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Assemblée générale du
19 avril 2017

Rapport moral pour l’année 2016

Isabelle Sabatier

Présidente de la SHPF

Mesdames, messieurs, chers amis,

L’année 2016 a été éprouvante pour notre Société. Il me faut commencer ce nouveau rapport moral en évoquant la mémoire de plusieurs membres du Comité dont la perte est encore vivement ressentie.

La mort brutale et prématurée de notre ami et collègue Jean-Daniel Pariset, le 30 janvier 2016, a suscité une émotion toujours sensible. Archiviste-paléographe, docteur en histoire, il est élu très jeune au Comité et met ses compétences au service de la Société. Il œuvre notamment à l’inventaire et au classement de nombreux fonds d’archives et à la mise en valeur des fonds précieux de la Bibliothèque, dont il était un parfait connaisseur. Il est à l’initiative d’expositions marquantes, d’abord au musée de l’histoire de France qu’il dirige alors aux Archives nationales, telles Les huguenots en 1985 (pour le tricentenaire de la Révocation) et Henri IV et la reconstruction du royaume en 1989. Il est, ici-même, le maître d’œuvre avec Thierry Du Pasquier, de la mémorable exposition Protestantisme français et monde moderne, du Premier Empire à la fin de la IIIe République organisée, en 2002, pour le cent cinquantenaire de la SHPF. Membre du bureau du Comité depuis 2003, il accepte en 2015 de l’impliquer dans des dossiers importants comme la mise en ligne du Fonds André et l’expertise des projets d’aménagement du musée du Bois-Tiffrais et enfin dans une mission de coordination des musées protestants. Son rêve était d’installer le musée du protestantisme français dans l’hôtel particulier mitoyen de notre Société ; nous ne l’oublierons pas.

Un peu plus tard, notre comité a appris avec tristesse la disparition, le 20 février, d’un autre membre éminent de notre comité, le pasteur Philippe Vassaux. Ancien directeur de l’aumônerie militaire de l’armée de terre, puis pasteur à l’Oratoire du Louvre de 1985 à 1997, et enfin dans les Ardennes, cet historien passionné du protestantisme français était un remarquable et inlassable conférencier qui savait captiver les publics les plus divers. Il assura, en 1992, l’actualisation de l’Histoire des protestants de France de Charles Bost. En retraite près de Luneray, il fut, durant 10 ans, un président très actif de la Société d’histoire du protestantisme de Normandie.

Enfin, la Société a perdu en novembre dernier, un de ses plus fidèles amis, l’avocat Jacques Delteil, membre associé de notre comité, président de la société d’histoire du protestantisme de Montpellier qu’il a animée durant 35 ans, organisant sur la période pas moins de 250 conférences. J’ajoute qu’il était aussi un ferme soutien du musée du Désert.

De nos collègues et amis disparus, nous n’avons pas fini de mesurer les pertes. c’est également leur rendre hommage que d’évoquer maintenant les activités de notre Société durant l’année 2016.

En 2016 est paru le premier tome de la Revue d’histoire du protestantisme qui prend la suite du Bulletin, plus que cent-cinquantenaire. Cette mue, longuement réfléchie par le Comité, est portée avec brio et dévouement par une équipe de rédaction resserrée autour de son rédacteur en chef Hubert Bost, avec Céline Borello à la rubrique des comptes rendus. Sous une couverture au graphisme épuré, le premier numéro a d’emblée marqué le tournant éditorial annoncé, international et pluridisciplinaire, en s’ouvrant par la réflexion du sociologue Jean-Paul Willaime : « De quoi le protestantisme est-il le nom ? »

La collection rétrospective du Bulletin est dorénavant en ligne sur JSTOR, portail de publications universitaires et scientifiques internationalement reconnu pour la qualité scientifique des revues qu’il réunit. JSTOR est présent dans les grandes bibliothèques à travers le monde et très apprécié des milieux académiques. La Revue d’histoire du protestantisme devrait suivre, sous un délai de trois ans d’embargo. Cette mise en ligne permettra d’élargir la notoriété de notre périodique et d’assurer une visibilité renforcée aux articles qui y sont publiés. De leur côté, les lecteurs de la Bibliothèque du protestantisme accèdent maintenant gratuitement aux fonctionnalités de la recherche JSTOR sur l’ensemble de la collection du Bulletin.

En projet depuis près de deux ans, l’inauguration d’une plaque commémorative de la Saint-Barthélemy a eu lieu le 13 avril. Apposée au pied du pont Neuf, en contrebas de la statue d’Henri IV, à l’entrée du square du Vert-Galant, la plaque a été dévoilée lors d’une cérémonie officielle et œcuménique, par la maire de Paris et le président de la Fédération protestante de France, le pasteur François Clavairoly. À la demande de celui-ci, la SHPF s’était impliquée dans ce projet, notamment dans la rédaction du texte et le choix de l’emplacement. Nous devons remercier spécialement Olivier Millet dont l’autorité scientifique a été déterminante. Sa remarquable allocution prononcée pour l’occasion, au nom de la SHPF, ainsi que celles de François Clavairoly et d’Anne Hidalgo, ont été publiées dans la Revue d’histoire du protestantisme (numéro de juillet-août-septembre 2016).

Deux manifestations culturelles inédites ont été accueillies ici-même :

Le 7 avril, un concert de musique élisabéthaine évoquant le cycle des saisons comme miroir des passions humaines. Ce concert, savamment introduit par Olivier Millet, a été donné par l’ensemble Les Planètes consort, sous le titre « Round and Round the Seasons Go ».

Un mois plus tard, en mai, ce fut l’exposition consacrée à Fortunato Bartolomeo De Felice (1723-1789), médiateur culturel dans l’Europe des Lumières, organisée en partenariat avec la Fondation De Felice d’Yverdon. L’inauguration a été l’occasion d’entendre Guillaume Poisson (Université de Lausanne) présenter l’encyclopédie d’Yverdon, rivale protestante de celle de Diderot et d’Alembert, dont la SHPF est fière de posséder un exemplaire légué par Jean-Jacques De Felice ; d’entendre également notre collègue Pierre-Olivier Léchot évoquer la figure du pasteur Elie Bertrand, un des principaux rédacteurs auxquels De Felice a fait appel pour mener à bien cette œuvre d’envergure.

Venons-en à la Bibliothèque du protestantisme qui fut particulièrement au cœur de nos préoccupations de l’année.

Après le départ inattendu, fin février, de Florence Poinsot responsable de la Bibliothèque durant onze ans, son adjointe Sophie Vié a dû prendre le relais et assurer la responsabilité de l’accueil des lecteurs et du bon fonctionnement de la bibliothèque. Elle s’y est investie avec ardeur, aidée durant les cinq mois d’intérim par une vacataire à mi-temps et soutenue aussi par une plus grande présence d’Elisabeth Argaud et de François Matter.

Elle c’est trouvée spécialement mobilisée, jusqu’à ces derniers jours, par le chantier de numérisation du Fonds André, seule à mener à leur terme les contrôles et la validation des images fournies par le prestataire Numen.

Avec 1375 ouvrages numérisés totalisant 420 000 pages, la collection d’Alfred André est en passe de constituer une bibliothèque numérique de taille appréciable dont il s’agit maintenant d’assurer des modalités de consultation optimales. Elles ont été définies dans le cahier des charges de la mise en ligne préparé par Corinne Gibello-Bernette et remis pour devis à Numen. Les conditions de l’hébergement sur le long terme doivent être étudiées attentivement, notamment au plan financier.

La nouvelle bibliothécaire a été recrutée par voie d’annonce déposée sur le site de l’ENSSIB (École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques). Sur la cinquantaine de postulants, sept ont été reçus en entretien par la commission de la bibliothèque qui a unanimement retenu la candidature de Martina Gromesova, à la fois pour ses connaissances en livre ancien et son approche pertinente du poste proposé.

Arrivée le 1er septembre, Martina Gromesova s ’est rapidement investie avec compétence et enthousiasme, formant depuis avec Sophie Vié une équipe solide, complétée des bénévoles dont la collaboration leur est d’une grande aide : Elisabeth Argaud, Denise Zwilling, rejointes depuis octobre par Marie-Françoise Monge-Strass. Elle trouve appui et conseils auprès de Corinne Gibello-Bernette, vice-présidente chargée de la bibliothèque.

Ce nouveau dynamisme est d’autant plus apprécié que la bibliothèque est confrontée à un problème dont l’ampleur s’est progressivement révélée depuis le printemps dernier : une importante infestation par des moisissures dans plusieurs magasins du sous-sol. La mission d’expertise confiée à une bibliothécaire spécialisée a mis en évidence l’étendue de la contamination qui affecte essentiellement des collections de périodiques et du Bulletin, obligeant à suspendre toute communication des collections du sous-sol. Elle a également confirmé la nécessité de procéder à un assainissement et à une rénovation complète de ces magasins, après décontamination des collections. Un cabinet d’architectes vient d’être missionné pour un audit et une étude de faisabilité. Un lourd chantier s’annonce ainsi, qui va malheureusement perturber le fonctionnement de la Bibliothèque au cours de cette année et sans doute frustrer nos lecteurs. ces travaux sont toutefois indispensables pour assurer, à l’avenir, les conditions optimales de conservation des collections. Nous le devons aussi à nos généreux donateurs.

Nous avons encore reçu cette année des dons de grand intérêt, essentiellement d’archives :

Je citerai le don très émouvant fait par Mme Annick Pasquier de documents concernant des résistants bretons, dont André Gueziec, fusillé 12 juillet 1941 ; également les dons de nouvelles archives du pasteur Boegner, de lettres de Jules Steeg à Maurice Schwalb, de documents du pasteur Blanquis. Les registres de la paroisse de Monneaux près de Château-Thierry ont rejoint nos collections grâce à Christiane Guttinger ; les archives de la Mission populaire évangélique ont été déposées par le pasteur Jean-Paul Morley. Et les archives de la « Post Fédé » des étudiants sont venues compléter le fonds de la Fédé. Enfin, plusieurs cartons de ses dessins ont été légués à la SHPF par Annie Valloton, dont la générosité s’était déjà amplement manifestée.

J’en viens au chapitre des musées sous l’égide de la SHPF et des institutions associées.

• Le musée Jean Calvin a connu en 2016 une baisse de fréquentation un peu moins marquée que celle de la plupart des musées français, grâce aux visiteurs étrangers ; le nombre des Coréens, en particulier, est encore en progression. Lors du comité mixte qui s’est réuni à Paris le 7 mars dernier, l’équipe de conservation, toujours privée de directeur, a présenté le bilan des activités du musée. Le projet d’extension du musée a été à nouveau discuté ; il est apparu nécessaire de l’étoffer, en vue de nouveaux contacts avec la DRAC des Hauts-de France.

• Au musée du Bois-Tiffrais, les travaux liés à l’installation du Fonds Vincent se sont poursuivis, et l’implication des bénévoles ne s’est pas démentie. La Fête de l’été a été présidée le 10 juillet par le pasteur François Clavairoly qui y a déclaré l’ouverture des commémorations du 500e anniversaire de la Réformation.

• L’Assemblée du musée du Désert l’est tenue le dimanche 4 septembre. Le thème en était « Les réfugiés protestants de la Révocation ». Le culte présidé par le pasteur Alain Arnoux a été suivi, l’après-midi, des allocations historiques de Pierre-Olivier Léchot et de Patrick Cabanel, des témoignages de Georgina et Antoine Dufoix, puis du message final d’Olivier Abel. Tout au long de l’été, différentes manifestations ont animé le musée et ainsi contribué à y attirer des publics variés.

Je voudrais enfin évoquer deux rassemblements qui se sont tenus au début de l’automne. L’un dans l’Aisne, au mémorial de la Boîte à Cailloux, sur le lieu des assemblées clandestines, réunies lors des rares passages de pasteurs ou de prédicants, notamment de Gardien Givry. L’autre, à 1 000 km de là, au mémorial huguenot de l’île Sainte-Marguerite, dans le fort où le même Gardien Givry et cinq autres ministres de la Parole subirent une longue et inhumaine détention, dont un seul réchappa.

C’est à Châtillon-Coligny que s’est tenu le XXXIe colloque européen des musées protestants du 28 avril au 1er mai, intitulé « Autour de Coligny ». Remarquablement organisé par Françoise Chevalier et son équipe, il a rassemblé près d’une cinquantaine de participants, représentants de musées protestants de France et de plusieurs pays européens : Allemagne, Hongrie, Italie, République tchèque. La figure de l’amiral, chef du parti huguenot, a dominé ces journées : de la conférence inaugurale d’Hugues Daussy à la visite sur sa tombe dans le parc du château familial, et aux projets commémoratifs des 500 ans de sa naissance en 2019.

Enfin, la réunion annuelle des musées du protestantisme s’est tenue ici-même, le 26 novembre. Elle a permis de faire émerger des propositions concrètes pour la formation des responsables et des bénévoles des musées et par ailleurs pour la conservation des archives des colloques que le Musée virtuel du protestantisme a accepté d’héberger.

Président à l’ensemble de ces responsabilités, le Comité a tenu en 2016, dix réunions au cours desquelles il a eu plaisir à entendre des communications scientifiques de qualité. Céline Borello a traité du « corps du prédicateur en chaire : nécessité et contraintes » ; Ruth Whelan a présenté ses travaux sur la correspondance d’Elie Bouhereau ; nous avons également entendu Daniel Fries sur l’évolution du musée virtuel, Françoise Chevalier sur le musée de Châtillon-Coligny et Christiane Guttinger aborder l’histoire des protestants de Monneaux-Nogentel. Sophie Vié est également venue présenter l’important fonds d’archives des familles Jauge et Harlé dont elle a effectué le classement.

Comme vous le constatez, l’année 2016 a été, pour la SHPF, largement marquée par la poursuite et surtout par la préparation de chantiers importants, et tous nécessaires, à mener en 2017 : la bibliothèque numérique autour de la collection d’Alfred André, les travaux de rénovation des magasins de la Bibliothèque du protestantisme, les travaux du musée du Désert et ceux du musée du Bois-Tiffrais, auxquels la « maison-mère » doit apporter un soutien. Les finances de la Société demeurent structurellement saines et le patrimoine immobilier, dont Fernand de Schickler a doté la SHPF, est géré très efficacement par le secrétaire général Jean-Hugues Carbonnier et le secrétaire général adjoint François Matter. Il n’en demeure pas moins que ces projets d’ampleur que la Société doit mener à bien pour poursuivre ses missions, tout en s’adaptant à la modernité, ont un impact financier qu’elle ne peut raisonnablement assumer avec ses seules ressources. Pour faire face à des dépenses exceptionnelles, la Société a toujours reçu le soutien d’amis généreux, dont les gestes, grands ou modestes, témoignent de l’attachement collectif des protestants français à leur mémoire et de l’intérêt suscité plus largement par l’histoire du protestantisme français.

Mais, réjouissons-nous ! L’année 2017 marque les 500 ans de la Réforme, en déployant son cortège de manifestations commémoratives. La SHPF est, bien sûr, au rendez-vous avec, d’abord, le numéro spécial de la Revue d’histoire du protestantisme consacré au « Luther des français » qui va sortir d’ici quelques semaines. En septembre, Patrick Cabanel et plusieurs membres de la Société participeront activement au grand colloque organisé par la Fédération protestante de France à l’Hôtel de Ville de Paris ; une exposition, co-organisée avec la Bibliothèque Mazarine, est également prévue à l’automne 2018 pour les 500 ans de l’arrivée en France, sinon de Luther, du moins des écrits de Luther.