Denis Bjaï (éd.), « La Sepmaine » de Du Bartas, ses lecteurs et la science du temps. En hommage à Yvonne Bellenger, actes du colloque international d’Orléans (12-13 juin 2014), Genève : Droz (« Cahiers d’Humanisme et Renaissance » 127), 2015, 284 p.
L’œuvre de Guillaume de Salluste, sieur Du Bartas (1544-1590), constitue non seulement un jalon essentiel dans l’histoire de la poésie religieuse d’expression française, mais également une des matrices littéraires les plus fécondes de la fin de la Renaissance et des premières décennies du xviie siècle. Lues, commentées et imitées dans toute l’Europe, ses deux Semaines ont influencé plusieurs générations d’hommes de lettres. Après avoir connu un relatif purgatoire depuis la fin du xviiie siècle, les Semaines éveillent de nouveau l’intérêt des études littéraires au xxe siècle et suscitent même un véritable renouveau critique depuis une vingtaine d’années. Les travaux d’édition inlassablement poursuivis par Yvonne Bellanger ont de ce point de vue favorisé l’ouverture de nouveaux chantiers, dont ce volume collectif dirigé par Denis Bjaï, qui réunit treize articles issus d’un colloque organisé à l’université Orléans en 2014, constitue un des dernières productions en date. Le prisme scientifique choisi n’est sans doute pas le plus original, ne serait-ce que parce que les catégories de poème « scientifique », voire « encyclopédique », couramment utilisées au sujet de cette œuvre depuis Albert-Marie Schmidt, ont déjà conduit de les chercheurs à s’interroger sur les (innombrables) lectures du savant Du Bartas, ainsi que sur les usages savants que ses (innombrables) lecteurs ont pu faire d’un tel poème. Parfaitement conscient de ce lourd héritage critique, dont il évoque d’ailleurs quelques jalons récents dans sa courte présentation, D. Bjaï entend donc moins renouveler cette approche, que continuer d’en éprouver la validité, en mettant l’accent sur certains aspects peut-être moins étudiés que d’autres. Il donne néanmoins l’occasion à certains intervenants de revenir sur la nature même du discours « scientifique » bartasien, à partir des notions qui peuvent servir de pierre de touche, comme celles de singularité(s) (Jean Céard) ou bien de merveilleux (S. Bamforth), ou bien encore en fonction du travail de moralisation de l’héritage des Histoires naturelles de Pline (Stephen Lardon). L’ouvrage met par ailleurs l’accent sur certaines disciplines spécifiques, comme l’astronomie (François Roudaut) et l’astrologie (Bruno Lavillate), la zoologie (D. Bjaï lui-même coté ichthyologie et Jean-Claude Ternaux et Paul J. Smith côté ornithologie), la médecine anatomique (François Rouget) et la théologie (Véronique Ferrer). En passant sans transition des lectures de Du Bartas à ses lecteurs, qu’il s’agisse des commentateurs (le réformé Simon Goulart pour Violaine Giacomotto-Chiara et le catholique Pantaléon Thévenin pour Nicolas Lombart) ou des continuateurs (Michel Quillan pour Sylviane Bokdam), le lecteur continue d’apprendre des choses passionnantes, mais la cohérence du propos d’ensemble s’effiloche. On trouvera cependant dans ce volume un peu disparate des études très utiles à la compréhension d’une œuvre phénomène et phénoménale, dont l’étrangeté continue de faire aujourd’hui tout le charme et tout l’intérêt.
Julien Goeury