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Karin MAAG, Lifting Hearts to the Lord : Worship with John Calvin in Sixteenth-Century Geneva. Grand Rapids (Michigan) : William B. Eerdmans Publishing Company, 2016, XIV-209 p.

Karin Maag nous offre une excellente collection de sources originales du XVIe siècle, traduites en anglais, qui projette une claire lumière sur le culte et la liturgie à Genève à l’époque de Jean Calvin. Les spécialistes de la Réforme devraient être intéressés par cette édition, mais elle est surtout idoine à l’enseignement, et les paroisses d’aujourd’hui y trouveront des thèmes propres à provoquer des discussions enrichissantes. Après une excellente introduction, qui décrit le retour de Calvin à Genève en 1541 après trois ans d’exil à Strasbourg, K. Maag reproduit des documents montrant les pratiques religieuses et les mœurs à Genève sous divers points de vue. Elle fournit pour chaque document une brève introduction et des annotations fort utiles. Parmi ces sources, l’on en trouve beaucoup écrites par Calvin lui-même, y compris un sermon, des commentaires bibliques et des extraits de L’INSTITUTION DE LA RELIGION CHRéTIENNE, son œuvre maitresse. Le lecteur trouvera intéressant les extraits de la correspondance du réformateur dans laquelle il affirme, entre autres, que la Sainte Cène, à la différence de l’Eucharistie catholique, n’est pas un sacrifice et qu’il n’y a aucune présence physique de Jésus dans le pain et le vin du sacrement. Très importantes sont aussi les lettres écrites par le Réformateur aux réformés en France dans lesquelles, d’un côté, il interdit l’iconoclasme comme un acte intolérable de désobéissance, et, de l’autre côté, il insiste sur l’importance de se réunir, même clandestinement, pour des services religieux afin de prier, d’écouter des sermons et de renforcer la foi commune. Frappante est la description, écrite par un catholique anonyme en 1556, des pratiques religieuses à Genève ; il observe, avec désapprobation, que les pasteurs s’habillent comme des avocats plutôt que comme des prêtres et qu’il n’y a plus d’images dans le temple, où on trouve, par contre, un pupitre et beaucoup de bancs pour que les gens puissent s’asseoir pour écouter le sermon en silence, sans prononcer à haute voix des prières individuelles, telles que l’AVE MARIA. Dans un autre document, un pasteur qui dessert des Eglises rurales donne des conseils à son successeur ; l’ancien ministre est de l’avis, par exemple, que, pour éviter l’ire de la congrégation, il faut terminer le culte peu après que les derniers grains de sable sont descendus dans le sablier que l’on utilisait pour mesurer la durée des services. Ce pasteur fournit aussi des questions précises à poser aux paroissiens avant la célébration de la Cène pour constater s’ils connaissent assez bien les principes de base de la foi. Un jeune apprenti épicier de Bâle décrivant sa vie à Genève rapporte que les foyers avaient l’habitude, matin et soir, de rendre hommage à Dieu par des prières familiales.

K. Maag présente d’autres documents qui servaient de guides pour les pasteurs dans l’administration de la liturgie. Nous trouvons, notamment, la forme des prières au début et à la fin du culte et la propre administration des sacrements du baptême et de la Cène ; les baptêmes devaient avoir lieu à la fin du sermon du catéchisme, le dimanche à midi, ou à la fin du sermon d’un autre jour de la semaine. Basée en grande partie sur celle du Réformateur Guillaume Farel, la liturgie du mariage décrète que cette cérémonie doit avoir lieu le dimanche dans le cadre du culte régulier. Le Catéchisme de 1542 donne des prières à réciter pendant les divers moments de la journée. La prière à prononcer avant de se coucher inclut la supplication de dormir juste assez pour reprendre la force pour bien servir Dieu ; la nécessité morale d’éviter le sommeil excessif évoque la thèse de Max Weber que le calvinisme, avec son aversion pour la paresse et le luxe et sa forte éthique de travail, nourrira l’esprit du capitalisme. De la même façon, Calvin insiste sur la nécessité de pas perdre du temps en répétant la même prière maintes fois de suite, déclarant qu’une telle réitération des prières équivaut à traiter Dieu comme un petit enfant. Le Réformateur met aussi en garde contre l’idée que Dieu réside dans le temple ou bien qu’il écoute les prières plus attentivement dans le lieu du culte qu’ailleurs.

Calvin affirme qu’avant de recevoir la Cène, chacun doit avoir la foi et se repentir de ses péchés, mettant en garde contre les risques de prendre le sacrement indignement. Tout en affirmant, en citant l’apôtre Paul, que ceux qui mangent le pain ou boivent la coupe indignement mangent et boivent un jugement contre eux-mêmes (1 Corinthiens 11, 27-29), il soutient que ni la foi ni le repentir ne peuvent jamais être parfaits. Le Consistoire, institution créée par Calvin en 1541 afin de contrôler la moralité à Genève, avait le droit d’exclure et d’admettre à la Cène, et K. Maag a très bien choisi les extraits pertinents des registres du Consistoire. Les membres du Consistoire étaient tous des pasteurs ou des anciens de la ville et ils se réunissaient chaque jeudi pour interroger les gens soupçonnés de dévier des mœurs réformées. Pendant les premières années de son existence, le Consistoire s’intéressait surtout aux pratiques religieuses des Genevois et à leur connaissance des principes de la foi Réformée. Quelle que soit la raison pour laquelle une personne est convoquée, le Consistoire souvent lui demandait si elle assistait aux sermons et si elle était capable de réciter le Notre-Père et le Credo. Pendant ces premières années, Calvin et ses collègues exhortaient les gens à cesser de prier la Vierge Marie, de réciter le rosaire, de faire le signe de croix et d’assister à la messe dans des communautés catholiques voisines. Nous trouvons des cas où les pasteurs et le Consistoire, du point de vue moderne, semblent bien trop rigides envers les laïcs, un excellent exemple est le refus de baptiser des enfants avec des prénoms considérés superstitieux comme Claude, le nom d’un saint local.

Les documents inclus dans ce volume sont fort bien complétés par des illustrations, des questions provocantes et de explications historiques convaincantes. En bref, Karin Maag a produit une très bonne ressource pour les historiens, et surtout pour les étudiants en histoire.

Jeffrey R. WATT