Claude Grenet-Delisle s’est éteint à Bordeaux-Caudéran le 30 juin 2023, dans sa cent unième année. C’était une figure familière de la Bibliothèque municipale de Bordeaux et un membre fidèle de la Société des bibliophiles de Guyenne s’il en fut ; les lignes qui suivent ne donneront d’ailleurs qu’une faible idée de son attachement à la SBG.

Il connut la Société par sa belle-famille, puisqu’il épousa M^lle Odette Lanuc, la fille de l’imprimeur à qui la confection de la Revue française d’histoire du livre était alors confiée ; depuis ce jour, et bien longtemps après que l’imprimeur eut changé, il s’attacha au destin des bibliophiles en compagnie de son épouse puis, après le décès de celle-ci en 2002, seul.

En premier lieu, cet homme courtois, aimable et érudit assista avec la plus grande assiduité à nos séances aussi longtemps que sa santé le lui permit ; mais son rôle ne s’arrêta pas là puisqu’il entra au conseil d’administration à la suite de son épouse (qui en faisait partie depuis le 11 mai 1990) et y demeura jusqu’à ce que son état de santé le contraigne à se retirer, en 2021. Il s’y signala par ses conseils judicieux, son bon sens et son dévouement. Ce dernier se manifesta aussi par la confection de « tables » de la Revue mises en ligne sur le site www.rfhl.org, mais aussi par plusieurs contributions scientifiques, dont la liste figure à la fin de la présente nécrologie. On y distingue un net penchant pour des figures bordelaises et locales, comme Jeanne de Lestonac, Pierre de Brach ou Claude Masse. Écrits dans une langue limpide sans jamais rien céder sur le plan de l’information scientifique, richement illustrés, ces articles ont répandu largement la connaissance de figures qui, pour beaucoup de lecteurs, n’étaient guère plus que des noms jusque-là rencontrés dans une note de bas de page savante ou dans une rapide chronique d’histoire régionale. Claude Grenet-Delisle publia aussi un ouvrage qui fut immédiatement salué par la communauté scientifique : Louis de Foix, horloger, ingénieur, architecte de quatre Rois, Bordeaux, Fédération historique du Sud-Ouest, 1998, qui retrace la figure du bâtisseur du phare de Cordouan.

Dès lors, beaucoup de ceux qui assistaient à ses conférences ou entendaient les questions qu’il posait à la suite d’un exposé prononcé par un autre étaient persuadés que Claude Grenet-Delisle était un professeur distingué de quelque université du Sud-Ouest. En réalité, il effectua toute sa carrière comme ingénieur chimiste, puis gestionnaire de sociétés, d’abord près de Bordeaux, ensuite en Champagne, où il arriva dans une fabrique de capsules en cessation de paiement, qu’il sut redresser et rendre de nouveau viable. Il effectuait alors des allers-retours hebdomadaires entre son lieu de travail et sa demeure, boulevard Wilson, et cela jusqu’à sa retraite. Il incarnait ainsi pleinement la figure de « l’amateur éclairé » dans toute sa noblesse et fut au long de sa vie guidé par un pur intérêt scientifique, dont il m’entretenait jusque lors de nos dernières rencontres. Les questions de querelles personnelles, d’ambition, le goût des honneurs lui étaient complètement étrangers : il ne travaillait que pour faire avancer nos connaissances et les partager. C’est ainsi que, malgré l’âge et la fatigue, il réalisa un texte complet et lumineux, d’une sûreté d’information irréprochable, à l’occasion de notre carte de vœux de 2019, consacrée à Marceline Desbordes-Valmore.

Les choses de l’esprit ne le détournaient pas des joies plus humaines : à la faveur de son travail en Champagne, il est ainsi devenu un amateur éclairé de cette boisson, invité par les grandes maisons à leurs dégustations. Ce goût, qui frise l’hérésie à Bordeaux, ne l’a plus jamais quitté, puisqu’il a fait une conférence sur le champagne quelques mois avant son décès dans la résidence pour personnes âgées où il s’était retiré.

Tous les membres du conseil d’administration s’associent à moi pour exprimer à sa fille, Béatrice, l’estime et l’amitié que nous vouions tous à son père et lui exprimer notre plus vive sympathie.