Fonction du politique et jus circa sacra dans les controverses hollandaises du début du xviie siècle
Johannes Uytenbogaert et Hugo Grotius1
Catherine SECRETAN
Institut d’histoire des représentations et des idées dans les modernités – CNRS - UMR 5317
« Feuillettant l’histoire ancienne j’y apprends que les maux qui nous affligent ne sont maux peculiers de ce siecle : ce sont des vieux maux voire perpetuels, & qui ayants esté coupés souventesfois rebourjonnent tousjours. [...] Ce n’est pas aussi chose nouvelle, ni un mal particulier de nostre pays ou de nostre temps qu’on dispute subtilement des choses obscures, & que chascun tasche de fortifier par toutes voyes le parti qu’il a embrassé, sans endurer ceux qui ont autre sentiment. [...] Jamais ces troubles ne s’appaiseront par ceux qui les ont esmeus : si l’authorité des Princes n’y entrevient pour faire le hola aux combattants, la chose est desespérée. » Ainsi s’exprimait Hugo Grotius, en conclusion de son traité sur La Piété des Estats de Hollande et Westfrise, publié en 1613 à Leyde2. Ce jugement peut surprendre par ses accents de lucidité et de sagesse d’homme mûr alors que son auteur n’était encore qu’un jeune avocat au service des États de Hollande, loin d’imaginer les épreuves qui l’attendaient et l’œuvre qui le rendra célèbre, son traité sur Le Droit de la guerre et de la paix (1625). Qu’est-ce qui pouvait donc amener Grotius à s’exprimer de la sorte et de quels « maux » s’agissait-il ?
Ce texte appartient à l’une des périodes les plus troublées de l’histoire des Pays-Bas au xviie siècle3. Il nous introduit au cœur d’une série d’événements qui divisèrent la société néerlandaise et finirent par opposer durement les deux chefs politiques du moment, le prince Maurice de Nassau et l’« Avocat » de Hollande, Johan van Oldenbarnevelt4. La coïncidence, en ces mêmes années, de dissensions religieuses et de désaccords politiques ne fit qu’aggraver les tensions entre les différents partis et alimenta une succession d’épisodes qui se conclut tragiquement, avec les décisions prises à l’issue du synode de Dordrecht. En 1619, Johan van Oldenbarnevelt était condamné à mort et la majorité des arminiens (dont Grotius) étaient envoyés en exil. Pour une part, l’origine religieuse de ce conflit n’était pas nouvelle et remontait aux controverses théologiques de la fin du siècle précédent et à celles touchant l’organisation de l’Église au sein du nouvel État néerlandais5. Mais lorsque paraît le texte de Grotius, en 1613, deux faits nouveaux sont intervenus. Du côté religieux, les deux professeurs de théologie de l’université de Leyde, Gomarus et Arminius, ont pris publiquement, dans leur enseignement et les disputes soutenues par leurs étudiants, des positions doctrinales opposées concernant le dogme de la prédestination et l’exercice du jus circa sacra en général ; du côté politique, un désaccord est apparu entre Oldenbarnevelt et Maurice de Nassau à propos de la signature d’une trêve de douze ans avec l’Espagne et n’a cessé de se radicaliser. On voit donc que les « maux » qui désolent Grotius renvoient à cette surdétermination d’antagonismes sociaux et politiques sous l’effet d’une concomitance d’intérêts conflictuels de première importance.
Dans le contexte particulier de l’année 1613, le but immédiat de l’Ordinum pietas était de prêter main forte à l’un des amis proches de l’auteur, le théologien Johannes Uytenbogaert6. Celui-ci, en effet, avait publié quelque temps auparavant un « Traité de la fonction et de l’autorité du magistrat chrétien dans les affaires ecclésiastiques » en réponse à des accusations venues de son collègue Gomarus qui lui reprochait sa conception des rapports entre l’Église et l’État7. Dans son traité, Uytenbogaert prenait ouvertement parti pour une subordination du pouvoir religieux au pouvoir temporel et s’opposait au principe d’une « collatéralité » de ces deux instances. Cette orientation, identique à celle de Grotius, sera au cœur de la pensée des « républicains » du milieu du xviie siècle, hostiles à la politique des princes d’Orange et à leurs tendances monarchiques8. Au-delà de l’actualité immédiate, l’intérêt de ces deux textes est de montrer à partir de quelles controverses doctrinales, mêlées d’antagonismes politiques, s’est posée, aux Pays-Bas, la question du jus circa sacra, c’est-à-dire la question de savoir à qui, de l’État ou de l’Église, revenait le droit de nommer les pasteurs, d’organiser les cultes et de régler la discipline religieuse. Le traité de Grotius comme celui d’Uytenbogaert constituent en fait les premières attestations remarquables d’une version hollandaise de l’érastianisme en même temps qu’ils éclairent les racines politico-religieuses de la tolérance hollandaise.
Théologie et politique dans les Pays-Bas au début du XVIIe siècle
Dès les années 1590, la doctrine calviniste de la prédestination avait suscité d’importantes polémiques dans les milieux néerlandais, principalement entre les partisans d’une interprétation libérale des textes sacrés, tels Dirk Coornhert, le grand apologiste de la liberté et de la tolérance religieuses, et les pasteurs calvinistes9. Le dogme d’une prédestination absolue, que défendait le calvinisme orthodoxe et selon lequel Dieu aurait de toute éternité décidé du salut ou de la damnation des fidèles en vertu de décrets insondables et irrévocables, rencontrait de fortes résistances dans un pays où la tradition érasmienne demeurait vive10. Un jeune pasteur d’Amsterdam, Jacobus Arminius (1550-1609), avait commencé à s’opposer à l’enseignement de Calvin et Théodore de Bèze dans ses sermons et proposait une lecture de certains passages des Écritures (notamment de Rm 7 et 9) qui avait rapidement éveillé les soupçons des autorités religieuses11. Résumée dans ses grandes lignes, son interprétation revenait à nier la double prédestination et l’irrévocabilité des décrets divins. Il faisait dépendre l’élection de la foi, laissant ainsi à l’individu une chance de gagner par lui-même son salut12. Ces polémiques s’envenimèrent avec la nomination d’Arminius en 1603 comme professeur de théologie à l’université de Leyde, car, de la chaire, la controverse passait à l’université13. Dès 1604, en effet, deux disputes soutenues sous la présidence d’Arminius et portant, l’une sur la prédestination, l’autre sur le péché originel, provoquèrent la colère de son collègue de Leyde, le professeur de théologie Franciscus Gomarus, qui répliqua en faisant soutenir, peu de temps après, une série de thèses diamétralement opposées14.
Les choses auraient pu en rester là si les adversaires d’Arminius n’avaient porté l’affaire, non seulement au-delà de l’espace académique mais même au-delà des frontières. Des lettres furent envoyées à Paris, à Genève, à Heidelberg et dans d’autres villes de pays voisins en vue d’alerter l’opinion publique sur les positions du nouveau théologien de Leyde15. Arminius se vit alors contraint de réagir et par deux fois il fit appel à l’arbitrage des États de Hollande, dont il obtint la permission d’exposer ses vues en leur présence, d’abord en mai 1608, devant la cour suprême de La Haye, puis en octobre, devant l’assemblée des États. Gomarus fut également entendu, mais le conflit, loin de s’apaiser, s’amplifia et les attaques à l’encontre des disciples d’Arminius se multiplièrent16. Une « Remontrance » fut alors rédigée, en janvier 1610, par Uytenbogaert, fidèle partisan d’Arminius, qui résumait en cinq points la pensée arminienne sur la doctrine de la prédestination17. Signé par quarante-quatre ministres, la plupart de Hollande, ce document fut remis au principal personnage politique du moment, Johan van Oldenbarnevelt, dans l’espoir d’obtenir le soutien des autorités civiles. Les calvinistes orthodoxes répliquèrent par une «contre-remontrance », d’où le nom qui désormais resta associé aux arminiens ou « remontrants », et gomaristes ou « contre-remontrants ».
Ce recours à l’autorité civile constitue un phénomène récurrent et caractéristique de l’histoire néerlandaise du xviie siècle18. Il s’explique de deux manières. La première, par le fait que la République des Provinces-Unies n’ait pas été un État confessionnel, l’Église calviniste n’ayant jamais obtenu d’autre statut que celui d’Église « privilégiée » — même si l’on devait en général appartenir à la religion calviniste pour accéder aux charges publiques19. Nombre de controverses amenèrent ainsi le magistrat à intervenir, non pas pour faire respecter une orthodoxie ou prendre parti, mais pour ramener la paix sociale. Dans le cas du conflit entre Arminius et Gomarus, la confrontation organisée par les États de Hollande en 1608 avait aussi pour but d’éviter la convocation d’un synode. L’idée, en effet, de convoquer un synode pour tenter de résoudre ce conflit était très vite apparue, mais les avis divergeaient, non seulement sur son utilité, mais également sur l’instance à laquelle revenait la responsabilité de le convoquer20. C’est là un point important, car il sera au premier plan de la définition des attributs du pouvoir politique dans le débat sur les rapports entre autorité politique et autorité religieuse. Lorsqu’un synode sera finalement convoqué, dix ans plus tard, à Dordrecht, ses conclusions confirmeront, si besoin était, qu’une telle procédure ne pouvait en rien servir à un règlement pacifique des antagonismes.
L’autre raison de ces interventions fréquentes du magistrat dans les disputes civiles et religieuses vient de ce que les conflits étaient très souvent portés sur la place publique. Nombreux furent les auteurs comme Grotius qui dénoncèrent cette habitude de « mettre à disposition du public des questions qui n’ont même pas encore été examinées par les juges et responsables légitimes21 ». Ainsi, le juriste de Leyde Petrus Cunaeus critique, en 1612, cette pratique de diffuser dans les boutiques des barbiers, des marchands et sur les péniches qui sillonnent les canaux, des questions que les gens du peuple ne peuvent pas comprendre et qui ne servent qu’à créer des troubles sociaux22. Même chose au moment des controverses théologiques et philosophiques à propos du géocentrisme dans les années 1640, puis de celles déclenchées par la philosophie cartésienne23. Un certain nombre de textes étaient d’emblée publiés en néerlandais — ou rapidement traduits du latin en néerlandais — afin d’informer le public sur l’enjeu des débats savants. Si la capacité de lire d’une grande partie de la population, la liberté de la presse (l’obtention d’un privilège avant publication n’était pas indispensable) et la diffusion facile de l’imprimé expliquent en grande partie cet intérêt pour les débats intellectuels24, il faut aussi y voir l’effet de ce caractère relativement « démocratique » de la société néerlandaise du xviie siècle où — comme le dit Huizinga dans son célèbre essai sur La Civilisation des Pays-Bas au XVIIe siècle — « tout le monde mettait son nez partout »25.
Loin d’apaiser les tensions, la mort d’Arminius en 1609 ne fit que les aggraver en ajoutant aux polémiques déjà existantes le problème de sa succession26. Le collège des curateurs de l’université de Leyde avait en effet opté pour le théologien allemand, Conrad Vorstius, bien connu d’Uytenbogaert et soutenu par lui. Gomarus et d’autres pasteurs calvinistes orthodoxes essayèrent d’empêcher cette nomination sous prétexte que Vorstius défendait des opinions proches de celles des arminiens sur les rapports entre l’Église et l’État. La nomination de Vorstius prit rapidement les proportions d’une « affaire d’État »27. Elle arriva jusqu’au roi Jacques Ier d’Angleterre qui, s’estimant gardien de l’orthodoxie calviniste, s’en alarma et protesta par l’intermédiaire de son ambassadeur.
Dernier événement qui ne pouvait que compliquer ce jeu croisé d’intérêts conflictuels en cette première décennie du xviie siècle néerlandais : la négociation d’une trêve avec l’Espagne. Les Pays-Bas étaient en effet en guerre avec l’Espagne depuis 1566. Toutefois, la configuration des parties en présence avait évolué depuis le début de la révolte contre la monarchie de Philippe II, car sept des dix-sept provinces engagées à l’origine dans cette révolte s’étaient réunies en 1579 au sein d’une union, l’« Union d’Utrecht » et avaient déposé leur suzerain espagnol dans un « Acte d’Abjuration » (1581). Préfiguration de la future République des Provinces-Unies, ces sept provinces s’affirmaient désormais de plus en plus comme une entité politique indépendante28. La question d’une trêve fut alors envisagée, mais son objet devint rapidement un objet de discorde entre Maurice de Nassau et Oldenbarnevelt. Le premier, soutenu par les calvinistes orthodoxes, s’opposait à un accord avec une puissance catholique, tandis que le second, soutenu par la bourgeoisie des villes et les calvinistes de tendance arminienne, ne souhaitait pas voir se prolonger de lourdes dépenses militaires29. La trêve finit par être signée en 1609 pour une durée de douze ans, mais ces négociations avaient irrémédiablement introduit une fracture dans la société néerlandaise entre le parti des « orangistes » et le « parti des États ».
Le dénouement tragique de ce conflit eut lieu avec la convocation, en novembre 1618, d’un synode national dans la ville de Dordrecht où les contre-remontrants réussirent à siéger en majorité. À l’issue de ce synode, en juin 1619, la victoire des calvinistes orthodoxes sur les différents points de conflit (doctrinaux, disciplinaire, politique) était assurée30. Les remontrants furent condamnés pour « hérésie » et « perturbation de l’Église et de l’État » et tous ceux qui refusèrent de signer un formulaire d’adhésion à la Confession néerlandaise, au Catéchisme de Heidelberg et aux conclusions du synode furent bannis de la République et contraints à l’exil. Uytenbogaert, Grotius et Simon Episcopius se réfugièrent en France. L’Avocat de Hollande, Johan van Oldenbarnevelt, qui avait été arrêté ainsi que Grotius sur ordre de Maurice de Nassau quelques mois auparavant, avant même la décision de convoquer le synode, fut condamné à mort et exécuté en mai 161931.
Tel était donc le contexte politique et religieux au moment où Uytenbogaert rédigea et publia son traité. On ne saurait comprendre pourquoi la question du droit du magistrat politique dans les affaires ecclésiastiques était soudain devenue aussi urgente sans connaître les conflits croisés d’enjeux confessionnels et politiques qui sont à l’arrière-plan.
Le traité de Johannes Uytenbogaert
L’objet du « Traité de la fonction et de l’autorité du magistrat chrétien dans les affaires ecclésiastiques » est de justifier la souveraineté des États de Hollande (et des États provinciaux en général, mais non celle des États généraux) en matière ecclésiastique et de montrer qu’ils détiennent le pouvoir suprême dans les affaires religieuses32. Le principal biographe d’Uytenbogaert considère cette œuvre comme l’un de ses meilleurs écrits pour la clarté de son exposé, la force de sa démonstration et en même temps la dignité avec laquelle il répond aux accusations portées contre lui. De fait, même un lecteur non prévenu peut être sensible à une certaine grandeur dans le ton adopté, qui se marque, entre autres, par la volonté de ne pas entrer dans le jeu des invectives. De manière explicite, Uytenbogaert annonçait dès le début de son exposé que la question était de savoir « quelle autorité, quels commandement, pouvoir et juridiction reviennent au magistrat suprême (qu’il soit empereur, roi, prince ou États), conformément à la parole divine, en ce qui concerne la religion dans les pays ou villes sur lesquels il règne souverainement33 ». Selon une stratégie oratoire classique, il se défendait d’abord de vouloir introduire quoi que ce soit de « nouveau » et, comme tous ceux que l’on accusait à l’époque d’être des « novatores », il affirmait n’entreprendre qu’un retour à une vérité ancienne34. Ses arguments étaient tirés de l’Écriture sainte, de l’Antiquité, de l’enseignement de Calvin et Théodore de Bèze, mais également d’une œuvre qui représente l’une de ses références les plus fréquentes, le Defensor Pacis de Marsile de Padoue, publié en 132435. Marsile de Padoue est, en effet, un auteur qui a soutenu l’autorité de l’empereur contre celle du pape, faisant du Prince en général le détenteur de toute juridiction, y compris ecclésiastique, dans un volumineux traité intitulé Le Défenseur de la paix. Pour cette raison, l’œuvre fut beaucoup lue par les calvinistes orthodoxes aussi bien que par leurs adversaires au début du xviie siècle et il est significatif que Franciscus Gomarus lui-même en ait publié une édition à Francfort en 159236.
Le cœur de la dispute porte sur la notion de collatéralité. Que faut-il entendre par collatéralité et pourquoi était-ce une question aussi importante ? Clair en lui-même, ce terme désigne la juxtaposition de deux pouvoirs indépendants, ici celui de l’Église et celui de l’État. Uytenbogaert en rejette le principe, car, dit-il, celui-ci est « source de confusion37 ». Dès la dédicace aux États de Hollande, dans l’éloge qu’il fait de ses dédicataires et de leur mission, Uytenbogaert prenait parti sans réserve pour la suprématie du pouvoir civil :
Soyez assurés, Messeigneurs, que votre autorité vient de Dieu qui vous a institués en dieux sur votre peuple. Ne l’abandonnez pas, mais conduisez-le vaillamment selon la volonté divine et par là même sera également maintenue l’Église. Car c’est de cela que découle le maintien de l’Église, conformément au commandement divin. Ce qui est bon doit prendre sa source en vous, ce qui est mauvais doit trouver par vous son remède. Ceux qui, embarqués sur un navire, essuient une tempête, ont les yeux fixés sur le capitaine et son pilote. Ceux qui sont entraînés dans les vagues de l’incompréhension que soulève la tempête des passions humaines dans l’Église, portent leurs regards sur les Régents chargés de ramener le calme38.
Ainsi l’auteur rendait d’emblée hommage à l’arbitrage suprême que seule l’autorité séculière pouvait exercer dans les querelles qui divisaient la société et il recommandait à ses représentants, les Régents, de rester les pacificateurs institués par Dieu.
Uytenbogaert accompagne son exposé de trois schémas. Le premier, où Dieu est au sommet de la hiérarchie, l’Église venant en second, le magistrat en troisième. Cette configuration représente celle défendue par les catholiques selon lesquels le pape détient la «plenitudo potestatis ». Le deuxième schéma présente le pouvoir temporel et le pouvoir séculier dans une relation d’égale subordination face à Dieu. Telle serait — d’après ce que prétendent les gomaristes — la situation des Églises néerlandaises face au pouvoir temporel ; or, Uytenbogaert montre qu’il n’en est rien, car ce que ses adversaires entendent par là n’est pas une juxtaposition de deux pouvoirs égaux mais en réalité la subordination de l’un (l’autorité politique) à l’autre (l’autorité religieuse), d’où la confusion qu’entraîne cette idée de « collatéralité » et la nécessité d’abandonner une pareille terminologie39. Enfin, troisième configuration : celle où, immédiatement après « Dieu et la parole divine », vient l’autorité séculière, à laquelle est subordonnée l’autorité ecclésiastique. C’est là, pour Uytenbogaert, la seule vraie relation entre l’État et l’Église. Et il ajoute : « Dieu a confié la supervision et l’autorité suprêmes sur les affaires spirituelles et temporelles et, par conséquent, sur tout ce qui concerne l’Église et la religion, au magistrat qui règne en souverain sur les États, après Dieu et selon sa parole40 ». Il renchérit un peu plus loin : « Dieu n’a jamais établi deux Souverains au sein de son peuple, l’un spirituel, l’autre temporel, siégeant ensemble avec la même autorité pour gouverner l’un, les affaires religieuses, l’autre, les affaires temporelles, mais il a confié, dans les deux cas, le pouvoir suprême du gouvernement visible à une seule et même autorité souveraine, celle qu’on appelle “politique”41 ». La légitimité du pouvoir temporel lui vient de Dieu, elle dérive de cette institution divine dont tout le texte biblique suffit à fournir la confirmation.
Dire que le magistrat politique est au-dessus de l’Église signifie plusieurs choses. D’une part, qu’il a la haute autorité sur tout ce qui concerne le culte extérieur, c’est-à-dire la prédication, l’exercice de la discipline et l’assistance aux pauvres. « Je ne parle ici », prend soin de préciser Uytenbogaert, « que de la religion extérieure, car en ce qui concerne la religion intérieure, elle ne relève que de Dieu. Lui seul règne sur tout ce qui est intérieur et sonde les cœurs et les reins42 ». D’autre part, qu’il lui appartient d’assurer le bon fonctionnement de l’Église publique et la régularité de ses procédures (convocation des synodes, nomination des délégués, établissement des ordres du jour). Enfin, que c’est à lui que revient le droit de nommer les pasteurs43. Dans l’énumération de ces attributions, l’un des points les plus litigieux était, au moment du conflit entre arminiens et gomaristes, celui qui concernait les synodes. Outre le privilège politique — contesté — que constitue leur convocation par le pouvoir temporel44, la question du droit de regard et du droit de parole de l’autorité séculière dans ces assemblées posait problème. Il s’y ajoutait celui de décider de l’ordre du jour. Uytenbogaert en faisait une prérogative du magistrat politique, comme celle de présider, de prendre part aux votes et de donner son avis en toute chose qui se présente, « qu’il le fasse lui-même, en personne, ou par l’intermédiaire de ses représentants45 ».
Dans son Ordinum pietas de 1613, Grotius faisait une place plus grande à la justification juridique de la suprématie de l’autorité politique, qu’il déduisait de ses deux attributs principaux : compétence pratique et neutralité. Les deux sont indissociables. Si le magistrat est « neutre », c’est précisément parce qu’il ne prétend pas juger entre le vrai et le faux, mais seulement entre le nécessaire et le non-nécessaire46. Inversement, un tel jugement se fondait, selon Grotius, sur la compétence pratique que s’assure le magistrat en prenant conseil auprès de ceux qui détiennent les différents savoirs spécialisés réunis au sein de la société47. Jugerait-on illégitime le droit d’un bourgmestre qui consulterait un juriste, un marchand ou un médecin dans des affaires où il estimerait ses connaissances insuffisantes ? Question de technicité administrative, au premier abord, mais qui va plus loin dans la mesure où cette problématique suppose l’attribution au magistrat d’une compétence spécifiquement politique : celle de pouvoir agir en arbitre, un arbitre dont la neutralité prévient les passions et les attitudes partisanes48. La théologie serait-elle si difficile — rétorque Uytenbogaert — que des séculiers ne pourraient pas la comprendre ? « Est-il nécessaire que la théologie soit aussi subtile qu’un verre de Venise qui brille mais se brise dès qu’on le touche ?49 » Uytenbogaert allait jusqu’à dire que l’autorité politique est souvent « plus compétente » parce qu’elle échappe aux sensibilités et aux passions particulières : « On doit reconnaître ici que les personnes appartenant au monde séculier — comme le magistrat — sont bien souvent plus compétentes parce qu’elles sont moins sous l’emprise de la passion50 ».
C’est donc par cet arbitrage extérieur que se reconnaît la fonction politique, arbitrage qui se fonde sur cet attribut essentiel du magistrat : sa neutralité. Grotius dit de même : « Certes, s’il faut icy chercher des gens neutres, plustost en trouvera-t-on entre les Magistrats qu’entre les Ministres. Et ne doit on trouver nouveau ou estrange, que le Magistrat s’interpose comme neutre entre les Ministres de diverse opinion. L’Antiquité nous en fournit plusieurs exemples51 ». Cette neutralité exerce une action modératrice qui s’interpose comme un « remède aux désordres du corps social52 ». Le magistrat politique prévient les dissensions qui déchirent le peuple de Dieu. Qu’il y ait des disputes au sein d’une société est inévitable : comment pourrait-il en être autrement « tant que nous vivons non pas au ciel mais sur terre ? », demande Uytenbogaert53. Mais il appartient au pouvoir séculier d’empêcher que celles-ci ne créent des troubles et des désordres. Ce qui ressort du traité d’Uytenbogaert — même s’il est très loin d’en faire explicitement la théorie —, c’est que l’action politique se caractérise par une téléologie et une technicité propres, elle est un « art de gouverner » qui se règle de façon pragmatique sur les circonstances et obéit à la norme de la « juste mesure54 ».
Le traité d’Uytenbogaert — pour résumer — n’aborde pas la question des rapports de l’Église et de l’État dans son ensemble. Il pose encore moins la question de la forme de gouvernement. Son objectif est exclusivement celui d’établir la supériorité du pouvoir de l’État sur celui de l’Église — autrement dit de la souveraineté politique sur le jus circa sacra — et cela dans un but de paix sociale et de tolérance. S’il souscrit à l’idée d’une séparation des deux pouvoirs, mais s’oppose à leur « collatéralité », c’est parce qu’il voit bien, comme tous les remontrants, que, selon l’interprétation de leurs adversaires, cette « collatéralité » mène en fait à une subordination du magistrat à l’Église et risque, par là, de mettre en danger la liberté religieuse. En effet, les calvinistes orthodoxes (ou contre-remontrants) admettaient la distinction des deux pouvoirs, de même qu’ils considéraient que l’on devait obéissance au magistrat, suivant le précepte paulinien : « Que toute personne soit soumise aux autorités placées au-dessus de nous ; car il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu et celles qui existent ont été instituées par Dieu55 ». Ils admettaient aussi que les ecclésiastiques ne devaient pas exercer le pouvoir et que celui-ci revenait au bras séculier, mais de leur point de vue, cette séparation revenait à privilégier la position de l’Église car la fonction du magistrat était réduite à celle d’exécutant des ordres de l’instance religieuse dans sa défense de l’orthodoxie. C’est en cela qu’Uytenbogaert pouvait dire à bon droit que, suivant cette conception, il n’y avait pas réellement de collatéralité mais que le magistrat était soumis à l’Église et devait « exécuter ce que les ecclésiastiques et les assemblées synodales ont décidé56 ». Agir en tant que « membre de l’Église » et non en tant qu’autorité indépendante, selon le point de vue contre-remontrant, c’était ne pas avoir plus de droit à la parole que n’importe quel autre membre de l’Église57. Pour quelqu’un comme le théologien d’Utrecht Gisbert Voetius (1589-1676), principal porte-parole du courant orthodoxe au milieu du siècle à l’époque et instigateur des polémiques autour du cartésianisme et de la physique nouvelle, le magistrat devait obéir aux requêtes des pasteurs pour tout ce qui concernait l’orthodoxie des conduites et la pureté de la vie morale des sujets58. Ce fut l’objet de ce mouvement que l’on a appelé la « Nadere Reformatie » — ou « réforme continuée » — qui, par sa doctrine de la séparation des pouvoirs, visait en fait à la suppression de l’autonomie du politique59.
Bien que minoritaires en nombre, les remontrants représentèrent une tendance forte au sein de la société néerlandaise du xviie siècle dans la mesure où les opinions des contre-remontrants se heurtaient à l’opposition des Régents, c’est-à-dire à l’oligarchie marchande des villes qui gouvernait le pays et siégeait aux États provinciaux, comme dans bon nombre de gouvernements municipaux. Certes, il serait simpliste d’établir des appartenances politico-religieuses tranchées et de considérer que les grands marchands des villes (à commencer par ceux d’Amsterdam) penchaient du côté des idées remontrantes tandis que les contre-remontrants se seraient recrutés parmi le « peuple », celui auprès duquel les calvinistes orthodoxes cherchaient généralement un soutien. Le désir premier des oligarchies urbaines était de préserver la paix sociale et d’assurer la tolérance des communautés religieuses non calvinistes (catholiques, dissidents de tous bords, juifs). Leurs convictions privées pouvaient très bien rester strictement orthodoxes. S’ils apportèrent un soutien « passif » au courant remontrant, ce fut souvent parce que les exigences de pureté doctrinale et morale qu’exprimaient les calvinistes orthodoxes les indisposaient, voire les gênaient dans leurs activités. Il suffit d’évoquer les difficultés que pouvait soulever, dans certains cas, l’institution d’une banque de prêt60. C’est, en grande partie, ce qui explique que le concept d’une souveraineté politique s’interposant dans les controverses, religieuses ou profanes, ait pu trouver autant de crédit dans la société hollandaise du xviie siècle.
Johannes Uytenbogaert et la pensée politique néerlandaise au XVIIe siècle
Dans les années qui suivirent le synode de Dordrecht, la victoire des contre-remontrants fut réelle et la répression à l’égard des remontrants aboutit effectivement à leur élimination, notamment des Conseils des villes et de là, aux États provinciaux. Maurice de Nassau poursuivit activement une sorte de purge politique, remplaçant tous ceux qui avaient soutenu les remontrants par des personnes de l’autre bord61. La tendance ne commença à s’inverser qu’avec l’arrivée au pouvoir, à la mort de Maurice de Nassau en 1625, de Frédéric Henri, son demi-frère et fils lui aussi du héros de la révolte contre l’Espagne, Guillaume d’Orange, le Taciturne.
Ce qui se développe alors, sur le plan des idées politiques, est un mouvement que l’on pourrait définir comme une forme d’arminianisme politique. Le courant remontrant avait beaucoup perdu de son audience et de sa vigueur, mais le ferment tolérant et érastien des conceptions politiques qui y étaient défendues, tout en restant marqué par les tensions théologiques attachées à leur origine, a fait naître à ce moment-là un courant de pensée à part entière, qui n’est pas simplement une résurgence, dans le domaine politique, du courant remontrant62. La postérité d’une œuvre comme celle de Grotius, par exemple, illustre bien la fécondité politique de cette tendance, qui part de faits actuels pour s’élever ensuite à un niveau d’abstraction plus systématique.
En effet, trois ans après le traité d’Uytenbogaert, en 1613, Hugo Grotius, on l’a vu, publia un traité intitulé Ordinum Hollandiae ac Westfrisiae Pietas (« La Piété des Estats de Hollande et Westfrise »). À l’époque, il n’avait rien publié d’autre (si l’on excepte quelques textes de circonstance) que son livre Tractaet vande oudtheyt vande Batavische, nu Hollandtsche Republique (1610) (« De l’Antiquité de la République des Hollandois »)63. Son célèbre traité De iure belli ac pacis libri tres (« Le droit de la guerre et de la paix ») sera rédigé pendant son exil en France et publié à Paris en 162564. Mais ses pages consacrées à La Piété des Estats de Hollande constituent peut-être son œuvre la plus engagée parce qu’elle alimente, de façon véhémente, la controverse entre remontrants et contre-remontrants et reprend la plupart des thèses d’Uytenbogaert — auquel il rend, d’ailleurs, explicitement hommage : « cette belle lumière de notre Église », dit-il en parlant de lui65. Ce traité a beaucoup plus l’allure d’un pamphlet que celle d’une œuvre théorique, tant par son ton, sa manière de forcer le trait que par sa référence à l’actualité immédiate66. Grotius y traite de plusieurs problèmes : la nomination de Conrad Vorstius à la succession d’Arminius, la question de la prédestination, le droit et les attributions du pouvoir politique dans les affaires ecclésiastiques. Toutefois, au-delà de son caractère d’œuvre de circonstance, ce texte constitue un jalon dans la pensée politique néerlandaise et montre que cette reprise par le grand juriste, que fut Grotius, des thèses du traité d’Uytenbogaert allait inspirer la première réflexion véritablement théorique et systématique consacrée au problème des relations entre pouvoir séculier et pouvoir ecclésiastique67. L’œuvre suivante de Grotius est, en effet, un Traité du pouvoir du magistrat politique sur les choses sacrées68. Grotius avait commencé à le rédiger dès 1614, mais le texte définitif ne fut publié qu’après sa mort, en 1647 (au moment, d’ailleurs, où le traité d’Uytenbogaert fut lui-même réédité). Dans cette nouvelle œuvre, Grotius reprenait tout ce qu’il avait dit dans La Piété des Estats de Hollande à propos du droit du magistrat en matière de convocation des synodes, de nomination des pasteurs et du contrôle de la discipline ecclésiastique, mais son argumentation — même si elle partait de la pratique comme chez Uytenbogaert — tendait vers une conceptualisation plus systématique et s’élevait à un niveau d’abstraction que n’avait pas le texte de 1613. Tout comme Uytenbogaert, il soutenait l’idée que le pouvoir de l’Église devait être subordonné au pouvoir de l’État :
Ainsi toutes les voyes qui impriment la vertu dans les hommes étant les choses sacrées, & le Magistrat politique étant obligé d’embrasser ces voyes, il s’ensuit que son pouvoir doit envelopper les choses sacrées [...]. Tous ceux enfin qui ont donné quelque écrit digne d’être lu, touchant le Gouvernement, attestent que ce droit sur les choses sacrées est non seulement une portion du pouvoir souverain, mais qu’elle en est la plus précieuse, & la plus considérable69.
Mais, lorsqu’il affirmait que la souveraineté ne saurait être divisée, ce qu’il invoquait, outre la Bible, les traités de l’Antiquité et la scolastique, c’était les auteurs politiques de son temps, au premier rang desquels Jean Bodin. Non pas qu’il ait jugé que la monarchie absolue dût être la meilleure forme de gouvernement, mais parce qu’il adhérait à l’idée d’indivisibilité de la souveraineté :
Que ce soit le Sénat, les États ou tout autre nom qui a la puissance suprême, le Magistrat politique doit être un, non de nature, mais d’institution. [...] J’ajoute que le Magistrat politique n’est soumis qu’à Dieu seul. [...] Le pouvoir du Magistrat ainsi défini enveloppe et le temporel et la religion. [...] En effet, sous quel prétexte soustrairait-on quelque chose du pouvoir du Magistrat politique ? Ce qu’on en détacherait ou n’obéirait à aucune autorité humaine ou obéirait à une autorité autre que la souveraine [...]. Consultez Bodin, Suarez ou Vitoria et tant de fameux politiques. Ne serait-il pas ridicule de voir un homme Magistrat politique et n’osant commander quelque chose parce qu’un particulier le défendrait ou s’y opposerait ?70
L’intérêt de ce texte, du point de vue de l’histoire des idées, est de renseigner sur la filiation intellectuelle qui mène d’un conflit théologique à une conceptualisation nouvelle du politique.
D’autres penseurs, au milieu du xviie siècle, vont développer cette conception des rapports entre Église et État. Citons l’exemple de Pierre de la Court, bien connu pour l’emprunt original qu’il fit de la théorie cartésienne des passions dans sa fondation d’une théorie républicaine du gouvernement. Dans son traité intitulé « Indication des principes et maximes salutaires de la République de Hollande et Frise-Occidentale »71, imprimé en 1669, Pierre de la Court s’exprimait dans des termes que n’aurait pas reniés Uytenbogaert : « Le pouvoir de contraindre n’est donné à personne d’autre qu’aux hommes politiques ; et de ce pouvoir politique doit découler tout pouvoir et droit sur les Ecclésiastiques »72. On comprend mieux, alors, que Bodin ait pu rencontrer des échos favorables aux Pays-Bas, et même Hobbes, dont une « Apologie du Traité du Citoyen » (le De Cive) fut publiée aux Pays-Bas presque au moment où parut la première édition du texte même de Hobbes73. Certes, aux heures graves de la République, comme l’ont été celles des débuts de la République en 1651, avec le conflit entre le prince d’Orange et les républicains, d’un côté, la menace anglaise de l’autre, lorsque l’unité du commandement militaire et politique apparut comme une condition de survie, l’idée d’une suprématie du politique renvoyait peut-être moins à une supériorité du politique sur l’ecclésiastique qu’à une suprématie du politique sur le commandement militaire. Ce fut la position des républicains. Il n’empêche que les théorisations engendrées à la faveur des conflits théologico-politiques du début du siècle avaient fourni un instrument conceptuel décisif au magistrat politique.
La publication du traité d’Uytenbogaert fit grand bruit dans son entourage et au-delà, car l’œuvre venait d’un proche à la fois du prince Maurice de Nassau et d’Oldenbarvenelt et que son auteur prenait parti de manière tranchée dans un débat brûlant. Elle fut rééditée dès la première année et traduite en anglais peu de temps après74. Pour nous, l’intérêt du traité d’Uytenbogaert est d’abord d’incarner un moment crucial de l’histoire néerlandaise : celui où le conflit entre autorités politique et religieuse prend une dimension publique et devient l’objet de débats qui se répandent dans toute la société. Il montre aussi à quel point les questions dogmatiques se sont trouvées mêlées aux questions de politique ecclésiastique et ont pu donner lieu à des polémiques parfois virulentes. Ainsi s’éclaire, en outre, l’articulation entre arminianisme, tolérance et absolutisme, dont la conjugaison fut au cœur de la pensée républicaine hollandaise.
Mais ce texte, qui n’était à l’origine qu’une justification circonstancielle de la politique ecclésiastique des États de Hollande, présente aussi l’intérêt d’illustrer un trait caractéristique de la pensée néerlandaise du xviie sur ce point, qui est d’avoir pensé la fonction de l’autorité politique dans une tension permanente avec la question du jus circa sacra. Cette tension plonge, il va sans dire, ses racines dans les circonstances qui ont accompagné la révolte contre l’Espagne, à commencer par la défense des minorités non-catholiques au moment de la diffusion de la Réforme dans les provinces des Pays-Bas. Mais il en est résulté deux faits durables : sur le plan conceptuel, les républicains du milieu du siècle (partisans de Jean de Witt et hostiles au maintien de la fonction de stadhouder, héritée du régime espagnol) soutiendront une définition originale de la souveraineté qui sera absolue par hostilité profonde au régime monarchique75 ; sur le plan épistémologique, par une démarche qui, presque toujours, prendra l’allure d’une formalisation des pratiques, c’est-à-dire d’une traduction théorique d’urgences pratiques.
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1. Cet article constitue la version écrite d’une communication faite au séminaire de recherche de Maria-Cristina Pitassi, à l’Institut d’histoire de la Réformation (Genève), le 23 mars 2015.
2. Hugo GROTIUS, La Piété des Estats de Hollande et Westfrise, défendue par Hugues de Groot,... contre les très malicieuses calomnies de plusieurs, et principalement contre l’épître de Sibrandus Lubbertus, naguères par lui écrite au révérendissime archevêque de Cantorberi. Tourné du latin, Leyden, impr. de J. Paets, 1613, p. 115-116 ; Ordinum Hollandiae ac Westfrisiaepietas (1613), critical ed. with English translation and commentary by Edwin Rabbie, Leiden : Brill, 1995, § 201, p. 239 (désormais noté Ordinum pietas).
3. Jonathan ISRAëL, The Dutch republic. Its rise, greatness, and fall, 1477-1806, Oxford : Clarendon Press, 1995, p. 421-449 ; Paul DIBON, La Philosophie néerlandaise au siècle d’or, t. I : L’enseignement philosophique dans les universités à l’époque précartésienne, 1575-1650, Paris, Amsterdam, Londres, New York : Elsevier, 1954, p. 84-85 ; voir aussi le récit qu’en donne l’historien remontrant Geeraerdt BRANDT qui se base sur d’excellentes sources : Histoire abrégée de la réformation des Pais-Bas, traduite du hollandois de Gérard Brandt, A La Haye, chez Pierre Gosse, M.DCC.XXVI, p. 359-497.
4. On appelle « Avocat », dans les Provinces-Unies d’alors, le secrétaire des États provinciaux. Après la mort d’Oldenbarnevelt, l’appellation se change en « Pensionnaire », puis évolue en « Grand pensionnaire » avec Jean de Witt et la prédominance de la province de Hollande au milieu du siècle ; le stadhouder remplissait les fonctions de chef militaire de la province. En cumulant cette fonction dans plusieurs provinces, l’importance institutionnelle du stadhouder — généralement un membre de la famille d’Orange — devint l’égale de celle du Grand pensionnaire.
5. Carl BANGS, Arminius. A study in the Dutch Reformation, Eugene (Oregon) : Wipf & Stock Publishers, 1998 (1re éd., 1985) ; Théodore VAN OPPENRAAIJ, La Doctrine de la prédestination dans l’Église réformée des Pays-Bas. Depuis l’origine jusqu’au Synode national de Dordrecht en 1618 et 1619. Étude historique, Louvain : J. Van Linthout, 1906, p. 3-8, 42-44.
6. Johannes Uytenbogaert était né à Utrecht en 1577. Il avait étudié à Genève, puis était devenu, à partir de 1601, chapelain à la cour de La Haye, fonction qu’il conservera jusqu’en 1617. À Genève, il rencontra Arminius avec lequel il restera toujours très lié. Outre le Traité de la fonction et de l’autorité du magistrat chrétien, il est l’auteur d’une importante Histoire de l’Église (De kerckelicke historie), publiée après sa mort, en 1646. Sur Johannes Uytenbogaert, cf. H. C. ROGGE, Johannes Wtenbogaert en zijn tijd, 3 vol., Leiden : Brill, 1874-76 ; Douglas NOBBS, Theocracy and Toleration. A Study of the Disputes in Dutch Calvinism from 1600 to 1650, Cambridge : Cambridge UP, 1938, p. 25-26 ; Arminius, arminianism, and Europe. Jacobus Arminius (1559 [or] 60-1609), edited by Th. Marius van Leeuwen, Keith D. Stanglin, Marijke Tolsma, Leiden : Brill, 2009.
7. Tractaet van t’ampt ende Authoriteyt eener Hoogher Christelicker Overheydt in Kerckelicke saecken. Ghestelt door Iohannem Wtenbogaerdt [...], In s’Graven-Haghe, by Hillebrant Iacobsz, [...], Anno 1610 (désormais noté Tractaet). Dans la deuxième édition, la même année et chez le même éditeur, le nom de l’auteur sera orthographié Wtenbogardt.
8. Sur la pensée républicaine dans les Pays-Bas du xviie siècle, cf. E. H. KOSSMANN, « Dutch republicanism » in : Political thought in the Dutch republic. Three studies, Amsterdam : Koninklijke Nederlandse Akademie van Wetenschappen, 2000 ; Eco O. G. HAITSMA MULIER, The Myth of Venice and Dutch republican thought in the seventeenth century (trad. du néerlandais), Assen : Van Gorcum, 1980 ; ID., « The Language of Seventeenth-Century Republicanism in the United Provinces : Dutch or European ? », in : Anthony R. PAGDEN (éd.), The Languages of Political Theory in Early-Modern Europe, Cambridge : Cambridge UP, 1987, p. 179-95 ; Catherine SECRETAN, « ‘True Freedom’ and the Dutch Tradition of Republicanism », Republic of Letters : A Journal for the Study ofKnowledge, Politics and the Arts, 2, n° 1 (Dec. 15, 2010), p. 82-92, http://rofl.stanford.edu/node/81.
9. Sur Dirk Coornhert, cf. Th. VAN OPPENRAAIJ, La Doctrine de la prédestination, op. cit., p. 62-70 ; Joseph LECLER, Histoire de la tolérance au siècle de la Réforme, 2 vol., Paris : Aubier, 1955, p. 234-246.
10. « Le dogme de la Prédestination n’est pas moins Philosophique, que Théologique ; & il y a certainement de grandes Difficultés dans toutes les Hypotheses, qui regardent cette Doctrine. Mais, pourquoi choisir l’Hypothese la plus dure, & la plus choquante ? Toutes ces Disputes sont d’autant plus remarquables, qu’il y a des Theologiens critiques, qui assurent que Saint Paul n’a pas dit un seul Mot de la Prédestination. » Gérard BRANDT, Histoire abrégée de la réformation des Pais-Bas, op. cit., p. 362.
11. Sur Arminius, cf. C. BANGS, Arminius, op. cit. ; Arminius, arminianism, and Europe. Jacobus Arminius, op. cit. ; W DEN BOER, « Defense or Deviation ? A Re-examination of Arminiuss Motives to Deviate from the ‘Mainstream’ Reformed Theology », in : Aza GOUDRIAAN — Fred VAN LIEBURG (éd.), Revisiting the Synod of Dordt (1618-1619), Leiden : Brill, 2011, p. 23-48.
12. L’expression la plus systématique et peut-être la plus claire des thèses d’Arminius se trouve dans l’exposé qu’il fit devant l’assemblée des États de Hollande en octobre 1608. On en possède le texte complet, qui fut publié après sa mort, sous le titre : Verclaringhe Jacobi Arminii [...] aengaende zijn ghevoelen, so van de Predestinatie, als van eenige andere poincten der Christelicker Religie [...], Leyden, [...] : Thomas Basson, 1610 ; cf. aussi C. BANGS, Arminius, op. cit., p. 307-316.
13. De nombreux ecclésiastiques s’opposèrent à sa nomination, disant qu’« Arminius n’était pas assez orthodoxe et donnait trop à la Raison ». G. BRANDT, Histoire abrégée de la Réformation, op. cit., p. 359.
14. Théodore VAN OPPENRAAIJ, La doctrine de la prédestination, op. cit., p. 130-133 ; C. BANGS, Arminius, op. cit., p. 252-264.
15. Ordinum pietas, p. 312.
16. C. Bangs, Arminius, op. cit., p. 299.
17. Sur ces cinq articles, cf. l’exposé qu’en donne Grotius, accompagné de ses commentaires, dans Ordinum pietas, p. 135-147.
18. J. ISRAëL, The Dutch Republic, op. cit., p. 392-393.
19. Aucun accord n’avait été trouvé entre les autorités civiles et religieuses pour établir une organisation de l’Église à l’échelon national. L’Union d’Utrecht signée en 1579 entre les sept provinces qui allaient former la nouvelle République, union qui restera la « constitution » néerlandaise jusqu’en 1795, avait laissé chaque province libre de régler comme elle l’entendait le fonctionnement de l’Église.
20. Grotius, faisant écho sur ce point aux propos de Jacques Ier dans une lettre que celui-ci avait adressée aux États de Hollande en mars 1613 (cf. Ordinum pietas, p. 276-277), affirmait que les synodes n’étaient pas l’unique « remède » aux disputes théologiques (§ 68, p. 155). Le premier synode réformé, après le début de la Révolte, fut le synode provincial de Hollande et Zélande, qui se tint en juin 1574 à Dordrecht. En juin 1578, eut lieu le premier synode national des Pays-Bas, également à Dordrecht. Le synode de La Haye, en 1586, fut le dernier autorisé par les États généraux avant celui de Dordrecht qui se réunit de novembre 1618 à juin 1619.
21. Ordinum pietas, p. 117 ; sur l’émergence d une sphère publique aux Pays-Bas, cf. Jan BLOEMENDAL, Arjan VAN DIXHOORN et Elsa STRIETMAN (éd.), Literary Cultures and Public Opinion in the Low Countries, 1450-1650, Leiden : Brill, 2011 ; Femke DEEN, David ONNEKINK et Michel REINDERS, Pamphlets and Politics in the Dutch Republic, Leiden : Brill, 2011, en particulier : Michel REINDERS, « ‘The Citizens come from all Cities with Petitions’. Printed Petitions and Civic Propaganda in the Seventeenth Century », p. 97-120.
22. Cité par Henri A. KROP, « Philosophy and the Synod of Dordt » in : A. GOUDRIAAN — F. VAN LIEBURG (éd.), Revisiting the Synod of Dordt, op. cit., p. 49.
23. Cf. La Querelle dUtrecht. René Descartes et Martin Schoock. Textes établis, trad. et annotés par Theo Verbeek, Paris : Les Impressions Nouvelles, 1988 ; Theo VERBEEK, Descartes and the Dutch. Early reactions to Cartesian philosophy, 1637-1650, Carbondale : Southern Illinois University Press, 1992.
24. Cf. Paul HOFTIJZER, « The Book in the Low Countries », in : Oxford Companion to the book, Oxford : Oxford UP, 2010, p. 212-221 ; Ingrid WEEKHOUT, Boekencensuur in de Noordelijke Nederlanden. De vrijheid van drukpers in de zeventiende eeuw, Den Haag : Sdu Uitgevers, 1998.
25. Johan HUIZINGA, Dutch Civilisation in the Seventeenth Century and other essays. Selected by P. Geyl and F.W.N. Hugenholtz, New York : Frederick Ungar Publishing Co, 1968, p. 63 (trad. de Nederlands beschaving in de zeventiende eeuw, 1941).
26. L’introduction d’Edwin Rabbie à l’édition moderne dOrdinum pietas fournit de nombreuses indications sur les controverses déclenchées par cette nomination, ainsi qu’un renvoi précis à toutes les sources où il en est question dans les archives concernant l’histoire de l’université de Leyde, P. C. MOLHUYSEN, Bronnen tot de geschiedenis der Leidsche Universiteit, cf. p. 16-29.
27. Paul DIBON, Regards sur la Hollande du siècle dfor, Naples : Vivarium, 1990, p. 361.
28. Il faudra, cependant, attendre le Traité de Münster, en 1648, pour que le nouvel État soit officiellement reconnu.
29. J. ISRAëL, The Dutch Republic, op. cit., p. 399-405. La situation devait se compliquer encore avec les désaccords surgis au moment de la création de la Compagnie des Indes occidentales. Les conflits d’intérêts autour de ce projet contribuèrent largement à aggraver la situation.
30. Ibid., p. 460-474.
31. Ibid., p. 447-454.
32. Sur le traité d’Uytenbogaert, cf. H. C. ROGGE, Johannes Wtenbogaert en zijn tijd, op. cit., t. II, p. 26-35 ; D. NOBBS, Theocracy and toleration, op. cit., p. 27-49.
33. Tractaet, p. 7.
34. Ibid., p. 5.
35. Une première mention du Defensor Pacis apparaît dès la p. 3 : « Je n’entreprends pas ce travail — écrit Uytenbogaert en parlant de la rédaction de son traité — sans la crainte de ne pouvoir échapper, comme cet excellent homme appelé Marsile de Padoue, à ce que lui-même craignait en écrivant le sien, il y a trois siècles, sous l’Empereur Louis de Bavière, pour défendre la suprématie de l’Empereur contre l’Evêque de Rome et son clergé. »
36. Cf. Gerrit Pieter VAN ITTERZON, Franciscus Gomarus, s Gravenhage : M. Nijhoff, 1929, p. 37-40.
37. Tractaet, p. 3.
38. « Twijffelt niet Ed.Mog.Heeren, uwe auctoriteyt en zyn van Godt, dien tot Goden over u volck ghestelt heeft : laetse dan niet vallen, maer handthaeft de selve cloeck moedelick nae den wille Godts, soo is de Kercke mede gehandthaeft : Want van daer ist dat de handthavinge der selver na Godes ordre, volghen moet. Salder wat goedts zijn t’moet van u beginnen mijn Heeren : Isser wat quaets t’moet door u geremedieert worden. Die gheduerende de Tempeeste in t’Schip zijn, sien op den Schipper ende Stierman : die mette baren der misverstanden, die de storm winden van Menschelicke passien altemet inde Kercke doen verheffen, ghedreven worden, sien op de Regenten, ghestelt om die te stillen. » Ibid., p. 4.
39. Ibid., p. 30.
40. Ibid., p. 11.
41. Ibid., p. 68.
42. Ibid., p. 9. Uytenbogaert recourt fréquemment au doublet « religie »/« godsdienst », le premier terme renvoyant généralement au culte extérieur, le second étant plutôt réservé à la pratique intérieure. L’usage de doublets, engendré par le développement des langues vernaculaires à la fin du xvie siècle, était fréquent et permettait de conserver des nuances distinctes, selon que l’on employait les mots hérités du latin ou ceux reconstruits à partir d’étymologies non latines.
43. Ibid., p. 9.
44. Ibid., p. 104.
45. Ibid., p. 107-109.
46. Ordinum pietas, p. 167.
47. Sur l’idée de compétence, cf. notre article « Compétence et valorisation de l’individu dans les Provinces-Unies aux xvie et xvie siècles », in : Catherine SECRETAN et Delphine ANTOINE-MAHUT (éd.), Les Pays-Bas aux XVIIe et XVIIIe siècles. Nouveaux regards, Paris : Champion, 2015, p. 127-143.
48. Il « interpose » son autorité, dit Uytenbogaert, Tractaet, p. 6.
49. Ibid., p. 128.
50. Ibid., p. 127.
51. La Piété des Estats de Hollande, p. 44 ; Ordinum pietas, p. 167.
52. Tractaet, p. 7.
53. Ibid., p. 2.
54. Michel SENELLART, Les Arts de gouverner. Du regimen médiéval au concept de gouvernement, Paris : Seuil, 1995, p. 14.
55. Romains 13, 1 (trad. Bible de Jérusalem).
56. Tractaet, p. 19.
57. Ibid., p. 19.
58. De là, une suite de requêtes dans lesquelles les pasteurs demandaient que soient prises des mesures contre le luxe, les spectacles, les kermesses, les cheveux longs, etc. ; pour une présentation générale de la « Nadere Reformatie », cf. Willem FRIJHOFF et Marijke SPIES ; avec la collaboration de Wiep VAN BUNGE et Natascha VELDHORST, 1650. Hard-won unity (trad. du néerlandais de Bevochten Eendracht, 1999), Dutch culture in a European perspective, vol. 1, Assen : Royal Van Gorcum, 2004, p. 362-366.
59. Cf. Theo VERBEEK, « Le contexte néerlandais de la politique cartésienne », Archives de Philosophie, 53 (1990), p. 357-370.
60. A Utrecht, en 1642, la décision d’instituer une banque de prêt municipale avait conduit les trois professeurs de théologie, ministres de l’Église d’Utrecht, à « avertir » la Municipalité qu’une pareille entreprise devait être soumise à des conditions très strictes afin d’éviter que la respectabilité et l’autorité du magistrat chrétien ne soient entachées du « péché criant de l’‘usure’ ». Cf. Th. VERBEEK, art. cit., p. 361.
61. Par un de ces hasards de l’histoire, Johan van Oldenbarnevelt fut remplacé, avec des attributions réduites, par un personnage à la solde du stadhouder, Andries de Witt, qui n’était autre que l’oncle du futur Grand pensionnaire Jean de Witt.
62. Cf. J. ISRAëL, The Dutch Republic, op. cit., p. 487-490.
63. La traduction française date de 1648.
64. La première traduction française est due à Jean Barbeyrac et parut à Amsterdam en 1724.
65. La Piété des Estats de Hollande, p. 88 ; « insigne lumen ecclesiae nostrae», Ordinum pietas, p. 198.
66. Sur l’accueil réservé à ce texte, cf. Ordinum pietas, p. 61-72. L’œuvre eut un écho très large et suscita de nombreuses critiques. Certains, même parmi ses relations proches, jugèrent que les attaques de Grotius contre les pasteurs calvinistes orthodoxes allaient trop loin.
67. Reprise des thèses d’Uytenbogaert, à cette différence près que le point de vue d’Uytenbogaert est avant tout théologique (comme le souligne D. NOBBS, Theocracy and Toleration, op. cit., p. 25-26) et se fonde sur les nombreux exemples qu’offre l’Écriture sainte d’un droit de l’autorité politique sur les affaires ecclésiastiques, tandis que Grotius s’appuie sur une définition juridique de la souveraineté qui la considère comme indivisible.
68. De Imperio summarum potestatum circa sacra. Commentarius posthumus, Lutetiae Parisiorum, M.DC.LVII ; Hugo GROTIUS, De imperio summarum potestatum circa sacra, Critical Edition with Introduction, English Translation and Commentary by H. J. van Dam, Leiden : Brill, 2001.
69. Traité du pouvoir du magistrat politique sur les choses sacrées. Traduit du Latin de Grotius. A Londres, 1751, (rééd. en fac-similé, Centre de Philosophie politique et juridique, Université de Caen, 1991), p. 13, 18-19.
70. Ibid., p. 10.
71. Aanwysing der heilsamepolitike gronden en maximen van de republike van Holland en West-Vriesland. Tot Leiden, Rotterdam. By Hakkens. Anno MDCLXIX, p. 61.
72. Ibid., p. 244.
73. Cf. mon introduction à l’édition en traduction française de cette « Apologie » : Lambert VAN VELTHUYSEN, Des principes du juste et du convenable. Une apologie du De Cive de Hobbes (1651-1680), Caen : Presses universitaires de Caen, 1991, p. 7-37.
74. A TREATISE of the office, power and authoritie off a Soveraigne Christian Magistrate in matters ecclesiasticall : a translation, by I. D. [1625-1649], British Library, Royal MS 17 B XLIV.
75. Cf. Wyger R. E. VELEMA, « ‘That a Republic is Better than a Monarchy’ : Anti-monarchism in Early Modern Dutch Political Thought”, in : Martin VAN GELDEREN — Quentin SKINNER (éd.), Republicanism. A Shared European Heritage, Cambridge : Cambridge UP, 2002, p. 9-26.