Le Bouillon du Mendiant ingrat de Léon Bloy
Merci à Nadine Fettweis, Catherine Gravet, Michel Brix, Benoît Galland et Pascal Lebrun.
Le 7 février 1908, Léon Bloy (1846-1917) écrit à l’éditeur belge Edmond Deman1 (1857-1918) qu’il vient d’apprendre que le premier volume de son journal, Le Mendiant ingrat, publié par ses soins à Bruxelles au début du mois de mai 18982, est soldé, alors qu’il s’apprête justement à lui en demander quelques exemplaires. Il ajoute3 :
[…] Cette nouvelle m’afflige beaucoup.
Si vous m’aviez fait connaître votre intention, j’aurais pu faire acquérir le bouillon par le Mercure de France & ce beau livre n’aurait pas été perdu. Que faire maintenant ?
[…] Si du moins on connaissait l’acquéreur, on pourrait encore essayer de s’arranger avec lui.
La dernière phrase ne manque pas de piquant, comme si Deman, propriétaire du livre, ne connaissait pas l’acquéreur potentiel, la Société du Mercure de France dirigée par Alfred Vallette ! Manière alambiquée de faire comprendre à Deman que lui, Bloy, est au courant des transactions et marque son désir de récupérer quelques exemplaires au passage.
Bloy est plus clair dans le résumé de la lettre, qu’il rédige dans son journal intime : « [Deman] aurait dû m’avertir. J’aurais essayé de faire acheter le bouillon par Vallette »4.
Dans cette histoire de rachat du bouillon5 du Mendiant ingrat, Bloy ne recopie dans son journal intime aucune correspondance mais signale simplement les lettres envoyées et reçues. Dans le journal édité, toute l’affaire est passée sous silence. Ce qui semble bien normal. Il n’y a aucune raison que le commun des mortels connaisse le tirage du livre, le nombre d’exemplaires vendus et les tractations pour le rachat de son bouillon.
Le 11 février, Bloy reçoit la « réponse […] de Deman. Le Mendiant n’est pas soldé et il [lui] envoie des exemplaires. Il consentirait à céder ce qu’il reste au Mercure »6.
Le lendemain, jouant Monsieur Bons Offices, Bloy transmet à Alfred Vallette cette réponse de Deman mentionnée dans le journal intime mais dont nous ne retrouvons pas la lettre originale. En revanche, nous avons pu consulter la lettre à Vallette qui l’accompagne :
Paris-Montmartre, 12 rue Cortot
12 février 1908
Mon cher Vallette,
Je vous communique une lettre de Deman qui pourra vous intéresser. Vous m’avez dit plusieurs fois, jadis ou naguère, que vous aimeriez à centraliser mes livres au Mercure. La série autobiographique dont vous avez déjà publié 2 volumes7, en attendant un 3e qui sera prêt dans deux mois8, laquelle série sera peut-être la partie la plus recherchée de mon œuvre, se trouverait chez vous au complet, par l’acquisition du Mendiant ingrat.
L’occasion se présente. La menace du pilon est désolante pour moi & singulièrement encourageante pour l’acquéreur qui n’aurait, dès lors, qu’à se baisser pour en prendre. Décidez.
En tout cas, gardez-moi cette lettre, je vous prie. Elle pourra m’être utile.
Votre
Léon Bloy9
Bloy est un peu incohérent : si le bouillon est pilonné, il n’y a plus rien à prendre en se baissant ! À la même date, c’est-à-dire le 12 février, mais portant le cachet d’arrivée de la poste du 14, donc très vraisemblablement réceptionnée en même temps ou après la précédente, Bloy envoie une carte de visite à Deman pour le remercier de l’envoi de cinq exemplaires du Mendiant. Il fait savoir également à l’éditeur belge qu’il est au courant des tractations entre lui, l’éditeur, et Alfred Vallette10 :
[…] Vallette est avisé de vos intentions & je pense qu’il va vous écrire.
[…]
Si le Mercure ne se décidait pas & que vous en vinssiez à la déplorable extrémité de mettre ce beau livre au pilon, donnez-moi la préférence pour un nombre indéterminé d’exemplaires. Avisé à temps, je paierai volontiers l’expédition.
Il est toujours question de pilon et de tractations avec le Mercure. Quant à Bloy il est prêt à sauver des exemplaires du pilonnage, mais il reste prudent quant à la somme à engager pour les frais d’expédition.
Le 16 février 1908, Alfred Vallette notifie à Léon Bloy la reprise par le Mercure de France des 1100 exemplaires du bouillon du Mendiant ingrat à deux conditions. L’une concerne l’auteur, l’autre l’éditeur11 :
1° Ces 1100 volumes sont exempts de droit d’auteur. Je veux dire que ce que nous achèterions, ce sont des livres sur lesquels le droit d’auteur a été payé.
2° Il faut que Deman consente à ce que nous changions le titre et la couverture comme s’ils s’agissait d’une couverture nouvelle. S’il n’était resté que deux ou trois cents exemplaires, nous pourrions nous contenter de les cataloguer, mais pour un tel nombre, nous ne nous en tirerons qu’en remettant en vente.
Rappelons que le tirage du livre est de 1500 exemplaires12, plus 300 exemplaires de passe dont 50 pour l’auteur et jusqu’à 100 exemplaires sur beaux papiers (japon et hollande). Donc environ 400 exemplaires du tirage ordinaire et, sans doute, quelques exemplaires sur beaux papiers sont vendus en dix ans, les exemplaires de passe et des beaux papiers distribués à des journalistes, à des amis et connaissances et à des personnes – pense souvent naïvement Bloy – pouvant être utiles à la diffusion du livre13.
Pour tout dire, le livre ne se vend pas. D’ailleurs, à peine un an après sa parution, Edmond Deman envisage déjà des solutions assez radicales pour écouler le bouillon. Le 25 septembre 1899, il écrit en effet à Bloy14 :
Vous me parlez de l’insuccès du « Mendiant » : cet insuccès mercantile ne m’a pas découragé, car il me paraissait, dès le point de départ, très vraisemblable : je crois vous l’avoir dit vers l’époque même de la première lecture du ms.
Afin de rendre possible l’écoulement du « stock » fort considérable, je compte en faire, soit une émission nouvelle, avec couverture et titre modifiés, dans la forme typographique seul[emen]t, bien entendu, – soit cession à un éditeur qui ferait des titres et des couvertures à son nom.
Mais nous sommes maintenant près de dix ans après la sortie du Mendiant, au début de mai 1908. Devant les exigences de Vallette, Bloy doit comprendre que les parties sont d’accord et dans un courrier du lendemain, 17 février, renonce sans sourciller à tout droit d’auteur et, tant qu’à faire, demande dans la foulée… 25 exemplaires pour ses œuvres15 « à titre de gratification » ! Curieuse manière pour un éditeur de récompenser un auteur qui ne se vend pas : une gratification !
Aucune difficulté de mon côté. Je n’ai pas pensé une minute à des droits d’auteur.
[…]
Si vous pouvez conclure, chose probable, étant donnée la très bonne volonté de Deman, je vous demanderais seulement, à titre de gratification ; vingt cinq (25) exemplaires du « Mendiant » pour distribuer à mes pauvres.
Enfin, le 20 février 1908, Vallette annonce à Bloy :
C’est chose entendue avec Deman. Il me fera l’expédition petite vitesse la semaine prochaine. Je ferai un nouveau titre et une nouvelle couverture, et nous remettrons le volume en vente. Il y a des chances pour que nous touchions une clientèle qui n’a pas été atteinte par Deman16.
Ainsi dix ans après sa sortie de presse trouve-t-on bientôt des exemplaires de l’édition originale du Mendiant ingrat recouverts de la couverture jaune ornée du casque ailé et, en filigrane, du caducée du Mercure de France avec le millésime 190817. Le troisième double feuillet du premier cahier, c’est-à-dire le feuillet de titre – identique à la couverture avant, mais sans le caducée en filigrane – et de dédicace est remplacé, tandis que le feuillet de faux titre originel, avec en son verso la justification de l’édition Deman et la signature de l’auteur, est conservé. Ainsi disparaissent l’adresse et la belle marque typographique dessinée par Fernand Khnopff pour l’éditeur Edmond Deman.
Le premier cahier comprend un feuillet de 8 pages dans lequel s’insère un feuillet de 4 pages, soit au total 12 pages. À ce cahier, nous avons donné entre crochets une pagination fictive depuis la première page, les pages de l’édition étant chiffrées seulement à la quatorzième page en commençant par douze à cette quatorzième page.
Les exemplaires « Deman » ont-ils tous été brochés lors de l’impression en 1898, ou une partie d’entre eux est-elle restée en feuilles ? Nous possédons un exemplaire défraîchi de l’édition « Mercure » où de petits manques au dos de la couverture jaune laissent voir des reliquats de la couverture brune du « Deman ». Difficile de croire que les manipulations nécessaires pour transformer un exemplaire « Deman » en un exemplaire « Mercure » – décoller la couverture, détacher le premier cahier, remplacer le feuillet intérieur de quatre pages, coller la nouvelle couverture – ne laissent pas de traces visibles, même légères. Nous sommes donc tenté de penser que lors de la cession du bouillon de nombreux exemplaires sont encore en feuilles, c’est-à-dire non pliés et non brochés.
Preuve en sont les mentions fictives d’édition à la couverture avant et à la page de titre sur des exemplaires de l’édition « Deman » que nous avons découverts : « DEUXIÈME ÉDITION » et « QUATRIÈME ÉDITION »… Ces mentions ne peuvent être imprimées sur l’ouvrage broché, mais seulement sur la couverture et sur le feuillet du premier cahier non pliés. Ces mentions fictives sont là pour faire croire que le livre se vend bien et inciter ainsi à l’achat. Et le fait que nous n’ayons pas trouvé une « troisième édition » ne signifie rien, Deman peut très bien passer directement de la mention « deuxième édition » à la mention « quatrième édition » pour faire croire encore plus au succès du livre.
Lors de la rédaction de la bibliographie des Publications de la Librairie Deman18, nous avons qualifié l’édition « Mercure » de troisième émission du livre, réservant la mention deuxième émission au seul exemplaire alors retrouvé portant la mention « deuxième édition ». Depuis, nous avons acquis un autre exemplaire avec la même mention et un exemplaire avec la mention « quatrième édition ». Nous croyons qu’il faut réserver la qualification de seconde émission aux exemplaires de l’édition originale de 1898 portant une couverture et un titre de relais, en l’occurrence ceux du Mercure de France avec le millésime 1908.
À propos de l’édition du Mendiant ingrat, l’histoire de la signature des exemplaires mérite d’être racontée : elle illustre l’art de se compliquer la vie. Comme on va le voir, Bloy, dépassé par ses caprices, empoisonne la vie de son entourage et se rend insupportable.
Suivant l’article 6 du traité signé entre Bloy et Deman le 15 juillet 1897, tous les exemplaires doivent être paraphés par l’auteur. Deman doit commencer à percer peu à peu le caractère difficile de son correspondant. Pour ce qui regarde le contrôle de la vente, il peut dormir en paix, tous les exemplaires passent entre les mains de l’auteur pour être signés par lui. Non, pas tous, car nous avons acquis, avec la mention fictive « deuxième édition », un exemplaire non signé par Bloy ! Mais c’est bien le seul que nous connaissons.
Revenons à ce fameux article 6. Le voici19 :
– M. Deman adressera tous les faux-titres des exemplaires à M. Bloy, afin que celui-ci y mette sa griffe et que l’auteur soit ainsi garanti quant à l’exactitude du tirage annoncé. […] Cette marque sera faite de façon à ne pas nuire à l’aspect du livre ; aucun exemplaire ne pourra être vendu ni donné qui ne la porterait.
Le 2 mars 1898, l’impression de l’ouvrage traînant, Bloy revient sur le sujet dans une lettre à l’éditeur20 :
Autre chose. Il a été convenu que je mettrais ma griffe sur les faux-titres.
Verriez-vous quelque inconvénient à utiliser pour cet objet la griffe qui m’a servi déjà pour la justification du tirage de la « Femme pauvre »21 & de la « Chevalière de la mort » ?22 Vous l’avez remarquée, sans doute. Elle n’est pas laide & ne saurait nuire à l’aspect du livre.
Répondez-moi, je vous prie sur ce point.
Deman répond le 4 suivant23 :
Votre griffe (Femme pauvre) peut parfaitement servir – vous recevrez tous les faux-titres en un colis postal.
Par griffe « pour la justification du tirage de la “Femme pauvre” & de la “Chevalière de la mort” », et, par la suite, les autres livres de Bloy édités au Mercure de France, il faut comprendre le cachet-monogramme rond d’un centimètre de diamètre, dessiné par l’écrivain et imprimé en couleur brique au bas de la justification, avec ses initiales au centre entourées d’une citation biblique en latin : Expectans expectavi (Ps. 40, 2 : « J’ai attendu, et je ne me suis pas lassé d’attendre »).
Christian Laucou nous explique l’usage de ces marques de justification de tirage au Mercure de France :
Les marques de justification de tirage se trouvent sur les pages où sont annoncés les différents papiers utilisés pour les exemplaires de tête ou de luxe de l’édition. Elles remplacent, pour les exemplaires ordinaires, la numérotation, ou même une absence totale de numérotation. […] Ces marques sont le plus souvent de belles vignettes typographiques, parfois des chiffres ou monogrammes, plus rarement des initiales typographiées et encore plus rarement des marques manuscrites. Une marque n’est employée que par un seul auteur, mais rien n’empêche un auteur d’utiliser plusieurs marques ou même de ne pas en avoir du tout […]24.
Mais l’accord de son éditeur de mettre cette « griffe » développe chez Bloy l’esprit de contradiction. Le 8 avril 1898, il y renonce25 :
Décidemment, je signerai les exemplaires au lieu d’y mettre ma griffe. Ce sera à peine moins long, &, sans contredit, préférable à tous les points de vue. Quinze cents signatures, en tenant compte de toutes les précautions à prendre ne peuvent pas demander plus de 2 jours, & ce procédé ne m’exposera pas à gâcher un certain nombre d’exemplaires ce qui m’arriverait indubitablement, dans l’autre cas.
Nous ne pouvons tout raconter ici en détails, car avec Léon Bloy, tout se complique facilement. Ainsi, lorsque la première feuille non pliée où se trouve la page de justification doit être signée par Bloy, celui-ci parle en grinçant les dents du « travail charmant de la signature des 1500 [sic] exemplaires »26.
La signature des exemplaires, le retard de livraison de plusieurs jours, le manque d’argent pour payer les frais de transport depuis la gare, la caisse qui ne pèse pas moins de 35 kg27, toutes ces contrariétés rendent Bloy littéralement malade, alors que Deman n’est responsable ni du retard de livraison ni « du travail charmant de la signature ».
La lettre de Deman du 20 avril 1898 commence par les mots : « Que voulez-vous et qu’y puis-je ? » à propos des tribulations ferroviaires. Pour la signature, l’éditeur enfonce le clou28 :
Ce n’est pas 1500 mais 1800 f[ois] que vous allez avoir à signer (la passe comprise) : qu’y puis-je encore ? Vous avez implicitement marqué votre souhait d’une « garantie » dans le mode qui vous a semblé le meilleur et j’ai souscrit à votre choix. Il ne reste qu’à nous incliner tous deux… et précipiter le mouvement autant qu’il se pourra faire.
C’en est trop pour Bloy. Alors, selon un rituel bien établi, c’est Madame Léon Bloy qui répond. Faisons semblant d’y croire. Si Bloy ne dicte pas, il doit au moins relire. Bref, elle calme le jeu, soutient son mari et sobrement réclame de l’argent pour payer les frais de douane et autres.
Nous citons largement29 :
Je ne suis pas une inconnue pour vous, puisque vous êtes l’éditeur du « Mendiant ingrat » – je suis donc tout-à-fait à mon aise pour vous écrire. Ce n’est que ce matin que nous avons reçu l’avis du colis si impatiemment attendu. Pour ne pas perdre un instant mon mari – quoique fort malade – s’est rendu à la gare du Nord qui est à une distance énorme de l’endroit que nous habitons. […] Léon Bloy a été forcé de rentrer sans résultat, n’ayant ni le moyen de retirer le colis ni de prendre une voiture pour l’emporter, car la douane n’envoie rien à domicile hors de Paris. Il prévoit d’ailleurs de nouveaux frais, lorsqu’il lui faudra vous renvoyer le colis.
Je connais la patience de mon mari, mais je sais que quand il est exaspéré hors mesure, il ne marche plus, et c’est pour vous informer de cet état de choses, que je vous écris. Je suis habituée à la vie littéraire depuis mon enfance, et il m’étonne, Monsieur Deman, que vous laissiez un pauvre écrivain dans un embarras pareil. Si vous ne voulez pas perdre vos premières feuilles il faut mettre Léon Bloy en état de se débrouiller – vous pouvez le faire par télégraphe30 – et bien qu’étant fort souffrant, il agira tout de suite31.
Devant un véritable chantage – « Si vous ne voulez pas perdre vos premières feuilles il faut mettre Léon Bloy en état de se débrouiller » – Deman s’exécute. Bloy lui écrit alors une lettre pour s’expliquer. Sa femme a réussi « à [lui] procurer le moyen d’en finir ». Lisez : « à lui procurer de l’argent ». D’ailleurs Deman n’est-il pas en tort, lui aussi ? La dernière phrase est magnifique.
Ma femme a fort bien fait de vous écrire & la preuve, c’est qu’elle a instantanément réussi à me procurer le moyen d’en finir. Ayant les mêmes intérêts que moi, je m’étonne que dans votre réponse arrivée ce matin, vous n’ayez pas exprimé votre reconnaissance. Moi, j’aurais écrit des choses violentes & sans doute fort injustes, puisque j’étais exaspéré.
Pourquoi tenez-vous tant à paraître irréprochable, alors que, de très bonne grâce, je m’avoue fragile ?32
Après la gratification, la reconnaissance. Traduisez « je m’avoue fragile » par « capable de tout ». Et dans la même lettre, de très mauvaise foi, il revient à la signature :
Il est inexact que j’aie réclamé cela. Il n’est pas dans mon caractère de réclamer tant de « garantie ». Souvenez-vous que je vous ai offert de vous envoyer le cliché, aimant mieux m’en rapporter à vous que de supporter un pareil labeur. Vous avez voulu absolument qu’aucun soupçon ne fût possible & c’est pour abonder dans votre sens que j’ai décidé de signer, le cliché toujours imitable n’étant pas une garantie sérieuse.
Ce n’est pas encore cette fois que l’on pourra prendre Bloy en défaut !
Cette signature de Bloy peut prêter à confusion quant à l’identification du papier de l’exemplaire qu’on examine. Tous les exemplaires étant signés par Bloy juste en-dessous de la justification imprimée laissent croire à un exemplaire de tête signé par l’auteur. Si on ne peut se tromper devant un exemplaire sur papier japon, le tirage courant est imprimé sur un beau papier vergé qui peut passer pour du vergé de Hollande. Les meilleurs experts sont tombés dans le piège. Les exemplaires de tête sont signés par Léon Bloy et numérotés et paraphés (E.D.) à la main par l’éditeur Edmond Deman.
Fig. 4. Léon Bloy, Le Mendiant ingrat (Journal de l’auteur. 1892-1895).
Bruxelles, Edmond Deman, 1898. Édition originale.
Exemplaire avec la mention fictive « DEUXIÈME ÉDITION » et la signature de l’auteur à la justification.
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1 Voir Adrienne et Luc Fontainas, Edmond Deman éditeur (1857-1918). Art et édition au tournant du siècle, préf. Alan Raitt, Bruxelles, Labor, 1997, et Denis Laoureux (éd.), Impressions symbolistes. Edmond Deman, éditeur d’art, Catalogue d’exposition, Namur, Musée Rops, 2011.
2 Léon Bloy, Le Mendiant ingrat (Journal de l’auteur. 1892-1895), Bruxelles, Edmond Deman, 1898. Cf. Adrienne et Luc Fontainas et Émile Van Balberghe, Publications de la Librairie Deman. Bibliographie, préf. François Chapon, Bruxelles, Archives et Musée de la Littérature, 1999, p. 162-172.
3 Léon Bloy, lettre à Edmond Deman, Paris-Montmartre le 7 février 1908 : extraits (Bruxelles, Archives et Musée de la Littérature [dorénavant AML], ML 6750 : originale).
4 Léon Bloy, Journal inédit. T. 4 : 1908-1911, éd. Marianne Malicet et Joseph Royer, dir. Michel Malicet, Pierre Glaudes et Joseph Royer, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2013, p. 44.
5 Bouillon : « Ensemble des exemplaires invendus d’une publication » (Trésor de la langue française informatisé).
6 Idem [n. 4], p. 45-46.
7 Léon Bloy, Mon journal. Pour faire suite au Mendiant ingrat. 1896-1900. Dix-sept mois au Danemark. Paris, Société du Mercure de France, 1904, et Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne (pour faire suite au Mendiant ingrat et à Mon journal). 1900-1904. Paris, Société du Mercure de France, 1905.
8 Léon Bloy, L’Invendable. Pour faire suite au Mendiant ingrat, à Mon journal et à Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne. 1904-1907. Avec deux gravures. Paris, Mercure de France, 1909. Les deux mois sont devenus plus d’un an… L’achevé d’imprimer est du 10 juin 1909.
9 Léon Bloy, lettre à Alfred Vallette, Paris-Montmartre le 12 février 1908 (nous éditons la lettre entière, car nous en ignorons la localisation actuelle alors que nous avons pu la suivre de 2008 à 2012 chez des confrères français et la transcrire : Catalogue à prix marqués, no 4. La Fresnaie-Fayel, Librairie d’Otrante, [2008], n° 24, fac-sim. ; Catalogue à prix marqués pour les salons de Lille et de Saint-Germain-en-Laye. La Fresnaie-Fayel, Librairie d’Otrante, novembre 2008, no 19 ; Catalogue à prix marqués. Paris, Librairie Pierre-Adrien Yvinec, printemps 2009, no 4bis, fac-sim. ; Paris, Librairie Laurent Coulet (vu sur l’internet en 2012).
10 Léon Bloy, carte de visite à Edmond Deman, le 12 février 1908 (cachet d’arrivée de la poste : 14 février 1908) : extraits (collection personnelle : originale).
11 Alfred Vallette, lettre à Léon Bloy, Paris le 16 février 1908, extrait (La Rochelle, Médiathèque, Patrimoine, Fonds Bollery, Ms. 2755 : copie dactylographiée).
12 On parle parfois d’un tirage de 1 200 exemplaires. En réalité, il est de 1 800 exemplaires, passe comprise. Voir plus loin, la lettre de Deman à Bloy du 20 avril 1898.
13 Par deux fois, Bloy communique à Deman la liste des heureux élus du service de presse : lettres du 13 et 20 mai 1898 (Bruxelles, AML, ML 6750 : originales).
14 Edmond Deman, lettre à Léon Bloy, Bruxelles le 25 septembre 1899, extrait (La Rochelle, Fonds Bollery, Ms. 2758/8 : copie dactylographiée).
15 Léon Bloy, lettre à Alfred Vallette, Paris le 17 février 1908, extrait (idem, Ms. 2755 : copie dactylographiée).
16 Alfred Vallette, lettre à Léon Bloy, Paris le 20 février 1908, extrait (idem).
17 Et non du pétase comme, précédés par d’autres, nous l’affirmions dans A. et L. Fontainas et É. Van Balberghe, op. cit. [n. 3], passim. Avec précision, Michel Fincœur corrige : « En 1882, à propos de la toile de Velasquez Mercure et Argos, Théophile Gautier écrit, dans son Guide de l’amateur au musée du Louvre : “Quel accent féroce prennent sur le ciel orageux les deux ailes du pétase dont est coiffé Mercure” (p. 286). Depuis lors, nombreux sont ceux qui confondent le casque ailé mercurien et le pétase hermaïque, oubliant comme Gautier que le pétase est un chapeau, de paille ou de feutre, plat à large bord pour s’abriter et du soleil et de la pluie. Hermès voyageur est d’ailleurs souvent représenté avec pétase et manteau. Toutefois, la marque d’éditeur du Mercure de France est bien un casque ailé, au bord court, ainsi qu’Aubin-Louis Millin le décrit, en 1806, dans son Dictionnaire des beaux-arts : “Mercure, tenant une patère d’une main et le caducée de l’autre. On voit dans le fronton un coq, un bélier, un caducée, un casque ailé, et une bourse, symboles qui tous sont des attributs de ce dieu, auquel ce temple étoit consacré.” (T. 2, p. 47.) On peut lire sur le site même de la maison d’édition que l’on représente Mercure “souvent coiffé d’un casque orné de deux ailes et tenant un caducée […]”. » (Michel Fincœur, Un éditeur sous l’Occupation. Louis Gérin et la N.R.B, introd. Paul Aron, Mons, Université de Mons, Service de Communication écrite, 2019, p. 159, n. 2).
18 A. et L. Fontainas, et É. Van Balberghe, op. cit. [n. 3], p. 162-172.
19 Contrat signé par Edmond Deman (La Rochelle, Fonds Bollery, Ms. 2744 : copie manuscrite). En réalité la « griffe » se trouve à la justification au verso du faux-titre, p. [4].
20 Léon Bloy, lettre à Edmond Deman, Grand Montrouge le 2 mars 1898 : extrait (Bruxelles, AML, ML 6750 : originale).
21 Léon Bloy, La Femme pauvre. Épisode contemporain, Paris, Société du Mercure de France (Poitiers, Blais et Roy ; à la couverture arrière : Paris, Imp. C. Renaudié), 1897 (achevé d’imprimer : 15 mai 1897), avec 2 feuillets non chiffrés sur papier rose (Extrait du catalogue).
22 Il s’agit de la deuxième édition, celle du Mercure : Léon Bloy, La Chevalière de la mort. Paris, Société du Mercure de France (Imprimerie Vve Albouy), 1896 (achevé d’imprimer : 20 mai 1896).
23 Edmond Deman, lettre à Léon Bloy, Bruxelles le 4 avril 1898, extrait (La Rochelle, Fonds Bollery, Ms. 2758/8 : copie dactylographiée).
24 Christian Laucou, Justification de tirage du Mercure, Paris, Éditions du Fourneau, 1991, non paginé.
25 Léon Bloy, lettre à Edmond Deman, Grand-Montrouge, le 8 avril 1898 : extrait (Bruxelles, AML, ML 6750 : originale).
26 Léon Bloy, lettre à Edmond Deman, Grand-Montrouge le 19 avril 1898 : extrait (idem).
27 Pour signer à la page de justification, Bloy reçoit – non plié – tout le tirage à 1 800 exemplaires du premier feuillet du livre qui comprend 8 pages, soit l’équivalent de 14 400 pages, c’est-à-dire près de 38 exemplaires du Mendiant ingrat qui compte 454 pages. Un exemplaire pèse un peu plus de 750 gr. Donc la fameuse caisse pèse 38´750, soit 28 kg 500 auquel il faut ajouter l’emballage dont la caisse… On est bien près des 35 kg.
28 Edmond Deman, lettre à Léon Bloy, Bruxelles le 20 avril 1898, extrait (La Rochelle, Fonds Bollery, Ms. 2758/8 : copie dactylographiée).
29 Jeanne Léon Bloy, lettre à Edmond Deman, Grand-Montrouge le 20 avril 1898 : extrait (Bruxelles, AML, ML 6750 : originale).
30 Allusion au fait que le premier argent payé par Deman à Bloy – 200 frs d’avance sur le Mendiant ingrat – est envoyé par mandat télégraphique le 10 novembre 1896. Cf. Léon Bloy, lettre à Henry de Groux, Grand Montrouge le 10 novembre 1896 (Correspondance Léon Bloy et Henri de Groux, préf. Maurice Vaussard. Paris, Bernard Grasset, 1947, p. 295).
31 Léon Bloy, lettre à Edmond Deman, Grand-Montrouge le 20 avril 1898 : extrait (Bruxelles, AML, ML 6750 : originale).
32 Léon Bloy, lettre à Edmond Deman, Grand-Montrouge le 22 avril 1898, extrait (idem).