Comptes rendus
CR
Stéphanie Parmentier, Du compte d’auteur à l’auto-édition numérique
(coll. « Interférences ») : Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2022, 312 pages, 15,5 x 21 cm. [24 €] – ISBN : 9782753586772
Stéphanie Parmentier, docteure en lettres modernes, livre avec son ouvrage Du compte d’auteur à l’auto-édition numérique un très bon travail de réflexion sur la question des pratiques des auteurs en dehors du circuit traditionnel de l’édition. Cette professeure documentaliste dans le secondaire et chercheuse associée à l’IMSIC à l’université d’Aix-Marseille (AMU), publie le travail d’une thèse soutenue en 2020, revu et actualisé pour l’occasion.
Acteur incontournable dans le processus de publication, l’éditeur a toujours joué un rôle clé par son expertise, ses choix et ses refus. La dépendance de l’auteur vis-à-vis de cette figure a pu depuis le début de l’édition être source de conflits voire de rejet. Très tôt des alternatives seront explorées par les auteurs pour passer outre la sélection de l’éditeur et s’affranchir de ces contraintes. Néanmoins ces alternatives sont toujours restées marginales et n’ont jamais modifié le paysage éditorial général. Cependant, depuis quelques années et l’essor des plates-formes proposant des outils d’auto-publication numérique, ce phénomène tend à prendre de l’ampleur et à transformer le marché éditorial.
S. Parmentier, vise avec cet essai de 300 pages à observer, analyser et comprendre ces mécanismes de transformations. Elle construit son étude en trois grandes parties.
Tout d’abord, après une très bonne introduction présentant de manière efficace les enjeux de cette réflexion, l’autrice retrace l’historique complet de l’édition non sélective, des premiers systèmes de compte d’auteur et leurs dérives plus ou moins importantes dans la seconde partie du xixe siècle. Grâce à des références nombreuses et variées, on comprend de manière claire l’évolution et les différentes formes de publication hors édition jusqu’à la prédominance actuelle d’Amazon et de ses services d’auto-publication. S. Parmentier appuie son propos sur de nombreuses études chiffrées rendant cette partie très accessible par son aspect factuel. La deuxième partie s’intéresse pour sa part aux profils des auteurs ayant recours à ces services. Cette étude plus sociologique repose notamment sur des entretiens et questionnaires menés directement auprès des intéressés. Mêlant données brutes et interprétations de l’autrice, les chapitres que forment cette partie permettent d’appréhender plus en détails les différentes catégories d’utilisateurs de ces plates-formes et leurs approches du monde de l’édition.
Enfin, la dernière partie se concentre sur les publications en elles-mêmes. S. Parmentier, offre une analyse littéraire d’une sélection de textes parmi les plus vendus. Elle tente d’en comprendre le succès par différents biais (notes, commentaires...) puis s’intéresse à la vie du texte et l’évolution des titres et des auteurs.
L’ensemble est complété par des annexes qui reviennent sur les données brutes sur lesquelles l’autrice a basé son analyse, ainsi qu’une riche bibliographie récente et variée. Si l’autrice nuance la vision de l’autoédition au fil de l’ouvrage on peut regretter que cela ne soit pas toujours le cas pour l’édition classique. En effet celle-ci est souvent représentée comme uniforme et vertueuse avec comme modèle celui de l’édition historique parisienne qui n’aurait comme objectif uniquement une recherche d’excellence littéraire. Cette étude permet néanmoins de manière claire et accessible d’aborder la question de l’auto-publication en France tant par ses aspects historiques, littéraires ou sociologiques. Que l’on soit d’accord ou pas avec les prises de position et les analyses de l’auteur, on y comprend bien les enjeux pour les différents acteurs ainsi que l’impact de ces nouvelles pratiques tout en s’interrogeant sur le devenir de l’édition traditionnelle.