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« En veuë de tout le monde » : le caractère public des collections d’antiques dans les villes méridionales, des derniers Valois а Henri IV

Delphine TRÉBOSC

Maître de conférences en histoire de l’art moderne, Université de Pau et des Pays de l’Adour, E2S UPPA, ITEM, Pau, France

delphine.trebosc@univ-pau.fr

Le présent article entend faire le point sur la dimension publique des collections d’antiques présentes dans les villes méridionales du royaume de France, à la fin du xvie et au début du xviie siècle. Il s’agit de repérer les manifestations de leur caractère public, entendu dans les deux acceptions du terme : au sens strict – qui dépend de l’État – et au sens large – qui concerne la communauté. L’étude des collections municipales insistera sur la volonté du corps de ville de les rendre accessibles au plus grand nombre. Nous examinerons également le rapport des collections privées à la sphère publique, aussi bien en termes d’accès, de diffusion que de marché.

Si les sources datant des règnes de François Ier et d’Henri II révèlent des faits marquants quant au caractère public des collections d’antiques dans les villes de Lyon et de Nîmes1, les documents postérieurs montrent que la dimension publique des collections d’antiques se manifesta tout particulièrement en Gascogne à la fin du xvie siècle, à Lectoure et à Bordeaux, et en Provence, au début du xviie siècle, à Aix-en-Provence et à Arles.

1. En Gascogne

L’exposition de la collection municipale d’antiques à Bordeaux

L’institution d’un collectionnisme antiquaire municipal ou civique s’observe à Bordeaux à la fin du xvie siècle2. Sur décision du maire et des jurats, des vestiges du passé antique de la cité sont exposés dans la Maison commune. Les édiles semblent y avoir été incités par plusieurs faits antérieurs témoignant d’une prise de conscience de la valeur de ces artefacts.

Ainsi, un relief funéraire gallo-romain avait été inséré dans un mur extérieur de l’hôtel de ville, au niveau de la porte Saint-Éloi. La date de cette mise en œuvre n’est pas documentée ; le témoignage d’un voyageur étranger permet de la savoir antérieure à 15263. Par ailleurs, la présence à Bordeaux de l’humaniste saintongeais Élie Vinet, à partir de 1539, et le travail qu’il mena sur l’histoire de la ville semblent à l’origine du processus qui a abouti à une exposition permanente de certains vestiges antiques à l’hôtel de ville. Élie Vinet ambitionnait de découvrir la « vraie » origine de la ville ; la méthode historico-philologique, issue de l’humanisme italien, qu’il met en œuvre le conduit à confronter les sources écrites antiques aux inscriptions présentes sur des pièces lapidaires éparses. Sa quête le mena devant un autel de marbre gallo-romain, déposé dans une écurie du château Trompette, dont l’inscription portait les « antiens noms des Bordelois » : Bituriges vibisci. Vinet œuvra sur le champ à une prise de conscience collective de la valeur de ce témoignage de l’origine ancienne de la ville : « [je] priai le Capitaine, que pour l’amour de la ville de Boudeaus, et reverance de l’antiquité, il ne laissast là gaster ceste pierre, ains la fist oster, et eslever sur quelque mur en veuë de tout le monde » 4. L’humaniste, qui connaissait par ailleurs le relief funéraire inséré dans le mur de l’hôtel de ville, savait que son action avait un précédent à Bordeaux : « Ainsi qu’on est entré en la maison commune […] i a une pierre, que desja long temps a, quelques studieus d’antiquité fit apporter de quelque part, et mettre là pour estre gardée en vueuë de tout le monde » 5. Vinet est d’autant plus sensible à cette marque d’intérêt qu’il reconnaît sur cette inscription, comme sur celle du château Trompette, la désignation ancienne des habitants de la ville.

Élie Vinet rendit publique son étude – non seulement ses résultats, mais aussi sa méthode – dans un livre intitulé L’Antiquité de Bourdeaus. L’achèvement de ce travail coïncidant avec l’étape aquitaine du tour de France royal au printemps 1565, Vinet en offrit le manuscrit à Charles IX. La dédicace rédigée à cette occasion montre une fois de plus la clairvoyance de l’humaniste, conscient que l’examen des preuves de l’antiquité des villes du royaume constituait un des objectifs du voyage des souverains : « en vous pourmenant par vostre Roiaume, sire, vous avés eu bonne envie de vous enquerir, et entendre de l’antiquité de vos villes » 6.

La démarche d’Élie Vinet trouva une première actualisation en 1590 lorsque les autorités municipales décidèrent d’exposer dans la cour de l’hôtel de ville, près de la chapelle, l’autel de marbre du château Trompette. Le juriste et historien Gabriel de Lurbe, syndic et procureur de la ville, apparaît comme la cheville ouvrière de cette entreprise revenant à considérer, à l’appui du travail de Vinet, cette pièce lapidaire antique comme un bien municipal requérant une présentation permanente dans un espace public :

Comme les devanciers Jurats eussent, en memoire du nom ancien des Bourdelois, appellez Vivisces, faict dresser à l’entrée de la maison de ville une ancienne statue [i. e. le relief funéraire inséré dans la porte Saint-Éloi] ou ces mots sont escrits,

D. M.

TARQUINIÆ FASTI

NÆ. M. CALVENT.

SABINIANUS. VIV.

SIBI ET CONIUGI.

Les Jurats de ceste année ont estimé de leur devoir, de retirer du chasteau Troupeite un grand marbre gris, tout couvert de poussiere, lequel cy-devant a esté descrit par Vinet, et l’inscription duquel est recommandée par toute l’Europe7. Ce qu’ayant faict, ils l’ont eslevé en ladicte maison de ville pres la chapelle, contenant ladicte inscription,

AUGUSTO SACRUM

ET GENIO CIVITATIS

BIT.VIV8.

La relation de Gabriel de Lurbe fait néanmoins l’éloge des jurats comme les principaux acteurs de cette décision, en soulignant la continuité de leur action, mue par leur savoir antiquaire et leur « devoir ». Il semble que ce dernier terme renvoie plutôt à une obligation morale que légale. Implicitement, c’est la question de la propriété de cet autel qui est en jeu, puisque celui-ci est « retiré » du château royal. Il se peut que l’intervention de Jacques II de Matignon, alors gouverneur de Guyenne et maire de Bordeaux, ait facilité la cession de ce vestige à la ville. Enfin, les raisons qui ont présidé au choix de son emplacement sont tues par Gabriel de Lurbe. À la différence du relief funéraire, encastré dans un mur extérieur de la maison commune, l’autel en marbre fut logé au sein de l’hôtel de ville (vide infra). Une plaque célébrant les acteurs de sa sauvegarde et de sa mise en exposition lui fut associée :

Et au pies dudict marbre est adjousté en Latin,

Hoc annosum marmor in arce Tropeita pulvere et sordibus obsitum, impetrarunt à fac. Matignono Franciæ Mareschallo, & civitatis maiore, Gr. Mulet, F. Bonalgues, P. Desaigues, Io. Thalet, I. Guichener, & Ioan. Labat, Jurati Burdig. Præfectique urbis, & Gab. D Lurbe, et R. Pichon Syndicus et Scriba civitatis : & hic in memoriam antiquitatis, & Vivisci nominis locandum curarunt9.

La découverte fortuite d’un ensemble de vestiges gallo-romains, à l’occasion de travaux menés en 1594 sur un terrain privé situé en dehors des limites de la ville10, fournit à l’élite municipale bordelaise une nouvelle occasion d’exercer son autorité en matière d’antiquités locales. Gabriel de Lurbe enregistra ces hauts faits dans la nouvelle édition de sa Chronique Bourdeloise :

De façon que le tout ayant esté recueilly avec grand soing et curiosité par messieurs les Maires et Jurats gouverneurs de la ville, et porté en l’hostel d’icelle, ayans jugé que la garde de telles pièces leur appartenoit plustost, qu’à un particulier, ils auroient en memoire de l’antiquité et grandeur de ceste diste ville faict dresser lesdictes statues en lieu eminent avec lesdictes inscriptions en la forme et estat qu’elles auroient esté trouvées.

Le corps de ville a ainsi statué sur la propriété des trois pièces découvertes et l’obligation de les rendre visibles à tous,

en la maison de ville dans des niches richement elabourées, avec les armoiries du Roy et de ladicte ville, estant escrit au dessoubs en un marbre, ce que s’ensuit,

M. S.

Statuas Drusi Cæs. Claudii Imp. & Messalinæ Gothorum injuria mutilas, è ruderibus collis Judaïci, M. Donzeau supp. Aquitaniæ, propre sacellum D. Martini extra muros, cum superi. inscriptionibus, anno christi 1594. erutas, Iac. De Matignon Franc. Maresch. Aquitaniæ prorex, et maior civitatis, F. de Girard de Haillan scutifer. M. Thibaut Advoc. F. Fouques, P. de Fortage scutifer, I. de Guerin Advoc. & I. de Guichener Jurati Burdigalenses, præs. Urbis, G. de Lurbe et R. de Pichon Advoc. & sc. Scynd. & scr. Civitatis hîc in memoriam antiquitatis & ad Burdigaliæ gloriam ponendas curarunt.

CI d. XCIIII

Multa renascentur.

Et en un autre marbre,

Hoc opus à prioribus Iuratis prudenter institutum, novi istius anni jurati, R. du Burg, quæst. Reg. Ger. Testoris Proc. & Math. Salomon, cum reliquis ad Umbilicum duxerunt. Imperante Henrico IIII. Franc. & Navar. Rege Christianissimo. Calend. Decemb. 159411.

Le dispositif d’exposition retenu était donc plus complexe que celui précédemment mis en œuvre pour présenter l’autel « retiré » du château Trompette, puisque les statues furent nichées et associées à des armoiries et à des inscriptions commémoratives. Le seul précédent connu de ce type de scénographie au sein d’un hôtel de ville se rencontre à Lyon en 1530 pour l’exposition de la Table claudienne12. La réalisation de l’ordonnance architecturale et des inscriptions fut confiée à Louis Baradier, « maître des œuvres du Roy » associé à trois autres maîtres maçons. Le marché, établi avec soin, précise l’emplacement du dispositif :

à main droicte, entrant à la grande salle de […] la maison commune, pres du pillier de l’enticquité d’Auguste [c’est-à-dire de l’autel du château Trompette], tirant le long de la muraille vers la chapelle, a vingt piedz de long ou environ et de mesme hauteur, ou telle qui sera necessaire13.

Un dessin d’Herman van der Hem datant de 1638-1639 [Fig. 1] permet d’en observer l’aspect14.

La scénographie créée prenait place entre le mur de façade de la grande salle et l’autel provenant du château Trompette (qui était présenté sur un piédestal), le tout formant un ensemble cohérent. S’appuyant sur le nombre impair des statues, le dispositif était composé d’une alternance de trois niches et de deux trumeaux (portant chacun des armoiries et deux inscriptions, une moderne et une antique). Les niches, régnantes, étaient ménagées dans la partie haute de la paroi (à plus de 3 m du sol). De taille identique, elles étaient voûtées en cul-de-four. Une hiérarchisation était néanmoins présente, la niche centrale, seule à abriter une statue possédant sa tête, créant une symétrie axiale. L’effet produit, particulièrement ostentatoire, convenait à l’exceptionnelle rareté des artefacts antiques découverts dans le sol de la ville. Les statues antiques étaient en effet principalement possédées par la couronne, la famille royale et par quelques grands du royaume, et provenaient en grande majorité d’Italie15.

Fig. 1. Herman van der Hem, La statue de Messaline et Les statues de Drusus Caesar, Messaline et l’empereur Claude, avec la pierre des Visvisques, datés du 6 février 1639, dessin à la plume, encre brune, 22 x 33 cm, Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Kartensammlung Globenmuseum, Atlas Blaeu, 05 :14[14], f°31.

Les statues furent présentées dans ces niches sans restauration préalable et à côté des inscriptions anciennes avec lesquelles elles avaient été trouvées, de manière à préserver leur caractère « archéologique ». La mémoire du rapport au sol de la ville de ces grandes antiquités était également conservée par l’inscription commémorative. La nécessité de rendre publiques les circonstances de leur découverte incita Gabriel de Lurbe à rédiger un opuscule consacré à la description, datation et interprétation des objets mis au jour16. Le texte de l’historien bordelais s’achève par un excursus à propos de la collection de Florimond de Ræmond dans lequel il précise pour chaque pièce la localisation exacte de sa découverte. La digression n’est qu’apparente : cette collection privée était alors sans doute le plus grand rassemblement d’antiquités locales de la ville.

La collection d’antiques de Florimond de Ræmond

Florimond de Ræmond, conseiller au parlement de Bordeaux en 1570, possédait un ensemble de morceaux lapidaires antiques composé de rondes-bosses, de reliefs et d’inscriptions17. Il s’agissait de grandes antiquités locales rassemblées par les soins du magistrat, dont une « trouvée en les fondements de sa maison » et d’autres provenant de la collection de Joseph de La Chassaigne, beau-père de Montaigne18. À partir de 1580, semble-t-il, Florimond de Ræmond acquit des maisons et des terrains dans le quartier Saint-Christoly19. Il y fit construire de 1590 à 1592 un hôtel entre rue et jardin comprenant un corps de logis et un « pavillon » 20. Gabriel de Lurbe précise que les pièces de sa collection étaient « eslevé[e]s en sa maison », mais ne décrit pas leur présentation.

En 1612, plus de dix ans après le décès de Florimond de Ræmond, le voyageur allemand Justus Zinzerling eut accès au jardin. S’il connaissait l’opuscule de Gabriel de Lurbe, qui lui sert de guide, les indications topographiques qu’il donne dans sa relation montrent qu’il s’est rendu sur place21. L’exposition des morceaux lapidaires était organisée au sein du jardin, la majeure partie étant insérée dans la façade sur jardin de l’hôtel, donc invisible depuis la rue du Temple22. L’architecte Claude Perrault, qui visita le jardin en 1669, en nota plus précisément la disposition : « la plupart [i. e. des figures antiques] sont dans des niches en la face du bâtiment qui regarde sur le jardin » ; il mentionne un « bas-relief […] enchâssé dans la clé de la porte, et il a à ses deux côtés deux têtes de plein relief enchâssées dans le mur » et un buste de femme présenté « au-dessus de la porte dans une petite niche » et des statues23.

Justus Zinzerling décrit en outre un monument non mentionné par Gabriel de Lurbe. Érigé au milieu du jardin, il était composé d’une pierre cylindrique ornée d’un bas-relief sur laquelle était placée une colonne de marbre dont le piédestal portait l’inscription commémorative suivante :

Clemente VIII Reip. Christianæ immensam molem sustinente, Enrico IV, Gal et Nau. Rege post suum ad auita sacra quasi postliminio reditum, Iac. Mantignono [sic] Fr. Marescallo in Aqui. prou. vices regis obtinente Flor. Ræmundus senburd. hanc teretem prophyretici [sic] marmoris columnam basi ostriatæ ac rictu iocoso tripudiantes veterum DEOS referenti superpositam, et adiecto familiæ Remundeæ gentilitio stemmate in acutum acumen fastigiatam, vt sacras venerandæ antiquitatis reliquias, è situ et puluere in lucem reponi curavit. An 159424.

Si l’on en croit cette inscription, ce double monumentum de l’Antiquité et de la gens Remunda a été élevé par Florimond de Ræmond en 159425 : la vénération de la mémoire des anciens y est associée à celle des ancêtres de la famille. Les groupes à l’ablatif placés en tête de l’inscription célèbrent également le temps de paix où ce monument a vu le jour. Pendant les guerres civiles, Florimond de Ræmond avait combattu l’hérésie par de virulents écrits pour lesquels il reçut le soutien du pape26. Après l’avènement d’Henri IV, les parlementaires bordelais refusèrent de se soumettre à l’autorité et d’utiliser le sceau d’un roi protestant. Jacques II de Matignon, maréchal de France, qui occupait la charge de lieutenant général de Guyenne depuis 1580 en raison de sa position modérée et de ses qualités diplomatiques, les y contraignit. La conversion du roi, le 25 juillet 1593, ramena la concorde civile à Bordeaux27. Par ce monument, Florimond de Ræmond signifiait la connexité de ses devoirs moraux de défense de la renommée familiale, de l’Antiquité et du Catholicisme romain. Il liait la valeur publique émanant de son office (qui prend place à la suite des dignités éminentes du pape, du roi et de son représentant dans la province) au caractère patrimonial des vestiges antiques. Il est peu probable que les destinataires de ce monument aient appartenu à un cercle strictement privé. La portée du discours, la tournure même de l’adresse rappellent celles des inscriptions – forgées la même année – accompagnant les statues exposées à l’hôtel de ville. Comme chez Florimond de Ræmond, la scénographie mise en place dans la maison commune, où les armoiries du « roi très chrétien » et celles de la ville alternaient avec les statues, associait la vénération des antiques à la concorde civile retrouvée. Ainsi est-il vraisemblable que du vivant même de son fondateur, l’accès à ce jardin d’antiques était public, Florimond de Ræmond offrant sa collection à la jouissance de visiteurs érudits ou peut-être même de tous ceux qui souhaitaient voir ces preuves de l’ancienneté de la ville.

L’exposition publique des autels tauroboliques à Lectoure

À peu près au même moment où la jurade bordelaise décidait d’exposer publiquement des antiques locaux jugés majeurs, le corps de ville de Lectoure s’attacha à la préservation et à la présentation publique de plusieurs autels tauroboliques redécouverts dans le chœur de la cathédrale, à l’occasion de travaux effectués en 1540, et dans les ruines de l’église Saint-Thomas28. Cet ensemble fut, dans un premier temps, exposé (?) ou entreposé « sur le perron de la geôle de l’officialité de Saint-Thomas » 29, et suscita plusieurs visites de savants dans les années 1550-1560 : outre François de Belleforest et Pierre Gilles, « Bartholomeo Alesio ou Aresio » (peut-être Bartolomeo Arese l’Ancien) en copia les inscriptions, assurant à ces vestiges une diffusion européenne auprès des collectionneurs d’épigraphies30.

Redécouverts dans des édifices religieux et « exposés » devant un tribunal ecclésiastique, ces vestiges étaient peut-être considérés comme des biens de l’Église. Par la suite, seize autels figurent dans l’inventaire des biens meubles de la Maison Commune de Lectoure dressé en 1580-158131. Lorsque Jacques-Auguste de Thou fut reçu par le gouverneur de Gascogne à Lectoure en 1582, on lui montra « plusieurs Inscriptions [i. e. tauroboliques], qu’on voyoit encore gravées sur les pierres d’un Temple, que la barbarie de nos dernières Guerres avoit ruiné, et dont on prétendoit se servir pour en rebâtir un autre » 32. S’il s’agit bien des autels appartenant à la municipalité, la relation du magistrat parisien montre qu’on réfléchissait à leur remploi ou à leur destination futurs. Les autels tauroboliques ne semblent pas avoir été présentés au public avant 1590, année durant laquelle les jurats de Lectoure ordonnèrent « d’enchasser deux pierres d’Antiquité à la muraille de la salle de la Maison de ville » 33. Les autres autels furent présentés dans la nouvelle halle, construite en 1592 en avant de la maison commune. Le voyageur bourguignon L. Sanloutio dit Clevalerio, qui se rendit à Lectoure et à Bordeaux dans le deuxième quart du xviie siècle, en copia les inscriptions : il en distingue deux, peut-être insérées sur la façade de la maison commune et vraisemblablement associées à une inscription moderne commémorant la décision des jurats, avant d’en lister dix-neuf autres qu’il situe dans les piliers de la halle (in columna)34. Il est possible que les autels aient servi de bases à ces supports ou bien qu’ils y aient été encastrés35.

2. En Provence

Les villes méditerranéennes telles que Nîmes et peut-être Narbonne avaient bien avant les municipalités de Lectoure et de Bordeaux exposé dans l’espace public des vestiges antiques appartenant à la communauté. De même, dans cette première moitié du xvie siècle, certaines collections nîmoises étaient accessibles aux visiteurs36. Le fait marquant dans cette aire géographique à la fin du xvie siècle et au début du xviie siècle est plutôt constitué par l’essor des collections privées d’antiques en Provence. Certains de ces collectionneurs donnèrent une dimension publique à leur activité et contribuèrent à la refondation des collections de la couronne.

Aix-en-Provence et la collection royale d’antiques

Sous François Ier et Henri II, Rome fut le principal foyer d’approvisionnement de la collection royale d’antiques37. Lorsqu’Henri IV et Sully entreprirent de refonder les collections royales de raretés38, c’est majoritairement vers les ressources du royaume qu’ils se tournèrent. Il se peut qu’Aix-en-Provence ait déjà fourni à la collection royale d’antiques avant les guerres de religion, mais les sources ne permettent pas de l’établir clairement39. Ainsi, Henri IV chargea l’avocat et antiquaire aixois Antoine Rascas de Bagarris de dresser et conserver le cabinet des antiques du roi. Plus précisément, il devint, le 22 mars 1602, « cimeliarche » royal, c’est-à-dire garde des « petites et pretieuses antiquités » du roi. Rascas de Bagarris laisse entendre que plusieurs pièces de sa collection personnelle rejoignirent le cabinet royal à sa nomination40. Le nouveau « cimeliarche » royal dirigea une importante campagne d’acquisitions : un « abrégé d’inventaire » rend compte des négociations qu’il mena auprès d’un collectionneur suisse et de plusieurs sujets du royaume, dont le possesseur d’« un cabinet complet en Provence de la suitte de tout l’empire romain en grandes médalles et médallons de cuivre, beaux, nets, choisis et bien conservés : Plusieurs de chasque empereur et tous de differans reves, et de plusieurs autres pièces » 41.

Si l’on ignore le résultat de ces premières démarches, il est en revanche assuré qu’une partie de la collection de François Du Périer, qui fut consul d’Aix-en-Provence en 1592, vint enrichir la collection royale. Quatre exemplaires d’une liste imprimée du contenu de sa collection sont connus42. Du Périer y est dit gentilhomme, ce qui en situe la réalisation après qu’il a été fait gentilhomme ordinaire de la chambre du roi en 1607. Dans les pièces manuscrites datées de 1608 relatives à la vente de cette collection, l’opération se présente initialement comme un « marché, fait par Monsieur de Bagarris par le commandement de Sa Majesté ». Néanmoins, c’est Gaspard de Forbin de Saint-Cannat, premier consul d’Aix-en-Provence en 1607, et dit « procureur du pays de Provence », c’est-à-dire mandataire des états de Provence, qui apparaît comme le principal agent de la vente, le roi étant clairement désigné comme son destinataire. Tout porte ainsi à croire que les états de Provence firent présent à Henri IV de cet important fonds, comprenant plusieurs centaines d’objets (médailles impériales et consulaires, gemmes, médaillons, sculptures de marbres, « figures » et instruments de bronze », « vases et autres instruments de terre antiques ») et issu « de six les plus rares Cabinets de la France », afin de reconstituer la collection royale de petites antiquités dispersée pendant les guerres de religion43.

Arles : le cabinet d’Antoine Agard

Antoine Agard, orfèvre et antiquaire arlésien, appartient à l’élite marchande d’Arles représentée au Conseil de ville. Il forma à la fin du xvie et au début du xviie siècle un cabinet de raretés dont il publia le catalogue, intitulé :

Discours et roole des medailles et autres antiquitez tant en pierreries, graveures, qu’en relief, et autres pierres naturelles admirables, plusieurs figures et statues de bronze antiques, avec autres statues de terre cuites à l’Egyptienne, et plusieurs rares antiquitez qui ont esté recueillies, et à present rangees dans le Cabinet du Sieur Antoine Agard, maistre Orfèvre et Antiquaire de la ville d’Arles en Provence44.

Publié à compte d’auteur à Paris en 1611, ce texte est le premier du genre. Le titre, le choix du dédicataire et les motivations livrées dans l’avis au lecteur visent à inscrire la collection hétérogène d’Antoine Agard dans la tradition des collections d’antiques formées par les juristes provençaux à partir du début du xvie siècle. La place d’honneur accordée aux « médailles » et aux pierres gravées dans le titre du catalogue annonce leur longue description absorbant la majorité des pages du recueil. La dédicace à Guillaume Du Vair, alors premier président au parlement de Provence, rattache l’activité d’Antoine Agard à celle du grand magistrat et moraliste stoïcien qui nourrissait un vif intérêt pour l’érudition antiquaire, partagé avec son ami et protégé Nicolas-Claude Fabri de Peiresc. Enfin, si le style ampoulé des poèmes liminaires et de la dédicace recourt aux lieux communs associés aux cabinets de raretés, l’ambition de rassembler les merveilles de l’art et de la nature s’efface dans l’avis au lecteur où elle pourrait nuire à l’affirmation de la qualité d’antiquaire du collectionneur45. Par une comparaison tirée de son métier, l’orfèvre arlésien assigne à l’hétérogénéité de sa collection une fonction annexe : les raretés viennent comme des « chatons » orner le « corps des antiques ». C’est que l’avis au lecteur doit nous éclairer sur les vraies motivations d’Antoine Agard. Son collectionnisme aurait pour principale justification la connaissance de l’Antiquité et de ses hommes illustres. Comme il ne manque pas de le préciser, son activité répond en outre à la nécessité de sauvegarder le patrimoine antique arlésien : une partie de la collection provient de ses propres ramassages « archéologiques » menés dans la cité. Si ce catalogue entend porter à la connaissance du public la valeur et l’intérêt de cette collection et l’invite à la visiter, il ne semble pas pour autant étranger à une démarche commerciale.

Antoine Agard était maître orfèvre et donc probablement marchand. Si ce catalogue ne lui sert pas à promouvoir son métier, il semble néanmoins favoriser sa profession, au sens où la vente – partielle et réitérée – de la collection regroupée participe de l’activité d’antiquaire, comme ce fut le cas pour Antoine Rascas de Bagarris et François Du Périer (vide supra). La diffusion du catalogue du cabinet d’Antoine Agard sous la forme d’une ou plusieurs listes manuscrites antérieurement à son impression est probable et fut sans doute motivée par des raisons commerciales, comme paraît en témoigner l’indication donnée à propos des « médailles » contenues dans le « Cabinet de Venise » : « Nota que dans ledit cabinet il y a plusieurs autres medailles de toutes qualités, n’estant encores descriptes pour la haste du porteur » 46. En outre, il existe dans les papiers de Peiresc une liste intitulée « Catalogue des choses antiques d’Arles achetées à Agarro orfèvre au mois de mai 1610 » recensant une trentaine de pièces47. Cet achat est donc antérieur à la publication du catalogue imprimé. Peiresc n’indique pas s’il est consécutif à une consultation de descriptifs ou à une visite du cabinet ; il aurait néanmoins passé quelques jours à Arles en mai 161048. Par ailleurs, la publication du catalogue imprimé du cabinet, implicitement associée à une activité commerciale, fut sans doute stimulée par la toute récente acquisition du cabinet de François Du Périer par les états de Provence et le rôle joué par les antiquaires provençaux dans la refondation des collections royales.

Quoi qu’il en soit, Antoine Agard donna volontairement une dimension publique à sa collection qu’il justifie explicitement par sa valeur patrimoniale, au sens communautaire du terme, palliant l’absence d’une institution municipale dont les balbutiements aillaient bientôt se produire, puisque les quatre consuls d’Arles entreprirent à partir de 1614 la fondation d’une collection publique d’antiques à l’hôtel de ville49.

Il est frappant de constater que l’exposition des grandes antiquités s’est faite dans des espaces extérieurs. L’ostension de ces vestiges et son efficace symbolique le requéraient en dépit des mauvaises conditions de conservation induites. Dès lors qu’elles étaient ainsi exposées, ces collections relevaient de la représentation du pouvoir. À la fin du xvie siècle, la compétence antiquaire, qui s’était manifestée en premier lieu parmi les gens de justice, s’étendit plus largement à l’élite municipale et affirma son rôle dans les relations entre le pouvoir municipal ou territorial et le pouvoir royal50. De manière sous-jacente se dessinent ainsi les prémices de la constitution d’un patrimoine public, qu’il soit local ou royal, auquel les collections privées ont également contribué.

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1 Delphine Trébosc, « Les collections de raretés des techniciens du droit dans la France méridionale de François Ier et d’Henri II », à paraître aux Annales du Midi.

2 Le contexte et les modalités de la constitution de cette collection ont été étudiés par Camille Jullian, Inscriptions romaines de Bordeaux, Bordeaux, G. Gounouilhou, 1887, t. I, p. 93-94 ; Richard Cooper, « Histoire et archéologie de la Gascogne antique au xvie siècle », dans Danièle Bohler et Catherine Magnien-Simonin (dir.), Écritures de l’histoire (xiv e-xvi e siècle), Genève, Droz, 2005, p. 146-166 et Florence Barutel, Au fil de l’histoire des musées de Bordeaux : des premiers antiques au musée d’Aquitaine, Saint-Quentin-de-Baron, Éditions de l’Entre-deux-Mers, 2015, p. 20-25.

3 Il s’agit du palatin Hubert-Thomas Leodius, voir R. Cooper, art. cit. [n. 2], p. 146.

4 Élie Vinet, L’Antiquité de Bourdeaus, présentée au Roy le treziesme jour d’avril, l’an mille cinq cens soixante cinq, Poitiers, Enguilbert de Marnef, 1565, f. Biiivo.

5 Ibid., f. Biiiiro.

6 Ibid., « Au roy Charles IX ».

7 Grâce au recueil d’inscriptions de Petrus Apianus publié en 1534, voir R. Cooper, art. cit. [n. 2], p. 146.

8 Gabriel de Lurbe, Burdigalensium rerum, chronicon, Bordeaux, Simon Millanges, 1590, f. 28ro ; Gabriel de Lurbe, Chronique bourdeloise composée cy devant en latin par Gabriel de Lurbe, advocat en la cour, procureur et syndic de la ville de Bourdeaus, Bordeaux, Simon Millanges, 1594, f. 51ro-vo.

9 Ibid.

10 Pour un état et une analyse des sources relatives à cette découverte voir Milagros Navarro Caballero, « Du nouveau sur Burdigala : les hommages à la famille julio-claudienne », dans Alain Bouet (dir.), D’Orient et d’Occident. Mélanges offerts à Pierre Aupert, Pessac, Ausonius éditions, 2008, p. 197-208.

11 G. de Lurbe, op. cit. [n. 8], f. 54ro-vo.

12 Voir D. Trébosc, art. cit. [n. 1].

13 Le contrat signé par les jurats le 30 juillet 1594 est transcrit dans C. Jullian, op. cit. [n. 2], p. 93.

14 Emmanuelle Demont et Marc Favreau, Herman van der Hem (1619-1649). Un dessinateur hollandais à Bordeaux et dans le Bordelais au xvii e siècle. Catalogue raisonné des dessins, Camiac-et-Saint-Denis, Éd. de l’Entre-deux-Mers, 2006, nos 24 et 25.

15 Voir Delphine Trébosc, « Les collections royales de raretés sous François Ier et Henri II », Journal of the History of Collections 32/1, 2020, p. 5-6 et Ead., « “Colloquées dedans des nyches” : le rôle des architectes dans l’exposition de la statuaire antique de François Ier à Henri III », dans Delphine Carrangeot (dir.), Artistes et collections royales et princières. France xvi e-xviii e siècle, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, à paraître.

16 Gabriel de Lurbe, Discours sur les antiquitez trouvées pres le prieuré S. Martin les Bourdeaus en Juillet 1594. Avec les portraits des statues et principales medailles trouvées audict lieu, Bordeaux, Simon Millanges, 1594.

17 Le contenu et la disposition de cette collection ont été reconstitués par Camille Jullian, Inscriptions romaines de Bordeaux, Bordeaux, G. Gounouilhou, 1890, t. II, p. 334-336 d’après les descriptions de Gabriel de Lurbe et de Justus Zinzerling que nous mentionnerons ci-après, la liste d’inscriptions dressée par L. Saloutio dit Clevalerio (Bibliothèque nationale de France, ms latin 17575), dans le deuxième quart du xviie siècle (voir M. Navarro Caballero, art. cit. [n. 10], p. 205) et les notes manuscrites de Claude Perrault qui la visita en 1669 (vide infra) et celles de Barbot, président de l’Académie, en 1743 (reproduites par C. Jullian, op. cit. [n. 2], nos 50-51). Voir également Aurélie Plaut, « L’hôtel particulier et la collection d’antiques de Florimond de Ræmond (1540 ?-1601) : un exemple du paraître bordelais à la fin du xvie siècle », Apparence(s) 3, 2009, en ligne : https://journals.openedition.org/apparences/1122. Cette étude utilise notamment une source datant du xixe siècle (les notes manuscrites de Bernadeau, avocat au Parlement, contenues dans l’exemplaire de l’Itinerarium Galliæ de Justus Zinzerling conservé aux Archives municipales de Bordeaux, Ms. 73) faisant état d’une porte, donnant accès à la « cour » de l’hôtel depuis la rue des Treilles, où étaient enchâssées des inscriptions. Mais ces informations sont difficiles à mettre en relation avec ce que nous savons de l’hôtel de Florimond de Ræmond à la fin du xvie siècle (voir Jean-François Fournier, « L’hôtel de Raymond, rue du Temple à Bordeaux : une représentation inédite », Revue archéologique de Bordeaux 105, 2014, p. 237-240).

18 G. de Lurbe, op. cit. n. 16, p. 12-13 et Florimond de Ræmond, LAnti-Christ, Lyon, Jean Pillehotte, 1597, p. 356 (consulté dans l’éd. de Paris, A. L’Angelier, 1607).

19 Voir Véronique Larcade, « Fortune et infortunes de Florimond de Raimond (v.1540-1601), vues de l’étude de son notaire », cité dans A. Plaut, art. cit. [n. 17], p. 2-4.

20 J.-F. Fournier, art. cit. [n. 17].

21 Justus Zinzerling, Itinerarium Galliæ cum Appendix de Burdigala, Lyon, Jacques Du Creux alias Molliard, 1616, p. 380, 390-391 (consulté dans l’éd. de Genève, Pierre Chouët, 1627).

22 Du temps de Florimond de Ræmond, ce jardin était vraisemblablement clos (voir J.-F. Fournier, art. cit. [n. 17]).

23 Mémoires de ma vie par Charles Perrault. Voyage à Bordeaux (1669) par Claude Perrault, éd. par Paul Bonnefon, Paris, H. Laurens, 1909, p. 216.

24 J. Zinzerling, op. cit. [n. 21], p. 391. « Sous le pontificat de Clément VII, qui porte le fardeau immense de la République chrétienne ; sous Henri IV, roi de France et de Navarre, après être retourné à sa religion ancestrale initiale ; sous Jacques de Matignon, Maréchal, lieutenant du roi en Aquitaine, Florimond de Raymond, sénateur bordelais, a veillé à ce que cette colonne de marbre porphyré poli soit placée sur un piédestal orné d’un motif à écailles et d’une scène représentant les dieux des anciens dansant joyeusement et qu’elle soit subtilement surmontée par l’arbre généalogique de la famille Raymond, pour que les reliques de l’Antiquité, qui mérite d’être vénérée, soient replacées à la lumière et sortent de l’oubli et de la poussière. Année 1594 ».

25 Ce monument ne figure pas dans la description de la collection de Florimond de Ræmond publiée par Gabriel de Lurbe dans l’opuscule de 1594, alors que l’auteur mentionne la scénographie de l’hôtel de ville achevée en décembre 1594. Justus Zinzerling est le premier à en faire état en 1612.

26 Voir Philippe Tamizey de Larroque, Essai sur la vie et les ouvrages de Florimond de Raymond, Paris, Aubry, 1867 et Aurélie Plaut, De l’ethos « préalable » à l’ethos « discursif » : la construction de la figure du polémiste catholique dans les ouvrages de Florimond de Ræmond (1540 ?-1601), thèse de l’université de Tours, 2009.

27 Voir Jacqueline Boucher, « Jacques de Matignon », dans Arlette Jouanna et al. (dir.), Histoire et dictionnaire des guerres de Religions, Paris, R. Laffont, 1998, ad vocem (d’après R. Tait, The Kings Lieutenants in Guyenne (1580-1610), thèse dactylographiée, Oxford, 1977).

28 Sur ces vestiges archéologiques et leur histoire voir Georges Fabre et Pierre Sillières, Inscriptions latines d’Aquitaine. Lectoure, Pessac, Ausonius éditions, 2000, p. 59-68.

29 François de Belleforest, La Cosmographie universelle de tout le monde, 1575, I, p. 375-376 (2de pagination) : l’auteur écrit qu’il les y vit « il y a plus de 22 ans », soit avant 1553.

30 Voir Corpus Inscriptionum Latinarum, éd. par O. Hirschfeld, Berlin, 1888 et 1899, XII, p. 523, I ; XIII. i, p. 65-66.

31 Livre Blanc, Archives municipales de Lectoure, DD 2, f°237 cité par G. Fabre, op. cit. [n. 28], p. 60.

32 Jacques-Auguste de Thou, Mémoires. 1553-1601, trad. française de l’original latin, Amsterdam, 1711, p. 71-72.

33 Pièce du 4 octobre 1590 relative à des travaux (Archives municipales de Lectoure, Attestations de travaux, 1584-1591) citée par Pierre Féral, « Lectoure au xvie siècle », dans Histoire de Lectoure, Auch, Bouquet, 1972, p. 94.

34 Inscriptiones veteres collectæ a L. Sanloutio, dicto Clevalerio, Bibliothèque nationale de France, ms latin 17575, f. 195ro : « Lactoræ in Vasconia in foro ante aedes publicas quæ restauratæ sunt anno Dni. 1592 [deux inscriptions]. In columna [dix-neuf inscriptions] ». Comme il le fait lorsqu’il copie les inscriptions de l’hôtel de ville de Bordeaux, le voyageur relève les informations liées à la mise en exposition des vestiges qu’il voit sans doute sur une plaque commémorative.

35 L’ancienne halle aux grains de Lectoure, détruite en 1842, est peu documentée.

36 Pour un état de la question, voir D. Trébosc, art. cit. [n. 1].

37 Pour un état de la question sur la collection royale d’antiques à cette époque, voir D. Trébosc, art. cit. [n. 15].

38 Voir Delphine Trébosc, « Les fonctions politiques des collections royales sous Henri IV », dans Colette Nativel (dir.), Henri IV. Art et pouvoir, Rennes, Presses universitaires de Rennes – Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2016, p. 41-52.

39 D’après Honoré Bouche, La Chorographie ou description de Provence, Aix-en-Provence, C. David, 1664, t. I, p. 248 : « Jules Raimond de Soliers en son manuscrit des antiquités de cette Province […] dit que du temps du Roy François I. l’on trouva en cette ville la statuë d’un Soldat de pierre noire et tres-dure, de sept pieds de longueur ayant un baudrier avec une épée au côté gauche et un poignard au droit […]. Cette statuë fut puis apres portée à Fontainebleau ». La source mentionnée est sans doute une partie perdue des Rerum antiquarum et nobiliorum Provinciæ Commentarii. Par ailleurs, le 26 octobre 1564, lors de l’entrée de Charles IX, c’étaient des médailles d’or et d’argent que la ville d’Aix-en-Provence offrait « à la Reine » : ces médailles n’ont pas été spécialement réalisées pour l’occasion, mais achetées à un notaire (voir Maurice Raimbault, Inventaire sommaire des archives communales d’Aix-en-Provence antérieures à 1790, Marseille, Archives départementales, 1948, p. 134) ; il s’agit probablement de médailles commémoratives modernes ou de monnaies antiques.

40 Antoine Rascas de Bagarris, La Necessite de l’usage des medailles dans les monoyes […], Paris, J. Berjon, 1611, p. 9-10.

41 L’« Abrégé d’inventaire des pièces que le sieur de Bagarris a en main pour dresser un cabinet à Sa Majesté de toutes sortes d’antiquités, suivant le commandement donné audit sieur Bagarris par sa dite Majesté, tant de Bouche que par lettre du 22 mars 1602 » est transcrit dans Les Correspondants de Peiresc. Lettres inédites, éd. par Philippe Tamizey de Larroque, t. I, Genève, 1972 (réimpr. des éd. de Paris, Agen, Marseille et Aix, 1879-1897), p. 818-822.

42 Edmond Bonnaffé a recensé quatre exemplaires de cet opuscule intitulé Roolle des medalles et autres antiquitez du cabinet de Monsieur Du Perier, gentilhomme de la ville d’Aix en Provence (Edmond Bonnaffé, Dictionnaire des amateurs français du xvii e siècle, Paris, A. Quantin, 1884, p. 93). Bonnaffé dit en avoir possédé un comprenant la liste imprimée et des pièces manuscrites relatives à la vente. La Bibliothèque Inguimbertine de Carpentras conserve le catalogue imprimé de huit pages et une pièce manuscrite dans les papiers de Peiresc (ms 2095 (M 365) f. 215-218 et f. 220 : « Rolle des pieces que je mestois reservées »). Les papiers de Peiresc de la Bibliothèque nationale de France contiennent une copie manuscrite du catalogue (ms fr 9534 f. 30) ; le titre est augmenté de la mention « qui fut vendu en 1622 [sic.] aux présidents du pays qui en firent un présent au Roy ». Un exemplaire imprimé se trouve dans les papiers de Peiresc conservés à la Bibliothèque de La Haye (Peiresc, s. d., II, p. 441). Enfin, la Bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence possède (sous la cote ms (626) 1198) l’imprimé de huit pages relié avec quatorze feuillets manuscrits concernant la vente de la collection. Ces documents notariés comprennent l’acte de vente daté de février 1608 et l’attestation de l’envoi des quatre caisses à Paris daté du mois d’avril. Leur contenu correspond à celui des documents transcrits dans E. Bonnaffé, « Le catalogue de du Périer », Revue de Marseille et de la Provence, 1887, p. 21-22.

43 A. Rascas de Bagarris, op. cit. [n. 40], p. 20-24 attribue expressément la dispersion ou destruction du cabinet royal à la guerre civile.

44 Sur ce collectionneur voir Dominique Serena-Allier, « Le cabinet d’Antoine Agard » et Annie-France Laurens, « Antoine Agard dans le monde des collectionneurs méridionaux ou description d’une « jouissance » dans Le Goût de l’antique. Quatre siècles d’archéologie arlésienne, Espace Van-Gogh, Arles, 20 octobre 1990-6 janvier 1991, 1990, p. 15-23 et Antoine Agard, Discours et roole des medailles et autres antiquitez…, (Paris, 1611), texte établi, présenté et annoté par Delphine Trébosc, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007.

45 Ibid., p. 52-53, 58-59.

46 Ibid., p. 65.

47 Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, De Nummis Graecorum, Romanorum et Judaeorum (La Haye, musée Meermanno-Westreenianum, mss no 10 C 30-31), t. II, p. 489-492.

48 Voir Pierre Gassendi, Viri illustris Nicolai Claudi Fabricii de Peiresc… Vita, Paris, S. Cramoisy, 1641, p. 112 (consulté dans la trad. de R. Lassalle et A. Bresson, Paris, Belin, 1992).

49 Voir sur ce point Dominique Serena-Allier, « Les collections de l’hôtel de ville », dans Le Goût de l’antique…, op. cit. [n. 44], p. 39-41.

50 Sur les vestiges antiques comme enjeu de pouvoir, voir notamment Frédérique Lemerle, La Renaissance et les antiquités de la Gaule, Turnhout, Brepols, 2005, p. 54-56 et Gérard Caillat, « La place des monuments antiques dans l’espace public à l’époque moderne », dans Nîmes et ses Antiquités. Un passé présent xvi e-xix e siècle, éd. par V. Krings et F. Pugnière, Pessac, Ausonius éditions, 2013, p. 35-51.