Claire Madl, Petr Píša, Michael Wögerbauer, Buchwesen in Böhmen 1749-1848
Kommentiertes Verzeichnis der Drucker, Buchhändler, Buchbinder, Kupfer- und Steindrucker, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag (Buchforschung. Beiträge zum Buchwesen in Österreich, 11), 2019, 508 pages, 18 x 25 cm. [98 €] – ISBN : 978-3-447-11297-0
Cet ouvrage constitue le deuxième volume d’un projet destiné à documenter l’histoire du livre dans la monarchie des Habsbourg du milieu du xviiie siècle jusqu’à la révolution de 1848/49. Le premier volume était consacré à Vienne , celui-ci vient compléter le projet en s’intéressant non pas à Prague uniquement, mais à l’ensemble de la Bohême, un petit écart par rapport au premier volume que les auteurs justifient en soulignant qu’en Bohême se développe alors « un réseau d’acteurs dont l’objectif et le défi sont d’assurer la meilleure distribution possible des imprimés auprès de tous les habitants » ; ce réseau qui se densifie durant le siècle considéré est également une condition indispensable au mouvement national tchèque (p. xvii). En effet, en ce qui concerne le livre, la Bohême doit être abordée comme un tout au sein duquel il y des échanges constants entre la capitale et le pays, une situation qui s’explique par la mobilité des entreprises du livre (p. xvi).
L’ouvrage s’organise en trois grandes parties : la première (p. 1-241) recense et présente les entreprises du livre, la deuxième (p. 243-469) les acteurs individuels, c’est-à-dire les professionnels du marché du livre et la troisième (p. 471-488) est un registre des noms de lieux qui fait le pont entre les deux premières parties. Ces trois parties sont précédées d’une introduction (p. vii-xx) qui présente les grandes caractéristiques et la topographie du marché du livre en Bohême, en esquisse le cadre historiographique et les sources et explique la méthode adoptée. Les sources manuscrites, les sources en ligne et les sources imprimées sont répertoriées dans la bibliographie qui clôt le volume (p. 489-508).
L’introduction offre une entrée fort éclairante dans le sujet. Les auteurs définissent le marché du livre en Bohême comme « un carrefour où les courants intellectuels, les événements et les pratiques culturelles sont diffusés, transformés, s’élaborent et se développent grâce à l’imprimerie » ; ce marché n’est nullement indépendant des facteurs économiques et de la régulation mise en place par les autorités et la proximité de grands centres régionaux du marché du livre tels que Leipzig se révèle décisive (p. vii). Les auteurs soulignent la grande vitalité du marché du livre puisqu’on recense 400 entreprises à Prague et plus de 400 hors de Prague (p. vii). Justifiant la délimitation chronologique retenue, ils rappellent que l’année 1749 est celle du début de profondes réformes entreprises par Marie-Thérèse et que celles-ci, qui visent à mettre en place un appareil d’État efficace, passent aussi par le contrôle exercé par l’État sur l’éducation et la culture du livre (p. vii). Quant à l’année 1848, elle constitue une évidente césure qui concerne également le marché du livre et sa régulation : le contrôle de l’État marque un peu le pas, la censure préventive est abolie et les instruments de régulation économique relative à la distribution des livres évoluent. En outre, après 1848, la différenciation se creuse entre marché du livre tchèque et marché du livre allemand (p. viii).
La période 1749-1848 voit le marché du livre se développer à une vitesse vertigineuse, avec des innovations, parmi lesquelles la lithographie, inventée par le Praguois Alois Senefelder, qui se développe dans les années 1820 et permet de réduire les coûts des illustrations insérées dans les livres (p. ix). L’évolution la plus marquante est cependant liée au lectorat : le nombre de lecteurs s’accroît avec le recul de l’analphabétisme (p. ix) et l’introduction de l’école obligatoire en décembre 1774 (p. x) ; par ailleurs, la dimension internationale du marché du livre en Bohême est favorisée par l’ouverture linguistique des élites locales (p. x). Un autre phénomène notable est la naissance d’un espace public moderne, indépendant des universités, de l’Église et des cours aristocratiques (p. x).
Parmi les acteurs recensés dans la deuxième partie, les auteurs soulignent le rôle particulier des relieurs, qui avaient le droit de vendre les ouvrages qu’ils avaient eux-mêmes reliés, ainsi que celui des graveurs, indispensables pour l’industrie du livre (p. xvi). L’analyse prosopographique dépasse donc le groupe social des propriétaires d’entreprises et s’intéresse à une large palette d’acteurs qui inclut facteurs, apprentis, commis, coursiers (p. xviii).
Le lecteur curieux pourra butiner d’une notice à l’autre et se plonger ainsi dans l’univers du livre à Prague et en Bohême aux xviiie et xixe siècles. Le chercheur spécialiste – non seulement du livre, mais tout chercheur s’intéressant à l’histoire culturelle des Pays tchèques de cette période – trouvera quant à lui dans cette prosopographie raisonnée de précieuses informations pour identifier bien des noms croisés dans ses recherches, ainsi que matière à de nouvelles recherches.