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Matthieu ARNOLD, Martin Luther, Paris : Fayard, 2017, 686 pages.
ISBN 978-2-213-64377-9.

Martin Luther a laissé plus de 600 traités, des centaines de prédications, des milliers de lettres et de propos de table. Cette variété de documents explique que chaque biographe rédige son « Luther » : depuis le 500e anniversaire de sa naissance et l’importante biographie rédigée par Marc Lienhard (1983), ont paru ainsi un portrait du Réformateur en prophète et en rebelle (Heinz Schilling), ou encore une présentation de Luther comme un homme enraciné profondément dans le Moyen Âge (Volker Leppin).

Soucieuse de présenter toute la vie de Luther et de se fonder sur l’ensemble de ses écrits, notre biographie s’attache, plus que ne le font généralement les présentations en français, à mettre en valeur le dernier tiers de sa vie (1525-1546). Certes, douze chapitres sont consacrés aux décennies antérieures : son enfance ; son entrée au couvent ; sa crise spirituelle et la résolution de cette dernière, en lien avec ses cours sur la Bible ; les 95 thèses et leurs conséquences ; les écrits édifiants des années 1518-1519 et les « grands écrits réformateurs » de 1520 ; sa comparution devant la Diète de Worms puis sa retraite à la Wartburg ; son retour à Wittenberg, les débuts de la mise en œuvre de la Réformation et les premières divisions au sein de son camp, avec Carlstadt et Müntzer. Mais une part substantielle de l’ouvrage traite de Luther à partir de 1525, y compris des thèmes sensibles, lesquels sont éclairés par des documents inédits : la guerre des Paysans, les écrits contre les anabaptistes et les Juifs, ou encore la bigamie de Philippe de Hesse. L’analyse des sources fait apparaître que le Luther des années 1530 et 1540 ne fut nullement un homme « lassé, vidé et désabusé » (Lucien Febvre) et pas davantage un « Réformateur en marge de la Réformation » (Volker Leppin) : jusqu’à ses derniers jours, il s’impliqua fortement dans les questions tant théologiques et ecclésiales (établissement de l’église luthérienne, réaction à la convocation d’un concile…) que sociales et politiques (éducation, prêt à intérêt, paix dans l’Empire.). Par ailleurs, l’examen des lettres et des propos de table nous révèlent un mari (et un père) aimant et facétieux, et les prédications — source rarement exploitée — un orateur proche de son auditoire et un pasteur exigeant.

Lorsqu’on se fonde sur l’ensemble de la documentation laissée par Luther (ainsi que sur les écrits et les correspondances de ses contemporains), on découvre un personnage plus complexe que le pourfendeur de la papauté ou l’adversaire d’Erasme. Ce n’est pas le polémiste, mais le héraut d’un message réconfortant, largement diffusé par ses écrits édifiants, ses catéchismes et ses cantiques, qui a été lu sans doute davantage qu’aucun auteur de son temps.

L’ouvrage comporte une « bibliographie sélective » (p. 651-667), des index (personnes, p. 669-676 ; lieux, p. 680) et un cahier central d’illustrations hors texte.

Matthieu ARNOLD