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Pour l’amour de la cause : les traductions « idéologiques » de Jacques Lenfant

Elena MUCENI

Institut d’Histoire de la Réformation – Université de Genève

Le théologien réformé Jacques Lenfant (1661-1728)1 doit principalement sa réputation auprès de ses contemporains à ses ouvrages de controverse théologique et d’histoire ecclésiastique publiés dans les premières décennies du xviiie siècle. Il s’est cependant aussi exercé à différentes reprises comme traducteur : s’il reste célèbre grâce à sa nouvelle traduction en français du Nouveau Testament2 (1718), réalisée en collaboration avec Isaac de Beausobre pendant sa jeunesse, Jacques Lenfant avait auparavant traduit des textes importants, tels La Recherche de la vérité de Malebranche3, la dissertation historique de Spanheim De Papa foeminct4 ainsi que certaines Lettres de saint Cyprien (1688)5. Bien qu’ils soient fort différents les uns des autres — les deux premiers sont en quelque sorte symétriques, le De Inquirenda Veritate6 étant une traduction du français en latin et l’Histoire de la papesse Jeanne7 une traduction du latin en français —, ces travaux semblent obéir à une même motivation. Ces traductions abordent des sujets variés et relèvent de disciplines diverses — philosophie, histoire ecclésiastique et littérature patristique — et ne visent pas le même public, identifiable à partir du choix des langues cibles : elles n’en sont pas moins de véritables projets idéologiques.

Jacques Lenfant a entrepris ces traductions poussé par la connivence doctrinale qu’il ressentait avec les auteurs des trois ouvrages. Il expose son objectif et précise ses critères traductologiques dans de longues préfaces qui introduisent les textes. Nous nous proposons d’analyser ces préfaces et de rappeler le contexte tant éditorial qu’historique dans lequels elles ont été élaborées, de manière à faire ressortir le dessein idéologique qui a inspiré à Jacques Lenfant la réalisation de ces traductions.

Le De Inquirenda Veritate

Le De Inquirenda Veritate traduit De la Recherche de la vérité, l’ouvrage le plus célèbre de Nicolas Malebranche, auteur d’inspiration cartésienne et augustinienne dont la philosophie occupe une place d’honneur dans l’histoire intellectuelle du xviie siècle français. Sorti la première fois en 1674, le livre avait connu un succès fulgurant, tant dans le public qu’aux yeux des critiques, valant à son auteur une renommée immédiate ; accueilli avec enthousiasme par les défenseurs de la philosophie cartésienne dont il reprenait les principes, mais également lu avec intérêt par les détracteurs de la philosophie nouvelle, l’ouvrage a été édité à quatre reprises avant 1678. Traduite pour la première fois en néerlandais en 16808, la Recherche de la vérité l’est à nouveau seulement deux ans plus tard : Jacques Lenfant, alors étudiant en théologie à l’Académie de Genève9, commence à y travailler selon toute probabilité durant l’été 1682 et l’achève à la fin de 1683. Néanmoins, l’ouvrage ne sera diffusé que deux ans plus tard à cause des vicissitudes rencontrées par l’imprimeur genevois chargé de son édition10.

Cette traduction latine, Malebranche n’en apprend l’existence qu’au moment où elle est déjà sous presse. Circonstance à l’apparence assez curieuse pour un ouvrage moderne, son idéation, dans une ville francophone qui ne compte plus, à cette époque, un nombre important d’étudiants étrangers, révèle les intentions de son traducteur et celles de l’imprimeur impliqué dans l’entreprise, le jeune Jean-Louis Dufour. Procurer une traduction latine du chef-d’œuvre de Malebranche a évidemment pour objectif de faire franchir à l’ouvrage les frontières de la francophonie. Il s’agit de répandre l’ouvrage à l’étranger, auprès du public savant de l’Europe centrale et méridionale, notamment en Allemagne et en Italie où les lecteurs cultivés pratiquent plutôt le latin, langue d’enseignement dans les Universités et les Académies, que le français. L’intention de diffuser ce livre dans les « pays étrangers » afin de faire connaître à un public le plus large possible la philosophie de Malebranche est clairement exprimée dans la préface latine que signe Lenfant en introduction11. Selon une pratique qui deviendra courante chez lui à partir de ce premier essai réalisé alors qu’il n’a que 22 ans, le traducteur profite de l’espace privilégié qu’est la préface pour exposer au lecteur à la fois les raisons de son engagement, la valeur de l’ouvrage et les règles qu’il s’est données dans la traduction. Auteur, dans les années de sa maturité, de plusieurs ouvrages de controverse théologique et d’érudition historique, même quand il prête ses services aux textes d’autrui comme traducteur, Lenfant ne se confine pas dans les coulisses et ne renonce jamais entièrement au rôle d’auteur. Il compose des préfaces qui se présentent comme de véritables traités. Ainsi, bien que, dans le De Inquirenda Veritate, Lenfant commence son discours en exprimant des réserves au sujet des préfaces — il considère que « cette pratique, censée généralement préparer les lecteurs, engendre surtout de la gêne » —, il n’en consacre pas moins 12 pages in-4° à ces explications préliminaires. Le caractère également diffus et détaillé des introductions qu’il prépare pour les Lettres choisies de saint Cyprien, 24 pages in-12°, pour l’Histoire de la papesse Jeanne, 34 pages in-12°, et enfin pour la traduction du Nouveau Testament, plus de 230 pages in-4° — font de Jacques Lenfant un exceptionnel « auteur de préfaces ».

Dans le cas du De Inquirenda Veritate, Lenfant dit s’être résolu à écrire cette préface, qu’il n’avait pas initialement l’intention de composer, en raison des considérations qui lui sont venues à l’esprit au long de ce travail. De ces observations, « certaines concernent le traducteur et la traduction, et d’autres l’auteur et l’ouvrage même De la Recherche de la Vérité » : deux ordres de considérations symétriques, qui correspondent aux deux pôles autour desquels Lenfant développe son discours préliminaire. Le premier aspect mentionné — la traduction — fournit au traducteur l’occasion d’invoquer la bienveillance du lecteur envers son travail, mais aussi d’expliquer son option méthodologique et les positions théoriques qui fondent cette traduction ; le second aspect — l’ouvrage original de Malebranche — offre, en mettant en avant le contenu du texte traduit, des points de repère interprétatifs pour saisir la valeur idéologique de l’entreprise.

Considérons successivement ces deux aspects. Concernant la première question, c’est-à-dire la réalisation du De Inquirenda Veritate, Lenfant attire tout d’abord l’attention des lecteurs sur les problèmes intrinsèques au travail de traduction et sur la nécessité qui s’impose au traducteur de « résumer ou développer des concepts exprimés métaphoriquement dans le français de l’auteur pour les rendre correctement en latin », afin de « respecter la nature des différentes langues12 ». Ces premières considérations sont, d’après Lenfant, des évidences bien connues, car depuis qu’on fait des traductions « cela a été examiné si souvent que [...] personne n’ignore [...] les limites et les bornes entre lesquelles doit se maintenir un bon traducteur13 ». Dans la réalisation du De Inquirenda veritate, Lenfant déclare s’être tenu scrupuleusement à l’intérieur de ces limites. Il précise aussi qu’il s’est proposé de n’écrire que ce qu’il avait préalablement compris de manière claire et distincte. Cette indication apparemment anodine a une portée non négligeable par rapport aux critères de ce projet de traduction : renvoyant au thème cartésien de la perception claire et évidente, elle entraîne des conséquences importantes pour la méthode et le style d’écriture qu’adopte Lenfant.

Le discours sur les critères adoptés s’approfondit à travers la réponse aux critiques dont Lenfant croit sa traduction susceptible : il évoque en particulier deux points, l’abondance de gallicismes et la simplicité du style, qui lui permettent d’expliciter sa « poétique de la traduction ». S’agissant de la présence de gallicismes dans un texte latin, Lenfant avoue sa connaissance modeste du latin — qu’il n’a pas étudié dans un but littéraire14 — mais ajoute aussitôt que, si cette traduction avait été effectuée par un auteur allemand ou anglais, on y trouverait des germanismes ou des anglicismes. Sa défense ne s’arrête pas là : de manière très intéressante, Lenfant affirme qu’une traduction « plus agréable » et plus exacte sur un plan littéraire n’aurait pas forcément rendu un meilleur service à l’ouvrage de Malebranche. En effet, si l’on avait chargé de ce travail une de ces personnes « qui atteignent parfaitement le génie, l’énergie, les propriétés et les élégances de la langue latine », celle-ci aurait certes « utilisé le langage le plus pur et le plus élégant » ; en revanche, elle aurait « peut-être exprimé les choses d’une manière moins claire et incisive » à cause d’une compréhension incomplète ou insuffisante de l’auteur ; autrement dit, par manque de familiarité avec le malebranchisme. « D’autre part, ajoute Lenfant, cet ouvrage n’a pas été destiné à chatouiller les oreilles, mais à instruire l’esprit15. » Qu’entend-il insinuer par ces considérations ?

La Recherche de la Vérité expose un système philosophique d’inspiration cartésienne, fortement axé sur la métaphysique ; il s’agit d’un texte ardu, fortement conceptuel et parfois très abstrait, et assurément pas d’un amusement littéraire : bien qu’il s’agisse de son coup d’essai et bien qu’il se sache moins versé que d’autres dans la langue latine, un bon connaisseur et un disciple de cette philosophie tel que Lenfant est mieux préparé à ce travail qu’un traducteur expert, au style littéraire soigné, mais incapable de saisir correctement les thèses exposées et les concepts contenus dans le texte original. Tout en s’excusant pour les imperfections de sa traduction — qui reste néanmoins, à notre avis, très élégante et fidèle16 —, Lenfant explique en des termes qui soulignent l’importance du texte de Malebranche la nécessité de sa traduction : «comme l’artisan inexpérimenté doit parfois se consacrer à un travail complexe, il faut également répondre aux attentes du public dans les choses difficiles non moins que dans celles très faciles17. » Or, dans le cas présent, par une espèce de paradoxe, l’artisan inexpérimenté mais familier de la philosophie et l’idéologie du texte peut mieux respecter l’esprit de l’auteur que l’artisan expérimenté.

La seconde critique possible porte sur la simplicité du style. À ce propos aussi, Lenfant appelle à son secours un ensemble des raisons linguistiques et littéraires, mais aussi idéologiques. Il affirme d’abord que la simplicité est une caractéristique du latin classique, par opposition au latin « falsifié » des époques ultérieures : « On voit bien que l’orateur romain par excellence — je parle de Cicéron — a toujours cherché la simplicité dans les arguments les plus élevés. Et qu’aussi, même chez les poètes latins, la simplicité d’expression a toujours été une qualité très admirée par les hommes érudits. » Ainsi « ceux qui recherchent partout un style enflé » lui semblent avoir moins de goût pour le latin et, continue Lenfant, il m’est difficile « de ne pas soupçonner ceux-là de cacher sous des tournures fleuries la médiocrité de leur talent et de leur raisonnement18 ».

Mais dans le cas de la Recherche de la Vérité, l’adoption d’un style simple représente plus qu’un choix selon Lenfant. C’est une véritable nécessité dictée et par le genre philosophique du livre et par le contenu-même de celui-ci, c’est-à-dire la doctrine malebranchiste : en effet, si la simplicité est appréciée en poésie, comme le montre la préférence de ses contemporains pour Horace plutôt que pour Juvénal, « pourquoi — se demande Lenfant — rejetterait-on l’application de ce principe de simplicité dans d’autres domaines, et en particulier dans le discours philosophique ? » « En effet, si la simplicité doit être imposée quelque part, c’est bien dans ce genre littéraire. Et du reste, nous voyons qu’on a toujours accordé aux Philosophes un tel privilège19. »

Le genre philosophique du texte n’est pas, selon le traducteur, le seul argument en faveur de l’adoption d’un style simple et dépourvu d’ornements rhétoriques dans le De Inquirenda Veritate : l’approche philosophique de l’ouvrage et son message font de ce choix une nécessité. L’approche philosophique de Malebranche, dont l’ouvrage s’inscrit dans le sillon de l’épistémologie cartésienne, requiert la simplicité d’expression avant tout pour se démarquer des auteurs scolastiques qui cachent la vanité et l’inconsistance de leurs raisonnements sous une expression confuse et obscure. « La simplicité que nous avons adoptée ici, précise Lenfant, est donc opposée à l’emphase [...] à la sophistication et à ce style métaphorique qui ne rajoute rien, sauf des verbosités et des préciosités par lesquelles les auteurs du siècle, en avançant comme sur des échasses, se déguisent aux yeux du peuple20. » En outre, le contenu de la philosophie de Malebranche requiert également une expression simple : « dans le cas spécifique de cette traduction, la simplicité du style était non seulement appropriée, mais même, à proprement parler, inévitable, par rapport au propos de l’auteur. Rien dans l’ouvrage entier n’évoque ni prône davantage autre chose que la simplicité [...]. Que dire donc si j’avais rapporté ces principes empreints de simplicité dans un style enflé et orné partout par les fleurs de l’éloquence21 ? »

Cette justification des critères adoptés dans la traduction, qui veut démontrer la nécessité de conformer l’expression latine à l’esprit de la doctrine exposée débouche sur une promesse singulière, mais conforme à l’attitude épistémologique cartésienne et malebranchiste : Lenfant se déclare disposé, « si ce premier essai devait satisfaire le public », non seulement à travailler à la traduction des autres ouvrages de Malebranche (notamment le Traité de la nature et de la grâce, les Conversations chrétiennes, les Méditations chrétiennes, les Réponses à Arnauld et le Traité de morale, alors en cours de rédaction), mais il s’engage aussi « à corriger tout l’ouvrage si des hommes de cœur nous jugent dignes de critiques sincères et bienveillantes22 ». À l’instar des philosophies cartésienne et malebranchiste qui ne se présentent pas comme des systèmes dogmatiques, mais comme des « essais » et des « ébauches » de recherche de la vérité, conçue comme un travail progressif et collectif ; et, de même que ces philosophies invitent les lecteurs à soulever des objections ou à suggérer des améliorations en se présentant ainsi comme des élaborations in fieri vouées à saisir la vérité par étapes, Lenfant laisse sa traduction pour ainsi dire « ouverte » ; « Nous demandons [...] au lecteur d’être d’esprit conciliant et de nous signaler les erreurs que nous avons commises23 » : au cas où il recevrait des propositions positives permettant de perfectionner son travail, il se dit disposé à revoir et à corriger la traduction entière (presque 700 pages). Avec cette proposition, Lenfant se présente à l’égard de sa traduction dans les mêmes termes que Malebranche vis-à-vis de la Recherche de la vérité, à laquelle il n’a cessé d’apporter des corrections au fil des six éditions sorties de son vivant.

Le caractère pour ainsi dire « provisoire » que Lenfant revendique pour sa traduction s’explique par le fait qu’elle est conçue comme un véritable « instrument » actif et dynamique : il ne s’agit pas de « figer » l’image d’une pensée achevée, ou de faire, comme pour les traductions des textes anciens, de « l’archéologie » d’une littérature morte ; l’objectif de cette traduction est au contraire de promouvoir et de répandre dans l’espace et dans le temps une vision du monde forgée dans et pour la modernité.

Version latine d’un livre sorti seulement cinq ans plus tôt, et qui se trouve au même moment au centre d’un très vif débat, le De Inquirenda Veritate est une traduction « militante ». Il s’agit d’un instrument censé réhabiliter et défendre le cartésianisme, cette philosophie nouvelle qui rencontre à Genève, d’où Lenfant écrit, un accueil favorable, tandis qu’elle croule partout ailleurs sous les coups des censures et des critiques :

Nous espérons que, grâce à la lecture et à la méditation de cet ouvrage, De la Recherche de la Vérité, toute la malveillance et la médisance des adversaires de Descartes seront étouffées. Notre auteur a utilisé en effet les principes de celui-là pour l’utilité publique et pour la diffusion de la vérité avec une telle efficacité, que celui qui aura jugé la source par ses ruisseaux n’hésitera pas à remercier Dieu d’avoir animé un vengeur de la vérité tel Descartes24.

Il ne s’agit pas de considérer la philosophie de Descartes comme intégralement infaillible : si les vérités générales qu’elle établit sont toutes exactes, au point qu’on pourrait en parler, d’après Lenfant, comme d’une « philosophie universelle » plutôt que comme de la philosophie d’un auteur, elle comporte néanmoins des vérités particulières discutables, que Malebranche n’a du reste pas hésité à corriger ou à modifier. Lenfant adopte envers l’auteur qu’il traduit la même attitude critique, qu’il considère comme une manifestation d’authentique fidélité à l’épistémologie cartésienne. Il rappelle que, « bien que le système et le plan établi par l’auteur, à le prendre dans sa globalité, dépasse pour ainsi dire, en termes de vérité, utilité et attention, tout autre essai similaire, analysé toutefois dans les détails, il pourra présenter beaucoup d’éléments qui obtiendront difficilement le suffrage de tout le monde » : «C’est pourquoi je préviens ici le lecteur que je me suis disposé à suspendre mon jugement tantôt autour des choses qui, dans ce livre, m’ont semblé très claires et certaines, tantôt autour de celles que j’ai trouvées moins claires, voire entièrement fausses25. » Ainsi, en dépit de l’approbation qu’il manifeste ouvertement pour la doctrine de Malebranche, Lenfant met en garde le lecteur contre une identification complète d’auteur et traducteur :

Un auteur ne doit certainement pas enseigner quelque chose dont il n’est pas sincèrement convaincu [...]. Mais il n’en est pas de même pour ce qui concerne un traducteur. Celui-ci est en effet tenu d’exprimer fidèlement et dans tous les aspects l’esprit de l’auteur, même s’il n’est pas d’accord avec lui. Toutes les réflexions sont de l’auteur, le latin seulement est du traducteur26.

Cette dissociation entre la figure de l’auteur, pleinement responsable de son discours, et celle du traducteur, est bien sûr dictée par le bon sens, mais aussi par le désir de se mettre à l’abri de critiques éventuelles. Elle est toutefois amplement démentie dans la suite de la préface. Outre les déclarations apologétiques en faveur du cartésianisme et du malebranchisme qu’il profère, Lenfant se livre en effet à un véritable éloge de ces deux doctrines dans son exhortation aux lecteurs à surmonter leurs réticences vers le cartésianisme :

Que [ces lecteurs] [...] jugent l’arbre à ses fruits ! Qu’ils lisent avec attention ce livre qui repose entièrement sur les principes de Descartes et sur sa méthode, qu’ils méditent là-dessus et qu’ils le relisent. J’oserai affirmer que [...] ils expérimenteront eux-mêmes que l’enseignement de ce livre apporte une lumière et une pénétration de l’intellect, un perfectionnement du jugement et une sainteté du cœur tels qu’ils n’auraient jamais pu les recevoir d’aucun autre livre humain27.

Cette traduction se veut donc un instrument au service d’une philosophie par laquelle, d’après Lenfant, nous pourrions parvenir « à un tel degré de certitude que nous serions dits presque infaillibles28 ». La préface montre que le but explicite du De Inquirenda Veritate, traduction réalisée selon des mobiles idéologiques et en vertu d’une harmonie doctrinale qui s’exprime jusque dans le choix du style littéraire, est de réhabiliter Descartes hors de France et de diffuser au maximum cette nouvelle version du cartésianisme, enrichie sur le plan théologique et moral, qu’est la philosophie de Malebranche.

Pour conclure la présentation de cette première traduction, on ajoutera que le projet de Lenfant atteignit effectivement ses objectifs, en contribuant sensiblement à l’essor du malebranchisme en Europe, même s’il ne rendit pas vraiment service à Malebranche lui-même. En effet, en dépit des vicissitudes éditoriales complexes de sa première impression, le livre fut réimprimé à Genève à trois reprises — en 1689, 1690 et 1691 — et, réimprimé par un libraire de Londres29, il circula aussi en Angleterre à partir de 1687. C’est en revanche la publication de cette version latine de l’ouvrage, plus accessible aux ecclésiastiques romains que la traduction française, qui fournit l’occasion à la Congrégation pour la doctrine de la foi de prononcer la condamnation et la mise à l’Index du livre de Malebranche30.

Les Lettres choisies de saint Cyprien aux confesseurs et aux martyrs

Les Lettres choisies de saint Cyprien aux confesseurs et aux martyrs ont été publiées à Amsterdam en 1688. Si l’on met en relation cette date avec la biographie de Lenfant et avec les explications qu’il donne dans l’« avertissement » du livre, on comprend aisément les raisons qui lui ont inspiré cette traduction et le but qu’il s’est proposé. Lenfant commence en effet par la considération suivante :

Il n’y a pas lieu de s’étonner de voir tant de plumes occupées à écrire sur la persécution présente. Les circonstances sont si singulières, & les événemens si surprenans, qu’on ne fera jamais toutes les réflexions que merite un si grand sujet, quand même le nombre des Auteurs & des Volumes seroit plus grand qu’il n’est31.

La persécution dont parle Lenfant est évidemment celle des réformés français consécutive à la révocation de l’édit de Nantes, et qui a été à l’origine de l’exil des membres de sa famille32. Lenfant lui-même, qui se trouvait déjà en terre protestante en 1685, affronte les conséquences de ces troubles politiques au cours de cette année 1688, à cause notamment de l’invasion du Palatinat par les troupes françaises. À la fin de l’année33, il quitte Heidelberg, où il avait reçu l’imposition des mains, pour se réfugier Berlin.

Dans la préface des Lettres choisies de saint Cyprien, dédiées au professeur de théologie à Helmstadt Jean Fabrice, Lenfant estime donc nécessaire de dénoncer à haute voix les persécutions subies par les réformés de France. Mais afin d’atteindre ce but, il faut réfléchir aux modalités et aux formes de cette dénonciation, qui doit être chorale, coordonnée et cohérente :

Le véritable moyen d’écrire là-dessus avec fruit, & d’empêcher que le nombre des Auteurs n’apportât de la confusion, seroit que chacun prît sa tâche dans cette affaire commune, & se renfermât religieusement dans son caractére. Il y a dans cette persécution des faits à exposer, & des réflexions à faire. Ceux à qui la nature a donné des talens, & l’expérience des lumiéres pour écrire l’histoire doivent se borner à cet emploi, & apporter toutes les précautions que peut prendre un bon historien, pour rendre son histoire claire, fidéle, exacte & à l’épreuve de la contradiction34.

Lenfant sollicite un effort collectif de la part des intellectuels réformés pour démontrer l’injustice de ces persécutions : il faut que chacun contribue de manière différente, en mettant à disposition de la cause ses propres talents.

Ces quelques lignes montrent qu’à cette époque Lenfant a déjà une idée précise de sa propre vocation intellectuelle, et qu’il a conscience du rôle qu’il doit jouer à l’intérieur de la République des Lettres : celui de l’historien. C’est pourquoi, dans la suite de cette préface, il disserte sur la manière dont l’historien doit traiter sa matière ; d’un point de vue formel, le bon historien doit s’abstenir d’interrompre le cours du récit avec ses réflexions pour éviter de contrarier le lecteur et de créer confusion. Si l’histoire doit être assortie de réflexions censées donner sens au récit, il est préférable qu’elles soient séparées du texte (option que Lenfant met en œuvre dans son édition des Lettres). Quant au contenu de ces réflexions, il ne faut pas qu’elles

roulent toutes sur l’histoire présente. Elles dégénereroient bien-tôt en des lieux communs de Morale, ou de Politique. C’est un entêtement ridicule de négliger ce qui se passe sous ses yeux, pour s’appliquer uniquement à l’étude de l’Antiquité. Mais c’est d’ailleurs une négligence fort blâmable de l’occuper tellement du présent, que l’on vive dans une profonde ignorance du passé35.

C’est pourquoi, pour parler de la « persécution présente », Lenfant choisit d’aborder le sujet d’une façon indirecte et particulière : il propose la traduction d’un choix des lettres adressées par un martyr et Père de l’Église, saint Cyprien, à ses coreligionnaires persécutés par les païens. Il est évident que cette entreprise n’a rien d’un essai d’édition et traduction littéraire d’un auteur ancien ; pour cela il faudrait s’orienter plutôt vers les éditions des œuvres de saint Cyprien données au public par Érasme et Pamelius, ou vers celle donnée en 1682 par l’évêque de Chester, Jean Pearson — éditions que Lenfant dit avoir lui-même utilisées pour sa traduction36. Les aspects formels de l’édition et de la traduction française du texte (d’ailleurs déjà disponible)37 sont donc ici secondaires et superflus. Le contenu l’emporte nettement sur la forme parce que les raisons de cette traduction sont d’abord idéologiques. Saint Cyprien est traité par Lenfant moins comme un auteur et un Père de l’Église que comme un historien, témoin de son temps : il s’agit de puiser dans l’Antiquité et dans des circonstances — les persécutions subies par les chrétiens sous les empereurs Dèce, Gallus et Valérien — qui lui paraissent comparables à celles qu’endurent les réformés. Ce message devrait être entendu et éveiller les consciences des contemporains :

Je n’ai rien trouvé dans toute l’histoire Ecclesiastique, qui eût plus de rapport aux diverses circonstances de la persécution d’aujourd’hui, & aux divers états de ceux qui ont été engagez dans cette persécution, que ce que cette histoire nous a laissé touchant les persécutions du 3. siècle. Soit que l’on regarde les persécuteurs, soit que l’on regarde les persécutez, j’ai trouvé des conformitéz entre cette ancienne histoire & la nôtre, qui m’ont rempli d’une joye que je n’ai pû tenir secrete. Mais parmi les Auteurs de ce siecle-là, j’ai regardé saint Cyprien comme une source inépuisable de consolations pour celui-ci38.

Cette identification entre les persécutions subies par les réformés et celle des premiers martyrs39 inspire en ces mêmes années la production d’autres traductions ; l’imprimeur genevois Samuel de Tournes fait traduire en français un Traité du martyre (1686)40, que le théologien zurichois Johann Heinrich Heidegger avait composé pour soutenir les persécutés hongrois et sous le pseudonyme de Joseph Dimier est publié dans la même ville un Traité de la patience des premiers chrétiens (1686)41, traduction partielle/adaptation d’un livre du théologien anglican William Cave. Avec sa traduction munie de réflexions originales, Lenfant poursuit un triple but : il veut offrir à ses coreligionnaires qui subissent la persécution un message consolateur, car « ceux qui sont actuellement dans la souffrance trouveront de quoi se réjoüir & de se glorifier d’être les compagnons de ces généreux confesseurs, & auront droit de prendre part aux loüanges qui sont données à leur constance & à leur vertu42 » ; il entend démontrer à ceux qui ont cédé aux persécutions et abandonné la foi réformée le crime qu’ils ont commis, pour les rappeler sur le bon chemin ; en troisième lieu, son ouvrage devrait également toucher les consciences des persécuteurs, qui n’ont pas été jusqu’ici persuadés par « les meilleurs arguments tirés de la raison [...] que l’esprit de persécution est l’esprit de l’Antechrist » : « [...] Que diront-ils contre l’autorité des Peres, à la tradition desquels ils nous ont tant de fois renvoyez ? Comment pourront-ils justifier cette violente méthode, quand ils la verront ici condamnée si hautement par S. Cyprien, à qui le Pape Gélase a donné le premier rang entre les Peres Orthodoxes43 ? » Voilà assez de bonnes raisons pour entreprendre la traduction de ces Lettres.

On l’a dit, cette traduction n’a pas une forme habituelle : chaque lettre est accompagnée par des réflexions originales du traducteur, qui se présentent comme des remarques sur le texte dont elles expliquent certains passages. Lenfant n’omet pas, dans la préface, d’expliquer aussi les raisons de ce choix éditorial particulier ; plutôt que paraphraser l’original — comme ses amis, ainsi que le goût littéraire du temps le lui suggèrent —, Lenfant préfère suivre :

le sentiment de ceux qui ont crû qu’une traduction, quelque seche qu’elle fût, feroit plus d’impression qu’une paraphrase, où l’on ne reconnoîtroit presque pas les pensées de l’original [...]. C’est pour remédier à ce qu’une traduction pourroit avoir de rebutant, que j’ai accompagné chaque Lettre de remarques historiques & morales, pour éclaircir les endroits difficiles, appuyer & fortifier des pensées qui pourroient paroître vagues & ne faire pas assez d’impression, & rassembler dans un assez petit Volume, ce qu’il y a eu de plus considérable dans ces persécutions, par rapport aux diverses circonstances de celle-ci44.

Comme il le montrera dans la préface de l’Histoire de la papesse Jeanne, Lenfant est bien conscient du rôle qu’une traduction peut jouer dans la circulation des idées, ainsi que du genre de lecteur qu’elle peut atteindre. Certes, le public auquel Lenfant pense en rédigeant ces Lettres choisies de saint Cyprien n’est pas le même que celui auquel était destiné le De Inquirenda Veritate. Mais, si les deux lectorats diffèrent radicalement, le sens de l’une et l’autre entreprises est similaire ; si la cause défendue n’est plus celle du cartésianisme mais celle de la communauté réformée, ces Lettres sont elles aussi conçues comme un instrument militant. C’est pourquoi, bien que Lenfant intervienne ici comme auteur de réflexions et non seulement comme traducteur, il entend s’effacer derrière le message qu’il veut transmettre : « La coûtume demanderoit que je dise presentement quelque chose pour moi-même. Mais comme je n’ai écrit ceci ni pour les Savans, ni pour les curieux, il me doit être indifférent, quel jugement ils fassent de mon travail, pourvû que les ames qui cherchent à être édifiées trouvent ici ce qu’elles cherchent45. »

Ces Lettres choisies de saint Cyprien paraissent ainsi comme un outil en faveur d’une cause, derrière lequel l’identité du traducteur et de l’auteur des réflexions peut et doit disparaître. Réalisée cinq ans après le De Inquirenda Veritate, cette traduction « hybride » représente une étape significative de l’évolution intellectuelle de Jacques Lenfant et de sa « carrière » de traducteur : elle marque le passage de l’auteur d’une cause philosophique à une cause confessionnelle et illustre l’adoption par Lenfant de l’histoire comme outil de l’apologétique confessionnelle (ce qui caractérisera son activité ultérieure) ; en outre, la traduction des Lettres de saint Cyprien constitue le laboratoire où s’invente, sur la base d’une réflexion sur les objectifs et sur le public, une traduction d’un nouveau genre, affranchie des limites conventionnelles dans lesquelles se tenait la version latine du livre de Malebranche.

L’Histoire de la papesse Jeanne

LHistoire de la papesse Jeanne, traduite en 1693, publiée en 1694 et réimprimée dès 1695, s’annonce comme une traduction-adaptation « fidèlement tirée » de la dissertation latine de Friedrich Spanheim De Papa foemina, parue trois ans plus tôt. Dernière offensive lancée par les réformés dans le cadre du conflit autour de la véridicité historique de la papesse Jeanne, ce texte s’insère dans une controverse qui traverse les siècles et les frontières nationales et dont l’enjeu pour les réformés est la démonstration d’un épisode qui compromettrait irrémédiablement la succession apostolique des papes46.

La page de titre de cette troisième traduction suggère des circonstances de publication inhabituelles : outre l’absence du nom de l’imprimeur — que nous savons obligatoire pour la commercialisation d’un livre —, remplacé ici par une série d’astérisques, elle affiche Cologne comme lieu d’impression indication pour le moins « suspecte » aux yeux des connaisseurs du système de la production libraire de l’époque. L’indication « Cologne » est en effet l’une des plus exploitées au xviie siècle par les imprimeurs qui ne veulent pas dévoiler leur identité. Souvent utilisée par les imprimeurs genevois jouant sur l’équivoque avec Colonia Allobrogum, un des anciens noms de la ville47, l’indication Cologne paraît très souvent au xviie siècle en association avec de fausses adresses éditoriales. Cologne était alors élue comme une indication de lieu idéale pour servir les stratégies des imprimeurs d’ouvrages en langue française, afin de contourner les frontières imposées par les conflits confessionnels : ville impériale indépendante et catholique au cœur de territoires protestants et proche des Provinces-Unies des Pays-Bas, son identité se prêtait aussi bien aux intérêts des auteurs catholiques que réformés. Les premiers pouvaient recourir à cette fausse indication pour présenter comme « orthodoxes » des textes qui n’auraient pas pu recevoir le privilège d’impression en France en raison de leur caractère hétérodoxe ; les seconds espéraient que cette indication introduirait leurs ouvrages auprès d’un public plus large que celui des réfugiés réformés français.

La publication de l’Histoire de la papesse Jeanne relève de ce second cas de figure ; écrit par un professeur et ex-recteur de l’Académie protestante de Leyde, traduit et adapté par un réformé français installé à Berlin et formé à l’Académie de Genève, l’ouvrage porte sur un sujet historique au centre d’une longue controverse entre catholiques et réformés : il est tout à fait improbable qu’un imprimeur de la Cologne catholique se soit chargé de son impression. Du reste, l’analyse des caractéristiques typographiques des premières pages le confirme : le rouge elzévirien dans le titre et les marques utilisées pour dénombrer les feuilles des pages introductives suggèrent une impression néerlandaise, comme l’original latin48. Le fait que les différentes éditions de l’ouvrage49 soient toutes parues à La Haye renforce l’hypothèse que l’Avis au lecteur de la deuxième édition du livre transforme en certitude : l’imprimeur, qui déclare avoir entrepris cette nouvelle édition à la sollicitation de lecteurs français, révèle que la première édition du livre a été imprimée à Amsterdam, sur les presses des Huguetan, une riche et célèbre famille de libraires d’origine lyonnaise réfugiés aux Provinces-Unies après la révocation de l’édit de Nantes.

L’Histoire de la papesse Jeanne est davantage une adaptation qu’une traduction. Lenfant fait en effet subir au De Papa foemina des coupures et des synthèses, qui font penser à un essai de « vulgarisation » d’une dissertation originale trop développée et érudite pour un public non académique. S’il se permet cette liberté de manipulation du texte, Lenfant n’en reprend pas moins tous les arguments de Spanheim et suit pas à pas l’original latin, dont il signale le numéro de page correspondant, en bas de chaque feuille de sa version française. Il exprime ainsi l’intention de situer son travail à mi-chemin entre deux extrêmes qu’il évite : l’appropriation et la reproduction. L’indication du numéro de page de l’original, pratique inhabituelle dans les « réadaptations » en traduction, exprime de toute évidence une revendication de fidélité et d’authenticité du contenu original, qui vient compenser la manipulation explicite de la forme et de la structure du discours.

À ce premier constat, il faut en ajouter un autre issu d’une considération générale, à savoir le simple fait que l’Histoire de la papesse Jeanne est la traduction en français d’un texte contemporain écrit en latin. Comme on l’a vu à propos du De Inquirenda Veritate, la langue source et la langue cible constituent en elles-mêmes des indices significatifs des buts d’une traduction, d’autant plus lorsque les deux langues en question sont l’une et l’autre en usage parmi les gens de lettres, comme c’est le cas à cette époque pour le latin et le français. Or, si au xviie siècle, on ne compte pas les essais de traduction en français des classiques grecs ou latins, dont le but évident consiste dans l’appropriation des textes patrimoniaux de l’Antiquité, il n’en est pas de même pour les traductions d’ouvrages contemporains écrits en latin. Puisque le latin est alors un idiome communément employé dans l’enseignement universitaire, mais aussi utilisé par les savants, tant dans la rédaction de leurs ouvrages que dans les correspondances, une traduction du latin en français, réalisée moins de trois ans après la publication de l’original50, ne peut être considérée comme anodine et le fruit d’une pratique ordinaire. Ainsi, tandis que la traduction en latin de la Recherche de la Vérité illustrait le désir de diffuser hors de France, auprès d’un public européen, le chef-d’œuvre de Malebranche, la traduction en français du De Papa foemina, manifeste au contraire l’intention, confirmée par le choix de Cologne comme fausse adresse d’impression, de faire connaître cette dissertation non seulement aux Français du Refuge, mais aussi à la France catholique. Adaptation et vulgarisation du texte original, l’Histoire de la papesse Jeanne vise à faire sortir des Provinces-Unies le livre de Spanheim et à lui gagner une place de premier rang dans ce chapitre singulier de la controverse entre catholiques et réformés qu’est la querelle sur la véridicité de l’histoire de la papesse Jeanne.

La longue préface de Lenfant s’ouvre sur cet horizon de controverse et dessine les contours d’une polémique à l’intérieur de laquelle la dissertation de Spanheim et sa traduction acquièrent tout leur sens. Comme dans le cas du De Inquirenda Veritate, Lenfant profite de cet espace « hybride » qu’est la préface pour illustrer les raisons du livre, pour le replacer dans son contexte et pour expliquer les choix méthodologiques qu’il a appliqués à la traduction.

La préface commence par une série d’indications concernant ce qu’on appellerait aujourd’hui l’état de la recherche, en montrant la place qu’occupe le sujet du livre dans la littérature historique. On comprend alors que l’enjeu de ce texte qui propose un sujet apparemment amusant et curieux— la vie d’une papesse — se situe bien au-delà de la simple curiosité historique et de la narration d’une « merkwürdige Histoire », récit extraordinaire ou mémorable, comme le définiront les auteurs de la traduction allemande51. Quoique le titre français choisi par Lenfant ne laisse pas immédiatement entrevoir que ce texte a été conçu comme une œuvre de controverse — ce qui était au contraire explicite dans le sous-titre de l’original latin52 —, le discours de la préface resitue l’essai dans le cadre d’une polémique qui, en 1694, a déjà un nombre significatif de travaux.

L’aventure de la Papesse Jeanne éprouve dans son genre à peu près le même sort que la Philosophie d’Aristote, dans le sien. Elle paroît alternativement dans le monde, tantôt sur le pied d’une Fable, tantôt sur le pied d’un événement très réel. Pendant plusieurs Siécles, elle a été regardée comme un Fait [...] incontestable [...] Et depuis environ cinquante ans elle a passé pour un Roman si ridicule, que personne n’osoit presque plus prendre l’affirmative là-dessus53.

Comme Lenfant le rappelle par la suite, ce conflit d’opinions, que le texte prétend arbitrer en faveur du parti de la réalité historique de la papesse Jeanne, reflète un désaccord entre différentes traditions érudites, qui est en même temps confessionnel ; bien qu’elle relève de l’histoire et non de la théologie, la question de la vie de la papesse Jeanne, est en effet un sujet de conflit entre catholiques, qui en récusent la véridicité, et réformés, intéressés à montrer l’authenticité d’un épisode susceptible de jeter du discrédit sur l’histoire de la papauté et par conséquent sur le principe catholique d’autorité et d’infaillibilité pontificales. Or, bien qu’il rappelle l’état de la controverse, Lenfant ne joue pas cartes sur table et tend, comme le feront plusieurs de ses coreligionnaires aux prises avec ce sujet54, à minimiser l’impact religieux de la question :

La religion a beaucoup moins de part que l’Histoire dans toute cette affaire. [...] Que ce soit une Fable, ou que ce soit une verité, il y a long-temps qu’on a compris, que la Religion n’y avait qu’un intérêt fort indirect [.] les Protestants ne prétendent tirer, de la vérité de cette Histoire aucun avantage55.

On ne doit donc pas se flatter en publiant cette Piéce — conclut-il — de rendre un grand service à la Réformation [.] Mais on n’a pas eû dessein, non plus, de faire aucun déplaisir à l’Église Romaine56.

Faut-il donner du crédit à ces déclarations de Lenfant concernant l’intérêt de cette traduction ? Une série d’éléments tant extrinsèques qu’intrinsèques invitent à se méfier de la sincérité de ces propos. Le survol rapide des entreprises littéraires successives de Lenfant permet en effet de resituer cette traduction dans un projet littéraire et scientifique animé par des raisons confessionnelles, dont l’Histoire de la papesse Jeanne représente la première étape. Mise en rapport avec sa production ultérieure, cette traduction paraît l’introduction à un cheminement intellectuel qui mènera Lenfant à explorer exclusivement des territoires délicats et problématiques pour l’histoire de la papauté : c’est en effet à l’analyse des événements de la période du Grand Schisme de l’Église catholique que Lenfant consacrera toute son énergie de chercheur et d’historien, qui débouche sur l’Histoire du Concile de Constance, l’Histoire du Concile de Pise, la Poggiana et encore la posthume Histoire de la guerre des Hussites et du Concile de Basle57.

Du reste, des éléments de la préface trahissent ce que les déclarations explicites de Lenfant s’efforcent de camoufler, à savoir que cette traduction est en réalité une initiative à visée polémique. Dans ces pages, la référence réitérée au livre de David Blondel58, réformé qui a « trahi » son parti confessionnel en réfutant la thèse de l’historicité de la papesse, fait apparaître la vraie raison de l’adaptation du livre de Spanheim : recomposer, au lendemain de la révocation l’édit de Nantes, le front d’opposition huguenot, pour éviter d’offrir à l’ennemi confessionnel d’autres armes intellectuelles et éviter de perdre d’autres adeptes de la thèse réformée au sujet de la papesse59. Dans cette singulière bataille pour l’existence de la papesse, le livre de Spanheim se présente donc comme un antidote efficace non seulement contre les reconstructions catholiques de l’histoire, mais aussi contre les doutes soulevés par quelques protestants, à l’instar de Blondel.

De même que la Recherche de la Vérité de Malebranche se présentait comme un remède à apporter aux ennemis du cartésianisme, le De Papa foemina de Spanheim est un remède contre ces « ennemis » de la papesse qui font, bon gré mal gré, le jeu des catholiques. Ce remède paraît aux yeux de Lenfant d’autant plus efficace qu’il unit à la solidité et à la rigueur de l’argumentation l’affichage d’une attitude modérée envers les adversaires :

On verra les raisons de ces [...] adversaires [...] réfutées dans cette Dissertation avec la solidité qui accompagne tous les autres écrits de M. Spanheim ; mais sans sortir des régles de cette modération, & de cette équité, qui font le caractere des vrais Sçavans. On ne trouvera point ici l’air d’un Controversiste qui méprise les plus fortes objections d’un Adversaire, pendant que de son côté il propose avec ostentation les conjectures les plus foibles60.

Mais, bien que fort et efficace dans son fond, l’« antidote » élaboré par Spanheim s’avère plutôt indigeste et difficilement assimilable à cause de sa forme. C’est ici que l’art du traducteur vient au secours de la cause qu’il veut soutenir. Lenfant se consacre à ce travail en s’autorisant coupures, reformulations et développements — non sans avoir, cette fois, obtenu la permission de Spanheim— grâce auxquels, comme le dit Olivier Donneau, il parvient « à transformer ce texte technique et indigeste en un traité didactique, élégant et divertissant, susceptible de plaire à un large lectorat61 ».

Lenfant reconnaît explicitement, dans la préface, avoir manipulé le texte original. Il est conscient du travail de vulgarisation et de décryptage, pour ainsi dire, qu’il a accompli dans sa traduction, mais aussi du type de public que le livre peut toucher grâce à ce nouveau format. «J ’ai tâché, déclare Lenfant, de conserver le caractere de mon Auteur, & de faire de son ouvrage une copie, où l’on ne méconnût pas entierement l’original. C’est pour cela que je n’y ai fait, que les changemens qu’exigeoit & la différence des Langues, & la différence des Lecteurs62. » Quant à ces lecteurs, Lenfant sait bien qu’un ouvrage en français, et peut-être avec un tirage plus important, est susceptible de toucher un bien plus vaste public que celui de la dissertation latine :

Comme un Ouvrage écrit en François peut tomber entre les mains de toute sorte de personnes, il a fallu necessairement prendre un autre tour, que si l’on n’avoit eû affaire qu’à des Sçavans de profession. Ceux de ce dernier ordre aiment à se promener au milieu d’une vaste erudition & ne se rebutent pas pour quelque parenthèse ou pour quelque Digression qui les écarte tant soit peu du Fait. Mais tout le monde n’est pas de cette humeur, & sur tout l’impatience du Lecteur François en est extrémement éloignée. Il a donc fallu, pour s’accommoder à ce goût, retrancher certains endroits qui ne paroissoient pas essentiels63.

Dans le cas de la Recherche de la vérité, la version latine, visant un public de savants, pouvait reproduire fidèlement l’original. Ici, coupures et synthèses s’imposent, pour s’accorder au goût du public. Mais il ne suffit pas d’alléger l’écriture de l’original, il faut aussi en développer des parties pour que le message ne reste pas « crypté » à certains endroits ; il faut donc recourir pour certains passages au procédé inverse du précédent :

Il a quelquefois fallu, & par la même raison suivre une Méthode toute opposée. Il y a mille choses que les Sçavans entendent à demi mot & où ils ne trouveroient rien que de froid, & d’insipide dans les éclaircissemens qu’on voudroit leur donner. Il en est tout autrement des demi-sçavans. Comme il faut quelquefois abréger pour s’accommoder à leur impatience, il faut aussi quelquefois s’étendre pour leur éclarcir certaines choses où ils se trouveroient comme en païs perdu. C’est aussi ce que l’on a pratiqué en plusieurs occasions64.

Pour compléter la métamorphose du De Papa foemina sous la forme plus séduisante de l’Histoire de la papesse Jeanne, Lenfant n’hésite pas, avec la collaboration d’un autre ministre protestant, Alphonse de Vignoles, à ajouter des sections entièrement nouvelles dans la quatrième et dernière partie de l’ouvrage, comme le traducteur le précise toujours dans la préface.

Vingt-cinq ans plus tard, alors que Lenfant en est empêché par la rédaction d’autres ouvrages, le même Des Vignoles se charge des additions et des corrections qui paraissent dans la deuxième édition du texte65, témoignant du fait que l’Histoire de la papesse Jeanne a désormais complétement perdu le caractère d’une traduction et s’est pleinement transformé en un instrument anonyme au service de l’apologétique huguenote, comme Lenfant lui-même l’avait conçu. Il est intéressant de remarquer que, dans cette deuxième édition, l’œuvre d’« embellissement » de l’indigeste dissertation de Spanheim poursuit par l’insertion de quelques belles illustrations66. On concluera en observant que cette « espèce de traduction », comme dit Olivier Donneau67, eut un succès éditorial important et, jugée par les contemporains plus exacte et plus méthodique que l’original, attira à Lenfant de nombreux éloges.

Conclusions

Dix ans séparent le De Inquirenda Veritate de l’Histoire de la papesse Jeanne. Entre les deux, en parfait équilibre chronologique et stylistique, se situent les Lettres choisies de saint Cyprien aux martyrs et aux confesseurs. Comme le montrent leurs préfaces respectives, ces traductions ne peuvent pas être considérées comme de simples exercices de jeunesse, mais plutôt comme de véritables laboratoires de l’évolution intellectuelle et littéraire de Jacques Lenfant. Quand il est traducteur, celui-ci ne se borne pas à traduire : il choisit ses textes, leur donne un sens déterminé à travers ses préfaces, considère soigneusement son public et cherche les moyens les plus adaptés pour le toucher. Entre 1683 et 1693, Lenfant approfondit sa connaissance de tous ces mécanismes, ce qui l’autorise à métamorphoser toujours plus les textes qu’il travaille pour les accorder à l’usage qu’il veut en faire ; sa maîtrise lui permet d’ailleurs de réussir de mieux en mieux (si l’on compare les conséquences de la publication De Inquirenda Veritate pour Malebranche au succès éditorial de l’Histoire de la papesse Jeanne) à atteindre les objectifs qu’il s’assigne. Dans la préparation de ces textes, Jacques Lenfant n’a pas été simplement le « traducteur » de Malebranche, des lettres de saint Cyprien et de Spanheim, mais il a véritablement agi consciemment comme « médiateur » et « promoteur » intellectuel dans la République des Lettres.

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1. Sur Jacques Lenfant, voir « Mémoire historique de la vie, de la mort et de l’ouvrage de M. Lenfant », Bibliothèque germanique 16 (1729), p. 115-129 et Jean SGARD (dir.), Dictionnaire des journalistes 1600-1789, Oxford : Voltaire Foundation, 1999, t. II, p. 624-625. Jacques Lenfant reste un auteur peu étudié par l’historiographie ; on peut lire sur lui Maria-Cristina PITASSI, « Sensibilité orthodoxe et fantasmes sociniens dans une polémique du Refuge » in Martin ROSE (éd.), Histoire et herméneutique. Mélanges offets à Gotfried Hammann, Genève : Labor et Fides, 2002, p. 311-320 ; ID., « “Des explications de l’Écriture plus raisonnables que dans les sermons” : autour du Nouveau Testament de Jacques Lenfant et Isaac de Beausobre », in Hubert BOST — Claude LAüRIOL (éd.), Refuge et Désert, Paris : Champion, 2003, p. 143-156 ; Jacques SOLE, « Jacques Lenfant historien calviniste des crises de l’Église au temps du Grand Schisme » in De Luther à Taine, essai d’histoire culturelle, Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble, 2011, p. 107-116 ; Fiammetta PALLADINI, Die Berliner Hugenotten und der Fall Barbeyrac, en particulier chapitre V, p. 295-352 ; Giuseppe TOGNON, « G. W. Leibniz, Dinamica e Teologia. Il carteggio inedito con Jacques Lenfant », Giornale critico della filosofia italiana 61 (1982), p. 278-329.

2. Le Nouveau Testament de notre seigneur Jesus-Christ : traduit en françois sur l’original grec. Avec des notes literales, pour eclaircir le texte, par Mrs. de Beausobre et Lenfant, Amsterdam : Humbert, 1718 (première de nombreuses réimpressions).

3. Nicolas MALEBRANCHE, De la Recherche de la vérité où l’on traite de la nature de l’esprit de l’homme & de l’usage qu’il doit faire pour éviter l’erreur dans les sciences, Paris : Pralard, 1674. La traduction de Jacques Lenfant, réalisée pendant l’année 1683, se base sur la quatrième édition du livre — augmentée des Eclaircissements — publiée également par Pralard à Paris en 1678.

4. Friedrich SPANHEIM, De Papa foemina inter Leonem IV et Benedictum III, Lugduni Batavorum (Leyde), apud Johannem Verbessel, 1691. Lenfant réalise cette traduction au cours de l’année 1693.

5. Titre complet: Lettres choisies de S. Cyprien aux confesseurs et aux martyrs, avec des remarques historiques et morales, Amsterdam : Henry Desbordes, 1688.

6. Titre complet: De Inquirenda Veritate libri sex in quibus mentis humanae natura disquiritur, & quomodo variis illius facultatibus, ut in Scientijs error vitetur, utendum sit, demonstratur: Authore P Malebranche, C.O.D.I.P, Ex ultima Editione Gallica pluribus illustrationibus ab ipso authore aucta Latine versi, Genevae, apud Joh. Ludovicum Dufour, 1685.

7. Histoire de la papesse Jeanne, fidèlement tirée de la dissertation latine de M. de Spanheim, Cologne : chez ****, 1694.

8. Titre : Ontdeckinge des WAERHEYDT, waer in gehendel werd van den aard en Nature vans Menschen VERSTAND en OORDEEL, Rotterdam et Amsterdam : Barent van Santbergen et Jan Bouman, 1680.

9. Voir Sven et Suzanne STELLING-MICHAUD, Le livre du recteur de l’Académie de Genève, Genève : Droz, 1975, t. IV, p. 314-315 (4510).

10. La première édition du De Inquirenda Veritate porte la date de 1685, mais l’imprimeur-libraire chargé de l’imprimer, Jean-Louis Dufour, fit faillite en février 1684 et son fonds libraire ne fut racherté qu’en 1688 par une société de libraires genevois. Nous allons considérer dans le détail ces vicissitudes ainsi que les circonstances de cette traduction dans la monographie que nous sommes en train de préparer dans le cadre d’un projet FNS dirigé par le Professeur Maria-Cristina Pitassi, La fortune de Malebranche dans l’espace réformé européen entre orthodoxie et dissidence (1680-1730).. Nous traitons aussi de cette traduction dans un article d’Astérion (13, 2015), « Malebranche à Genève : le De Inquirenda Veritate et sa Préface ». Cet article comprend également une traduction en français de la préface rédigée par Lenfant et c’est cette traduction que nous prenons pour référence lorsque nous citons le texte de cette préface. Donner aussi, vu la longueur de la préface, le numéro de la page de l’original latin (n. 12-15, 17-28)

11. Toutes les références à la Préface du De Inquirenda Veritate renvoient à la traduction française de ce texte donné par Elena MUCENI dans l’article « Malebranche à Genève : le De Inquirenda Veritate et sa Préface », Astérion 13 (2015), consultable à en ligne à l’adresse http://asterion.revues.org/2668. Puisque les pages de l’article ne sont pas numérotées, nous donnerons l’indication du paragraphe d’où nous avons pris la citation.

12. E. MUCENI, « Malebranche à Genève », § 16.

13. Ibid.

14. Ibid., § 24.

15. Ibid., § 24.

16. Ce jugement ne s’appuie pas uniquement sur la lecture de la traduction de Lenfant mais aussi sur la comparaison de celle-ci avec des fragments de traduction en latin effectuées par d’autres contemporains qui ont cité des passages de la Recherche de la Vérité dans leurs ouvrages en latin. C’est notamment le cas de Jean Le Clerc, qui a inséré des passages du sixième livre de l’ouvrage de Malebranche à la fin de sa traduction des Tractatus physici duo de Cordemoy (Jean Pictet, 1679) et de Pierre Bayle qui traduit d’une manière presque incompréhensible des fragments de ce même ouvrage dans la « Dissertation » insérée dans son Recueil des pièces choisies (1684).

17. E. MucENI, « Malebranche à Genève », § 16.

18. Ibid., § 19.

19. Ibid., § 19.

20. Ibid., § 20.

21. Ibid., § 23.

22. Ibid., § 28.

23. Ibid., § 27.

24. Ibid., § 32.

25. Ibid., § 30.

26. Ibid., § 29.

27. Ibid., § 35.

28. Ibid., § 36.

29. Le libraire Abel Swalle.

30. Voir Gustavo COSTA, Malebranche e Roma, documenti deWarchivio della Congregazione per la dottrina della fede, Firenze : Leo Olschki, 2003, p. 93-97.

31. Jacques LENFANT, Lettres choisies de saint Cyprien aux confesseurs et aux martyrs, « Avertissement », p. 1 non numérotée.

32. Son père, Paul Lenfant, qui avait dû quitter la France après la révocation de l’édit de Nantes, mourut à Marbourg en 1686.

33. Les troupes françaises occupent alors Pforzheim.

34. J. LENFANT, Lettres choisies de saint Cyprien, « Avertissement », p. 2-3 non numérotées.

35. Ibid., p. 4.

36. Ibid., p. 24.

37. SAINT CYPRIEN, Œuvres trad. en francoispar Pierre Lombert, avec des remarques (et) une nouvelle vie de Saint Cyprien tiree de ses ecrits, Paris : Pralard, 1672.

38. Ibid., p. 6-7.

39. David van der Linden signale une tendance généralisée, dans la littérature huguenote de cette période, à percevoir les persécutions subies en termes de martyre : voir David VAN DER LINDEN, « Histories of Martyrdom and Suffering in the Huguenot Diaspora » in Raymond A. MENTZER — Bertrand VAN RUYMBEKE (éd.), A Companion to the Huguenots, Leiden-Boston : Brill, 2016, p. 348-369.

40. Titre complet : [Saint Amand trad.], Traitez du martyre, de la consolation des martyrs et de la chute des saints, Genève, Samuel de Tournes, 1686. Le titre original du livre de Heidegger est Consolatio Christiana s. martyrum, omniumque persecutiones sustinentium [...],Tiguri [Zürich], typis Davidis Gesseneri, 1678.

41. Titre complet: La Patience des saints ou Traité de la patience des premiers chrêtiens, Cologni [Genève] : Josef Dimier, 1686. Ce livre est une traduction/adaptation de quelques parties du texte de William Cave, Primitive Christianity Or the Religion of the Ancient Christians, London : printed for Richard Chriswell, 1673.

42. Ibid., p. 9 ou **4.

43. Ibid., p. 11 (ou **5) et 12.

44. Ibid., p. 4.

45. Ibid., p. 23.

46. Sur la controverse autour de l’existence de la papesse Jeanne voir Olivier DONNEAU, « “Sa sainteté femelle” ou les réincarnations discrètes du mythe historiographique confessionnel de la papesse Jeanne au Refuge huguenot », BSHPF 153 (2007), p. 197-230 ; Craig M. Rustici, The Afterlife of Pope Joan : Deploying the Popess Legend in Early Modern England, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 2006 ; Barbara Sher Tinsley, « Pope Joan Polemic in Early Modern France : The Use and Disabuse of Myth », The Sixteenth Century Journal 18 (1987), p. 381—398.

47. Voir Georges BONNANT, Le Livre genevois sous l’ancien régime, Genève : Droz, 1999, p. 14.

48. Voir R.A. SAYCE, « Compositorial Practices and the Localization of Printed Books, 1530-1800 », The Library 21 (1966), p. 1-45.

49. Deux, en 1720 et en 1738 sorties chez le célèbre imprimeur de La Haye Henry Scheurleer, et deux autres, respectivement de 1736 (chez Jacques von den Kieboom) et de 1758 (« Aux dépens de la Compagnie », peut-être encore par les Huguetans) publiées toujours à La Haye.

50. Une lettre de Bayle témoigne en effet que l’ouvrage était sous presse déjà au début de 1693. Pierre Bayle écrit en effet à Jacques Lenfant sur la fin du mois de mars 1693 : « Je suis ravi, Monsieur, que votre travail sur le Traité de Mr. Le Professeur Spanheim, de joanna papissa soit entre les mains des imprimeurs » ; voir Pierre Bayle à Jacques Lenfant, 28 mars 1693, dans Pierre Bayle, Correspondance, A. McKenna, E. Labrousse et al. (éd.), Oxford, Voltaire Foundation, 2012, vol. IX, p. 57.

51. Merckwürdige Historié der Pàpstin Johanna, Frankfurt und Leipzig 1737. Il est intéressant de remarquer que cette traduction ne fut pas réalisée sur l’original de Spanheim mais sur la version de Lenfant.

52. Qui indiquait dans le titre les noms des auteurs que Spanheim se proposait de contester.

53. F. SPANHEIM (J. LENFANT trad.), Histoire de la papesse Jeanne, Cologne, 1694, Préface, p. 1 non numérotée.

54. Notamment Pierre Jurieu et François-Maximilien Misson ; voir Olivier DONNEAU, « “Sa sainteté femelle” ou les réincarnations discrètes du mythe historiographique confessionnel de la papesse Jeanne au Refuge huguenot », BSHPF 153 (2007), p. 197-230, en particulier p. 203-205.

55. F. SPANHEIM (J. LENFANT trad.), Histoire de la papesse Jeanne, 1694, Préface, p. 6 non numérotée.

56. Ibid., p. 7-8.

57. Voir Histoire du Concile de Constance, Amsterdam, 1714, 1724 et 1727, ainsi que deux traductions anglaises, Londres, 1728 et 1730 ; Poggiana, Amsterdam, 1720 ; Histoire du Concile de Pise, Amsterdam, 1721 et 1724, Utrecht, 1731 ; Histoire de la guerre des Hussites et du Concile de Bâle, Amsterdam, 1729, Utrecht, 1731.

58. David BLONDEL, Familier Eclaircissement de la question, si une femme a esté assise au Siege Papal de Rome, Amsterdam : Blaeu, 1649.

59. C’est le cas par exemple du journaliste auteur du périodique Histoire des ouvrages des savants Henri Basnage de Beauval, qui était d’abord contre la vérité historique du récit et qui fut regagné à la cause par la dissertation de Spanheim (voir Histoire des ouvrage des savants, sept.-oct.-nov. 1690, p. 167-180). La date de cette recension montre que cette dissertation portant la date de 1691 avait été imprimée très probablement dans la deuxième moitié de 1690.

60. F. SPANHEIM (J. LENFANT trad.), Histoire de la papesse Jeanne, Cologne, 1694, Préface, p. 27 non numérotée.

61. Voir O. DONNEAU, « Sa sainteté femelle », p. 204.

62. F. SPANHEIM (J. LENFANT trad.), Histoire de la papesse Jeanne, Cologne, 1694, Préface, p. 28-29 non numérotées.

63. Ibidem, p. 29-30.

64. Ibid., p. 30-31.

65. Histoire de la papesse Jeanne fidelement tirée de la dissertation latine de Mr. de Spanheim [...]. Seconde édition augmentée, La Haye : Scheurleer, 1720.

66. La première édition ne contenait qu’une image de frontispice illustrant la papesse sur le trône pontifical en présence de plusieurs figures représentant les plus hautes dignités de la hiérarchie ecclésiastique, respectivement les cardinaux, les évêques et les vicaires généraux, reconnaissables d’après leurs parements.

67. Voir O. DONNEAU, « Sa sainteté femelle », p. 204.