junior, boursier doté par Daniel Mieg à Strasbourg, se vit conseiller de finir ses études à Wittenberg. Il quitte Strasbourg le 1er août 1550 et se rend à Wittenberg pour suivre les cours de Philipp Melanchthon (cf. SUB Hamburg Cod. theol. 1289, p. 269). Il s’immatricule à Wittenberg le 25 septembre (Eckert, op. cit., p. 206). Lorsque, depuis Strasbourg, on lui demande de revenir servir à la chancellerie comme secrétaire, il rappelle la distinction des tâches entre l’Église et l’État et les vocations divines diverses, mais laisse entendre qu’il désire finir ses études de théologie et recommande son frère Jean pour le service « politiques ». Dans une lettre d’avril 1552, il rappelle à nouveau qu’il a été formé par les trois grands théologiens de Strasbourg109. Dans sa carrière ultérieure, Schalling junior revient toujours aux origines, comme le montre son édition d’un ouvrage de son père De praesentia corporis et sanguinis Christi in Eucharistia institutionum libri tres, Wittenberg : Crato, 1576, précédé d’une épître dédicatoire de lui-même, Martin Schalling junior, datée de 1576, et d’une lettre de Bucer à Schalling senior, Cambridge, 14 octobre 1550.

Ce cahier contient deux fragments des leçons de Fagius et deux de Marbach :

FagLEV = « Annotationes Doctissimae clarissimi viri D Pauli Fagij in quatuor posteriora capita Leuitici – 24. 25. 26 & 27 » (p. 5-47 [3 décembre 1547-9 février 1548]).

FagNUMH = « Annotata in Numerorum librum 10 Febr : A.o 48 / In Librum Numerorum Commentaria D. Pauli Fagij » (p. 48-194 [10 février 1548-23 février 1549]).

MarbPSH= « Explicatio Psalmi XXII D. Marbachi », Staats- und Universitätsbibliothek Hamburg, Cod. theol. 1289 (p. 293-307 [12-28 mars 1547]).

MarbJES= « Explicatio Esaiae cap. 53, 54, 55 D. Marbachi » (p. 287-291, p. 307-318 [28 mars-28 avril 1547, en remplacement de Bucer qui est à Augsbourg pour les négotiations de l’Intérim]).

3) Petite note de comparaison entre les manuscrits de Munich et de Hambourg sur les Nombres :

Comme on possède deux versions par deux auditeurs différents des parties de la leçon de Fagius sur le livre des Nombres, on peut se faire une petite idée de la différence entre elles afin de mesurer la distance entre ce que nous possédons comme témoins écrits et l’original oral, voire un autographe écrit par Fagius préparant ses leçons, dont on n’a aucune trace.

L’étudiant anonyme de FagNUMM semble avoir suivi de façon plus complète et littérale ce que dictait Fagius. Schalling (FAGNUMH) est plus diligent à noter la différence entre commentaires ad verbum, les parties différentes d’un chapitre signalées par Fagius et les observationes finales que l’étudiant du codex Munich tend à mêler avec le resumé du cours sur le chapitre respectif.

FagNUMH, 48 (Schalling)FagNUMM, 46rTraduction de FagNUMM
Argumentum

Ad constitutionem Reipublicam opus est ut bonae leges suam fidelem habeant executionem, quo boni cives laudentur mali vero poenas premiantur. Deinde oportet officia ita distribui ut nemo non sciat quod sui sit muneris. Nam Respublica carens executoribus legum similis est corpori mortuo. Quare deus optimus tulit leges quoque Politicas & Ecclesiasticas. Jam vero omnia in actum deducit & totum populum ita ordinat ut omnes suum munus sciant. Parat ad bellum ordinat castra ad hoc enim educit ex Aegipto ut terra Chanaan occuparent & in summa describit Politia vergens in actum.

Προλεγόμενα

Ad constitutionem bonae politiae non tantum satis est, ordinare bonas leges, praescribere rationem bene vivendi tum politice, tum Ecclesiastice, sed necesse est has leges habere fidelem executionem, ita ut boni praemia reportent, mali sentiant poenas. Deinde opus est ut omnia officia ita distribuantur, ut nemo sit in aliqua Republica qui non sciat quod sit sui officij, ubi enim haec desunt, tum talis politia similis est corpori humano mortuo, ibi enim etsi omnia sint membra, tamen non exercitur vis corporis. Quapropter Deus optimus Maximus postqam tulit leges, praescripsit cultum divinum & que ad ipsum sunt necessaria, iam omnia ista deducit & profert in actum, & omnem populum ita ordinat, disponitque ut omnes sciant suum officium & munus. Et populus ideo eductus erat ex Aegipto ut introduceretur in terram Kanaam.

Prémisses

Il ne suffit pas, pour la constitution d’une bonne république, d’édicter de bonnes lois, de prescrire la raison de bien vivre tant dans la sphère politique qu’ecclésiastique, mais il est nécessaire que ces lois s’exécutent fidèlement, de sorte que les bons reçoivent des récompenses, les mauvais des punitions. Enfin il faut que toutes les offices soient distribués de telle façon que personne n’ignore en quoi consiste son office. Lorsque cela manque, la république ressemble à un corps humain mort, car même si tous les membres sont là, la force du corps ne s’exerce pas. C’est pourquoi le Dieu suprême, après avoir donné des lois, a prescrit le culte divin et ce qui est important. Il dispose tout cela, le met en action, met le peuple en ordre et l’organise de telle façon que tous connaissent leur office et leur tâche. Suite à ceci le peuple a été guidé hors d’Égypte pour être conduit dans le pays de Canaan.

4) Universitätsbibliothek Tübingen Ms. Mc 181

Ce manuscrit de la main du jeune étudiant Martin Crusius à Strasbourg qui devint ensuite professeur fameux à Tübingen est connu depuis J. Ficker (op. cit.) et utilisé par A. Schindling (op. cit.).

MarbMT = « Commentaria in reliqua capita Matthaei Evangelistae [i.e. Mt 26-28] », [27 juin-1er août 1546] (fol. 1r-19r).

5) Universitätsbibliothek Tübingen Ms. Mc 223

UB Tüb, Ms. Mc 223, fol. 135v-136r : notes de Martin Crusius, étudiant à Strasbourg, sur l’arrivée de Thomas Haussenberg le 9 janvier 1552 avec des pamphlets apportés de Magdebourg après la fin de la siège de cette ville (cf. note 14)

Ce manuscrit contient encore des transcriptions réalisées par Martin Crusius à partir des leçons strasbourgeoises de Johann Marbach et de Caspar Hédion dans les années 1550/51, donc postérieures à l’expulsion de Bucer et de Fagius. Nous le mentionnons ici parce que les notes de Crusius sur la relation entre Strasbourgeois et Magdebourgeois assiégés sont utilisées ci-dessus, note 14 :

Marbach : In epistolam ad Galatas (2 juin – 22 septembre 1550, fol. 24r-34r)

Marbach : In psalmos 34-44 (3 novembre 1550 – 26 février 1551, fol. 34r-37r et 38v-68r)

Hédion : Annotata in quaedam in Evangelium Iohannis (fragments de commentaires sur et traductions partielles en grec de Jo 6 à 11, après 6 novembre 1550, fol. 36r-38v ; puis 128v-135r : du 22 décembre 1550 au 7 janvier 1551)

6) Abréviations utilisées pour les textes exégétiques imprimés de Vermigli :

VermLAM = In Lamentationes Sanctissimi Jeremiae Prophetae, Petri Martyris VerMilii, Florentini […] Commentarium, ed. Johann R. Stuck, Zürich : Bodmer, 1629, p. 1-144 [ca. 1543].

VermGEN = In primum librum Mosis, qui vulgo Genesis dicitur commentarii doctissimi D. Petri Martyris Vermilii […], ed. Iosias Simler, Zürich : Froschauer, 1569, p. 1-169 [le manuscrit de la bibliothèque de Vermigli qu’utilisait Simler finissait avec Gn 42, 25 ; la date exacte n’est pas certaine, mais probablement 1544/45, cf. infra n. 22].

VermPS = Preces sacrae ex Psalmis Davidis desumptae per D. Petrum Martyrem Vermilium Florentinum […], Zürich : Froschauer, 1564 [Prières basées sur les Psaumes, tenues à la fin des leçons vétérotestamentaires de Vermigli, donc peu de temps avant son départ de Strasbourg en octobre 1547, cf. infra n. 22].

VermTHES= Petri Martiris Vermilii Florentini Proposita disputata publice in schola Argentinensi ab anno M.D.XLIII. vsque ad annum XLIX. Desumpta autem sunt ex Genesi, Exodo, Leuitico & Iudicum libro […], Basel : Lecythus, 1582, p. 431-481.

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1. Pour les abréviations des leçons manuscrites utilisées cf. ci-dessous l’Appendice. Une version orale du texte avait été présentée à Genève le 16 septembre 2017. Le français a été aimablement révisé par Elsa Kammerer après une première correction de la version pour la présentation orale par Nicolas Fornerod. Je remercie également Gérald Chaix pour une lecture supplémentaire, Mario Turchetti pour quelques remarques pertinentes pendant la discussion à Genève, Thomas Wilhelmi pour un regard sur des questions particulières de la transcription dans les n. 74, 75, 99, Hubert Bost et le comité de lecture de la RHP pour leurs corrections, remarques et suggestions anonymes importantes. Enfin, mes remerciements vont à Monika Müller, Irene Friedl, Sven Kuttner, Ulrike Mehringer des départements de manuscrits des bibliothèques de Hambourg, Munich et Tübingen pour l’aide avec l’identification et l’envoi des manuscrits numérisés (voir Appendice).

2. Voir Alain Tallon, La France et le concile de Trente (1518-1563), Rome : EfR, 1997, p. 203-217. Le texte de l’Intérim, très lié à la politique impériale conciliaire, est largement diffusé (11 éditions latines et 11 éditions allemandes). Cet édit était donc problablement le mieux connu des essais de pacification entre les confessions, mais aussi de répression du protestantisme en Europe – beaucoup plus connu que la Paix d’Augsbourg. Voir encore Gérald Chaix, « Die Resonanz auf das Interim in Frankreich 1548-1598 », dans Luise Schorn-Schütte (éd.), Das Interim 1548/50. Herrschaftskrise und Glaubenskonflikt, Heidelberg : Gütersloher Verlagshaus, 2005, p. 67-76 ; Olivier Christin, La paix de religion. L’autonomisation de la raison politique au xvie siècle, Paris : Seuil, 1997, p. 1-54 (vue comparative) ; Cornel Zwierlein, « The Peace of Cavour in the European Context », dans Sarah Alyn Stacey (ed.), Political, Religious and Social Conflict in the States of Savoy, 1400-1700, Bern : Lang, 2014, p. 125-167, spécialement 160, 164s pour une vue bibliométrique sur la diffusion des principaux édits de pacification en Europe.

3. Andrew Pettegree, Foreign Protestant Communities in Sixteenth-Century London, Oxford UP 1986 ; Id., Emden and the Dutch Revolt. Exile and the Development of Reformed Protestantism, Oxford, 1992 ; Ole P. Grell, Calvinist Exiles in Tudor and Stuart England, Aldershot : Ashgate, 1996.

4. Christian Peters, « Der Macht des Kaisers widerstehen. Die süddeutschen Theologen und das Augsburger Interim », dans Irene Dingel – Günther Wartenberg (eds.), Politik und Bekenntnis. Die Reaktionen auf das Interim von 1548, Leipzig : Ev. Verlagsanstalt, 2006, p. 65-81.

5. Bruce Gordon, « The Authority of Antiquity : England and the Protestant Latin Bible », dans Polly Ha / Patrick Collinson (eds.), The Reception of Continental Reformation in Britain, Oxford : UP 2010, p. 1-22. Diarmaid McCulloch, Thomas Cranmer. A Life, New Haven – London : Yale UP, 1996, p. 395, 410-414, 421-436, 494-536 et passim.

6. La biographie la plus complète reste celle de Richard Raubenheimer, Paul Fagius aus Rheinzabern. Sein Leben und Wirken als Reformator und Gelehrter, Grünstadt : E. Sommer, 1957 ; sur sa collaboration avec Levita à Isny pour les œuvres hébraïsantes, cf. Gérard E. Weil, Élie Lévita. Humaniste et Massorète (1469-1549), Leiden : Brill, 1963, p. 133-151 ; Abraham M. Haberman, « The Press of Paul Fagius and the Books of his Print Shop », dans Id., Studies in the History of Hebrew Printers and Books, Jerusalem : Mass, 1978, p. 149-166. Des travaux plus récents se sont concentrés sur cet aspect du travail de Fagius : Loren T. Stuckenbruck, « The “Fagius” Hebrew version of Tobit : An English Translation based on the Constantinople Text of 1519 », dans Géza G. Xeravits – József Zsengellér (eds.), The Book of Tobit. Text, Tradition, Theology, Leiden et al. : Brill, 2005, p. 189-219.

7. Thomas Kaufmann, Das Ende der Reformation. Magdeburgs « Herrgotts Kanzlei » (1548-1551/2), Tübingen : Mohr & Siebeck, 2003 ; Oliver Olson, Matthias Flacius and the Survivel of Luther’s Reform, Wiesbaden : Harassowitz, 2002 ; Nathan Rein, The Chancery of God. Protestant Print, Polemic and Propaganda against the Empire, Magdeburg 1546-1551, Aldershot : Ashgate, 2008 ; Anja Moritz, Interim und Apokalypse. Die religiösen Vereinheitlichungsversuche Karls V. im Spiegel der magdeburgischen Publizistik 1548-1551/52, Tübingen : Mohr & Siebeck, 2009. Sur les positions luthériennes relatives au droit de résistance ou de défense, cf. entre autres Heinz Scheible, Das Widerstandsrecht als Problem der deutschen Protestanten 1523-1546, Gütersloh : Gütersloher Verlagshaus, 1969 ; Quentin Skinner, The foundations of modern political thought, Cambridge : UP, 2 vol., II, p. 191-206 ; Eike Wolgast, Die Wittenberger Theologie und die Politik der evangelischen Stände, Gütersloh : Gütersloher Verlagshaus, 1977 ; Id., Die Religionsfrage als Problem des Widerstandsrechts im 16. Jahrhundert, Heidelberg : Winter, 1980, p. 17-28 ; Robert v. Friedeburg, « Welche Wegscheide in die Neuzeit ? – Widerstandsrecht, “Gemeiner Mann” und konfessioneller Landespatriotismus zwischen “Münster” und “Magdeburg” », Historische Zeitschrift 270 (2000), p. 561-616 ; Robert v. Friedeburg, Self-defence and religious strife in early modern Europe, Aldershot : Ashgate, 2002 ; Cornel Zwierlein, « La loi de Dieu et l’obligation à la défense : de Florence à Magdeburg (1494-1550) », dans Paul-Alexis Mellet (éd.), « Et de sa bouche sortait un glaive ». Les monarchomaques au xvie siècle, Genève : Droz, 2006, p. 31-77.

8. Volker Leppin, Antichrist und Jüngster Tag. Das Profil apokalyptischer Flugschriftenpublizistik im deutschen Luthertum 1548-1618, Gütersloh : Gütersloher Verlagshaus, 1999.

9. Th. Kaufmann, Das Ende, p. 157 n. 1 ; Cornel Zwierlein, « L’importance de la Confessio de Magdebourg (1550) pour le calvinisme : un mythe historiographique ? », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance 67, 1 (2005), p. 27-46.

10. Cf. la bibliographie des 396 éditions chez Th. Kaufmann, Das Ende, p. 493-554.

11. Cf. www.vd16.de : 1546 (72), 1547 (26), 1548 (28), 1549 (29). Il reste à établir combien d’éditions, sur les 275 sans adresse typographique imprimées dans le monde germanique, pourraient être attribuées aux presses de Strasbourg (VD16 : 1546 (120), 1547 (75), 1548 (51), 1549 (29)), mais il ne semble pas que cela ajouterait un nombre important d’éditions à celles dont l’adresse typographique est connue. Les bibliographies spécialisées sur Strasbourg confirment cette vision : Miriam Usher-Chrisman, Bibliography of Strasbourg Imprints, 1480-1599, New Haven – London 1982 ; Jean Muller, Bibliographie Strasbourgeoise. Bibliographie des ouvrages imprimés à Strasbourg (Bas-Rhin) au xvie siècle, 3 vol., Baden-Baden, 1986. Cf. aussi la remarque de Henning P. Jürgens, « Druckschriften in den theologischen Debatten des späteren 16. Jahrhunderts », dans I. Dingel – G. Wartenberg (eds.), Politik und Bekenntnis, p. 125-138, 129 sur la disparition des anciens centres d’imprimerie de la Réformation après 1548.

12. Martin Bucer, Enarrationes perpetvae, in sacra qvatvor evangelia, recognitae nuper & locis compluribus auctae, Strasbourg, 1530, fol. 57B–59C ; Hans Baron, « Calvinist Republicanism and its Historical Roots », Church History 8 (1939) p. 30-42 ; Marijn de Kroon, Studien zu Martin Bucers Obrigkeitsverständnis. Evangelisches Ethos und politisches Engagement, Gütersloh : Gütersloher Verlagshaus, 1984, p. 144-159 ; Andreas Gäumann, « Bucer und das Widerstandsrecht », dans Christoph Strohm (ed.), Martin Bucer und das Recht, Genève : Droz, 2002, p. 231-244 ; Cornel Zwierlein, « Reformation als Rechtsreform. Bucers Hermeneutik der lex Dei und sein humanistischer Zugriff auf das römische Recht », ibid., p. 29-81. Les notes manuscrites qui sont éditées par Bellardi comme Notizen Bucers zum Widerstandsrecht pour octobre 1548 (BDS XVII, p. 547s) ne sont pas comparables, en termes de hauteur de vue et de complexité des réflexions, aux commentaires sur Matthieu (1530) et sur l’épître aux Romains (1536).

13. Le pamphlet le plus proche du discours des Magdebourgiens qui sorte d’une presse de Strasbourg est peut-être un écrit français : Valérand Poullain, Oraison Chrestiene au Seigneur Dieu / faicte par maniere de complaincte : sur le temps present, Strasbourg : Fröhlich, 1545 [VD16 P4519], un texte adapté de Luther. Seul un petit texte manuscrit de Bucer fait usage – très tardif – du langage apocalyptique : An templa consecrata filio Dei bona conscientia Antichristo sint deferenda ? (BDS XVII, p. 543-548).

14. « Thomas Haussenberg Argentinensis hic fuit, adfertus Madeburga libellos quosdam 9. ianu. missus a Magdeburgensis ut legatus [9 janvier 1552] » – il apportait les titres VD16 F1261, G259, A2358, R 2086 ou ZV 13226 de Nicolaus von Amsdorf, Nicolaus Gallus, Matthias Flacius et Wilhelm Rhode : Th. Kaufmann, Das Ende, p. 518, 524, 541, 545, cf. les résumés de leur contenu en latin réduits sous forme syllogistique de Martin Crusius UB Tübingen Ms. Mc 223, fol. 135v-136r. À cette date, Marbach et Sleidan avaient été envoyés au concile de Trente ; les préparatifs de la guerre des princes et la menace du roi Henri II datent d’un peu plus tard : Thomas A. Brady, Protestant Politics : Jacob Sturm (1489-1553) and the German Reformation, Atlantic Highlands, 1995, p. 358 s.

15. Le germanus sensus au lieu d’allégorie mériterait une recherche spécifique : Bernard Roussel, Martin Bucer, lecteur de l’épître aux Romains, thèse 3e cycle Univ. de Strasbourg, Fac. de Théologie protestante, 1970, p. 144 n. 82 ; Gerald Hobbs, « Bucer, the Jews, and Judaism », dans D. P. Bell – S. G. Burnett (eds.), Jews, Judaism, and the Reformation in Sixteenth-Century Germany, Leiden et al. : Brill, 2006, p. 137-169, 148 ; Id., An Introduction, p. 286-302 ; Campi, « Genesis », p. 218s : Vermigli se concentrait aussi sur le sensus literalis et historicus.

16. Cf. Bernard Roussel, Martin Bucer, lecteur, surtout p. 42-166 avec l’explication de l’approche bucérienne de l’enarratio, de l’expositio, de la metaphrasis et de l’observatio replacées dans leur tradition propre et leur développement respectif ; Gerald Hobbs, An Introduction to the Psalms Commentary of Martin Bucer, thèse de doctorat, Univ. de Strasbourg, Fac. de Théologie protestante 1971, surtout p. 185-315 ; Id., « Strasbourg : Vermigli and the Senior School », in W. J. Torrance Kirby – Emidio Campi – Frank A. James III (eds.), A Companion to Peter Martyr Vermigli, Leiden et al. : Brill, 2009, p. 35-69, 37 avec n. 9 ; Bernard Roussel – Gerald Hobbs, « Strasbourg et l’école rhénane d’exégèse (1525-1540) », BSHPF 135 (1989), p. 36-53.

17. Johannes Ficker, Die Anfänge der akademischen Studien in Straßburg, Strasbourg : Heitz, 1912, p. 47 signalait encore un manuscrit brûlé au moment de la conquête de la ville par les Allemands en 1870 : « Martini Buceri Dictata in Epistolas Pauli ad Timoth., Hebraeos, Thessal. et Jacobi ».

18. Universitätsbibliothek München Ms. 8° Cod.ms. 10. Cf. l’Appendice.

19. Staats- und Universitätsbibliothek Hamburg, Cod. theol. 1289. Cf. l’Appendice.

20. Pour les informations sur Schalling, voir l’Appendice.

21. Universitätsbibliothek Tübingen, Ms. Mc 181, Mc 223. Cf. l’Appendice.

22. Mise à part Pierre Martyr Vermigli, Una semplice dichiaratione sopra gli XII articoli della fede christiana, Bâle : Perna, 1544 et sa contribution à De vitandis superstitionibus […], Genève : Gérard, 1549, aucun de ses travaux strasbourgeois n’a été imprimé avant l’adoption de l’Intérim à Strasbourg (cf. Klaus Sturm, Die Theologie Peter Martyr Vermiglis während seines ersten Aufenthalts in Straßburg 1542-1547. Ein Reformkatholik unter den Vätern der reformierten Kirche, Neukirchen, 1971, p. 271-281). Les publications imprimées de Marbach ne commencent qu’en 1554.

23. Translator’s Introduction, dans Pierre M. Vermigli, Commentary on the Lamentations of the Prophet Jeremiah, éd. Daniel Shute, Kirksville : Truman State UP, 2002, p. xlvi ; John P. Donnelly, « Introduction », dans Pierre M. Vermigli, Sacred Prayers. Drawn from the Psalms of David, transl. and ed. John P. Donnelly, Kirksville : Truman State UP, 1996, p. xv-xvii ; confirmation avec des nuances par Emidio Campi, « Genesis Commentary : Interpreting Creation », dans W. J. Torrance Kirby – Emidio Campi – Frank A. James III (eds.), A Companion to Peter Martyr Vermigli, 209-248, 211 n. 4 ; Emidio Campi, « The Preces Sacrae of Peter Martyr Vermigli », dans Frank A. James III (ed.), Peter Martyr Vermigli and the European Reformations. Semper Reformanda, Leiden et al. : Brill, 2004, p. 251-266.

24. Wilhelm Bellardi, Die Geschichte der « Christlichen Gemeinschaft » in Strassburg (1546/1550). Der Versuch einer « zweiten Reformation », Leipzig : Heinsius, 1934 ; Gottfried Hammann, Entre la secte et la cité. Le Projet d’Église du Réformateur Martin Bucer, Genève : Labor et Fides, 1984, p. 363-384 ; James Kittelson, « Martin Bucer and the ministry of the church », dans David F. Wright (ed.), Martin Bucer. Reforming church and community, Cambridge : UP, 1994, p. 83-94, 89-92 ; Gottfried Hammann, « Ecclesiological motifs behind the creation of the “Christliche Gemeinschaften” », dans ibid., p. 129-143 ; Wilhelm Bellardi, « Ein Bedacht Hedios zur Kirchenzucht in Straßburg aus dem Jahre 1547 », dans Marijn de Kroon – Friedhelm Krüger (eds.), Bucer und seine Zeit. Forschungsbeiträge und Bibliographie, Wiesbaden : Steiner, 1976, p. 117-132.

25. Brady, Jacob Sturm, p. 292-357 ; Wilhelm Bellardi, « Bucer und das Interim », dans Marijn de Kroon – Marc Lienhard (éd.), Horizons européens de la Réforme en Alsace, Strasbourg, 1980, p. 267-296.

26. BDS XVII, doc 3 (Bedenken Zell, Bucer, Fagius, Marbach 11 avril 1547), p. 209 ; doc. 4, Form vff was weiss, ibid., p. 246.

27. BDS XVII, p. 10 ; W. Bellardi, Gemeinschaft, p. 30.

28. BDS XVII, p. 156-195.

29. BDS XVII, p. 198.

30. BDS XVII, p. 196-206.

31. VergPS, fol. 109r : « Rogamus praeterea caelestis pater, ut hoc nostro difficillimo tempore non deseras Ecclesiam tuam : vides quippe ut crudeles, malitiosi & impii. Antichristi eam inuaserint. » ; Herman Selderhuis, « Expounding Psalms : Preces sacrae », dans Kirby – Campi – James III (eds.), Companion, p. 249-266, 264 ; E. Campi, « The Preces sacrae », p. 256-258.

32. Cf. supra n. 15.

33. « Les excès de l’allégorisation ont alors sévi, et c’est contre eux que s’élève Bucer » (B. Roussel, Martin Bucer, p. 80 et passim ; B. Roussel, « Bucer exegète », in Krieger – Lienhard (éd.), Martin Bucer, vol. 1, p. 39-54, 52) ; Jon Balserak, « 1 Corinthians Commentary : Exegetical Tradition », dans Kirby – Campi – James III (eds.), Companion, p. 283-304, 286 ; Schindling, Hohe Schule, p. 344.

34. « Mysteria » de l’énumeration des Lévites : ad Num. 1, FagNUMH, p. 50, 11 décembre 1548 ; la vache rouge (« vacca russa ») de Nb 19 est interprétée comme « mysterium » signifiant la mort du Christ et la dispersion de son sang, FagNUMH, p. 149s, 31 octobre 1548 ; Le serpent de Nb 21 est aussi interprété comme signe de Christ (« Applicatio serpentis ad Christum »), ibid., p. 160s, 28 novembre 1548.

35. Augustinus, De civitate Dei, XV, 25-27.

36. L’étudiant a répété ici « caput ».

37. L’étudiant écrit « caedes, furta, foeda, ».

38. FagGEN, fol. 37v-38r. « Ce sixième chapitre a donc trois parties principales. La première montre les sacrilèges et les vices des hommes à cause desquels le déluge fut envoyé, qui sont le mépris de la Parole de Dieu, l’idolâtrie, la tyrannie publique, l´homicide et le pillage atroce, la volupté et des infractions du même genre contre la première et la seconde table [sc. du Décalogue qui, pourtant n’était pas encore promulgué au temps de Noé]. La seconde partie propose l’exemple de la miséricorde illimitée de Dieu pour Noé et sa famille sauvegardée. La troisième partie contient la description de la forme sous laquelle l’arche devait être construite pour le salut de l’espèce humaine : [sc. l’arche] qui était l’image [type] de l’Église à être sauvegardée par la grâce de Dieu dans les tempêtes des afflictions de ce monde jusqu’à la consommation des temps. »

39. À Strasbourg, Bucer et d’autres utilisent le reproche d’épicurisme de manière assez précise pour désigner un groupe autour d’Antoine Engelbrecht et de Wolfgang Schultheiß qui soutenaient la façon tolérante et indépendante dont le magistrait exerçait sa religion (cf. BDS XVII, p. 68, 166 ; Wilhelm Bellardi, « Anton Engelbrecht (1485-1558). Helfer, Mitarbeiter und Gegner Bucers », Archiv für Reformationsgeschichte 64 (1973), p. 183-206).

40. W. Bellardi, Geschichte, p. 59s ; BDS XVII, p. 341-345 (Bucers und FagiusAntwort an den Rat, 19 décembre 1547).

41. Jean Rott, « The Strasbourg Kirchenpfleger and parish discipline : theory and practice », dans Wright (ed.), Bucer, 122-128 ; W. Bellardi, Geschichte, p. 55 et passim ; Id., « Ein Bedacht ».

42. « Cum demum publicae universalesque poenae atque extrema mala immittuntur, quando scilicet principes, magistratus, & iudices, quos hic quoque per filios dei intelligere possumus, si corrumpuntur, ut ijsdem flagitijs, ipsi quoque corrumpantur, in quae pro suo officio grauissime animaduertere debebant. Sit enim plebs utcunque corrupta, si adhuc ratio honestatis apud ipsum magistratum maneat, ita ut diligenter animaduertat in hominum flagitia, suumque strenuae faciat officium, publica ira Dei facile cohiberi potest. » (FagGEN, 39r).

43. « Officium spiritus sancti est non tantum per ὄργανα sua hoc est ministros verbi remissionem peccatorum hominibus per gratiam & memoriam Dei annunciare, sed & graviter reprehendere, flagitia illorum ostendere, iram & iudicium Dei in eos qui se non conuertunt a peccatis suis per veram poenitentiam ad Deum, secundum illud Joannis 16 Cum venerit ille arguet mundum de peccato. Spiritum sanctum cooperari & efficacem esse per ministerium verbi in Ecclesia sua, irrefragabiliter colligitur ex eo quod dictum ad Noah Non disceptabit spiritus meus perpetuo cum hominibus, vbi per disceptatione sive contentione spiritus sui, reuera intelligit praedicationem verbi qua Deus contendit cum mundo propter peccata sua spiritus sancti. Ergo non hominem contemnit qui ministerium verbi contemnunt. Ex quo loco & illud quoque colligimus, nullum peccatum grauius a Deo puniri, quam verbi sui contemptum : Impossibile enim est ut bene habeant contemptores verbi vitae aeternae. » (FagGEN, fol. 39v).

44. Le statut de Noé devait se comprendre non comme celui d’un moine, mais comme celui du proche d’un prédicateur protestant : « Per ambulationem siue conuersationem Noah cum Deo nequaquam intelligitur vita Monastica, siue contemplatiua (ut vocant) sed actiua, hoc est studium praedicandi, docendi, monendi, & reprehendendi homines, auocandi scilicet, eos ab impio cultu, atque vita flagitiosa, comminatione instantis irae, ac ultionis diuinae, promittendo vero gratiam & misericordiam Dei […] quod enim Christus fuerit praecipuus scopus praedicationis Noah patet ex his locis scripturae 1 Pet. 3 & 4 capitib. 2 Pet. 2 cap. » (FagGEN, fol. 41v) – Fagius souligne en outre que les patriarches étaient tous mariés (FagGEN, fol. 42r), aucune place pour une conception de célibat.

45. La « correctio fraterna » (Mt 18, 15) comme cœur de la nouvelle discipline à introduire était déjà le point de départ du Von der Kirchen mengel vnnd fähl (BDS XVII, p. 182ff) et se trouve dans ce qui servait alors comme « constitution » des Christliche Gemeinschaften, la Form vff was weiss, paragraphe 9 (« bruderliche straff vnd warnung »), BDS XVII, p. 251 ; Hédion réagissait directement à cette interprétation de Mt 18, 15 dans sa réponse « sur le locus de la correctio fraterna » (W. Bellardi, « Ein Bedacht », p. 124ss : « Vom ort der Bruderlichen straff »). Fagius ne cite pas explicitement Mt 18 dans FagLEV et FagNUM : mais ce qu’il en tire sur la discipline du Lévitique, surtout, correspond bien au Wegen Abschaffung grober Laster (BDS XVII, p. 207ss, 11.4.1547).

46. FagGEN, fol. 40r. « Jamais il n’a manqué de tyrans, de persécuteurs et d’oppresseurs à l’Église, par lesquels elle a toujours été défiée de façon stupéfiante. Ainsi l’Église sous Adam avait Caïn comme tyran et ses descendants impies, sous Noé avant le déluge elle avait ses Nephilim, c’est-à-dire des géants, et après le déluge elle avait ses Nephilim dans la figure du tyran Nimrod : ils opprimaient, volaient, ravagaient et abusaient avec violence les autres avec les forces du corps déchaîné. Nous ne devons donc pas être surpris si aujourd´hui aussi l’Église a de tels tyrans, surtout ces nobles centaures [Fagius pense aux princes] qui renversent tout avec leur violence. »

47. FagGEN, fol. 41r.

48. FagGEN, fol. 41v. « Le fait que seul Noé soit resté avec sa famille dans le vrai culte de Dieu alors que tous les autres hommes se détachaient de lui nous fournit plusieurs sujets de réflexion. Premièrement, que le Christ disait vrai : Il y a beaucoup appelés, peu sont élus. Deuxièmement, qu’en matière de foi et de religion où la Parole de Dieu est certaine, il ne faut pas considérer ou suivre la populace qui se trompe souvent. »

49. FagGEN, fol. 44v-45r. « Le fait que Dieu ait voulu que l’arche soit construite selon des mesures et des quantités précises signifie ceci, si tu le rapportes au mystère [i.e. à la signification cachée de ce lieu biblique] : si l’Église a des limites précises et bien définies, c’est pour que lui soit donnée la connaissance de Christ, qui en est la tête et le gouverneur, avec une certaine mesure, comme [il est dit] en Éphésiens 4 : À chacun de nous est donné la grâce selon la mesure de la connaissance de Christ. Que Dieu ait voulu que l’arche soit construite sans aucun gouvernail humain comme ceux avec lesquels les bateaux sont normalement pilotés signifie que l’Église – dont l’arche était l’image – se conserve et se régit sans conseils humains mais par la seule protection de Dieu dans les afflictions de ce monde. »

50. « Quod Noah a Deo diserte arcam ingredi iubetur, monet neminem nisi in Ecclesia cuius arca typus erat constitutum, conseruari ad vitam aeternam, iuxta illud vulgatum dictum, extra arcam Noah non est salus. Deinde neminem in illam nisi a Deo vocatum venire iuxta illud Christi Joan. 6 Nemo venit ad Patrem nisi Pater eum traxerit. » (FagGEN, fol. 46r).

51. « Quintum, incredibilis ipsius Noah constantia qui etsi solus fuit totumque mundum sibi adversantem, & hostem habuit, qui sine dubio illum multis nominibus vexavit & exagitavit, tamen propterea non passus est sibi excuti fidem suam, imo uni Deo plus quam uniuerso mundo credidit, atqui ea demum est vera fides & constantia cum verbum Dei habes illi constanter & indiuulse adhaerere, etiam si totus mundus reclamet seseque opponat, talem quoque fidem habuerunt sancti homines Joannes Huß & Hieronimus Bragensis in concilio Constantiensi, locus ergo iste & similis diligenter obseruandi sunt, nobis hodie contra illam gravem tentationem qua objicitur nobis hodie quasi soli sapere velimus contra tot patres, concilia, pontifices, cardinales episcopos & tot Academias, quales nimirum voces & ipse Noah audire coactus fuit, quasi solus pro toto mundo sapere vellet. » (FagGEN, fol. 49v-50r).

52. WA 42, 276 [1544], John A. Maxfield, Luther’s Lectures on Genesis and the Formation of Evangelical Identity, Kirksville : Truman State UP, 2008, p. 165s ; John A. Maxfield, « Martin Luther’s Swan Song : Luther’s Students, Melanchthon, and the Publication of the Lectures on Genesis (1544-1554) », Luther-Jahrbuch 2014, p. 224-248.

53. « [il sert aussi à démontrer que] fidem & constantiam Noah suorumque consyderandam nobis ob oculos poneret, quo videlicet in tanta miseria & calamitate, in tanto exilio, in tantis clamoribus & eiulatu, cum virorum tum mulierum, virginum, infantum, amicorum & cognatorum denique & animantium, maerore, metu, & luctu non plane examinati, & quodammodo liquefacti sunt : sed quia ad huc subsistere potuerunt sustentati solo verbo Dei, & promissione. » (FagGEN, fol. 54s).

54. VermGEN, fol. 30r, 33r-v, 38r-v.

55. VermTHES, p. 438 (Probabilia ex sexto, septimo & octavo capite libri Geneseos) : « II. Diluuium typus est iudicij extremi. III. Arca typus ecclesiae erat. »

56. VermGEN, fol. 33v se réferant à Augustin, Contra Faustum et De civitate Dei (cf. n. 34).

57. En guise d’interprétation du fait que les animaux entrent dans l’arche sans être guidés par Noé, Vermigli note sous le titre en marge « Ministri ecclesiae typus » : « […] cum Nohe ecclesiae minister non ipse adducat oues ad ecclesiam, Dei spiritu impelluntur, illo inflammatae sponte veniunt : at ministri opus est illas colligere, verbo & Sacramentis ecclesiae unire. » (VermGEN, fol. 31r).

58. VermGEN, fol. 43r.

59. « Iudicij extremi hoc diluuium est manifestissimus typus, hic aquis mali sunt praesociati, ibi impij damnabuntur extremo supplicio. » (VermGEN, fol. 33r).

60. VermGEN, fol. 35v. « Marg. “l’Église est vagabonde” : Ici tu dois bien considérer que l’Église est vagabonde dans ce monde, elle n’est presque jamais fixée dans le même lieu. Avant le déluge elle se trouvait là où la descendance de Seth demeurait, aux origines là où Adam habitait avec ses fils ; maintenant [i.e. au temps de Noé] elle voyage sur les eaux dans l’arche, peu après elle se met en chemin avec Abraham et les patriarches, puis elle émigre en Égypte, pour venir par la suite dans la terre de Canaan par l’œuvre de Moïse que Dieu guide, arrivant enfin à Babylone. C’est pourquoi donc il ne faut pas lui attribuer des sièges définis, mais nous croyons qu’elle est partout dans ces lieux où on croit bien et sincèrement en Christ. »

61. Huldrych Zwingli, Farrago annotationum in Genesim, ex ore Huldrychi Zuinglij per Leonem Iudae & Casparem Megandrum exceptarum, Zürich 1527, p. 88.

62. Konrad Pellikan, Commentaria bibliorum et illa brevia quidem […], tomus I : in quo continentur V. libri Mosis, [Zürich : Froschauer, 1532-35], fol. 9v-13v. Les remarques sur l’« allegoria » et le « typus » (l’exemple du « corvus gerit typum falsorum prophetarum ») chez Johannes Œcolampade, In Genesim Enarratio, Basel : Froben, 1536, p. 100, restent également sans poids systématique.

63. Cf. n. 50.

64. Cf. en général sur la revitalisation de la doctrine des trois États au sein du luthéranisme : Luise Schorn-Schütte, « Die Drei-Stände-Lehre im reformatorischen Umbruch », dans Bernd Moeller (ed.), Die frühe Reformation in Deutschland als Umbruch, Gütersloh : Gütersloher Verlagshaus, 1997, p. 435-461 ; Robert v. Friedeburg, Luther’s Legacy : The Thirty Years War and the Modern Notion of « State » in the Empire, 1530s to 1790s, Cambridge : UP, 2015, p. 110-116 et au sein du commentaire au livre de la Genèse cf. Ulrich Asendorf, Lectura in Biblia. Luthers Genesisvorlesung (1535-1545), Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1998, p. 450-483.

65. « Nec subleuat eum uel multitudo uel potentia. Sicut e contra qui verbum retinent, sicut Noah cum suis, hi sunt Ecclesia, etsi numero paucissimi sint. octo tantum animae. Sic hodie praevalent nobis multitudine, & praecedunt dignitate Papistae. Nos autem non tantum maledicimur, sed etiam patimur varie. Hoc ferendum est, donec iudicium veniat, quo revelabit Deus, nos suam Ecclesiam esse, Papistas autem esse Ecclesiam Satanae. » (WA 42, 334).

66. Pour ceci, partant de 2 Th 2, cf. déjà Hans Preuss, Martin Luther – der Prophet, Gütersloh : Gütersloher Verlagshaus, 1933, p. 49-54 ; Wolfgang Sommer, « Luther – Prophet der Deutschen und der Endzeit. Zur Aufnahme der Prophezeiungen Luthers in der Theologie des älteren deutschen Luthertums », dans Id., Politik, Theologie und Frömmigkeit im Luthertum der Frühen Neuzeit, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1999, p. 155-176 ; V. Leppin, Antichrist, p. 130-138 ; Th. Kaufmann, Das Ende, p. 226, 370 et passim.

67. Maxfield, Luther’s Lectures, p. 180-214.

68. Sur ce point, voir Asendorf, Lectura, p. 248-298.

69. Sur cet aspect, voir Maxfield, Luther’s Lectures, p. 201-207.

70. « Wenn deren [sc. de la communauté à fonder] aber so wenig, so werden sie die anderen verachten vnd lesteren als die da wöllen besser sein dann sie. Daher würdt dan abermal onruw vnder den burgern entsthohn. » (BDS XVII, p. 326, Mehrung götlicher gnaden vnd geists, 30 novembre 1547).

71. « Wenig sind erwehlet, noch will gott seiner herd, wol klein die ist, sein reich geben. Vnd wa nur zwen oder drey in seinem namen versamlet, da will er mitten vnder inen sein. » (BDS XVII, p. 325, Mehrung götlicher gnaden vnd geists, 30 novembre 1547) ; « Erstlich, ob sich der burger vil oder wenig in diese gemeinschafft christlicher zucht werden begeben […] » (BDS XVII, p. 280-283, Kurtzer Vnderricht vnd Grunde, 9 novembre 1547).

72. Christian Krieger, « Réflexions sur la place de la doctrine de la prédestination au sein de la théologie de Martin Bucer », dans Id. – Marc Lienhard (éd.), Martin Bucer and Sixteenth Century Europe, Leiden et al. : Brill, 1993, vol. I, p. 83-99, 98 et G. Hammann, Entre la secte et la cité, p. 158-174.

73. « Der sonderung, das ist schismatis, wölle vnns kheiner beschuldigen […] Crimen scismatis ist alzw schwer […] » (BDS XVII, p. 308, Ermanschrifft de Bucer, Fagius, Marbach, Lenglin, Schnell aux prédicateurs opposés Zell, Hédion, Niger, Steinlin, 11 novembre 1547).

74. Renvoi à l’exemple des petites assemblées sous les prophètes Élie, Élisée, Ésaïe ; sous Siméon et Anne, et dans l’ancienne Église : BDS XVII, p. 322 ; réponse au reproche qu’une telle petite communauté au sein des paroisses normales puisse stimuler l’envie et les révoltes : ibid., p. 326s ; le problème de la « Spaltung » (p. 327).

75. Ian Hazlett, « Eucharistic communion : impulses and directions in Martin Bucer’s thought », dans Wright, Bucer, p. 72-82. Cf. les passages importantes sur la communio cum Christo qui commencent avec 1 Cor 10, 16s dans Kurtzer vnderricht vnd grunde (BDS XVII, p. 260-263) ; aussi la Exomologesis sive confessio Martin Buceri de eucharistia [1550], écrite à Cambridge à la suite de la demande de Jean à Lasco, BDS XVIII, p. 495-519 ; Martin Bucer, De vera et falsa caenae dominicae administratione (1546), Leiden/Boston, 2014 ; Cornel Zwierlein, « Der reformierte Erasmianer Johannes a Lasco und die Herausbildung seiner Abendmahlslehre, 1544-1552 », dans Christoph Strohm (ed.), Johannes a Lasco (1499-1560). Polnischer Baron, Humanist und europäischer Reformator, Tübingen : Mohr & Siebeck, 2000, p. 35-99, 65-87 pour l’échange que poursuivent Bucer et Lasco et le développement de la conception de la κοινωνία au sein du protestantisme de l’Allemagne du Nord et du Sud-Ouest entre 1528 et 1550.

76. J. Kittelson, Bucer, p. 89.

77. Le théologien le plus proche de Vermigli et de Fagius dans l’ensemble des interprétations protestantes à peu près contemporaines sur la Genèse fut Wolfgang Musculus, qui ajouta un paragraphe De mystica consideratione eorum quae in historia diluuij huius cap. 6.7. & 8. leguntur dans son commentaire bien postérieur de 1554 : Wolfgang Musculus, In Mosis Genesim plenissimi Commentarii in quibus veterum & recentiorum sententiae diligenter expenduntur, Basel : Herwagen, 1554, fol. 230s. Au contraire, ce qu’écrit Jakob Ziegler, Conceptionum in Genesim muni, & Exodum, Commentarij, Basel : Oporinus, 1548, p. 67-75 est plus mince. Calvin, qui avait déjà prêché sur la Genèse en 1542/43 mais dont le commentaire ne fut publié qu’en 1554 et les sermons ne furent édités qu’en 2000, avait utilisé les commentaires publiés de Fagius (mais bien sûr pas les manuscrits de ses leçons) comme l’une de ses trois principales sources (Anthony N. S. Lane, « The sources of Calvin’s citations in his Genesis commentary », dans Interpreting the Bible. Historical and Theological Studies in Honor of David F. Wright, Leicester : Apollos, 1997, p. 47-97). Mais une interprétation de l’arche comme figure de l’Église apparaît seulement dans les sermons, et sans grand poids systématique ; tout la matrice ecclésiologique, toute l’influence augustinienne et la mise en exergue du petit nombre des élus, caractéristiques des Strasbourgeois, manque chez lui dans l’interprétation de l’histoire de Noé, qui se concentre sur la leçon personnelle que le croyant peut en tirer en tant que successeur de Noé (Jean Calvin, Sermons sur la Genèse. Chapitres 1,1-11,4, éd. Max Engammare, Neukirchen-Vluyn : Ev. Verlangsanstalt, 2000, vol. 1, p. 435 n. aux l. 27-29). Tout aussi peu ecclésiologique est l’exégèse que Brenz donne oralement à la Litanei de Stuttgart à partir du 1er septembre 1553 : c’est une réflexion sur le caractère punitif du déluge et sa relation avec la condamnation éternelle (ou non) des malfaisants (Johannes Brenz, « Explicatio Geneseos », dans Operum reverendi et clarissimi theologi D. Ioannis Brentii, vol. 1, Tübingen : Gruppenbach, 1576, ad chap. VII, p. 97-100).

78. « [Ad Lev. 26, 3] Regnum dei est in virtute non sermone. Est Adimplectio legis & publica & priuata. Publica est quando magistratus diligenter facit suum offitium ut omnes leges seruentur. haec legis obseruantia meret magnas & corporales remunerationes. Priuatorum alia est Hipocritarum qui ex vera fide non seruant quod sit coniuncta cum charitate, alia est vera solida quando interne & externe seruat & haec est sola Christi. Non enim venit soluere legem tamen ex nobis imputatur, ex fide in Christum. » (FagLEV, p. 38, 30 janvier 1548).

79. « [Ad Lev. 26, 5] Benedictiones dei ex impijs contingunt Ps. 17, perpetuum ad studiosos legis diuinae pertinent Malis contingunt ex mera meridia sinit enim oriri solem et ut magis inuitentur ad poenitentiam aut maior sit damnatio pij male habent ex malitia diaboli propter peccatum originis, fit item quod vult exercere fidem et patientiam suorum. Abel occisus non propter impietatem sed ut esset omnibus pijs exemplum quod illis fieret. Joseph incarceratus fuit ut rex fiet, et Job, ut gloriosior, Asaph, ut gloria dei manifestaretur. Regnum enim Christi non est de hoc mundo. » (FagLEV, p. 38, 30 janvier 1548).

80. « Gradus violationis legis : 1. Nolle Audire, 2. Nolle praestare, 3. Execrare legem / legis studiosos, 4. Turbare Politiam, 5. Alios auocare a lege, 6. Negare praecepta a Deo profecta, 7. Negare Deum » (FAGLEV, p. 39, 30 janvier 1548).

81. L’échelle des fléaux : « Poenae qui manent transgressores legis sunt 1. Aegritudo corporis, 2. Sterilitas terrae, 3. Carentia rerum aerari, 4. immissio bestiarum, 5. Famis, 6. Pestis, 7. Obsidia, & religionis ablatio qui summa est poena » (FagLEV, p. 39, 30 janvier 1548).

82. BDS XVII, p. 195 (Von der Kirchen Mengel vnnd fähl, 6 janvier 1546).

83. Cf. J. Rott, The Strasbourg Kirchenpfleger.

84. W. Bellardi, « Ein Bedacht », en particulier p. 127s.

85. BDS XVII, p. 363 (Bucers Briefmemorandum aux électeurs du Palatinat et de Brandenbourg, 4 avril 1548) ; BDS XVII, p. 511 (Deuxième Gutachten des prédicateurs de Strasbourg à l’Intérim, 27 juin 48 ; réponse à l’article 13 de l’Intérim). Cf. aussi « Ubicunque quidem Christi Ecclesia diffusa est, hoc est, quocumque in loco fuerint, qui in doctrina Euangelij et uero sacramentorum disciplinaeque ecclesiasticae usu uere consentiunt, ibi Christiani agnoscendi sunt et suspicienda Ecclesia. » (Bucer sur l’article « Ecclesia » de l’Intérim dans sa lettre à Julius Pflug, 13 avril 1548, BDS XVII, p. 425).

86. BDS XVII, p. 511s.

87. Le seul avant Fagius, sauf erreur, est le commentaire beaucoup moins développé de Pellikan, Commentaria, p. 157-206 ; après Fagius, les premiers publiés sont ceux de Martin Borrhaus, In Mosem, divinum legislatorem […] Commentarij, Basel : Oporinus, 1555, p. 749-894. Peut-être cette rareté des commentaires des réformateurs sur le quatrième livre de Moïse explique-t-elle en partie la conservation des deux cahiers de Fagius sur les Nombres, qui se trouvent aujourd’hui à Munich et à Hambourg : ils présentaient toujours une certaine valeur aux yeux des théologiens, même peut-être à ceux d’un professeur de Greifswald comme Mayer au xviie siècle.

88. « Quarto quod voluit distribui populum, in suos ordines, commendat disciplinam ecclesiae, quod omnia in Ecclesia decenter ex ordine fieri debeant ut 1 Cor 14 ista autem Ecclesiae disciplina, ita debet esse instituta, ut singulorum membrorum Ecclesiae [i] hominum possit esse cura, nam cum hoc non fit, videmus multos sic perire. » (FagNUMM, fol. 58r-v).

89. FagNUMH, p. 51.

90. « Facit autem illa populi numeratio quoque ad mysterium. Primum adumbratum fuit hac numeratione diligenter multos esse quos Deus velit saluare, quos velit vocare in Ecclesiam suam, omnibus enim Deus offert praedicationem Evangelij. Deinde quod singulorum nomina, ita diligenter conscripta fuerunt, per hoc fuit adumbratum, nomina filiorum Dei, vere esse inscripta, in libro vitae, ut Christus dicit, gaudete quod nomina vestra inscripta sunt in caelis. Tertio significatum fuit, nullum apud Deum esse neglectum electorum suorum, omnes ex aequo sunt illi grati, neminem negligit, contemnit, aut abijcit, noti sunt illi capelli capitum nostrorum, multo magis noti illi sunt electi filij sui quos vocat per verbum suum. » (FagNUMM, fol. 58v).

91. FagNUMH, p. 54, 18 février 1548 ; l’étudiant du codex de Munich saute du chap. 1 au chap. 5 : l’analyse comparée de ce passage n’est donc pas possible. « Sens allégorique : D’abord il ordonne que les fils d´Aaron déposent le tabernacle et voilent les vases sacrées. De même les bons ministres doivent édifier l’Église par la Parole de Dieu et non arbitrairement. Souvent le tabernacle est déplacé, étant donné que l’Église n´est pas attachée à un lieu unique et à un seul peuple, mais elle est répandue dans le monde entier partout où il y a des élus. Il est donc impie de dire que l’Église est attachée au siège de Rome. Il y a probablement des ministres pieux là-bas, mais nous traitons de l’Église visible [sc. constituée] par la perception sincère de la Parole pure de Dieu et des sacrements. Comme chaque famille a une fonction [sc. une division interne des fonctions], ainsi des offices diverses se trouvent dans l’Église (Ep 4) et cela est comparé avec [sc. la division des fonctions dans] le corps humain. Aucune famille ne supporte l’oisiveté sans réprimande. De même, personne ne doit être paresseux dans l’Église, et surtout personne ne doit détourner les biens de l’Église. »

92. FagNUMH, p. 78, 18 avril 1548. « Le fait que le tabernacle ne demeure pas perpétuellement dans un lieu, mais qu’il bouge d’un lieu à l’autre signifie que l’Église aussi n’est pas attachée toujours au même lieu et peuple, mais qu’elle est transférée par la volonté de Dieu à des nations différentes. Cela nous enseigne que nous aussi n’avons pas de place permanente ici [sc. en ce monde], car nous nous trouvons ici dans les remparts de l’Église militante, et nous nous envolerons un jour, quand nous aurons combattu bravement contre monde et diable, vers l’Église qui est triomphante dans les cieux. »

93. FagNUMH, p. 69, 4 avril 1548.

94. FagNUMH, p. 89 – 31 mai 1548. « Ici on ne voit nulle prédication de la miséricorde divine, par laquelle les Israélites ont été libérés de la servitude, les affligés d’Égypte [sc. et par laquelle], pharaon a été noyé [sc. dans la mer Rouge]. Et de la façon dont ils se plaignent autant de la pénurie de nourriture, aujourd’hui également il n’y pas de véritable prédication de la bonté divine, par laquelle il nous a arrachés, par la doctrine de l’Évangile, des tenèbres horribles et des erreurs et des impiétés et par laquelle il nous a transférés dans le règne de son fils. Au lieu de cela, nous sommes confrontés à des querelles concernant l’instauration d’une paix et tranquillité séculière sous la papauté [allusion claire à l’Intérim], ce qui est une offense immense de Dieu. » Une semblable comparaison entre la lassitude des Israélites prêts à retourner en Égypte, et la situation contemporaine (la volonté de rejoindre la papauté et l’accusation faite « à l’Évangile » d’être la cause des troubles) se trouve dans le commentaire de Nb 11, 20, ibid., p. 95 entre le 2 et le 20 juin 1548.

95. FagNUMH, p. 135, 28 septembre 1548.

96. « Describitur conatus Balaam ad maledicendum populum Dei […] Ita diabolus in nomine Domini omnia agere tentat. Ita hodie papistae, ad volendum agere concilium inuocare deum contra deum & populum suum » (FagNUMH, p. 175, 28 décembre 1548, en Num. 23).

97. FagNUMH, p. 193, 23 février 1548. « Le fait que l’intronisation de Josué comme pontife suprême doive aussi se faire au sein du même conseil qui l’avait conseillé dans toutes les difficiles négociations et que Josué doive apprendre de lui la volonté de Dieu comme ce sera le cas après lui pour tous les princes en Israël –, tout cela nous enseigne qu’il faut rechercher le meilleur consensus possible entre le magistrat politique et les ministres de l’Église, et que le magistrat ne doit pas abuser son glaive contre Dieu mais l’utiliser pour Dieu et son Église ; car ici réside tout le salut de l’État ; jamais Israël s’est mieux trouvé que lorsque régnait un consensus entre le magistrat et les ministres de l’Église, les prêtres et les prophètes. »

98. FagNUMH, p. 194, 23 février 1548.

99. FagNUMH, p. 194. « Le docteur Paul Fagius a dû partir, chassé par une très grande fureur contre lui et contre le docteur Martin Bucer car Satan inspirait les chefs du suprêmes peuple. Quand ils furent arrivés en Angleterre, le docteur Fagius tomba malade avec une fièvre de quatre jours, et fut enlevé des vivants par le Dieu de miséricorde le 13 novembe 1549. » Sur le départ de Strasbourg, voir Pierre Janelle, « Le voyage de Martin Bucer et Paul Fagius de Strasbourg en Angleterre en 1549 », Revue d’Histoire et de Philosophie religieuses 8, 1 (1928), p. 162-177 ; Rodolphe Peter, « L’hébraïsant Paul Fagius sur le chemin de l’exil », ibid., 59, 3 (1979), p. 385-390.

100. Fagius avait déjà comparé Moïse et Aaron à un pasteur de Strasbourg comme Johann Marbach en 1542 (épître dédicatoire à Marbach, août 1542. Fagius, Prima quatuor capita Geneseos hebraice, fol. [4]V : « Sicut enim olim in ueteri populo Deus Opt. Max. quos sibi in prophetas adlegebat, mox in ipsa iuuentute (paucis exceptis, Aarone scilicet & Mose, ut hebraei ferunt) spiritu suo adflabat, quod ea aetas testantibus Hebraeorum sapientibus, ad subeunda spiritus sancti munia, propter animi alacritatem ac seruorem magis sit apta atque idonea. […] Sic certe nemini dubium esse potest, certissimum argumentum esse te in Ecclesia Christi organum non uulgare futurum, posteaque in ipsa iuuenili etiamnum tua aetate, tam manifestos coelestis in te agentis spiritus radios emittas, adeo, ut licet aetate uir sis adhuc iuuenis, eruditione tamen, animi modestia, grauitateque morum senex esse uidearis. »)

101. Cf. Zwierlein, « Reformation als Rechtsreform », p. 41-50.

102. Hammann, Entre la secte et la cité, p. 310-322 ; L’idée du règne du Christ qui commence déjà en ce monde et qui est, dans son cœur même, identique à la communio sanctorum, se subsitue à une vision dualiste trop augustinienne : Andreas Gäumann, Reich Christi und Obrigkeit. Eine Studie zum reformatorischen Denken und Handeln Martin Bucers, Bern, Lang, 2001 ; Zwierlein, « Reformation als Rechtsreform », p. 48 ; Cornel Zwierlein, Discorso und Lex Dei. Die Entstehung neuer Denkrahmen und die Wahrnehmung der französischen Religionskriege in Italien und Deutschland, Göttingen : Vandenhoeck&Ruprecht, 2006, p. 614-621 (pour les années 1544/45 dans l’échange avec Ottheinrich du Palatinat-Neuburg).

103. VermGEN, fol. 30v avait aussi formulé « Mihi […] placet sententia, ut hoc foedus fuerit amicitiae ineundae, quod is ei charus esset & sub eius tutela seruandus, non modo quoad corpus sed animum etiam, per Christum venturum cuius ipse typus esset & forma, atque illud pactum fuisse etiam iuramento confirmatum. » Mais chez Fagius, l’éternité et l’identité du pacte Dieu/homme est developpé encore plus : « Quid proprie foedus sit quae eius natura, & conditiones, pulchrae admodum exprimit vox Haebraica vel enim רﬨב [mais l’étudiant écrit חרב] eligendo dicitur, est enim foedus seu pactum ut inquit Abenezra mutuus consensus duorum aut plurium super aliqua re, vel a ראב [mais l’étudiant écrit quelque chose comme ירב] declarando manifestando sive explanando quod scilicet vtraque pars mentem suam quid fieri velit declaret, vel ab נרח [mais l’étudiant écrit quelque chose comme ץרב] excindendo quod scilicet conditiones foederis quae omnibus notissimae esse debent ne quis illud temere violet olim statuis erectis incidebantur, vel quod semper ut quod aliquod occidatur ad repraesentandum, quod is qui pactum violaret sanguis eius quoque fundi deberet. Vnde & foedus illud Dei aeternum, quod nobiscum pepigit de remissione peccatorum, de recipiendis nobis in gratiam deque donanda vita aeterna per sanguinem quoque filij sui in monte effusi confirmari debuit, cuius nimirum omnis sanguis qui olim in pungendis foederibus, vel in populo Dei, ut in gentibus effusus, typus quodammodo fiet. De foedere Dei cum Noah quale fuerit, licet diversae sint sententiae, quum alij ad defensionem quam ab impijs hominibus qui illi mortem criminati fuerant liberari habuit cesserant, Alij ad pericula in aquis depellanda, alij vero ad pactum tridis quod postea cum eo fecit, tamen haec firmissima omnium est sententia, Deum in hoc pacto maxime respexisse ad permissionem filij Dei caput serpentis conculcaturi factam primum Adamo in paradyso, atqui hac maxime Noah opus habebat ut confirmaretur fides eius, adhuc reliquum fore Ecclesiae seminarium unde Christus nasciturus esset, etsi totum genus humanum perire videt, est ergo hoc pactum spirituale potius quam corporale, referendum ad Christum & ad vitam aeternam, confirmat haec sententia ex 1. Pet. 3. » (FagGEN, fol. 45v-46r) – Il faut voir dans cette combinaison de la promesse faite à Adam avec un tel foedus fidei conclu avec Noé un des rares germes de la conception d’un traité infralapsarien avant l’essor de la théologie fédérale, impulsé par Olévian et Ursinus dans le Palatinat ; chez Bullinger, on trouve seulement le pacte supralapsarien, cf. David A. Weir, The Origins of the Federal Theology in Sixteenth-Century Reformation Thought, Oxford : UP, 1990, p. 12f.

104. Jean-Marc Debard, « Pierre Toussain et la Réforme dans le Comté de Montbéliard », Positions luthériennes 40 (1992), p. 1-31.

105. Daniel Toussain, L’Arché de Noé, traité necessaire en ce temps, tant pour consoler les pauvres fideles, de longtemps agitez de diverses tempestes, que pour les resoudre des marques de la vraye Eglise : addressé & dedié aux Eglises reformées de la France, dans S. Goulart (ed.), Le sixiesme et dernier recueil contenant les choses plus mémorables avenues sous la Ligue […], Genève, 1599, p. 397-462, 406. Sur Toussain cf. Friedrich W. Cuno, Daniel Tossanus der Ältere, Professor der Theologie und Pastor (1541-1602), 2 vol., Amsterdam 1898 ; Reinhard Bodenmann, « Daniel Toussain (1541-1602). Auteur inconnu d’un traité contre les luthériens (1576) et éditeur inattendu d’un texte de Martin Bucer », Archiv für Reformationsgeschichte 88 (1997), p. 279-321 ; Zwierlein, Discorso und Lex Dei, p. 753-759.

106. Toussain, L’Arché, p. 422.

107. Il faut rappeller que son édition et son commentaire de la Genèse imprimés se finissent avec le chapitre 4 : Paul Fagius, Perousch, id est exegesis sive expositio dictionum hebraicarum literalis et simplex in quatuor capita Geneseos […], Isny, 1542 ; Id., Prima quatuor capita Geneseos hebraice, cum versione Germanica e regione, hebraicis tamen characteribus exarata, Constance, 1543, l’exégèse de 1546/47 des chapitres suivants survit donc uniquement dans ce manuscrit.

108. Lettres de Martinus Schalling senior à Jacob Sturm le remerciant d’avoir accepté Martin jr au collegium) et recommandant Jean comme Cantzleyschreiber, de 1545 à 1551, AM Strasbourg, Archives du chapitre de Saint-Thomas 1 AST 347, nr. 10-12.

109. « Atqui, meo quidem iuditio, consultius foret, si bene caeptum studiorum cursum absoluere liceret. Longe maius et utilius offitium est, ministerio verbi fungi : quam Politica transigere negotia. [… s’ensuivent des comparaisons entre Ézéchias et Ésaïe, soulignant l’importance du divin ministère. Il veut montrer que ce sont les gouverneurs de la Hohe Schule eux-mêmes qui ont décidé de l’orienter vers la théologie : dès 1545, il avait été mis dans ce collegium reservé à de futurs étudiants de théologie, et depuis 1550, il bénéficie de la bourse dédiée par Mieg surtout aux futurs théologiens.] Accedit his omnibus illud, quod nequaquam leue Dei beneficium iudico, mediocri diligentia in S. Literarum studio, continuis me sex annis versatum esse. Cum enim dicat Dominus, Filijs tuis narrabis haec, a teneris parens me Psalmorum lectionibus, et Catechismo asuefecit, ne quidquam, quod salutis meae esset, neglexisse videretur. Confirmato nonnihil intellectu, vestro benefitio in Collegium receptus, vni huic studio operam dedi. Et ex ijs doctrinae sanae explicationem audiui, quos totus administratur orbis. Nostis ipsi, quanta Dei organa fuerint, Reuerendi ac piae memoriae viri D. Bucerus et Paulus Fagius, quorum hic quidem biennio, ille vero quadriennio, magna me fide et simplicitate erudijt. Hi duo viri, cum fato quodam Reipublicae nostrae funesto in exilium irent, Doctissimus vir et praeceptor summa obseruantia colendus, D. D. Hedio sacra nobis verba explicauit. Denique a vobis discedens, D. Philippum Melanthonem, virum omni memoria & aeternitate dignum, sacros libros enarrantem audio. » (Martin Schalling aux trois préfets de la Hohe Schule, Jacob Sturm, Nicolaus Kniebs et Jacob Meier, Wittenberg, 1er avril 1552, AM Strasbourg, Archives du chapitre de Saint-Thomas 1 AST 347, n° 8). Le 13 septembre 1552, il écrit de nouveau aux trois préfets de Coburg, racontant sa fuite de Wittenberg en Thuringe et à Bamberg à cause de la peste à Wittenberg : ibid., n° 9.