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De quoi le protestantisme est-il le nom ?1

Jean-Paul Willaime

École Pratique des Hautes Études – PSL Research University GSRL – UMR 8582

En présentant un des ateliers de recherches de la direction d’études « Histoire et sociologie des protestantismes », je voudrais montrer en quoi c’est le caractère problématique même de la notion de protestantisme qui en fait non seulement une réalité empirique intéressante à observer, y compris dans le caractère flou et discuté de ses délimitations, mais aussi un objet passionnant de recherches et d’analyses. C’est sur l’usage du qualificatif de « protestants » et du substantif « protestantisme » que je voudrais m’arrêter aujourd’hui. Les façons de se nommer et de se différencier étant un enjeu pertinent à la fois d’un point de vue emic – dans la façon dont les acteurs et institutions utilisent ou non les termes de protestants et de protestantisme pour se nommer et se caractériser – que d’un point de vue etic – dans la façon dont la notion de protestantisme est heuristiquement féconde pour décrire et analyser un champ religieux spécifique, à savoir le champ religieux protestant2. Pierre Bourdieu, en théorisant la notion de « champ », insiste sur le fait qu’à chaque champ correspond des enjeux et des intérêts spécifiques et que « les gens qui sont engagés dans un champ ont en commun un certain nombre d’intérêts fondamentaux, à savoir tout ce qui est lié à l’existence même du champ3 ». Il y a un champ protestant parce qu’il y a des acteurs et des organisations qui, à travers leurs discussions sur et leurs intérêts pour « la vérité » du christianisme, sont en interrelations pour faire valoir une compréhension protestante de cette « vérité ». Comme Bourdieu l’affirme à propos de la vérité du monde social, on peut dire que « la vérité » du protestantisme est un enjeu de luttes et que c’est cet enjeu même qui génère un champ religieux spécifique. La qualification de « protestants » et de « protestantisme » est ainsi, sans s’y réduire, un enjeu de luttes entre des acteurs, c’est-à-dire un enjeu de légitimation et de délégitimation pour positionner et faire valoir un christianisme autre que le catholique romain et les christianismes orthodoxes et orientaux. Un enjeu de luttes, mais aussi un choix assumé par certains et revendiqué comme tel. Comme celui de certains pentecôtistes qui, estimant former une quatrième nouvelle branche du christianisme, à côté du catholicisme, de l’orthodoxie et du protestantisme, refusent de s’inscrire, contrairement à d’autres pentecôtistes, dans le champ protestant. Le jeu reste ouvert car ni Genève, ni Wittemberg n’étant Rome, aucune instance centrale ne décrétera qui est protestant et qui ne l’est pas. Mais il y a toutes sortes de régulations horizontales et réticulaires qui délimitent constamment, et de façon conflictuelle et évolutive, les frontières souples et poreuses d’un monde religieux qui cherche à signifier une certaine unité au-delà de sa très grande diversité.

Quant au chercheur, si ce n’est évidemment pas à lui de délivrer je ne sais quel brevet de protestantisme, il peut, en s’appuyant sur des données historiques, relativiser certaines délimitations. Ainsi des groupements comme les Témoins de Jéhovah ou les Mormons, qui admettent d’autres écrits normatifs que la Bible, ne sont en général pas labellisés comme protestants ni par eux-mêmes, ni par les autres, bien qu’historiquement ils soient nés en terrains protestants états-uniens. S’ils ont de fait été exprotestantisés, cela signifie qu’ils peuvent aussi éventuellement être reprotestantisés. Ainsi en va-t-il de la « Communauté du Christ », petite branche mormonne qui relativise fortement le rapport au Livre de Mormon et se considère aujourd’hui de plus en plus comme une expression du protestantisme4. Démontrant par là que le Sola Scriptura, au-delà de la diversité des appropriations et des interprétations dont la Bible est l’objet, reste un marqueur essentiel du protestantisme.

Pour tenter de répondre à la question que j’ai annoncée dans le titre de ce texte : « De quoi le protestantisme est-il le nom ? », je partirai d’une remarque de Marcel Mauss ouvrant le 27 janvier 1902 à la section des sciences religieuses son enseignement sur l’« Histoire des religions des Peuples non-civilisés5 ». Dans cette leçon inaugurale, le neveu de Durkheim remarque : « Il est regrettable d’entendre parler des « Chinois en général », « encore plus regrettable d’entendre parler des Peaux Rouges, des Australiens, de la « religion mélanésienne » et Mauss d’en conclure : « C’est parler de choses inexistantes6 ». Parler de « religion protestante », serait-il parler, au prétexte que la diversité est grande en protestantisme, de « choses inexistante » ? Parler de « protestantisme », même au pluriel serait-il excessif, tellement importantes sont, comme le remarquait déjà Bossuet en 1688, « les variations des Églises protestantes » ? Il est vrai que plus que d’« Églises protestantes » et de « protestants », on a longtemps davantage parlé, et cela est encore très fréquent aujourd’hui, d’« Églises réformées » et de « réformés », d’« Églises luthériennes » et de « luthériens », d’« Églises baptistes » et de « baptistes », d’« Eglises méthodistes » et de « méthodistes », d’« Églises pentecôtistes » et de « pentecôtistes ». Les termes de « protestant » et de « protestantisme » sont de facto plus usités en francophonie que dans le monde germanophone – où le terme de protestant est rendu par evangelisch – et dans le monde anglophone où les dénominations, telles les baptistes, sont spécifiées selon leur tradition particulière (ce qui n’exclut cependant pas certains emplois des termes de « protestants » et de « protestantisme » dans ces aires linguistiques).

Une naissance discutée

Comme l’a judicieusement noté Hubert Bost dans un article de 1992, le protestantisme, c’est « une naissance sans faire-part »7. La Réforme, ou plus exactement les Réformes du xvie siècle, n’auraient-elles pas fondé ce que l’on a appelé « le protestantisme » ? Le protestantisme ne serait-il pas né au xvie siècle ? La réponse commune à cette question, en particulier celle des protestants eux-mêmes, est évidemment oui. La réponse des historiens, elle, est moins évidente. Et ce, même si, d’un point de vue émique, c’est-à-dire du point de vue des acteurs eux-mêmes, aux siècles suivants, la référence aux réformes du xvie siècle constitue un élément important d’identification et de légitimation des protestants, les événements du xvie siècle profilant une nouvelle « lignée croyante8 » significative. Si, comme l’a formulé Danièle Hervieu-Léger, « une “religion” est un dispositif idéologique, pratique et symbolique par lequel est constituée, entretenue, développée et contrôlée la conscience (individuelle et collective) de l’appartenance à une lignée croyante particulière9 », cette lignée convoque certaines figures et certains événements qui font sens pour elle, ce que font les protestants contemporains lorsqu’ils se considèrent comme les héritiers légitimes des réformes du xvie siècle. En ce sens, le protestantisme, bien qu’il se soit érigé, au nom du Sola Scriptura, en critique de la tradition, a lui-même fabriqué de nouvelles traditions (luthériennes, réformées-calvinistes, baptistes…) à travers lesquelles il a interprété la Bible10. « Naissance sans faire-part » certes, mais, post eventum et, quelque temps plus tard, naissance néanmoins attribuée à une référence : celle, privilégiée et considérée comme fondatrice, à des événements et à des textes du xvie siècle dans lesquels on a vu l’origine de ce que l’on a ensuite appelé, à partir de la fin du xviie siècle11, « le protestantisme ».

D’un point de vue strictement historique, les choses sont évidemment plus complexes. Surtout si, comme Hubert Bost le fait à partir du cas français, on examine l’évolution des représentations et des attitudes desdits protestants au cours des siècles. Comparant les différences dans les domaines du dogme, de l’Église, de la Bible et du pouvoir, entre les réformés du xvie siècle et le protestantisme des xviiie-xixe siècles, Hubert Bost va ainsi jusqu’à écrire : « d’un point de vue historique et pour l’énoncer de manière un peu brutale, le protestantisme naît lorsque meurt la Réforme12 », une Réforme qui dès lors serait « le mythe des origines du protestantisme13 ». On peut ainsi, comme il le fait, opposer « l’exclusivisme » des positions de la Réforme à « la confrontation dialectique et l’influence réciproque » des positions qui caractérisent le protestantisme des xviiie-xixe siècles. Hubert Bost rejoint ici Ernst Troeltsch ( qu’il cite), qui opposait un « protestantisme ancien » « circonscrit par la culture ecclésiastique du Moyen-Âge » à un « protestantisme moderne » qui, entre autres caractéristiques, accepte « l’existence d’un monde séculier tout à fait émancipé de la tutelle religieuse14 ». L’historien, à juste titre, est sensible aux évolutions, aux différences, au fait que les systèmes religieux changent, qu’ils ont, précisément, une histoire. De là une saine méfiance vis-à-vis d’une notion, « le protestantisme », qui risque de masquer les différences et de postuler une continuité là où il y a d’incontestables discontinuités. Au sein même de l’« ancien protestantisme », Ernst Troeltsch soulignait déjà les profondes différences entre le luthéranisme et le calvinisme, allant jusqu’à dire qu’« il est à peine possible de forger un concept commun et que ce n’est plus à un mais bien à deux protestantismes que nous avons affaire15 ». Remarquons au passage que Troeltsch, en parlant de « deux protestantismes », parle bien de protestantisme dans l’un et l’autre cas. Mais il semble plus réticent à le faire, même s’il parle d’un « ancien protestantisme » et d’un « protestantisme moderne », lorsqu’il considère les différentes périodes historiques. Il remarque en effet qu’en étendant le terme de protestantisme « à tous les phénomènes de l’aire religieuse protestante, du début jusqu’à nos jours » on risquerait, selon lui, d’avancer « un concept général qui dit davantage ce que devrait être ou devenir le protestantisme plutôt que ce qu’il est effectivement16 ». D’un point de vue etic, on ne peut que partager cette vigilance critique et le sociologue, attentif aux constructions sociales de la réalité qui se manifestent notamment par l’élaboration sociale de catégories à travers lesquelles on perçoit cette réalité, rejoint sans peine le point de vue de l’historien.

Faut-il pour autant éliminer de l’approche savante elle-même toute prise en compte du point de vue émique, autrement dit du point de vue des acteurs et de leurs catégories ? Tout en soulignant les discontinuités et les différences, on peut aussi être attentif au travail d’une notion et à ses usages sociaux. Autrement dit, on peut prendre en compte le fait que la notion de protestantisme, socio-historiquement parlant, s’est peu à peu construite pour rendre compte et donner sens à une incontestable diversité diachronique et synchronique d’expressions chrétiennes qui ne s’inscrivaient ni dans le champ du catholicisme romain, ni dans le champ de l’orthodoxie. Le risque d’une perception normative auquel Ernst Troeltsch nous rend attentif existe certes, mais ce risque est présent non seulement dans l’usage généralisant et synthétisant que l’on peut faire du concept de protestantisme mais également dans le non-usage que l’on pourrait en faire. Ce non-usage de la notion, c’est en effet le risque d’une approche trop exclusivement substantive du protestantisme qui, en l’identifiant à l’une de ses expressions (à celles du xvie siècle ou, au contraire, à celles ayant prévalu postérieurement aux xviiie-xixe siècles), en ex-protestantiserait d’autres. Troeltsch lui-même n’échappe pas à ce risque en parlant de « l’ancien et authentique protestantisme luthérien et calviniste » et en parlant d’un protestantisme moderne « devenu tout autre17 ». On pourrait dire la même chose du catholicisme en opposant le catholicisme du concile de Trente ou du Syllabus au catholicisme de Vatican II18. Certains, dans les franges traditionnalistes et intégristes du catholicisme, ne manquent d’ailleurs pas de le faire, quelques-uns dénonçant même dans les évolutions contemporaines de l’Église romaine « une protestantisation du catholicisme ». Et pourtant il s’agit bien toujours de catholicisme, c’est-à-dire d’une tradition spécifique et d’un dispositif institutionnel spécifique. Un catholicisme qui continue, dans des logiques qui lui sont propres, à relire ses fondamentaux dans des contextes autres et face à des défis nouveaux.

Pourquoi, sous prétexte qu’il y a eu de profondes évolutions, incluant même des ruptures, ne pourrait-on pas employer le même terme qui plus est si, empiriquement, l’on constate que cette filiation fait sens non seulement pour les protagonistes que cela concerne, mais aussi pour les outsiders qui n’en font pas partie ? Le champ protestant se constitue en monde commun peutêtre moins par certains contenus substantifs que par les éléments sur lesquels portent la discussion et se forgent des disputes, par exemple l’interprétation de la Bible ou la façon de concevoir l’existence collective des chrétiens en Église. Du point de vue sociologique où je me place, le protestantisme est ce qu’en font et ce qu’en disent les protestants, y compris dans leurs disputes de classements utilisant le mot protestant pour déterminer l’in-group de l’out-group. Si, plutôt qu’une approche substantive, l’on privilégie une approche des réformes du xvie siècle en termes d’impulsions de dynamiques de changements pouvant se renouveler tels des logiciels continuant à produire des effets dans différents contextes, on peut travailler avec une notion de protestantisme qui, tout en rendant compte des évolutions et des discontinuités, permet de rendre intelligible la continuité d’une filiation.

Protestantisme : le nom générique d’une diversité structurelle

Si je continue à filer la métaphore de « la naissance » en repensant au fait que Martin Luther en appela d’abord au pape pour réformer l’Église et qu’il ne voulut pas, à l’origine, rompre avec Rome, je dirais même que le protestantisme est un enfant non désiré. Un enfant non désiré qui a donné naissance à beaucoup d’enfants, et souvent désirés ceux-là, à travers la formation d’Églises luthériennes, réformées, presbytériennes, baptistes, congrégationalistes, méthodistes, pentecôtistes, évangéliques… Aux yeux de certains, il y a des enfants légitimes et d’autres qui le seraient moins, tels ces protestants luthéro-réformés qui se qualifient d’« historiques » pour s’opposer à d’autres, en l’occurrence les protestants évangéliques, qui ne le seraient donc pas. Et ce alors même que, dès le xvie siècle, les réformes qui ont manifesté une rupture avec l’Église catholique sont plurielles, non seulement luthérienne, réformée et anglicane, mais aussi anabaptiste avec ce que l’on a appelé « la réforme radicale ».

Si depuis la seconde diète de Spire de 1529 et la fameuse protestation des princes allemands contre la décision de Charles Quint de revenir sur leur liberté de choix confessionnel reconnue lors de la première diète de Spire de 1526, l’on parla de « protestants », aujourd’hui, le fait est que très peu d’Églises à travers le monde se qualifient de protestantes, même si en Europe c’est le cas en France, en Belgique et aux Pays-Bas. Sur les 327 Églises non orthodoxes membres du Conseil Œcuménique des Églises (COE), ce World Council of Churches (au total, 345 Églises avec les 18 Églises orthodoxes qui en font partie) qui, à Genève, associe la plupart des Églises chrétiennes à l’exception de l’Église catholique, seules 27, soit 8,2 %, incluent le qualificatif de « protestant » dans leur appellation (parmi elles l’« Église protestante unie de France » créée en 2013). Certaines spécifient le qualificatif de « protestant » par un autre qualificatif, comme s’il importait de préciser de quel type de protestants il s’agissait : « Églises chrétiennes protestantes », « Église protestante méthodiste du Bénin »… Dans la liste des Églises membres du COE, on trouve toute sorte d’appellations : « Églises chrétiennes » ( d’Indonésie…), Églises évangéliques luthériennes…, Églises presbytériennes, Églises méthodistes, Églises réformées, Conventions baptistes, Églises du Christ, Églises Unies du Christ, Églises des frères, Société religieuse des amis… Les structures internationales ne valorisent pas davantage l’affichage d’une identité protestante mais celle des différentes identités confessionnelles : Fédération Luthérienne Mondiale, Communion Mondiale des Églises Réformées, Alliance Baptiste Mondiale, Association Mondiale de Pentecôte, Conférence Mondiale Pentecôtiste, Alliance Evangélique Mondiale… Quant à des structures comme la Conférence des Églises Européennes et le Conseil Œcuménique des Églises, le fait qu’elles incluent des Églises orthodoxes et anglicanes ne permet pas de qualifier ces organisations de « protestantes » (ce qui n’a pas empêché quelques Églises orthodoxes, trouvant le COE trop dominé par les protestants, de quitter le COE).

Quant à l’identification des fidèles de ces différentes Églises, si certains s’identifient comme protestants, d’autres préfèrent s’identifier d’abord comme baptistes, luthériens et, surtout, comme évangéliques avant de s’identifier éventuellement comme protestants. La qualification d’évangélique tend même à pointer vers un christianisme transconfessionnel de convertis qui relativiserait fortement les différenciations confessionnelles héritées de l’histoire, y compris la différenciation catholico-protestante (cf. les groupes Alpha qui pratiquent « une évangélisation transconfessionnelle par la fourchette et la convivialité » en organisant des dîners visant à retrouver ou à faire redécouvrir le sens du christianisme à des personnes d’origines diverses19). Significativement la Megachurch pentecôtiste qui, à Mulhouse et en présence d’un représentant de la préfecture du Haut-Rhin, vient d’inaugurer en 2015 ses nouveaux locaux avec une salle de culte pouvant accueillir 2 400 personnes, en se dénommant « La Porte Ouverte Chrétienne », évite aussi bien le qualificatif de pentecôtiste que le qualificatif de protestant alors qu’il s’agit bien d’une expression protestante pentecôtiste20.

Il faudrait faire également le tour des différents mondes linguistiques pour étudier l’usage ou non du terme de protestant et de protestantisme. Par exemple, en Amérique Latine, on parle surtout des evangelicos. Au Vietnam, même si on parle d’Églises protestantes du Nord et du Sud, dans l’usage courant, on emploie ou employa aussi, en vietnamien, des expressions comme « religion de la bonne nouvelle », « doctrine de l’opposition », « religion de Jésus » ou, au Sud, de « religion américaine21 ». Mais si de la part des acteurs eux-mêmes, les catégories de protestants et de protestantisme sont moins utilisées qu’on ne le pense généralement, elles le sont néanmoins, comme on va le voir, d’un point de vue etic. Ces catégories de « protestants » et de « protestantisme » restent en effet pertinentes en tant que notion générique qui désigne une diversité. Le protestantisme est en réalité le nom d’une diversité structurelle, revendiquée et constamment travaillée, questionnée dans ses délimitations et dans son auto- compréhension.

Un monde marqué non seulement par une grande pluralité de confessions (du luthéranisme au pentecôtisme en passant par le baptisme, le méthodisme…), mais aussi par une non moins grande pluralité d’orientations théologiques (du libéralisme au fondamentalisme) et une diversité de modes d’organisations ecclésiastiques (épiscopalien, presbytérien, congrégationaliste). Cette diversité confessionnelle, théologique et organisationnelle (ecclésiologique) du monde protestant se complexifie encore par le fait qu’elle s’entremêle avec une diversité ethnique, culturelle, sociale, régionale et nationale. Tout en appartenant tous à la Fédération Luthérienne Mondiale (FLM), les luthériens d’Allemagne, de Madagascar, des États-unis et d’Alsace-Moselle sont différents à bien des égards. Et il ne faut pas oublier, même s’ils sont minoritaires, qu’il y a aussi des luthériens n’appartenant pas à la FLM, en particulier ceux dits du Synode de Missouri. Si l’on considère l’univers protestant baptiste, l’on est confronté à une grande diversité : aux États-Unis, on dénombre pas moins de 16 groupements baptistes, certains, comme la Southern Baptist Convention, étant classés parmi les « Evangelical Protestant Churches », d’autres, comme l’American Baptist Churches in USA, parmi les « Mainline Protestant Churches », d’autres encore, comme la National Baptist Convention, parmi les « Historically Black Churches22 ». Diversité baptiste que l’on retrouve en France avec les baptistes de la Fédération des Églises Évangéliques Baptistes de France (FEEBF) appartenant à la Fédération Protestante de France (FPF), les baptistes de l’Association Évangélique d’Églises Baptistes de langue française (AEEB), de la Fédération des Églises et Communautés Baptistes Charismatiques (FECBC), de la Communion d’Églises Baptistes Indépendantes et de l’Église baptiste du Tabernacle qui n’y appartiennent pas. Les différenciations confessionnelles, théologiques et ecclésiologiques s’entremêlant avec les différenciations culturelles et sociales, on comprend que l’on puisse légitimement s’interroger sur l’identité protestante, se demander s’il y a un minimum d’unité et de régulation dans cette importante diversité.

Le protestantisme : le nom d’un objet de connaissance, d’un patrimoine religieux et d’une expression médiatique

Le protestantisme ne serait-il que le nom d’une diversité, de toutes les Églises et les fidèles qui ne seraient ni catholiques romains, ni orthodoxes, ni chrétiens orientaux ? Les christianismes protestants comme reste en quelque sorte, ce serait un peu court. Observons tout d’abord que, si le protestantisme est le nom d’une diversité, il est aussi le nom d’un repérage historique et culturel à travers des publications (des encyclopédies, des revues, des dictionnaires). Le protestantisme est le nom d’un objet de connaissance et de culture : la francophone Encyclopédie du protestantisme (Pierre Gisel éd., 1re éd. 1995, 2e éd. 2006), l’américaine The Encyclopedia of Protestantism (Hans J. Hillerbrand éd., 2004), mais aussi l’Encyclopedia of Evangelicalism (Randall Balmer éd., 2002), l’Encyclopedia of Pentecostal and Charismatic Christianity (Stanley M. Burgess éd., 2006), le Dictionnaire biographique des protestants français (Patrick Cabanel et André Encrevé éd., t. I, 2015)… On parle d’histoire des protestants, d’histoire du protestantisme et il y a des revues d’histoire et de théologie protestantes comme la présente revue qui, sous la nouvelle appellation de Revue d’histoire du protestantisme, continue le Bulletin de la Société de l’Histoire du protestantisme français.

En matière de musées, on constate que si l’appellation de « musées protestants » est fréquente à côté d’autres appellations ( comme le fameux Musée du Désert à Mialet dans les Cévennes ou le Musée Oberlin en Alsace), celle de musée du protestantisme n’est pas rare non plus : Musée du protestantisme dauphinois, Musée du protestantisme béarnais, Maison du protestantisme charentais, Maison du protestantisme poitevin, Maison du protestantisme de la Réforme à la laïcité dans le Tarn. Quant au site www.museeprotestant.org, il est dédié au Musée virtuel du protestantisme français (il y a aussi un Musée virtuel du protestantisme belge). À travers ces occurrences du terme de protestantisme, celui-ci apparaît donc comme une réalité culturelle, savante et patrimoniale qui, au-delà de la diversité de ses expressions et manifestations, appartient à une même famille.

Dans le domaine des médias, l’emploi des termes de « protestant » et de « protestantisme » est fréquent : l’émission télévisuelle du dimanche matin sur France 2 s’appellePrésence protestante et l’hebdomadaire national Réforme se présente comme un « hebdomadaire protestant d’actualité ». À Paris et en banlieues, on a Paroles protestantes, mensuel qui se présente comme « Le magazine des protestants en région parisienne ». Par contre l’hebdomadaire protestant alsacien-mosellan qui s’appelait le Messager évangélique, tout en s’affirmant comme « l’hebdo protestant d’Alsace-Moselle » a, quant à lui, préféré supprimer son qualificatif d’« évangélique » pour se démarquer du monde protestant évangélique, ex-protestantisant ainsi les évangéliques. Dans les médias séculiers23, on parle des « protestants » ou des « protestantismes » au-delà donc des différenciations confessionnelles et des différentes dénominations de ce monde. Mais, comme le note Blandine Chélini-Pont, « le protestantisme est la famille la moins fréquemment présentée dans les informations sur la vie des religions en France24 ». Si cette sous-médiatisation du fait protestant peut s’expliquer « à cause de son absence de conflictualité dans et avec la société française ou son absence de troupes plus bruyantes25 », elle est aussi à mon sens due à son extrême diversité et au fait que c’est un univers religieux difficile à comprendre, notamment dans une société de culture catholique majoritaire comme l’est la France.

Le protestantisme : un nom vecteur d’unité et de mutualisation des actions

Le terme de « protestants » correspond également à une réalité institutionnelle et ecclésiastique. Il est de fait souvent réservé à des instances fédératives comme en France, la Fédération Protestante de France qui rassemblent des Églises luthériennes, réformées, baptistes, pentecôtistes et évangéliques. Ou, en Suisse, la Fédération des Églises Protestantes de Suisse (FEPS). À partir d’une dynamique d’union luthéro-réformée, il y a actuellement, en tout cas en Europe, une montée en puissance d’une identification comme « protestant ». En europe en effet, il est significatif que des Églises choisissent de s’appeler protestantes, comme l’a fait l’Église Protestante Unie de Belgique qui unifia en 1979 trois Églises précédemment distinctes et l’Église Protestante aux Pays-Bas qui réunit en 2004 deux Églises réformées et une luthérienne. L’émergence de l’Église Protestante Unie de France (EPUF) en 2013, comme celle de l’Union des Églises Protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL) participent du même mouvement d’une affirmation commune de protestants au-delà des différences entre luthériens et réformés. La création, à la suite de la Concorde de Leuenberg (1973) – un accord luthéro-réformé établissant la pleine communion entre ces deux traditions confessionnelles – de la Communion des Églises Protestantes en Europe est également significative de la portée unitaire du vocable de « protestants ». Mais le relatif succès du vocable de protestants pour signifier une unité protestante ne parvient pas à ne pas marquer aussi des divisions. Si l’EPUF précise en sous-titre, « communion luthéro-réformée », elle a néanmoins choisi de s’appeler « Église protestante », ce qui, par ricochet peut ex-protestantiser les autres expressions du protestantisme. Je note que le Conseil National des Évangéliques de France (CNEF) créé en 2010, bien qu’il se situe lui-même explicitement dans l’univers protestant et parle des « Églises protestantes évangéliques26 », n’a pas intégré le qualificatif de protestant dans son titre. On peut dire qu’à l’EPUF, on est protestant en titre et luthéro-réformé en sous-titre tandis qu’au CNEF, on est évangélique en titre et protestant en sous-titre. Derrière ce jeu subtil d’appellations, il y a des processus implicites de hiérarchisation et de légitimation : les luthéro-réformés auraient tendance à préempter le qualificatif de protestants en considérant que les évangéliques forment une sous-catégorie de cet ensemble. L’unité protestante est souvent affichée ad extra tandis que l’on cultive la pluralité ad intra. Grâce à la Fédération Protestante de France, une large majorité des composantes du protestantisme français peut ainsi être représentée auprès des pouvoirs publics et de la société en général. Observons qu’être mentionné ou non dans l’Annuaire de la FPF, dit de La France protestante, constitue un indicateur intéressant car en acceptant d’inclure des indications non seulement sur ses Églises membres, mais aussi sur des Églises non membres, l’Annuaire de la FPF exerce implicitement une fonction de labellisation protestante des Églises : les Églises non-membres, par le simple fait d’être mentionnées dans l’AnnuairedeLa France protestante publié « sous les auspices de la FPF », sont implicitement reconnues comme protestantes par le simple fait d’y figurer. C’est une étape qu’ont connue les Églises adventistes, admises en 2006 au sein de la FPF alors que, dans les années 1970, elles ne figuraient même pas dans la liste des « Églises et Associations non membres de la FPF » publiée dans l’Annuaire de La France protestante27.

Le qualificatif de « protestant » est en tout cas privilégié quand il s’agit des services d’aumônerie (aux armées, hospitalière, pénitentiaire, universitaire…), autrement dit de la présence protestante dans divers secteurs publics qui, s’ils sont attentifs à la pluralité religieuse externe (catholique, protestante, juive, musulmane…), ne sont pas intéressés et ne veulent pas l’être à la pluralité interne à chacun de ces mondes religieux. Le qualificatif de « protestant » est aussi vecteur d’unité dans les mouvements de jeunesse. Ainsi, les 5-6 avril 2014 une Déclaration du Scoutisme protestant fut signée par les Éclaireurs et Éclaireuses Unionistes de France du monde luthéro-réformé, les Éclaireurs Évangéliques, la Jeunesse adventiste, les scouts salutistes et les scouts pentecôtistes. Il l’est également dans le domaine de l’action sociale : l’Action sociale évangélique ayant par exemple rejoint en 2010 la Fédération de l’Entraide Protestante de facture luthéro-réformée28. La promotion de l’interreligieux favorise également la promotion d’un protestantisme au-delà de sa diversité confessionnelle. Ainsi, dans le Calendrier des religions édité par la ville de Strasbourg – un calendrier qui, en 2015, identifie 8 religions et leurs principales fêtes – à la page d’octobre où l’on explicite le sens de la fête de la Réformation en référence à l’affichage des 95 thèses à Wittemberg par Martin Luther le 31 octobre 1517, on qualifie l’accord luthéro-catholique sur la justification conclu à Augsbourg en 1999 d’accord « entre catholiques et protestants » alors que cet accord n’engage que les luthériens et qu’il a été passablement critiqué, en tout cas fortement relativisé, par les protestants réformés. Ce sont donc également des logiques externes au champ protestant, en particulier médiatiques, qui renforcent l’usage des termes de « protestant » et de « protestantisme ». Quant aux relations et dialogues interreligieux, leur développement minorise non seulement les différences entre les diverses traditions protestantes29, mais aussi les différenciations chrétiennes elles-mêmes : on parle de « dialogues islamochrétiens », même si il y a des relations spécifiques entre catholicisme et islam d’une part, protestantisme et islam d’autre part.

Le qualificatif de « protestants » et de « protestantisme » comme vecteur d’unité s’est particulièrement manifesté à travers de grands rassemblements festifs initiés par la Fédération Protestante de France. Ce fut, en 2009 à Strasbourg « Protestants en fête. Témoins ensemble », et les Dernières Nouvelles d’Alsace du 1er novembre 2009 ont pu titrer : « Les protestants s’offrent un Zénith », le culte du dimanche y ayant rassemblé 10 000 fidèles luthériens, réformés, évangéliques. Puis, les 27-29 septembre 2013, à Paris au Palais Omnisport de Bercy, toujours à l’initiative de la Fédération Protestante de France, ce fut une nouvelle édition de « Protestants en fête » sous le titre « Paris d’espérance ». Une troisième édition est prévue à lyon en 2017. Ces rassemblements festifs, qui apparaissent comme une version française des evangelische Kirchentage qui se déroulent en Allemagne tous les deux ans, permettent aux protestants d’affirmer leur unité au-delà de leurs différences théologiques et culturelles, ainsi qu’au-delà de leurs divergences (notamment dans le domaine de l’éthique sexuelle et familiale). Ils permettent aussi de visibiliser, à travers la participation des Églises d’expressions africaines, antillaises, coréennes, malgaches… un des aspects très importants du protestantisme français aujourd’hui : sa multiculturisation. En France aujourd’hui, le protestantisme est en effet aussi le nom d’un christianisme multiculturel avec l’importance prise, en nombre et en vitalité, par ces Églises d’expressions autres qu’européennes. Ad intra et ad extra, ces rassemblements festifs envoient à cette occasion l’image d’un monde protestant français et multiculturel qui prie, loue, célèbre ensemble. Mais si on s’engage dans une analyse fine de ces événements les clivages constitutifs du champ protestant français réapparaissent vite. On peut d’ailleurs se demander, sans pour autant dénier l’importance de ces rassemblements festifs pour renforcer une unité protestante toujours en travail et en quête d’elle-même, si l’on éprouve pas d’autant plus le besoin de se rassembler et de faire la fête que l’on est très dispersé et très différencié.

Le protestantisme : le nom des 500 ans de « la Réforme » ?

En 2017 se prépare un événement majeur : la commémoration des cinq cents ans du début de la Réforme, traditionnellement fixée au 31 octobre 1517. Comme l’a très bien formulé un colloque à l’initiative des protestantismes allemand et suisse et réunissant des théologiens et des historiens spécialistes du protestantisme30, la perspective de cette commémoration soulève quelques questions essentielles : « Qu’est-ce que nous voulons commémorer ou fêter exactement ? En quoi, cette réforme consiste-t-elle, en quoi cela peut-il concerner les Églises et le monde d’aujourd’hui ? », « Quand a eu lieu la Réforme et en quoi consiste-t-elle en définitive ?31 » Le questionnement n’est pas mince ! On émet le souhait d’une fête « sans triomphalisme ni modestie mal placée, sans polémique confessionnaliste ni œcuménisme simpliste32 ». Une commémoration que l’on veut œcuménique : on souhaite, à côté des luthériens et des réformés, y associer non seulement les évangéliques (qui ne se réfèrent pas à la même réforme) mais aussi l’Église catholique (la façon dont l’Église catholique répondra à cette invitation sera intéressante à analyser). Une commémoration que l’on veut aussi mondiale, comme en témoigne par exemple la contribution à ce colloque d’Aiming Wang : « Le Jubilé de la Réforme dans le contexte chinois33 ». Ce qui m’intéresse ici, c’est la question de savoir comment va se dire en 2017 le rapport aux événements du xvie siècle et se décliner l’identité protestante plurielle qui en a résulté. Ce que l’on va commémorer, comment on va le faire et avec qui ? Ce sera un laboratoire très révélateur à observer et à analyser. Dans la façon dont se prépare en France ce jubilé des 500 ans, je constate une tendance : celle qui consiste à insister sur le refus des médiations ecclésiastiques et cléricales comme trait constitutif et central du protestantisme. Pour lancer cet anniversaire, Pierre-Olivier Léchot, professeur d’histoire moderne à la faculté de théologie protestante de Paris, cite ainsi le texte de 1520 de Martin Luther : À la noblesse chrétienne de la nation allemande, pour mettre en avant le sacerdoce universel des croyants, « le lien direct qui unit le fidèle à Dieu », comme élément central des affirmations de la Réforme34 : « par le baptême et par la foi, tous les chrétiens sont prêtres, c’est-à-dire qu’ils sont tous à même de s’adresser directement au Christ et de lire la Bible, sans l’aide d’un prêtre ». Affirmation effectivement de grande portée, mais l’historien et le sociologue savent qu’il n’y a pas de lien direct à Dieu, il y a toujours, qu’on le veuille ou non, des médiations institutionnelles et culturelles à travers lesquelles se dit et se vit ce lien (sous quelle forme et de quelle manière, avec quelle légitimité, c’est justement le problème). Mais à une époque où l’on se méfie des autorités constituées et des représentations, à une époque où l’on valorise des formes plus directes de démocratie et donc, un certain sacerdoce universel des citoyens, il est frappant de voir le protestantisme se décliner comme « sacerdoce universel des croyants » alors que, durant les siècles passés, le protestantisme s’est beaucoup affirmé à travers diverses figures de pasteurs et leur impact comme prédicateur. On observera au passage que cette identification du protestantisme au sacerdoce universel des croyants peut aussi bien convenir à des protestants libéraux qu’à des protestants évangéliques, même si les uns et les autres déclinent ce sacerdoce universel différemment.

À un niveau local, on retrouve, à côté d’autres éléments, cette valorisation d’un protestantisme qui refuse « tout intermédiaire entre Dieu et les humains ». Voici par exemple comment les protestants EPUF de Vichy, à l’occasion du centenaire de leur Temple les 3-5 octobre 2014, expriment ce qu’est selon eux le protestantisme :

Le Protestantisme est une des branches du christianisme, née d’une protestation pour un retour à l’Evangile dans l’Église catholique, au début du 16e siècle. Le Protestantisme partage avec le Catholicisme et l’Orthodoxie des convictions essentielles. Il se distingue en refusant tout intermédiaire entre Dieu et les humains [nous soulignons], et en donnant la priorité aux Écritures bibliques et à la liberté spirituelle sur les traditions, les institutions et les dogmes des Églises. Il affirme avec une force particulière que l’être humain n’a pas à justifier son existence par ses performances morales, religieuses, professionnelles ou autres. […] En France, la Réforme protestante a une double origine : – humaniste (Érasme, Cercle de Meaux, Lefèvre d’Etaples…), – luthérienne et réformée (Martin Luther, Ulrich Zwingli). Jean Calvin (1509-1564) en a tenté la synthèse35.

Cette façon de présenter la Réforme protestante en France et d’exprimer le Sola Scriptura (« en donnant priorité aux Écritures bibliques ») mériterait d’être commentée et questionnée. Mais le choix fait ici est de prendre ces traces écrites pour étudier la manière dont le référentiel « protestantisme » est utilisé et valorisé par les acteurs eux-mêmes du champ protestant. La préparation des « 500 ans de la Réforme », à travers les initiatives et les textes qu’il générera, constituera sans aucun doute un riche corpus passionnant à étudier. Plus largement, il faudrait s’interroger plus avant sur l’émergence et le devenir de cette notion même de protestantisme et sur son succès relatif comme auto-désignation ou hétéro-désignation des institutions et groupes chrétiens qui, repérage minimal, ne sont ni catholiques, ni orthodoxes. Selon Alister E McGrath, le protestantisme désigne « une famille de mouvements religieux qui partage certaines sources historiques et certaines ressources théologiques36 ». En tout cas, comme le souligne à juste titre l’historien d’Oxford, « le concept de « protestantisme » apparut comme un essai de lier une série d’événements du début du xvie siècle pour former « une narration commune de transformation37 », un essai où « le protestantisme développa son sens de l’identité en réponse à des menaces externes et des critiques plutôt que comme le résultat de croyances partagées. En un sens, l’idée de “protestantisme” peut être vue comme la création de ses opposants plutôt que ses supporters38 ».

Si les réformes protestantes du xvie siècle ont affirmé l’autorité de la Bible, la question se posait dès lors de savoir, comme le souligne Alister McGrath qui insiste sur les réponses différentes apportées à cette question par Luther, Calvin et Zwingli, qui avait « le droit d’interpréter la Bible ?39 » : les théologiens, le simple croyant, le conseil de la ville, le peuple ? Et puis quelle Bible avait autorité ? quelle vérité dans la Bible ? qui avait l’autorité pour le dire ? La tradition des réveils (notamment les Great Awakenings de la fin du xviiie et du début du xixe siècle en Amérique) ont également posé la question de la légitimité respective de la rationalisation théologique et de l’expérience religieuse comme vecteur d’authentification de la vérité. Il est en tout cas clair qu’en affirmant l’autorité souveraine des Écritures en matière de foi et de doctrine, les réformes protestantes ont abouti à une désacralisation de l’institution ecclésiastique : celle-ci n’était plus forcément, per se, porteuse de vérité, elle était soumise au principe scripturaire et sa fidélité devait être évaluée à partir de la Bible. Comme l’a très bien souligné McGrath, « la nouvelle idée dangereuse, profondément ancrée au cœur de la révolution protestante, était que tous les chrétiens avaient le droit d’interpréter la Bible pour eux-mêmes », « le protestantisme affirma sa position dans le droit des individus d’interpréter la Bible pour eux-mêmes plutôt que d’être forcés de se soumettre à des interprétations officielles émises par des papes ou d’autres autorités religieuses centrales40 ».

Ce geste, pour l’institution religieuse chrétienne, a eu une portée considérable : le lieu de la vérité religieuse n’était plus dans l’institution, mais dans le message transmis. La légitimation était déplacée de la fonction à l’action de l’Église, à son orientation. Il n’est dès lors pas étonnant de constater que toute l’histoire du protestantisme est traversée par diverses scissions qui se sont opérées au sein des Églises qui se réclament de cet héritage. En effet, dès l’instant où l’institution ecclésiastique n’est plus considérée comme sainte en elle-même, rien ne s’oppose à ce que l’on crée d’autres organisations ecclésiastiques si l’on estime que l’Église n’est plus assez fidèle. La question de la fidélité, dans l’optique protestante, n’est plus une question institutionnelle mais une question herméneutique et existentielle : l’enjeu est l’interprétation de la Bible et le débat sur la vérité du christianisme devient à la fois un débat d’exégètes, de docteurs et un débat entre les vécus et expériences diverses des personnes. Un principe de contestation était dès lors introduit au cœur de l’affirmation chrétienne dans sa vérité (débat doctrinal) et dans sa forme sociale (le rassemblement des fidèles, la vie en Église et donc le rapport avec le monde). Les différents modes d’institutionnalisation du protestantisme se trouvèrent contestés non seulement à partir d’argumentaires théologiques, mais aussi par la référence à l’expérience. La diversité protestante a non seulement été régulièrement nourrie par des controverses théologiques, mais aussi par les mouvements piétistes et de réveils qui, au nom du sentiment religieux et de l’expérience spirituelle vécue, ont contesté les institutionnalisations doctrinales et ecclésiastiques des Églises de la Réforme. Tant les contestations par la théologie que par l’expérience font partie des logiques de pluralisation du protestantisme. Si, du point de vue protestant, rien n’est sacré, ni l’organisation ecclésiastique, ni le bâtiment cultuel, ni le personnage du clerc, ni même les chartes doctrinales que sont les confessions de foi, on comprend que cela ne soit pas sans conséquences sur la façon dont les Églises protestantes gèrent la vérité chrétienne, la pluralité de ses expressions et de ses mises en formes collectives. Structurellement, le monde protestant est un univers pluriel tant dans ses orientations doctrinales que dans ses formes sociales. Les réformes du xvie siècle ayant questionné aussi bien le contenu du message chrétien que sa mise en forme collective à travers des organisations ecclésiastiques régulant tant la pluralité interne que les rapports à la société environnante.

Alister McGrath a raison d’insister sur la diversité structurelle du protestantisme : « Il n’est pas question d’une unité originelle perdue du protestantisme, d’un âge de l’unité qui se briserait rapidement en fragments. Ses origines géographiques, culturelles et historiques multiples ont fait du protestantisme une réalité diverse dès le début41 ». Il oppose deux visions du protestantisme, l’une statique qui fige le protestantisme dans telle ou telle de ses expressions historiques et l’autre, dynamique qui, au contraire, considère que l’identité protestante est mouvante. En refusant de considérer comme normative les expressions passées du protestantisme, la vision dynamique permet, selon l’historien d’oxford, de mieux percevoir les potentialités de cette « idée dangereuse » et complexe de l’autorité de la Bible qui a fragilisé à tout jamais les modes de rationalisation et d’institutionnalisation du message chrétien. De là l’attention positive qu’il porte au renouvellement des formes d’expression du protestantisme contemporain, en particulier dans les megachurches et les diverses manifestations de l’évangélisme et du pentecôtisme. Selon lui, « c’est l’essence du protestantisme de se réexaminer et de se renouveler lui-même, en réaction à son environnement d’une part, et de sa lecture de la Bible d’autre part. […] Le protestantisme est incontrôlable. Comme avec l’islam, il n’y a pas de pouvoir central, pas d’autorité institutionnelle pour réguler ou limiter son développement. » « Le protestantisme possède une unique et innée capacité à l’innovation, au renouveau et à la réforme basé sur ses ressources internes42 ». Même si l’on peut discuter ce point de vue résolument optimiste d’Alister McGrath sur l’évolution du protestantisme et discuter telle ou telle de ses analyses43, je trouve intéressante et féconde sa façon de définir le protestantisme comme « une famille de mouvements religieux qui partage certaines sources historiques et certaines ressources théologiques ». Et qui, ajouterais-je, en mobilisant constamment ces sources et ces ressources, met en œuvre une logique de changement comme si les réformes fondatrices du xvie siècle légitimaient ou, en tout cas, rendaient possibles des réformes futures. En même temps et comme je l’avais analysé au début même de mon enseignement à l’École Pratique des Hautes Études, les relativisations protestantes des médiations institutionnelles et traditionnelles installent le protestantisme dans une certaine « précarité » qui peut se traduire par une instabilité structurelle et, d’un point de vue psycho-social, par une fragilisation de la transmission44. Les systèmes religieux « orthodoxes », comme l’a montré Steve Bruce45, auraient en effet tendance à mieux se transmettre d’une génération à l’autre que les systèmes religieux libéraux et pluralistes qui, en suivant les évolutions culturelles dominantes et en relativisant la vérité même qu’il professe, peuvent finir par se dissoudre dans leur environnement. De fait, aux États-Unis, on a observé que c’étaient les Églises protestantes libérales qui perdaient le plus de membres tandis que les Églises plus « conservatrices » en gagnaient46. Cela vaut aussi pour la Suisse où l’on constate un net affaiblissement de l’affiliation et de la participation dans les Églises réformées cantonales et une relative vitalité du protestantisme évangélique47. Autrement dit, comme nous le soutenions dans notre analyse de la « précarité protestante », le protestantisme ne semble pas toucher les dividendes sociaux de son adaptation à une société sécularisée et pluraliste. Sans renier cette thèse, j’insiste plus aujourd’hui sur l’importance du contexte historique. Si cette corrélation se vérifie à tel moment, elle peut s’inverser à d’autres moments, notamment dans un environnement socio- culturel qui valorise le pluralisme et les libertés individuelles. En France, selon le sondage IFOP de 2010, sur 100 protestants, 22 ne l’étaient pas auparavant et sur 100 de ces « néo-protestants », 59 Étaient d’origine catholique48. Si le protestantisme attire par l’orthodoxie et le zèle de sa composante évangélique, il attire aussi certains par son libéralisme et sa liberté d’esprit. Autrement dit, la précarité protestante, qui peut être une fragilité, peut aussi faciliter les évolutions et permettre d’innover, par exemple en ouvrant aux femmes l’accès au pastorat ou, comme vient de le faire l’EPUF lors de son synode national à Sète en mai 2015, en offrant aux pasteurs la possibilité de bénir des couples de même sexe.

De quoi le protestantisme est-il donc le nom ? D’un christianisme qui, en désacralisant les institutions et autorités ecclésiastiques, a introduit un principe permanent de réforme en son sein et produit un christianisme très diversifié. Il s’agit d’une diversité qualifiée, non seulement parce qu’elle est chrétienne, mais aussi parce qu’elle s’affirme aussi, dans la diversité de ses expressions, comme protestante. Une diversité qualifiée qui, dans son travail constant de délimitation, entretient des rapports plus ou moins conflictuels avec les autres affirmations du christianisme, la manière même de concevoir ses rapports avec les christianismes catholique et orthodoxe traduisant aussi un des aspects de la diversité protestante. Une diversité qualifiée qui, avec plus ou moins de succès et avec d’inévitables tensions et conflits, ambitionne de dire et faire vivre collectivement entre soi, en Église, et dans divers contextes culturels et sociétaux, ce qu’ils estiment être la vérité du christianisme. D’une diversité qui cherche à se dépasser en faisant valoir des éléments communs d’identification à partir de débats herméneutiques et d’expériences diverses de croire ensemble. Le protestantisme m’apparaît en fin de compte comme un incubateur permanent de réforme, une réforme continue et continuée qui a toujours du mal à se satisfaire des expressions et institutionnalisations présentes du christianisme. Une réforme continue et continuée, mais qui limite ses conséquences potentiellement dissolvantes par divers stabilisateurs dont l’idée régulatrice de protestantisme fait partie à côté des traditions confessionnelles spécifiques comme le baptisme, le luthéranisme, le calvinisme, le méthodisme… Le protestantisme, une sorte de logiciel se déployant dans toutes sortes d’applications avec des mises à jour permanentes, un laboratoire de christianisme en train de se faire dans la diversité du monde, de ses langues et de ses cultures.

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1. Version développée d’une leçon donnée à l’École Pratique des Hautes Études le 12 mai 2015 par l’auteur de ces lignes à l’occasion de son départ à la retraite. Cette leçon s’inscrivait dans le cadre d’une séance commune où les cinq directeurs d’Études partant à la retraite en 2015 : Jean-Daniel Dubois (« Gnose et manichéisme »), Odile Journet-Diallo (« (Religions de l’Afrique noire (Ethnologie) »), Christina Scherrer-Schaub (« Histoire du bouddhisme indien »), Christiane Zivie-Coche (« Religion de l’Égypte ancienne ») et Jean-Paul Willaime (« Histoire et sociologie des protestantismes ») avaient tenu à exprimer, à travers une séance intitulée « Parcours de reconnaissance », toute leur gratitude à l’EPHE et sa section des sciences religieuses.

2. Nous reprenons ici la distinction emic/etic très connue des anthropologues, distinction qui, tout en permettant de clairement différencier les catégories des acteurs et celles des chercheurs, permet aussi d’étudier leurs inévitables et complexes interrelations. Cette distinction fut émise par le linguiste Kenneth L. Pike en 1954 avant d’être reprise par l’anthropologue Marvin Harris, notamment dans son article « History and Signifiance of the Emic/Etic Distinction », Annual Review of Anthropology 5 (1976), p. 329-350. En français, voir Jean-Pierre OLIVIER DE SARDAN, « Emique », L’Homme 147 (1998), p. 151-166.

3. Pierre Bourdieu, Questions de sociologie, « Quelques propriétés des champs », Paris : Éditions de Minuit, 1980, p. 115.

4. Chrystal VANEL, Des mormonismes : une Étude socio-historique d’une fissiparité religieuse améri-caine (1830-2012), Thèse de doctorat EPHE, 2013. Selon C. Vanel, la Communauté du Christ a évolué vers une forme de protestantisme libéral ; voir son article « La Communauté du Christ : d’un mormonisme particulier à un protestantisme libéral singulier », Théolib n° 52, décembre 2010, p. 46-57.

5. Expression datée et contestable que Mauss disqualifiera dès sa leçon d’ouverture en déclarant : « il n’existe pas de peuples non civilisés. Il n’existe que des peuples de civilisations différentes » Marcel MAUSS, « L’enseignement de l’histoire des religions des peuples non civilisés à l’Ecole des Hautes Etudes. Leçon d’ouverture du cours “Histoire des Religions des Peuples non-civilisés (27 janvier 1902)” », Revue de l’histoire des religions 45 (1902), p. 43.

6. Marcel MAUSS, art. Cit, p. 50.

7. Hubert Bost, « Protestantisme : une naissance sans faire-part », Études théologiques et religieuses 67 (1992), p. 359-373.

8. S’inspirant de l’expression du théologien Pierre Gisel selon laquelle « croire, c’est se savoir engendré », Danièle HERVIEU-LÉGER a théorisé sociologiquement la notion de « lignée croyante » et lui a donné une place centrale dans son approche sociologique de la religion. Voir son ouvrage La Religion pour mémoire, Paris : Cerf, 1993, p. 118-119.

9. Ibid. P. 119.

10. Dans notre Étude « La problématisation protestante de la tradition et ses effets sociaux », Études théologiques et religieuses 73 (1998), p. 391-402, nous soulignons particulièrement ce point : « si les Églises protestantes ont affirmé que la Bible était la seule référence légitimatrice, elles ont aussi, en fait, mis en œuvre une référence légitimatrice à la tradition en générant des cultures confessionnelles spécifiques (luthérienne, calviniste, baptiste, pentecôtiste…) dans l’enceinte desquelles elles ont lu et interprété la Bible. Autrement dit, d’un point de vue sociologique, l’affirmation qui oppose catholicisme et protestantisme sur les rapports entre Bible et Tradition doit être fortement relativisée. Tout en fragilisant la portée légitimatrice du rapport à la tradition, le protestantisme a bien recréé des rapports à la tradition et, comme tout groupe religieux, il fonctionne aussi à la tradition. » (p. 392).

11. Selon H. Bost, c’est en 1694, dans le Dictionnaire de l’Académie française, que l’on trouve « la première définition lexicale du protestantisme », art. cit., p. 363.

12. Art. cit., p. 364.

13. Art. cit., p. 372.

14. Ernst TROELTSCH, Protestantisme et modernité (traduction de Marc B. De Launay de Die Bedeutung des Protestantismus für die Entstehung der modernen Welt, 1911), Paris : Gallimard, 1991, p. 47.

15. Ibid., p. 51.

16. Ibid., p. 46.

17. P. 47.

18. Occasion de rappeler que si, historiquement, on peut parler d’Église catholique avant le xvie siècle, on ne peut parler de catholicisme qu’après ce siècle des réformes.

19. Nous décrivons les groupes Alpha dans notre contribution « Protestantisme et nouvelle donne œcuménique », in Sébastien Fath – Jean-Paul Willaime (dir.), La nouvelle France protestante. Essor et recomposition au xxie siècle, Genève : Labor et Fides, 2011, p. 347-350.

20. Laurent AMIOTTE-SUCHET – Jean-Paul Willaime, La pluie de l’Esprit. Étude sociologique d’une assemblée pentecôtiste mulhousienne. Groupe de sociologie des religions et de la laïcité (GSRL). Rapport de recherche commandité par la Fédération protestante de France (FPF). https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00124902.

21. J.-P. Willaime, « Le Vietnam au défi de la diversité protestante », Social Compass, International Review of Sociology of Religion / Revue internationale de sociologie des religions 57-3 (2010), p. 319-331.

22. Nous nous référons ici à l’U. S. Religious Landscape Survey de 2008 du Pew Forum on Religion & Public Life (religions.pewforum.org). Selon cette enquête, les 51,3% de protestants des États-Unis se répartissent en 26,3% pour les « Evangelical Churches », 18,1% pour les « Mainline Churches » et 6,9% pour les « Historically Black Churches ».

23. Voir par exemple le numéro Le Point Références publié en mai-juin 2014 et intitulé « Protestantismes. Les textes fondamentaux commentés ».

24. Blandine CHéLINI-PONT, « Le Protestantisme aujourd’hui au miroir de la grande presse : une identité religieuse qui reste méconnue », in La nouvelle France Protestante. Essor et recomposition au xxie siècle, op. cit., p. 76.

25. Ibid., p. 74.

26. On qualifie d’« évangéliques » les diverses expressions du protestantisme qui insistent sur la conversion personnelle (on parle de born again), le prosélytisme, l’orthodoxie biblique et l’orthopraxie comportementale. Au sein du monde évangélique, Sébastien Fath distingue à juste titre une composante piétiste-orthodoxe et une composante charismatique-pentecôtistes. Voir son ouvrage Du ghetto au réseau. Le protestantisme évangélique en France. 1800-2005, Genève : Labor et Fides, 2005. Le CNEF réunit des Églises de ces deux composantes qui, auparavant, se disqualifiaient mutuellement.

27. Voir J.-P. WILLAIME, « l’intégration des adventistes du septième jour à la Fédération Protestante de France », in Fabrice DESPLAN – Régis Dericquebourg (dir.), Ces protestants que l’on dit adventistes, Paris : l’Harmattan, 2008, p. 89-99. Voir aussi, dans ce même volume, la contribution de Sébastien Fath sur « Les relations entre les adventistes et les autres protestants » (p. 19-27).

28. Voir S. Fath, « Engagement social et solidarités », in La nouvelle France protestante. Essor et recomposition au xxie siècle, op. cit., p. 194-205.

29. Alors que, dans la façon de se positionner par rapport à la pluralité des religions, les sensibilités luthéro-réformées d’une part et évangéliques d’autre part diffèrent assez profondément ; par exemple, les seconds visent beaucoup plus explicitement que les premiers la conversion des musulmans au christianisme.

30. Petra Bosse-Huber, Serge Fornerod, Thies Gundlach et Gottfried Wilhelm Locher (dir.), Célébrer Luther ou la Réforme ? 1517-2017, Genève : Labor et Fides, 2014.

31. Ibid., p. 7.

32. Ibid., p. 8.

33. Ibid., p. 337-343.

34. Document EPUF, 2017 nos thèses pour l’Evangile, 2014.

35. Tract de l’EPUF de Vichy pour la célébration du centenaire du temple de Vichy, Vichy, octobre 2014.

36. Alister McGrath, Christianity’s Dangerous Idea. The Protestant Revolution – A History from the Sixteenth Century to the Twenty-First, New York : HarperOne, 2007, p. 63. Nous soulignons.

37. Ibid., p. 62. Nous soulignons.

38. Ibid., p. 63.

39. Op. cit., p. 70.

40. Op. cit., p. 2 et p. 3.

41. Op. cit., p. 463.

42. Op. cit., p. 477 et p. 478.

43. Concernant le protestantisme contemporain, Alister McGrath ne tient pas suffisamment compte, selon moi, des processus de sécularisation et des changements socio- culturels globaux.

44. C’est la thèse développée dans mon ouvrage La Précarité protestante. Sociologie du protestantisme contemporain, Genève : Labor et Fides, 1992.

45. Steve Bruce, A House Divided. Protestantism, Schism and Secularization, London-New York : Routledge, 1990.

46. Voir le classique de Dean Kelley, Why Conservative Churches Are Growing, New York : Harper and Row, 1972.

47. Voir les deux ouvrages suivants : Jörg Stolz – Edmée Ballif, L’avenir des Réformés. Les Eglises face aux changements sociaux, Genève : Labor et Fides, 2011 ; Jörg Stolz, Olivier Favre, Caroline Gachet et Emmanuelle Buchard, Le phénomène évangélique. Analyses d’un milieu compétitif, Genève : Labor et Fides, 2013.

48. J.-P. Willaime, « Les protestants de France au miroir du sondage IFOP de 2010 », in La nouvelle France protestante, op.cit., p. 401.