Entre désintérêt et prétexte
Pierre Bayle et Luther
Pierre-Olivier LÉCHOT
Institut Protestant de Théologie, Paris
À Ruth Whelan
Son Histoire est si connue, & se trouve dans un si grand nombre de Livres […] que je ne m’amuserai point à la rapporter1.
Consentie en ouverture de l’article « Luther » du Dictionnaire historique et critique, cette remarque de Pierre Bayle est symptomatique de son attitude générale à l’endroit du personnage historique représenté à ses yeux par le Réformateur saxon. Elle témoigne d’abord de l’embarras du biographe devant la complexité et l’ampleur de la tâche qui est la sienne : à la suite d’érudits protestants comme Jean Daillé, Bayle se doit de constater le caractère trop vaste du champ qu’il a devant lui et la difficulté que représente l’accès aux écrits du Réformateur, dont le labyrinthe constitué par l’histoire de l’édition paraît l’avoir quelque peu rebuté2. Le philosophe de Rotterdam semble d’ailleurs ne pas très bien connaître Luther en tant qu’auteur, puisqu’il le cite principalement d’après les historiens protestants qu’il a à sa disposition (Hospinien, Seckendorff, etc.) ou à partir des controversistes catholiques auxquels il donne parfois crédit (Maimbourg, Fitz Simon, Campion, Bossuet, etc.3). Seule exception notable : le De servo arbitrio de 1525 auquel Bayle se réfère volontiers et abondamment, ce qui souligne l’orientation de son intérêt lorsqu’il lit Luther — nous y reviendrons4.
À ce motif lié à la difficulté du traitement des sources à sa disposition, il faut sans doute ajouter le peu de sympathie personnelle que nourrit Bayle à l’endroit du Réformateur et de l’« ardeur impétueuse de son tempérament5 »’ mais surtout la complexité d’un champ historiographique labouré par des générations de controversistes au point d’en être devenu incultivable :
Plus on examine ces choses, plus on sent que c’est un travail d’Hercule que d’entreprendre de démêler la vérité au milieu de tant de déguisemens, & de tant de supercheries6.
Cet agacement face aux embûches semées par la polémique confessionnelle le long du chemin de l’historien à propos de Luther et du luthéranisme contraste avec l’avis plutôt optimiste que Bayle avait rendu au sujet de Calvin7 et révèle probablement une forme de lassitude à mesure qu’avance le chantier du Dictionnaire, surtout quand les calomnies les plus fantaisistes se retrouvent sous la plume des plus grands auteurs catholiques :
Ce ne sont pas des gens sans nom qui débitent ces calomnies : ce sont des Ecrivains fort célèbres ; & cela fait honte à tout le corps du Papisme ; car on ne devroit point permettre que de telles fablés [sic] fussent imprimées ; les Censeurs de Livres les devroient raier, à moins qu’ils ne les vissent prouvées juridiquement8.
Il faut dire que Bayle avait déjà pu mesurer par le passé l’ampleur des déformations imposées à la biographie luthérienne par les controversistes catholiques et les nombreux dédales dans lesquels l’historien soucieux de rigueur se trouvait dès lors entraîné : à deux reprises, en 1685 et en 1687, il avait eu à s’intéresser dans le cadre des Nouvelles de la République des lettres à l’affaire de la Conférence du diable avec Luther — pour citer le titre de l’ouvrage de l’abbé Louis-Géraut de Cordemoy (1651-1722)9 dont il notera avec quelque résignation au moment du Dictionnaire :
Il y a des Objections que les grands Controversistes abandonnent aux Disputeurs du plus bas étage ; mais il y en a d’autres que tous les Auteurs emploient, grands & petits, ceux qui prêchent la Controverse sur un théatre dans les carrefours, & ceux qui enseignent dans les chaires les plus relevées : l’Objection dont je parle ici est de ce nombre. Le plus petit Missionnaire de village l’a toujours mie en avant : Monsr. Nicolle l’a proposée d’un air fort grave10.
Certes, Bayle n’avait pas eu grand mal à renvoyer le controversiste catholique dans les cordes : après tout, le fait que Luther ait décidé de rejeter les messes privées sous l’influence de Satan n’enlevait rien à la vérité de sa doctrine en la matière, le diable pouvant parfois user de la vraie doctrine de l’Évangile à ses propres fins de même qu’il arrive à la providence de se servir du démon lui-même pour faire triompher la vérité, comme elle le fait finalement de toute cause seconde :
un esprit aussi méchant que celui-là [le diable] se sert de tout, pourvû qu’il puisse causer du désordre dans le monde, & faire commettre une infinité de crimes ; de sorte que s’il croit que la vérité soit plus propre à cela que l’erreur, il est capable de pousser les hommes à dire la vérité & il ne seroit pas étonnant que la Providence de Dieu, qui fait servir à ses fins assez souvent la malice des causes secondes, employât quelquefois celle du Diable à l’avancement de la bonne cause11.
Plus fournie sur le plan historiographique après sa lecture de l’ouvrage de Sagittarius12, la critique de Bayle en était devenue d’autant plus mordante que le rétablissement des faits réels avait fini de démasquer les intentions de Cordemoy : rendre les calvinistes odieux en les associant à un Luther suppôt de Satan, de la « même classe que ceux qui étudient le grimoire », afin de mieux légitimer la persécution récemment allumée contre eux en France13.
L’allusion à cet épisode permet de dessiner l’angle d’attaque général de Bayle l orsqu’il traite de Luther dans le Dictionnaire : réfuter les mensonges à son sujet, non seulement pour rétablir la vérité historique mais aussi pour contrer la logique de diffamation catholique dont il considère qu’elle n’est au fond que le bras livresque de la répression politique et confessionnelle de la monarchie française. Or, il faut bien dire que, dans ce domaine, les controversistes catholiques ne lui semblent pas avoir reculé devant le ridicule :
On n’a eu égard en cela, ni au vraisemblable, ni aux regles de l’art de médire ; & l’on s’est donné toute la hardiesse de ceux qui sont très-persuadez que le public adoptera aveuglément tout ce qu’il débiteront, quelque absurde qu’il puisse être14.
De manière assez surprenante toutefois, Bayle se contente souvent de mentionner certains faits rapportés par les controversistes catholiques sans prendre pour autant la peine de les réfuter, se bornant le plus souvent à les taxer de mensonges. Si ce silence témoigne peut-être de sa lassitude face à tant de billevesées répétées sans esprit critique par des générations de polémistes, il porte aussi souvent sur des calomnies dont le lecteur averti du Dictionnaire comprendra aisément et sans explication qu’elles ne correspondent nullement à la réalité des faits : ainsi, que Luther ait présenté les Dix Commandements comme « la fontaine de tous les maux » dans ses Propos de table s’explique simplement pour peu que l’on prenne la peine d’inscrire cette déclaration dans le contexte de la dialectique entre Loi et Évangile15. Mais, le plus souvent, la démarche vise probablement à pointer du doigt l’inanité voire la stupidité des arguments catholiques et à dénoncer à nouveau, par-là même, les préjugés guidant leur lecture de l’histoire :
Il importe aux Luthériens, & en général aux Protestants, que l’on redonne le jour aux impertinences fabuleuses que leurs Adversaires publioient contre les Réformateurs au xvie siècle. Cela témoigne que ces Adversaires n’étoient conduits que par une aveugle prévention : c’est un préjugé à leur charge & à leur désavantage16.
Il est vrai que les écrits des auteurs catholiques les plus sérieux lui permettent souvent de rejeter les allégations de leurs collègues les moins scrupuleux, comme lorsque le Père Maimbourg lui-même met clairement en doute l’affirmation selon laquelle Luther ne serait pas né d’une femme mais d’un esprit incube, voire de Mégère, l’une des furie — affirmation « encore plus monachale que poétique17 » ! Bayle, malgré la simplicité de la tâche, semble parfois cependant abandonner le ton serein de l’érudit ou la térébrante ironie qui le caractérise souvent pour l’emporter avec indignation contre l’excès, voire les patentes contradictions dans lesquelles certains polémistes ont pu s’enferrer. Ainsi, à propos d’Angelo Paciuchelli († 1660), qui avait affirmé que Luther avait traduit YAmadis de Gaule en français pour dégoûter les fidèles de la lecture de l’Écriture, Bayle s’insurge avec acrimonie :
De quoi l’homme n’est-il pas pas capable en matiere de calomnies grossières, & diamétralement opposées à la vraisemblance, puis qu’on ose dire que Luther a souhaité qu’on se dégoûtat de l’Ecriture ; Luther, dis-je, qui n’eut point de plus grands reproches à essuier avec tous les Réformateurs, que celui de trop recommander aux laïques la lecture de la Bible en Langue vulgaire18 ?
Il n’en reste pas moins que certaines calomnies catholiques impliquaient une réfutation plus pointue, ce qui conduit Bayle à s’intéresser à la chronologie des faits, par exemple pour montrer que si Luther a bien eu avec le diable la conférence que l’on prétend, ce n’est qu’après s’être fait une religion sur la question des messes privées — ce qui montre que sa doctrine ne lui venait pas de Satan, mais bien de son analyse de la situation et des pratiques de l’Église de la fin du Moyen Âge19. Mais là où Bayle excelle, c’est lorsqu’il s’agit de déconstruire la mécanique de la calomnie historiographique qui repose, le plus souvent, sur l’invention de fausses références (Bayle n’hésite d’ailleurs pas à épingler Arnauld à ce propos20), la déformation, l’amplification ou la marginalisation de certains événements ou de certains propos de Luther. Il serait fastidieux de proposer un catalogue exhaustif des occasions qui permettent à l’auteur du Dictionnaire de contrer les propos, ici de Garasse ou de Du Perron, là de Maimbourg ou de Bossuet. Contentons-nous d’un exemple particulièrement éclairant : le cardinal Du Perron, relayé par Garasse, avait déduit d’un propos de table de Luther l’idée que ce dernier ne croyait pas à l’immortalité de l’âme21. Bayle, n’ayant pas accès au recueil de ce qu’il appelle volontiers avec son temps des « Lutheriana22 », met ainsi en place deux moyens de contrer les arguments du jésuite. Tout d’abord, à partir des propos de Luther que ce dernier rapporte, il met en évidence que ceux-ci ne visaient pas tant le dogme chrétien de l’immortalité de l’âme que la doctrine qu’en avait proposée Léon X. Or, comme le note Bayle,
rien n’empêche qu’un homme très-orthodoxe n’appelât chimeres les pensées qu’un autre auroit touchant l’immortalité de l’ame. Il n’appelleroit pas ainsi le dogme même de l’immortalité, mais les raisons absurdes sur quoi on l’appuieroit, & les conséquences extravagantes qu’on en tireroit. […] Mais à quoi est-ce que je m’amuse ? Il n’y a pas moins de folie à prendre la peine de prouver que Luther a cru l’immortalité de l’ame, qu’à l’accuser d’avoir cru qu’elle est mortelle23.
Non content de cette première salve, Bayle montre ensuite comment Garasse s’est souvent plu à amplifier les propos de Gabriel Du Préau (1511-1588), auteur de la Synagogue de l’Antéchrist, qui avait lui-même repris sans trop de scrupule ceux de Willem van der Linden (1525-1588), pour souligner que le jésuite n’aura donc probablement pas hésité à tordre ceux de Luther lui-même :
Si ce Jésuite abuse ainsi de l’autorité de Prateolus, quel fond peut-on faire sur ce qu’il vous citera des Propos de table de Martin Luther ? Je ne le réfuterai que par cette voie générale ; car n’aiant pas le Livre même, je ne puis en opposer les paroles aux allégations de Garasse24.
Si la cible principale de Bayle demeure la calomnie des controversistes catholiques, il faut cependant noter que son esprit critique peut aussi se retourner contre les auteurs protestants. Il s’en prend ainsi vertement à l’évêque d’Exeter, Joseph Hall (1574-1656), pour s’être emporté contre Justus Baronius-Calvinus (1570-1608) qui, sur la base d’une lettre d’Érasme, avait affirmé que « Luther avoit esté le jour precedent Moine, le jour suivant promis, le lendemain Mari, & le jour d’après Pere25 ». Hall avait en effet prétendu un peu trop rapidement que la lettre dans laquelle se trouvait cette affirmation n’existait pas ; bien mal lui en avait pris, puisque Bayle la débusque au détour d’une page des Annales de Chytraeus, ce qui lui vaut cette petite morale, adressée aux historiens de la Réforme et qui témoigne autant de sa rigueur historique que de son éreintement devant la masse des informations qu’il s’agit de vérifier :
Apprenons d’ici que c’est une charge bien pesante que de réfuter un homme sur des matieres de fait ; car il en faut savoir un nombre presque infini, si l’on veut combattre sûrement une affirmation ou une dénégation de son Adversaire26.
Pareil agacement est d’autant plus manifeste que la falsification des données historiques élémentaires est non seulement mue par la fièvre confessionnelle qui gagne les sontroversistes, mais aussi par leur inclination à pratiquer l’astrologie. C’est encore une fois Garasse qui fait ici les frais de la critique baylienne, puisque le jésuite n’avait pas manqué de reprendre la fausse date de naissance de Luther avancée par Florimond de Raemond (le 22 octobre au lieu du 11 novembre), afin de montrer que l’horoscope du Réformateur permettait de souligner ses origines maléfiques. Or, pareille falsification est patente, dès lors que l’on se concentre sur le témoignage de la mère de Luther, recueilli par Melanchthon : Luther est bien né le 11 novembre et aucun historien, pour peu qu’il soit scrupuleux, ne saurait en douter. Bayle s’amuse d’autant plus de la malveillance du jésuite français qu’un professeur de mathématique strasbourgeois, Isaac Malleolus, pour défendre Luther, avait tenté de montrer de son côté que la date de naissance avancée par Florimond de Raemond pouvait être interprétée du point de vue astrologique comme celle d’un grand homme — et non d’un esprit démoniaque27 ! Pain bénit pour Bayle, bien sûr, qui n’hésite pas à renvoyer dos à dos les astrologues des deux confessions : « Dites après cela que les Astrologues n’ont pas un grand zêle pour la Religion qu’ils professent28 » !
Ce dernier point permet de souligner que le Bayle philosophe de l’histoire n’est jamais bien loin, même lorsqu’il est question de Luther, et en particulier quand il s’agit d’user de ses grilles de lecture anthropologiques pour réfuter les divagations des « polémistes papistes ». C’est là chez lui une constante, qui peut déjà se repérer dans les Nouvelles Lettres critiques dans lesquelles il avait eu recours au principe de la mutabilité des mœurs et des coutumes humaines, précisément pour défendre Luther à propos de la thèse de la corruption progressive de l’Église au Moyen Âge :
Tout change parmi les hommes […]. Si les François du cinquième siecle revenoient au monde, ils ne retrouveroient plus en France ni leur langue, ni leurs mœurs, ni leurs manieres de s’habiller, de bâtir, d’aprêter les viandes, de faire la guerre, de terminer leurs procés &c. & si l’on parcourt toutes les Nations du monde, & que l’on compare les loix, les mœurs, la langue qu’elles ont en un certain siecle, avec les loix, les mœurs, la langue qu’elles avoient dix ou douze siecles auparavant, on y trouve des différences enormes. C’est un prejugé legitime contre la pretention du Clergé Romain29.
Bien évidemment, là où le philosophe Bayle se laisse le mieux saisir, c’est lorsqu’il en vient à s’interroger sur les causes de la Réforme30 :
qu’un simple Moine ait pu frapper sur le Papisme un si rude coup, qu’il n’en faudroit qu’un semblable pour renverser entièrement l’Église Romaine, c’est ce qu’on ne peut assez admirer31.
Bayle, en effet, ne manque pas de se poser la question qui taraude les historiens depuis le xvie siècle : « Wiclef, Jean Hus, & plusieurs autres avoient entrepris la même chose, & n’y avoient pu réussir32 ». Comme on peut s’en douter, l’historien ne saurait ici reprendre à son compte les « profanes pensées » des astrologues : citant Paul Jove, repris par Florimond de Raemond dans un zèle « si aveugle, si superstitieux, si bas, & si enfantin », qui avait prétendu qu’une « maligne constellation » aurait provoqué non seulement la révolution luthérienne mais aussi « la conversion des Indiens dans l’Orient & dans l’Occident », Bayle tient à montrer que ce raisonnement ne tient pas face à l’expérience :
lors qu’il songe que la foi des Peuples changea presque en même tems aux quatre parties de la Terre, les un aiant embrassé le Mahométanisme, les autres le Christianisme, les autres le Luthéranisme, il ne sauroit croire que les influences des astres n’aient opéré cela par des qualitez occultes & pernicieuses33.
Car c’est bien au domaine des causes secondes, parfaitement analysables, qu’il convient de se cantonner dans l’analyse des faits historiques : « sans recourir aux constellations, l’asyle ordinaire de l’ignorance, on eût pu trouver sur la Terre les causes secondes dont Dieu eût pu se servir pour le changement qui arriva en Allemagne au xvie siècle34. » De ce point de vue, Bayle met en avant les qualités individuelles des acteurs de l’histoire de la Réforme, se montrant à cet égard en accord avec les historiens de son siècle35, mais il faut noter qu’il entend surtout insister sur les motifs proprement conjoncturels qui ont permis à Luther de réussir là où Wycliff et Hus avaient échoué. Ces théologiens, note-t-il,
n’avoient pas moins d’habileté, ni moins de mérite que Luther ; mais ils entreprirent la guérison de la maladie avant la crise, & pour ainsi dire dans le croissant de la lune. Luther au contraire l’attaqua dans un temps critique, lors qu’elle étoit parvenue au comble, lors qu’elle ne pouvoit plus empirer, & qu’il faloit selon le cours de la nature qu’elle cessât ou qu’elle diminuât ; car dès que les choses sont parvenues au plus haut point où elles puissent monter, c’est l’ordinaire qu’elles commencent à descendre. Il sema en pleine lune, lors que le décours alloit commencer : il eut le même bonheur que ces remedes que l’on emploie les derniers, & qui remportent la gloire de la guérison, parce qu’on les applique quand la maladie a jetté son venin36.
Bayle tient en outre à souligner l’importance de la conjoncture politique et intellectuelle, entrant du coup en résonance avec certains historiens contemporains, puisqu’il met en évidence le rôle joué par la concurrence opposant Charles Quint et François Ier 37, celui de la redécouverte de l’Antiquité et l’efflorescence des belles lettres (thèse classique depuis Théodore de Bèze, mais sans qu’intervienne ici en arrière-plan la providence divine) et enfin le rôle clef joué par Érasme qui « par ses railleries prépara les voies à Luther » et en « fut le St. Jean Baptiste38 ».
Soucieux de comprendre les raisons de la réussite de la Réforme luthérienne, Bayle ne s’en montre pas moins conscient des limites de cette dernière, surtout lorsqu’il est question des abus que Luther entendit combattre mais que ses successeurs ne manquèrent pas de réintroduire, soulignant par-là même l’une des constantes de l’histoire de l’humanité :
Il est certain que ceux qui réforment ne prennent pas toujours garde qu’il y a certains abus contre lesquels il ne faut rien dire, de peur de se condamner soi-même par avance ; car ce sont des choses où l’on retombe promptement39.
En filigrane de ces propos, s’exprime probablement la propre expérience de Bayle, converti au catholicisme puis revenu au protestantisme et par conséquent toujours soucieux de peser le pour et le contre d’un mouvement confessionnel40. S’en prenant à Nicolas Coeffeteau, qui avait affirmé que le protestantisme avait, en raison du désaccord entre le comportement de ses ministres et les principes de l’Évangile, conduit bien des gens à l’indifférence, Bayle note que la Réforme fit au contraire baisser le nombre des « esprits tiedes, indifférens, dégoûtez du Christianisme », mais contribua aussi du même coup au développement du zèle religieux dans tout ce qu’il peut avoir de délétère :
S’il avoit dit que les divisions des Chrétiens, & la conduite qu’ils tiennent les uns contre les autres, après avoir formé plusieurs Sectes, sont très-propres à inspirer du dégoût, & de l’incrédulité pour l’Evangile, je crois qu’il eût raison.
Toutefois, Bayle s’empresse de préciser, témoignant ici autant d’une certaine prudence que de son élitisme intellectuel et de son pessimisme anthropologique :
mais il eût falu supposer en même temps une chose que très-peu de personnes mettent en pratique. Il auroit falu supposer qu’il y a beaucoup de gens qui n’ont pas deux poids, c’est-à-dire qui examinent sans préjugé ce qui se passe & au dedans & au dehors. Mais où trouve-t-on de telles personnes ? Où sont ceux qui par la force de la coutume ne jugent pas que les mêmes choses sont très-justes quand ils les font souffrir aux autres, & très-injustes quand ils les souffrent eux-mêmes ? Avec cet esprit n’aiez pas peur que la multiplicité des Sectes fasse beaucoup de Pyrrhoniens : chacun, quoi qu’il arrive, se tiendra colé au Parti qu’il aura pris. L’antiperistase41, que les nouveaux Physiciens ont bannie de la nature, a lieu dans la Religion. Le zêle se ralentit quand on n’est pas observé, & environné d’une autre Secte, & se ralume quand on l’est42.
Ce serait donc aller un peu vite en besogne que de considérer que Luther n’a pas suscité chez Bayle d’intérêt particulier et que ce dernier se serait contenté, en bon historien protestant, de réfuter les calomnies des controversistes catholiques. À mesure qu’il avance dans sa découverte de l’article « Luther » du Dictionnaire, le lecteur prend conscience des limites de la Réforme luthérienne telle que Bayle la conçoit, mais aussi du prétexte que représente le Réformateur saxon pour lui qui n’hésite pas à se lancer dans certaines réflexions dépassant largement leur objet. Bien évidemment, c’est avant tout le Luther théologien qui retient l’attention de Bayle43, surtout quand il s’agit de questions à la frontière entre morale et pensée spéculative sur lesquelles il s’est lui-même penché. Mais au-delà de la réflexion théologique de Luther, c’est aussi le tempérament emporté du Réformateur qui attire son intérêt, dans la mesure où ce dernier, quoiqu’aux antipodes du propre caractère de Bayle, lui permet de mettre en lumière certaines orientations anthropologiques fondamentales que le masque des opinions théologiques ne saurait dissimuler tout-à-fait.
On le sait, Bayle est un auteur qui aime la provocation, surtout lorsqu’elle touche aux questions d’ordre sexuel, politique et personnel44. Nul doute qu’aucune affaire n’était plus à même de titiller son intérêt de ce point de vue que celle de la bigamie du landgrave Philippe de Hesse. L’auteur du Dictionnaire ne cherche aucunement à nier les faits : Varillas puis Bossuet ont avancé des documents suffisamment fiables, car rendus publics par le landgrave Ernest de Hesse-Rheinfels (1623-1693) après sa conversion au catholicisme, pour que la réalité de l’affaire ne fasse aucun doute45. En outre, Johannes Lyser (1631-1685), fils du théologien luthérien Polycarpe Lyser et auteur d’une Polygamia Triumphantrix, a rapporté plusieurs passages des œuvres de Luther qui montrent que le Réformateur était favorable à la polygamie46. Certes, il s’est trouvé des ministres protestants pour répondre à ces accusations : Jacques Basnage a ainsi avancé la seule réponse qui puisse trouver grâce aux yeux de Bayle en relevant que, si la prédication de Luther devait être mise en doute en raison de sa défense de la polygamie, à combien plus forte raison faudrait-il se défier de celle des papes47 ! Mais cet argument de rétorsion n’ôte rien au fond de l’affaire et à la « petite foi » de Luther et de Martin Bucer qui, aux yeux de Bayle,
n’eurent pas la confiance qu’ils devoient avoir aux promesses de Jésus-Christ [et] craignirent que si la Réformation d’Allemagne n’étoit soutenue par les Princes qui en faisoient profession, elle ne fut étouffée48.
Les remarques que Bayle consacre à cet épisode sont ainsi l’occasion d’une dénonciation implacable des collusions entre théologiens et politiques et des égarements éthiques que les concessions théologiques et morales consenties aux princes peuvent engendrer. L’auteur du Dictionnaire est d’autant plus satisfait de les mettre en évidence que parmi ceux qui ont entrepris de justifier la position de Luther se trouve justement son meilleur ennemi, Pierre Jurieu49, dont il n’hésite pas à taxer la réponse à Bossuet de scandaleuse : en niant les faits, Jurieu a non seulement parlé contre la réalité documentaire, mettant ainsi en péril sa réputation d’érudit mais, cela est pire, il a ébranlé la probité du landgrave Ernest de Hesse et, à travers elle, l’autorité de la maison de Hesse elle-même50. Confronté aux critiques de son propre camp (celles de Basnage de Beauval et d’Élie Saurin, mais aussi de Bayle lui-même51) et non content de nier son erreur, Jurieu a surenchéri au moyen de « cent expédiens, pour tâcher de sortir d’affaire », en particulier en cherchant à trouver dans le droit civil des nations protestantes des exceptions à « la loi du mariage » — ce même Jurieu dont Bayle, dans l’article « Ochin », prendra plaisir à relever que, « de tous les Ministres, c’est peut-être celui qui avoit le moins de besoin personnellement de Polygamie52 » ! Or, ce faisant, il n’a pas su respecter la règle qui doit prévaloir dans le travail du bon casuiste :
ce n’est point sur la pratique tolérée par les Souverains, qu’un Casuïste se doit régler. Où sont les gens qui ignorent les abus extrêmes que les Loix civiles ont autorisez ou tolérez dans le Christianisme pendant plusieurs siecles à l’égard du mariage ? L’Église a tenu bon, & par ses oppositions elle a fait changer ce qui ne s’accordoit pas assez avec l’Evangile. Où en seroit-on, si les Casuïstes vouloient approuver tout ce que les Souverains permettent ? […] Ainsi un bon Moraliste ne réglera point ses opinions sur l’usage du Droit civil, quand il s’agira d’un relâchement53.
On aurait tort, cependant, de ne voir en Bayle qu’un défenseur acharné du mariage et de la morale chrétienne puisque, lorsqu’il n’est plus question de pointer Jurieu du doigt, l’auteur du Dictionnaire délaisse son voile de pudeur pour traiter ouvertement de la polygamie en s’adossant au Réformateur54. Car si Luther l’intéresse sous ce chapitre, c’est qu’il est l’un des rares théologiens à avoir parlé, même à son corps défendant, contre la monogamie, là où les auteurs chrétiens s’étaient généralement faits les apologètes d’une morale plus rigoureuse à ce propos que l’éthique mondaine. C’est là un intérêt constant chez Bayle : dès les Nouvelles Lettres critiques, le philosophe avait affirmé que la loi du mariage protestante était au fond aussi « tyrannique » que celle du célibat des moines, puisqu’en excluant toute pratique sexuelle en dehors du mariage, elle privait les époux de cette dernière pour le cas où l’un des conjoints se verrait empêché d’accomplir son devoir conjugal55. C’est ce qui, selon Bayle, permet de comprendre les égarements de Luther, dans la mesure où ces derniers découlent en définitive des mêmes principes anthropologiques que sa critique des vœux monastiques :
Selon la pensée de vos Ministres cette loi [du mariage] doit passer pour aussi tyrannique que celle du celibat des Prêtres, & c’est peut-être la raison qui faisoit dire à Luther en pleine Chaire d’une maniere si scandaleuse, si vôtre femme refuse, faites venir la servante. Cela suit naturellement du Principe, que les brûlures de la chair sont une juste raison de violer le vœu de continence56.
Comme l’a montré Stefano Brogi, Bayle oppose souvent le radicalisme de l’Évangile et la morale mondaine dans les sphères économique et politique mais aussi sexuelle : pour lui, qui ne manque jamais de dévaloriser une morale mondaine accusée d’être insuffisante du point de vue chrétien (on l’a vu lorsqu’il s’en prend à Jurieu), l’ordre du monde se trouve néanmoins régi par des lois naturelles et culturelles qui en rendent possible le fonctionnement et qu’il analyse au moyen d’instruments conceptuels fort proches de ceux de libertins comme Johannes Lyser57. Or, dans le domaine précis de la sexualité, la reproduction de l’espèce humaine lui semble ne pouvoir être assurée que par l’impulsion à l’incontinence sexuelle58. C’est de ce point de vue que Luther s’avère intéressant : son tempérament emporté l’amène en effet à dépasser par ses propos les bornes habituelles de la prédication chrétienne et son radicalisme affiché pour laisser apparaître ce qui est en définitive le penchant fondamental de l’être humain, à savoir son instinct sexuel :
Voilà des choses qu’il ne faut point entreprendre de justifier : ce sont des excès, ce sont des premiers mouvemens, dont Luther revint sans doute avant sa mort. Que peut-on dire de plus satirique contre les Loix canoniques & les Lois civiles qui ne forcent pas les gens à se marier, & qui leur ordonnent de n’épouser qu’une femme ? Ces principes de Luther sont incompatibles avec la monogamie59.
Toutefois, les emportements de Luther ne sont pas toujours bien vus par Bayle et ce tout particulièrement lorsqu’il est question de l’autorité de l’Écriture. Certes, Bayle avait autrefois tenu à dénoncer les accusations de Louis Maimbourg, qui avait dressé le portrait d’un Luther soucieux de se faire un nom au moyen de sa traduction de la Bible, mais c’était alors surtout pour montrer qu’à travers pareilles affirmations, le jésuite en voulait finalement davantage aux traducteurs jansénistes de la Bible qu’à celui de la Deutsche Bibel60. En revanche, lorsque Luther taxe l’Épître de Jacques d’« ouvrage de paille », il devient clair que Bayle n’entend pas prendre sa défense. Et c’est encore une fois son tempérament qui se trouve pointé du doigt :
On ne peut nier que l’ardeur impétueuse de son tempérament ne lui arrachât des paroles qui méritent condamnation, comme quand il déclara son sentiment sur l’Epitre de Saint Jaques61.
Bayle estime en effet qu’en affirmant, comme Luther semble l’avoir fait62, que la lettre de Jacques était une épître de paille, ce dernier en contestait du même coup et l’inspiration et la canonicité :
qui dit que l’Epitre de Jaques est une Epitre de paille en comparaison des Epitres de Saint Paul, dit réellement qu’elle n’est point canonique, ni la production d’un Ecrivain inspiré de Dieu. Il seroit absurde de prétendre que les Ecrivains inspirez de Dieu n’ont pas tous une égale autorité, & que les uns sont plus croiables que les autres. Ne seroit ce pas dire que le Saint Esprit en négligeoit quelques-uns, & qu’il les abandonnoit à leurs opinions particulieres, vraies ou fausses ? On ne peut admettre cela, & par conséquent l’on est obligé de dire qu’ils sont tous à notre égard d’une même autorité ; & ainsi, quand on assûre qu’en comparaison des Epitres de Saint Paul un autre Ecrit est un Ouvrage de paille, on ne peut le considérer que comme un Ecrit humain : & sur ce pied-là l’on se croit permis d’en faire tel jugement que les Loix de la Critique demandent, & d’en maltraiter le style, le tour, les pensées, tout comme si l’on jugeoit des Ouvrages d’un Tertullien, & d’un Arnobe63.
On ne saurait cependant s’y tromper : l’alignement de Bayle sur la position des adversaires de Luther ne souligne pas tant son accord avec leurs prémisses théologiques en faveur de la justification par les œuvres que sa tendance à considérer qu’on ne saurait spéculer sur la valeur des révélations consenties par Dieu pour trier entre ces dernières au nom d’un principe théologique réputé supérieur. Ce sont donc deux conceptions de l’Écriture et de la révélation qui se trouvent ici confrontées : à Luther qui estime pouvoir établir la plus ou moins grande valeur des écrits bibliques en fonction de ce qu’il pense être la substance de l’Évangile (pour le dire d’un mot : la doctrine de la justification par la foi), s’oppose un Bayle pour lequel la vérité demeure inaccessible à la raison — il ne reste dès lors au croyant qu’une seule voie à emprunter : celle de la soumission aux révélations divines, même si ces dernières semblent contradictoires à la lumière de son entendement.
Cette incapacité de la raison à sonder les mystères divins se retrouve au cœur d’un autre thème dont Bayle traite en marge de son approche de Luther : celui des rapports entre morale, providence et déterminisme. C’est de nouveau le tempérament de Luther qui se trouve au point de départ de sa réflexion, du moins dans le Dictionnaire : contre Arnauld et Nicole, Jean Claude avait en effet cherché à défendre les propos souvent emportés de Luther en arguant du fait que, compte tenu de son temps, c’étaient là des expédients somme toute salutaires et nécessaires. Bayle ne manque pas de trouver l’argument « beau et solide », mais il s’empresse de préciser que considérer de tels excès comme valables parce que la providence l’en serait servi afin de faire triompher la vérité ne doit nullement conduire l’historien à relativiser le caractère négatif de pareils comportements sur le plan axiologique :
Personne ne doute que la Providence ne sache choisir les moiens les plus efficaces pour parvenir à ses fins ; mais comme les mauvaises qualitez des hommes sont plus propres en certains tems que leurs vertus à l’exécution des Décrets de Dieu, ce seroit très-mal raisonner que de conclure que la violence & l’emportement sont louables, sous prétexte que la corruption du monde a besoin d’être durement traitée. La sagesse de Dieu, je l’avoue, éclate dans l’emploi de tels instrumens ; mais les instrumens pourroient fort bien être un très-grand vice64.
Outre la critique évidente du tempérament de Luther qui transparaît ici, ce passage invite à prendre en considération un élément qui n’apparaît que de manière marginale dans l’article « Luther » du Dictionnaire mais qui tient une place importante dans plusieurs autres de ses écrits. Pour Bayle, c’est bien la Réforme qui ouvrit le temps des controverses au sujet de la prédestination, et ce même si l’histoire du christianisme est parcourue de discussions à propos de ce théologoumène65. De ce point de vue, et même si Bayle admet une certaine diversité doctrinale au sein du catholicisme à ce sujet (comment, en effet, ne pas tenir compte du jansénisme ?), les divergences à propos du locus depraedestinatione constituent bel et bien à ses yeux une caractéristique du protestantisme66 — le jeune étudiant qu’avait été Bayle en avait d’ailleurs lui-même fait l’expérience lors de son passage à Genève67. Luther occupe donc tout naturellement une place importante dans ce contexte et c’est ce qui explique que Bayle soit un lecteur attentif du De servo arbitrio, ainsi que nous le relevions en ouverture.
L’intérêt historique de Bayle pour celui qui fut à l’origine des débats modernes à propos de la prédestination ne saurait cependant nous conduire à passer sous silence une évidente appétence du philosophe pour la façon dont Luther traite de cette question, ainsi que le montre son débat avec Isaac Jaquelot dans la deuxième partie de la Réponse aux questions d’un provincial. Bayle y oppose en effet à son adversaire les propos d’un Réformateur qui « renvoie ses lecteurs à l’expérience » pour prouver ses dires plutôt qu’à quelque argument de nature métaphysique68. Ce commun intérêt pour une logique d’argumentation ancrée dans la psychologie empirique se double d’ailleurs d’une certaine sympathie pour le versant édifiant d’une doctrine présentée avant tout chez le Réformateur comme une source de confiance pour le fidèle :
Pesez bien, je vous prie, ces paroles de Luther qui témoignent que s’il dépendoit de lui d’avoir les forces du franc arbitre, ou de ne les avoir point, il les refuseroit de tout son cœur. Les raison qu’il en donne sont admirables69.
Mais la raison de l’intérêt nourri par Bayle à l’endroit de Luther réside surtout, à ce moment de sa réflexion, dans son association des preuves « naturelles » et « révélées » en faveur du déterminisme : Bayle entend en effet renvoyer Jaquelot aux arguments tirés de l’Écriture en faveur de son point de vue, mais aussi à ceux de la raison naturelle elle-même, se fondant pour ce faire sur certains extraits du De servo arbitrio :
La lumiere naturelle nous démontre que Dieu a fait toutes choses, & qu’il les gouverne avec une science infaillible de tout ce qui arrivera, & avec une souveraine autorité sur tous les événemens. La conséquence nécessaire de cette notion commune est que toutes choses arrivent selon cette prévision & selon cette ordonnance de Dieu, & qu’il est impossible qu’elles arrivent d’une autre manière. Tout arrive donc nécessairement ; & la liberté d’indifférence est chimérique. C’est ainsi que Luther raisonne […] la raison naturelle qui fait tant d’efforts pour éloigner la nécessité des évenemens & qui en est si choquée se voit convaincue par son propre jugement lors même qu’elle ne consulte pas la révélation70.
C’est à nouveau le tempérament de Luther qui intéresse ici Bayle au premier chef, en particulier l orsqu’il est question non plus du déterminisme en général mais du dogme chrétien de la prédestination, dans la mesure où les épanchements personnels du Réformateur lui permettent de mettre en évidence les doutes que formule la raison naturelle devant cette doctrine — « un des Mysteres qui accablent le plus la Raison de l’homme, & qui demandent le plus inévitablement qu’elle s’humilie sous l’autorité de Dieu, & qu’elle se sacrifie à l’Ecriture71 ». Les angoisses confessées par Luther devant ce dogme confirment en effet aux yeux de Bayle son opinion selon laquelle, si certaines doctrines comme la trinité ou l’incarnation peuvent heurter ceux qui sont versés dans la métaphysique, seule la doctrine de la prédestination est en mesure de contredire les principes de morale connus de tous, y compris des moins lettrés72. Rappelant le scandale que cette doctrine avait provoqué chez le Réformateur73, Bayle en arrive, à propos du rapport du fidèle à Dieu, à cette conclusion, centrale pour son propos et qu’il tire encore une fois du Serf Arbitre : « Nous n’osons contrecarrer que sa justice74 ».
Sur le fond doctrinal de l’affaire, l’adhésion de Bayle au point de vue de Luther semble donc entière, en particulier lorsqu’on le voit renvoyer Jaquelot à son œuvre comme à une sorte d’autorité en la matière75. Pareille adhésion vient de loin, même si elle ne se fonde pas prioritairement sur sa lecture du Réformateur : Bayle, en effet, a toujours affirmé l’incompatibilité foncière entre le libre arbitre dit «d’indifférence » et le déterminisme, et tranché, du moins à partir des Objections à Poiret, en faveur du déterminisme des causes occasionnelles76. Déjà lors de son débat avec Arnauld à propos de Malebranche, en 168677, il avait tenu à expliquer les positions de Luther et de Calvin en cherchant à montrer que ces derniers n’avaient pas défendu le libre arbitre au sens d’une liberté d’indifférence, mais l’avaient au contraire combattu avec force : pour le Réformateur saxon tel que le comprend alors Bayle, l’homme agit « en pleine liberté », Dieu opérant la volonté qui donc veut ce qu’elle fait ; or n’est libre que celui qui veut ce qu’il fait78.
Dans le contexte de la Réponse aux questions d’un provincial, Luther sert ainsi à défendre une position qui peut sembler orthodoxe, dans la mesure où les citations qu’en tire le philosophe soulignent toutes l’incompréhensibilité du jugement divin et la nécessité pour la raison humaine d’abdiquer toute prétention face à pareil mystère, en particulier lorsque Bayle rappelle ce propos de Luther, à nouveau extrait du De servo arbitrio : « Si en effet sa justice était telle que la raison humaine le conçoit, elle ne serait pas divine et ne différerait en rien de la justice humaine79 » — passage que Bayle commente de manière assez lapidaire en remarquant que seule la foi délivre des abîmes de la raison80. Il est cependant utile de noter à ce stade que les lecteurs contemporains ne s’accorderont pas sur cette interprétation : c’est en particulier le cas de Leibniz qui, dans son discours préliminaire aux Essais de théodicée, rappellera que, réduites « à des expressions plus modérées », les objections de Luther à la justice divine dans le cadre de la doctrine de la prédestination n’étaient qu’apparemment insolubles et se trouvaient d’ailleurs contredites par d’autres passages du De servo arbitrio — bref, Bayle avait mal lu, et à dessein, le traité de Luther dont une lecture plus « raisonnable » était possible81.
Ce conflit herméneutique se retrouve à propos d’un autre champ de réflexion, fort proche de celui du déterminisme, au sujet duquel Bayle rencontre une fois encore Luther et se verra contesté dans sa lecture par Leibniz : celui des rapports entre foi et raison et, en particulier, de la thèse de la double vérité82. Bayle consacre à cette question une note de l’article « Luther » dans laquelle il critique la thèse du Réformateur selon laquelle ce qui est faux en philosophie est vrai en théologie et vice versa83. Là encore, il serait loisible d’estimer que la posture baylienne est en définitive plus proche de celle de Luther qu’il n’y paraît, dans la mesure où nombre de passages du Réformateur, signalés par certains historiens84, vont clairement dans ce sens : en somme, Bayle n’aurait pas été fondamentalement opposé à la thèse du Réformateur à propos de l’opposition entre foi et raison, mais y aurait adhéré quant au fond (la nécessité pour la raison d’abdiquer devant les mystères de la foi) sinon quant à la forme (la thèse de la double vérité) — ainsi que tendent d’ailleurs à le laisser penser les arguments que nous l’avons vu avancer à propos de la prédestination dans la deuxième partie de la Réponse aux questions d’un provincial. La rigueur herméneutique impose cependant de ne pas s’arrêter ici aux seuls passages dans lesquels Luther s’emporte contre la raison au nom de la foi, surtout lorsque ces derniers s’insèrent dans un contexte homilétique ou polémique — elle implique bien plutôt de savoir à quels textes de Luther Bayle fait référence lorsqu’il aborde la question précise de la double vérité pour essayer de comprendre ce qui le rapproche ou le distingue du Réformateur.
Notons d’emblée que, lorsqu’il renvoie à Luther à propos de la thèse de la double vérité, Bayle n’est pas original : dans son De religione magnorum virorum de 1686-8785, Leibniz avait déjà évoqué celle-ci en référence au théologien luthérien Daniel Hoffmann (1538-1611), auteur d’une Disputatio pro duplici veritate Lutheri, publiée à Marbourg en 160086. Hoffmann, auquel Bayle consacre un article instructif87, renvoyait dans sa dispute à un texte précis de Luther : la Disputatio theologica an haec propositio sit vera in Philosophia : Verbum caro factum est. Or, Bayle lui-même en connaît la substance ainsi que de nombreux extraits par le truchement du jésuite Jakob Gretser (1562-1625) et d’une dispute que ce dernier avait dirigée à Ingolstadt en 1606 contre Hoffmann et Luther sur la question de la double vérité. Il cite en effet Gretser dans la remarque II de l’article « Luther » (celle qui précède justement la remarque dans laquelle il traite de la double vérité) et y renvoie son lecteur à l’article « Hoffmann » ainsi qu’à son propre commentaire au sujet des arguments du théologien luthérien en faveur de la double vérité. Les deux articles font donc système et se fondent tous deux à ce sujet sur le même document luthérien — ce qui souligne l’intérêt de Bayle pour une question qu’il aurait pu laisser de côté dans la mesure où la thèse de la double vérité, défendue par Hoffmann comme proprement luthérienne, avait été réfutée par plusieurs auteurs luthériens, et « parmi les plus rigides88 », pour tenter de montrer que cette dernière ne reflétait en rien la pensée de Luther.
Tenue à Wittenberg le 11 janvier 1539, la Disputatio theologica an haec propositio sit vera in Philosophia : Verbum caro factum est89 traite des rapports entre philosophie et théologie à partir du fameux verset de Jean 1,14 — « le Verbe a été fait chair ». Cette succession de thèses a connu de très nombreuses et fort divergentes lectures, tant à l’époque de Bayle que de nos jours90. On peut toutefois tenter d’en résumer la substance sans s’aventurer dans les dédales de ces interprétations qui, notons-le au passage, ne sont pas toutes dépourvues de présupposés de lecture théologiques. Luther, qui entend souligner en ouverture le principe universel de l’unicité du vrai91, y présente une suite de syllogismes christologiques concluants en philosophie mais non en théologie92. Si sa critique véhémente de l’opinion de la Sorbonne à propos de l’unicité du vrai entre philosophie et théologie93 et son recours à Paul (2 Corinthiens 10,5)94 à cet égard peuvent laisser penser qu’il entend ainsi démontrer que la raison doit faire silence devant la révélation, ses arguments ne sauraient cependant nous amener à négliger le fait que théologie et philosophie constituent sous sa plume deux « disciplines » («professionis»), deux « sphères » (« sphaerae ») parfaitement séparées et donc incommensurables. Dès lors, et comme l’a justement remarqué Jean-Marc Tétaz dans un récent article95, la distinction opérée par le Réformateur entre les deux disciplines implique plus un relativisme sémantique qu’une opposition épistémologique fondamentale ou un « dédoublement psychologique » — pour reprendre ici l’expression d’Élisabeth Labrousse96 : les termes dont use la philosophie de même que ses méthodes ne sauraient en effet nous permettre de rendre compte correctement des mystères de la foi. L’erreur des syllogismes philosophiques appliqués au contenu de la théologie ne repose dès lors pas tant sur leur forme («forma »), correcte en elle-même, que « dans la vertu et la majesté de leur matière » (« virtute et majestate materiae97 ») : la théologie se doit de se fonder sur les « affects » de la foi (« affectus fidei ») et non sur l’« intellect de la philosophie » (« intellectus philosophiae98 »). Les deux disciplines ne sauraient par conséquent se contredire (selon le principe d’après lequel « le contraire doit être relatif à la même chose, ou à une chose du même genre99 »), chacune gardant son domaine de pertinence. Refus de la contradiction intrinsèque entre les deux sphères, donc, mais aussi du principe d’unicité du vrai entre les deux disciplines, ce dernier risquant de placer la foi chrétienne, douée de sa propre logique, sous la coupe de la philosophie — ce qui reviendrait, pour citer Luther qui reprend l’image de Matthieu 9,17, à mettre « le vin nouveau dans de vieilles outres100 ». Il convient donc, selon Luther, « d’aller, en matière d’articles de foi, vers une autre dialectique et une autre philosophie, qu’on appelle Parole de Dieu et foi101 », bref, de « parler de nouvelles langues, dans le domaine de la foi, hors de toute sphère102 ».
La lecture que Bayle propose de ces quelques pages aboutit à une conclusion sans ambiguïté, les risques évoqués par Gretser à propos du dogme contre la thèse de Luther et d’Hoffmann semblant fondés aux yeux du philosophe : on ne saurait contredire l’unicité de la vérité, que l’on parle en philosophe ou en théologien103, au risque de prêter le flanc aux thèses les plus impies, dont celles du scepticisme et de l’athéisme104 :
rien n’est plus propre que cela [i e . « dire que ce qui est vrai en Philosophie est faux en Théologie105 »] à introduire le Pyrrhonisme, puis qu’en raisonnant de la sorte, on réduit la vérité à la condition des qualitez corporelles. De ce que le même corps nous paroit petit ou grand, selon que nous le voions, ou sans lunettes, ou avec des lunettes, on a droit de conclure que nous ignorons s’il est grand, ou s’il est petit absolument parlant, & que la petitesse ou la grandeur absolue des corps nous est inconnue. Si donc la même proposition étoit vraie & fausse, selon qu’on la considéroit ou en Théologien ou en Philosophe, il s’ensuivroit nécessairement que nous ne conoitrions pas la vérité en elle-même, & qu’elle ne consisteroit que dans un raport muable aux dispositions de notre esprit, comme la bonté des viandes ne consiste que dans un certain rapport aux dispositions de la langue, lesquelles venant à changer, sont cause que les alimens qui étoient bon ne le sont plus106.
Outre que ce passage fait l’impasse sur la première thèse de Luther à propos de l’unicité du vrai, il faut noter que Bayle semble ici exagérer le relativisme dont Luther faisait montre, puisque de sémantique ce dernier devient, sous sa plume, gnoséologique : là où Luther voyait s’opposer deux registres sémantiques, deux « langues », Bayle décèle un relativisme bien plus fondamental puisque portant sur le caractère atteignable de la vérité. Dans l’article « Luther », cet angle d’attaque le conduit à reformuler la thèse du Réformateur pour tenter d’écarter les « malentendus » qu’elle peut sembler induire :
on blâmeroit à tort la doctrine de Luther, s’il S’eût exprimée de cette façon : les mêmes dogmes qui paroissent faux & impossibles, quand on n’en juge que par les lumières naturelles, sont vraies & certains quand on en juge par les lumières de la parole de Dieu. Mais de prétendre qu’après même que la Révélation nous a fait connoître qu’une doctrine est véritable, elle continue d’être fausse en Philosophie, c’est s’abuser. Il est bien plus juste de reconnoître que les lumieres philosophiques, dont l’évidence nous avoit paru un guide certain pour juger des choses, étoient trompeuses & illusoires, & qu’il les faut rectifier par les nouvelles connoissances que la Révélation nous communique107.
Sous couvert de modération, Bayle propose ici une lecture nettement plus radicale des rapports entre raison et révélation que celle affichée par Luther108 : comme l’a noté Gianluca Mori109, les vérités religieuses atteignables par la raison, dont Luther affirmait qu’elles étaient vraies du point de vue formel, ne font plus que paraître vraies sous la plume de Bayle qui, en outre, les qualifient de « trompeuses & illusoires », une fois éclairées par la révélation. Quant à cette « rectification » des vérités de la raison par celles de la révélation dont parle ici Bayle, elle ne saurait tromper : à maintes reprises en effet, Bayle a soutenu que les vérités de la révélation n’étaient pas « au-dessus » de la raison mais parlaient bel et bien «contre » cette dernière110. En outre, si la raison ne comprend pas les mystères de la révélation, ce n’est pas seulement par manque de lumière (comme l’affirme Luther, d’ailleurs cité par Bayle à ce propos, lorsqu’il en traite à la fin du De servo arbitrio111), mais parce que ces lumières sont fondamentalement contraires à celles de la révélation112. Il est donc bien difficile de concevoir comment les lumières naturelles pourraient être seulement « rectifiées » par la révélation et on comprend que ce que Bayle a à l’esprit ici va bien au-delà de la distinction luthérienne entre deux disciplines gardant finalement leurs propres sphères de validité. Leibniz le mettra d’ailleurs en évidence dans le Discours préliminaire à ses Essais de théodicée :
à le bien prendre, on voit que Luther n’entendait par la philosophie que ce qui est conforme au cours ordinaire de la nature, ou peut-être même ce qui s’enseignait dans les écoles ; comme lorsqu’il dit qu’il est impossible en philosophie, c’est-à-dire dans l’ordre de la nature, que le Verbe se fasse chair113.
La question mérite donc d’être posée à l’issue de cette trop brève comparaison : y a-t-il encore place, dans pareil contexte, pour une foi raisonnable ou, a minima, pour un fidéisme certes radical mais néanmoins choisi à partir d’arguments rationnels114 ? Si la réponse à cette question dépasse le propos de cette contribution, il est cependant permis d’en douter, en tout cas à lire ce qu’écrivait Bayle quelques années plus tôt dans le Supplément au Commentaire philosophique à propos de la foi de Luther : à le suivre, il paraît difficile de déceler sur quel fondement raisonnable celle-ci pouvait bien reposer en dehors des préjugés tenaces inculqués par l’éducation et l’habitude à un esprit pourtant aussi souverainement libre que celui de Luther qui avait de
bonnes intentions de découvrir la vérité [… et] le demandoit à Dieu avec autant de ferveur […]. Elle lui a pourtant échappé, & par conséquent ce n’est pas toûjours faute d’application, de zele, de sincérité, & de bonne volonté que l’on persévere dans ses erreurs ; c’est par l’impression trop forte qu’elles ont faite sur nous, en conséquence de l’éducation & de l’accoûtumance115.
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1. DHC, « Luther », p. 222. Les abréviations utilisées en note pour les références aux œuvres de Bayle sont les suivantes : Dictionnaire historique et critique, Amsterdam, 1740 : DHC, suivi du titre de l’article, de la page et, si nécessaire, de la remarque ; Œuvres diverses de M Pierre Bayle, La Haye, 1727, reprint : Hildesheim, 2001 : OD, suivi du volume et de la page. Les autres ouvrages mentionnés sont cités d’après les OD : Critique générale (CG) ; Commentaire philosophique (CP) ; Nouvelles Lettres critiques (NLC) ; Nouvelles de la République des Lettres (NRL) ; Réponse aux questions d’un provincial (RQP). Pour les œuvres de Luther, les références sont données à l’édition de Weimar (WA et WADB pour les volumes de la Deutsche Bibel) et, pour les textes traduits en français, à Martin LUTHER, Œuvres, Genève : Labor et Fides, 1957-(MLO).
2. Bayle note que le lecteur de Luther ne saurait se contenter des œuvres complètes disponibles sur le marché, dans la mesure où l’existence même de ces dernières a eu pour conséquence que l’on a « négligé les Editions particulieres de ses Traitez ; & par là presque tous les Exemplaires de ces Editions particulieres sont péris, & c’est dommage. » DHC, « Luther », p. 233 (rem. GG).
3. Cette distance avec le corpus luthérien l’amène à préférer consulter un pasteur luthérien à propos des passages de Luther qui peuvent laisser penser que ce dernier aurait nié l’immortalité de l’âme plutôt que d’en chercher la référence exacte : ibid, p. 232 (rem. DD).
4. Bayle cite principalement l’édition de Neustadt de 1603. Cf. par exemple RQP II, ch. 163 (OD III, p. 840-841).
5. DHC, « Luther », p. 225. Cf. Barbara SHER TINSLEY, Pierre Bayles Reformation. Conscience and Criticism on the Eve of the Enlightenment, Selinsgrove et Londres : Susquehanna U.P., 2001, p. 53.
6. DHC, « Luther », p. 227 (rem. O).
7. Cf. Hubert BosT, « Calvin au prisme du Dictionnaire de Bayle », BSHPF 155 (2009), p. 245-265 ; pour l’influence de la lecture baylienne au xviiie siècle, cf. Pierre-Olivier LECHOT, « Que faire de ses fantômes ? Le calvinisme genevois des Lumières face à Calvin », Archiv für Reforma-tionsgeschichte, à paraître en 2017.
8. DHC, « Luther », p. 230 (rem. X).
9. Bayle commente dans les NRL la troisième édition de ce texte : Recit de la conference du diable avec Luther, Fait par Luther même Dans son Livre de la Messe privée & de l’Onction des Prestres Avec des Remarques sur cette Conference, Paris, 1684.
10. DHC, « Luther », p. 229 (rem. V).
11. NRL, avril 1685 (OD I, p. 360). Bayle remarque avec une pointe d’humour qu’il en fut de même d’Ignace de Loyola que le diable tenta en lui présentant les vérités de la doctrine catholique.
12. Caspar SAGITTARIUS, Dissertatio historica et apologeticapro doctrina Lutheri de missa, Iena, 1686.
13. NRL, janvier 1687 (OD I, p. 728-730).
14. DHC, « Luther », p. 222.
15. Ibid., p. 224 (rem. H).
16. Ibid., p. 233 (rem. EE).
17. Ibid., p. 222 (rem. A).
18. Ibid., p. 224 (rem. I).
19. NRL, avril 1685 (OD I, p. 360).
20. DHC, « Luther », p. 233 (rem. FF).
21. Ibid., p. 232 (rem. DD).
22. Ibid., p. 225 (rem. L).
23. Ibid., p. 223 (rem. E).
24. Ibid. Bayle résolut la question grâce à l’aide d’un pasteur luthérien : l’origine de la calomnie lui semble provenir d’une lettre de Luther à Amsdorf de 1522, dans laquelle « il paroit fort enclin à croire que les ames des justes dorment jusqu’au jour du jugement, sans qu’il sache où elles sont ». Ibid., p. 232 (rem. DD).
25. Ibid., p. 231 (rem. Z).
26. Ibid.
27. Ibid., p. 222 (rem. B).
28. Ibid.
29. NLC, lettre XIII (OD II, p. 256).
30. Cf. Ruth WHELAN, « Images de la Réforme chez Pierre Bayle », Revue de théologie et de philosophie 122 (1990), p. 93-98.
31. DHC, « Luther », p. 231.
32. Ibid. (rem. AA).
33. Ibid. (rem. BB).
34. Ibid., p. 232 (rem. BB).
35. R. WHELAN, cit., p. 93.
36. DHC, « Luther », p. 231 (rem. AA).
37. Ibid. Cf. Thomas KAUFMANN, Histoire de la Réformation, Genève : Labor et Fides, 2014, p. 116.
38. DHC, « Luther », p. 231 (rem. AA).
39. Ibid., p. 230 (Rem. X), à propos de la pompe de la cérémonie funèbre de Luther.
40. Cf. Anna MINERBI BELGRADO, « Bayle et la Réforme », dans : Antony MCKENNA — Gianni PAGA-NINI (éd.), Pierre Bayle dans la République des Lettres. Philosophie, religion, critique, Paris : Champion, 2004, p. 98-99.
41. Action de deux qualités contraires dont l’une augmente la force de l’autre, comme le froid et le feu par exemple.
42. DHC, « Luther », p. 232 (rem. CC).
43. Notons le souci qu’a Bayle de situer Luther dans les courants théologiques médiévaux : « Luther avoit fait de grands progrès dans la Scholastique, & avoit même suivi la Secte des Nominaux qui étoit celle qui subtilisoit le plus les Questions abstraites ; cependant, il n’y eut jamais personne qui se déchainât autant que lui contre la méthode de philosopher que l’on suivoit en ce tems-là, & jamais personne ne s’est plus emporté que lui contre le grand Aristote. ». Ibid., p. 233. Compte tenu des débats actuels sur la question du « tournant réformateur » de Luther, on notera aussi avec intérêt que Bayle entend insister sur le fait que les critiques de Luther contre Aristote datent d’avant sa rupture avec Rome et remontent au moins à 1516 : ibid, p. 234 (rem. II).
44. Cf. Gianluca MORI, « Bayle anti-protestant : l’Avis aux réfugiés », dans : Hubert BosT — Antony MCKENNA (éd.), Les « Eclaircissements » de Pierre Bayle, Paris : Champion, 2010, p. 411 à propos de ce Bayle « provocateur ».
45. DHC, « Luther », p. 227 (rem. Q).
46. Cf. Polygamia Triumphatrix, id est Discursus Politicus de Polygamia, Londres, 1682, p. 353, 367-368 et 442. Sur Lyser, cf. en particulier Martin MULSOW, « Unanstandigkeit. Missachtung und Verteidigung der guten Sitten in der Gelehrtenrepublik der Frühen Neuzeit », dans : ID., Die unanstàndige Gelehrtenrepublik. Wissen, Libertinage und Kommunikation in der Frühen Neuzeit, Stuttgart : J. B. Metzler, 2007, p. 1-26.
47. DHC, « Luther », p. 228 (rem. R).
48. Ibid., p. 227 (rem. Q).
49. Ce n’est pas le seul passage où Bayle en profite pour épingler Jurieu : cf. ibid., p. 235 (rem. LL) à propos du ton ironique et des goguenardises de Luther. Bayle s’en prend au pape de Rotterdam pour les avoir défendus alors que l’on sait les persécutions auxquelles ces derniers exposèrent les protestants. Bayle n’hésite pas, d’ailleurs, à citer David-Augustin Brueys qui, dans sa Défense du culte extérieur de l’Église catholique, s’était montré choqué qu’un « Ministre qui les a abandonnez, & qui s’est enfui dans un païs étranger, affecte dans tous ses Ouvrages un caractère railleur et goguenard, tandis qu’il apprend tous les jours de loin la ruine & la désolation de son parti » et pointant du doigt la facilité qu’il y avait à « plaisanter en seureté ».
50. Ibid., p. 228 et 229 (rem. R et S).
51. Ibid., p. 228 (rem. R). Cf. Déclaration deMr. Bayle, IV (OD II, p. 670) pour la critique de Bayle à ce sujet.
52. Ibid., « Ochin », p. 525 (rem. X).
53. Ibid., « Luther », p. 229 (rem. S).
54. Cf. Stefano BROGI, « Les obscénités de la philosophie (et de la théologie) : éclaircissements sur les « Éclaircissements », dans : H. BOST et A. MCKENNA (éd.), Les « Éclaircissements » de Pierre Bayle, op. cit., p. 357-376, ainsi que David WOOTTON, « Pierre Bayle libertine ? », dans : M. A. STEWART (éd.), Studies in Seventeenth-Century European Philosophy, Oxford : Clarendon, 1997, p. 197-226. Pour un point de vue différent, cf. Hubert BosT, « Remarques sur le conflit herméneutique autour des Eclaircissements », dans : H. BosT — A. MCKENNA (éd.), op. cit., p. 402-403 en particulier.
55. Bayle ne semble pas avoir tenu compte des affirmations de Luther en faveur du divorce, en particulier en raison de l’incapacité d’un des époux à accomplir son devoir conjugal : cf. De la vie conjugale, WA 10/II, p. 277-278, 285 et 287 (MLO 3, p. 227, 234 et 236).
56. NLC, lettre XXI (OD II, p. 313). Bayle fait ici parler un correspondant catholique fictif, Cri-sante, dont le nom peut constituer un « jeu de mot, soulignant tout ce qu’il y a de mordant dans ses réflexions cuisantes sur la condition humaine ». Ruth WHELAN, « De Democritus et Heraclitus: Pierre Bayle et le rire », dans : H. BosT — A. MCKENNA (éd.), Les « Éclaircissements » de Pierre Bayle, op . cit., p. 459. La référence à Luther renvoie à De la vie conjugale, WA 10/II, p. 290 (MLO 3, p. 238).
57. S. BROGI, cit., p. 366.
58. On relèvera que, pour certains libertins tels que Lyser, religion et loi naturelle se rejoignent au contraire pour promouvoir la polygamie ; le commandement divin de la Genèse, « crescite et multiplicamini ! », encourage en effet tout homme en mesure de procréer à le faire avec autant de partenaires que possible, afin d’atteindre une forme d’optimum reproductif. Cf. M. MULSOW, op . cit., p. 7.
59. DHC, « Luther », p. 230 (rem. V).
60. CG, lettre IV (OD II, p. 24).
61. DHC, « Luther », p. 225.
62. C’est à la fin de sa Préface sur le Nouveau Testament de 1522 que Luther, comparant Jacques aux épîtres pauliniennes, avait déclaré : « Darum ist Sankt Jakobs Epistel eine rechte stroherne Epistel gegen sie [les lettres de Paul], denn sie doch keine evangelische Art an sich hat» (WADB 6, p. 10). Comme le note Bayle, les controversistes catholiques « ont fait là-dessus mille vacarmes » : au moment où le Philosophe de Rotterdam aborde la question, elle a en effet été déjà largement débattue par nombre d’auteurs et la vraisemblance du propos mise en doute par plusieurs historiens protestants. La controverse avait débuté avec Edmund Campion (1540-1581), jésuite et martyr catholique anglais, qui avait affirmé que Luther considérait l’Épître de Jacques comme une lettre de « paille » (« straminea »). Il avait ainsi été rapidement accusé par William Whitaker de ne pas être en mesure de citer un seul passage en faveur de sa thèse, relayé en cela par Rivet puis Daillé. Dans la première édition du Dictionnaire, Bayle en était resté à cette affirmation des deux théologiens réformés, mais dans une remarque ajoutée ultérieurement à son article (DHC, « Luther », p. 226 [rem. O]), il tiendra à préciser son propos : « Depuis la prémiere Edition de ce Dictionaire, j’ai découvert que Mrs. Daillé & Rivet n’avoient pas suivi autant que je l’avois cru toute la suite de la Dispute de Campian & Whitaker. Je m’étois imaginé que ces deux Ministres François, dont la lecture étoit immense, avoient dit sur ce sujet tout ce qui se pouvoit dire ; mais je n’avois pas raison d’en juger ainsi. C’est ce qu’on verra dans la Remarque suivante » (Ibid., p. 226 [rem. N]).
63. DHC, « Luther », p. 227 (rem. P).
64. Ibid., p. 229 (rem. T).
65. Ibid., « Augustin », p. 629 (rem. F).
66. A. MINERBI BELGRADO, cit., p. 113.
67. Bayle à son père, 21/11 septembre 1671 : Correspondance de Pierre Bayle, Oxford : Voltaire Foundation, 1999, t. II, p. 42-44.
68. RQP, CXXXIX (OD III, p. 785).
69. RQP, XCI (OD III, p. 680). Il s’agit d’une référence au De servo arbitrio ; cf. WA 18, p. 783 (MLO 5, p. 228).
70. RQP, CLXVTII (OD III, p. 856). Cf. WA 18, p. 718 (MLO 5, p. 150).
71. DHC, « Eclaircissement sur les manichéens », p. 625.
72. Cf. « Eclaircissement sur les manichéens », p. 625 : « Ces principes sont de la derniere évidence, et agissent sur l’esprit et sur le cœur, de sorte que toutes les facultez de l’homme se soulevent quand il faut imputer à Dieu une conduite qui n’est pas conforme à cette regle ». Cf. WA 18, p. 718 (MLO 5, p. 150) : « Assurément, le sens commun, qu’on appelle la raison naturelle, est offensé au suprême degré par le fait que Dieu, par un pur acte de volonté, abandonne les hommes, les endurcisse, les damne, comme s’il prenait plaisir aux péchés et aux souffrances éternelles de ces malheureux — lui dont on prêche la miséricorde et la bonté. »
73. « Moi-même j’en ai été scandalisé plus d’une fois jusqu’au plus profond désespoir, au point de souhaiter de n’avoir pas été fait homme ». WA 18, p. 719 (MLO 5, p. 150).
74. RQP, CLXIII (OD III, p. 840). Cf. WA 18, p. 784 (MLO 5, p. 230) : « Pour toutes les autres choses, nous concédons à Dieu la majesté divine, et c’est seulement pour sa justice que nous sommes prêts à la nier ; nous ne pouvons croire qu’il soit juste, quoiqu’il nous ait promis qu’au jour de la révélation de sa gloire nous pourrions voir et toucher sa justice. »
75. « Je vous prie d’examiner tout ce qu’il dit là dessus ». RQP, CLXVIII (OD III, p. 856).
76. Gianluca MORI, Bayle philosophe, Paris : Champion, 1999, p. 85-87 et 173 pour l’évolution de Bayle à propos de cette incompatibilité. Cf. également à ce sujet : Élisabeth LABROUSSE, Pierre Bayle Hétérodoxie et rigorisme, 2e éd. Paris : Albin Michel, 1996, p. 387-416.
77. « Réponse de l’Auteur des NRL à l’Avis qui lui a été donné sur ce qu’il avoit dit en faveur du P. Malebranche, touchant le plaisir des sens, &c. », OD I, p. 444-461 ; ici, p. 460-461.
78. Il faut toutefois préciser que l’interprétation de Luther que propose alors Bayle est déjà influencée par sa lecture, récente, de Spinoza. L’argument servant à illustrer le point de vue de Luther est en effet tiré du corpus spinozien : selon la définition que Bayle pose de la liberté à la suite de Luther, il faudrait affirmer que « les pierres mêmes seraient des causes très libres […] si elles étaient capables de sentiment » puisqu’elles croiraient agir sans contrainte. Selon cette lecture, Luther, suivant en cela les thèses thomistes, aurait réduit la liberté à la spontanéité d’une volonté guidée par Dieu — ce qui revient à l’associer en définitive à la posture de Spinoza. Cf. G. MORI, op. cit, p. 173-174.
79. WA 18, p. 784 (MLO 5, p. 229).
80. RQP, CLXIII (OD III, p. 841).
81. Gottfried Wilhelm LEIBNIZ, Essais de théodicée, Paris : Flammarion, 1969, p. 79-80 (« Discours de la conformité de la foi avec la raison » § 49-50) et p. 89 (§ 67). Leibniz y reprend certains passages du De servo arbitrio allégués par Bayle pour montrer que l’interprétation de ce dernier est tendancieuse. Ainsi le célèbre passage : « Si Dieu te plaît lorsqu’il récompense les indignes, il ne doit pas te déplaire lorsqu’il condamne ceux qui ne l’ont pas mérité. » WA 18, p. 731 (MLO 5, p. 164), cité en RQP, CLXII (OD III, p. 840). Il en est de même pour le passage cité en note 74.
82. G. W LEIBNIZ, op. cit, p. 58 (§ 12).
83. DHC, « Luther », p. 234-235 (rem. KK). Au sujet de la notion de double vérité chez Bayle, cf. les lectures parfois divergentes de Stefano BROGI, Teologia senza verità. Bayle contra i « rationaux», Milan : Franco Angeli, 1998, p. 62-68 ; IDEM, « La teologia di Simonide : Bayle e la doppia verità », dans : F. ABBRI — M. SEGALA (éd.), Segni e percorsi della modernità : saggi in onore di Paolo Rossi, Arezzo : Università di Siena, 2000, p. 43-75 ; Jean-Luc SOLèRE, « Bayle et les apories de la raison humaine », dans : I. DELPLA — Ph. DE ROBERT (éd.), La Raison corrosive. ’Études sur la pensée critique de Pierre Bayle, Paris : Champion, 2003, p. 119-131, ainsi que Sergio LANDUCCI, La doppia verità. Conflitti di ragione e fede tra Medioevo e prima modernità, Milan : Feltrinelli, 2006, p. 132-135.
84. Cf. en particulier J.-L. SOLèRE, cit, ainsi que IDEM, « Scepticisme, métaphysique et morale : le cas Bayle », dans : H. BOST et A. MCKENNA (éd.), op. cit., p. 499-500.
85. Cf. à ce propos Luca BIANCHI, Pour une histoire de la « double vérité », Paris : Vrin, 2006, p. 25. Leibniz y reviendra d’ailleurs dans ses Essais de théodicée : G. W LEIBNIZ, op. cit., p. 59 (§ 13).
86. Cf. à son sujet : Maria Rosa ANTOGNAZZA, « Hofmann-Streit : The Debate over the Relationship between Philosophy and Theology which Took Place at the University of Helmstedt in the Late-Sixteenth and Early-Seventeenth Centuries », Rivista di Filosofia Neo-Scolastica 88 (1996), p. 390-420, ainsi que Markus FRIEDRICH, Die Grenzen der Vernunft. Theologie, Philosophie und gelehrte Konflikte am Beispiel des Helmstedter Hojmannstreits und seiner Wirkungen auf das Luther-tum um 1600, Gottingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 2004.
87. DHC, « Hoffman, Daniel », p. 782-783.
88. DHC, « Luther », p. 234 (rem. KK).
89. WA 39/II, p. 3-5.
90. Cf. pour les références à ces différentes lectures : L. BIANCHI, op. cit., p. 26, n. 3.
91. « Etsi tenendum est, quod dicitur, Omne verum vero consonat, tamen idem non est verum in diversis professionibus. » WA 39/II, p. 3 (thèse n° 1).
92. Par exemple : « Omnis essentia divina estpater, filius est essentia divina, Ergo filius estpater. » Ibid., p. 4 (thèse n° 18).
93. Ibid., p. 3-4 (thèses nos 4-7).
94. « Cum contra Paulus doceat, captivandum esse omnem intellectum (haud dubie etphilosophiam) in obsequium Christi. » Ibid., p. 4 (thèse n° 8). Cf. ibid. (thèse n° 14) : « Muller in Ecclesia taceat», référence à 1 Co 14,35, appliquée ici à la philosophie.
95. Jean-Marc TéTAZ, « Que faire de Luther au xxie siècle ? », Revue des Cèdres 43 (juin 2015), p. 108-116.
96. É. LABROUSSE, op. cit., p. 308.
97. WA 39/II, p. 4 (thèse n° 20).
98. « Affectus fidei exercendus est in articulis fidei, non intellectus philosophiae. Tum vere scietur quid sit, Verbum caro factum est. » Ibid, (thèse n° 42).
99. « Contrarium debet esse circa vel in eodem genere idem. » WA 39/II, p. 16 (il s’agit de la réponse de Luther au doyen de la Faculté de arts, Veit Amerbach, lors de la dispute à propos des thèses proposées par Luther).
100. Ibid., p. 5 (thèse n° 41).
101. « Eundum ergo est ad aliam Dialecticam et Philosophiam, in articulis fidei, quae vocatur verbum Dei et fides. » Ibid., p. 5 (thèse n° 27).
102. « [Rectius ergo fecerimus, si Dialectica seu Philosophia in sua sphaera relictis, discamus] loqui novis linguis in regno fidei, extra omnem sphaeram. » Ibid, (thèse n° 40).
103. DHC, « Luther », p. 234 (rem. II).
104. Ibid., « Hoffmann, Daniel », p. 783 (rem. C).
105. Résumé marginal.
106. DHC, « Hoffmann, Daniel », p. 783 (rem. C).
107. Ibid, p. 234 (rem. KK).
108. Notons que Bayle entend distinguer entre impossibilités logique et métaphysique : on peut affirmer, logiquement, que l’homme n’est pas une pierre in oppositis, mais il ne faut pas faire comme Aristote et prétendre que, sur le plan métaphysique, l’homme n’aurait pas pu être une pierre (Bayle rejoint ici Spinoza ; cf. G. MORI, op. cit., p. 178) : la nécessité naturelle n’est pas la nécessité logique. Bayle nie donc l’impossibilité logique, mais pas l’impossibilité métaphysique de l’incarnation. Car en suivant la nécessité logique, Dieu n’aurait pas pu naître d’une femme et l’humanité être prédiquée de Dieu selon la formule « Dieu est homme ». Aux yeux de Bayle, Gretser n’a donc pas raison de pousser aussi loin l’accord entre vérité philosophique et vérité théologique contre Luther car, à le lire, on pourrait en arriver à croire que l’incarnation est impossible, deux natures créées de manière hypostatique ne pouvant s’unir selon ce principe.
109. G. MORI, op. cit, p. 255-256.
110. Cf. par exemple : RQP, CLVIII (OD III, p. 833).
111. WA 18, p. 785 (MLO 5, p. 231), cité en RQP, CLXIII (OD III, p. 840).
112. « [On suppose généralement] que la difficulté vient uniquement de ce qui nous manque de lumière, au lieu qu’[on devrait] dire qu’elle vient principalement des lumières que nous avons, & que nous ne pouvons accorder avec les Mysteres. » RQP, CLXVII (OD III, p. 853).
113. G. W LEIBNIZ, op. cit, p. 58 (§ 12).
114. Cf. le questionnement à ce sujet de Richard H. POPKIN, «Bayles Place in 17th Century Scepticism », dans : Paul DIBON (éd.), Pierre Bayle : le Philosophe de Rotterdam, Amsterdam et Paris : Elsevier et Vrin, 1959, p. 1-19, repris par Todd RYAN, « Évolution et cohérence du fidéisme baylien : le paradoxe du “fidéisme raisonnable” », dans : H. BosT — A. MCKENNA (éd.), op. cit, p. 447-457.
115. Supplément au CP, XIV (OD II, p. 525) ; cf. Janua Coelorum reserata, I Pars/Sectio XII/VI (OD II, p. 839).