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La correspondance
Leibniz/Basnage de Beauval

un échange de services typique entre deux citoyens
de la République des Lettres ?

Sara Graveleau

Université d’Angers – Laboratoire TEMOS

Parce qu’il est philosophe et métaphysicien, Leibniz s’interroge sur le fonctionnement du monde, sur les hommes et leurs relations en tant que singularités ou « monades », et sur la place de Dieu dans ce système1. Penseur du concept de réseau social, il en est aussi un acteur. Il entretient en effet des correspondances épistolaires dans toute l’Europe, aussi bien avec d’autres philosophes qu’avec des juristes, des mathématiciens, des libraires ou des hommes politiques. Christiane Berkvens-Stevelinck faisait de lui un des quatorze « grands intermédiaires » culturels de l’Europe savante entre le xve siècle et le xviiie siècle, bien que, vivant à Hanovre, il soit à l’écart des principales métropoles culturelles ou scientifiques du continent2. Sa figure est par conséquent centrale pour comprendre le fonctionnement des réseaux à l’époque moderne. En témoignent les divers travaux réalisés sur sa correspondance avec le théologien Samuel Clarke (1675-1729), le savant Bernard le Bouyer de Fontenelle (1657-1757), ou le mathématicien Joachim Bouvet (1656-1730)3. La renommée d’Henri Basnage de Beauval (1656-1710) est, quant à elle, bien moins étendue que celle du philosophe allemand, que ce soit chez ses contemporains ou au travers de l’historiographie4. Originaire de Rouen, il se forme au métier d’avocat et publie, un an avant la Révocation, la Tolérance des religions dans laquelle il défend une tolérance civile sur le modèle de l’édit de Nantes5. Exilé au Refuge néerlandais6 à partir de 1687, il prend la lourde responsabilité de poursuivre l’entreprise journalistique à succès de son ami Pierre Bayle7. Si son Histoire des ouvrages des savans (1687-1710) veut être un journal impartial, la défense des intérêts huguenots transparaît ça et là, entre les lignes. Basnage de Beauval se distingue également par sa réédition polémique du Dictionnaire universel d’Antoine Furetière (17018) et par sa controverse – parfois violente – avec Pierre Jurieu9. Attaché à l’absolutisme et au loyalisme huguenot, il s’oppose à ce théologien notamment à propos de l’attitude que les réformés doivent adopter face à Louis XIV et aux gouvernements des pays du Refuge.

La présente étude dédiée aux échanges épistolaires entre G. W. Leibniz et Henri Basnage de Beauval s’inscrit dans le mouvement historiographique de compréhension des rouages de la communauté savante européenne. Plus encore que le contenu de leurs conversations, c’est ici la nature même de la relation établie entre ces deux hommes qui nous intéresse. Il s’agit d’appréhender ce que chacun espère retirer de cette correspondance, et à quel prix. La transmission d’informations n’est en effet jamais gratuite au sein de la République des Lettres : il faut « rentabiliser » chaque échange pour contribuer toujours plus aux progrès du savoir. En outre, un tel article a pour ambition de mieux faire connaître la figure d’Henri Basnage de Beauval comme rédacteur de l’Histoire des ouvrages des savans et membre actif des réseaux de la communauté savante européenne. Son exemple est d’autant plus intéressant qu’il s’inscrit au tournant des xviie et xviiie siècles, période de tensions entre l’idéal d’impartialité de la République des Lettres et un besoin, pour les huguenots réfugiés, de se définir comme une « nation » qui doit défendre ses intérêts10.

« Lier un commerce de littérature »

Cette correspondance se conforme-t-elle aux caractéristiques typiques d’un échange entre citoyens de la République des Lettres ?

Un échange épistolaire soutenu et réglementé

Le 15 avril 1692, Jean Robethon, secrétaire du baron von Schütz ambassadeur des Hanovre à Londres11, écrit à son ami Leibniz, lui aussi au service des Hanovre comme « conseiller aulique » et bibliothécaire du duc Johann Friedrich depuis 167612 :

A la veüe des Extraits de lettre que vous m’ordonniez de communiquer à Mr. De Beauval, j’ay jugé que c’etoit principallement sur luy que vous aviez jetté les yeux pour lier un commerce de littérature, […] j’ay pris la liberté de luy proposer la chose13.

Leibniz est donc celui qui fait le « premier pas » vers Basnage de Beauval, en passant par un intermédiaire ponctuel, Robethon. Cette pratique de la médiation par un tiers, du « go-between » décrit par l’historienne Anne Goldgar, est tout à fait courante dans la République des Lettres et permet d’étendre la communauté14. Au départ, Leibniz veut communiquer avec Basnage de Beauval pour une raison précise, qui transparaît dans une lettre qu’il adresse à Robethon quelques mois plus tôt, en janvier 1692 :

Je vous repete mes complimens pour M. Justel à Londres, et pour M. de Beauval à la Haye. Je ne suis pas connu du dernier. Cependant il nous fera peutestre le plaisir de ne point nommer le lieu ny les personnes d’où estoient venues les objections faites à M. Pelisson, car elles n’avoient pas esté faites pour estre imprimées […]15.

Mais cette relation avec le rédacteur de l’Histoire des ouvrages des savans a vocation à s’étendre. Robethon a conscience de ce potentiel : il propose de s’effacer pour permettre un échange direct entre le philosophe et le journaliste. Dans sa première lettre à Basnage de Beauval, Leibniz lui donne son adresse exacte. Avril 1692 est donc le point de départ d’une relation épistolaire régulière et soutenue entre Hanovre et La Haye. Aujourd’hui, sont conservées 48 lettres de cet échange, écrites pendant une période de 16 années, entre l’année 1692 et le 15 juin 170816. C’est le corpus épistolaire le plus important, d’un point de vue quantitatif, pour Henri Basnage de Beauval.

Sur les 48 pièces, 31 sont de la main de Leibniz et 17 de celle de Basnage de Beauval. Cet écart peut être dû aux problèmes relatifs à la conservation des archives sur de longues périodes ou aux lacunes du système postal de l’époque : il n’était pas rare que les lettres se perdent en chemin. Cependant, plusieurs lettres nous indiquent qu’il résulte aussi d’une habitude qu’a Leibniz de ne pas toujours attendre les réponses de son correspondant pour lui écrire à nouveau. En effet, en 1693, Basnage de Beauval note : « Mais comme ie me flatte que vous ne comptez pas à la rigueur, et que vous n’attendez pas pour me faire l’honneur de m’écrire que ie vous reponde regulierement […]17 ». Pour envoyer leurs lettres, les deux hommes utilisent en priorité la valise diplomatique, car Leibniz jouit d’une position privilégiée auprès de certains gouvernants. Par exemple, le philosophe allemand explique que des missives passent par « la faveur de Mons. l’envoyé d’Angleterre » et « par l’entremise de Mons. le Baron de Goriz notre grand Marechal de Cour18 ». Cette correspondance fait aussi appel à des intermédiaires ponctuels qui, à l’occasion de voyages, font circuler le courrier entre l’émetteur et son destinataire. Sont sollicités par exemple Monsieur Van Der Heck, l’imprimeur Desbordes, l’évêque anglais Gilbert Burnet ou le juriste et historien Charles Ancillon19. En dernier recours, et lorsqu’aucun intermédiaire n’est disponible, la poste devient la seule option possible20. Le destinataire est alors contraint de payer des frais de port parfois conséquents et variables21, et l’émetteur prend le risque de voir sa lettre perdue ou interceptée22. Leibniz et Basnage de Beauval évoquent, à plusieurs occasions, ces désagréments liés au système postal. En juin 1708 notamment, le journaliste s’inquiète du coût du transport d’un manuscrit : « Je vous prie au reste d’avoir bonté de ne m’envoyer votre manuscrit que par occasion : car la poste me le feroit payer cherement23 ».

Enfin, la correspondance entre Leibniz et Basnage de Beauval répond à certains codes nécessaires à l’établissement d’une relation de confiance. Au xviie siècle, dans un contexte de « civilisation des bonnes manières24 », les secrétaires régissent l’art de la correspondance25. Mais la République des Lettres exige également de ses membres le respect d’un certain nombre de règles telle que la politesse, qui, aux yeux du chercheur contemporain, est parfois poussée à l’extrême. Dans le corpus qui nous intéresse, on ne compte plus combien de lettres sont introduites de phrases par lesquelles l’émetteur se répand en excuses pour le retard de sa réponse. Le 7 janvier 1695, Basnage de Beauval va même jusqu’à dire à Leibniz qu’il comprendrait que leur commerce de littérature prenne fin du fait de son retard à lui répondre26. Une correspondance est vécue comme un « contrat » passé entre deux parties s’engageant mutuellement à être réguliers dans leurs échanges.

Une autre « loi fondamentale » de la République des Lettres est celle de la réciprocité. On ne doit pas donner sans recevoir, ni recevoir sans donner : selon Anne Goldgar, l’« éthique de la coopération » est le ciment de la communauté savante27. Cela est d’autant plus vrai que l’« homme honnête » est celui qui pense aux intérêts de l’autre28. Leibniz et Basnage de Beauval ont tout à fait intégré ce concept, puisqu’on trouve à plusieurs reprises, dans leurs lettres, l’idée de monnayage d’un service. Le 31 juillet 1697, par exemple, le journaliste utilise un vocable révélateur de cette notion de « dette » : « Pour vous payer de vos avis obligeants, ie vous ai fait faire par M. Leers la reponse que ie vous envoye29. » Leibniz lui répond : « Bien loin de payer ma remarque en monnoye dont le metal soit aigre, […] vous me remerciez d’une manière réelle en me procurant enfin une reponse de Mons. Leers30. » Cependant, les normes de la République des Lettres ne sont pas toujours respectées. Henri Basnage de Beauval, par exemple, commet l’erreur de parler d’un problème concernant Leibniz à M. Bernoulli31, et cela sans l’accord du principal intéressé. Il promet de réparer cette « erreur » au plus vite32.

Une relation d’égal à égal ?

La République des Lettres se veut être une société égalitaire. Françoise Waquet et Hans Bots ont néanmoins montré que cet objectif était utopique puisque dans les faits, il existe bel et bien des citoyens de premier et de second rang. Érasme, par exemple, est désigné comme le « monarque de toute la République des Lettres33 ». Ce n’est pas par la naissance, le pouvoir ou la richesse que l’on atteint les plus hautes sphères de la communauté savante, mais bien grâce à ses compétences et à sa capacité à diffuser son savoir vers un public de plus en plus large. Où se placent Leibniz et Basnage de Beauval dans cette hiérarchie ? Leur relation répond-elle à l’idéal d’équité propre aux hommes de lettres et de sciences ? Au fil de la plume, les deux hommes se racontent. On perçoit très vite que Leibniz est un citoyen de « premier rang » de la République savante, contrairement à Basnage de Beauval34.

Le réseau de correspondants de Leibniz est en effet l’un des plus étendus et des plus denses de son temps : pas moins de 20 000 pièces sont aujourd’hui conservées35, contre un peu plus de 200 pour Basnage de Beauval. Leibniz, à l’occasion, n’hésite pas à rappeler au Rouennais qu’il a le privilège d’échanger avec des savants de renom, tels que Seckendorf, Malebranche ou Nicaise36, et se vante presque d’être l’ami le plus proche de Christian Huygens lors du décès de ce dernier : « La perte de l’illustre M. Huygens est inestimable. Peu de gens le scavent autant que moy37 ». Leibniz est aussi un homme de réseaux du fait de son implication, en tant que diplomate et ingénieur, dans le développement des voies de communications fluviales et routières autour de Hanovre38. Cela explique pourquoi le philosophe, dans une lettre de décembre 1705, consacre tout un paragraphe à la mobilité des bateaux sur le Rhin39. Il considère qu’une meilleure circulation des hommes, des biens et des idées favorise les progrès du savoir. Mais cet engagement n’est possible, chez Leibniz, que du fait de sa proximité avec les puissants. Au service de la maison des Hanovre depuis 1676 dans le duché de Brunswick-Lunebourg40, il a l’oreille du duc Johann Friedrich, mais également celle de la reine de Prusse Sophie-Charlotte41, du prince Ernest de Hesse-Rheinfels42, de Cosme III de Médicis43, et enfin de diplomates comme l’envoyé d’Angleterre à la cour de Hanovre44. Sa fierté d’être Allemand et son amour de la langue allemande45, qui transparaissent à plusieurs reprises dans la correspondance étudiée ici46, le poussent à s’engager politiquement. Il soutient par exemple un projet politique d’alliance entre l’Angleterre, l’Allemagne protestante et les cantons évangéliques suisses contre l’hégémonie française en Europe47.

Son engagement est aussi scientifique : Henri Basnage de Beauval admire sa capacité à s’intéresser à tous les domaines, son insatiable curiosité48. Leibniz est un des derniers « polyhistor » de l’époque moderne49. En outre, les lettres nous apprennent qu’il participe, avec d’autres mathématiciens comme les frères Bernoulli, au « problème de Florence », un concours mathématique proposé par Vincenzo Viviano. Il est donc capable de se lancer des défis, de prendre le risque d’être critiqué, voire de se tromper50. Enfin, du côté de la sphère religieuse, la lettre du 31 août 169751 nous rappelle que Leibniz est un des principaux défenseurs de l’irénisme52, ce « projet d’union politique et religieuse du monde » dont la première étape serait, selon Olivier Roy, l’union des Églises chrétiennes53.

Si Leibniz rappelle à son correspondant combien il s’implique dans la vie scientifique, politique et religieuse non seulement de l’Empire mais aussi de toute l’Europe, Basnage de Beauval, lui, présente un parcours et des ambitions plus modestes. Parfois, il évoque sans insister ses contacts ponctuels avec des hommes comme Burnet ou Bernoulli54, mais son réseau est d’une envergure moindre que celui de Leibniz55. Il indique qu’il fait quelques voyages, par exemple à Francfort en 169256, et qu’il travaille à la révision de l’édition du Dictionnaire de Furetière en 169857. Mais Basnage de Beauval se présente avant tout, à travers cette correspondance, comme un rédacteur en quête de nouvelles inédites pour son Histoire des ouvrages des savans58. Ses ambitions ne semblent pas aller au-delà ; par conséquent, il adopte le ton neutre inhérent au journalisme, et ne donne que rarement son opinion.

Ainsi, la correspondance entre Leibniz et Basnage de Beauval témoigne, de prime abord, d’une relation déséquilibrée. Mais les deux hommes se comportent-ils pour autant en dominant et dominé ? Leibniz essaye clairement de rééquilibrer la situation et de se placer sur un pied d’égalité avec Basnage de Beauval. Dans sa première lettre, il dit à son interlocuteur qu’il le considère comme « le mieux informé du monde des affaires de la République des Lettres » et l’« un des principaux secrétaires d’État de cette République59 ». Par cette expression, il lui attribue une responsabilité presque politique et internationale. De même, dans une lettre du début de l’année 1693, Leibniz écrit : « j’avoue que j’avois plus de sujet que vous de combattre contre cet empechement parce que je trouve que l’avantage de nostre correspondance est presque entierement de mon costé ». Il souhaite démontrer qu’il doit beaucoup à la patience du journaliste, qu’il est son débiteur pour tous les services qu’il lui rend. À l’occasion, il encourage aussi Basnage de Beauval à donner son avis60. Or, note Anne Goldgar, demander l’opinion de quelqu’un est toujours flatteur puisque cela suggère que les deux interlocuteurs sont au même niveau61. Ce respect de Leibniz pour son correspondant n’empêche cependant pas le premier de corriger le second lorsqu’il fait une erreur, comme dans sa lettre de décembre 1693 : « Souffrez que je dise un mot, Monsieur, touchant la page 279 de vostre fevrier […]. Je crois qu’il y a un peu de mesentendu et voicy ce que j’en scay62. »

De son côté, le rédacteur de l’Histoire des ouvrages des savans manifeste pour Leibniz un profond respect. Il est conscient que le philosophe allemand possède la faveur des puissants et qu’il est reconnu comme une figure européenne majeure par ses contemporains. Pourtant, malgré cette « supériorité » de Leibniz, Basnage de Beauval n’hésite pas à lui adresser des reproches, par exemple lorsqu’il prend du retard à lui répondre63, ou encore à exercer une certaine pression en lui rappelant que le public attend de lui un nouveau volume de son Codex Juris Gentium, et qu’il doit donc se hâter de le satisfaire64. Il se permet même, le 15 janvier 1706, de relever une incohérence dans le système de l’« harmonie préétablie » du philosophe :

D’ailleurs je ne scay si vostre systême de l’harmonie satisfera tout le monde. Vous faites à ce qui me semble une supposition gratuite et l’harmonie que vous établissez entre le corps et l’esprit est plutôt un effet miraculeux de la toute-puissance de Dieu, qu’une suite de l’ordre de la liaison des causes secondes65.

Bien que Leibniz et Basnage de Beauval ne soient pas des citoyens de même rang au sein de la communauté savante européenne, ils se comportent comme des égaux. Mais cette « égalité » n’est peut-être qu’une autre « règle du jeu » de la République des Lettres.

Une correspondance au service d’un périodique et de son rédacteur

L’Histoire des ouvrages des savans au centre de l’échange

Henri Basnage de Beauval fait de son réseau de correspondance un instrument au service de son Histoire des ouvrages des savans. Sa relation avec Leibniz en est la parfaite illustration. Cette instrumentalisation est cependant loin d’être inédite : Jean-Pierre Vittu constate ainsi que la correspondance de l’abbé Bignon, après 1701, est une source essentielle d’alimentation du Journal des savants66, tandis que Hubert Bost établit la même corrélation entre la correspondance de Pierre Bayle et ses Nouvelles de la Républiques des Lettres67. L’activité journalistique est donc bien souvent, dans le cadre de la communauté savante européenne, un prétexte à l’établissement de relations épistolaires nombreuses et riches en informations scientifiques. L’exemple de la correspondance étudiée ici ne fait que confirmer cet état de fait.

Basnage de Beauval incite régulièrement son correspondant de Hanovre à lui envoyer ses écrits afin de les inclure dans son périodique. Proposer au public les observations inédites d’un savant aussi illustre constitue, pour lui, une véritable garantie de vente. L’entreprise doit en effet, en plus de servir un idéal de diffusion du savoir, être rentable économiquement parlant. Le 4 juillet 1693, Basnage de Beauval écrit ainsi à Leibniz : « S’il y avoit quelques lettres oû les matieres fussent un peu etendües dans vostre commerce de lettres avec le Prince Ernest, vous ne devez pas en priver le public68 ». Le journaliste espère offrir à son lectorat l’exclusivité d’une correspondance prestigieuse. Malgré une réponse négative du philosophe qui craint de décevoir le prince en rendant publique leur discussion privée69, Basnage de Beauval insiste et réitère sa demande quelques mois plus tard. Il cherche un compromis avec Leibniz, lui proposant de ne publier que les pièces qu’il aura préalablement choisies70.

En janvier 1697, à nouveau, le Rouennais demande à Leibniz ses observations à propos d’un ouvrage de philosophie, Dissertations sur l’existence de Dieu d’Isaac Jaquelot71. Ces sollicitations sont donc récurrentes tout au long de leur correspondance. Leibniz, la plupart du temps, y répond favorablement. Il prend aussi l’initiative d’envoyer au journaliste des pièces qui lui paraissent intéressantes. Ainsi, au début de l’année 1695, il lui transmet une « lettre sur une contestation militaire » et précise que : « Comme il y en a gueres d’exemplaires et que c’est tout autant que si c’estoit un Ms. [manuscrit] je crois que vous la pourriez quasi inserer dans un de vos mois72 ». Lorsqu’il sait qu’un de ses manuscrits va être publié par les soins de son ami, Leibniz fait en sorte que le document soit prêt à être « mis sous presse », comme il l’indique dans sa lettre du 1er juin 170873. Il fait gagner du temps au journaliste, tout en contrôlant le contenu de la publication à venir.

Le philosophe de Hanovre participe également à l’élaboration de l’Histoire des ouvrages des savans en corrigeant certains articles des numéros qui lui sont envoyés non pas par le rédacteur, mais par l’imprimeur-libraire Desbordes74. Henri Basnage de Beauval lui en est reconnaissant, car il a besoin de regards extérieurs pour améliorer la qualité scientifique de son journal et affronter la concurrence d’autres périodiques savants. Ainsi, le 15 janvier 1694, il écrit : « Je vous rends mille graces de vos corrections sur les nouvelles litteraires que vous avez trouvées à la fin de Febvrier et de May75 ». Ponctuellement, il pose des questions précises à Leibniz pour étoffer son périodique. En janvier 1695, il requiert son avis sur l’identité d’un auteur anonyme : « Je ne scai qui est G.D.S qui a traduit les memoires de Melvil et qui les a dedier à l’Electeur. Il ne peut pas vous etre inconnu76. » Enfin, pour Basnage de Beauval, qui ne parle pas l’allemand77, cette correspondance lui permet de connaître les publications récentes dans cette langue et de garder le contact avec les pays germaniques.

La relation privilégiée que le rédacteur tisse avec Leibniz lui permet avant tout de corriger et d’alimenter son Histoire des ouvrages des savans. Le périodique attire un public avide de connaître les nouvelles idées et observations de l’illustre philosophe. Cependant, Leibniz n’offre pas exclusivement ses services à l’Histoire des ouvrages des savans. Pour preuve, dans une des lettres du corpus étudié ici, Leibniz mentionne sa collaboration au journal des Nouvelles de la République des Lettres ainsi qu’aux Actes de Leipzig (les Acta Eruditorum)78.

Bénéficier du prestige de la figure leibnizienne

Henri Basnage de Beauval voit en Leibniz non seulement une source d’informations sur l’actualité scientifique, mais aussi un allié prêt à l’aider dans ses diverses entreprises. En 1693, Leibniz l’encourage à approfondir un commentaire qu’il a probablement rédigé dans son journal. Il l’invite à prendre la plume non plus seulement en tant que journaliste objectif, mais en tant que savant qui affirmerait ses opinions propres :

On doit etre bien aise, Monsieur, que vous donnez un sens raisonnable aux doutes des Academiciens : c’est la meilleure Apologie que vous pouviez faire pour eux. Je serai ravi de voir un jour leurs sentiments digérés et éclaircis par vos soins79.

Dans une autre lettre, le philosophe félicite Basnage de Beauval pour son entreprise de révision du Dictionnaire de Furetière après 1698. Il lui donne des conseils précis pour mener à bien ce projet80. D’autres pièces du corpus témoignent quant à elles de la confiance que Leibniz accorde au journaliste. En octobre 1692, il lui demande d’attendre son feu vert pour mentionner le recueil de traités de M. Léonard dans l’Histoire des ouvrages des savans81. Il veut que ses observations sur cet ouvrage ainsi que son propre recueil soient mentionnés en même temps que celui de Léonard, sans doute afin de s’assurer une meilleure visibilité auprès de son lectorat82. Il sait que Basnage de Beauval patientera. Quelques années plus tard, Leibniz a suffisamment confiance en ce dernier pour lui signifier son désir de voir les négociations de Ryswick se conclure au détriment des intérêts français83. Il doit pourtant savoir que Basnage de Beauval, bien que posant une limite au pouvoir absolu de Louis XIV (qui ne peut agir sur les consciences de ses sujets), reste attaché à son pays natal84.

Cette confiance est mutuelle, puisque Basnage de Beauval donne quelques conseils à Leibniz sans crainte de blesser son ego d’illustre savant. En 1695, il lui propose de ne pas perdre son temps précieux dans l’élaboration d’un recueil de traités « bien sec85 » et, quelques années plus tard, il tente même de le dissuader de participer au débat théologique consacré à la prédestination :

Je suis supris que vous songiez à vous engager dans les disputes de la predestination, c’est une question bien épineuse, et peut-être indissoluble. Les Payens sous le nom du fatum y ont echoué aussi bien que les chretiens86.

En tant que réformé, Basnage de Beauval veut en effet éviter d’entrer en confrontation avec son ami luthérien sur ce point délicat de la controverse intra-protestante. Le silence est bien meilleur gage de paix que la controverse.

Basnage de Beauval tire de cette relation privilégiée un certain prestige, et légitime ainsi sa position de rédacteur de périodique savant à dimension européenne. En effet, ses lecteurs, à travers les « extraits de diverses lettres », savent que le journal qu’ils ont entre les mains est le fruit d’une collaboration entre de grands scientifiques.

Informer et se tenir informé de l’actualité de la communauté savante

Pour être crédible aux yeux de ses pairs et de ses lecteurs, le savant des temps modernes doit se tenir au courant de ce qui se passe dans la République des Lettres. Ne pas savoir que tel célèbre mathématicien est mort ou que tel illustre professeur a changé de chaire universitaire peut révéler un dysfonctionnement dans le réseau du savant en question. Grâce à l’envergure impressionnante du réseau leibnizien, Henri Basnage de Beauval sait que sa correspondance avec le philosophe de Hanovre le protège, du moins en partie, de ce genre de désagrément. En effet, Leibniz s’avère être un précieux informateur. Dès sa première lettre au huguenot, il lui parle d’un conflit entre Temple et Du Cros, dans l’objectif non dissimulé de voir cette question abordée dans l’Histoire des ouvrages des savans :

Mons. Du Cros qui a esté maltraité dans les Memoires de Mons. Temple m’a communiqué la lettre qu’il a écrite à Mons. le Comte de Devonshire pour s’en plaindre, et pour demander satisfaction […]. Le public sera bien aise sans doute, d’estre instruit à fonds de ces matieres […]87.

Dans une autre missive, il évoque la fin de carrière de M. Lantin, conseiller au Parlement de Dijon, auquel son fils a succédé88. Il s’imagine peut-être que Basnage de Beauval, issu du monde parlementaire, trouvera un intérêt à ce genre de détail à première vue anodin. Leibniz est aussi porteur de mauvaises nouvelles, puisqu’il apprend à Basnage de Beauval les décès respectifs du politique allemand Seckendorf, du physicien Thévenot ou encore du philologue et alchimiste Tollius89. Le 12 septembre 1695, le journaliste prend les devants et demande directement à Leibniz de lui donner des nouvelles de l’affaire concernant Thomasius et Poiret90. Trois mois plus tard, le philosophe lui fournit toutes les informations qu’il a pu recueillir à ce sujet dans un paragraphe de quelques lignes91.

À nouveau, la « loi de réciprocité », caractéristique de la communauté savante, se vérifie ici. Basnage de Beauval, reconnaissant des nouvelles que Leibniz lui a communiquées, se trouve dans l’obligation de lui rendre la pareille. Le 2 octobre 1692, il pense se rendre utile en informant Leibniz d’une querelle entre Bossuet et l’historien français Louis Ellies Dupin :

Il y a une grosse querelle entre M. l’evesque de Meaux et M. du Pin auteur de la Bibliotheque des Auteurs ecclesiastiques dont vous avez deia vû 5 ou 6 volumes. L’evesque de Meaux a denoncé M. Du Pin comme heretique, et a fait nommer des examinateurs pour revoir ses ouvrages92.

En effet, il sait que le philosophe allemand entretient une discussion d’ordre théologique avec l’évêque de Meaux (reprise en 1691) ; les péripéties de ce dernier devraient donc l’intéresser93. Cependant, dans sa réponse d’octobre 1693, Leibniz explique que, contrairement à ce que Basnage de Beauval semble affirmer, Bossuet n’y serait pour rien dans la disgrâce de Dupin94. Il rappelle à l’ordre son correspondant, qui devrait toujours vérifier ses sources avant de lui écrire. Enfin, Basnage de Beauval évoque des événements qui le touchent personnellement. Dans sa lettre du 7 janvier 1695, il fait référence aux conflits en cours autour de la figure polémique de Pierre Jurieu. En utilisant le pronom « nous », il rappelle subtilement à Leibniz qu’il n’est pas que simple journaliste puisqu’il participe à la controverse interne au protestantisme :

Les divisions que M. Jurieu a allumées parmi nous ne sont point encore eteintes. Au contraire elles se rechaufent, et M. Saurin un ancien ministre d’Utrecht vient de decocher contre lui 2 gros volumes […]95.

Ainsi, cette correspondance permet à Basnage de Beauval de se tenir informé de l’actualité savante. Il essaye de rendre le même service à Leibniz, bien que celui-ci dispose déjà de nombreux informateurs partout en Europe.

Leibniz « remboursé » et « récompensé » de ses services

Accroître son rayonnement scientifique

Avoir un rédacteur de périodique pour correspondant est un réel avantage pour tout savant désireux de donner à ses idées une ampleur internationale. Leibniz l’a bien compris, puisque tout au long de sa correspondance avec Basnage de Beauval, il lui parle de ses écrits, que ce soit ses Animadversiones in principa cartesii96, son De jure suprematus et legationis principum Germaniae97, son Codex juris gentium98 ou encore son Codex diplomaticus99. Il lui envoie aussi, en 1708, la préface de sa Théodicée100. À l’occasion, il lui demande de publier une de ses argumentations ou remarques dans son journal. C’est le cas le 13 janvier 1696 lorsqu’il écrit : « Je vous laisse juger, Monsieur, si ces explications, que je viens de donner, pourroient estre propres à sonder les sentimens des personnes éclairées par l’entremise de vostre journal […]101 ». Plus tard, il joint à une de ses lettres une « remarque de M. D. L. [M. de Leibniz] sur l’Article V du dernier Fevrier des Nouvelles de la République des Lettres102 ». Sans attendre, Basnage de Beauval ajoute le mémoire en question dans son dernier quartier103. L’Histoire des ouvrage des savans acquiert ainsi une plus grande visibilité en faisant office de « vitrine » pour les idées et les œuvres de Leibniz.

Le philosophe allemand entend bénéficier du réseau de Basnage de Beauval pour mettre ses réflexions au centre des débats scientifiques. Il lui demande de communiquer certains de ses ouvrages à d’autres savants célèbres, afin qu’ils puissent en faire une critique constructive. Il justifie ce désir dans une lettre datée de 1705 :

Je souhaite qu’on me fasse des objections, qui m’obligent d’aller au-delà de ce que j’ai dit. Ces sortes d’objections sont instructives, et je les aime pour en profiter, et pour en faire profiter les autres, mais il n’est pas aisé d’en faire104.

Il insiste tout particulièrement sur sa volonté de voir ses Animadversiones commentées par Pierre Bayle105. Cependant, et pour ne pas se mettre en difficulté, il préfère parfois éviter les confrontations : « Mais je ne veux point entrer en contestation la dessus avec M. Des Maizeaux […]106 ». Enfin, lorsque Basnage de Beauval lui retransmet les commentaires de ses pairs, Leibniz n’hésite pas, dans ses lettres, à y répondre et à éclaircir ses pensées dans des développements philosophiques parfois conséquents. Il s’applique par exemple à expliciter son hypothèse « sur la communion des substances et particulierement sur l’union de l’ame avec le corps » en janvier 1696107. Il sait que son interlocuteur de La Haye fera en sorte que le public y ait accès.

Ajoutons que Leibniz transforme parfois ses lettres à Basnage de Beauval en véritable tribune dans laquelle il se défend des attaques de certains auteurs108. Pour se protéger, il a aussi recours à l’anonymat en demandant au journaliste de ne pas le nommer pour certains de ses écrits. Marion Brétéché a décrypté les enjeux de cette pratique courante109, qui revêt une dimension ludique (jeu de suppositions/réfutations) ou révèle une stratégie commerciale basée sur le mystère qui fait vendre. Leibniz donne d’autres justifications à ce choix éditorial : concernant son hypothèse philosophique sur l’union des âmes et des corps, il explique que l’anonymat est préférable du fait de la complexité du sujet en question que personne ne peut juger « sainement110 ». Dans une autre lettre, il refuse de voir son nom associé à un de ses travaux car il « n’aime pas ces parades » et car « la philosophie n’est pas à la mode dans les cours111 ». La réputation est essentielle pour un savant de premier ordre tel que lui.

Enfin, cette correspondance permet à Leibniz de satisfaire sa curiosité de « polyhistor ». En effet, le corpus étudié ici révèle son attirance pour des sujets « mystiques » tels que l’affaire de l’hermaphrodite de Toulouse112, le mystère autour de la prophétesse de Lunebourg et de la « secte des Piétistes113 », ou encore la légende de la papesse Jeanne qui est pour lui « une fable ridicule114 ».

Une ouverture vers la librairie hollandaise

Dès le début de leur correspondance, Leibniz demande à Basnage de Beauval d’être son intermédiaire auprès des libraires de Hollande115. Il souhaite que ces derniers l’informent, via le journaliste de La Haye, des nouveaux livres publiés aux Provinces-Unies. La correspondance étudiée ici témoigne en outre d’une négociation éditoriale arbitrée par Basnage de Beauval et opposant Leibniz aux libraires de Hollande menés par Moetjens116. Tout commence en janvier 1695, lorsque Leibniz apprend que Moetjens souhaite imprimer son Codex diplomaticus avec d’autres recueils de traités politiques comme celui de M. Léonard, et cela sans lui en avoir parlé au préalable117. Une fois ce premier malentendu résolu118, Leibniz demande à Basnage de Beauval d’informer Moetjens qu’il considère avoir son mot à dire sur la publication119. Un différend oppose alors Leibniz et les libraires : tandis que le premier accepte que son Codex soit imprimé avec les autres recueils, mais à condition qu’il ne soit pas « démembré », les seconds espèrent au contraire, dans une perspective chronologique, intégrer les différentes pièces proposées par Leibniz dans un corpus déstructuré puis reconstruit selon leur choix. Chaque partie tente alors de séduire l’autre en lui proposant des conditions avantageuses ; mais en restant strictement sur leurs positions respectives à propos de l’ordre d’impression120.

Devant l’inefficacité de l’arbitrage de Basnage de Beauval, Leibniz décide de faire appel à d’autres relations. Les ducs de Brunswick-Wolfenbüttel interviennent auprès des autorités compétentes de La Haye pour tenter d’empêcher les libraires de mener à bien leur projet121. Bien que cette ingérence n’aboutisse pas, Basnage de Beauval désavoue son ami :

[…] Vous avez pris d’autres voyes, et vous vous estes adressé aux Puissances. C’est d’ordinaire le plus sûr, cependant si j’avais prevu que vous aviez dessein de reduire les libraires par l’autorité, je vous aurois adverti de la manière dont les choses vont ici, qui est bien differente de ce que vous avez crû122.

Dans cette même lettre, le journaliste abandonne toute neutralité et prend parti pour les libraires, puisqu’il demande à Leibniz de faire appel à sa raison et de laisser tomber ses « premières répugnances » en acceptant l’offre de Moetjens, pour le bien du public. Dans sa réponse, Leibniz justifie son appel aux puissants et exprime sa déception de voir Basnage de Beauval se rapprocher de ses adversaires123. Afin de préserver de bonnes relations avec son illustre correspondant, Basnage de Beauval décide de mettre fin au problème et admet avoir échoué en tant que « médiateur d’un accomodement » entre les deux parties124. Le sujet ne sera plus abordé, à l’avenir, entre les deux hommes.

Basnage de Beauval constitue donc, pour Leibniz, un intermédiaire de choix pour atteindre les Provinces-Unies et le commerce du livre. Malgré l’échec de sa « mission » d’arbitre, Leibniz a une grande confiance envers le réfugié, qui fait tout son possible pour le contenter. Leur relation reste tout à fait amicale par la suite puisque leur correspondance perdure encore une dizaine d’années.

Un autre chemin vers Bayle

Bien que Leibniz et Bayle soient en désaccord sur des questions aussi centrales que le rapport entre raison et foi ou le problème du mal125, ils entretiennent ensemble une riche correspondance épistolaire126. Pourtant, Leibniz ressent le besoin de faire appel à Basnage de Beauval comme intermédiaire entre lui et le philosophe de Rotterdam. Il sait combien ces deux huguenots réfugiés sont proches, Bayle ayant confié au frère cadet de son grand ami Jacques Basnage la continuation de son journal en septembre 1687127.

Tout d’abord, nous l’avons déjà évoqué, Leibniz passe par l’entremise du journaliste pour transmettre à Bayle ses Animadversiones afin qu’il en fasse la critique128. Le 9 janvier 1693, dans sa lettre à Leibniz, Basnage de Beauval retranscrit à la main le commentaire de Bayle129. Le philosophe de Hanovre profite également de cette correspondance pour commenter le projet de Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle, développé dans une lettre de ce dernier à Du Rondel publiée en 1692. Bien qu’enthousiaste face à un tel projet, Leibniz n’hésite pas à émettre de sérieuses réserves, expliquant que Bayle risque parfois de s’attacher à des détails sans importance. Il lui donne des conseils « pour éviter une trop grande prolixité » et un « vagabondage » d’un sujet à un autre sans aucune cohérence130. De même en 1706, il affirme que l’habile Bayle, en mettant les difficultés de la religion « dans un jour encore plus beau », fait parfois, sans le vouloir, du tort à cette religion131. Par l’intermédiaire de Basnage de Beauval, Leibniz se permet donc de critiquer son ami de Rotterdam ; il espère aussi, probablement, que son opinion sera rendue publique dans l’Histoire des ouvrages des savans.

Malgré ces critiques, Leibniz a beaucoup de considération pour Bayle. Grâce à Basnage de Beauval, il se tient informé des activités du philosophe, et notamment de son procès face à Jurieu et aux magistrats de Rotterdam132. Il prend sa défense, se disant persuadé que Bayle n’est en aucun cas l’auteur du pamphlet polémique l’Avis important aux réfugiez133.

Conclusion

La correspondance épistolaire entre Leibniz et Basnage de Beauval est celle de deux citoyens actifs de la République des Lettres. Malgré des statuts inégaux, la politesse, le respect et la réciprocité sont les fondements de leur relation, ce qui ne les empêche pas, à l’occasion, de se critiquer mutuellement. Les deux hommes retirent de cette correspondance des avantages intéressants : il s’agit en effet de rendre service, mais aussi d’être « payé » en retour. Ainsi, Basnage de Beauval espère retirer de cette relation des plus prestigieuses une plus grande notoriété. Il se présente à Leibniz non pas comme un théoricien de la tolérance ou comme un controversiste, mais avant tout comme un journaliste. Il compte sur le philosophe pour « alimenter » son périodique en nouvelles littéraires inédites et pour le tenir au courant de l’actualité de la République des Lettres. Sans l’Histoire des ouvrages des savans, la correspondance entre les deux hommes n’existerait probablement pas, ou n’aurait été que de courte durée. Basnage de Beauval prouve également qu’il est capable de mettre de côté son engagement partisan envers la cause réformée pour adopter une relative impartialité propre à tout bon citoyen de la République des Lettres. Il parvient à surmonter la tension relative à cette double identité de réfugié et de savant de la fin du xviie siècle, décrite notamment par Dena Goodman134. Leibniz, de son côté, souhaite profiter de l’Histoire des ouvrages des savans pour donner plus de visibilité à ses ouvrages et à ses idées dans le monde intellectuel francophone. En outre, il sait tirer profit des relations privilégiées que le journaliste entretient avec certains libraires de Hollande, ainsi qu’avec Pierre Bayle. Cette correspondance constitue donc une illustration typique des relations établies au sein de la République des Lettres. Derrière la politesse et l’amitié qui pousse à prendre des nouvelles de l’autre, les épistoliers cherchent continuellement à satisfaire un public lettré de plus en plus large et avide de connaissances nouvelles et inédites.

Liste chronologique des lettres échangées entre Leibniz et Basnage de Beauval

HBB = Henri Basnage de Beauval / GWLB = G.W. Leibniz Bibliothek, Hanovre

HOS = Histoire des ouvrages des savans, Rotterdam, chez Reinier Leers, septembre 1687-juin 1709.

Gerhardt III : Die philosophischen schriften von Gottfried Wilhelm Leibniz, herausgegeben von Gerhardt (C. J.), Dritter Band, Berlin, Weidmannsche Buchhandlung, 1887.

GWL II : G.W. Leibniz. Philosophischer briefwechsel. Herausgegeben von der Leibniz-Forschungsstelle der Universität Münster, Zweite Reihe, Zweiter Band. / GWL II-III : idem, Zweite Reihe, Dritter Band.

La lettre 15bis est une lettre attestée de par la lecture de la lettre 16 : « […] Je vous dirai seulement que je n’ai point reçû la lettre dont vous me parlez dans celle du 30 de mars qui m’est venue par la poste. ».

La lettre 37bis est une lettre publiée dans l’Histoire des ouvrages des savans en juillet 1698 (article V, p. 329-342).

0 : Jean Robethon à Leibniz, la Haye le 15 avril 1692 / GWLB, LK-MOW Robethon 10Bl.A1-A2

1 : Leibniz à HBB, Wolfenbüttel en juin 1692 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.A17-A18.

2 : HBB à Leibniz, la Haye le 27 juillet 1692 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.3-4.

3 : Leibniz à HBB, Hanovre en août 1692 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.66-67.

4 : Leibniz à HBB, [Hanovre] en [août-septembre] 1692 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.62-63.

5 : Leibniz à HBB, Hanovre le 22 septembre 1692 / Gerhardt III, p. 83-84.

6 : HBB à Leibniz, la Haye le 2 octobre 1692/ GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.5-6.

7 : Leibniz à HBB, Wolfenbüttel le 16 ou 26 octobre 1692 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.7-8.

8 : HBB à Leibniz, la Haye le 9 janvier 1693 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.9-10.

9 : Leibniz à HBB, Wolfenbüttel [entre janvier et juillet / 28 février ou 5 mars] 1693 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.68-69.

10 : HBB à Leibniz, la Haye le 4 juillet 1693 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.11-12.

11 : Leibniz à HBB, [Hanovre] [juillet-octobre] 1693 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.45-47.

12 : Leibniz à HBB, Hanovre début octobre 1693 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.13-14.

13 : Leibniz à HBB, Hanovre en décembre 1693 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.47-49.

14 : HBB à Leibniz, la Haye le 15 janvier 1694 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.15-16.

15 : Leibniz à HBB, [ ?] [février-mars] 1694 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.53-54.

15bis : Leibniz à HBB, [Hanovre] le 30 mars 1694 / lettre attestée mais non conservée.

16 : HBB à Leibniz, [la Haye] le 17 avril 1694 / GWL II-II, p. 798, N.262.

17 : Leibniz à HBB, Hanovre [août-septembre] 1694 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.59-60, 72-75.

18 : HBB à Leibniz, la Haye le 7 janvier 1695 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.17-18.

19 : Leibniz à HBB, Hanovre le 28 janvier 1695 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.A4.

20 : Leibniz à HBB, Hanovre 7 février 1695 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.17-18.

21 : HBB à Leibniz, Amsterdam le 19 avril 1695 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.61.

22 : Leibniz à HBB, Hanovre le 20 ou 30 juin 1695 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.19-20.

23 : Leibniz à HBB, Hanovre le 16 ou 26 juillet 1695 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.21, 24.

24 : HBB à Leibniz, la Haye le 12 septembre / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.25-26.

25 : HBB à Leibniz, la Haye, le 23 décembre 1693 / GWL II-III, p. 110-112, N.40.

26 : Leibniz à HBB, Hanovre en janvier 1696 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.25-26.

27 : Leibniz à HBB, Hanovre le 13 janvier 1696 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.27-28.

28 : Leibniz à HBB, Hanovre le 13 janvier 1696 / GWL II-III, p. 112-123, N.43.

29 : HBB à Leibniz, la Haye le 6 avril 1696 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.29-30.

30 : Leibniz à HBB, Hanovre [le 13 avril] 1696 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.50-51.

31 : HBB à Leibniz, la Haye le 21 juin 1696 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.31 (et 65).

32 : Leibniz à HBB, [Hanovre] en [juillet-août 1696] / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.65.

33 : Leibniz à HBB, Hanovre le 8/18 septembre 1696 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.32.

34 : HBB à Leibniz, la Haye le 14 janvier 1697 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.33-34.

35 : Leibniz à HBB, Hanovre le 3 ou 13 février 1697 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.35-36.

36 : HBB à Leibniz, la Haye le 31 juillet 1697 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.37.

37 : Leibniz à HBB, Wolfenbüttel le 31 août 1697 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.37.

37bis : Leibniz à HBB, [Hanovre] juillet 1698 / HOS, juillet 1698, article V, p. 329-342.

38 : HBB à Leibniz, la Haye le 12 septembre 1698 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.38.

39 : Leibniz à HBB, Hanovre [le 6 janvier 1699 ?] / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.38.

40 : Leibniz à HBB, [Hanovre] [le ?] 1705 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.70-71.

41 : Leibniz à HBB, [Hanovre] le [30 décembre 1705] / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.57-58 et LH35, 7, 8, Bl.1.

42 : HBB à Leibniz, la Haye le 15 janvier 1706 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.40-41.

43 : Leibniz à HBB, Hanovre le 19 février 1706 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.40v-41r.

44 : Leibniz à HBB, Hanovre le 1er juin 1708 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.42.

45 : HBB à Leibniz, la Haye le 11 juin 1708 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.64.

46 : Leibniz à HBB, Hanovre le 15 juin 1708 / GWLB, LK-MOW BasnagedeBeauval 10Bl.64, 43-44.

+ Préface Théodicée de Leibniz envoyée à HBB en 1708 / GWLB, LH 1, 1, 2, Bl. 11-20.

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1. Il conçoit le système dit de l’« harmonie préétablie ». Voir Christiane Frémont, Singularités. Individus et relations dans le système de Leibniz, Paris : Vrin, 2003.

2. Christiane Berkvens-Stevelinck, Hans Bots, Jens Häseler (éd.), Les grands intermédiaires culturels de la République des Lettres. Etudes de réseaux de correspondance du xvie au xviiie siècle, Paris : Champion, 2005, p. 24-28. L’historienne définit l’« intermédiaire culturel » comme un membre de la République des Lettres « qui se considère lui-même comme un trait d’union entre des mouvances culturelles différentes ».

3. André Robinet, Correspondance Leibniz-Clarke, Paris : PUF, 1957, 223 p. Arthur Birembaut, Pierre Costabel, Suzanne Delorme, « La correspondance Leibniz-Fontenelle et les relations de Leibniz avec l’Académie royale des Sciences en 1700-1701 », Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, 19, n° 2 (1966), p  115-132. Richard M. Swiderski, « Bouvet and Leibniz : a scholarly correspondance », Eighteenth-Century Studies, volume 14, n° 2, p. 135-150.

4. Jusqu’à présent, l’ouvrage le plus complet sur Henri Basnage de Beauval est celui d’Hans Bots, Henri Basnage de Beauval en de Histoire des Ouvrages des Savans, 1687-1709, Verkenningen binnen de Republiek der letteren aan de vooravond van de Verlichting, Amsterdam : Holland Universiteits Pers, 1976, 2 volumes. Sa correspondance a également été éditée : Hans Bots – Lenie Van Lieshout, Contribution à la connaissance des réseaux d’information au début du xviiie siècle : Henri Basnage de Beauval et sa correspondance à propos de l’« Histoire des ouvrages des savans », 1687- 1709, Amsterdam : Holland University Press, 1984.

5. Henri Basnage de Beauval, Tolérance des religions, Rotterdam, chez Henry de Graef, 1684.

6. Les questions relatives à l’arrivée de Basnage de Beauval au Refuge, à son quotidien et à son intégration dans la communauté wallonne peuvent être appréhendées par des ouvrages tels que David Van der Linden, Experiencing Exile. Huguenot Refugees in the Dutch Republic, 1680-1700, Surrey : Burlington, Ashgate, 2015 ; G.H.M. Posthumus-Meyjes – H. Bots (dir.), La Révocation de l’Edit de Nantes et Les Provinces-Unies, colloque de Leyde (avril 1985), Amsterdam et Maarsen : APA-Holland University Press, 1986.

7. Henri Basnage de Beauval rencontre Pierre Bayle pour la première fois à Rouen, en 1674. Les deux hommes restent ensuite en contact, et Bayle est pour beaucoup dans la publication de la Tolérance des religions de son protégé en 1684. Basnage de Beauval accepte la proposition de son ami et devient rédacteur de son périodique peu de temps après son arrivée au Refuge : Anton Schuurman, « Henri Basnage de Beauval en de Histoire des Ouvrages des Savans », dans Hans Bots (éd.), Henri Basnage de Beauval en de Histoire des Ouvrages des Savans, 1687-1709, t. I, p. 10.

8. Les jésuites de Trévoux reprochent en effet à Basnage de Beauval d’avoir réalisé une édition protestante du Dictionnaire de Furetière. Trois ans plus tard, le huguenot les accuse de plagiat pour leur propre dictionnaire publié en 1704 : Chantal Wionet, Pour informatiser le Dictionnaire universel de Basnage (1702) et de Trévoux (1704) : approche théorique et pratique, Paris : Champion, 2001, p. 18-19 ; Michel Le Guern, « Le “Dictionnaire” de Trévoux (1704) », Cahier de l’Association internationale des études françaises, 35, n°1 (1983), p. 51-68.

9. Une vingtaine de libelles échangés entre Basnage de Beauval et Jurieu ont été conservés pour la période 1689-1694. Les deux hommes s’affrontent également devant les synodes et les consistoires wallons.

10. Dena Goodman, The Republic of Letters. A Cultural History, Ithaca – London, 1994, p. 2 ; Susanne Lachenicht, « Huguenot immigrants and the formation of national identities, 1548-1787 », The Historical Journal, vol. 50, n°2 (2007), p. 309-331.

11. J. F. Chance, « Jean de Robethon and the Robethon Papers », E.H.R., XVIII (1898), p. 55-70 ; John M. Beattie, The English court in the reign of Georg I, Cambridge University Press, 1967, p. 222, n. 3.

12. http://www.gwlb.de/Leibniz/Leibnizarchiv/francaise/Vie_de_Leibniz/La%20corr.htm

13. Lettre 0 – voir Annexe : la « lettre 0 » est à l’origine de la correspondance entre Leibniz et Basnage de Beauval.

14. Anne Goldgar, Impolite Learning : conduct and community in the Republic of Letters, 1680-1750, London : Yale University Press, p. 30-32.

15. Gottfried Wilhelm Leibniz. Sämtliche Schriften and Briefe, erste Reihe, siebenter Band, Akademie Verlag, 1992, lettre n° 293 p. 529. Il s’agit de La Tolérance des religions. Lettres de M. de Leibniz et reponse de M. Pelisson ou quatrième partie des réflexions sur les differends de religion (1692). Leibniz aurait préféré ne pas être cité dans cet ouvrage de Pelisson car, selon lui, « Des personnes mal intentionnées pourront tourner mes paroles en mauvaises part comme si je favorisois l’indifférence. » (lettre 3).

16. Voir en Annexe la liste chronologique des lettres échangées entre les deux hommes. Sur les 48 missives, 46 sont actuellement conservées à Hanovre, 1 est seulement attestée et la dernière est publiée dans le journal de Basnage de Beauval (mais l’originale n’a pas été conservée).

17. Lettre 8, 14.

18. Lettre 15.

19. Lettres 1, 5, 12, 13, 42, 44.

20. Lettre 16.

21. Jérôme Delatour, « Les frères Dupuy », dans Chr. Berkvens-Stevelinck, H. Bots, J. Häseler (éd.), Les grands intermédiaires culturels de la République des Lettres, p. 73-74.

22. Chr. Berkvens-Stevelinck, H. Bots, J. Häseler (éd.), Les grands intermédiaires culturels de la République des Lettres,, p. 20.

23. Lettres 45 / Lettres 1 et 46.

24. Hans Bots – Françoise Waquet, La République des Lettres, Paris : Belin – De Boeck, 1997, p. 113.

25. Exemples de ces manuels de typologie épistolaire : le Secrétaire de la cour de Jean Pugget de la Serre (1640) et le Parfait Secrétaire de Paul Jacob (1646) ; voir Marie-Claire Grassi, Lire l’épistolaire, Paris : Dunod, 1998, p. 12-14.

26. Lettre 18.

27. Anne Goldgar, Impolite Learning, p. 19. Elle cite les théories des anthropologues du xxe siècle comme Mauss, Malinowski ou Lévi-Strauss, et à leurs concepts du « don » et du « contre-don ».

28. Anne Goldgar, Impolite Learning, p. 20.

29. Lettre 36. Reinier Leers est un libraire et imprimeur célèbre de Rotterdam.

30. Lettre 37.

31. Jean Bernoulli est un mathématicien et physicien suisse.

32. Lettre 36.

33. Hans Bots – Françoise Waquet, La République des Lettres, p. 92-96.

34. Basnage de Beauval est-il un de ces « minores » parmi les savants, dont le statut résulte d’un processus de distribution de valeurs lié à l’histoire littéraire ? Cette question mériterait une réflexion approfondie, mais on peut déjà avancer que, si le journaliste n’est pas un « major » de la République des Lettres, ses apparitions relativement fréquentes dans les dictionnaires et les manuels ne nous permettent pas de le qualifier de « minor » pour autant (contrairement à Isaac Papin par exemple). Thomas Guillemin, Isaac Papin (1657-1709). Itinéraire d’un humaniste réformé, de l’École de Saumur au jansénisme, thèse soutenue à Angers le 4 décembre 2015, p. 31-32.

35. Jean-Pierre Vittu, « De la Res publica literaria à la République des Lettres, les correspondances scientifiques autour du Journal des savants », dans Pierre-Yves Beaurepaire (dir.), La Plume et la toile, Pouvoirs et réseaux de correspondance dans l’Europe des Lumières, Arras : Artois Presses Université, 2002, p. 247. http://www.gwlb.de/Leibniz/Leibnizarchiv/francaise/Vie_de_Leibniz/ La%20corr.htm.

36. Lettres 9, 13 et 26.

37. Lettre 23.

38. Bertrand Simon, « Leibniz et ses réseaux : des voies de la connaissance au commerce des lumières », Quaderni n°39 (1999), p. 77.

39. Lettre 41.

40. http://www.gwlb.de/Leibniz/Leibnizarchiv/francaise/Vie_de_Leibniz/index.html / Lettres 2, 14.

41. Lettre 40.

42. Lettres 10, 12, 14, 15.

43. Lettre 7.

44. Lettres 6, 15.

45. Frédéric Hartweg, « Mutation linguistique au Refuge berlinois », dans Philippe Hoch (éd.), Huguenots. De la Moselle à Berlin, les chemins de l’exil, Metz : Éditions Serpenois, 2006, p. 251.

46. Lettres 12, 17, 37.

47. Pierre Barthel, « La tolérance dans le discours de l’orthodoxie “raisonnée” au petit matin du xviiie siècle », dans Guy Saupin, Rémy Fabre, Marcel Launay (dir.), La Tolérance, colloque international de Nantes, mai 1998, Rennes : PUR, 1999, p. 255-314.

48. Lettre 42.

49. Hans Bots – Françoise Waquet, La République des Lettres, p. 48-50 et p. 84. Un polyhistor est un savant qui a vocation à rassembler un savoir encyclopédique.

50. Lettres 7, 8, 9, 12, 13.

51. Lettre 37.

52. Paul Hazard, La crise de la conscience européenne, 1680-1715, Fayard, 1961, p. 205-222.

53. Olivier Roy, Leibniz et la Chine, Paris : Vrin, 1972, p. 43.

54. Lettres 38, 42.

55. Leibniz regroupe autour de lui pas moins de 1100 correspondants (cf. http://www.gwlb.de/Leibniz/Leibnizarchiv/francaise/Vie_de_Leibniz/La%20corr.htm), alors que le réseau de Basnage de Beauval en compte un peu plus d’une trentaine (estimation dans Hans Bots – Lenie Van Lieshout, Contribution à la connaissance des réseaux d’information au début du xviiie siècle, p. xix-xxv).

56. Lettres 5, 6.

57. Lettre 37.

58. Périodique mensuel puis trimestriel rédigé entre septembre 1687 et juin 1709, il est imprimé à Rotterdam chez Reinier Leers et prend la suite des Nouvelles de la République des Lettres de Pierre Bayle. C’est le philosophe qui désigne Basnage de Beauval pour lui succéder dans cette entreprise.

59. Lettre 1.

60. Lettre 10.

61. Anne Goldgar, Impolite Learning, p. 162.

62. Lettre 13.

63. Lettre 38.

64. Lettre 18.

65. Lettre 42.

66. Jean-Pierre Vittu, « De la Res publica », p. 231 et 245.

67. Hubert Bost a en effet montré que le nombre de lettres écrites ou reçues par Bayle augmente de manière significative entre 1684 et 1687, c’est-à-dire lorsque Bayle gère la rédaction de son périodique (et avant d’en confier la responsabilité à Basnage de Beauval) : Hubert Bost, Un « intellectuel » avant la lettre : le journaliste Pierre Bayle (1647-1706). L’actualité religieuse dans les Nouvelles de la République des Lettres (1684-1687), APA-Holland University Press : Amsterdam & Maarssen, 1994, p. 122-124.

68. Lettre 10.

69. Lettre 12.

70. Lettre 14.

71. Ouvrage publié à La Haye en 1697 / Lettre 34.

72. Lettre 20. Le peu d’informations dont nous disposons sur cette contestation ne nous permet pas de vérifier si elle a été intégrée dans le journal de Basnage de Beauval.

73. Lettre 44.

74. Lettre 12.

75. Lettre 14.

76. Lettre 18. Leibniz répond dans la lettre 20 « Celuy qui a traduit ces mémoires de Melleville est M.Smith envoyé de S.A.E à la cour de Suede. »

77. HOS, mars 1692, p. 329 : « Chaque auteur est cité en sa langue, et comme j’ai eu bien du regret de n’entendre pas les passages Allemans… ».

78. Lettre 11. Les Nouvelles de la République des Lettres (1684-1718) : périodique francophone fondé en Hollande par Bayle et repris par la suite par Larroque, Le Clerc, Barin, et Bernard. Les Acta Eruditorum (1682-1782) : revue scientifique allemande fondée par Otto Mencke.

79. Lettre 11.

80. Lettre 39. Il lui recommande d’éviter de se référer au travail de M. Cornelle sur le dictionnaire de l’Académie française / Samuel Souffi, « Le Dictionnaire de l’académie française : entre bon usage et culture », Études de linguistique appliquée, n°154-2 (2009), p. 155-176. La première édition du Dictionnaire de l’Académie française paraît en 1694.

81. Frédéric Léonard, Recueil des traitez de paix, de treve, de neutralité, […] faits par les Rois de France […], t. I, Paris, 1693.

82. Lettre 7.

83. Lettre 37.

84. Susanne Lachenicht, « Culture Clash and Hubris. The History and Historiography of the Huguenots in Germany and the Atlantic World », dans Sünne Juterczenka – Gesa Mackenthun (ed.), The Fuzzy Logic of Encounter. New Perspectives on Cultural Contact, Münster : Waxman, 2009, p. 84. Henri Basnage de Beauval, Tolérance des religions, p. 41.

85. Lettre 25.

86. Lettre 42.

87. Lettre 1. G. Temple (1628-1698), ambassadeur d’Angleterre, entre en conflit avec Ducros, moine français devenu conseiller d’État du roi Charles II. Ducros reproche à Temple d’avoir trahi son protecteur, lord Arlingthon. La Science du gouvernement, par M. De Réal, t. 8, Amsterdam, 1764, p. 646-647.

88. Lettre 12.

89. Lettres 9, 13, 31.

90. Lettre 24.

91. Lettre 26. Thomasius écrit la préface d’un ouvrage de Poiret. Cette préface fit polémique et lui valut l’opposition de Frédéric Hofman (il refuse la méthode de la physique expérimentale défendue par ce dernier). Voir J.-G. Chauffepié, Nouveau Dictionnaire Historique et Critique, t. 4, p. 424.

92. Lettre 6. Bossuet s’en prend à Dupin sur sa vision du péché originel dans sa Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques : Œuvres complètes de Bossuet, t. XIII, Mémoire de ce qui est à corriger dans la nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques de M. Dupin, Paris, 1841, p. 641.

93. Christian Hermann, « Le dialogue de Bossuet avec les protestants », dans Guy Saupin, Rémy Fabre, Marcel Launay (dir.), La Tolérance, p. 79-86 ; Marie-Madeleine Fragonard, « Clarté, simplicité, évidence : la définition d’un principe d’Union et ses ambiguïtés dans quelques textes de Bossuet », ibid., p. 229.

94. Lettre 12.

95. Lettre 18. Jurieu a de nombreux adversaires, tant catholiques que protestants. Il s’oppose à Basnage de Beauval sur les questions de tolérance ou encore de prophétisme.

96. Lettres 9, 10, 12, 13, 13, 20, 21, 29.

97. Lettres 7, 8 et 9.

98. Lettres 9, 10, 18, 21, 41.

99. Lettres 12, 14, 15, 17, 18, 19, 24, 25, 29, 31.

100. GWL Bibliothek, LH 1, 1, 2, Bl. 11-20.

101. Lettre 27.

102. Lettre 41.

103. Lettre 42.

104. Lettre 40.

105. Lettre 7. Bayle a répondu à cette demande puisque Basnage de Beauval retranscrit son commentaire dans la lettre 8.

106. Lettre 40. Pierre Desmaizeaux (1673-1745) est un protestant français réfugié en Suisse puis en Angleterre. Il devient un personnage influent du Refuge huguenot.

107. Lettres 11, 26, 40, 41

108. Lettres 40, 43,…

109. Marion Brétéché, Les compagnons de Mercure. Journalisme et politique dans l’Europe de Louis XIV, Ceyzérieu : Champ Vallon, 2015, p. 55-60.

110. Lettre 26.

111. Lettre 46.

112. Lettres 6, 7.

113. Lettres 13, 15, 28.

114. Lettre 41.

115. Lettres 1, 2.

116. Adrian Moetjens, libraire à La Haye. Cette négociation dure plus d’un an et s’étend sur 13 lettres, de la 19 à la 31.

117. Lettres 19, 21.

118. C’est Reinier Leers qui a transmis le texte à Moetjens. Or la lettre dans laquelle Leers en informait Leibniz a été égarée. Lettres 21, 22.

119. Lettre 22.

120. Par exemple, les libraires proposent à Leibniz de laisser sa préface intacte et de mentionner son nom dans la marge pour chacune des pièces issues de son Codex initial. Lettres 24, 25…

121. Lettre 27.

122. Lettre 29.

123. Lettre 30.

124. Lettre 31.

125. Studia Leibnitiana […], table ronde organisée par le CNRS et la G. W. Leibniz Gesellschaft les 7 et 9 juin 1990, Steiner Verlag Stuttgart, 1992, p. 130. Paul Rateau, « Sur la conformité de la foi avec la raison : Leibniz contre Bayle », Revue philosophique de la France et de l’étranger, 136-4 (2011), p. 148.

126. Antony McKenna, Élisabeth Labrousse et al. (dir.), Correspondance de Pierre Bayle, Oxford : Voltaire Foundation, 15 vol., 1999-2017 : http://bayle-correspondance.univ-st-etienne.fr / Sur les relations entre Bayle et Leibniz, voir aussi Christian Leduc, Paul Rateau, Jean-Luc Solère (dir.), Leibniz et Bayle : Confrontation et dialogue, Studia Leibnitiana, Sonderheft 43, Franz Steiner Verlag, 2015.

127. Hubert Bost, Pierre Bayle, Paris : Fayard, 2006, p. 257.

128. Lettres 6, 7.

129. Lettre 8.

130. Lettre 4.

131. Lettre 43.

132. Lettres 13, 14, 15, 36, 37. Sur le procès opposant Bayle à Jurieu devant les magistrats de Rotterdam, voir Hubert Bost (éd.), Le consistoire de l’Église wallonne de Rotterdam 1681-1706. Édition annotée des Actes et présentations historique, Paris : Champion, p. 7-8, 30-33, 183, 236 n.123…

133. Lettre 15. Aujourd’hui, les historiens reconnaissent en Bayle l’auteur de ce libelle polémique. Voir Pierre Bayle, Avis aux réfugiés – Réponse d’un nouveau converti, introduction et édition critique par Gianluca Mori, Paris : Champion, 2007 (compte rendu critique par H. Bost, BSHPF 154 (2008), p. 309-314).

134. Dena Goodman, The Republic of letters, p. 2.