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Assemblée générale

du 7 avril 2016 — Rapport moral pour l’année 2015

Isabelle Sabatier

Présidente du Comité de la SHPF

Mesdames, Messieurs, chers Amis,

En saluant, il y a trois ans, l’action de Thierry Du Pasquier, mon prédécesseur à la présidence du Comité, je ne pouvais imaginer revenir aujourd’hui, à cette même tribune, pour dire ma profonde émotion et celle du Comité à l’annonce de sa mort, en juillet 2015 et rendre hommage à sa mémoire. Élu très jeune membre associé, puis membre titulaire du Comité, il a mis sa passion pour la généalogie au service de la Société, en y créant en 1977, avec d’autres, le centre de généalogie protestante, couplé à une nouvelle publication : les Cahiers de généalogie. En 1989, il a accepté la lourde charge de trésorier, dont il s’est acquitté pendant près de quinze ans. Avec Laurent Theis, il a donné tout son éclat au cent cinquantenaire de la SHPF, en 2002, en organisant dans nos murs, ici-même, une très originale exposition sur la place des protestants dans la société française au xixe siècle. C’est en 2003 qu’il est élu à la présidence du Comité. Il en a exercé la responsabilité durant dix ans, avec talent et dévouement, s’attachant à élargir la notoriété de la Société, tant en France qu’à l’étranger, notamment en resserrant les liens avec les sociétés huguenotes, dans les pays du Refuge. La maladie, puis la mort prématurée de notre ancien président ont péniblement affecté le Comité. Son souvenir nous porte à la reconnaissance.

Notre Comité a encore été frappé par la disparition d’un autre de ses membres, très fidèle et précieux collaborateur de notre revue. Le professeur Francis Higman est mort en juin 2015. Il était directeur honoraire de l’Institut d’histoire de la Réformation de Genève, éminent spécialiste de la littérature « évangélique » française du xvie siècle. Ses travaux ont en particulier contribué à faire reconnaître Calvin comme l’un des créateurs de la langue française moderne. L’une de ses dernières publications aura été le numéro spécial du Bulletin de la SHPF sur les Psaumes. Les Psaumes auront accompagné toute la vie de notre ami Higman.

Notre Société a perdu en janvier 2015 un de ses plus fidèles amis, le pasteur François Cormouls-Houlès, président du Musée protestant de la Grange de Wassy. C’est lui qui avait créé ce musée, ouvert en 1980. C’est lui qui l’a animé durant de longues années, puis assuré la relève par sa fille Laurence.

Je dois ajouter encore, tant l’émotion est grande pour les membres du Comité, la mort brutale, le 30 janvier dernier, de notre ami et collègue Jean-Daniel Pariset. Il me reviendra le triste privilège de lui rendre hommage devant vous, l’an prochain, lors du rapport moral de l’année 2016.

De tous ces amis disparus, nous n’avons pas fini de mesurer les pertes.

C’est encore nous souvenir d’eux que de rappeler la vie de notre Société durant l’année 2015.

Commençons par la Revue, cœur battant de la Société.

L’année 2015 a vu se clore un long chapitre de la vie de la SHPF, avec la parution du 161e et dernier tome du Bulletin, né, comme la Société, en 1852. Publié depuis 164 ans, sans interruption, sinon sans vicissitudes, le Bulletin a su, au fil des dernières décennies, diversifier ses approches et ainsi trouver sa place parmi les grandes revues d’histoire. Ces dernières décennies portent le nom d’André Encrevé. Car, depuis 1986, André Encrevé a été le rédacteur en chef du Bulletin, le capitaine au long cours, d’un exceptionnel long cours de trente années. Je tiens à renouveler ici à notre collègue, ainsi qu’à l’équipe de rédaction qu’il animait, l’expression publique de la reconnaissance de la Société.

Après la décision d’André Encrevé de quitter ses fonctions de rédacteur en chef, le Comité a demandé à notre collègue Hubert Bost de prendre la responsabilité d’une nouvelle équipe de rédaction, avec un nouveau projet éditorial, visant notamment l’élargissement du lectorat de la revue. Tout en assurant la continuité avec le Bulletin dont elle prend la suite, la Revue d’histoire du protestantisme propose, à partir de 2016, une ouverture sur le protestantisme mondial dans sa diversité, et sur l’histoire du temps présent, analysé avec les outils de la sociologie.

Une version électronique est prévue en parallèle à la version imprimée. La réflexion se poursuit encore quant au choix d’une ou deux plateformes de revues, auxquelles confier la mise en ligne de la Revue, et celle de la collection du Bulletin.

Le 1er numéro de la Revue vient de paraître et je ne saurais trop vous recommander de saisir cette occasion pour la découvrir, si vous n’êtes pas encore abonnés, et de la faire connaître autour de vous.

Parmi les nombreuses publications que des membres du Comité ont fait paraître en 2015, je me dois de vous signaler très spécialement le 1er tome du Dictionnaire biographique des protestants français de 1787 à nos jours, réalisation menée de mains de maîtres par Patrick Cabanel et André Encrevé, sur l’initiative et sous la direction de la SHPF. Cette vaste entreprise, qui va continuer dans les prochaines années, en mobilisant des dizaines de collaborateurs, prend la suite de la France protestante des frères Haag, complétée par Henri Bordier, dont le terminus ad quem était l’édit de 1787. L’action est d’autant plus louable que les deux directeurs scientifiques ont tenu à ce que les droits d’édition de cette œuvre collective appartiennent à notre Société. Au nom du Comité, je les en remercie chaleureusement.

Autre élément du rayonnement de notre Société, les conférences publiques, toujours animées avec brio par Laurent Theis. Cette année, nous avons pu entendre :

– Nadine Kuperty-Tsur sur Charlotte Duplessis-Mornay

– Frank Lestringant sur Guillaume Le Testu et sa Cosmographie universelle

– et Thomas Bernard sur Gaspard Fornier d’Albe, très original général de la Révolution et de l’Empire, nîmois et protestant.

Une soirée-débat a également été organisée en janvier 2015, à l’occasion de la sortie de la traduction en français de l’Histoire de la Réformation de notre collègue Thomas Kaufmann, professeur à l’université de Göttingen. Autour de l’auteur, le plateau réunissait Mark Greengrass de l’université de Sheffield, Nicole Lemaître de l’université Paris 1 et Pierre-Olivier Léchot de l’Institut protestant de théologie de Paris.

Venons-en à la Bibliothèque.

Après plusieurs années marquées par un effritement sensible de sa fréquentation, les statistiques 2015 montrent une claire inversion de tendance, avec en parallèle une forte augmentation des communications pour tous les types de documents, tout spécialement pour l’iconographie et les manuscrits. Les bibliothécaires ont remarqué un retour, après trois ans d’absence, de boursiers étrangers, notamment des universités américaines.

Le blog, initié par les bibliothécaires pour offrir un aperçu régulier des activités et des actualités de la Bibliothèque, reçoit des visites en ligne, toujours plus nombreuses. Cette présence de la Bibliothèque sur les réseaux sociaux, sur lesquels l’activité des chercheurs se manifeste de plus en plus, mériterait d’être étoffée à l’avenir.

Il faut noter que, depuis plusieurs mois, les livres imprimés de la Bibliothèque du protestantisme bénéficient également d’une visibilité élargie sur Internet, grâce au « moissonnage » des notices bibliographiques de notre catalogue, effectué par le CCFr – le catalogue collectif national –, à travers la passerelle informatique mise en place par le Réseau Valdo des bibliothèques protestantes.

Le chantier de la numérisation du Fonds André, supervisé par Corinne Gibello Bernette, a encore largement mobilisé les bibliothécaires, Florence Poinsot et Sophie Vié, sans toutefois pouvoir se terminer dans l’année, comme nous l’escomptions. Si la numérisation à proprement parler des 1 375 volumes du corpus, soit 415 000 images, s’est achevée en avril 2015, notre prestataire, la Société Numen, a accumulé de nombreux retards qui ne permettent pas d’envisager la livraison complète des documents numérisés, donc la fin du chantier, avant l’été 2016. C’est alors seulement que la mise en ligne de la collection d’Alfred André pourra être mise en œuvre, sur la base du cahier des charges préparé par Corinne Gibello-Bernette avec le concours de Jean-Daniel Pariset et de Florence Poinsot.

C’est toujours avec gratitude que la SHPF reçoit les dons de documents qui viennent enrichir et compléter les fonds patrimoniaux de la bibliothèque. Parmi ceux reçus en 2015, je citerai :

– le registre paroissial original de l’église de La Moussaye pour les années 1618 à 1683 offert par M. Hubert Langlois, grâce à l’entremise du pasteur Franck Keller ;

– un rare ensemble d’une centaine de circulaires imprimées de la « correspondance fraternelle des pasteurs de l’Église libre » couvrant 14 années d’échanges, sur les années 1853 à 1867, qui vient utilement compléter nos collections, offert par Franck Storne ;

– un lot important de documents issus de la riche bibliothèque de Jacques Poujol offert par Mme Poujol et ses enfants, dont une édition de 1556 des Commentaires sur les épîtres de Paul de Calvin ; livre à l’histoire singulière et émouvante puisqu’il fut trouvé par Jacques Poujol, qui avait rejoint la 2e DB en avril 1945, à Saint-Jean d’Angély, sur un tas de décombres ;

– la Société a reçu des ouvrages anciens des bibliothèques de Victor Le Renard, et de celle du pasteur Bianquis ; également un ensemble important d’éditions des sermons de Jean Mestrezat, l’un des célèbres pasteurs de Charenton, réunis par ses descendants ; un Psautier de 1803, ayant appartenu à Eléonore Koechlin, offert par l’Église de Pentemont, enfin des archives de la famille de Coninck, complétées d’une belle édition du Rapin-Thoyras de Raoul de Cazenove, offerts par François Mieg.

Des travaux de tri et de classement se sont poursuivis sur les fonds d’archives. Sophie Vié a mené à bien un travail remarqué sur les riches archives des familles Jauge, Cottin, Harlé : 58 cartons, essentiellement de correspondances, couvrant une centaine d’années, dont celle d’Amédée Jauge, homme d’affaires et politique.

Par ailleurs, l’important fonds d’archives de la Fédération des Éclaireurs unionistes bénéficie du travail engagé par un groupe de bénévoles qui, depuis plusieurs mois, se réunit régulièrement pour classer, inventorier et enfin, en saisir sur informatique la description normalisée. Les archives de la FFE ont également pu être regroupées et complétées par le fonds reçu de l’association régionale pour l’histoire de la FFE en région lyonnaise.

Notre reconnaissance va aux bénévoles dont la présence est essentielle à la bonne marche de la Bibliothèque et de la Société, en général. Citons l’aide qu’apportent Elisabeth Argaud à l’accueil des lecteurs, Denise Zwilling au classement des archives des Éclaireuses, Marc Fauris à la comptabilité et à la gestion des abonnements aux Cahiers de généalogie et Henri Prévost aux recherches généalogiques.

Elle va également au Secrétaire général Jean-Hugues Carbonnier et à François Matter, secrétaire général adjoint, qui veillent en permanence à la santé financière et à la bonne gestion du patrimoine immobilier de la SHPF, sur lesquelles peuvent prospérer les activités et les nouveaux projets de la Société.

Sollicité par le Musée d’art et d’histoire du judaïsme, à l’occasion de son exposition Moïse, figures d’un prophète inaugurée en octobre 2015, la SHPF a accepté de prêter la grande huile sur panneau de bois parqueté Moïse et le Décalogue, rare témoignage de la représentation du Décalogue dans les temples antérieurement à la révocation de l’édit de Nantes. Le tableau vient de retrouver sa place dans notre salle de lecture.

Au cours de certaines émissions culturelles à la télévision, vous avez parfois pu reconnaître la salle de la bibliothèque, comme cadre des interviews. Des tournages se sont en effet déroulés ici-même. Ce fut le cas en 2015 pour les émissions de Secrets d’histoire consacrées à Charlemagne et à Henri III, et différents petits tournages pour Présence protestante. Il en fut de même pour un épisode de la très populaire émission de la BBC Who do you think you are, consacré à l’acteur britannique Derek Jacobi, à la découverte de son ascendance huguenote ; il a donné lieu à la présentation de quelques documents issus de nos collections et ainsi, à une publicité pour la SHPF, inédite outre Manche.

J’en viens au chapitre des musées et organismes dépendants ou associés à la SHPF.

L’Assemblée du Musée du Désert s’est tenue le dimanche 6 septembre. Le thème de la journée était le 300e anniversaire du premier synode du Désert, en août 1715. Le culte présidé par la pasteur Anne Faisandier a été suivi l’après-midi des allocutions historiques d’Hubert Bost et de Jean-Paul Chabrol. Les différentes manifestations qui précèdent l’Assemblée, au cours de l’été, ont trouvé leur public : ainsi l’Assemblée nocturne au Mas Soubeyran, plusieurs conférences et enfin l’inauguration du « Chemin camisard » qui rejoint le sentier international menant jusqu’à Bad Karlshafen.

L’arrivée au musée du Bois-Tiffrais des 12 000 volumes de la bibliothèque du pasteur Vincent, entreposés, dans un premier temps, dans l’orangerie, a incité le Comité et les représentants du Bois-Tiffrais à engager une réflexion de fond. Il est ainsi envisagé de constituer le Bois-Tiffrais en réserve de collections de la SHPF, dont les locaux parisiens sont presque saturés.

Jean-Daniel Pariset, mandaté par le Bureau, s’est rendu sur place pour conseiller les équipes du Bois-Tiffrais, sur les dispositions à prendre pour la bonne conservation du fonds Vincent. La mise en rayon a été menée à bien, dans un temps record, grâce au dévouement des bénévoles. Je tiens à remercier à nouveau, au nom du Comité, Madame Francette Joanne, présidente de l’association des amis du musée, et Denis Vatinel, son conservateur, ainsi que les équipes mobilisées avec eux, pour l’engagement qui est le leur, pour le rayonnement du Bois-Tiffrais.

L’ambitieux projet d’agrandissement du Musée Jean Calvin, lié aux obligations de mise en conformité de l’accessibilité, a été longuement examiné avec l’architecte, lors de la réunion du Comité mixte qui s’est tenue le 31 mars dernier à Noyon. Le coût élevé de l’opération va nécessiter la recherche de financements publics et privés, y compris auprès de la communauté réformée de Corée du Sud. En effet, la fréquentation du musée par les coréens protestants ne se dément pas et a représenté près d’un quart de tout le public reçu en 20 15.

En cette année commémorative du 600e anniversaire du martyr du réformateur tchèque Jan Hus, le XXIXe colloque des musées protestants a réuni, du 1er au 3 mai, 80 participants de nombreux musées européens, à Tabor, patrie des hussites en Bohême. Accueilli par la Société de l’histoire de la Réforme tchèque Veritas et l’Église évangélique des frères tchèques, il avait pour thème Jan Hus en dialogue avec la Réforme européenne du xvie siècle. La personnalité de Jan Zyska, le génial guerrier borgne de la Révolution hussite, a également été évoquée.

La réunion annuelle des musées protestants s’est tenue ici-même le 21 novembre, sous la présidence de Jean-Daniel Pariset, chargé par le Comité de la coordination des musées. Il y a présenté une synthèse remarquable et sans détours de la situation des musées, et proposé des pistes de coopération à approfondir, notamment en termes de formation des personnels plus ou moins permanents et des bénévoles. Cette intervention, dont nous ne pouvions imaginer qu’elle serait la dernière, nous a donné à entendre Jean Daniel Pariset, si respectueux de l’investissement de chacun mais aussi animé du désir d’orienter les musées vers un plus grand professionnalisme.

Pour conclure, je ne saurais mieux dire que mes illustres prédécesseurs à cette tribune, Charles Read en 1854, cité par Laurent Theis, il y a bientôt vingt ans :

L’assemblée générale est, dans son principal objet, un examen de conscience. Nous nous réunissons pour nous rendre compte de notre situation, pour examiner si nous avons contribué les uns et les autres, autant qu’il était en nous, à faire prospérer notre association, et pour nous encourager mutuellement à remplir de mieux en mieux le cadre que nous nous sommes tracé.