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Dogme et morale dans la prédication selon le pasteur Athanase Coquerel1

André ENCREVé

Université de Paris 12 (Paris Est-Créteil)

Qu’est-ce qu’un prédicateur protestant ? L’un des penseurs religieux protestants les plus connus au milieu du xixe siècle, Alexandre Vinet2, le définit en ces termes dans son manuel d’homilétique : « Un prédicateur est un avocat qui plaide la cause de Dieu devant un tribunal de juges corrompus, qu’il s’agit d’abord de rendre intègres3. » Autant dire que la tâche n’est pas simple. Il reste que certains pasteurs sont des prédicateurs fort appréciés. Tel est le cas d’Athanase Coquerel, que Jean Pédézert — pourtant de tendance évangélique et donc adversaire du libéralisme dont se réclame Coquerel — évoque en ces termes :

Athanase Coquerel [...] prêchait avec éclat, et, il faut l’ajouter, avec passion. [...] M. Coquerel père a eu, pendant de longues années, le plus grand auditoire protestant de la capitale. On le suivait de temple en temple, on ne se lassait pas de l’entendre. Je l’ai entendu bien des fois moi aussi, et j’ai partagé l’admiration commune. Aux morceaux ou aux mots heureux, on aurait applaudi volontiers4.

Dans sa prédication, A. Coquerel répond donc à l’attente d’une partie importante des fidèles. Et on s’intéressera ici à l’un de ses livres, ses Observations pratiques sur la prédication (1860)5, où il expose notamment sa vision des relations entre dogmatique et morale dans l’action homilétique. Comme l’écrit à nouveau A. Vinet, « le but de l’éloquence de la chaire est [...] de déterminer la volonté ; mais ce but se combine chez elle avec celui d’instruire. [.] Le prédicateur n’est qu’un docteur, sous la forme d’un orateur 6».

La question des liens entre dogmatique et morale mérite attention parce que, au début du xixe siècle, la morale envahit souvent l’ensemble du sermon protestant tant que la tendance théologique libérale domine la scène. En effet, comme l’écrit, Alfred Vincent dans son livre sur la prédication protestante, à propos de la période 1800-1820 :

Son cadre [celui de la prédication] est celui d’un Traité sur la religion naturelle : Dieu, sa providence, sa sagesse dans les œuvres de la création. Joignez-y des descriptions de la nature, des extases devant les scènes du soleil levant, devant le nombre infini des étoiles [...]. C’est surtout et avant tout la prédication des idées morales, des invocations à la conscience, des aphorismes religieux. On s’évertue à discourir sur la beauté de la vertu, la laideur du vice, à édifier des théories morales. [.] On exalte les principes moraux, on leur prête une influence de salut, les faisant briller devant nos yeux comme un trône de justice [...]. Je vois passer devant moi tous les axiomes connus de la sagesse humaine et les résultats sensés que fournit l’expérience de la vie7.

Cette description est corroborée par les remarques, postérieures à 1820, de certains libéraux. Ainsi, par exemple, le fils d’Athanase Coquerel (prénommé Athanase comme son père et connu sous le nom Athanase Coquerel fils), qui écrit à son père le 28 août 1845, après avoir effectué une tournée de prédication dans la Drôme : « Les jeunes pasteurs méthodistes [c’est-à-dire les partisans du Réveil] sont venus à moi. Seulement il faut leur parler, même très librement, de l’Évangile, de saint Paul, du Sauveur et ne pas leur faire, comme le font encore en bien des endroits les vieux de notre bord, des sermons sur les fleurs et les fruits, la neige et le tonnerre8. »

Mais, à partir des années 1820, le mouvement du Réveil — devenu ensuite la tendance évangélique — critique vivement le libéralisme et prend de plus en plus d’importance jusqu’à devenir majoritaire dès les années 1850. On verra comment Coquerel, l’un des plus fermes défenseurs du libéralisme, tient compte des critiques des revivalistes. Et l’on se demandera s’il propose un véritable renouvellement ou si, au contraire, il s’en tient à des changements plus superficiels que profonds, ce qui pourrait contribuer à expliquer la baisse régulière de l’audience des libéraux au sein de l’Église réformée.

Athanase Coquerel et la prédication au début du XIXe siècle

Né en 1795, Athanase Laurent Charles Coquerel est le fils d’une protestante anglaise, Cécilia Williams, et d’un Normand, Athanase Marie Martin Coquerel, catholique de tendance janséniste. Monique Coquerel, l’une des sœurs de celui-ci, a épousé Augustin-François Thomas du Fossé, converti au protestantisme unitarien lors d’un séjour en Angleterre et qui sera membre du consistoire réformé de Rouen au début du xixe siècle9. Tôt orphelin de père et de mère, le jeune Athanase réside à Paris chez ses tantes (célibataires et protestantes de tendance unitarienne) Persis et Helen Maria Williams, où il reçoit une éducation protestante dans un milieu très aisé, mondain et cultivé10 : le salon des demoiselles Williams est fréquenté, entre autres, par J.-B. Say, A. de Humbolt ou J.-H. Bernardin de Saint-Pierre.

Athanase Coquerel effectue ses études de théologie à Genève, puis à Montauban, dans une ambiance intellectuelle marquée par la sensibilité théologique du xviiie siècle, peu portée aux affirmations dogmatiques abstraites11. Il s’inscrit dans cette mouvance, comme le montre son mémoire de fin d’études, soutenu en 1816, et intitulé Sur l’existence de Dieu prouvée par la contemplation de l’univers, ce qui ne laisse pas d’être significatif. En effet, ce bref mémoire de 10 p. contient 21 courtes propositions. Les 20 premières sont proches de ce qu’il est convenu d’appeler le « déisme philosophique » ; la 21e énumère une série de citations bibliques, qui, dit-il, « déclarent formellement que Dieu est le créateur de toutes choses12 ». On y trouve donc une présentation de l’idée, fréquente alors, selon laquelle l’homme est — par nature, et par suite de la « contemplation de l’univers » —, capable de parvenir à une connaissance de Dieu, la révélation biblique ne venant qu’ensuite pour la préciser et la compléter.

À la faculté, Coquerel est un étudiant brillant, mais il fait également preuve d’un caractère affirmé et il se montre fort conscient de sa valeur intellectuelle. Au point que, lors de sa dernière année d’études, ses professeurs jugent nécessaire de lui demander, outre les épreuves ordinaires que subissent tous les étudiants, un travail supplémentaire, la préparation d’un sermon sur ce verset de l’Évangile : « doux et humble de cœur13 ».

Athanase Coquerel n’est pas unitarien, à l’instar de certains de ses ancêtres ; mais c’est un ferme partisan de la tendance libérale modérée, comme l’illustre son hostilité à toute confession de foi, quelle qu’elle soit. Il le manifeste en 1817 en refusant un poste de pasteur à Jersey, ce qui l’aurait contraint à signer la Confession de foi dite des « 39 articles » de l’Église anglicane. S’il reste toute sa vie partisan du supranaturalisme, il se montre, évidemment, adversaire du Réveil, qu’il accuse d’étroitesse doctrinale et de manque de véritable compréhension de la liberté chrétienne. Il adhère à cette proposition de Samuel Vincent : « le fond du protestantisme c’est l’Évangile ; sa forme c’est la liberté d’examen14. »

En 1819, Athanase Coquerel devient pasteur à Amsterdam. En 1830, il est nommé pasteur à Paris, où il reste jusqu’à sa mort, survenue en 1868. Par ailleurs, de 1848 à 1851, il s’engage en politique : il est élu député en 1848 et réélu en 1849. À partir de 1852, il est mêlé de près aux luttes entre évangéliques et libéraux, qui s’exacerbent dans les années 1860 en particulier à Paris15. Il se révèle un pasteur apprécié, en particulier au sein de la tendance libérale de l’Église, et sa notoriété dépasse la simple sphère d’influence de la communauté protestante pour atteindre, dès les années 1840, le monde de l’intelligentsia parisienne. Fondateur, et assez longtemps directeur, du principal hebdomadaire de la tendance libérale, Le Lien (qui paraît de 1841 à 1870), il publie aussi plusieurs ouvrages, en particulier L’Orthodoxie moderne16 et Le Christianisme expérimental17, Christologie, ou essai sur la personne et l’œuvre de Jésus-Christ18..., ainsi que six volumes de Sermons19.

En 1860 paraissent donc ses Observations pratiques sur la prédication20, ouvrage évidemment nourri de son expérience pastorale. Pour en comprendre les enjeux, il est nécessaire de rappeler le contexte de la prédication protestante des premières années décennies du XIXe siècle, contre laquelle Athanase Coquerel réagit, tout comme les adeptes du Réveil.

De fait, si l’on ouvre quelques-uns des recueils de sermons de cette époque, on constate que la plupart des prédications sont centrées sur des questions morales, même lorsqu’elles ont un sujet doctrinal.

Prenons l’exemple du recueil d’E. S. Reybaz, paru en 180121. On y trouve des sermons intitulés Sur le respect dû à la vieillesse, Sur la protection du ciel assurée à tout homme juste, Sur les avantages de la médiocrité, Sur la fausse confiance qu’inspire la prospérité, Sur le bonheur attaché à la pureté du cœur ou Sur les jugements téméraires.

De plus, la morale qui y est prêchée s’avère plutôt sommaire. On lit par exemple, dans le sermon sur les avantages de la médiocrité :

Placé entre deux conditions extrêmes, l’opulence et la pauvreté, vous avez part à leurs avantages, sans éprouver leurs malheurs. Plus haut, sont les secousses violentes, les revers terribles, l’oubli de soi même, la crainte, l’horreur de la mort. Plus bas, le découragement, les ressources humiliantes, les passions viles, les conseils désespérés de la misère. A votre place, tout est dans l’ordre ; l’esprit est libre, le cœur calme, et les besoins satisfaits. Vivez donc heureux dans cet état fait pour l’homme22 !

Par ailleurs, on se garde d’oublier la contemplation de la nature. Reybaz déclare ainsi dans son sermon intitulé Sur les voix des cieux adressées à l’homme :

Heureux celui qui, au lever de l’aurore, ou dans la tranquillité d’une belle nuit, se pénètre profondément de ces grands objets ! Il éprouve je ne sais quel frémissement ; des larmes de reconnaissance et d’admiration coulent de ses yeux. Oh ! l’existence d’un tel homme ne sera point vaine ; il a connu la félicité23.

Même les questions doctrinales sont abordées sous un angle moral. On lit, ainsi, dans le sermon intitulé Sur l’amour de Dieu manifesté par la rédemption :

C’est peu de croire, il faut agir. En Jésus-Christ ce qui sert, c’est la foi agissante par la charité (Gal. [5], v. 6). L’esprit de la foi c’est donc les œuvres. Et comme l’absence de l’esprit est la mort du corps ; de même la foi sans les œuvres est morte (Jacq. 2, v. 26). C’est pourquoi, si Jésus se déclare l’auteur du salut ; ce n’est que pour ceux qui lui obéissent (Heb. [5], v. 9)24.

Reybaz n’est nullement un cas unique. Ainsi, Jean-Pierre Vaucher propose des sermons sur le choix des plaisirs, l’égoïsme, la préparation à la vieillesse, le contentement de son état25. Quant à Frédéric Ancillon, pasteur de l’Église française de Berlin, il prêche sur les difficultés de la vertu, le pouvoir de la conscience, la force de la volonté, l’amour de la patrie, l’inégalité des biens ou les progrès des lumières26, par exemple.

Il présente la morale chrétienne comme facile à mettre en application :

Prédicateur de la morale la plus pure, et sensible aux faiblesses de l’humanité, il [Jésus] [...] nous présente la vertu sous ses véritables traits, d’un côté enchaînant les passions et nous dictant des lois sévères, de l’autre nous prodiguant les motifs, les secours, les encouragements au bien. La religion nous impose un joug, mais il est doux de le porter ; elle nous charge d’un fardeau, mais elle le rend léger27.

Ces sermons présentent donc un code moral, reflet du mode de vie que souhaitent mener les Européens cultivés de ce temps. Pour ces prédicateurs, le salut par la foi semble parfois synonyme de salut par une vie d’honnête homme. Dieu y paraît confondu, en partie tout au moins, avec la nature, davantage une réalité immanente qu’une puissance transcendante. C’est une théologie optimiste, tant sur l’homme que sur Dieu. Ces sermons sont plutôt construits autour d’une idée morale illustrée par un verset biblique, et non l’inverse, comme le voulait la tradition de la Réforme. Ces prédicateurs s’abstiennent en général de critiquer la doctrine classique : ils se contentent de l’atténuer et de passer sous silence les questions difficiles, comme la double nature du Christ, qui peut conduire au salut gratuit, doctrine dont le moralisme ambiant ne sait que faire. Résumant l’impression que l’on en retire, Alfred Vincent écrit : « [...] qu’était l’Église alors ? Une société d’honnêtes gens dissertant sur des sujets sérieux28. »

C’est contre cet affadissement dogmatique, où ils voient une cause de sommeil spirituel, que s’élèvent les adeptes du Réveil. Or, tout en refusant les présupposés du Réveil et en se présentant comme les continuateurs de l’élaboration théologique du xviiie siècle, les tenants du libéralisme modéré — comme Athanase Coquerel — sont eux aussi convaincus que ce type de prédication moralisante ne suffit pas aux hommes du xixe siècle. Ils estiment qu’il faut leur proposer quelque chose de plus ferme au point de vue doctrinal et de plus ancré dans le message évangélique au point de vue moral.

Modeste, pour une fois, Coquerel présente son livre en indiquant qu’il s’est contenté de jeter « sur le papier les souvenirs et les principales expériences d’une carrière de plus de quarante années de prédication29 ». Il n’en montre pas moins une grande connaissance des orateurs de l’Antiquité et des principaux prédicateurs protestants des xviie et xviiie siècles —Saurin, par exemple30 —, mais aussi de catholiques comme Bossuet ou Fénélon. Il a également lu les ouvrages qui traitent d’homilétique ou du ministère pastoral, notamment ceux d’Ostervald, Chenevière ou Vinet31 : Il est clair qu’il médite depuis longtemps sur l’éloquence de la chaire. Du reste, il présente d’emblée la prédication comme « le premier devoir du ministère de notre Église32 ». Son livre compte 26 chapitres, souvent assez courts. Composé, selon son auteur, « de simples souvenirs, souvenirs d’échecs et d’imprudences autant que d’efforts plus heureux33 », il propose une véritable réflexion sur la prédication protestante au milieu du xixe siècle, tant dans sa forme que dans son fond34.

La réflexion d’Athanase Coquerel sur la prédication

Tout d’abord, Coquerel donne d’assez nombreux conseils pratiques. Il explique par exemple qu’il convient d’adapter sa prédication à son auditoire en tenant compte de sa situation morale et intellectuelle35 et de ne pas oublier de regarder l’assistance pour prendre conscience du degré d’attention qu’on obtient36 ; que, si dans les grandes villes qui possèdent plusieurs lieux de culte on retient la même attention dans les différents temples, c’est la preuve que l’on a su s’adapter à des auditoires différents37. En cela Coquerel s’écarte quelque peu de Vinet qui soutenait qu’un prédicateur fidèle à l’Évangile ne peut éviter une certaine impopularité, puisque « l’Évangile ne serait pas l’Évangile s’il coulait dans les âmes avec la même facilité et la même douceur que les dogmes de la religion naturelle ou de la philosophie morale38 ». Cette différence s’explique aussi par les choix doctrinaux de Vinet qui, ferme revivaliste, tient à s’éloigner de la religion naturelle chère au xviiie siècle.

Coquerel consacre de nombreuses pages pour expliquer qu’il vaut mieux ne pas lire son sermon en chaire. Il préconise de composer son sermon avec le plus grand soin, puis de l’apprendre par cœur et de le réciter ; c’est aussi la méthode recommandée dans la plupart des manuels d’homilétique : seuls ceux qui sont incapables de retenir leur sermon peuvent à la rigueur avoir quelques notes devant eux39. Il s’arrête aussi sur l’improvisation ; sans la rejeter, il estime qu’elle demande une longue préparation et que seuls les pasteurs expérimentés peuvent s’y risquer.

Coquerel donne d’assez nombreux conseils à propos de la forme des sermons. Y a-t-il un genre de sermon devant être recommandé ? « Tous les genres sont bons, répond-il, hors le genre ennuyeux40. » Et il cite un de ses professeurs de Montauban, à propos d’un prédicateur : « Quand j’entends ses discours, il me semble qu’il neige41. » Vinet soutient aussi qu’une prédication ne doit traiter que de sujets intéressants42. Coquerel ajoute qu’il convient d’éviter les trop longues prières, qui « deviennent toujours de mauvaises prières, distraites, inattentives, impatientes ou rêveuses et contemplatives43 ». Il affirme que, s’il est judicieux de pratiquer l’exégèse, il ne faut pourtant pas exagérer et donner toutes les hypothèses possibles (il cite un prédicateur qui, deux heures après le début de son sermon en était à la 65e explications des Semaines de Daniel44) ; qu’il n’est pas judicieux de truffer son sermon de « kyrielles de passages [bibliques] enchevêtrés sans critique et sans discernement45 » ou de se perdre dans des détails insignifiants et dans des anecdotes insipides46 ; et qu’il vaut mieux ne pas tenter de faire de l’esprit dans ses sermons47. Enfin, il explique que, s’il convient de se garder de la rhétorique creuse, un plan bien structuré est indispensable, parce que les sermons sont faits pour être écoutés48.

Coquerel insiste aussi sur un point : un sermon demande beaucoup de travail. Mais comment trouver le temps de le préparer au milieu des multiples obligations de son ministère ? La réponse est aisée, mais exigeante :

Il n’est qu’un moyen bien simple [...] c’est d’y penser à chaque instant. On peut se faire sans grand effort à cette contention d’esprit ; on peut dans la retraite et dans le monde, partout, s’accoutumer à penser à des textes, à des sermons. [...] Je veux seulement dire que lorsque la pensée d’un prédicateur est libre, c’est sur sa prédication qu’elle doit porter49.

Coquerel affirme avoir toujours pratiqué de la sorte. L’on trouve du reste d’autres témoignages du même type, comme celui de Jean-Henri Grandpierre (1799-1874), collègue de Coquerel à Paris (et de tendance évangélique), qui écrit dans ses Souvenirs :

Chaque semaine, je composais un nouveau sermon, que j’apprenais par cœur mot à mot et que je récitais du haut de la chaire, avec une étonnante facilité. Quand j’en avais fini avec mes labeurs du dimanche je cherchais le soir même de ce jour un sujet et texte pour le dimanche suivant, et dès le lendemain matin, je m’appliquais à la méditation et à la composition50.

Pour Coquerel, une prédication protestante doit tout d’abord illustrer l’un des principes fondamentaux du protestantisme, le « sola scriptura » : « Un sermon protestant doit toujours refléter la Bible. [...] il faut [...] que l’auditeur sente couler vers lui à pleins bords la vraie source d’eau vive51. » Affirmation corroborée par Vinet : « Qu’est-ce que la prédication ? C’est l’explication de la Parole de Dieu [...]52. » Coquerel revient à plusieurs reprises sur l’importance de la fidélité à la Bible, à toute la Bible53, tant ce principe est central pour les protestants. D’autant plus, ajoute-t-il, que dans la Bible « il y a des textes pour tout54 ».

Cette place éminente de la Bible est induite par l’importance de la prédication dans le culte protestant : « Le sermon, — écrit-il — à quelque point de vue qu’on envisage la question, a été, et sera la principale partie du culte protestant55. »

Pour un fidèle protestant, le moment le plus important du culte dominical est la prédication. C’est elle qui dure le plus longtemps et c’est vers elle que converge la liturgie ; c’est elle que les fidèles attendent surtout, et d’elle qu’ils s’entretiennent à la sortie du culte56.

Qu’en est-il de la Cène ? En réalité, soutient-il, la question ne se pose pas car « la Cène est quelque chose de complètement à part ; elle n’est comparable à rien et ne peut être mise en balance avec quelque office divin que ce soit, ni pour la forme, ni pour le fond57 ». Et, sans approfondir cette question, Coquerel se contente d’insister à plusieurs reprises sur l’importance primordiale de la prédication, à ses yeux l’un des points fondamentaux de la Réforme depuis le xvie siècle : « Tout ce qui en diminue la valeur [celle du sermon] ou en restreint la portée est contraire à l’essence même du christianisme de la Réformation58. » Et quoiqu’adversaire ecclésiastique de Vinet, Coquerel rappelle que ce dernier est de son avis sur ce point59.

De cette importance découle évidemment la durée du sermon, beaucoup plus long que le prône catholique. Au XIXe siècle, le sermon protestant est long. Coquerel explique qu’à son avis, une heure est une durée maximale, et il rappelle qu’en Saxe au xviiie siècle les prédicateurs qui dépassaient deux heures étaient condamnés à deux écus d’amende60. Sans fixer de limite, Vinet se contente d’affirmer qu’un « sermon dans lequel on n’avance pas dans le développement de l’idée paraît toujours long », mais aussi qu’un « sermon trop court est un scandale61 », ce qui laisse une large marge d’interprétation. Une heure semble une durée moyenne, et l’on a des témoignages de sermons vraiment plus longs. F. Delétra écrit ainsi à propos des paysans du Vivarais en 1841 : « On peut [...] quand on les a captivés les tenir pendant deux heures. [...] S’il en est besoin, ils font leur sommeil, puis ils se réveillent et vous écoutent. Plus vous leur en donnez mieux c’est62. »

Quel est l’objectif du sermon ? Pour Coquerel, c’est l’apprentissage de la liberté, puisque c’est un appel à la conscience éclairée par la Parole de Dieu. Un prédicateur protestant s’adresse :

à une assemblée de fidèles dont chacun a dû puiser sa foi dans l’Écriture librement interprétée par la conscience et la raison63. [... De ce fait] le but de la prédication protestante n’est pas de constater la docilité de la foi du peuple [.]64 ; notre but [celui du prédicateur] n’est pas seulement d’enseigner la foi, mais aussi les moyens d’y arriver, d’enseigner l’usage de la liberté d’examen en nous en servant les premiers, de provoquer, de diriger cet examen, d’éclairer les esprits et d’annoncer la vérité sans l’imposer jamais65.

C’est pourquoi il existe dans le protestantisme une réelle diversité ; ce qui est normal et nécessaire parce que :

Dans le temple, comme hors du temple, le protestant ne croit pas sur parole et le dernier mot de notre prédication doit toujours être celui de saint Paul : Je vous parle comme à des personnes intelligentes ; jugez vous-même de ce que je vous dis (1 Cor. X, 15)66.

Cela implique que le prédicateur se tienne en permanence au courant de l’évolution intellectuelle de son époque, afin d’être en mesure de répondre aux questions de ses contemporains : « toute séparation du monde de la pensée et de celui de la foi est mauvaise ; il vaudrait infiniment mieux travailler à les rapprocher qu’à les désunir67. » Cette phrase fait écho à la pensée de F. Schleiermacher — le théologien qui a sans doute eu le plus d’influence sur l’ensemble du protestantisme au xixe siècle68 — et à son célèbre livre de 1799 : Sur la religion, discours à ceux de ses détracteurs qui sont des esprits cultivés69. Pour Coquerel, le pasteur est appelé avant tout « à être le docteur du peuple, à expliquer la révélation70 » : le pasteur, explique-t-il, rappelle ici un second point fondamental de la Réforme, le sacerdoce universel.

Ce rappel ne diminue en rien l’importance du ministère pastoral. En effet, soutient Coquerel, « aucune responsabilité ne dépasse celle du prédicateur chrétien71 ». Les qualités dont il doit faire preuve sont nombreuses : le zèle, la piété, l’humilité, la foi, le désir ardent de la gloire de Dieu, le service fidèle du règne de l’Évangile, l’amour de ses frères, etc. Un tel tableau pourrait décourager quelque peu un jeune étudiant en théologie. Mais comment l’éviter ? Il est difficile de prêcher le christianisme car : « La religion [...] ne s’impose pas d’elle-même ; elle est vraie, elle n’est point évidente, et toute vérité non évidente a besoin d’être prouvée, d’être défendue72. »

Coquerel a donc une conception très exigeante du ministère pastoral, issue de l’importance qu’il attache à la prédication, où il voit le vecteur fondamental de l’annonce de l’Évangile : «N’oublions pas que, sans la chaire, l’Évangile, inconnu des masses, deviendrait une science, une archéologie, un système, et non plus un culte73. »

Places respectives du dogme et de la morale dans la prédication

Les commentateurs protestants sont d’accord sur un point : le sermon doit être à la fois dogmatique et moral. Coquerel ne fait pas exception : « Tout sermon seulement dogmatique ou seulement moral est mauvais74. » En effet, affirme-t-il, comme le sermon doit être fondé sur la Bible et que la Bible contient des enseignements doctrinaux et des enseignements moraux, c’est la seule façon pour le prédicateur d’être fidèle à sa vocation d’interprète de la Bible :

La foi chrétienne et l’activité chrétienne se touchent, se confondent, sont inséparables ; aussi, dans la révélation chrétienne, conforme, comme un livre révélé doit l’être, à la nature humaine, l’enseignement n’est d’ordinaire jamais simple, mais double pour ainsi dire ; il est moral et dogmatique à la fois ; il porte sur ce que l’homme doit croire et sur ce qu’il doit pratiquer. Accoutumé à recevoir de l’étude de l’Évangile les deux impressions, l’auditeur, après avoir écouté un sermon qui roule exclusivement sur un dogme ou sur un devoir, se retire mécontent ; on ne lui a présenté qu’une face de la religion ; on ne s’est inquiété pour ainsi dire, que d’une moitié de son âme75.

Coquerel revient à plusieurs reprises sur la nécessité de traiter ces deux domaines dans les sermons76. Cela illustre l’évolution de la pensée des libéraux modérés par rapport au début du XIXe siècle. On a dit qu’avant 1820 la doctrine était fort peu abordée et que l’essentiel de la prédication était centré sur la morale. Or le Réveil a insisté sur l’importance de la doctrine ; la tendance libérale a fini par se rallier à cette opinion77 tout en se faisant de la dogmatique une idée différente de celle des revivalistes. Sur ce point, Coquerel se retrouve assez proche de Vinet et de son manuel d’homilétique, même si Vinet est plus théorique que Coquerel.

Pour Vinet, certains revivalistes répugnent à parler de morale parce qu’on l’a trop souvent séparée de la doctrine, alors que dans la Bible elles sont intimement liées :

Les sujets de morale, le mot même de morale, sont aujourd’hui78 fort décriés et très injustement. Si le mot ne se trouve pas dans l’Évangile, on ne peut pas en conclure qu’il n’est pas légitime de s’en servir. La Bible n’emploie pas le langage de la science mais celui de la vie, et elle prêche sans cesse la morale sans juger nécessaire ou utile de nous avertir qu’elle fait de la morale. [...] Ce qui a discrédité les sujets de morale, c’est la manière dont on les a souvent traités, en séparant la morale du dogme dans lequel elle puise et son efficacité, en la désavouant et l’affadissant. Nous pouvons donc réhabiliter le mot sans inconvénient. La morale est la doctrine des mœurs ou de la vie pratique considérée dans ses rapports avec la loi et la grâce79.

En bon revivaliste, Vinet tient à montrer l’importance de la dogmatique, même dans le domaine éthique. Et s’il se trouve ici proche de Coquerel, c’est bien la marque de l’influence du Réveil sur les libéraux, ou du moins de la volonté des libéraux de répondre à l’une des critiques des revivalistes. Mais où se trouve le point d’équilibre et que convient-il de dire ?

La doctrine dans les prédications

Naturellement, pour Coquerel, l’exégèse et la dogmatique doivent être abordées. Bien qu’il ait été marqué par les critiques revivalistes formulées contre la prédication au début du xixe siècle, il reste évidemment un libéral. Logiquement, il insiste donc d’abord sur l’importance de l’exégèse. Ceci devrait permettre, pense-t-il, de lutter contre les interprétations étroites et erronées de certains prédicateur revivalistes, qu’il regarde comme inattentifs aux avancées de la recherche scientifique dans cette matière :

L’exégèse [...] est un élément de la prédication protestante que l’on néglige trop de nos jours. La Bible est loin d’être comprise comme elle devrait l’être [...]. Il est donc indispensable que l’explication assidue de l’Écriture sainte soit donnée du haut de la chaire [...]80.

Certes, il ne faut pas confondre un sermon et un cours d’exégèse à la Faculté de théologie ; mais un peu d’exégèse est indispensable pour permettre aux auditeurs de comprendre le véritable sens du texte biblique. Coquerel donne l’exemple des deux épîtres aux Corinthiens, qu’il n’est pas possible de comprendre sans que « la critique historique du texte, les allusions aux circonstances de l’Église de Corinthe ne puissent heureusement enrichir le sermon81 ». Parmi les thèmes de sermons qui lui semblent tout à fait acceptables, il cite « des sermons de critique sacrée où les thèses principales de cette science seront exposées et défendues82 », ce qui est aussi une façon de s’opposer aux revivalistes.

Cela conduit Coquerel à contester complètement le sermon allégorique, à ses yeux le contraire de l’exégèse. Il y consacre un chapitre entier (p. 52-63) en citant des exemples ridicules83 : la principale critique que l’on peut formuler contre ce type de sermon est qu’ils ne sont que le reflet de l’imagination de leur auteur et donc une parodie de l’Évangile. De même, et on retrouve là encore un écho des critiques formulées par les revivalistes, Coquerel récuse le sermon lyrique ou bucolique qui semble « dérobé à Bernardin de Saint-Pierre84 » et qui ignore, en fait, le texte biblique.

L’exégèse que recommande Coquerel reste cependant assez générale et peu scientifique. Comme il fait partie de la génération des libéraux modérés, il ne demande pas, par exemple, que les pasteurs fassent état des dernières recherches de l’« École de Tubingue ». Ce qu’il engage à faire, c’est une simple « exégèse morale », qui demeure ancrée dans la pensée du xviiie siècle :

L’exégèse qui convient en chaire est celle qui constate à grands traits le sens réel ; celle que l’on peut nommer l’exégèse morale, les questions de vraisemblance, les marques de naïveté, de sincérité, de simplicité qui abondent dans l’Écriture ; celle qui consiste en des paraphrases oratoires de ces deux profondes pensées de Rousseau sur les Évangiles : « Ce n’est pas ainsi qu’on invente ; l’inventeur serait plus étonnant que le héros85. »

Coquerel ne demande pas une exégèse scientifique pointue, mais plutôt une étude du texte qui permette de s’opposer aux interprétations étroites de certains revivalistes, qui sont pour lui un obstacle à l’annonce de l’Évangile.

Coquerel accepte aussi des sermons centrés sur la dogmatique86, étant entendu qu’elle ne doit pas envahir tout le sermon. Mais comment la prêcher ? Naturellement, il ne se rallie pas aux thèmes des revivalistes, auxquels il reproche à mots couverts d’être les adeptes de l’étroitesse doctrinale87 et il continue à marquer son refus des confessions de foi obligatoires. Il soutient, en effet, que :

l’étroitesse de la théologie est la ruine de la prédication. Tout dogmatisme exclusif, qui ne voit la vérité qu’en des formules de foi, des doctrines favorites, qui les recommande à satiété comme les conditions uniques du salut, qui en fait le thème constant de la prédication, n’obtiendra avec le temps pour résultat qu’inattention, lassitude, impatience88.

On trouve ici une allusion aux débuts du Réveil dont les adeptes ont tant souligné l’importance de la doctrine et des confessions de foi. Coquerel critique au passage les prédicateurs qui tentent d’effrayer leurs auditeurs pour les convertir. Il s’en prend même, sans le nommer, à Adolphe Monod, dont Michelet disait : « Tous ceux qui l’ont entendu en tremblent encore89. »

Coquerel répète à plusieurs reprises — ce point lui tient à cœur — que la présentation de la doctrine chrétienne doit évoluer avec le temps. La vérité évangélique ne change pas90, évidemment ; mais il faut que la prédication doctrinale s’adapte, tout comme l’interprétation de certaines formules dogmatiques :

La nuance de la foi d’une époque se réfléchit dans les sermons de l’époque et varie avec ces variations de notre Église, qui sont une nos faiblesses lorsque comme les premiers adversaires de Bossuet on veut les pallier ou des démentir, et une de nos forces quand on les considère comme une conséquence de droit de notre principe et un légitime caractère de la foi individuelle91.

Ce qui lui permet, par exemple, de recommander la lecture du Symbole des apôtres pendant le culte :

Ce n’est pas une prière, c’est une déclaration, faite non à Dieu qui sait ce que nous croyons, mais devant les hommes. Il est donc juste de la prononcer, non point du ton d’un chrétien qui prie, mais du ton simple et net d’un représentant de l’église qui en proclame l’antique foi92.

On retrouve là l’attention de Coquerel à l’évolution de la pensée et son insistance sur la nécessité d’annoncer l’évangile d’une façon qui soit acceptable même par les intellectuels de son temps. Ceci le conduit à s’en prendre directement aux partisans allemands « de l’orthodoxie piétiste si rigoureusement confessionnelle93 ». Il les juge funestes pour la prédication parce que leur rigidité ne leur permet pas de prêcher utilement la morale, si importante à ses yeux. Il encourage les prédicateurs à rappeler les principaux points de la doctrine protestante, notamment le salut par la foi94, à la différence des prédicateurs du début du XIXe siècle qui ne s’y attardaient guère parce qu’ils y voyaient un obstacle à la prédication de la morale.

Son attention à l’évolution de la pensée le conduit aussi à ne pas négliger, et même à recommander, la controverse contre les évangéliques : leurs conceptions, à ses yeux rétrogrades sont un obstacle à la prédication de l’Évangile :

Lorsqu’il y a vingt ans et plus l’exclusivisme [c’est-à-dire le revivalisme] débordait [...] j’ai cru que mon devoir était de dévoiler et de combattre ces tendances désastreuses ; j’ai cru que la défense de la paix et de la vérité chrétienne, ne pouvait se séparer de celle de la liberté95.

Pour la même raison, Coquerel ne recule pas devant la polémique anticatholique. Il rappelle avoir prêché à propos de la promulgation du dogme de l’Immaculée Conception, de l’affaire Mortara ou sur des mandements des évêques de France96. Il lui est également arrivé de répondre dans un sermon à un pamphlet catholique présentant, de façon classique, Luther comme un débauché, dans le but de « montrer à nos adversaires que la virulence de leurs calomnies nous intimide peu et ne ferme pas les lèvres de la minorité97 ».

Logiquement, Coquerel ne prône pas une dogmatique précise, ce que son refus de toute confession de foi obligatoire ne lui permettrait pas de faire. Il demande simplement une prédication doctrinale modérée, rappelant les grands principes de la Réforme, mais peu directive, ouverte aux interprétations récentes, pluraliste au fond. Le plus important est, selon lui, d’annoncer le christianisme d’une manière qui soit acceptable par tous ses contemporains, en particulier les hommes cultivés.

La morale dans les prédications

La morale, on l’a dit, est pour Coquerel le second point fondamental de la prédication protestante. C’est même le point principal puisque, tout en recommandant de parler de la dogmatique et de la morale, il tient à préciser que, s’il avait à choisir entre les deux, il choisirait la morale98.

Mais quelle morale ? Il la décrit comme une morale pratique, fondée sur « une étude sérieuse du cœur humain, de ses forces, de ses faiblesses, de ses passions99 » ; si on s’abstient de faire cette étude, « la morale de ces sermons est coulée dans un moule unique, et les nuances si variées de nos vices et de nos vertus n’y jettent aucun reflet100 ». C’est évidemment là une critique des revivalistes, auxquels il reproche de prêcher une morale stéréotypée parce que déduite de considérations dogmatiques abstraites. Mais cela n’annonce pas une pensée très originale, sa morale étant plutôt faite des conseils pratiques et modérés. D’autant que Coquerel déconseille de prêcher une morale trop sévère, comme il arrive aux jeunes pasteurs de le faire :

S’agit-il de morale ? Leur prédication est d’une sévérité excessive. Ils exigent toujours le plus, font du péché des peintures si outrées que le commun des pécheurs ne s’y reconnaît pas, et tiennent sans cesse en main les pierres qu’en présence du Sauveur on ne jetait point à la femme adultère101.

Coquerel soutient qu’il est plus facile de prêcher la morale quand on a un certain âge, parce que c’est seulement peu à peu qu’un prédicateur acquiert confiance et autorité C’est alors qu’il est en mesure d’aborder des questions qu’il n’aurait pas osé traiter auparavant. Il cite sa propre expérience : dans « les commencements de la carrière, je n’aurai pas cru pouvoir porter en chaire le “vivre maritalement” dont j’ai parlé ci-dessus102 ».

Comment doit-on prêcher la morale ? Coquerel soutient qu’il convient d’éviter toute incrimination personnelle, même sous forme de simples allusions103. Il y insiste avec force en affirmant : « [...] votre droit n’est pas d’accuser le pécheur, mais de l’amener à s’accuser lui-même dans le secret de sa conscience104 ». À ses yeux, cette règle ne doit pas être transgressée, fût-ce dans le cas du manque d’assiduité au culte. Outre le ridicule qui consiste à reprocher aux présents l’absence d’autres personnes, cela risque, de décourager un auditeur occasionnel — il pourrait se sentir visé par une telle remarque — et l’engager à ne pas revenir, alors que le devoir de tout prédicateur est au contraire tenter de l’amener à fréquenter le culte.

Le plan d’un sermon centré sur la morale est important. Coquerel en propose un, au sujet de l’« impudicité » :

[...] c’est 1° un péché contre Dieu qui le défend dans sa loi ; 2° contre la société dont il trouble l’ordre ; 3° contre la créature de Dieu qui le commet, et 4° contre la créature de Dieu qui en est l’objet et qui tombe dans la misère et l’infamie105.

Ce plan est révélateur. On y note une référence à la « loi de Dieu », mais l’essentiel est consacré à la perturbation que ce péché produit dans la société et aux conséquences individuelles de la réprobation sociale qu’il entraîne. Coquerel ne se demande pas si la réaction de la société est conforme au message évangélique. L’attitude de la majorité est, au moins implicitement, regardée comme conforme à la volonté divine. Coquerel se garde de mettre en question non seulement l’organisation sociale, mais aussi la morale commune.

De quoi doit-il être question dans ce type de sermon ? Coquerel se livre tout d’abord à une critique de l’attitude des prédicateurs revivalistes qui insistent excessivement sur la doctrine et qui se limitent trop souvent à recommander une morale générale simplement tirée des présupposés dogmatiques qui leur sont chers. Une telle attitude lui semble tout à fait insuffisante :

Mais on se contente de tonner vaguement sur l’état de chute et de misère, la corruption radicale, la faiblesse humaine, l’impossibilité de se justifier ; on parle beaucoup plus du péché que des péchés ; on se tient en dehors des détails, de sorte que chaque auditeur, avec la confiance en soi que cette déchéance de l’humanité suppose, peut croire qu’il s’agit de son voisin106.

Coquerel préconise une prédication morale comportant la critique de faits précis et explicitement dénoncés (dépourvue de toute incrimination individuelle, on l’a dit), qui ne se perde pas dans des considérations vagues, et tirée de l’observation du cœur humain davantage que des présupposés doctrinaux. Il prend l’exemple de la charité, question qui l’a passablement occupé au début de la Seconde République, au moment où peu après la Révolution de février 1848 toute une fraction de l’opinion réclamait une république démocratique et sociale107. Mais, même s’il s’exprime sur un ton incisif, Coquerel raisonne seulement en termes de charité individuelle banale, des plus classiques, peu différente d’un simple humanisme agnostique108 :

[...] la charité [...] n’est pas toujours exigée avec assez force et par des appels assez positifs, par des tableaux assez vrais ; on craint de blesser les riches, et de flatter, d’aigrir le mécontentement des pauvres ; on parle vaguement de l’amour du prochain, sans dire comment il faut l’aimer ; on dépeint avec émotion le bon Samaritain agenouillé près du voyageur meurtri et répandant le vin et l’huile sur ses plaies ; mais on ne suit que de loin le sacrificateur et le lévite qui passent leur chemin et la censure se perd dans la distance109.

La lecture de certains de ses sermons à ce sujet110 montre que sa présentation de la charité est simplement conforme à la façon dont la bourgeoisie française la comprend alors.

Sa volonté de prêcher une morale n’hésitant pas à s’intéresser à des faits précis le conduit à recommander, sous certaines conditions, de choisir des sujets dans l’actualité. Certes, il ne faut pas tomber au niveau des « mondanités honteuses » et des « mobiles caprices de la mode » que l’on trouve dans les gazettes111 ; de même, il serait ridicule de critiquer le vêtement des femmes, comme on pouvait le faire au xvie siècle. Mais la chaire ne doit pas s’interdire les grands sujets sociaux, comme l’émancipation des catholiques en Angleterre, l’intolérance qui a toujours cours dans la protestante Suède, ou l’esclavage aux États-Unis112. En effet, écrit Coquerel, « nous montons en chaire pour voir le siècle de plus haut, à l’abri de ses hontes comme de ses atteintes, et pour lui dire chrétiennement son fait113 ». Il s’agit de sujets importants, qui ont fait l’objet de controverses ; cependant, même s’ils ont agité des États protestants, ce sont des problèmes survenus dans des pays étrangers et, de ce fait, plus faciles à aborder pour un Français que des sujets portant à polémique en France même. Par ailleurs, Coquerel dresse une liste d’événements auxquels il a consacré une prédication, mais il ne s’y révèle guère original ; il cite bien des catastrophes naturelles, comme la rupture des digues à Amsterdam, la cessation du choléra en 1832 ou les inondations de 1846, ce qui est assez classique pour un prédicateur de ce temps. Et s’il ne dédaigne pas les purs événements politiques comme les émeutes parisiennes de 1832, l’attentat de Fieschi contre Louis-Philippe, la révolution de février 1848 ou les journées de juin 1848, ce n’est guère original, puisqu’il traite d’événements tout-à-fait exceptionnels.

Comme Coquerel n’hésite pas à critiquer l’Église catholique, il précise qu’il a consacré un sermon à la mode des tables tournantes — qui connaissent une certaine popularité dans les années 1850114 — alors qu’il reproche vivement aux prêtres catholiques de ne pas lutter avec assez d’énergie contre « la masse incroyable de préjugés, de crédulités absurdes, de pratiques superstitieuses, qui encombrent les esprits des gens de la campagne115 ». Mais, chacun le sait, depuis le xvie siècle les protestants reprochent aux catholiques de ne pas s’opposer avec force aux superstitions populaires, quand ils ne les accusent pas de pactiser avec elles.

Cette énumération montre qu’en dépit de ce qu’il dit sur la nécessité d’être précis, Coquerel propose des sujets qui ne se différencient guère de la morale commune en vigueur au sein de la bourgeoisie française de ce temps — à laquelle il appartient — et peu différents, dans leur thème comme dans leur fond, de ceux qui étaient abordés dans les sermons du début du xixe siècle.

Reste à savoir si l’on peut discerner chez lui une « morale judéo-chrétienne », c’est-à-dire une morale commune aux juifs et aux protestants, que la fréquentation de l’Ancien Testament pourrait lui permettre de discerner. Tel n’est pas le cas chez Coquerel. D’ailleurs, l’expression « morale judéo-chrétienne » ne se trouve pas dans son livre. On peut tout au plus noter qu’il remarque quelques convergences entre certains passages de l’Ancien et du Nouveau Testament.

En effet, explique Coquerel, un prédicateur peut parfaitement « appliquer à un auditoire chrétien un exemple, un précepte, un mot étranger par sa date au christianisme »116. Parfois, « un passage figuré du Nouveau Testament indique et développe le sens moral d’un narré de l’Ancien Testament »117. Citant la réponse faite par un prophète au roi de Juda Amatsia dans les Chroniques (2 Ch 25, 9), il écrit que « l’enseignement du Christ autorise à prendre dans un sens évangélique la réponse temporelle du voyant hébreu »118, ce qui reste assez classique. Il s’agit donc moins de morale judéo-chrétienne que d’une interprétation de l’Ancien Testament à la lumière du Nouveau. Cela ne doit pas surprendre : alors près de 25 % des sermons protestants édités au xixe siècle ont pour base un verset de l’Ancien Testament119, ce qui permet de faire des rapprochements dans le domaine de la morale.

C’est plutôt chez Vinet que l’on peut trouver des éléments d’une « morale judéo-chrétienne ». Réfléchissant aux rapports entre l’Ancien et le Nouveau Testament, et tout en reconnaissant, évidemment, les différences qui existent entre ces deux séries de textes120, Vinet écrit de l’œuvre de Dieu :

Elle est unique, puisque Dieu n’a jamais voulu qu’une chose, le rétablissement de son image dans l’homme, la formation d’un peuple qui fût à lui, unique, puisque les mêmes principes pénètrent toutes les parties de la Bible : en Dieu, comme fait, la sainteté et l’amour ; en l’homme, comme loi de sa vie, l’obéissance et la foi121.

Comme les « mêmes principes pénètrent toutes les parties de la Bible », on peut inférer qu’il existe au moins des éléments d’une morale judéo-chrétienne. Certes, Vinet soutient que les éléments du Nouveau Testament qui se trouvent déjà dans l’Ancien y figurent sous une forme moins précise et moins puissante. Il n’en écrit pas moins que ceux qu’il appelle les « membres spirituels » du peuple juif, c’est-à-dire les juifs fidèles aux principes énoncés dans l’Ancien Testament :

sont virtuellement chrétiens ; je veux dire que chacun d’eux est tel que, Christ survenant et se manifestant, il n’aurait pas eu à changer de principes pour être chrétien actuel. [...] le peuple spirituel de l’Ancien Testament est l’image parfaite du chrétien122.

Et de citer une série de textes de l’Ancien Testament sur lesquels le prédicateur protestant pourrait prêcher « sans en altérer le sens et sans rester en dessous de l’esprit du christianisme »123 ; il s’agit de textes sur « la condition morale de l’homme », « les besoins moraux de l’homme », « le caractère de Dieu », la « loi de Dieu », etc. Vinet a d’ailleurs une formule éclairante :

Mais, dira-t-on, pourquoi ne pas puiser uniquement et directement dans l’Évangile ? Pour manifester l’unité de l’œuvre de Dieu et de sa pensée, l’unité des deux économies, la perpétuité du christianisme en deux sens (à remonter vers le passé comme à descendre vers l’avenir), la fraternité des membres vivants de l’Église, à la distance des siècles124.

Autrement dit, les juifs fidèles aux préceptes de l’Ancien Testament sont, pour Vinet, membres d’une sorte d’Église invisible — au sens augustinien du terme — qui rassemble tous les hommes tentant de faire la volonté de Dieu. Certes, l’expression« morale judéo-chrétienne » ne figure pas dans ce passage ; mais il n’est pas impossible de l’en déduire sans en forcer le sens car, tout en marquant les différences, Vinet soutient que « l’Ancien Testament communique avec le Nouveau » et prend un exemple de morale relatif au juste et au méchant125.

Reste que c’est au sein de la tendance évangélique, dont Vinet est l’un des principaux représentants, qu’on trouve de telles affirmations. Un libéral modéré comme Coquerel ne va pas jusque-là, moins peut-être par refus théorique de l’existence d’une morale judéo-chrétienne que par manque de véritable intérêt pour l’exégèse et la dogmatique.

Les Observations pratiques sur la prédication d’Athanase Coquerel offrent donc l’une des clés qui permettent de comprendre la victoire progressive des évangéliques sur les libéraux dans l’Église réformée durant la seconde moitié du XIXe siècle. Certes, Coquerel tente de tenir compte des critiques évangéliques contre la prédication envahie par une morale banale telle qu’on pouvait l’entendre au début du XIXe siècle. Toutefois, il ne propose pas un véritable renouvellement de la prédication libérale, mais seulement des aménagements de celle-ci. Or au XIXe siècle la majorité des protestants ne sont pas kantiens, ils ne déduisent pas la religion de la morale. Au contraire, influencés notamment par Schleiermacher et sa théologie de l’expérience, ils continuent à déduire la morale de la religion. De ce fait, comme ils entendent connaître les fondements théoriques de la morale chrétienne sur lesquels ils tentent de fonder leur vie et leur action, ils préfèrent peu à peu la prédication des évangéliques à celle des libéraux modérés, dont Coquerel offre un bon exemple.

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1. Ce texte est issu d’une communication présentée à la journée d’études intitulée Bible et morales dans la France du XIXe siècle qui s’est tenue à l’Université Paris I le 4 avril 2012, à l’initiative de Joël Sebban.

2. Le Vaudois Alexandre Vinet (1797-1847) est le penseur religieux francophone le plus marquant de la première moitié du XIXe siècle, à tel point qu’Émile G. Léonard l’appelle (avec quelque exagération à mon sens) « le réformateur des temps modernes » (Histoire générale du protestantisme, t. III, Paris : PUF, 1964, p. 197). Favorable au mouvement du Réveil, il est le principal représentant de sa variante intellectuelle. D’abord professeur au Paedagoguium de Bâle, il est ensuite, de 1837 à 1847, professeur à l’Académie de Lausanne. Ses nombreux articles et ses livres lui assurent rapidement une grande notoriété dans le monde protestant ; ses amis français lui ont plusieurs fois demandé de venir enseigner en France, mais il a toujours refusé de quitter la Suisse. Il se fait d’abord connaître comme théoricien de la séparation des Églises et de l’État, mais c’est surtout sa défense de l’individualisme chrétien et sa capacité à renouveler l’apologétique tout en refusant de s’enfermer dans des formulations surannées qui fondent son importance. En effet, il réclame une doctrine exprimant une réalité vécue, correspondant aussi à une expérience intime du chrétien, ce qui fait de lui un homme bien adapté à son temps. De nombreux ouvrages lui ont été consacrés dont le plus complet est celui d’Eugène RAMBERT, Alexandre Vinet, histoire de sa vie et de ses œuvres, 5e éd., Lausanne : Bridel, 1930.

3. Alexandre VINET, Homilétique ou théorie de la prédication, 2e éd., Paris : Sandoz et Fischbacher, 1874, p. 16.

4. Jean PéDéZERT, Cinquante ans de souvenirs religieux et ecclésiastiques, Paris : Fischbacher, 1896, p. 6.

5. Athanase COQUEREL, Observations pratiques sur la prédication, Paris : Cherbuliez, 1860. Sur l’ensemble de la prédication d’A. Coquerel, consulter l’ouvrage un peu ancien d’Henri PALIX, Athanase Coquerel père considéré comme prédicateur, Privas, imp. Lucien Volle, 1886 (thèse de baccalauréat en théologie de la Faculté de Paris), 46 p.

6. Alexandre VINET, op. cit., p. 13.

7. Alfred VINCENT, Histoire de la prédication protestante de langue française au XIXe siècle (1800-1860), Genève — Paris : Cherbuliez — Librairie de la Suisse romande, 1871, p. 3-5. Une présentation des raisons dogmatiques qui expliquent cette place considérable de la morale sortirait du cadre de cet article. À ce propos, on peut se reporter à Frédéric LICHTENBERGER, Histoire des idées religieuses en Allemagne depuis le milieu du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours, Paris : Sandoz et Fischbacher, 1873, 3 vol. ; Louis PERRIRAZ, Histoire de la théologie protestante au XIXe siècle, Neuchâtel : H. Messeiller, 1949-1956, 4 vol. (notamment vol. 1, p. 23-52 et vol. 4, p. 182-207) ; et, surtout, Karl BARTH, La théologie protestante au XIXe siècle, trad. française, Genève : Labor et Fides, 1969, plus particulièrement les chapitres ii (« Le problèmes de la théologie au XVIIIe siècle », p. 23-71) et iii (« La théologie protestante au xviiie siècle », p. 72-106) ; ainsi que, toujours de K. BARTH, Images du XVIIIe siècle, Neuchâtel — Paris : Delachaux & Niestlé, 1949 (plus spécialement le chapitre « l’homme du xviiie siècle », p. 15-76). On en trouvera aussi une présentation sommaire dans André ENCREVE, « La pensée protestante », dans J.-M. MAYEUR, Ch. et L. PLéTRI, A. VAUCHEZ et M. VENARD, Histoire du christianisme, t. XI : Libéralisme, industrialisation, expansion européenne (1830-1914), Paris : Desclée, 1995, p. 45-112.

8. Cité par Ernest STROEHLIN, Athanase Coquerelfils, étude biographique, Paris : Fischbacher, 1886, p. 125.

9. A.-F. Thomas du Fossé, dont la mère était protestante, a reçu une éducation catholique ; il a épousé en 1775 Monique Coquerel, tante du pasteur Athanase Laurent Charles Coquerel. Consulter Frédéric DELFORGE, « A propos d’Augustin-François Thomas du Fossé (1750-1834) : du jansénisme au protestantisme unitarien », BSHPF 145 (1999), p. 89-122 ; et Jacques POUJOL, « La pensée d’Augustin-François Thomas du Fossé, d’après ses écrits et sa bibliothèque », ibid., p. 123-159.

10. Helen Maria Williams est l’auteure de poésies (et d’hymnes unitariens) et d’autres ouvrages littéraires dont un recueil de souvenirs sur la Révolution (pendant la Terreur, elle a été un moment emprisonnée) ; voir André ENCREVE, notice sur Athanase L. C. Coquerel, dans Patrick CABANEL et André ENCREVE (dir.), Dictionnaire biographique des protestants français, Paris : Les Éditions de Paris Max Chaleil, 2015, t. I, p. 733-734.

11. Sur cette question voir, la bibliographie citée note 7.

12. P. 10.

13. Daniel ROBERT, notice sur Ath. Coquerel, dans André ENCREVÉ (dir.), Les Protestants, vol. 5 du Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, Paris : Beauchesne, 1993, p. 141.

14. Samuel VINCENT, Vues sur le protestantisme en France, 2 vol., Nîmes : Bianquis, 1829 ; t. I, p. 19.

15. Consulter à ce propos André ENCREVÉ, Protestants français au milieu du XIXe siècle : les réformés de 1848 à 1870, Genève : Labor et Fides, 1986, p. 679-810.

16. Paris : Marc-Aurel, 1842, 2e éd. revue, 1855.

17. Paris : Cherbuliez, 1847.

18. Paris : Cherbuliez, 2 vol., 1858.

19. Paris : Cherbuliez, 1828-1852.

20. Paris et Genève : Cherbuliez — Amsterdam : Van Bakkeenes, 1860.

21. Etienne Salomon REYBAZ, Sermons, 2 vol., Paris : Maradan, 1801.

22. E. S. REYBAZ, op. cit., t. I, p. 245-246.

23. Ibid., t. I, p. 81.

24. Ibid., p. 148-149.

25. Jean-Pierre VaucHER, Souvenir d’un pasteur genevois ou Recueil de sermons, Genève : Jules Guillaume Fick, 1842 (mais les sermons datent du début du siècle).

26. Frédéric ANCILLON, Sermons, 2 vol., Berlin : Duncker et Humbolt, 1818.

27. Frédéric ANCILLON, op. cit., t. I, p. 108.

28. Op. cit., p. 10.

29. Ath. COQUEREL, Observations, p. 3.

30. Jacques Saurin (1677-1730), est pasteur de l’Église française de Londres puis, à partir de 1705, pasteur à La Haye, où il acquiert une grande réputation de prédicateur.

31. Alexandre VINET, Théologie pastorale, ou théorie du ministère évangélique, Paris : « Chez les éditeurs », 1850 ; Jean-Frédéric OSTERVALD, De l’exercice du ministère sacré, Amsterdam : J.-F. Bernard, 1737 ; Jean-Jacques Caton CHENEVIèRE, Observations sur l’éloquence de la chaire, Genève : J.-J. Paschoud, 1824.

32. P. 5.

33. P. 6.

34. En ce domaine, comme en plusieurs autres, il se montre un continuateur d’auteurs de la fin du xviiie siècle. Voir à ce propos le mémoire d’Habilitation à diriger les recherches présenté par Céline BORELLO en juin 2015 : Le protestant et le sauvage : modalités de vie commune et paroles publiques (XVII-XIX siècles (dactylog.).

35. P. 134.

36. P. 136.

37. P. 136.

38. Alexandre VINET, Théologie pastorale, p. 281.

39. P. 191.

40. P. 40 ; c’est une citation, mais Coquerel n’en précise pas l’auteur.

41. Cité p. 24.

42. Homilétique, p. 53.

43. P. 279. Il ajoute : « [...] à vrai dire, elles cessent d’être des prières. On pense, pendant qu’on les répète ou qu’on les écoute, à tout autre chose qu’à Dieu. » (Ibid.)

44. P. 67.

45. P. 69.

46. Voir les p. 98-104.

47. Voir les p. 92-97.

48. « Les deux règles fondamentales de la composition d’un sermon sont la méthode et la gradation. J’entends ici par méthode l’ordre, la liaison, l’enchaînement des idées entre elles ; puis des groupes d’idées l’un à l’autre, de sorte que l’auditeur se retrouve toujours dans l’ordonnance du discours et qu’à travers tout le contenu des transitions naturelles, faciles, habilement ménagées, le conduisent sans effort jusqu’au bout, de développements en développements, d’exhortations en exhortations. » (P. 158-159.)

49. P. 246.

50. « Mémoires du pasteur Jean-Henri Grandpierre (1799-1874), “Les souvenirs de quelques des années de ma vie” », présentés et annotés par André Encrevé, BSHPF 161 (2015), p. 279. Il évoque là son ministère à Bâle.

51. P. 200.

52. Alexandre VINET, Théologie pastorale, p. 227.

53. Il écrit par exemple : « Toutes les beautés de la Bible sont à la disposition du prédicateur, peuvent enrichir sa prédication, et fournir en abondance des ressources, des images, des similitudes, des allusions et divers mouvements d’éloquence. » (P. 79.)

54. P. 86-87.

55. P. 276.

56. On a parfois dit que la critique de la prédication est le sport dominical des protestants. Jean-Luc Godard, qui suivait le culte au temple de l’Oratoire dans sa jeunesse aurait — dit-on — rapporté, que les paroissiens discutaient de la prédication à la sortie du culte de la même façon que les amateurs de football à la sortie d’un match.

57. P. 277 ; il ajoute que depuis longtemps dans le protestantisme français la Cène est célébrée seulement quatre fois par an, « mettant en juste rapport sa rareté et sa sainteté » (ibid.).

58. P. 293. Il précise encore, par exemple : « Tous les documents, tous les souvenirs, tous les triomphes de nos églises dans leur ancienne histoire, sont favorables au système de la primauté du sermon dans l’office divin. » (P. 285.)

59. Il cite notamment ce passage de la Théologie pastorale de Vinet ; « Tout le ministère est prédication ; au lieu de dire que la prédication fait partie du culte, nous pourrions dire que le culte fait partie de la prédication, que le rite est une forme d’enseignement. » Cité par COQUEREL, p. 278, n. 1 ; ce texte se trouve dans la Théologie pastorale, p. 227.

60. P. 224, note 1.

61. Théologie pastorale, p. 270-271.

62. François DELéTRA, « Journal de ma tournée de prédication dans le Vivarais en 1841 », extraits choisis par Samuel Mours, BSHPF 128 (1982), p. 398.

63. P. 138.

64. Il ajoute ici un passage quelque peu polémique à l’encontre de l’Église catholique : « cette harmonie entière que le prêtre romain doit exiger entre ses convictions et celles de ses auditeurs » (p. 138).

65. P. 138-139.

66. P. 139. Coquerel revient plusieurs fois sur cette idée, notamment p. 291-292.

67. P. 270.

68. Voir, notamment, ce qu’en écrit Karl BARTH dans La théologie protestante au XIXe siècle, trad. franç., Genève : Labor et Fides, 1969. Il soutient, par exemple, qu’on peut lui appliquer ce que Schleiermacher avait dit lui-même de Frédéric II : « Il est à l’origine non d’une école, mais d’une ère nouvelle. » (Cité p. 233.)

69. Je donne ici la traduction littérale du titre : Über die Religion, Reden an die Gebildeten unter ihren Verarchten. La traduction française, parue en 1944 (chez Aubier) sous la plume d’I.-J. Rouge, a pour titre Discours sur la religion à ceux de ses contempteurs qui sont des esprits cultivés ; la nouvelle traduction, de Bernard Reymond, publiée en 2004 (chez Van Dieren), est intitulée De la religion : discours aux personnes cultivées d’entre ses mépriseurs.

70. P. 282. Même si, comme le dit Samuel Vincent, cité par Coquerel, « le prédicateur n’est point infaillible, chacun de ses auditeurs a les mêmes moyens que lui d’arriver à la vérité » (cité p. 286).

71. P. 306.

72. P. 264.

73. P. 295.

74. P. 41. Il ne faut pas croire que l’insistance sur la dogmatique est l’apanage des sermons prononcés dans les grandes villes, comme Paris, où l’auditoire est plus cultivé en général que dans les montagnes du sud-est de la France par exemple. Voir, à ce sujet le Journal de F. Deltéra, écrit en 1841 pendant sa tournée de prédication dans le Vivarais, région rurale et à l’écart des grands courants intellectuels à cette époque (art. cit.).

75. P. 41.

76. Voir, notamment, p. 44 ou p. 83.

77. Un signe peut être trouvé dans l’organisation, par la tendance libérale, de tournées de prédications doctrinales demandées à de jeunes pasteurs libéraux formés après 1820. Tel est le cas, par exemple, de François Delétra, (1812-1887), que nous connaissons déjà : à la demande du pasteur libéral de Nîmes Ferdinand Fontanès, il est envoyé dans le Vivarais en 1841, aux frais d’une Société genevoise, pour tenter de combattre l’influence de la tendance revivaliste en prononçant des sermons où il insisterait sur la dogmatique. Il explique dans son Journal : « Prêcher sur le dogme telle est ma première tâche [...] Combien je regrette de ne pas connaître plus à fond et de ne pas savoir par cœur mes Écritures ! Je sens toujours mieux que la seule prédication solide et qui porte des fruits durable est celle qui est fondée là-dessus. » François DELéTRA, « Journal de ma tournée de prédication dans le Vivarais en 1841 », extraits choisis par Samuel MOURS, BSHPF 128 (1982), p. 389-435 ; p. 394. [Notons que l’ensemble du journal de Delétra a été publié un peu plus tard : Voyage à pied à travers le Vivarais et le Velay en 1841, journal de mission du pasteur François Delétra, présenté et annoté par Alain ARNOUX, Lyon : Olivétan, 2006]. Delétra explique aussi en ces termes le succès d’un pasteur revivaliste : « Ce qui fait que ce ministre a séduit beaucoup de gens et qu’il est très aimé du peuple, c’est que par ses explications simples de la Bible, il leur fait comprendre des choses qu’ils n’avaient jamais comprises. » (Ibid., p. 397.) Il précise également : « Les pasteurs [libéraux qui ont demandé sa venue] me demandent des sermons dogmatiques, des expositions claires et fortes des principes chrétiens. » (Ibid.) On le voit, les libéraux ont bien compris que l’une des raisons du succès du Réveil était due à la place plus importante que les revivalistes accordent à la dogmatique et ils tentent d’y remédier. On a vu qu’Athanase Coquerel fils, alors pasteur à Nîmes et libéral comme son père, fait lui aussi une tournée de prédication en 1845.

78. Le manuel de Vinet est publié après sa mort ; mais il a été rédigé dans les années 1830 et 1840.

79. Homilétique, p. 64.

80. P. 64.

81. P. 69.

82. P. 42.

83. Voir, par exemple, son analyse d’un sermon de Bède le Vénérable sur les noces de Cana, p. 53-55.

84. P. 110. Il a joute : « Ce n’est pas que l’admiration des beautés de la nature ne puisse être excitée du haut de la chaire chrétienne [...]. Mais les descriptions doivent être rares et très courtes ; un sermon n’est pas un poème dans le style du livre de Job pour qu’il convienne d’y énumérer longuement les merveilles de la météorologie et les phénomènes de l’organisation animale. » (P. 111.)

85. P. 66.

86. Une fois admis que les sermons doivent traiter de dogmatique et de morale Coquerel précise que la plupart des types de sermons lui semblent acceptables : « [...] des sermons de dialectique où le raisonnement domine ; des sermons d’exhortation où la sensibilité et l’imagination seront mises en jeu ; des sermons de narration [...] ; des sermons de polémique contre les erreurs de la philosophie, du scepticisme et de ce que la théologie anglaise a fort bien nommé le romanisme ; des sermons de critique sacrée [...] des sermons d’archéologie [...] » (p. 42) etc.

87. Il l’affirme dans le pamphlet qu’il a écrit avec son frère Charles sous le pseudonyme de Ludovic Dauern et intitulé Lettres méthodistes, Paris : Cherbuliez, 1833.

88. P. 45.

89. Cité par Paul STAPFER, La grande prédication chrétienne en France, Bossuet Adolphe Monod., Paris : Fischbacher, 1898, p. 195, note 1.

90. « Les vérités du christianisme, les leçons du christianisme sont éternelles comme la pensée même de Dieu dont elles émanent [...] » (p. 121).

91. P. 129.

92. P. 215.

93. Il cite des Allemands, probablement pour ne pas donner l’impression de trop polémiquer contre les revivalistes français.

94. Voir, par exemple, le plan de sermon qu’il reproduit p. 62-63, où il est clairement question de l’importance de la grâce et du salut gratuit.

95. P. 243. On peut penser qu’il fait ici allusion, au moins en partie, à ses Lettres méthodistes (voir note 81).

96. Voir p. 126.

97. P. 127.

98. Il écrit, en effet : « Chose étrange ! beaucoup de prédications sont plus précises pour le dogme que pour la morale, la sainteté, la charité ; on insiste sur le dogme en détail et sur le devoir en grand ; cependant, s’il fallait opter (ce que je ne crois nullement) entre les deux méthodes, il vaudrait mieux sans nul doute mettre moins de précision dans l’exposé des doctrines que dans la recommandation des vertus. » (P. 116.)

99. P. 50.

100. P. 51.

101. P. 143.

102. P. 132 ; il a cité ce sermon p. 119.

103. Il précise « [.] où quelque auditeur peut être reconnu ou se reconnaître [.] ne soulevez jamais le moindre voile du pavillon où les transgresseurs du siècle cachent leurs iniquités, l’eussent-ils dressé à la vue de tout Israël sur la terrasse de leur palais [...]. » (P. 100.)

104. P. 101.

105. P. 154. Coquerel précise qu’il n’a pas rédigé lui-même ce plan, mais qu’il l’extrait d’un recueil manuscrit inédit de J.-M.-D. de Bellefontaine (mort en 1840) originaire de Caen et fixé en Suisse, longtemps pasteur d’une commune du canton de Neuchâtel, et qui a aussi donné des cours d’éloquence sacrée à l’Académie de Neuchâtel.

106. P. 116.

107. Il précise, d’ailleurs, avoir consacré plusieurs sermons à la « polémique du socialisme » (p. 125).

108. Voir André ENCREVÉ, « Les milieux dirigeants du protestantisme français et les problèmes sociaux sous la Deuxième République », Revue dHistoire Moderne et Contemporaine 19 (1972), p. 434-468.

109. P. 117.

110. Voir, par exemple, ses trois sermons sur le riche et le pauvre (publiés, notamment, dans son sixième recueil de sermons).

111. P. 122.

112. P. 123. Il précise : « [...] la question de l’esclavage, cette menace sociale, cette abomination religieuse, grosse d’un orage dont le jour s’apprête et qui ne peut qu’éclater » (p. 123-124). Sur cette implication des pasteurs dans les questions sociales, on peut consulter André ENCREVE, « Les milieux dirigeants du protestantisme français et les problèmes sociaux sous la Deuxième République », art. cit.

113. P. 124.

114. Voir Guillaume CUCHET, Les Voix d’outre-tombe : tables tournantes, spiritisme et société au XIXe siècle, Paris : Seuil, 2012.

115. P. 125, note 1.

116. P. 59.

117. P. 60.

118. P. 61.

119. André ENCREVE, Protestants français, op. cit., p. 1036-1037.

120. Voir ce qu’il écrit p. 112 de son Homilétique.

121. A. Vinet, Homilétique, p. 106.

122. Ibid., p. 109.

123. Ibid., p. 110.

124. Ibid., p. 113.

125. Voir p. 114.