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Calvinisme, Histoire et Antiquité(s) : les originalités du médecin lyonnais Jacob Spon1

Yves Moreau

Université de Lyon (Jean Moulin) UMR 5190 LARHRA

Dans le contexte intellectuel français précédant la révocation de l’édit de Nantes, le médecin protestant lyonnais Jacob Spon (1647-1685) se démarque par l’activité savante qu’il déploie en Europe pour satisfaire son intérêt pour l’Antiquité. Son anticomanie lui attire de nombreux contacts épistolaires à travers la République des Lettres, et il accumule dans son cabinet une formidable masse documentaire qu’il met à profit dans ses publications.

L’affection de ce médecin pour les antiquités gréco-romaines n’est pas un hasard. Les érudits de son temps sont fascinés par l’Antiquité, qui, période sans rivale, était considérée comme l’âge d’or de l’histoire universelle. Les savants européens exhument ses vestiges textuels et matériels depuis la fin du xve siècle mais le xviie est un siècle véritablement anticomane. En France comme en Italie, on creuse, on fouille, on découvre, et les érudits débattent dans les assemblées savantes ou par correspondance sur les restes de ce passé. Cet engouement passionné pour l’Antiquité gréco-romaine est aussi exploité par les polémistes catholiques et protestants dans le cadre particulier de la controverse. Le passé devient une arme ; les controversistes revendiquent l’antiquité de leur confession en recourant aux textes bibliques et patristiques.

La place des érudits français versés dans l’Antiquité n’est pas la plus confortable. Majoritairement catholiques et souvent ecclésiastiques comme l’a montré Bruno Neveu2, leurs ouvrages sont souvent mis à profit par les controversistes pour argumenter contre leurs antagonistes. La situation de Spon paraît alors singulière et paradoxale. Médecin provincial reconnu et respecté, savant réputé et protestant inflexible ; il revendique l’impartialité de l’historien mais doit justifier sa foi calviniste par ses talents d’antiquaire.

A l’aune de ses travaux et de ses particularités, la contribution importante de Jacob Spon à l’essor de l’archéologie et de l’histoire comme sciences à part entière mérite d’être soulignée et précisée.

L’Antiquité, matrice référentielle

Formation et études de Jacob Spon

Au xviie siècle, Lyon n’est pas une ville quelconque pour les amateurs d’antiquités. Dans l’ancienne capitale des Gaules, les inscriptions et objets d’arts sont nombreux. Le passé de la ville est mis au jour depuis le début du xvie siècle, lorsque des vestiges romains d’importance sont découverts. La Table claudienne a été déterrée en 1528 dans un jardin des pentes de la colline de la Croix-Rousse ; des mosaïques et des inscriptions sont occasionnellement déblayées dans les jardins des maisons de campagne de marchands aisés situés sur les pentes de la colline de Fourvière. Les érudits Guillaume du Choul et Guillaume Paradin publient des ouvrages sur ces découvertes et connaissent un succès d’estime.

L’Antiquité romaine locale, encore présente par ses vestiges à l’époque de Jacob Spon rejoint la « Grande Antiquité », celle de l’histoire universelle. On l’enseigne en s’appuyant sur les textes des Anciens ; mais à Lyon, les pères jésuites recourent aussi aux témoignages matériels du passé. Le collège de la ville possède un médaillier « pédagogique » vraisemblablement constitué par le père François d’Aix de La Chaize3. Les effigies et inscriptions des médailles, principalement romaines, servent à la propédeutique des jésuites pour enseigner le latin et l’histoire. Ils édifient leurs élèves sur la moralité des empereurs par une étude physiognomonique de leur profil. Le père Claude-François Ménestrier encourage ses lecteurs à apprendre de la science des médailles pour avoir matière à converser4. Enseigner l’Antiquité n’est pas seulement une affaire de connaissance mais aussi de contenance. Elle obéit à l’idéal de l’honnête homme défendu par le chevalier de Méré : allier la distinction du goût aux vertus de la politesse et de la conversation.

C’est dans ce contexte de fréquentation précoce et prolongée avec l’Antiquité que Jacob Spon grandit dans une famille de négociants originaire d’Ulm et installée à Lyon depuis 1551. Calvinistes, les Spon sont bien intégrés à l’élite marchande lyonnaise. Ils cultivent un réseau familial solide entre la France, Genève, Zurich et la Souabe. Le père de Jacob est le médecin Charles Spon, un philhellène réputé qui s’intéresse aux textes médicaux de la Grèce antique et à la poésie latine. Il correspond avec les savants et les plus grands médecins de son temps, et notamment avec son ami intime, le fameux Guy Patin5. Passionné par les antiquités, abreuvé des lectures d’auteurs antiques, le jeune Jacob note méthodiquement les inscriptions qu’il trouve à Lyon et dans les campagnes environnantes. Cet apprentissage in situ du jeune homme, particulière au cadre lyonnais se prolonge par une longue formation. A l’âge de dix ans il est envoyé par son père faire ses humanités au Collège de Genève où il reçoit les enseignements de Daniel Puerari en médecine, David Derodon en philosophie, et Kaspar Wyss en théologie, jusqu’en mai 16626. Il s’oriente ensuite vers la médecine, comme son père, et suit les cours particuliers de Guy Patin à Paris. Comme l’entrée de la Faculté de médecine lui était interdite en raison de sa religion, il passe à Montpellier en 1664 où l’on permet encore aux protestants de s’inscrire. Il suit un cursus médical accéléré auprès des professeurs Pierre Sanche, Louis Soliniac, Michel Chycoineau, et obtient son bonnet de docteur en février 1667.

De retour à Lyon, et bien que cela soit interdit aux protestants, il est agrégé du Collège de médecine de Lyon le 3 novembre 1668 grâce à l’appui de son père alors vice-doyen du Collège, et du doyen André Falconet, un ami de la famille qui considère Jacob comme un fils. Son installation comme jeune médecin à Lyon lui donne l’occasion de s’intégrer à l’élite intellectuelle de la ville. Il se lie avec le père La Chaize, alors bibliothécaire du Collège de la Trinité grâce à leur passion commune pour les médailles. Nommé confesseur du roi en 1675, le jésuite devient le protecteur du médecin protestant.

Jacob Spon pousse plus loin que son père l’intérêt familial accordé au passé gréco-romain en se rendant sur les lieux même de sa passion. Il visite les ruines et vestiges romains de Provence et du Languedoc à Saint-Rémy, Arles, Nîmes dès le début de son voyage au Levant, qu’il effectue entre octobre 1674 et juillet 1676. Ce périple le mène à Rome, où il séjourne plus d’un mois sans que son appartenance confessionnelle ne le gêne dans ses visites des monuments, bâtiments et cabinets dignes d’intérêt. Avec son compagnon de voyage l’Anglais George Wheler, ils se transportent jusqu’à Constantinople en contournant par mer le Péloponnèse, puis parcourent une partie de la Grèce : Athènes où ils s’attardent longuement, Thèbes et Delphes. Il publiera en 1678 une relation de ce voyage7 qui lui assurera la reconnaissance de l’orbis eruditus européen. Son livre devient un livre de chevet pour les antiquaires ; et un guide précieux pour les voyageurs français et anglais se rendant en Grèce jusqu’au XIXe siècle.

Un monde anticomaniaque

La passion de l’Antiquité que partagent les élites européennes dépasse les appartenances nationales et confessionnelles. Au xviie siècle, l’Antiquité est un univers culturel et référentiel indépassable qui trouve sa pleine expression dans les Arts et les Lettres. L’Antiquité est la norme du Vrai et du Beau, elle incarne une « perfection » qu’artistes et intellectuels du siècle admirent et tentent d’imiter voire de surpasser par leurs ouvrages. La culture grécoromaine représente un vivier inépuisable d’exempla artistiques et moraux. L’anticomanie du temps ne s’avère pas homogène dans sa redécouverte des anciennes civilisations. La production littéraire et artistique gréco-romaine est exaltée pour d’évidentes raisons historiques en Occident, et les lettrés du Grand Siècle s’en réclament les fidèles héritiers. Les civilisations égyptienne et mésopotamienne suscitent un moindre intérêt du fait de l’éloignement géographique et culturel avec l’Europe.

Ce modèle antique que les curieux, les savants, et les hommes de lettres exaltent et essaient de faire revivre apparaît comme les deux faces d’une même médaille tantôt antagoniste tantôt complémentaire.

D’une part, l’Antiquité païenne est considérée comme un repoussoir en raison de ses superstitions et des vices de quelques-uns de ses hommes illustres décrits par les historiens du temps. Tacite, Suétone ou Plutarque ont tous écrits sur les vertus et les débauches des grands hommes dont ils retraçaient les vies. Cette Antiquité païenne corrompue est malgré tout vue sur le plan intellectuel et artistique comme un âge d’or digne d’être imité et enseigné.

D’autre part, l’Antiquité chrétienne est admirée en raison de la pureté de l’Église des premiers siècles. Elle est revendiquée par les catholiques pour sa fidélité à l’Origine, c’est-à-dire à la Révélation qui se perpétue par la Tradition. Les protestants se réclament aussi les légataires d’une Église primitive qui n’était pas encore tombée dans l’erreur et la superstition. La lecture des auteurs antiques est recommandée dans les deux camps mais en dissociant bien les auteurs chrétiens des païens ; celle des seconds devant être considérée comme un otium. Jean Calvin, incitait plus de un siècle auparavant, à cette lecture différenciée mais non moins admirative des auteurs anciens, chrétiens comme païens.

Que nous lisions Démosthène ou Cicéron, Platon ou Aristote ou quelques autres de leur bande : je confesse bien qu’ils attireront merveilleusement et délecteront et esmouveront jusques à ravir mesme l’esprit : mais si de là nous nous transportons à la lecture des sainctes Escritures, vueillons ou non elles nous poindront si vivement, elles perceront tellement nostre coeur, elles se ficheront tellement au dedans des moelles, que toute la force qu’ont les Rhétoriciens ou Philosophes au prix de l’efficace d’un tel sentiment ne sera que fumée. Dont il est aisé d’appercevoir que les sainctes Escritures ont quelque propriété divine à inspirer les hommes, veu que de si loing elles surmontent toutes les grâces de l’industrie humaine.8

La ferveur déraisonnable des amateurs d’Antiquité irrite cependant les moralistes du Grand Siècle. La Bruyère reproche aux archéolâtres, leur manque de mesure lorsqu’ils s’adonnent à leur passion, et leurs discussions creuses sur des points de détail ridicules9. Ces arguties sont promptes à détourner les hommes de leurs véritables devoirs envers Dieu et la société. L’étude de l’Antiquité devrait au contraire servir à cultiver la vertu et à élever l’esprit. Elle ne peut donc être qu’un objet d’études sérieux dégagé de toute passion.

L’engouement pour l’Antiquité n’épargne pas la médecine. Grâce aux progrès de l’exégèse, les médecins redécouvrent puis enseignent à partir du xvie siècle les textes médicaux d’Aristote, de Galien et d’Hippocrate. Au siècle suivant, l’étude de ces textes antiques ne donne plus lieu à un enseignement particulier. Ces auteurs servent avant tout à appuyer ou contredire le contenu des cours donnés par les enseignants dans les facultés de médecine. Le xviie siècle médical est gagné à la critique et au comparatisme : on confronte les idées anciennes et modernes, on observe, on expérimente, on pratique. William Harvey découvre la circulation sanguine et publie un ouvrage sur le sujet en 1628, l’usage de l’antimoine se répand et son emploi guérit le roi en 1658. Robert Talbot utilise le quinquina dans la confection de ses remèdes contre les fièvres. Mais ces expériences se font hors du cadre universitaire. L’université reste en effet le conservatoire des thèses médicales hippocratico-galéniques.

En France, l’enseignement montpelliérain en médecine se montre cependant plus ouvert aux nouveautés que la faculté de médecine de Paris ; du moins dans la mesure où ces innovations concordent avec les textes anciens. L’établissement languedocien insiste sur l’usage de la chimiatrie c’est-à-dire l’usage de médications chimiques comme l’antimoine ; mais aussi de la physiognomonie qui est une méthode d’observation des visages censée percer le caractère moral des hommes10. Ces enseignements intègrent les progrès effectués dans d’autres matières, en particulier la philosophie. L’influence du rationalisme est considérable à Montpellier. Jacob Spon suit donc un enseignement ouvert à l’expérimentation et aux découvertes médicales. Il s’en inspire pour sa pratique. Il introduit à Lyon le riz à des fins médicales et culinaires. Il le recevait de son frère Jean-Jacques Spon et des amis marchands lyonnais installés à Alep11. Il publie en 1671 avec son ami l’apothicaire protestant Philippe Sylvestre Dufour un traité sur le thé, le café et le chocolat12, avec lesquels il espère guérir sa propre maladie, une tuberculose pulmonaire. Il expérimente le quinquina comme remède aux fièvres en liaison avec le médecin protestant parisien François de Monginot et publie une relation sur ce sujet en 168113.

La méthode médicale de Spon se base sur l’observation et la comparaison entre la réalité observée et les textes. Sa démarche intellectuelle est hypothéticodéductive et aura une grande influence sur ses activités d’antiquaire. Ce raisonnement est à l’origine d’une méthode interprétative rigoureuse des vestiges antiques qui lui permet de donner la première définition de l’archéologie telle que nous la connaissons actuellement.

L’Antiquité comme objet d’études

Jacob Spon se défend de voir dans ses travaux sur l’Antiquité plus qu’une honnête distraction destinée à chasser l’oisiveté. Il affirme collectionner les médailles antiques « sans aucune passion » de peur de céder au plaisir de les posséder comme au chagrin de s’en séparer14. Son collectionnisme lui permet néanmoins de se constituer un véritable corpus de recherche sur l’Antiquité. Ses lectures et sa correspondance lui assurent de surcroît un renouvellement constant des informations sur le sujet qu’il met à profit dans ses publications. Mais ce qu’il considère comme son « jeu de cartes » contribue davantage à sa reconnaissance dans la République des lettres que sa pratique de la médecine.

L’antiquaire et l’antiquariat

L’œuvre de Jacob Spon, en tant qu’historien et antiquaire dépasse le cadre de la distraction érudite ; elle contribue à rendre ces deux disciplines complémentaires en définissant leurs objets d’études.

Au xviie siècle, l’Antiquité est, on l’a dit, un univers référentiel où l’écrivain et l’artiste viennent puiser leur inspiration. En France, de nombreux curieux, essentiellement des médecins et des hommes d’Église, s’adonnent à son étude et constituent de précieuses collections de médailles et d’objets antiques. À Paris, le Père Claude du Molinet, bibliothécaire de Sainte-Geneviève possède un célèbre cabinet d’antiquités et des curiosités naturelles ; l’ancien aumônier de la reine Anne d’Autriche, le chanoine Pierre Seguin, ouvre au public ses prestigieuses collections de médailles.

Jacob Spon fait figure d’exception parmi les antiquaires français. Provincial, et protestant dans un milieu composé essentiellement d’érudits ecclésiastiques, il acquiert au cours des années, par la qualité de ses publications, une grande réputation dans la connaissance de l’Antiquité. Elle se fait au contact des vestiges matériels hérités du passé, en particulier des médailles et des inscriptions qu’il achète ou dessine pendant ses voyages en France et en Europe. On le sollicite pour lui demander conseil sur l’authenticité de médailles antiques, l’interprétation d’inscriptions, ou la correction d’ouvrages comme le Glossaire grec de Charles Du Cange15. L’attirance du médecin de l’Antiquité ne s’est cependant pas faite sans une réflexion sur ses champs d’études.

Dans la Réponse à la lettre publiée par M. Guillet, il définit pour la première fois en 1679 ce qu’est l’antiquarisme, qu’il nomme « archéographie » et que l’on désigne aujourd’hui par le mot « archéologie ». L’archéographie est ainsi reprise et expliquée en 1685 dans son ouvrage, les Miscellanea eruditae antiquitatis :

L’Archéographie est le fait de montrer ou de connaître les vestiges antiques par lesquels les Anciens se sont appliqués à diffuser la Religion, l’Histoire, la Politique et les autres arts ou sciences de leur temps, et à les transmettre à la postérité. Or étant donné la diversité des supports sur lesquels ces traces se trouvent gravées, l’Archéographie semble devoir se subdiviser en autant de sciences.16

Ces sciences sont au nombre de huit : la numismatographie (science des monnaies), l’épigrammotographie ( l’épigraphie), l’architectonographie (science des édifices), l’iconographie (science des statues), la glyptographie (science des gemmes), la toreumatographie (science des bas-reliefs), la bibliographie (sciences des manuscrits), et l’angeiographie (science des instruments). La définition de l’archéographie semble l’aboutissement d’un travail réflexif entrepris précocement et déjà bien avancé dans son premier ouvrage, Recherche des Antiquités et curiosités de la ville de Lyon, publié en 167317 :

Mais quelqu’un me dira, pourquoy tant de peine à rechercher l’Histoire ancienne sur des Marbres rompus, ou des pierres à demy effacées, si nous pouvons l’apprendre par le moyen des livres, que nous avons dans nos Cabinets, qui sont & plus amples, & plus aisés à comprendre ? C’est un langage des demy sçavans, & il seroit aisé de prouver que ces grand genies des derniers Siecles, Erasme, Scaliger, Casaubon, Lipsius, Saumaise & Panvinius, &c. n’avoient pas acquis le fonds de leur science par le secours des Livres seulement. Ils y ont joint les Inscriptions, les Medailles, les Manuscripts, les Gravûres antiques, & enfin tous les moyens dont l’Antiquité s’est servy pour faire connoître son Histoire à la Posterité.

La définition de l’archéographie découle d’une longue proximité de Spon avec l’Antiquité dans sa matérialité comme dans sa textualité. Elle préfigure les travaux du siècle suivant, où le comte de Caylus puis Johann Joachim Winckelmann théoriseront l’archéologie et lui assigneront des règles.

L’œuvre de Spon entretient un rapport au passé fondamentalement critique et se base sur une étude matérielle et fonctionnelle des objets. L’antiquaire apprécie les artefacts antiques selon un double mode : ils constituent des monuments, des signes matériels, « sémiophoriques »18 de la grandeur passée des civilisations avec une fonction particulière ; mais ce sont aussi des documents d’où l’on peut tirer des enseignements sur les sociétés et les hommes qui les ont fabriqués. Ces artefacts n’ont donc pas seulement une valeur illustrative ; les antiquaires les considèrent comme des témoins fiables du passé parvenus jusqu’au Grand Siècle et méritant une attention particulière puisqu’ils procurent des informations inédites.

Comme en médecine, l’analyse de l’antiquaire lyonnais se fonde sur une pratique comparative entre ses connaissances livresques et l’observation19. Il en tire alors des conclusions qui confirment ou infirment ce qu’ont pu dire les auteurs anciens. La vérité ne se dévoile qu’au prix d’un examen méthodique reposant sur une analyse comparative des sources. Elle exige de la part du savant, dans le cas des inscriptions et des monuments, de se rendre in situ pour contextualiser l’étude et en garantir l’exactitude.

L’archéographie, dont l’objet est l’étude des sources « primaires » : objets, inscriptions, médailles, essaie de s’affranchir de toute allusion aux auteurs antiques puisque leurs œuvres sont parvenues aux savants sous des formes souvent fausses ou contradictoires en raison des erreurs des copistes. Jacob Spon les déplore : « Combien y a-t-il de contrarietés & de faussetés dans les Autheurs de l’Histoire Romaine, qui ne peuvent être aisément terminées, que par ces monuments antiques ? »20 Comme la plupart des savants de son époque, il soupçonne les textes antiques de fausseté. Il affirme une certaine forme de supériorité des sources matérielles, des realia antiqua, parce qu’elles ont mieux résisté aux ravages du temps que les œuvres manuscrites des Anciens. Le travail rigoureux de l’antiquaire apporte des preuves contredisant souvent le travail de l’historien, trop dépendant des textes.

La querelle qui l’oppose à Georges Guillet en 1679 permet au savant lyonnais de formaliser définitivement son interprétation de l’archéographie et d’éprouver sa valeur. Spon avait été attaqué par cet auteur mondain sur l’exactitude de l’emplacement de ruines grecques et romaines de l’Athènes du xviie siècle. Guillet avait publié en 1675 une petite relation sur l’Athènes ancienne et nouvelle21 à partir de mémoires envoyés par des missionnaires capucins installés au pied de l’Acropole. Spon l’avait lu pendant la traversée maritime le menant de Venise à Constantinople et y avait trouvé de nombreuses inexactitudes qu’il corrigea par la relation de son voyage publiée à Lyon en 167822. Dès son retour à Lyon en 1676, l’antiquaire avait traité Guillet d’imposteur dans un opuscule, de Diis ignotis23. Guillet qui souffrait qu’on le prenne pour un falsificateur réplique par un ouvrage imprimé à Paris en 1679 où il raille les vaines discussions de « l’escadron volant des antiquaires »24 et particulièrement leur rapport aux médailles. Sa critique étrille les publications de Spon évoquant l’histoire de la Grèce et de Constantinople. L’antiquaire Lyonnais y répond en détail par un ouvrage paru la même année25. Deux conceptions de la science s’affrontent : la science de cabinet, mondaine et littéraire de Guillet, contre celle de terrain, précise et matérielle de Spon. C’était opposer la science de l’observation à celle de la dissertation. La République des Lettres devait trancher le litige. Le public préféra les explications de l’antiquaire précises et modérées à la vindicte de Guillet.

L’archéographie est érigée par Jacob Spon en une science d’investigation émancipée de l’histoire universelle : l’observation des vestiges antiques autorise une étude globale des sociétés antiques. Elle n’est plus une « science auxiliaire de l’histoire » mais une science en voie d’autonomisation.

Quant à l’antiquaire, en tant qu’érudit s’adonnant à l’étude de l’Antiquité, Spon lui donne une importance dépassant le rang de simple amateur. Il est pleinement assimilé dans les dernières décennies du xviie siècle à la figure du savant, autrement dit à celle d’un érudit spécialisé dans sa « discipline »26. Mais Jacob Spon n’a cependant pas été qu’un antiquaire, il fut aussi un historien. Il noua entre l’histoire et l’antiquarisme un dialogue fécond qu’attestent son œuvre intellectuelle et sa correspondance.

L’histoire et l’historien

Quoique distincts par leur finalité, l’antiquarisme et l’histoire sont intimement liés. Le premier s’attache à définir et rétablir l’exactitude des faits en fonction du matériel qu’il étudie : inscriptions, bas-reliefs, médailles ; la seconde retrace dans le contexte d’une histoire universelle la chronologie des faits.

L’œuvre de Jacob Spon est irriguée par l’histoire, qu’il confronte à l’antiquarisme sans l’y subordonner. Il n’a cependant publié qu’un seul ouvrage d’histoire, L’Histoire de la ville et de l’Estat de Genève, imprimé à Lyon chez Thomas Amaulry au mois de novembre 1679 mais daté de 1680. Il y expose l’histoire de la cité lémanique depuis sa fondation romaine jusqu’aux années 1670. Une large part est faite aux bouleversements provoqués par la Réforme tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Seigneurie. En dépit de sa confession protestante Spon reste neutre lorsqu’il présente les conflits opposant Genève à la Savoie. Il s’en explique au lecteur en introduction :

La Ville de Genève étant une des plus considérables du Party protestant, on a lieu de croire que bien des gens s’interesseront d’en apprendre l’Histoire. On n’en avoit que des fragmens semez dans l’Histoire de Savoye & de Suysse, ou dans le Cavalier Savoysien & dans le Citadin Genevois. Et mesme ces points historiques y sont debitez avec tant d’aigreur & de passion, qu’on ne sçait bien souvent à qui l’on doit se fier.

C’est ce que j’ay tâché d’éviter le plus qu’il ma esté possible, & quoy qu’il fût assez difficile dans une matiere qui concerne la religion des Peuples & les pretentions des Princes, de demeurer dans une si juste moderation, qu’elle ne chagrinât ni les uns ni les autres, je croy pourtant y avoir reüssi autant que je le pouvois esperer : car enfin si cette histoire ne plaît pas à tout le monde, je ne regarderay ce malheur que comme un destin ordinaire à ces sortes de livres, & non pas comme un écueil contre lequel ma passion m’aît fait échoüer : puis que j’ay suivy autant que je l’ay pû le precepte qu’un ancien donne a un historien, de n’estre d’aucun païs, ni d’aucun party, quand il a la plume à la main. Je n’ignorois pas à la verité qu’il me manquoit beaucoup de parties necessaires pour une entreprise de cette nature ; mais je comprenois pourtant qu’à peine se trouveroit il une autre personne qui pût s’en acquiter mieux que moy ; puisqu’un Genevois auroit toûjours esté informé de bien des choses que je sçavois, & n’auroit pas eu les memoires & les manuscrits qui estoient entre mes mains.27

L’impartialité qu’il affiche lui attire l’hostilité des autorités genevoises, protestantes, comme de la Cour de Savoie, catholique, à Turin.

À Genève, les autorités craignent que l’ouvrage ne ranime un conflit avec la Savoie. Spon y relate des faits encore sensibles pour la Seigneurie, en particulier le conflit entre le Grand Conseil et le Petit Conseil de 1667, et l’affaire Jean-Baptiste Noroy de 1673. Les syndics avaient espéré que l’ouvrage ne paraîtrait pas. Après la première édition, le Conseil refuse la demande de lui fournir des mémoires pour améliorer son livre destiné à être republié. L’antiquaire lyonnais est aussi accusé du manque de « parti pris » pour les réformés dans ses ouvrages savants. Le pasteur Pierre Jurieu s’en étonne encore en 1683 :

Un Protestant escrit l’Histoire de Geneve & il veut qu’elle paroisse avec privilege & approbation des Catholiques Romains, il faloit bien necessairement pour cela la tourner selon leur goust & donner la liberté de retrancher ce qui n’y seroit pas.28

Le théologien reproche implicitement à Spon d’avoir édulcoré son livre pour obtenir le privilège d’impression de ses amis censeurs François Charpentier et Eudes de Mezerai. Il aurait ainsi délibérément retouché son texte. L’antiquaire lyonnais ne contredit pas publiquement Jurieu mais il justifie sa neutralité dans une lettre à son ami l’abbé Claude Nicaise de Dijon :

J’ay vû icy que M. Jurieu a ecrit de moy dans son Apologie des Reformateurs, et je ne conçoy pas bien à quel dessein il l’a fait ; si ce n’est qu’il ait voulu rendre suspecte mon Histoire de Geneve : mais j’espere qu’il n’y réussira pas et il me semble au contraire que ce qu’il dit me justifie envers les Protestans et envers les Catholiques, car les premiers verront par là que si j’ay obmis quelque chose, ça esté contre mon gré et ne pouvant mieux faire dans le dessein de rendre cette histoire permise en France, Et les derniers jugeront que je ne suis pas passionné puisque je me suis abstenu de dire des choses odieuses à leur party [...] Au reste pour ce qui est de la raillerie que Mr de Jurieu fait qu’on ne connoit pas de quelle religion je suis par mes ouvrages, cela bien loin de me chagriner me fait du plaisir, puis que ce ne sont pas des ouvrages où il s’agisse de faire connoistre ma religion, mais je suis bien aise de paroitre tout a fait desinteressé. Quand il est question de le faire, je le fais sans user de la politique des demy devots.29

La remontrance de Jurieu n’est pas la première. Ses amis de jeunesse réformés avaient aussi remarqué sa grande indulgence envers les catholiques dans ses livres alors qu’ils subissaient jour après jour la pression grandissante des dévots pour obtenir leur conversion. Son ami l’avocat bourguignon Jean-Philippe Guichard s’indigne dans une lettre sur l’emploi du « mon Père » dans la dédicace au père La Chaize de la Relation du voyage en Grèce et au Levant publiée en 1678 :

Un de mes Amis qui est de contraire religion voyant seulement l’adresse de votre letre me dit tout surpris. He quoy Mr Spon estant de votre Religion peut il bien appeler un Jesuite mon Pere ! Je luy répondis naivement que vous ne seriés avoué d’aucun de vos confrères. [...] Pourquoy faire entrer cette fausse Theologie dans un lieu qui luy est si peu propre. Pourquoy vous jetter dans une prévarication si manifeste. Car il est impossible que vous croyiés ce que vous dites. Je ne suis point Theologien ; Mais s’il en estoit besoin j’établirois je croy de mon fonds la fausseté de votre application. Je ne saurois Mr vous le dissimuler. J’ay lû ces endroits là avec indignation et je vous escris en colere. Le zele que j’ay pour la verité et l’amitié que j’ay pour vous m’y obligent. Au nom de Dieu mettés y ordre en sorte que votre conscience et votre probité soient a couvert de ces atteintes.30

Pour Jacob Spon il n’est pas question d’afficher sa foi dans des livres savants destinés à un public lettré international et transconfessionnel. Il dissocie clairement ses convictions religieuses de ses activités d’antiquaire et d’historien. Cela ne signifie pas que les liens entre sa foi et ses travaux sur l’Antiquité soient inexistants, mais ces livres d’érudition étant fort coûteux à réaliser et difficiles à écouler, toute connotation religieuse appuyée compromettrait leur débit. Il ne souhaite pas s’ériger en apologiste de la Réforme et s’en sent bien incapable. Une telle position aurait aussi fragilisé son maintien à Lyon où le prosélytisme catholique conduisait au départ progressif des familles les plus aisées de la petite communauté réformée vers les pays du Refuge.

L’Histoire de Genève ne suscite guère plus d’enthousiasme à Turin. Les Savoyards reprochent à Jacob Spon ses omissions par la plume du chirurgien du duc, Thouvenot qui lui adressait des lettres. Dans l’une d’elles, il regrette que l’auteur ne fasse pas assez valoir les droits des États de Savoie sur la Seigneurie et proposa au médecin lyonnais de venir secrètement à Turin pour consulter ces documents prouvant incontestablement leurs revendications31.

Face aux critiques genevoises et turinoises, Spon réagit en historien dans l’avis précédent le texte de l’Histoire de Genève. Il y détaille les documents qu’il a pu consulter pour ses travaux, essentiellement les manuscrits du juriste et historien Jacques Godefroy fournis par son ami l’historiographe Nicolas Chorier, des ouvrages d’histoire comme la Chronique de Savoye de Paradin32, ou polémiques avec le Citadin genevois de Jean Sarasin et Jacques Lect33. Ses propos se font plus virulents dans l’avis de la seconde édition de l’Histoire de Genève publiée en 1682. Il rend responsable les deux partis des inexactitudes du texte puisqu’ils ne lui fournissent aucun secours pour l’améliorer :

[…] si les parties interessées dans cette Histoire se plaignent que j’ay omis des choses que je devois avoir dites, que j’en ay mis, dont je me serois pû taire, & que j’aurois pû avoir des memoires plus fidelles sur certains faits ; j’ay à leur dire qu’ils s’en doivent prendre a eux mesmes, puis que ce que je n’ay point refusé de recevoir leurs memoires & leurs remarques, qu’on m’avoit fait esperer, & qu’ils n’ont pas voulu me communiquer, pour des considerations dans lesquelles je n’entre pas.34

Les avis des deux éditions de l’Histoire de la ville et de l’Estat de Genève attestent néanmoins d’une réflexion poussée sur le rôle de l’historien. Pour écrire l’histoire, l’historien ne peut être selon Jacob Spon, qui reprend une formule de Lucien de Samosate35, « d’aucun païs ni d’aucun party ». L’importance de l’objectivité est mise en avant : l’historien doit examiner les preuves et les faits de manière impartiale indépendamment des appartenances et des allégeances.

Le rapport de l’historien aux documents doit être fondamentalement critique. Alors que l’histoire au xviie siècle est encore une historiographie c’est-à-dire un discours s’appuyant sur les textes anciens, l’apport de l’antiquarisme lui permet de diversifier les sources et de ne pas accorder trop de crédit aux manuscrits souvent erronés. Jacob Spon questionne le rapport de l’historien au document. Il ne pense pas que les sources soient l’histoire elle-même, mais un ensemble de preuves nécessaires à l’élaboration d’un récit qui se rapprocherait de la vérité des faits. Dans la Réponse à la critique publiée par M. Guillet il écrit : « Les livres ne sont pas plus l’histoire que les médailles, ou les inscriptions, & qu’ils ne sont les uns & les autres que les pièces d’ou elle est tirée. »36 Cette affirmation laisse transparaître une volonté de ne pas hiérarchiser les preuves entre sources textuelles et matérielles mais de les mettre sur un pied d’égalité dans leur emploi en opérant un va-et-vient critique et comparatif continuel.

Les controversistes catholiques et protestants s’interrogent sur la valeur des preuves historiques, essentiellement textuelles. Ce questionnement est lié aux progrès constants de l’exégèse et de la philologie. L’exigence de probité de l’antiquaire lyonnais se retrouve aussi bien chez les théologiens réformés de l’École de Saumur37, que chez les catholiques avec les travaux historiques de Sébastien Le Nain de Tillemont38, qui donnait dans l’avertissement de l’Histoire des empereurs, paru en 1690, une définition de la « vérité des faits » semblable en bien des points à celle de l’Histoire de Genève.

L’histoire selon Jacob Spon ne peut donc se faire sans l’apport de l’étude matérielle du passé où les realia ont valeur de preuve. Elle manifeste chez lui une quête personnelle du Vrai : la Vérité historique sert la Vérité religieuse, celle de la Révélation.

L’Antiquité au service de la foi protestante

L’œuvre érudite de Spon témoigne de l’existence d’un lien faible entre ses activités savantes et sa foi réformée. À la fois antiquaire et historien, le médecin lyonnais mobilise dans les dernières années de sa vie ses compétences intellectuelles pour défendre sa liberté de conscience face aux tentatives de conversion venant de ses amis catholiques.

Historiciser l’Église : l’Antiquité comme enjeu de Vérité

Depuis la césure de la Réforme, la connaissance de l’Antiquité est devenue un enjeu pour les deux confessions : la religion véritable est celle qui peut prouver sa filiation ininterrompue à la Révélation, et donc à la Vérité. La Vérité est la parole divine révélée en Jésus-Christ et transmise aux premiers chrétiens. La fidélité au message originel est donc un enjeu entre catholiques et protestants. Pour les catholiques, la Révélation est continuelle. Elle se perpétue par la Tradition. Pour Spon et les réformés, la fidélité à la Parole seule repose sur son adoration « en esprit et en vérité », mais aussi par une pratique revendiquée comme conforme à l’Église des premiers chrétiens. Cette revendication suppose alors de prouver ce legs antique par le recours à l’histoire sans avoir recours à la Tradition. Les papistes reprochent aux protestants le caractère récent de leur foi, une « nouveauté » qui nie la Tradition. En se plaçant sur le terrain de l’histoire, les protestants ont introduit un temps marqué par les ruptures et les faits humains dans la continuité atemporelle de la Parole divine instituée que représentait la Tradition. Pour répliquer à cette attaque, il faut impérativement casser le lien anhistorique unissant l’Église catholique à l’Église primitive en instaurant une opposition temporelle entre « antiquité » et « nouveauté » avec l’idée première que le vrai est toujours le plus antique.

Quoiqu’il ait brièvement songé au pastorat après ses études médicales, Spon n’est ni un théologien ni un polémiste. Il s’engage temporairement sur le terrain de la controverse au mois de janvier 1680 lorsque l’un de ses protecteurs et ami, le père La Chaize, l’exhorte à se convertir par une lettre où il se livre « de cœur à cœur et en secret ». Le confesseur du roi suit l’exemple de Bossuet, qui convertit quelques savants et ministres calvinistes. Il espérait amener dans le giron de l’Église un des meilleurs savants protestants de l’époque :

Je souhaite plus ardamment, que je ne puis vous l’exprimer, qu’estant aussi eclairé que vous estes, vous profitiez de vos propres lumières, et que vous servant des connoissances de l’antiquité pour l’avantage le plus solide que vous en puissiez retirer, vous repariez le malheur que vous avez eu de naistre parmy les nouveautez, et mettiez vote conscience en repos, et votre salut en asseurance.39

Malgré l’admonestation de son protecteur, Jacob Spon reste fidèle à ses convictions. Il répond dans une longue lettre datée du 13 janvier 168040 rédigée en deux jours. Les premières lignes donnent le ton, résolu, docte, et spirituel du reste du texte :

Monsieur,

Entre les recherches d’Antiquité que j’ay faites, vous ne devez pas douter, que je n’en aye fait sur l’antiquité de la Religion ou Dieu m’a fait naistre ; Je me suis pour cela de fait autant que j’ay pû des Prejugez que la naissance et l’Education m’avoient pû inspirer, pour voir si j’y decouvrirois cette nouveauté que vous affectez de nous reprocher. Après cela j’ay souvent consulté aux heures du matin et du soir, que je destine aux devoirs de Piété, celui que Saint Augustin apelle La Beauté Ancienne et Nouvelle pour apprendre de luy si nostre Religion est ancienne comme nous le croyons, ou nouvelle comme vous le prétendez ; mais plus j’ay médité sur chaque point, et plus j’ay consulté les Oracles divins, plus aussi j’ay esté convaincu qu’elle estoit tres ancienne, et que si elle estoit nouvelle, ce n’etoit qu’à ceux qui entendoient parler sans la connoistre, comme estoit le nouveau monde à nos Européens lors qu’ils firent la découverte, ou comme on apelleroit neuf un bastiment vieux qu’on auroit remis sur pied.

La lettre du médecin lyonnais au père La Chaize est rendue publique par ses amis et connaît un petit succès ; comme le signale en 1684 son auteur à Pierre Bayle41, elle se diffuse rapidement chez ses coreligionnaires et accroît sa réputation d’intégrité.

Dans la première partie du texte Spon s’inspire de la Défense de la Réformation, un ouvrage du pasteur de Charenton Jean Claude paru en 1673. Le texte débute par une véritable profession de foi réformée et chaque point évoqué est comparé aux cérémonies judaïques : « l’adoration de Dieu en Esprit et en Vérité », le culte en langue vernaculaire, le mariage des ministres. Il rappelle la seule existence de deux sacrements : le baptême, l’eucharistie ; et la communion sous les deux espèces. Son propos récuse ensuite les erreurs des catholiques par un bref inventaire : la croyance au Purgatoire, le célibat des prêtres, le culte des images, l’ancienneté supposée des moines. Il brosse ainsi explicitement le tableau d’une foi protestante inaltérée car fidèle à l’Évangile. Citant le pasteur Pierre III Hespérien, il considère le papisme comme un « corps malade » qui doit se guérir42 :

Toute l’Eglise d’Occident étoit un corps malade, nous sommes guéris par la grâce de Dieu ; en cela nous sommes nouveaux ; vous estes demeurez malades, en cela vous avez l’antiquité, qui vous est d’autant plus desavantageuse que les maladies invétérées tendent à la mort. Nous sommes nouveaux en qualité de reformez, il est vrai, comme un corps nouveau quand il est guery, mais nous sommes anciens en qualité de Chrétiens orthodoxes : la Reformation est un accident à l’Eglise, lequel ne fait rien à son essence. L’essenciel est la vraye foy et l’adoration légitime.

L’essentiel est donc la fidélité à la « véritable et pure antiquité » de l’Église des premiers siècles. Pour justifier cette ancienneté face au père La Chaize, Jacob Spon étale sa culture antique et patristique. Il accumule les noms de Pères de l’Église pour mieux asseoir ses arguments : Ignace d’Antioche, Grégoire de Nysse, Athanase d’Alexandrie…

Mais l’argumentation textuelle ne suffit pas à démontrer efficacement la corruption papiste. Jacob Spon déploie alors l’étendue de ses connaissances d’antiquaire en prenant appui sur les médailles et les inscriptions.

Le recours aux realia antiqua : médailles et inscriptions

Dans l’abondante littérature de controverse, l’utilisation d’artefacts antiques à des fins théologies est inédite sinon rarissime, ce qui confère à la lettre au Père La Chaize son caractère unique. L’antiquaire souhaite retourner la dialectique « ancienneté-nouveauté » si souvent brandie par les théologiens catholiques, au bénéfice des protestants par l’usage des realia. Le père La Chaize partage le goût du médecin lyonnais pour les antiquités, particulièrement les médailles qu’il collectionne. Cette passion commune donne à Spon l’avantage du terrain. Les arguments théologiques et religieux qu’il met en avant dans sa réponse sont ainsi étayés par des témoignages matériels.

Bien qu’il reconnaisse le « peu de sérieux » des artefacts dans un débat purement intellectuel, Spon a recours à deux médailles qui témoignent à ses yeux de la corruption des cérémonies catholiques.

La première citée est un denier médiéval du pape Adrien Ier (772-795). Elle prouve que la tiare n’est pas antique puisque le souverain pontife y est représenté avec une mitre. Spon confirme son interprétation en indiquant une mosaïque de l’église Santa Suzanna alle terme di Diocleziano à Rome, où le pape Léon III (795-816) est représenté tête nue.

Le second exemple est plus ancien et plus important quant à sa signification. Jacob Spon recourt à un centenionalis de bronze frappée vers 321 sous le règne de l’empereur Constantin Ier, avec au revers un autel surmonté d’un globe et de trois étoiles et l’inscription BEATA TRANQVILLITAS. L’antiquaire fustige la mauvaise interprétation qu’a faite jadis l’érudit aixois Nicolas Claude Fabri de Peiresc43 du revers dans un de ses manuscrits, en voyant au-dessus d’un autel chrétien une hostie. Il corrige cette erreur reprise par des médaillistes catholiques et donne son explication savante de la figure :

[…] la Medaille mesme dont il s’agit n’est pas si rare qu’on pourroit se l’imaginer, et il n’y a gueres de curieux qui ne l’ait veuë, il [Peiresc] croyoit donc que la Medaille de Constantin qui a pour revers une espece d’Autel et un rond dessus, cette inscription Beata Tranquillitas, fust une representation du Saint Sacrement de l’Autel et que ce rond fut la Sainte Hostie.

Il fait la dessus une dissertation de quatre ou cinq pages, et prouve son opinion par des raisons qu’il croit incontestables ; mais il se trouve par malheur, qu’un petit Antiquaire nullement prevenue de l’antiquité de se servir de l’Hostie dans l’Eucharistie, et qui sera si vous voulez celuy qui vos ecrit a pris garde que ce rond n’étoit pas autre chose, que le Globe du monde assis sur une baze pour marquer son bonheur et sa Tranquillité sous l’Empire de Constantin ; cela est aisé à reconnoistre, lors que la médaille se trouve nette, ce que n’étoit peut-etre pas arrivé à Monsieur de Peyresk, car on remarque distinctement sur ce Globe, le zodiaque et des planetes au dessus, ce qui ne laisse aucun doute à le prendre pour le globe du monde.

L’utilisation des vestiges matériels antiques inclut aussi l’épigraphie. Spon dénonce dans sa réponse la fausse antiquité de l’épitaphe funéraire « Recquiescat in Pace » puisqu’elle n’apparaît pas sur les monuments avant le viie ou le viiie siècle et donne son explication.

Par les médailles et les inscriptions, l’antiquaire ne fait que mettre en pratique ce qu’il avait déjà éprouvé dans ses travaux archéographiques antérieurs. L’objectif de ces analyses diachroniques par l’emploi des realia est d’établir sans doute possible que les cérémonies catholiques se sont significativement éloignées de la pureté de l’Église des premiers siècles, et plus encore des prescriptions évangéliques. L’Église romaine n’est pas le conservatoire des traditions antiques et vertueuses de l’Église primitive qu’elle prétend incarner mais celui de la superstition et de l’erreur la rapprochant du paganisme. Sur ce point, Jacob Spon insiste en prenant appui sur le Discours de la religion des anciens Romains de l’antiquaire lyonnais Guillaume du Choul paru en 1555.

Après tout, vous ne pouvez vous vantez d’Antiquité que dans les points essenciels dont vous convenez avec nous, et dans la pluspart de vos Ceremonies copiées de celles des Payens, comme du Choul antiquaire de cette ville l’a avoüé quoy qu’il fut de vôtre communion.

L’ouvrage de Du Choul est souvent cité par les polémistes réformés pour étayer la thèse d’une conformité des cérémonies catholiques avec les cultes païens de la Rome antique. Cette dénonciation de la survivance de coutumes païennes dans les cérémonies papistes n’est pas nouvelle ; mais son évocation par Spon a le mérite de rappeler à ses coreligionnaires qu’il fait toujours partie du petit troupeau. Elle justifie sa pleine communion de foi avec les réformés puisqu’il ne saurait adhérer à une religion pervertie par la superstition. La conclusion de sa lettre repose sur l’évidence que sa foi ne peut être fondée que sur la vérité :

Ainsy Monsieur, je finis en vous protestant que par la grace de Dieu j’ay ma conscience fort en repos, priant Dieu tous les jours qu’il face connoistre la verité à ceux qui ne la connoissent point, ou qui ne la connoissent qu’en partie, quels qu’ils puissent estre, et qu’il lui plaise nous inspirer à tous son amour.

Le succès de la lettre de Jacob Spon au Père La Chaize auprès des huguenots conduit à la publication de contre-réponses imprimées ou manuscrites de la part de théologiens catholiques : Antoine Arnauld, Paul Bruzeau, André Cotherel, un ancien ministre converti, mais aussi l’évêque de Tournai, Gilbert de Choiseul du Plessis-Praslins. L’argumentation de ses détracteurs porte sur les points de théologie contestés par l’antiquaire, essentiellement sur la présence réelle du Christ dans l’eucharistie, et l’invocation des saints.

La plus rigoureuse de ces réponses est celle d’Antoine Arnauld, qui paraît sous le titre Remarques sur une lettre de M. Spon en 168144 à Anvers et à Lyon. L’ouvrage n’aurait pas été rédigé par le seul théologien ; un converti, le chanoine Louis Du Faure de Carignan45 aurait aussi participé à son élaboration. Ce livre critique la lettre de Spon sur quasiment tous les points. Il condamne le comparatisme cérémoniel entre juifs et protestants qui fait presque passer le médecin pour un socinien, et disqualifie toute légitimation des sources matérielles. Pour le théologien, l’emploi des médailles est inutile quand on dispose des textes des Pères de l’Église :

A-t-on besoin de cette medaille pour trouver du temps de Constantin & avant luy des autels sur lesquels on offroit le corps de Jesus-Christ. Un seul passage de Saint Cyprien ne nous assure-t-il pas mieux que ne le pourroient faire toutes les medailles du mondes. C’est dans sa lettre 66 [...]46

Cette critique est partagée par ses autres détracteurs. L’autorité des Pères ne peut être contredite par les realia. Le ministre converti André Cotherel le confirme dans son ouvrage contre la réponse à la lettre du père La Chaize :

Je trouve que le sieur Spon est digne de pitié de s’arrester à des épitaphes pour y découvrir des mystères de la Foi Catholique. Ce n’est pas sur la pierre, sur le marbre, sur le bronze ny sur les épitaphes que l’Église représente ses dogmes et ses mysteres les plus augustes et les plus sacrez.47

Un prêtre parisien, Paul Bruzeau se montre plus méprisant contre les médailles proposées par l’antiquaire protestant :

Ces histoires de vos medailles & de vos antiquailles, dont vous vous faites icy un petit divertissement, ne nous pourroient faire aucun mal quand elles se trouveroient veritables. Nous ne manquons pas de preuves plus anciennes & plus solides que celles qu’on voudroit tirer des Medailles pour prouver l’antiquité du Sacrifice du Corps de J. C. dans l’Eucharistie.48

Les critiques d’Arnauld, Cotherel et Bruzeau faites à l’encontre de Spon interrogent la manière dont les controversistes catholiques discutent de l’antiquité de l’Église. À leurs yeux, le débat ne saurait se dérouler en dehors de l’herméneutique biblique et patristique. La valeur de la preuve historique, celle d’une temporalité et de faits purement humains que l’on peut reconstituer par le truchement des artefacts importe peu quand la Tradition et les textes des Pères instaurent une filiation indissoluble à l’Origine49. Dès lors toute utilisation des realia antiqua et même de l’histoire se trouve invalidée puisque ces témoignages, humains donc faillibles, ne portent pas en eux le lien infaillible et exclusif à la Parole de Dieu. Pour Arnauld, il faut adhérer sans réserve aux Pères au nom de la vérité indiscutable de la Tradition. Les arguments historiques et matériels avancés par l’antiquaire lyonnais s’avèrent alors bien faibles aux yeux des théologiens catholiques puisque rien ne les rattache à la Tradition.

Jacob Spon ne répond pas à ses détracteurs et se réconcilie rapidement avec le père La Chaize. Mais par un effet contraire à celui escompté, la tentative de conversion du confesseur du roi lui procura une occasion de réaffirmer sa foi. L’antiquarisme n’a été mobilisé qu’en marge d’un argumentaire purement théologique, mais son utilisation suffit à conforter un discours basé sur la dénonciation des variations de l’Église catholique au fil des siècles.

La critique de l’Antiquité par Spon à l’aide des artefacts antiques, les realia, remet en cause non seulement les textes anciens dans leur authenticité, mais aussi leur historicité c’est-à-dire le témoignage qu’ils lèguent à la postérité. De manière générale, la connaissance du passé dans sa vérité est un enjeu dans la controverse entre catholiques et protestants maintes fois souligné par l’historiographie récente. L’œuvre critique de Spon sur l’Antiquité grécoromaine est mise au service d’une liberté de conscience revendiquée par sa lettre au père La Chaize comme la seule légitime face aux tentatives de conversion. Toute conscience erronée ne saurait être qu’asservie aux préjugés et aux mensonges, en l’occurrence ceux des papistes50. La Vérité ne peut être découverte que par l’exercice de la Raison. Elle seule prémunit contre la superstition et l’erreur le croyant comme le savant.

La défense des droits de sa conscience au cours des années précédant la Révocation fut néanmoins inutile à Jacob Spon. En août 1685, l’interdiction d’exercer la médecine le met dans une situation morale et financière intenable. Il quitte alors Lyon pour Zurich où il espère s’installer, mais gravement affaibli par une tuberculose chronique, il meurt sur les bords du lac Léman à Vevey le 25 décembre 1685.

Malheureusement, les travaux archéographiques du savant furent peu exploités par les grandes plumes protestantes de son temps, alors que le pouvoir royal malmenait les huguenots. Les polémistes y auraient vraisemblablement trouvé quelques arguments à avancer. Les publications du savant lyonnais eurent au moins le mérite de ne pas laisser l’érudition et la critique antiquaire entre les seules mains des ecclésiastiques catholiques.

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1. Cet article résume une partie des conclusions de notre thèse de doctorat sur l’édition critique de la correspondance de Jacob Spon (1647-1685) effectuée sous la direction du Pr Yves Krumenacker, et soutenue le 8 juillet 2013 à l’université Jean Moulin Lyon 3.

2. Bruno Neveu, Érudition et religion aux xviie et xviiie siècles, Paris : Albin Michel, 1994.

3. Jean Guillemain, « Le médaillier du collège de la Trinité sous le règne de Louis le Grand », in Claude-François Ménestrier : les jésuites et le monde des images, actes du colloque de Grenoble et Lyon (27-29 octobre 2005), Grenoble : Presses universitaires, 2009, p. 39-62. La thèse du médaillier pédagogique reste cependant contestée.

4. Henri-Jean Martin, « le Père Ménestrier et “ l’étude d’un honneste homme” », in Mélanges de travaux offerts à Me J. Tricou, Lyon : Audin, 1972, p. 219-234.

5. Bien que partielle, cette correspondance a été éditée et annotée par Laure Jestaz, Édition critique des lettres de Guy Patin conservées dans le manuscrit Baluze 148 de la Bibliothèque nationale de France, Paris : École nationale des chartes, 2001. Elle témoigne de l’affection mutuelle entre les deux médecins. Elle a été éditée en 2006 aux éditions Champion sous le titre Les Lettres de Guy Patin à Charles Spon : janvier 1649-février 1655.

L’intégralité de la correspondance de Guy Patin a été éditée par Loïc Capron et mise en ligne au début de l’année 2015 sur le site de la Bibliothèque inter-universitaire de Santé de l’université Paris Descartes. [En ligne] http://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/ (consulté le 6 mars 2015). On y retrouve la correspondance Spon-Patin.

6. Suzanne Stelling-Michaud (éd.), Le Livre du recteur de l’Académie de Genève (1559-1878), t. 5 : Notices biographiques des étudiants N-S, Genève : Droz, 1976, notice 3042.

7. Jacob Spon, Voyage d’Italie, de Dalmatie, de Grèce et du Levant fait aux années 1675 et 1676, Lyon : Antoine Cellier le fils, 1678, 3 volumes.

8. Jean Calvin, Institution de la Religion chrétienne I, viii, 1.

9. Jean de La Bruyère, Les Caractères, « De la Mode », 1-2.

10. Voir notamment Louis Dulieu, La Médecine à Montpellier. t. III : L’époque classique, Avignon : Presses universelles, 1986, 2 volumes.

11. Voir la lettre de Jacob Spon à Claude Nicaise datée du 15 février 1685 où il est question de « ris musqué » (BnF, ms fr 9360, f° 309-310). Il semble cependant que Spon recevait du riz avant cette date.

12. Jacob Spon et Philippe Sylvestre Dufour, De l’Usage du caphé, du thé et du chocolate, Lyon : J. Girin et B. Rivière, 1671, 188 p. L’attribution du « traité du café » à Spon est contestée.

13. Voir les deux lettres envoyées à Jacob Spon par le médecin protestant François de Monginot datées du 9 août 1679 et du 2 juin 1681 (BML, ms fonds général, 1721). Jacob Spon publia un traité évoquant son usage : Observations sur les fièvres et les fébrifuges, à l’occasion du livre intitulé « La Découverte de l’admirable remède anglois », Lyon : rue Mercière, à la Victoire, 1681.

14. Jacob Spon à l’abbé Jean-Paul de La Roque, 11 janvier 1680 (BnF, ms fr 19210, f° 341).

15. La correction de cet ouvrage, faite à la demande de l’imprimeur-libraire lyonnais Jean Anisson, ne fut pas menée à son terme par Spon puisqu’il dut s’exiler en raison de la Révocation. L’ouvrage parut toutefois en 1688 à la mort de Du Cange sous le titre Glossarium ad scriptores mediae et infimae graecitatis chez Anisson, Posuel et Rigaud à Lyon.

16. Traduction tirée de la préface des Miscellanea Eruditæ Antiquitatis, Lyon : Thomas Amaulry, 1685.

17. Jacob Spon, Recherche des antiquités et curiosités de la ville de Lyon, ancienne colonie des Romains & capitale de la Gaule celtique. Avec un Mémoire des principaux antiquaires & curieux de l’Europe, A Lyon, de l’imprimerie de Jaques Faeton, 1673.

18. Le mot est de Krzysztof Pomian, qui l’associe aux médailles. Les sémiophores sont une catégorie d’objets d’art non transformables ni consommables mais dont la valeur symbolique accroît la valeur matérielle. Voir Collectionneurs, amateurs et curieux : Paris, Venise, xvie-xviiie siècles, Paris : Gallimard, 1987, p. 42-43.

19. Sur le détail de cette méthode, voir notre article, « Jacob Spon et les arts : un savant protestant dans la République des Lettres », Chrétiens et sociétés. xvie-xxie siècles, Numéro spécial I, 2011, p. 91-113.

20. Recherche des antiquités et curiosités de la ville de Lyon, op. cit., préface.

21. Georges Guillet de Saint-George, Athènes ancienne et nouvelle. Et l’estat present de l’empire des Turcs, contenant la vie du sultan Mahomet IV. Le ministere de Coprogli Achmet Pacha, grand vizir. Ce qui s’est passé dans le camp des Turcs au siege de Candie. Et plusieurs autres particularitez des affaires de la Porte, A Paris, chez Estienne Michallet, 1675.

22. Jacob Spon, op. cit., 1678, 3 volumes.

23. Jacob Spon, Ignotorum atque obscurorum quorundam deorum arae, nunc primum in lucem datae notisque illustratae, studio Jacobi Sponii, Accesserunt epistolae inter Sponium et eruditos viros de praecedentibus inscriptionibus, Lugduni, typis J. Faeton, 1676, 119 p.

24. Georges Guillet de Saint-George, Lettres écrites sur une dissertation d’un voyage de Grèce, publié par M. Spon, Paris : E. Michallet, 1679, p. 17.

25. Jacob Spon, Réponse a la critique publiée par M. Guillet sur le Voyage de Grece de Jacob Spon. Avec quatre lettres sur le mesme sujet, le Journal d’Angleterre du sieur Vernon, & la liste des erreurs commises par M. Guillet dans son Athenes ancienne & nouvelle, A Lyon, chez Thomas Amaulry, 1679.

26. Le terme est anachronique puisqu’il n’est utilisé dans son acception moderne qu’à partir du xixe siècle. Donald Kelley définit la discipline comme un creuset intellectuel hiérarchisé autour d’institutions, de références, de réseaux relationnels et de pratiques sociales. Voir Jean Boutier, Jean-Claude Passeron et Jacques Revel (dir.), Qu’est-ce qu’une discipline ?, Paris : EHESS, 2006, p. 124.

27. Jacob Spon, Histoire de la ville et de l’estat de Genève, depuis les premiers siècles jusqu’à présent, tirée des manuscrits, Lyon : Thomas Amaulry, 1680, 2 vol.

28. Pierre Jurieu, Histoire du calvinisme et celle du papisme mises en parallèle, ou Apologie pour les réformateurs, pour la réformation et pour les réformés, Rotterdam : Reinier Leers, 1683, préface non paginée.

29. Jacob Spon à Claude Nicaise, 3 juillet 1683 (BnF, ms fr 9360, f° 288-289).

30. Jean-Philippe Guichard à Jacob Spon, 6 avril 1678 (BnF, ms NAF 3543, f° 79).

31. Thouvenot à Jacob Spon, 6 janvier 1680 (BML, ms fonds général 1721, f° 148-149).

32. Guillaume Paradin, Chronique de Savoye, reveue, & nouvellement augmentée, par M. Guillaume Paradin, Avec les figures de toutes les alliances des mariages qui se sont faicts en la maison de Savoye, A Lyon, par Jean de Tournes imprimeur du roy, 1561.

33. Jean Sarasin et Jacques Lect, Le Citadin de Geneve. Ou Response au Cavalier de Savoye, Paris, chez Pierre Le Bret, 1606.

34. Jacob Spon, Histoire de la ville et de l’estat de Genève, depuis les premiers siècles jusqu’à présent, tirée des manuscrits, 2e éd., Lyon : Thomas Amaulry, 1682, t. 1.

35. Lucien de Samosate, Comment il faut écrire l’histoire, § 41.

36. Op. cit., p. 59.

37. Voir François Laplanche, L’Ecriture, le sacré et l’histoire : érudits et politiques protestants devant la Bible en France au xviie siècle, Amsterdam : APA-Holland University Press, 1986, p. 177-180.

38. Le Nain de Tillemont recourait aussi à l’épigraphie pour étayer ses travaux. Voir Françoise Prevot, « Le Nain de Tillemont et l’épigraphie », dans Stan-Michel Pellistrandi (éd.), Le Nain de Tillemont et l’historiographie de l’Antiquité romaine, Paris : Champion, 2002, p. 51-61. Sur le rapport de Le Nain de Tillemont, et plus généralement des érudits ecclésiastiques à l’écriture de l’histoire au xviie siècle, voir Jean-Louis Quantin, « Document, histoire, critique dans l’érudition ecclésiastique des temps modernes », Recherches de Science Religieuse 92 (2004), p. 597-635.

39. Copie de la lettre du Père La Chaize à Jacob Spon datée du 2 janvier 1680 (BnF, ms fr 9359, f° 393).

40. La lettre originale semble perdue mais plusieurs copies manuscrites sont conservées (BnF, ms fr 9359, f° 394-400).

41. « J’appris qu’on l’avoit imprimée à Montauban, et à La Réole, après avoir couru long-temps manuscrite. Et il faut même qu’on l’ait crû de quelque conséquence, puis qu’on y a fait tant de réponses. » Lettre de Jacob Spon à Pierre Bayle datée du 20 décembre 1684, publiée dans les Nouvelles de la République des Lettres, janvier 1685, art. V.

42. Voir Pierre Hespérien, Sermon sur Jean 4, vers. 22, prononcé à Marennes, en présence du Synode des Provinces de Saintonge, Aunix et Augoumois, le 14 d’Octobre 1674, La Rochelle : Pierre Savouret, 1674, p. 50.

43. Jacob Spon avait pu consulter et recopier à Aix-en-Provence à l’automne 1674 les manuscrits de l’érudit provençal conservés chez l’apothicaire Honoré Sibon.

44. Antoine Arnauld, Remarques sur une lettre de M. Spon, de la religion prétendue réformée, médecin à Lyon, contenant les raisons qui font prendre à ces Messieurs la religion catholique pour nouvelle et la leur pour ancienne, Lyon, chez C. Rey et L. Plaignard, 1681. L’édition anversoise parut chez Pierre Lefevre.

45. Voir la lettre de l’abbé Nicaise à Jacob Spon, 12 janvier 1682 (BML, ms fonds général 1721, f° 203).

46. Op. cit., p. 153-158.

47. André Cotherel, Réplique à la lettre que le sieur Spon a mise à jour, à l’occasion de celle du R. P. De La Chaise, Bordeaux : Veuve Ducoq, 1681, p. 108.

48. Paul Bruzeau, Défense de la foy de l’Eglise sur les principaux points de controverse, pour servir de réponse à une lettre de M. Spon, au R.P. de La Chaise par Mr Bruzeau, Paris : Veuve Claude Thiboust, 1682, p. 330-331.

49. On peut se reporter à la première partie du travail de Nicolas Piqué, De la tradition à l’histoire : éléments pour une généalogie du concept d’histoire à partir des controverses religieuses en France, 1669-1704, Paris : Champion, 2009, et plus particulièrement sur l’opposition entre l’Origine et l’Histoire, p. 164-169.

50. Sur la « conscience éclairée » et la « conscience erronée », il existe une similitude de pensée avec Pierre Bayle. Voir Mario Turchetti, « La liberté de conscience et l’autorité du magistrat au lendemain de la Révocation. Aperçus du débat touchant la théologie morale et la philosophie politique des Réformées : Pierre Bayle, Noël Aubert de Versé, Pierre Jurieu, Jacques Philippot et Elie Saurin », in La liberté de conscience (xvie-xviie siècles). Actes du Colloque de Mulhouse et Bâle (1989), Genève, Droz, 1991, p. 305-312.