Protestantisme et liberté de conscience « Leçons » du passé, questions d’aujourd’hui

Protestantisme et liberté de conscience « Leçons » du passé, questions d’aujourd’hui

Jean Baubérot

Directeur d’études honoraire à l’Ecole Pratique des Hautes Études – EPHE, Université PSL, CNRS, UMR 8582 GSRL, F-75017, Paris, FRANCE

Conférence prononcée à la Société de l’histoire du protestantisme français le 19 avril 2017.

« Protestantisme et liberté de conscience » : par son ampleur, ce titre pourrait annoncer la tenue d’un séminaire ! Je vais donc me restreindre à la période de 1789 à 1905 (ce qui est déjà beaucoup) et à l’action de la minorité protestante en France. La raison d’un tel choix est simple. Pour l’intellectuel moyen, cousin sophistiqué du Français moyen, pour certains protestants également, 1789 marque la fin de la partie : grâce à la Révolution française, les protestants auraient obtenu la liberté de conscience, et ainsi clos leur histoire spécifique.

En fait, le combat pour la liberté de conscience n’est jamais achevé. Cependant, 1789 en marque une étape essentielle, et 1905 une autre tout aussi importante. Trois séquences vont permettre d’esquisser quelques jalons. La première et la troisième seront consacrées à ces dates emblématiques, la seconde tentera un panoramique sur le xixe siècle1.

Une précision sur le sous-titre : l’Histoire ne comporte pas de leçons qui s’imposeraient scientifiquement. Cependant, chaque citoyen peut y trouver matière à réflexion. C’est pourquoi, il s’agira davantage de questions que de réponses. Deux écueils me semblent devoir être évités. Le premier consisterait à croire qu’il existerait une France immémoriale, arrimée à des racines éternelles. Le second serait, pour reprendre l’expression de l’historien François Hartog, le « présentisme », ignorant ou oublieux de la réalité du passé, comme si chaque jour s’inventait un monde sans épaisseur historique2.

Première séquence : 1789

La France est toujours régie par l’adage une foi, une loi, un roi, un peu adouci par l’édit de tolérance de 1787. Pierre Chaunu résume la situation de l’Ancien Régime par la métaphore de l’élastique. Selon lui, en avance sur « les mentalités et les normes du xvie siècle, [l’édit de Nantes] avait tiré très fort dans un sens ». À la fin du xvii -->e et au xviii -->e siècle, la Révocation et ses suites induisent « une autre anomalie, en symétrique inverse3 ». La France, d’abord à l’avant-garde des standards européens, est passée à l’arrière-garde, alors que des formes de tolérance émergent en Grande-Bretagne et dans le monde germanique. L’Édit de 1787 ne permet pas de rattraper le peloton de tête, ne réglant, en fait, que le problème du mariage des protestants. Nous le savons, mais il faut le redire pour deux raisons.

– D’abord afin de rectifier une histoire légendaire : ainsi, un Rapport remis au Premier ministre, en 2007, prétend que l’Édit « [rétablit] avant la Révolution la liberté de culte pour les protestants4 ». Cette idée erronée reste assez répandue.

– Ensuite, parce que la création d’un mariage civil pour les protestants intervient, précisément, parce que l’on refuse d’admettre comme légitime les cérémonies religieuses présidées par des pasteurs. Si, ailleurs, se produit une reconnaissance progressive du pluralisme religieux, en France la méfiance à l’égard de ce pluralisme induit, pour une minorité que l’on n’a pas réussi à éradiquer, un élargissement de la sphère civile par rapport à la sphère religieuse, embryon de ce qui sera la voie française vers la liberté de conscience. Lors la Révolution, cinq ans après l’Édit, l’état civil pour tous sera instauré et constituera une des premières mesures phares de laïcisation.

Lors de l’élaboration de la Déclaration des Droits5, le projet mis en discussion prévoyait l’existence « d’un culte public », un et un seul. Ce projet affirmait ensuite : « tout citoyen qui ne trouble pas le culte établi ne doit point être inquiété ». Rabaut Saint-Étienne prononce alors son célèbre discours. Plusieurs d’entre nous, j’en suis sûr, connaissent par cœur ses passages les plus notoires. J’en cite un : réduits à célébrer leur culte « dans les déserts », les protestants doivent « se dérober comme des criminels à la tyrannie de la loi ». Ce n’est donc « pas la Tolérance que je réclame ; c’est la liberté. La Tolérance ! […] je demande que soit proscrit à son tour, et il le sera, ce mot injuste qui ne nous présente que comme des Citoyens dignes de pitié, des coupables auxquels on pardonne. […] Je demande donc […] pour tous les non-Catholiques du Royaume […] la liberté, l’égalité de droits6. »

Belle envolée, prononcée la veille de la Saint-Barthélemy. Cependant, l’historien doit chercher à comprendre les différentes positions des acteurs, ce qui ne signifie ni approuver, ni même excuser7. Il faut donc prendre en compte les raisons du projet initial. Celui-ci est congruent avec l’époque. L’historienne Rita Hermon-Belot indique que les Lumières suscitent un engouement « extraordinaire » pour « ce qui est “public” », ce qui renforce « l’idée de la nécessité d’une unité religieuse ». Elle ajoute : « Si la pluralité vient à la visibilité dans l’espace public, elle ne peut le faire que sur le mode du trouble à la “tranquillité” publique8. » De plus, le projet révolutionnaire implique une idée forte de l’unité nationale : Il ne faut pas fragmenter la société, faire renaître les querelles religieuses séculaires, qui ont conduit à tant de violences.

Dans cette optique, le culte catholique reste le seul culte public autorisé, tout en n’étant plus un culte imposé. La liberté de conscience est circonscrite à l’individu dans sa sphère privée, au culte obscur. Aller plus loin ouvrirait la boîte de Pandore. Si on proclame, comme le demande Rabaut, non la tolérance mais la liberté, où celle-ci s’arrêtera-t-elle ? Avec audace, le pasteur a réclamé la liberté de conscience comme liberté publique, l’accès des non catholiques à l’égalité juridique, donc l’instauration d’un pluralisme sans limites fixées à l’avance. Cette liberté aurait des conséquences prévisibles sur la morale sociale et la vie publique. Déjà luthériens et réformés alsaciens réclament le droit au divorce. On sait que le mariage civil sera instauré, et le divorce autorisé, dès 1792. C’est l’ordonnancement même de la société française qui se trouve atteint.

Finalement, l’article 10 de la Déclaration des Droits proclame : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » Cet article constitue aujourd’hui le fondement constitutionnel de la liberté de conscience. Cependant, il en est fait une interprétation qui ne correspond pas à celle des contemporains. En effet, en 1789, la partie essentielle de la proposition de Rabaut : « Tout citoyen a le droit de professer librement son culte », n’a pas été reprise. L’article adopté reste muet sur la liberté de culte. S’il ne réaffirme pas l’unicité du culte public, il ne rompt pas non plus avec cette optique. Semi victoire ou semi défaite ? Rabaut et ses amis s’estiment battus. La Constitution de 1791, et surtout ce que l’on peut appeler le « cours de l’Histoire », montreront qu’ils avaient pourtant gagné. L’événement n’a rien d’instantané : ce sont ses suites à moyen et long terme qui lui donnent sens.

Reste que, malgré la tentative du protestant Boissy d’Anglas de séparer l’Église et l’État en février 1795, la Révolution fut l’époque de l’impossible liberté de conscience. Les persécutions que subirent protestantisme, judaïsme et Église constitutionnelle montrent que le conflit des deux France et la lutte envers la contre-révolution ne constituent pas une explication suffisante. La liberté fut comprise comme l’émancipation, la sortie de la religion, considérée comme tendanciellement fanatique et superstitieuse. La France ne s’est peut-être jamais totalement remise de ces années tumultueuses où elle accéda à la modernité.

En effet, cette séquence, lointaine dans le temps, est riche de questions qui ne sont pas si inactuelles. La différence d’interprétation de l’article 10 entre 1789 et le Conseil Constitutionnel aujourd’hui montre qu’il n’existe pas de conception unique, évidente de la liberté de conscience. Sa définition légitime constitue toujours un enjeu politique et social. Tolérance et liberté de conscience sont des termes qui peuvent d’ailleurs être employés comme des quasi-synonymes ou, au contraire, nettement opposés ainsi que le fit Rabaut. Tendanciellement, ce sont les majoritaires qui tendent à utiliser les deux mots de façon équivalente, et des minoritaires qui les différencient en demandant une égale liberté.

Doit-on revendiquer alors la liberté de conscience, ainsi comprise, en sa seule faveur ou bien la demander pour tous, y compris pour ceux qui sont considérés comme plus illégitimes et plus dangereux que soi-même ? On fit reproche à Rabaut d’avoir desservi sa cause en demandant aussi la liberté pour les juifs, au lieu de s’en tenir aux seuls protestants. Maintenant cette ouverture à l’autre contribue à la grandeur de son propos. Mais il fut, à l’époque, accusé d’irréalisme : ce qui est devenu une évidence morale n’était qu’une position hasardeuse, contestable. D’où l’interrogation suivante : quels jugements éthiques seront portés, dans un siècle ou deux, sur ce qui est considéré, aujourd’hui, comme imprudent, voire douteux ?

Une divergence manifeste de situation se conjugue, en effet, avec une analogie, une permanence, des problèmes en jeu. Le rappel par Rita Hermont-Belot de la tension, voire pour certains de l ’opposition, au tout début de la Révolution, entre l’expression d’une pluralité visible dans l’espace public et les nécessités de l’unité nationale apparaît significatif. Car cette tension, sous d’autres formes, nous allons la retrouver en poursuivant notre parcours.

Seconde séquence : petit panoramique sur le xixe siècle

Il revint à Napoléon Bonaparte de clore l’effervescence révolutionnaire et d’opérer une pacification autoritaire. La plupart des historiens parlent du système concordataire9, il serait plus exact d’utiliser l’expression de régime des cultes reconnus, en vigueur de 1802 à 1905 et toujours aujourd’hui en Alsace-Moselle. En effet, l’appellation système concordataire masque la tentative d’un pluralisme religieux limité, qui conjugue une certaine officialité avec une relative liberté. Juridiquement, les cultes reconnus catholique, luthérien et réformé, puis israélite, reçoivent, avec les Articles organiques, un statut juridique analogue, même si le catholicisme, dit « religion de la grande majorité des Français », reste en fait privilégié. Mais protestants et juifs sont des citoyens à part entière, ce que catholiques et juifs anglais ne deviendront que progressivement10.

Le sacre impérial du 2 décembre 1804 montre l’ambivalence de la situation : vingt pasteurs sont invités, ce qui consacre l’officialisation des cultes luthérien et réformé. Mais la cérémonie comporte la célébration du Saint-Sacrement, ce qui oblige ces pasteurs à une réserve gestuelle un peu compliquée. Par ailleurs, les conditions d’élection des anciens, la non-tenue des synodes et d’autres dispositions, marquent les limites de la liberté retrouvée. Comme les autres cultes reconnus, les deux cultes protestants constituent un instrument de moralisation et de civisme au service de l’État ; leur autonomie s’arrête quand le pouvoir politique estime que ses intérêts propres sont en jeu.

Cependant, si on excepte la Terreur Blanche de 1815, la liberté de culte des cultes reconnus est, en général, réelle. Est-ce suffisant pour que la liberté de conscience se trouve réalisée ? En tant que liberté publique, non. Le catholicisme reste omniprésent dans la vie sociale. Rendre effective la liberté de conscience, déshabituer la France à vivre dans l’unité religieuse, l’empêcher de se considérer comme une nation catholique, tel est le défi, largement ignoré par la mémoire collective, auquel se confrontent les protestants français.

Mesure emblématique, le droit au divorce est aboli en 1816 et ne sera rétabli qu’en 1884. D’autre part, chacun doit orner le devant de sa maison en l’honneur du Saint-Sacrement, lors du passage des processions. En 1817-1818 des procès sont intentés contre les protestants qui refusent cette marque d’allégeance. L’un des condamnés, après deux pourvois en cassation, est finalement acquitté. L’affaire a mobilisé des protestants de la France entière et largement dépassé le cadre du protestantisme. Se joue là, en effet, le droit d’être un catholique en relation de proximité et de distance avec son Église, comme le droit d’être juif, ou indifférent en matière de religion11. Or les protestants pouvaient revendiquer leur liberté moins difficilement que ces autres catégories de la population. Le protestantisme a donc occupé une position stratégique en matière d’établissement de la liberté de conscience.

Au cours du xixe siècle, cette liberté d’exister autrement que ne le dicte la norme religieuse doit être conquise dans tous les domaines. La petite minorité huguenote est perçue comme une menace et chaque construction de temple donne lieu à des plaintes contre « l’envahissement protestant12 ». En maints endroits, les protestants doivent envoyer leurs enfants dans des écoles catholiques ou les priver d’instruction. De même, le réseau d’assistance et de soins hospitaliers étant assuré par des religieuses, quand malades, infirmes, pauvres et vieillards protestants vont à l’asile ou à l’hospice, ils peuvent subir des pressions destinées à les convertir.

La création d’œuvres correspond donc à un nécessaire réenracinement des protestants dans le protestantisme. Le rôle des écoles protestantes, fondamental pour les enfants, n’est pas négligeable auprès des adultes. Fondées par une Société protestante, elles peuvent, grâce à la loi Guizot de 1833, devenir des écoles communales quand elles sont solidement établies. La fondation d’hôpitaux protestants participe de la même logique de concrétisation de la liberté religieuse.

Cette position se marque aussi par l’alliance de protestants fervents et de catholiques occasionnels dans la société de la morale chrétienne qui lutte, entre autres, pour les droits des différentes minorités religieuses en Europe. À deux reprises, en 1826 et en 1837, cette Société décerne un prix au théologien revivaliste de Lausanne Alexandre Vinet, dont l’influence s’exercera tout au long du siècle.

Les mémoires couronnés constituent une apologie de la liberté de conscience. Celle-ci ne se réduit pas, pour Vinet, au choix « entre une religion et une autre », elle signifie également le droit de « rester étranger » à toute forme et organisation religieuses, la possibilité de « manifester son incrédulité » : les voix ennemies de la religion, écrit-il, doivent pouvoir s’exprimer « aussi librement qu’elle, sachant qu’il n’y a point de vraie foi sans conviction, ni de conviction sans examen13 ».

Or, le pluralisme des cultes reconnus est conçu comme un pluralisme statique : chaque culte assure les besoins religieux de ses fidèles. Ceux que l’Administration nomme les « protestants sages » s’en tiennent souvent à ce cadre. Mais, voulant « apporter l’Évangile à la France », les protestants pas sages, dont certains sont baptistes, évangéliques libres, méthodistes…, et donc ne sont pas inclus dans ce régime des cultes reconnus, sont considérés comme des éléments perturbateurs. Ils privilégient en effet une conception dynamique du pluralisme, comportant le droit de changer de religion. Le colportage, l’évangélisation deviennent source de conflits récurrents. Des prêtres brûlent les Bibles distribuées ou vendues, les qualifiant de « livres de mensonges ». De leur côté, certaines brochures protestantes dénoncent, dans le catholicisme, une « religion d’argent14 ».

À partir des années 1840, de petits mouvements collectifs se produisent en faveur du protestantisme, composés de membres de classes modestes. Hors des édifices religieux luthériens et réformés s’applique non la liberté, mais la simple tolérance. Certains cultes sont suspendus, des procès ont lieu, puis, après enquête, les choses s’apaisent. Au début du Second Empire, il en va tout autrement : dans l’Aisne, l’Aube, la Charente, l’Eure, la Haute-Vienne, l’Orne, la Sarthe, la Saône-et-Loire, l’Yonne, des temples sont fermés, des écoles protestantes et des cultes sont interdits. Laïcs, évangélistes et pasteurs sont condamnés à des amendes qu’ils refusent de payer. Sept d’entre eux sont emprisonnés. En certains endroits, des cultes clandestins sont organisés dans les bois et les champs, avec des systèmes de guetteurs15.

Des campagnes de presse défendent ces protestants. Ainsi, l’écrivain libéral Prévost-Paradol écrit : « Il est des causes qui sont si intimement liées à celle de la liberté qu’elles ne font qu’un avec elle. Telle est la cause des dissidents ». En revanche, le préfet de Charente déplore « cet esprit d’indépendance et de rébellion morale qui, mettant [les « dissidents »] en hostilité déclarée contre l’autorité religieuse, les prédispose tout naturellement au mépris de l’autorité civile et politique ». De son côté, le procureur général de Limoges écrit : « lorsque des diversités de croyances éclatent dans la partie ignorante et misérable du peuple, elles sont dangereuses. Le schisme détruit les habitudes de résignation et d’obéissance […]. L’idée des devoirs disparaît et fait place à la théorie des droits du peuple ». Quant aux catholiques, ils n’ont de cesse de dénoncer un « plan de subversion très cohérent », alimenté par « l’Or anglais », où la Bible, livrée à l’interprétation de chacun, conduit à légitimer « toutes les aberrations de l’esprit humain16 ».

Si, peu à peu, la pratique religieuse des nouveaux protestants est réautorisée, d’autres atteintes se produisent sous l’Ordre Moral, lors des années 1870. De fait, la liberté des cultes non reconnus ne devient effective qu’en 1881, dans le cadre des lois de libertés publiques de la Troisième République17.

Outre le sang neuf pour le protestantisme, l’importance historique de ces conversions tient à leur apport dans la construction concrète du pluralisme religieux, d’une liberté de culte effective. Et si les protestants sages ont essentiellement défendu les droits de leurs coreligionnaires, des protestants pas sages, tel des évangéliques libres comme le sénateur Agénor de Gasparin ou le pasteur Edmond de Pressensé, ont également lutté pour la possibilité d’« attaquer » les religions, de « travailler sérieusement à leur destruction ». La « vérité » ne doit pas « s’abriter derrière un arrêt de tribunal » ; on doit pouvoir « mettre la vérité au concours ».

Mais, même les protestants dits sages s ’avèrent parfois des fauteurs de troubles. Ainsi mariages et enterrements permettent de s’adresser à un auditoire où les catholiques sont souvent majoritaires. Voilà autant d’occasions de réfuter ce que les pasteurs appellent les « idolâtries » du catholicisme, telle la croyance que les enfants morts sans baptême sont privés du salut. Cette position théologique n’est pas sans conséquences dans la vie sociale : en cas d’accouchement difficile la croyance que l’enfant mort-né sera « damné » conduit à le sauver, plutôt que sa mère. Les protestants, eux, cautionnent les médecins qui choisissent de sauver prioritairement l’accouchée.

Nombreuses sont les questions que l’étude du xixe siècle peut conduire à poser, même si depuis lors les mutations sont nombreuses. Bien sûr, nous sommes dans un pays laïque, mais est-ce à dire que toute nostalgie, tout reste du régime des cultes reconnus soient abolis18 ? Face à une société largement indifférente au religieux, n’est-il pas tentant de rechercher une sorte de reconnaissance de l’État, un petit coup de pouce qui ferait que certaines croyances seraient plus légitimes que d’autres, ou qu’il vaudrait mieux croire que ne pas croire ? Or le politique raisonne en fonction de ses intérêts propres.

Le défi de la sécularisation n’est-il pas, avant tout, celui de la vitalité des Églises ? Est-ce le rôle de l’État d’y répondre d’une quelconque manière ? Souhaiter des prises de position de la puissance publique favorables à la religion ne comporte-t-il pas le risque de dilemmes futurs ? Et dès maintenant, n’implique-t-il pas un basculement de la religion de la conviction personnelle à l’identité collective : la France aurait des « racines chrétiennes », comme hier elle était la « fille aînée de l’Église ».

Les deux propos ne sont d’ailleurs pas si différents qu’il le semble. Logiquement, pour la situation présente, j’ai parlé d’Églises au pluriel. Fait majeur, l’œcuménisme a considérablement changé la donne. L’a-t-il définitivement bouleversée19 ? La France s’est-elle totalement acclimatée au pluralisme religieux ? Il est possible de poser la question quand les médias parlent, de façon récurrente, de l’Église, comme s’il n’en existait qu’une, ou quand le terme de « prosélytisme » est systématiquement utilisé de façon péjorative et tend, certes d’une autre manière qu’autrefois, à considérer le pluralisme de façon plus statique que dynamique. Le sociologue Sébastien Fath parle, pour certains groupements évangéliques, de « l’évangélisme des caves », vu les conditions dans lesquelles s’effectuent certains de leurs offices religieux. D’autre part, beaucoup de Français voudraient toujours que la vie sociale, l’espace public ne se trouvent pas affectés par la pluralité religieuse, que celle-ci soit la moins visible possible. La Constitution française affirme que notre pays est une « République laïque » qui « respecte toutes les croyances20 » ; mais, significativement, cette dernière indication est fort peu citée, au contraire de l’expression « la République une et indivisible », bien que le terme de « une » ne figure nullement dans la Constitution.

Troisième séquence : 1905 et l’établissement de la laïcité

Gagnons du temps en faisant presque l’impasse sur 1882 et la laïcisation de l’école publique. Les travaux de Patrick Cabanel21 ont largement abordé ce point. Je suppose donc connu le rôle déterminant du trio Buisson-Pécaut-Steeg, ultra-libéraux à la frontière du protestantisme et de la libre-pensée, ainsi que l’engagement de beaucoup de protestant.e.s, notamment de filles de pasteurs, dans les cadres de l’école laïque.

Je me limiterai à deux indications. La première est la circulaire de novembre 1882 sur l’enlèvement des crucifix des salles de classe, circulaire rédigée par Ferdinand Buisson. Cette suppression doit s’effectuer au cas par cas, en tenant compte du « vœu des populations ». En effet, indique le texte, la loi de laïcisation n’est pas « une loi de combat » mais une grande loi « destinée à vivre avec le pays, à entrer dans ses mœurs ». Il ne faut pas risquer de « porter le trouble dans les familles ou dans les écoles ». La laïcité est donc à la fois rupture et accommodement.

Seconde indication : le rapporteur de la Commission du ministère de l’Instruction publique, chargée de vérifier que les manuels de morale ne contiennent « rien qui rappelle cette absurde et dangereuse synonymie entre irreligion et laïcité », n’est autre que le pasteur évangélique libre Edmond de Pressensé. Le gouvernement estime que ce choix doit rassurer les évêques22. Curieusement, cela ne s’avère pas le cas !

Le manuel de Jules Steeg figure alors parmi ceux qui sont mis à l’Index, car il contient des phrases telles que « tous les cultes sont libres et doivent le rester23 ». Quand arrive le temps de la séparation des Églises et de l’État, la situation n’a guère évolué : l’Église catholique oppose toujours la « liberté des consciences » à la « liberté de conscience ». Avec la « liberté des consciences », explique l’historien Émile Poulat, « la conscience se soumet librement à l’autorité reconnue de la religion », et spécialement à l’autorité du pape. Au contraire, pour la « liberté de conscience », la « conscience est l’instance suprême, qui se détermine souverainement en matière de croyance et de religion ». C’est l’« émergence » et le « développement de la compréhension moderne de la liberté24 ».

On retrouve le débat de 1789. Mais la situation a changé : après l’affaire Dreyfus, le Bloc des gauches applique une politique anticléricale rigoureuse, que certains protestants approuvent par peur des jésuites, qui « seraient partout sauf au ciel » ! Faut-il aller jusqu’à la séparation des Églises et de l’État ? En juillet 1902, le synode officieux des réformés évangéliques se déclare « favorable en principe à la séparation », et l’un de ses plus éminents membres, le député radical Eugène Réveillaud, fait voter par la Chambre, en octobre suivant, une

Commission pour la préparer. Pendant l’hiver 1902-1903, Réveillaud organise des réunions discrètes de dirigeants réformés-évangéliques, tenues au domicile de leur président Élisée Lacheret. Ce petit groupe élabore une proposition de loi.

En avril 1903 cependant, la première proposition parlementaire qui présente un projet complet de séparation est rédigée par le socialiste Francis de Pressensé, fils d’Edmond, devenu agnostique, mais souvent qualifié de « protestant », voire de « pasteur ». Celle-ci proclame « la liberté des opinions, la liberté de conscience et de croyance ». Mais elle comporte des dispositions de police strictes car, avec l’affaire Dreyfus, les Républicains estiment que le catholicisme représente un danger virtuel pour l’ordre public. Les minorités risquent d’être entraînées par l’aggravation du conflit des deux France.

Cependant la proposition de Réveillaud, issue des réunions discrètes dont nous venons de parler, est déposée deux mois plus tard. Ce texte affirme « La République assure et garantit la liberté de conscience et de culte », formulation à l’origine du début de l’article 1 de la loi adoptée en 1905. Le régime des futures associations cultuelles est calqué sur la loi de 1901, et les dispositions de police des cultes sont nettement moins strictes que celles prévues par Pressensé.

Diverses propositions de loi ont été déposées, mais la Commission parlementaire, dont le président n’est autre que Ferdinand Buisson, prend surtout en considération celles de Pressensé et de Réveillaud. Animée par Aristide Briand, son avant-projet apparaît comme un compromis entre les deux. On voit déjà là l’influence protestante dans sa diversité. Cependant, tout se trouve remis en question quand, le conflit avec le pape se radicalisant, Émile Combes dépose, en novembre 1904, un projet de loi qui n’évoque jamais la liberté de conscience et dont plusieurs dispositions portent atteinte au libre exercice des cultes.

Pour riposter, les protestants choisissent de s’exprimer dans le quotidien Le Siècle, dont le directeur et le rédacteur en chef sont des agnostiques de culture protestante. Une campagne de presse s’organise, dirigée par l’évangélique libre Raoul Allier. L’historien Jean-Marie Mayeur estime que cette initiative fut décisive dans l’« l’échec du projet Combes » et qu’elle « orienta les esprits vers la recherche d’une séparation véritablement libérale ». Il ajoute : « les personnalités dirigeantes du protestantisme français jouèrent là un rôle considérable25 ». Précisons, et c’est une possible leçon pour aujourd’hui, que des protestants vivant leur protestantisme de façon très divergente ont contribué ensemble à cette réussite26.

L’influence protestante se marque également dans d’autres occasions. Ainsi, l’attribution des édifices du culte, propriétés publiques, constitue un problème capital dont Pressensé trouve la solution en étudiant les législations écossaise et américaine. Tout agnostique qu’il soit, sa culture protestante lui sert ! C’est l’article 4 qui prend explicitement en compte l’aspect collectif de la liberté de conscience. D’autre part, le juriste Louis Méjan, frère du secrétaire général des Églises réformées évangéliques, devient le conseiller d’Aristide Briand, rapporteur de la Commission. Il sera ensuite son chef de cabinet, veillant à une application de la loi conforme à son esprit libéral, malgré le refus catholique de s’y conformer.

Certains protestants ont donc joué un rôle essentiel en 1905, ce qui a été minimisé lors de la célébration du centenaire. Si la séparation des Églises et de l’État implique la liberté de conscience en tant que liberté publique, c’est en partie grâce à eux. Certes, la tension entre liberté et ordre public demeure. Elle constitue l’enjeu démocratique par excellence, quel que soit le domaine couvert par la liberté. Et il faut ajouter que le projet Réveillaud était moins libéral en ce qui concerne les manifestations de la religion dans l’espace public que la loi elle-même. En 1905, en matière de conscience, la liberté devient la règle, et les « restrictions » prévues par la loi « dans l’intérêt de l’ordre public » constituent l’exception, en témoigne l’évolution rapide de la jurisprudence du Conseil d’État.

Aujourd’hui, de l’extrême gauche à l’extrême droite, l’ensemble de la sphère politique se réclame de la loi de 1905, sans se référer toujours de façon précise au contenu de cette loi. Celle-ci est plutôt invoquée, de façon incantatoire, comme une sorte de mantra, censée purifier un karma républicain. Dans les discours publics, la laïcité est moins reliée à la liberté de conscience qu’à la neutralité. Le débat s’est déplacé : la neutralité est-elle uniquement celle de l ’État, arbitre, ou peut-elle être exigée, dans certains cas, de la part des citoyennes et des citoyens ?

Certains affirment que les croyances sont de l’ordre de l’intime. Dans cette perspective, la laïcité apparaît perpétuellement « menacée » car une telle affirmation rend impossible d’effectuer un tri entre ce qui peut effectivement porter atteinte au dispositif juridique de laïcité et ce qui n’est, en fait, que l’application de ce principe de laïcité, tel qu’il s’est établi en France. Ainsi, un médecin évoquait récemment, à la télévision, la présence d’un aumônier, rétribué sur fonds publics, dans son service hospitalier, comme une entrave à la laïcité alors que cela est prévu par la loi de 1905, au nom du « libre exercice des cultes ».

Remarques conclusives

Deux remarques permettront de conclure. Tout d’abord, l’historien n’a pas à trancher le débat, permanent dans une société démocratique, sur les critères qui permettent d’établir les nécessités d’ordre public limitant de façon proportionnée la liberté de conscience ; il participe à ce débat comme citoyen. Il peut cependant tenter de rectifier certaines affirmations. Ainsi, on entend souvent dire : « les choses étaient simples, lors de la loi Ferry sur l’école ou en 1905, car la société française était homogène. Maintenant, elle est plurielle et c’est beaucoup plus compliqué ». C’est un anachronisme, car jamais la société ne s’est considérée comme homogène. En 1881, Émile Zola opposait les « races protestantes » du Nord à la France de « race latine », accusait les protestants de « défranciser » le pays et concluait : « qu’ils s’en aillent27 ! ». Quelques années plus tard l’évêque-député, Mgr Freppel, affirmait que la loi rétablissant le droit au divorce était la énième manifestation d’un « complot juif ». Et, pendant des décennies, des anticléricaux déclarèrent que faire voter les femmes amènerait la domination des curés28. C’est une France déchirée qui aborde le tournant du xixe et du xxe siècle.

Mon ultime remarque me permettra d’en revenir à Rabaut Saint-Étienne. Si on comprend qu’il ait récusé « la tolérance », dans le contexte de 1789, doit-on aujourd’hui prendre son discours au pied de la lettre ? La tolérance est souvent dépréciée, renvoyée à la condescendance. Elle consisterait à admettre la dissemblance comme un moindre mal, alors que la liberté serait une reconnaissance positive de l’autre, de son droit à la différence.

L’affaire me semble plus complexe pour trois raisons. D’abord, dans la réalité historique de l’Occident, ce que l’on appelle la liberté est né de ce que l’on nomme la tolérance. Souvent le passage de l’une à l’autre s’est effectué dans une certaine continuité. Rappelons-nous la déception de Rabaut Saint-Étienne et de ses amis quant à la formulation ambiguë de l’article 10.

Ensuite parce que, fréquemment, qui veut faire l’ange fait la bête : il arrive un moment où ceux qui exaltent la liberté comme absolu finissent par énoncer pas de liberté, ni même de tolérance, pour les ennemis de la liberté, ou du moins ceux qui sont désignés comme tels. La liberté peut être libération, mais attention de ne pas libérer les autres malgré eux.

Enfin, et là se joue peut-être l’essentiel, la dépréciation de la tolérance met entre parenthèse le problème de la vérité. La vérité, c’est un terme qui n’a pas bonne presse aujourd’hui. Pourtant, c’est au nom de la vérité que Rabaut Saint-Étienne défend la liberté : ce que chacun croit être « la vérité », affirme-t-il, « il est obligé de la professer et nul homme, nulle société n’a le droit de le lui défendre ». Or, l’attachement à la vérité induit une dialectique entre liberté et tolérance : pour l’État, qui a le monopole de la violence légitime, comme l’a énoncé la loi de 1905, la liberté doit être la règle et les limitations d’ordre public l’exception. Mais, afin de pouvoir librement cheminer vers la vérité, chacun a le droit de porter des jugements de valeur et d’estimer que les diverses convictions ne sont nullement équivalentes29. Pour l’exercice de la citoyenneté, la tolérance reste donc un bien précieux.

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1. On trouvera des développements sur les différents thèmes abordés ici ainsi que, d’une manière générale, sur l’apport de la minorité protestante à la construction historique de la modernité française in Jean Baubérot – Marianne Carbonnier, Histoire des protestants. Une minorité en France, Paris : Ellipse, 2016.

2. Cf. François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris : Seuil, 2012.

3. Pierre Chaunu, « L a décision royale ( ?) : un système de la Révocation », in : Roger Zuber – Laurent Theis (éd.), La Révocation de l’édit de Nantes et le protestantisme français, Paris : SHPF, 1986, p. 20.

4. Haut Conseil à l’Intégration, Charte de la laïcité dans les services publics et autres avis, Paris : La Documentation française, 2007, p. 193. Cet historique minore fortement les persécutions subies par les protestants sous l’Ancien Régime et comporte nombre d’erreurs (ainsi il est affirmé que Jules Ferry était protestant !).

5. Sur l’ensemble des problèmes posés par la Déclaration des droits de 1789, cf. Valentine Zuber, Le culte des droits de l’homme, Paris : Gallimard, 2014.

6. Publié in André Dupont, Rabaut Saint-Etienne. 1743-1793. Un protestant défenseur de la liberté religieuse, 2e éd. Genève : Labor et Fides, 1989, p. 149-158.

7. Cf. Bernard Lahire, Pour la sociologie et pour en finir avec une prétendue culture de l’excuse, Paris : La Découverte, 2016.

8. Rita Hermon-Belot, Aux sources de l’idée laïque. Révolution et pluralité religieuse, Paris : Odile Jacob, 2015, p. 42.

9. Cf., par exemple, Jean-Michel Leniaud, L’administration des cultes pendant la période concordataire, Paris : Nouvelles éditions latine, 1988.

10. f. Jean Baubérot – Séverine Mathieu, Religion, modernité et culture au Royaume-Uni et en France, Paris : Seuil, 2002.

11. L’avocat de la défense, Odilon Barrot, catholique cévenol, s’illustre dans cette affaire en déclarant : « L a loi n’est plus d’aucune religion, elle ne connaît que des citoyens ».

12. Cf. Michèle Saquin, Entre Bossuet et Maurras. L’antiprotestantisme en France de 1814 à 1870, Paris : Champion, 1998.

13. Cf. J. Baubérot, « A lexandre Vinet, combattant de la liberté de conscience » in : Florence Bourillon – Rémi Fabre – Michel Rapoport (éd.), Affirmations de foi. Études d’histoire religieuse et culturelles offerte à André Encrevé, Paris : Ed. Brière, 2012, p. 229-238.

14.Titre d’une brochure de l’évangéliste Napoléon Roussel.

15. Cf. Jean Baubérot, « C onversions collectives au protestantisme et religion populaire en France », in Coll., La religion populaire, Paris : CNRS, 1979, p. 159-170 et, sur le cas de la Haute- Vienne, « L e pluralisme difficile : les communautés protestantes en Haute-Vienne au xixe siècle », in Franck Frégosi – Jean-Paul Willaime (éd.), Le religieux dans la commune. Les régulations locales du pluralisme religieux en France, Genève : Labor et Fides, 2001, p. 207-223.

16. Cf. Jean-Yves Carluer, « C olporteurs bibliques et colporteurs évangéliques (1837-1860) : deux visages de l’évangélisation protestante », BSHPF 149 (2003), p. 719-737. Cet auteur montre que les autorités administratives et diocésaines ont perçu les divisions entre protestants comme une suprême habileté.

17. Plus précisément la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion, qui substitue une simple déclaration préalable à l’autorisation préalable.

18. C’est la question que pose, notamment, Sébastien Fath : « S urvivances concordataires : à quand le musée ? », in Valentine Zuber – Patrick Cabanel – Raphaël Liogier (éd.), Croire, s’engager, chercher. Autour de Jean Baubérot, du protestantisme à la laïcité, Turnhout : Brepols, 2016, p. 197- 206.

19. Étant une conviction forte dans le protestantisme français actuel, l’œcuménisme n’est guère passé au crible de la réflexion sociologique. Pourtant, des analyses existent, telles celles proposées in Jean-Paul Willaime (éd.), Vers de nouveaux oecuménismes, Paris : Cerf, 1989.

20. On me permettra une anecdote personnelle : ayant témoigné, à la demande de la Ligue des droits de l’homme, dans un procès, j’ai mentionné que cette expression figure dans la Constitution : j’ai été aussitôt victime d’une campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux : n’ayant pas compris ou ne voulant pas comprendre que j’avais effectué une citation, on m’accusait, en substance, de vouloir que la République « respecte toute les croyances ». Propos, en effet, extrêmement scandaleux !

21. Cf. notamment Patrick Cabanel, Le Dieu de la République. Aux sources protestantes de la laïcité (1860-1900), Rennes : PUR, 2003 et Ferdinand Buisson. Père de l’école laïque, Genève : Labor et Fides, 2016.

22. Sur ces deux points, cf. J. Baubérot, La morale laïque contre l’ordre moral sous la Troisième République, Paris : Seuil, 1997 (réédit. Archives Karéline, 2009).

23. Cf. le texte de la condamnation de la Sacré Congrégation de l’Index, in Pierre Chevallier, La séparation de l’Église et de l’école, Paris : Fayard, 1981, p. 459s.

24. Émile Poulat, Laïcité-Liberté. La guerre des deux France et le principe de la modernité, Paris : Cerf/ Cujas, 1988, p. 85.

25. Jean-Marie Mayeur, La séparation des Églises et de l’État, Paris : L ’Atelier, 2005 (3e éd.), p. 43.

26. Ainsi le réformé-évangélique Louis Méjan, conseiller d’Aristide Briand, écrit, à propos de Ferdinand Buisson (qui se situe à la frontière du protestantisme et de la libre-pensée) : « Il travaillait volontiers avec moi. Mon protestantisme lui inspirait confiance » (cf. Lucie-Violette Méjan, La séparation des Églises et de l’État. L’oeuvre de Louis Méjan, Paris, PUF, 1959, p. 91).

27. Sur l’antiprotestantisme de cette époque cf. Jean Baubérot – Valentine Zuber, Une haine oubliée. L’antiprotestantisme avant le pacte laïque (1870-1905), Paris : Albin Michel, 2000.

28. Un exemple parmi d’autres : en 1913, quand Ferdinand Buisson prône (« généreuse folie ») le vote des femmes aux élections municipales, il est accusé, au sein de son propre parti, d’être « un poète » qui va rendre « heureux » les curés (cf. P. Cabanel, Ferdinand Buisson. Père de l’école laïque, op . cit., 2016, p. 366s).

29. C’est cette tension qui a été vécue par le pasteur Roger Williams (1603-1683) dont la pensée et l’action ne sont pas assez connues : cf. notamment Timothy L. Hall, Separating Church and State. Roger Williams and Religious Liberty, Urbana/Chicago : University of Illinois Press, 1998 et Marc Boss (éd.), Roger Williams. Genèse religieuse de l’Etat laïque. Textes choisis, Genève : Labor et Fides, 2013.