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La Reformation des clercs

Ancienne Confédération helvétique, 1525-1535

Marc Aberle

Université de Neuchâtel

Fabrice Flückiger

Université de Neuchâtel

Olivier Christin

EPHE, PSL – Université de Neuchâtel

La Réformation est en partie une révolution des clercs. Elle eut à la fois pour enjeu et pour acteurs les professionnels de la gestion des biens du salut et de l’édification des fidèles, dont les préoccupations spécifiques – sur leur statut, leurs revenus, leur condition – devinrent soudainement des questions brûlantes posées à la Chrétienté toute entière, et qui se retrouvèrent plongés dans une série d’épreuves inédites, par leur ampleur et leur urgence. Cette enquête a pour objectif de décrire, de manière encore provisoire, quelques-uns des épisodes et des enjeux les plus saillants de ces épreuves dans un espace circonscrit, soit celui de l’Ancienne Confédération helvétique et de ses alliés à la fin des années 1520 et au début des années 15301.

Il ne s’agit évidemment ici nullement d’affirmer que les clercs sont les seuls protagonistes de la Réformation, mais de rappeler qu’une partie importante des débats et des combats des débuts de la fracture religieuse les a pour objets et sujets. Certaines affaires ou certains scandales en témoignent, qui portent à la connaissance de tous des interrogations et des controverses touchant par exemple au célibat des prêtres, aux dîmes, aux vœux et aux règles monastiques, ou encore à la prédication. Décrire ces affaires, aussi minuscules soient-elles dans certains cas, c’est aussi se donner les moyens de montrer qu’avant même la mise en place des nouvelles structures ecclésiales, les habitants d’innombrables villes ou petites localités voient – en quelques années, voire en quelques mois ou semaines – un clergé pourtant jusque-là très présent, être contesté, chassé puis remplacé. Dans cette substitution parfois brutale se joue un bouleversement majeur de la condition cléricale, que cette étude espère saisir au moins partiellement.

Les clercs catholiques en procès

Il faut peut-être commencer par rappeler l’ampleur des effets de la diffusion et de l’adoption de la Réforme sur la population cléricale et sur la présence visible des clercs dans l’espace de la ville ou du village. À Bienne, par exemple, ce ne sont pas moins de sept prêtres qui auraient choisi, dès 1523, d’imiter le curé Thomas Wyttenbach en se mariant et en renonçant à célébrer la messe ; ils sont rapidement déposés, mais d’autres choisissent d’eux-mêmes de renoncer alors aux ordres sacrés2. À Zurich, au cours des années 1520, ce sont les cisterciens de l’abbaye de Kappel qui retirent les images de leur couvent et ne célèbrent plus la messe, alors que les chanoines du Grossmünster transforment le chapitre en école pour les nouveaux prédicateurs3. Souvent, le clergé se voit sommé de choisir : à Genève, ce sont près de mille clercs qui, après l’adoption de la Réforme entre 1535 et 1536, doivent quitter la cité ou confesser la nouvelle religion4. À Saint-Imier, la dissolution du chapitre en 1530 concerne directement douze clercs5.

La carte paroissiale se trouve elle aussi profondément transformée : à Orbe, dans le bailliage commun du même nom, des six églises et chapelles attestées avant la Réforme, il ne reste après 1554 que l’église Notre-Dame, devenue église paroissiale. Mouvement analogue dans la cité de Genève, où ne subsistent après la Réforme que trois paroisses sur les sept existantes à l’époque médiévale6. Un même phénomène s’observe à propos des établissements conventuels situés sur le territoire bernois et dans sa sphère d’influence, où les fermetures se multiplient : Trub (il reste alors 9 religieux), Wangen (filiale de Trub, dont le dernier prieur se marie), Interlaken (il reste 8 ou 9 nonnes) ou l’Île de Saint-Jean à Cerlier sont ainsi sécularisés entre 1528 et 1530, période décisive de l’expansion de la Réforme. Le mouvement s’observe aussi dans les terres vaudoises sous contrôle bernois à la fin des années 1530 : ainsi, à Concise, Berne exige que les moines de la chartreuse quittent les ordres et adoptent la nouvelle foi7.

Chroniques, histoires de la Réforme, cartes de territoires et plans de ville conservent durablement le souvenir de ces établissements sécularisés, détruits ou reconvertis en greniers, en hôpitaux, en écuries : en 1827 encore, dans sa Vollstandige Beschreibung des Schweizerlandes, Markus Lutz signale régulièrement les monastères, chapelles et prieurés disparus avec la Réforme, par exemple à Bevaix, Bienne, Bischofszell, Eigenthal, Fraubrunnen ou encore à Frienisberg8.

La progression de la Réforme s’observe ainsi souvent dans la sécularisation des abbayes et prieurés, la fermeture des chapelles, fréquemment converties à d’autres usages, mais aussi dans la destruction des autels des églises paroissiales et des cathédrales, qui affectent directement la mission des desservants et des religieux en les privant de lieux où exercer leur office et en rendant leur présence désormais presque sans objet. La Réforme s’impose dans ces actes symboliques qui affectent directement le clerc : renverser les autels, détruire les images ou les vendre, c’était en effet supprimer des pans entiers de l’activité du clergé catholique, éliminer des sources de revenus considérables autour des messes privées, du culte des images et de saints et démanteler une partie importante d’une économie du salut dont le clergé était le principal administrateur, ainsi que le principal bénéficiaire. Les effectifs des clercs concernés et les revenus en jeu dans ces événements plus ou moins tumultueux sont donc loin d’être négligeables : c’est pourquoi certains magistrats, inquiets des conséquences du sort des objets liturgiques et des débordements envers les clercs, choisissent de confier à des hommes compétents et fiables le travail d’inventaire et de saisie que toute politique iconoclaste de grande ampleur appelle, comme le fait Berne, qui confie la supervision du retrait des images à Niklaus Manuel, peintre et édile très actifdans la Réforme bernoise9. Il ne faut donc pas s’étonner de voir les cantons souverains, les magistrats, évêques et patrons détenteurs de droits de collature s’inquiéter de ces questions financières et s’opposer parfois vivement à propos des revenus et du sort de la maison de la cure, comme à Dietikon10, ou de la destination des biens des chapitres et des monastères, par exemple à Saint-Imier11. De manière significative, les délégués des cantons et alliés saisissent régulièrement la Diète fédérale de plaintes et de revendications sur ces affaires, chaque destruction d’autel, chaque remplacement de clerc pouvant ainsi devenir une affaire concernant tous les cantons : ces conflits révèlent l’ampleur des contentieux entre partisans de la Réforme et défenseurs de l’ancienne foi, alors que les plaintes reflètent le désarroi de nombreux clercs, sujets centraux du conflit opposant deux conceptions opposées de l’accès au salut.

L’éclipse des clercs catholiques – qui fuient, sont expulsés ou privés de moyens d’exercer leur ministère – ne se produit toutefois le plus souvent qu’au terme d’un processus assez long et complexe, qui les soumet à une succession de contestations, de remises en question, d’injonctions ou de défis. Ces épreuves – en parties inédites, même si elles pouvaient parfois puiser une partie de leur vocabulaire dans des formes d’anticléricalisme bien connues dès la fin du Moyen Âge12 – prennent ainsi régulièrement l’apparence de procès ou de dénonciations publiques : les abus et les erreurs du clergé y sont exposés aux yeux de tous et les clercs sommés de s’expliquer. À Orbe, par exemple, dans le climat tendu qui précède l’adoption officielle de la Réforme, Christophe Hollard réfute au beau milieu de l’office les affirmations du frère Michel Juliani au sujet du célibat des prêtres : « il osa bien prononcer et proférer de sa propre bouche, par deux fois, qu’il en avoit menty » ce qui cause « grand bruit et timulte (sic) du peuple et des assistants13 ». Tumulte comparable près de Morat, dans le village de Meyriez, où Guillaume Farel lance des insultes contre le curé Henri des Frères, le traitant de voleur et de meurtrier des âmes14.

Ce sont aussi les autorités qui s’engagent dans ce travail de mise en accusation et de demande d’explication, multipliant, à la faveur des tensions confessionnelles des années 1520 et des inquiétudes des fidèles sur le contenu de ce qui leur était s usqu’alors enseigné, les convocations officielles de clercs. Les magistrats les somment de préciser ce qu’ils prêchent et célèbrent, et les rappellent à S’ordre le cas échéant. Ce sont d’abord les partisans de la Réforme qui font S’objet de ces enquêtes : Hans Brotli, actif dans le bailliage de Windegg, est ainsi mis en accusation devant la Diète à Baden en juillet 1523, en raison de ses propos sur la messe15. Mais bientôt, ce sont les défenseurs de Rome qui se voient sommés de se justifier : Konrad Hofmann, chanoine de Saint-Félix et Sainte-Régule de Zurich, est convoqué en janvier 1525 par le conseil pour rendre raison de ses critiques véhémentes envers Zwingli16. À Orbe, Michel Juliani doit répondre devant la justice des accusations portées à son encontre par les délégués bernois, qui lui reprochent d’avoir défendu les vœux monastiques et les anciennes cérémonies17. À Bienne, en 1529, le conseil général convoque les curés de l’Erguël et le prévôt des chanoines pour savoir en quoi consiste exactement leur foi18. À Saint-Blaise, en 1531, deux députés sont envoyés par Berne « pour tirer en cause le curé du lieu ; lui demander qu’il prouvât par l’Ecriture ce qu’il avait dit ou qu’il se rétractât19 ». La même année à Rapperswil, un vote dans l’église fait obligation au pasteur de se justifier s’il ne peut fonder ses enseignements sur l’Écriture sainte20.

Certes, les accusations publiques sont le plus souvent l’occasion, comme dans les grandes disputes contemporaines récemment étudiées par Fabrice Flückiger21, d’imposer l’Écriture sainte comme seule règle légitime de foi et de vie. C’est notamment le cas à Appenzell où, dès 1524, la Landsgemeinde a voté à une large majorité l’obligation pour les prêtres de ne prêcher rien d’autre que ce qu’ils peuvent démontrer par les Évangiles22. Même exigence à Bremgarten en 1529, où la commune et le conseil décident d’élire un curé qui ne préchera que l’Évangile23, ou encore à Bienne la même année : le pasteur Georg Stahelin est assigné à comparaître devant le conseil en raison de la teneur de ses prêches : on décide « que s’il pouvait prouver par l’Écriture les articles qu’on lui objectait, il serait conservé dans son emploi24 ». Zurich, comme Berne, donnent des instructions explicites à leurs baillis et délégués pour qu’ils veillent à ce que les clercs ne prêchent que la « vraie Parole de Dieu25 ». Les magistrats se montrent alors particulièrement soucieux d’affirmer leur contrôle sur la nomination et la destitution des clercs, usant des mandats ordonnant la prédication des seuls Évangiles afin d’asseoir leur autorité en la matière : contre l’avis du chapitre de Münsingen, le conseil de Berne avait par exemple dès 1522 confirmé dans ses fonctions Jorg Brunner, prêtre à Münsingen, après avoir jugé convaincante la démonstration de ses affirmations par les Écritures26.

Mais ces mises en accusation et ces sommations lancées aux clercs révèlent avant tout l’érosion, à ce moment précis, du monopole clérical sur la gestion des biens de salut et la perte de crédit de la parole d’institution entraînées par la rapide diffusion des idées nouvelles. La position institutionnelle du clergé romain, sa capacité à conserver et à suivre une liturgie très précise et ses usages rituels connus et reconnus ne suffisent plus a asseoir l’autorité et la légitimité de la parole cléricale, désormais soumise à de nouvelles exigences de la part des communautés, à de nouvelles règles et à de nouveaux juges. Il ne suffit plus d’avoir reçu les ordres pour dire vrai et pour convaincre. Les conseils de ville, les assemblées de la Gemeinde, les délégués des principales cités de la Réforme, Zurich et Berne, et dans une moindre mesure Bâle, entreprennent par conséquent d’instituer une autre parole autorisée et surtout une autre manière d’autoriser la parole religieuse, fondée sur la conformité de celle-ci à la Parole de Dieu et non sur son inscription institutionnelle. On peut en prendre pour exemple 1 ’obligation faite aux clercs d’assister aux grandes disputes des années 1520 et 1530 dans lesquelles se joue en partie le sort religieux du Corps helvétique. Comprenant le danger, certains clercs, à l’image d’un Thomas Murner, invité à la dispute de Berne, refusent explicitement de participer à une opération qui conférait aux réformés une légitimité qu’ils n’entendaient pas leur reconnaître.

Partout ou presque, les clercs sont donc soudainement confrontés à de nouvelles exigences et, souvent, à une concurrence de fait de la part de prédicateurs venus porter l’Évangile aux fidèles et la contradiction aux prêtres locaux encore attachés à la messe. En dehors même des disputes officielles et des confrontations réglées qui les opposent – à Zurich, Berne, Lausanne, Ilanz – prêtres catholiques et prédicateurs évangéliques s’affrontent ainsi devant les fidèles pris à parti, sommés de choisir leur camp et leur pasteur, dans des harangues et des disputes improvisées, qui fleurissent partout où passent les prédicateurs itinérants, à l’instar d’un Guillaume Farel sillonnant les Pays de Vaud et de Neuchâtel avec le soutien de Berne pour provoquer ses adversaires en duel.

En 1527, si l’on en croit le chroniqueur protestant Abraham Ruchat, « les prédicateurs des deux partis se réfutaient perpétuellement en chaire » à Bâle27, mais de tels affrontements ne sont en rien propres aux grandes villes et aux foyers précoces de la Réforme. Dans la petite cité d’Avenches, possession de 1 ’évêque de Lausanne, par exemple, au cours de 1 ’année 1531, Guillaume Farel prêche dans l’église dans une ambiance tumultueuse, malgré la forte opposition des catholiques qu’encourage l’arrivée d’un religieux envoyé par l’évêque pour les mobiliser et les soutenir28. À Dombresson, malgré la victoire des réformés lors du « Plus » de 1531, les catholiques résistent à la progression des idées nouvelles avec le soutien de Guillemette de Vergy, veuve du seigneur de Valangin : en 1533 encore, le curé refuse de s’effacer devant le ministre Pierre Marmod, envoyé par la ville de Bienne, détentrice des droits de collature. Certains protagonistes se font une spécialité de ces affrontements, comme Farel, qui polémique avec le curé Bosset à la Neuveville en 153029, avec Claude Gauthier, curé de Pontareuse, en 1532-153330, ou encore avec le dominicain Guy Furbity arrivé à Genève pour 1 ’Avent 1532. Ces duels peuvent être rudes : à Saint-Blaise, Farel affronte le curé du lieu au sujet de la messe, et ce dernier s’emporte assez pour insulter violemment Farel, ce qui lui vaut d’être mis en accusation par les délégués bernois31. Cet épisode frappe d’ailleurs les défenseurs de l’Église romaine puisqu’à Lausanne en 1536, un autre dominicain refuse de répondre à l’invitation de Pierre Viret qui le sommait « de lui rendre compte de sa doctrine » devant le conseil de ville et préfère s’exiler32.

Peu importe que la teneur de ces duels ne soit pas toujours connue avec précision et que l’histoire de ces prêtres qui tentèrent de tenir tête aux artisans et aux partisans de la Réformation soit encore à écrire. Il faut d’abord souligner que ces confrontations constituent une étape cruciale de la Réformation, une épreuve au sens que Luc Boltanski donne à ce terme33, à travers laquelle les ministres de la nouvelle foi font la preuve publique de leur compétence et surtout de leur capacité à prendre en charge le destin religieux d’une communauté ou d’une cité. Le conflit des prêches et des sermons est l’acte central – avec les « Plus », on y reviendra – de la substitution d’un nouveau clergé au clergé romain. C’est à travers lui que s’exprime le congé donné aux uns et l’entrée en fonction des autres et du même coup la transformation radicale de la condition cléricale que recouvre ce changement. On comprend alors l’intensité de ces confrontations, les manœuvres politiques et judiciaires qu’elles suscitent mais aussi les tumultes et les violences que les deux camps organisent pour empêcher leurs adversaires de prêcher. Ruchat notamment dénonce à maintes reprises les tumultes excités selon lui par les adversaires de l’Évangile, par exemple contre Claude de Glantinis à Grandson et Moutier en 153134. L’activité de Guillaume Farel au tournant des années 1520 en est sans doute le meilleur exemple, avec son cortège d’échauffourées, de cris et de polémiques, à Grandson, à Valangin, à Morat, dans le Vully ou encore à Genève.

Donner de nouveaux pasteurs aux fidèles

Localement, la Réformation n’est donc pas séparable de l’entrée en scène de nouveaux clercs et celle-ci en constitue d’ailleurs souvent le premier acte, spectaculaire, bien que les chroniques tendent parfois à exagérer la portée de certaines de ces arrivées. Pour l’auteur de l’Appenzeller Chronik, c’est en 1522, en choisissant Walter Klarer comme pasteur, que Hundwil opère son passage formel à la Réforme, puisque celui-ci « commença alors à prêcher l’Évangile35 ». Même chronologie et même attention portée à ces pionniers chez Ruchat, qui prend soin d’énumérer les noms des premiers pasteurs : Johannes Dorig à Herisau, Pelagius Amstein à Trogen et dans le Rheintal et bien sûr Klarer, puis Farel, Fabri, Froment et d’autres encore. Christophe Fabri, par exemple, introduit la Réforme à Bôle, Boudry et Pontareuse dès 1530 ; l’année suivante, il est prédicant à Morat ; en 1532, il devient le premier pasteur de Boudry, d’Engollon et de Boudevilliers : c’est ici un homme nouveau, étranger à la communauté, qui apporte les idées nouvelles. Ce n’est pas toujours le cas, on le verra, car dans certains lieux, c’est aussi le curé qui devient pasteur après avoir choisi la nouvelle foi.

Pour donner à cette épreuve de vérité, dans laquelle doivent se révéler ceux qui méritent véritablement d’être les pasteurs des communautés de croyants, toute la légitimité qui doit être la sienne afin que ces affrontements ne paraissent pas contrevenir à la conservation de la paix, les autorités des cantons passés à la Réforme cherchent à officialiser et, du même coup, à encadrer l’activité des prédicateurs. Berne, notamment, leur accorde un brevet ou une patente dont ils peuvent faire état. Farel, par exemple, reçoit en 1527 une patente pour continuer à prêcher dans le mandement d’Aigle ; en 1528, il écrit à Zwingli pour demander que le français Christophe Arbaleste le rejoigne pour l’aider dans sa mission36 ; en 1529, il bénéficie à nouveau d’une autorisation pour prêcher dans les territoires liés à Berne par les traités de combourgeoisie ; en 1536, dans le contexte de la conquête du Pays de Vaud, il jouit une fois encore d’une telle autorisation pour Genève, dont bénéficie aussi Antoine Froment37. Dans son Histoire de la Réformation, Ruchat mentionne d’ailleurs régulièrement les patentes de Farel Corsqu’il semble engagé dans des combats difficiles, comme à Avenches, à Morat ou dans la prévôté de Moutier-Grandval, manière pour le chroniqueur de rappeler la légitimité de l’action du réformateur38. Mais dans ce dernier lieu, Farel agit avec tant de zèle face aux oppositions que le conseil de Berne ne peut éviter d’accéder aux plaintes de l’évêque de Bâle en rappelant le prédicateur à l’ordre : « nous vous avertissons de ne pas passer les bornes que nous vous avons prescrites, mais de vous contenter de remplir exactement l’emploi de prédicateur de l’Évangile et surtout d’enseigner et d’inculquer au peuple39 ».

On ne saurait dire plus précisément la fonction essentielle assignée aux prédicateurs dans la diffusion de l’Évangile, ni souligner plus explicitement les prérogatives que les autorités politiques entendaient s’arroger en matière de Réformation. Le magistrat joue donc bien, ici comme ailleurs dans le Corps helvétique, un rôle central dans le processus de la Réformation dont il n’est ni le spectateur impuissant, ni l’arbitre impartial, même s’il peut le prétendre à l’occasion. Berne, Zurich ou Bâle savent utiliser les instruments politiques, juridiques, diplomatiques ou symboliques qui sont à leur disposition et invoquer, par exemple, les droits de patronage, les traités de combourgeoisie, les clauses des Landfrieden de 1529 et 1531 pour intervenir dans la désignation des pasteurs ou dans la mise à l’écart des clercs catholiques les plus déterminés à faire barrage aux idées nouvelles. À Selzach, en 1530, Berne profite du départ de l’ancien curé pour le remplacer par un homme favorable à l’Évangile40. À Dombresson, on l’a vu, c’est en tant que collateur que le conseil de Bienne dit agir lorsque la cité tente d’imposer le ministre Marmod en 1533. En 1537, c’est en vertu de son droit de collature que Berne demande aux autorités du Landeron d’expulser le curé, en brandissant la menace d’éventuelles sanctions financières en cas de refus. Ailleurs, ce sont les traités qui sont mobilisés dans les argumentaires des partisans des interventions en faveur de la Réforme, comme à La Neuveville, qui, ayant rejeté la Réformation par une votation des habitants, s’est vue refuser de la part de Bienne le renouvellement de la combourgeoisie41 ; même stratégie de la pression de la part de Berne, qui refuse le renouvellement du traité qui la liait avec les habitants de la ville d’Avenches, tout en les assurant « de leur protection quand ils auraient embrassé la Réforme42 ».

La Réformation des clercs ne s’épuise donc pas dans les oppositions trop nettes et les partages trop fermes : révolution religieuse décisive pour le triomphe des idées nouvelles, elle ne s’accomplit pas sans la collaboration des pouvoirs et des communautés, ni sans négociation et sans transaction, et elle ne peut donc être qualifiée de Réforme par le haut ou de Réforme par le bas sans sacrifier au passage d’importantes exceptions et de nombreux exemples de situations mixtes où les partisans de l’Évangile doivent travailler à s’implanter, compter avec leurs adversaires, composer au besoin avec eux, les tolérer au sens que revêtait ce mot dans la langue du xvie siècle, et surtout agir avec tact et efficacité dans leurs relations avec les magistrats.

Des pasteurs élus

Certains lieux particuliers en apportent la démonstration la plus significative. L’imbrication des souverainetés et des droits de patronage, la complexité des obstacles juridiques et politiques dressés devant d’éventuelles interventions extérieures et utilisations de la contrainte ainsi que la division profondes des habitants au sujet du choix confessionnel y obligent en effet les acteurs à fonder sur des arguments et des procédures d’une autre nature la désignation et l’installation des nouveaux pasteurs.

C’est le rôle des très nombreuses votations de communautés – souvent désignées comme « Plus » dans les territoires francophones, « Mehr » en Suisse alémanique, puisque ces votations s’opèrent à la majorité des voix43 – qui se multiplient dans les années 1520-1530 dans les bailliages communs, les territoires gouvernés par plusieurs cantons, dans les zones marquées de fortes traditions d’autonomie locale, fondées sur des libertés et franchises octroyées au cours du siècles précédents44. La première étape de ce dispositif, dont les protestants attendent l’expansion rapide de leurs idées, voit le jour avec l’alliance entre Berne et Zurich, en juin 152845 : pour protéger les communautés protestantes isolées et les prédicateurs qui propagent les nouvelles doctrines, le traité prévoit que les communautés qui souhaiteront, « mit merer hand » – à la majorité des suffrages –, adhérer à la Réforme, ne pourront en être empêchées46. Un an plus tard, en 1529, le traité de Steinhausen – ou Erster Landfrieden – confirme la souveraineté des cantons en matière religieuse, mais, pour les « bailliages où S’on a droit de commander avec les autres », d’autres règles sont établies : « là où la messe et les autres cérémonies subsistent encore, on ne doit leur faire aucune violence ; on ne doit aussi leur envoyer, leur établir ou donner aucun ministre, si cela n’est pas résolu par la pluralité47 ».

Le recours au « Plus » excluait donc la contrainte et S’introduction par la force de la Réforme, mais laissait la possibilité aux habitants eux-mêmes, si une majorité se dégageait en leur sein, de demander l’envoi de pasteurs protestants afin d’engager le processus de réformation. Inspirée par Zurich, la clause du traité de 1529 faisait suite à plusieurs mois d’un conflit dont la Diète avait été saisie à plusieurs reprises : entre Unterwald d’un côté et Zurich et Berne de S’autre à propos des votations dans les bailliages communs, mais aussi, plus spécifiquement, à propos de Bremgarten, plongée au début de l’année 1529 dans une situation indécise en raison de la division de ses habitants sur la question confessionnelle48. Ville franche au bénéfice d’une large autonomie située au cœur des Freie Amter, territoire reliant les villes réformées de Berne et Zurich mais sur lequel les deux cités exerçaient une souveraineté partagée avec d’autres cantons, son destin spirituel engageait les rapports de force entre cantons catholiques et réformés, dès lors attentifs aux décisions de ses habitants quant à leur confession. Les cantons réformés insisteront désormais régulièrement sur la nécessité de laisser aux paroisses des bailliages communs plein pouvoir de régler chez elles les affaires de la religion, comme le rappelle encore Zurich lors de la Diète du 8 janvier 1531 à Baden49.

Ces votations, dont le recensement et l’étude systématique sont en cours, offrent aux protagonistes de la révolution religieuse des années 1520-1530 – et encore au-delà – des principes et des procédures sur lesquels asseoir en apparence les légitimités des choix confessionnels : c’est l’assemblée des fidèles qui décide librement de son sort et qui rend cette décision exécutoire, sans contrainte mais dans des formes réglées et surveillées par des représentants des autorités souveraines. À Bremgarten, dans l’hiver 1529, les délégués zurichois arrivent ainsi avec des instructions précises de leur magistrat, tout en affirmant n’avoir pas d’autre exigence que 1’ élection de pasteurs professant 1’ Évangile50. À de nombreuses reprises, Berne et Zurich, mais aussi les communautés locales acquises aux idées nouvelles, invoquent, contre les pressions des cantons catholiques mais aussi contre les résistances locales, la légitimité que leur confèrent ces décisions collectives et électives des fidèles, ou du moins d’une partie d’entre eux puisque la question des bornes des corps électoraux reste alors vivement débattue.

C’est notamment le cas à Muri, dans les Freie Amter, où Zurich n’accepte pas de voir remettre en cause la votation favorable à la Réforme obtenue avant la paix de 1529 et que les partisans de 1 ’ancienne foi jugent invalide, sous-entendant même que la paroisse aurait voté sous la contrainte. Malgré les pressions, Zurich refuse de revenir sur les résultats du vote, arguant que la majorité a parlé librement51. C’est également le cas à Yvonand, où le pasteur dénonce avec vigueur les résistances et les réticences d’une partie de la population à adopter la nouvelle foi : acquise par un « Plus » en août 1532, la Réformation ne peut être refusée ou retardée car le recours au vote a justement permis de faire un choix juste et agréable à Dieu, qui s’est révélé au travers de la décision majoritaire52.

Dès lors, si l’arrivée des nouveaux clercs dans une communauté marque le premier acte de la Réformation, il serait erroné de prendre les chroniques à la lettre lorsque tel ou tel auteur postule qu’un réformateur procède à la Réformation d’une cité ou d’une bourgade. Ce moment, certes essentiel, ne peut être isolé d’une longue séquence qui va des premières conversions et des premiers appels aux prédicateurs aux actions ultérieures exécutées cette fois par l’ensemble de la communauté des fidèles, le plus souvent sous l’impulsion du nouveau clerc. Les corps de bourgeois et d’habitants ne sont donc aucunement inertes au moment de la fracture religieuse : c’est à eux que s’adressent les nouveaux clercs, en les invitant à se prononcer sur les enjeux de la nouvelle foi dans les procédures majoritaires.

Les votations se succèdent donc, parfois sur des questions ponctuelles : les images, notamment, comme l’a relevé Sergiusz Michalski53, mais aussi l’abolition de la messe et le remplacement des clercs catholiques par des pasteurs ne prêchant que la pure Parole de Dieu, conformément au principe scripturaire essentiel dans la doctrine d’Ulrich Zwingli. Ces votations représentent ainsi autant d’étapes préliminaires de la Réformation proprement dite, un moyen de canaliser les violences en laissant s’exprimer des communautés sur l’abandon de pratiques séculaires, de protecteurs célestes nombreux et d’objets révérés. Berne et Zurich savent faire de ces « Plus », conformes à leurs principes ecclésiologiques et à leur défense de la liberté du chrétien, le ressort d’une propagation efficace des idées nouvelles dans les bailliages communs, en conjuguant ici considérations pratiques et respect des consciences. Dans les bailliages du Pays de Vaud gouvernés conjointement par Berne et Fribourg, les succès des réformés dans ces votations font ainsi basculer les unes après les autres les communautés vers la Réforme : le Vully, Morat, Meyriez, Chiètres dès 1530, Fiez, Novalles, Yvonand, Concise, Môtiers en 1531-1533, et bien d’autres encore.

A l’issue de ces votations, les clercs catholiques se voient signifier leur congé alors qu’arrivent les nouveaux ministres chargés d’établir l’Évangile. Ainsi, en mars 1532, Zurich est appelée à mander un prédicateur à Hermetschwil, dans les Freie Amter, où la paroisse a choisi de suivre la Parole de Dieu à la majorité54. A Flums, les réformés arguent de leur victoire lors du « Plus » pour refuser qu’un curé vienne dire la messe, affirmant que leur vote n’autorise pas une telle procédure55. Dès le début des années 1530, dans les bailliages communs d’Orbe et Grandson, Berne entend agir en accord avec les résultats des « Plus » : le magistrat tente sans relâche d’imposer à Fribourg le respect des votes de Champagne, de Concise ou de Grandson, exigeant pour les localités qui se sont majoritairement prononcées pour la nouvelle foi le remplacement des curés par des prédicateurs formés à l’Evangile, et que les bénéfices leurs soient attribués56.

Ces votations font donc advenir une nouvelle Eglise, qui agit à cette occasion comme communauté de fidèles recevant la vraie Parole de Dieu et choisissant les pasteurs capables de la prêcher, même si, en réalité, Zurich, Berne ou Bâle jouent un rôle important dans cet avènement. Elles font notamment entrer dans les faits de manière décisive l’abolition du système bénéficial romain et son remplacement par le principe d’élection des pasteurs, qui joua un rôle clé dans la diffusion du protestantisme. Lorsqu’en 1520, Luther assure que « l’apôtre nous enseigne clairement que, dans la chrétienté, chaque ville doit choisir au sein de la communauté, un citoyen pieux et instruit, lui confier la fonction de curé, le nourrir aux frais de la communauté et lui laisser entière liberté de se marier ou de ne pas se marier57 » ou qu’en 1525 le premier des célèbres Douze Articles attribués à Sebastian Lotzer et adoptés par les révoltés souabes affirme que « chaque communauté paroissiale a le droit de désigner son pasteur et de le destituer s’il se comporte mal58 », il est manifeste qu’à certains égards cette revendication très précoce de l’élection des pasteurs formulée par les partisans et les artisans de la diffusion des idées de la Réforme protestante ne constitue pas une rupture absolue dans l’histoire longue des prérogatives communales, même si elle prend une tonalité et une urgence nouvelles59. Reprise en bien des lieux, parfois dans des formulations très voisines de Lotzer, comme dans les articles de Meraner-Innsbruck60 ou à Münnerstadt en 1550, où les habitants réclament le droit « d’élire et de démettre prédicateurs et pasteurs », cette exigence parle d’autant mieux aux acteurs du changement religieux qu’elle reprend, formalise et systématise des revendications antérieures ou d’anciennes expériences et qu’elle fait entrer dans le droit des pratiques hétéroclites, discutées, fragiles mais bien attestées : à Hambourg, la Gemeinde avait joué très tôt un rôle important dans l’administration des biens d’église et le recrutement des clercs, avant même la Kirchenordnung de 1529 dont l’article 11 introduisait l’élection des pasteurs61 ; dans les Grisons, les communes défendaient le droit d’élire leur curé bien avant l’arrivée des idées nouvelles dans les vallées rhétiques62. Une longue tradition de mise sous tutelle des affaires religieuses est d’ailleurs observable dans les territoires helvétiques et se manifeste avec une nouvelle vigueur à l’occasion de la Réforme, comme par exemple à Waldkirch en 1527, lorsque les habitants se plaignent que l’abbé de Saint-Gall interdise une assemblée qui devait se prononcer sur le culte des images en rappelant qu’ils avaient jusque-là le droit de tenir assemblée sur des questions religieuses63. En novembre 1530, Zwingli lui-même affirmait encore, dans une lettre à la Diète, que faire voter la paroisse sur ces questions était une « tradition immémoriale » dans les terres suisses64.

L’exemple du Corps helvétique analysé ici montre toutefois que l’entrée en vigueur du principe de l’élection des pasteurs dans un grand nombre de lieux constitue bien une véritable rupture, dont les auteurs contemporains mesurent pleinement le caractère révolutionnaire, dans la foulée des soulèvements des années 1524-1525, qui n’ont pas complètement épargné les cantons suisses. Les épisodes de curés congédiés par un vote et de nouveaux prédicateurs élus par les Gemeinden ne sont donc pas une péripétie de plus, mais bien un moment de bascule, dans lequel une conception du clergé vient en remplacer une autre : l’intensité révolutionnaire de la première moitié des années 1520 et des soulèvements paysans perdure, mais tournée vers les seuls enjeux ecclésiaux et spirituels, canalisée et récupérée. Ce retournement des aspirations révolutionnaires et anticléricales au profit d’une nouvelle Église et de nouveaux clercs n’est rendu possible que par le rôle qu’y jouent certains acteurs paradoxaux, sur lesquels il faut revenir.

De la messe à l’Évangile

L’historiographie a depuis longtemps souligné la place paradoxale des clercs catholiques dans la révolution religieuse du xv1e siècle : elle a rappelé qu’ils en furent à la fois objets et sujets, victimes et acteurs. Elle a parfois très bien décrit le rôle d’anciens prêtres ou d’anciens moines dans la propagation des idées de la Réforme et dans le démantèlement local de l’institution ecclésiale romaine65. Par là, elle a justement montré ce qui faisait de la Réformation une révolution spécifique, dans laquelle des clercs soucieux de réformer l’institution et de se réformer eux-mêmes réussirent à faire d’enjeux et de préoccupations qui leurs étaient propres des questions concernant le salut de tous et de chacun. Elle a du même coup permis de comprendre la logique des choix qui pouvaient conduire certains de ces clercs zélés, parfois adversaires résolus des protestants dans un premier temps, à rompre avec Rome, justement par désir d’accomplir au mieux les devoirs de la charge dont Rome les avait investi et de répondre aux attentes spirituelles des fidèles.

« Rom hat ihn Evangelisch geredt », écrit l’auteur de l’Appenzeller Chronik à propos de la figure exemplaire du capitaine Berweger66. L’expression renvoie ici à la déception éprouvée par le capitaine lors de son séjour à Rome dans les gardes suisses au début des années 1520, mais elle pourrait sans doute s’appliquer également à de nombreux clercs, déçus par l’immobilisme de la Papauté et de la Curie, lassés d’attendre la réunion sans cesse repoussée du concile général et pressés par leurs ouailles qui exigeaient d’eux un culte plus dépouillé, une prédication plus proche des Écritures, un accès facilité au texte de celles-ci en vernaculaire.

L’engagement des anciens clercs catholiques dans la Réformation était d’ailleurs c onnu des c ontemporains, qui en firent un argument de leurs controverses, les uns soulignant le zèle religieux et la foi intense de ces pasteurs assez conscients de leurs responsabilités et assez courageux pour annoncer enfin l’Évangile, les autres dénonçant dans la Réforme l’œuvre d’apostats poussés à la révolte par les instincts les plus bas et les appétits les plus méprisables. Les ouvrages de controverse et les premières histoires de la Réformation regorgent donc d’exemples de convertis exaltés et entreprenants, comme dans les pages de la Heilige Widergeburt der evanglischen Kirche de Bartholomeus Anhorn von Hartwiss67, ou de renégats trahissant la confiance du troupeau dont ils avaient la charge, comme dans L’Histoire des Helvétiens dont l’auteur déplore : « Voilà comment finit à Genève et ailleurs dans une partie de la Suisse la vraie Religion dont le monde catholique universel était en possession [… ] pour embrasser une doctrine naissante enseignée par des moines défroqués ou des prestres apostats68 », ou comme chez François de Belleforest qui, dans sa réédition de la cosmographie de Sebastian Münster, regrette que « la belle ville de Zurich & un si excellent & bon peuple » se soient faits « embabouiner par les flatteuses menées des hérétiques69 ». Nombre de cas, pourtant, ne se laissent pas enfermer dans ces catégories trop tranchées et dévoilent, au contraire, la diversité des trajectoires individuelles et la complexité des choix qu’elles recouvrent.

Tout se passe en effet comme si la diffusion des idées de la Réforme dans le Corps helvétique, la transformation des équilibres confessionnels et l’inscription de la fracture religieuse dans la durée avec les deux paix de 1529 et 1531, constituaient le terreau favorable à la multiplication des conversions des clercs catholiques et à des trajectoires religieuses et politiques qui les font passer en quelques semaines ou quelques mois de la position d’artisans de la résistance au protestantisme à celle d’acteurs de son succès. Il faut ici donner quelques exemples, pour décrire ces retournements spectaculaires, qui ne s’apparentent nullement aux hésitations et aux positionnements successifs de ces chrétiens entre Rome et Genève décrits par Thierry Wanegffelen : ces clercs ne cherchent pas une via media pour concilier les deux interprétations de la foi chrétienne, ils ne cachent pas leurs convictions, ils ne font pas d’allers et retours entre les orthodoxies en train de se former sous leurs yeux70. Ils font un choix déterminé et souvent clairement revendiqué, renonçant à leur position de médiateur entre Dieu et les hommes, à la sécurité de leurs bénéfices, à l’autorité que confère la liturgie. Jakob Schurtanner est sans doute l’un des plus connus, en raison du sermon que Zwingli lui a dédié en 1524 : curé de Teufen, il introduit la Réforme dans sa paroisse dès 1523, qu’il doit quitter en 1525 ; il joue un rôle important dans la progression de la Réforme en Appenzell71. Cet exemple est loin d’être isolé : de nombreux prêtres refusent ainsi brusquement de célébrer la messe, comme le curé Martin Menhard à Flums, dans le comté de Sargans, qui annonce en chaire cette décision72, ou le curé de Kaiserstuhl qui est condamné en 1530 pour avoir refusé lui aussi de dire la messe, ou encore ceux de Frauenfeld qui font le même choix en 153173. D’autres affichent plus nettement encore leur changement de confession et leur désir de passer de la messe à l’Évangile, comme à Selzach, en 1530, où le curé se convertit et renonce à son bénéfice, ou la même année à Chiètres, où le curé choisit la nouvelle foi, peut-être pour s’être vu refuser un bénéfice74. Les acteurs de la Réforme semblent avoir très bien compris l’enjeu de ces conversions spectaculaires de prêtres et cherché à en faire l’un des outils des succès réformés : dans le Val Müstair, Jacob Monlazio aurait ainsi réussi à convertir un prêtre, tout comme Farel à Morat si l’on en croit Hottinger et Ruchat, qui insistent sur l’effet multiplicateur de ces conversions de clercs qui deviennent à leur tour les protagonistes de la propagation de l’Évangile75. Convertir les prêtres, c’était préparer d’autres conversions, plus nombreuses encore. Certes, ces cas restent relativement rares : sur les 250 religieux vaudois qui acceptèrent la Réforme – soit à peu près la moitié du clergé –, seuls quatre auraient décidé de devenir prédicateurs, selon Christine Lyon76. Mais le rôle que jouèrent ceux qui firent le choix de la Réforme reste essentiel.

Quelques trajectoires – à la fois exceptionnelles et révélatrices – témoignent précisément de l’enjeu de ces conversions et de la capacité qu’ont certains clercs – séculiers le plus souvent – à reconvertir leur capital social et symbolique en passant d’une confession à l’autre. Loin de vivre et de se vivre comme des renégats chassés de l’Église et dépouillés de leurs revenus et de leurs statuts, ils réussissent parfaitement à conserver leur prestige et surtout le rôle pastoral qui est le leur en guidant leurs anciens paroissiens sur les chemins nouveaux de l’Évangile, fondant leur légitimité sur la capacité à incarner le « bon berger » guidant et protégeant ses brebis, décrit par Zwingli dans son sermon Der Hirt comme le clerc idéal77. Il faut ici citer Jean de Mett et Pierre Clerc, qui commencent par affronter vigoureusement Farel, avant de se convertir et de devenir des acteurs importants de la Réforme et de sa diffusion à La Neuveville où ils avaient justement été prêtres. Le 1er décembre 1530, Jean de Mett adresse ainsi un billet au châtelain de Nidau, dans lequel il résume sa nouvelle situation : « je veux vous informé (sic) que j’ai dernièrement comparu devant mes seigneurs [bernois], qui m’ont donné pour le conseil de La Neuveville une lettre qui me nomme prédicateur de ce lieu et me place sous leur dépendance » ; il précise que c’est à lui que « les brebis » ont été confiées, et non au religieux envoyé par l’abbé de Bellelay78. Or, un an plus tôt, en décembre 1529, Berne s’était offusqué auprès du conseil de La Neuveville de l’attitude de ce même Jean de Mett, qui avait « résisté publiquement » à Farel et qui devait à ce titre être assigné en justice79. À Dombresson, une trajectoire en grande partie identique s’observe chez Pierre Marmod, qui affiche de plus en plus ouvertement ses sympathies pour la Réforme, au grand déplaisir des seigneurs de Valangin : le 25 février 1531, le conseiller Claude de Bellegarde écrit à Marmod pour lui faire part de son étonnement :

J’ay entendu de cyeus de Dombresson que ne vollès plus dire messe et servyr à l’église de Dombresson ainsi que avès acoustumé. De quoy je suis exbeys, vehu que vous savés [que] mercredi dernier passez, en vostre présence, tous les perrochiens là assemblés sont venus d’accor de avoyr et m’ont prier leur fayre dire la messe80.

Marmod, soutenu par Farel, ne relâche toutefois pas ses efforts et joue, dans les années suivantes, un rôle clé dans la défense de la doctrine réformée. À Serrières, c’est Emer Beynon qui agit de manière similaire : en 1529, il perturbe le sermon du prédicateur Jehan du Pasquier qui officie à Saint-Imier ; menacé de perdre son bénéfice, Beynon finit par se ranger du côté de la nouvelle foi et devient le premier pasteur de la paroisse dont il était le curé81. Il prend ensuite part à des attaques contre l’Église romaine ainsi qu’au siège d’Yverdon de 1536 où il accompagne les troupes neuchâteloises alliées de Berne82.

***

Ces trajectoires remarquables du tournant des années 1530, qui voient des clercs engagés contre les idées de la Réforme devenir très rapidement les artisans de leur succès, renoncer à leur statut et à leurs vœux pour passer d’une confession à une autre tout en restant les pasteurs des communautés, semblent inviter à nuancer certaines des interprétations classiques de la diffusion des idées protestantes. À l’évidence, il ne suffit pas ici de souligner l’irrésistible progression des doctrines et des aspirations réformées, qui s’imposeraient d’elles-mêmes, comme par leur vertu propre et parce qu’elles répondraient à l’attente impatiente des fidèles : cette manière un peu téléologique d’écrire l’histoire tient pour acquise la force des idées alors qu’il faut la démontrer, en s’astreignant chaque fois que la documentation le permet à décrire les agents de leur acceptation, de leur propagation et de leur institutionnalisation. Il faut des hommes pour porter les idées et des hommes capables de le faire en raison de leurs propriétés et de leur position : qui était mieux placé que les clercs pour parler de la foi, du seul vrai prêtre qu’était Jésus et de ce qu’était véritablement l’Église ?

Mais on ne peut, à l’opposé, se contenter d’invoquer ici les seules convictions personnelles de curés, de chanoines, de moines, travaillés ou taraudés par le désir de Réforme, et réduire ce moment de bascule religieuse à une somme de décisions individuelles, de choix personnels et intimes, presque indicibles. Car comment expliquer la similitude des trajectoires et la concomitance de ces conversions, si les unes et les autres ne se jouent que dans le secret des consciences individuelles et dans le cheminement spirituel de chacun ? La vérité subjective de ces conversions enthousiastes n’exclut nullement la vérité objective des régularités sociologiques et politiques que l’on y observe pour peu que l’on examine l’ensemble des cas documentés. C’est la raison de cette enquête et de l’accumulation des exemples qu’elle propose, en attendant leur exploitation informatique : elle veut élargir l’analyse au-delà des figures exceptionnelles et des personnages de premier plan, saisir la logique de choix qui sont à la fois individuels et portés par des aspirations collectives, comprendre le rôle des habitus professionnels et des rapports de force locaux dans le contexte si particulier de l’Ancienne Confédération helvétique, en un mot proposer une anthropologie historique du choix religieux alors que se joue la fin de la christianitas unie autour du Pape et de l’Empereur.

La Révolution religieuse des années 1525-1535 lance en effet aux clercs des défis considérables, les obligeant à inventer très vite des stratégies de reclassement et de replacement dans lesquelles ils vont faire des choix dissemblables et inégalement couronnés de succès : les uns quittent les ordres et retrouvent le siècle, d’autres rejoignent la Réforme et y retrouvent une activité pastorale conforme à leurs aspirations et à leurs compétences spécifiques, d’autres enfin s’engagent dans la résistance aux idées nouvelles, sur place ou dans d’autres villes ou cantons, restés fidèles à Rome, y donnant peu à peu corps à un nouveau catholicisme, confessionnel et militant, finalement très diffèrent de ce qu’ils avaient vécu jusque-là, mais également susceptible de valoriser leur capital social et intellectuel. On peut en donner pour exemple, le sort des membres du chapitre de Saint-Imier : Eymer Beynon rejoint les rangs des réformés et devient pasteur à Serrières, Jean Belleney reçoit une cure à Courgenay puis à Boncourt, Jean Choulat trouve une cure à Porrentruy puis devient chanoine à Soleure, Richard Flotron se refugie lui aussi à Soleure, Claude Gallot conserve une cure à Dombresson et y affronte les réformés, notamment Fabri83. L’exemple de Saint-Imier révèle ainsi, comme tant d’autres, l’obligation de choisir, de se positionner, qui s’imposa aux clercs dans ces années de bouleversements, nécessité à laquelle ils trouvèrent des réponses qui devaient autant à leurs convictions personnelles qu’à leurs trajectoires sociales, celles-ci inspirant la manière dont ils vécurent et pensèrent l’arrivée de la Réformation.

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1. Cette enquête prend place dans le projet Réformation et votations financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS). Elle repose sur le dépouillement systématique des grandes chroniques et des histoires imprimées de la Réforme dans l’Ancienne Confédération helvétique, de l'Amtliche Sammlung der altern Eidgenossischen Abschiede et des archives de quelques zones plus précises du Corps helvétique. Une exploitation informatique des données est en cours de réalisation avec le laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA UMR 5190) de l’Université de Lyon.

2. Abraham Ruchat, Histoire de la Reformation de la Suisse : où Ron voit tout ce qui s, est passé de plus remarquable depuis Ran 1516 jusqu’en Ran 1556, dans les Eglises des XIII cantons, et des états confédérez qui composent avec eux le louable Corps helvétique (1516-1527), Genève : M.-M. Bousquet, 1727-1728, t. I, livre 11, p. 185. Sur Thomas Wyttenbach, Kathrin Utz Tremp, « Wytten-bach, Thomas », Dictionnaire historique de la Suisse (DHS) 13, p. 623, http://www.hls-dhs-d.ss. ch/textes/f/F10928.php ; Irena Backus,« Wyttenbach, le penseur et le théologien », in Jean-Claude Rebetez (dir.), Pro Deo. L’ancien évêché de Bâle du IVe au XVIe siècle, Porrentruy : Fondation des Archives de l’Ancien Evêché de Bâle, 2006, p. 293s. Les exemples de prêtres et de réguliers se mariant très vite sont nombreux : le cas de trois chanoines est ainsi rapporté pour l’année 1524 à Berne par Johann Jakob Hottinger, Historia der Reformation in der Eidgnoss-schafft, oder, grundliche Beschreibung wie die Verbesserung des Kirchenwesens in der evangelischen Eidgnossschafft und verschiedenen mitverbündeten Landeren und Statten, gottselig unterfangen…, Zurich : Bodmer, 1708, p. 193.

3. Magdalen Bless-Grabher, « Zisterzensierkloster Kappel », in Helvetia Sacra, t. III, vol. 3, 1986, p. 246-289 ; Ulrich Helfenstein et Cécile Sommer-Ramer, « SS. Felix und Regula (Gross-münster) in Zürich », in Helvetia Sacra, t. II, vol. 2, 1977, p. 565-596.

4. François Walter, Histoire de la Suisse, t. I, Neuchâtel, Alphil, 2009, p. 96.

5. Robert Gerber, « Les derniers curés de Serrières et de Dombresson », Musée neuchâtelois, n° 17, 1930, p. 145-166.

6. Cf. « Genève (commune) », DHS 5, p. 484s, http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F2903.php.

7. Amtliche Sammlung der altern Eidgenossischen Abschiede (dorénavant EA), éd. par Johann Strick-ler et al., 1839-1886, t. IV 1c, n° 546-1.

8. Markus Lutz, Vollstandige Beschreibung des Schweizerlandes oder Geographisch-Statistisches Hand-Lexikon über alle in gesammter Eidsgenossenschaft befindlichen Kantone, Bezirke, Kreise…, Aarau : R. Sauerlander, 1827-1835, t. I, p. 154, 160, 174, 396, 456, 470.

9. Cf. Lucas Marco Gisi, « Niklaus Manuel und der Berner Bildersturm », in Peter Blickle, André Holenstein et al. (dir.), Macht und Ohnmacht der Bilder. Reformatorischer Bildersturm im Kon-text der europaischen Geschichte, Munich : Oldenbourg, 2002, p. 143-163.

10. EA IV 1b, n° 749kk, diète de Baden, 4 septembre 1532. Zurich insiste à cette occasion sur le fait que la décision a été prise à la majorité des votes.

11. Pierre Mamie, « De la légende de Saint-Imier dans nos livres liturgiques », Revue de la Suisse catholique 3-3 (1872), p. 140s. Le chapitre de Saint-Imier avait collation des bénéfices de Tra-melan, Serrières et Dombresson : Bienne entendait utiliser ses revenus pour rétribuer les pasteurs qu’elle y nommait depuis la Réformation.

12. Cf. Peter A. Dykema et Heiko A. Oberman (dir.), Anticlericalism in Late Medieval and Early Modern Europe, Leyde – New York : E.J. Brill, 1993 ; Hans-Jürgen Goertz, Pfaffenhass und Gross Geschrei. Die reformatorischen Bewegungen in Deutschland 1517-1529, Munich : C. H. Beck, 1987.

13. Mémoires de Pierrefleur, grand banderet dOrbe, où sont contenus les commencemens de la réforme dans la ville dOrbe et au pays de Vaud (1530-1561), publiés pour la première fois et accompagnés de notes historiques par A. Verdeil, Lausanne : D. Martignier, 1856, p. 15.

14. Correspondance des réformateurs dans les pays de langue française, recueillie et publiée avec d’autres lettres relatives à la réforme et des notes historiques et biographiques, éd. par Aimé-Louis Hermin-jard, Genève – Paris : H. Georg & Lévy Frères, vol. 2, 1868, p. 246s.

15. EA IV 1a, n° 144v-2.

16. Alfred Schindler, « Die Anliegen des Chorherrn Hoffmann », Zwingliana 23 (1996), p. 11-62.

17. A. Ruchat, Histoire de la Réformation, t. IV, livre ix, p. 27ss.

18. A. Ruchat, Histoire de la Réformation, t. III, livre vii, p. 51.

19. A. Ruchat, Histoire de la Réformation, t. IV, livre ix, p. 106.

20. EA IV 1b, n° 556a-II, 2 juillet 1531.

21. Fabrice Flückiger, Dire le vrai. Une histoire de la dispute religieuse au début du XVIe siècle, Neuchâtel : Alphil, 2018.

22. « [Die Landsgemeinde hat] mit grossem Mehr angenommen dass alle Priester in dem Land nichts anders weisen lehren undpredigen sollen als was sie mit h. Gottlische Schrift und mit der Wahrheit erhalten mochten » : Bartholomé Bischoffberger, Appenzeller Chronik. Das ist Beschreibung des loeblichen Lands und Eidgenoessischen Orts Appenzell der Inneren und Usseren Roden…, Saint-Gall : J. Redlinger, 1682, p. 54 ; voir aussi A. Ruchat, Histoire de la Reformation, t. I, livre ii, p. 239.

23. EA IV 1b, n° 31, 22 février 1529.

24. A. Ruchat, Histoire de la Réformation, t. II, livre vi, p. 389.

25. « Wir wollen auch, aus Krafi unserer Oberkeitlichen Gewalt, allen Pfarrern und Predicanten hiermit geboten haben, dass sie das wahre Wort Gottes [… ] verkündigen », cité in Beytrage zur Erlauterung derKirchen – und Reformations-Geschichten des Schweitzerlandes…, éd. par Johann Konrad Füss-lin, Zurich : C. Orell, t. I, 1741, p. 160.

26. Ernst Walder, « Reformation und moderner Staat », in 450 Jahre Berner Reformation. Beitrage zur Geschichte der Berner Reformation und zu Nikiaus Manuel, éd. par le Historischer Verein des Kantons Bern, Berne : Stampfli, 1980, p. 484-490.

27. A. Ruchat, Histoire de la Réformation, t. I, livre ni, p. 475.

28. A. Ruchat, Histoire de la Réformation, t. IV, livre ix, p. 475.

29. Florian Imer, « La Neuveville, histoire de ma cité », Actes de la Société jurassienne d’émulation 72 (1969), p. 58-60.

30. Cf. Jules Petremand, « La Réformation dans le comté de Neuchâtel, du départ au retour de Farel », in Guillaume Farel 1489-1565. Biographie Nouvelle, Neuchâtel – Paris : Delachaux & Niestlé, 1930, p. 368s.

31. A. Ruchat, Histoire de la Reformation, t. IV, livre ix, p. 106.

32. Charles-Louis de aller, Histoire de la Réforme protestante en Suisse, Paris : A. Vaton, p. 272s.

33. Sur le concept, cf. Luc Boltanski – Laurent Thévenot, De la justification. Les économies de la grandeur, Paris : Gallimard, 1991.

34. A. Ruchat, Histoire de la Reformation, t. IV, livre ix, p. 50, 118 et 164.

35. Appenzeller Chronik, p. 459s.

36. Correspondance des réformateurs, vol. 2, p. 150 ; p. 253 pour La Neuveville en 1530.

37. Correspondance des réformateurs, vol. 4, p. 131.

38. Correspondance des réformateurs, vol. 3, p. 12 et p. 42-43.

39. Louis Junod, Farel réformateur de la Suisse Romande et pasteur de l’église de Neuchâtel, Neuchâtel : Delachaux et Sandoz, 1865, p. 91.

40. A. Ruchat, Histoire de la Réformation, t. III, livre vil, p. 159s.

41. Ibid., p. 189 : « [… ] voici quelle est notre résolution, c’est de ne nous lier à personne, et de ne faire ni d’accepter aucun nouveau traité avec qui que ce soit, à moins qu’il ne soit de notre religion ».

42. Ibid., p. 251.

43. Sur ces votes, cf. Olivier Christin, « Putting Faith to the Ballot », in Stéphanie Novak – Jon Elster (dir.), Majority Decisions. Principles and Practices, Cambridge : University Press, 2014, p. 17-33.

44. Sur les bailliages communs, cf. Randolph C. Head, « Shared Lordship, Authority, and Administration. The Exercise of Dominion in the Gemeine Herrschaften of the Swiss Confederation, 1417-1600 », Central European History 30, vol. 4 (1997), p. 489-512.

45. Sur ces alliances, cf. Bruce Gordon, The Swiss Reformation, Manchester : University Press, 2002, p. 114s.

46. Cf. Ursula Kagi, Die Aufnahme der Reformation in den ostschweizerischen Untertanengebieten. Der Weg Zürichs zu einem obrigkeitlichen Kirchenregiment bis zum Frühjahr 1529, Zurich : Juris Verlag, 1972.

47. Michael W. Bruening, Calvinisms First Battleground. Conflict and Reform in the Pays de Vaud, 1528-1559, Dordrecht : Springer, 2006, p. 34. Pour le texte original de la paix de Kappel, voir EA IV 1b, Beilagen 8, p. 1478-1483.

48. EA IV 1b, n° 38-3 ; n° 47, n° 67-II, 24, n° 68c.

49. A. Ruchat, Histoire de la Réformation, t. III, livre vin, p. 316.

50. EA IV 1b, n° 31.

51. Diète du 5 octobre 1529 à Baden : EA IV 1b, n° 199gg.

52. EA IV 1c, n° 318c.

53. Cf. Sergiusz Michalski, « L’expansion initiale de l ’ iconoclasme protestant 1521-1537 », in Cécile Dupeux – Peter Jezler – Jean Wirth (dir.), Iconoclasme. Vie et mort de l’image médiévale, Strasbourg – Paris : Musée de l’Œuvre Notre-Dame – Somogy, 2001, p. 46-52.

54. EA IV 1b, n° 288-1.

55. EA IV 1b, n° 440e.

56. EA IV 1b, 692h et EA IV 1c, n° 564-1.

57. Martin Luther, A la noblesse chrétienne de la nation allemande, trad. fr., in Œuvres, Paris : Gallimard, 1999, p. 636.

58. « Jede Gemeinde soll das Recht haben, ihren Pfarrer zu wahlen und ihn zu entsetzen [abzusetzen], wenn er sich ungebührlich verhalt. Der Pfarrer soll das Evangelium lauter und klar ohne allen menschlichen Zusatz predigen, da in der Schrift steht, dass wir allein durch den wahren Glauben zu Gott kommen konnen. ». Texte intégral in Die Zwolf Artikel der Bauern, éd. par Alfred Gortze, Historische Vierteljahrschrift 5 (1902), p. 1-33.

59. Miriam Usher Chrisman, Conflicting Visio-ns of Reform. German Lay Propaganda Pamphlets, 1519-1530, Leyde – New York : E.J. Brill, 1996, p. 194-196 ; voir également Peter Blickle, Gemeindereformation. Die Menschen des 16. Jahrhunderts auf dem Weg zum Heil, Munich : Oldenbourg, 1985, p. 109-111 et 180-182.

60. Siegfried Hoyer, « Die Aufstandischen von 1524-1525 » in Peter A. Dykema – Heiko A. Ober-man (dir.), Anticlericalism in Late Medieval and Early Modern Europe, Leyde – New York : E.J. Brill, 1993, p. 539.

61. Hartmut Lange, Die nordelbische evangelisch-lutherische Kirche : Vorgeschichte und rechtliche Gliederungsprobleme, thèse de doctorat en droit, Université de Kiel, 1972, p. 271 ; Heinrich Matthias Sengelmann, Die Gegenwart der evangelisch-lutherischen Kirche Hamburgs…, Hambourg : J. Oncke, 1862, p. 8-9 ; Ursula Kagi, Die Aufnahme der Reformation, p. 177s.

62. Cf. à ce sujet Immacolata Saulle-Hippenmeyer, Nachbarschaft, Pfarrei und Gemeinde, Coire : Desertina, 1997, notamment p. 147-151.

63. Ursula Kagi, Die Aufnahme der Reformation, p. 177s.

64. EA IV 1a, n° 440.

65. Robert Sauzet, Mendiants et réformes : les réguliers mendiants acteurs du changement religieux dans le royaume de France (1480-1560), Tours : Publications de l’Université de Tours, 1994.

66. Appenzeller Chronik, p. 47 ; Robert Durrer, Die Schweizergarde in Rom und Die Schweizer in Papstlichen Diensten, Lucerne : Raber & Co., 1927 (Reprint EGV, 2012), p. 349.

67. Bartholomaeus Anhorn von Hartwiss, Heilige Widergeburt der evangelischen Kirchen, in den gmeinen dreyen Pündten, der freyen hohen Rhaetiae, oder Beschreibung derselbigen Reformation und Religions-Verbesserung, Brugg : R. Amman, 1680, p. 74s.

68. François Joseph Nicolas d’At et Tieffenthal, Histoire des Helvétiens, aujourd’hui connus sous le nom de Suisses ou Traité sur leur origine, leurs guerres, leurs alliances et leur gouvernement, Fribourg : H. Hautt, t. VIII, 1752, p. 322.

69. François de Belleforest, La Cosmographie universelle de tout le Monde…, Paris : M. Sonnius, 1575, t. I, col. 1058.

70. Thierry Wanegffelen, Ni Rome ni Genève. Des fidèles entre deux chaires en France au xviesiècle, Paris : Champion, 1997.

71. Appenzeller Chronik, p. 473. Sur Schurtanner, cf. Thomas Fuchs, « Jakob Schurtanner », DHS 11, p. 393, http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/ f/F10841.php.

72. EA IV 1b, n° 272-1 et 279r ; Johann Jakob Hottinger, Historia der Reformation der Eidgenos-senschaft, 3e partie, Zurich : Bodmer, 1708, p. 504 ; A. Ruchat, Histoire de la Reformation, t. III, livre viii, p. 69s. Même effet de surprise volontairement recherché par Georges Grivat à Orbe en 1531. Cet ancien enfant de chœur et chantre monte en chaire le 10 mai 1531 et défend la doctrine réformée, avant de devenir l’un des protagonistes de l’affaire des Placards : Gabrielle Berthoud, Antoine Marcourt, réformateur et pamphlétaire. Du « Livre des marchands » aux Placards de 1534, Genève : Droz, 1973, p. 249.

73. EA IV 1b, n° 247q ; A. Ruchat, Histoire de la Reformation, t. III, livre vin, p. 501.

74. EA IV 1b, n° 246d.

75. LAllgemeines Helvetisches, Eydgenofisches oder Schweitzerisches Lexicon de Hans Jakob Leu (Zurich : H. U. Denzer, 1757) se contente de reprendre Hottinger et ne donne aucune précision biographique.

76. Christine Lyon, « Le clergé vaudois au moment de la Réforme. Tentative de recensement, d’identification et destinée », Revue historique vaudoise 119 (2011), p. 82.

77. Édité in Ulrich Zwingli, Samtliche Werke, Lepizig : M. Hensius, t. III, 1914, n° 30, p. 5-68.

78. Correspondance des réformateurs, vol. 2, p. 290.

79. Ibid., p. 216.

80. Ibid., vol. 4, p. 446s. Sur cette affaire, mise au point de Jules Pétremand, « L’apparition de Farel en terre neuchâteloise », in Guillaume Farel 1489-1565, p. 240-258.

81. P. Mamie, « De la légende de Saint-Imier », p. 144 ; J. Pétremand, « La Réformation », p. 364.

82. Ibid, p. 378.

83. R. Gerber, « Les derniers curés », p. 145-166 ; P. Mamie, « De la légende de Saint-Imier », p. 140.