Céline Borello, Prêcher la république en chaire protestante (xviiie-xixe siècles),
préface de Patrick Cabanel, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2017, 328 p.
Loin d’être un discours seulement religieux, le sermon permet aux pasteurs de délivrer un message sur la res publica, c’est-à-dire l’intérêt général, les fondements et principes de l’organisation de l’État, la souveraineté et enfin le bien public. C’est sous l’angle socio-politique que les discours de chaire luthériens et réformés francophones (France et Églises du Refuge) sont ici appréhendés, pour étudier en quoi et comment ils servent de support de diffusion d’une culture politique républicaine, du milieu du xviiie siècle jusqu’à la décennie 1840-1850.
Cet essai examine tout d’abord la place de la prédication dans les protestantismes et cerne les moyens dont disposent les pasteurs pour acquérir l’éloquence nécessaire à cette prise de parole, dans la clandestinité du Désert comme dans la légitimité acquise avec la Révolution française et confirmée par l’Empire napoléonien. L’enquête interroge également les principes républicains présents en chaire en s’intéressant à leurs fondements scripturaires, philosophiques et historiques. Si le discours de soumission aux autorités semble prépondérant dans la prise de parole sur la chose publique, les sermons ne manquent pas de révéler également des choix et revendications socio-politiques importants.
Le sermon se veut être un texte pédagogique dont un des buts est de produire des effets dans la vie quotidienne des croyants. Il est question, en chaire, de provoquer chez l’auditeur des comportements conformes aux principes de la res publica. Le dernier volet du livre vise donc à exposer ce qui est espéré du fidèle protestant en tant qu’acteur social et non plus simple croyant – même s’il reste difficile de les dissocier. Il s’agit, de fait, d’analyser les pratiques « républicaines » portées par les paroles des prédicateurs protestants que ce soit des actions en vue du bien public, de l’intérêt général ou dans la sphère politique. Dans cette perspective, et parce que le pasteur est aussi un sujet ou un citoyen, sont présentés certains des orateurs protestants qui ont été amenés à « prêcher » la res publica – par des voies complémentaires à leurs discours de chaire – dans la sphère socio-politique de leur temps.
Fondée sur des sources jusqu’alors peu mobilisées par les historiens du protestantisme ou du politique, cette enquête développe une double dimension, religieuse et civique, et une réflexion située dans une séquence chronologique entre siècle des Lumières et premier xixe siècle, caractérisée par l’apparition de processus de politisation de masse auxquels participent luthériens et réformés.
Céline Borello