Wilfred Monod, Verdun (un Dyptique), Paris: Éditions Ampelos, 2016, 64 p.
Qui a publié ces pages de Wilfred Monod ? À quelle initiative les doit-on ? Quelle est leur origine? Rien n’est indiqué. Cette courte brochure se compose de trois parties: le Journal tenu par Wilfred Monod pendant la bataille de Verdun ; le compte rendu d’un voyage « pèlerinage » (le mot est de lui) qu’il entreprend en 1920, quatre ans après la terrible bataille à laquelle son fils aîné, Samuel, a participé; la conclusion, quelques pages écrites par un étudiant en théologie, sous-lieutenant combattant à Verdun et tué l’année suivante.
Dans son Journal sur la bataille, il n’est pas un témoin direct. Au début il en parle en s’appuyant sur la presse française qui, on le sait, fait du bourrage de crâne caricatural, donne des chiffres des pertes allemandes (rien sur les françaises) ahurissants, et décrit une bravoure française exagérée bien que très réelle. Peu à peu, il rencontre des témoins directs venus en permission, ou lit leurs correspondances, même si, comme les lettres de son fils, elles sont apaisantes et atténuent la réalité. Il cite aussi la presse étrangère. Avec toutes ces sources, il voit bien que cette bataille n’est pas «ordinaire », mais qu’il s’agit bien de deux peuples qui s’affrontent et que la France lutte pour son existence même.
Quatre ans après, si la ville de Verdun se reconstruit, les alentours restent désolés. Des arbres, il ne reste que des moignons brûlés. La végétation « engraissée de chair humaine » reprend avec vigueur. Partout des trous remplis d’eau et des obus non encore éclatés. Et un ossuaire, simple baraquement où un prêtre ancien combattant surveille les ossements récoltés et les range selon le lieu de combat où ils ont été trouvés. Un vrai ossuaire sera construit douze ans plus tard, œuvre privée réalisée grâce à des collectes à travers la France. W. Monod sort de ce parcours à travers le champ de bataille assommé par l’émotion, ce qui lui fait écrire un magnifique sonnet en hommage à son fils, à la France exsangue et à l’Évangile de demain « qui tuera la guerre ». Même si les chiffres qu’il donne sont trois fois trop importants: 900 000 morts, alors qu’il y eut 160 000 Français et 140 000 Allemands, il n’en demeure pas moins que ce fut, comme il le dit, un gigantesque holocauste où la France a sauvé son existence grâce au courage des «hommes bleus de la gare de l’Est » (Dorina Monod).
Gabrielle Cadier-Rey