Marie Champion et la Biblioteca de Catalunya. Une femme dans la Librairie familiale pendant la Grande Guerre
Cette étude s’inscrit dans les travaux du Groupe de Recherche Textos Literaris Contemporanis (TEXLICO) de l’Université de Vic – Université Centrale de Catalogne. Pour faciliter la lecture des textes nous avons corrigé les quelques fautes d’ortographe, la ponctuation et, éventuellement, quelques hispanismes que l’on rencontre dans les textes écrits en français par les Catalans. Ces corrections ne modifient ni ne dénaturent en rien le sens des textes originaux. Par ailleurs, je voudrais remercier vivement Mme Bernadette Potez Pichot pour la version française de cet article et les nombreuses améliorations qu’elle y a apportées.
1. La Librairie Champion et ses liens avec l’Institut d’Estudis Catalans
L’Institut d’Estudis Catalans (Institut d’Études Catalanes ou IEC) fut fondé en 1907 par la Diputació (Conseil Général) de Barcelone ; il avait pour but de normaliser la recherche en Catalogne, de favoriser le choix de sujets catalans et de l’élever au niveau de la recherche que menaient à cette époque d’autres cultures européennes. Pour atteindre son premier objectif, l’Institut commença par bâtir une Bibliothèque (qui, dès 1914, sera appelée Biblioteca de Catalunya) de façon à créer un centre de référence et d’importance internationale. Pour répondre aux autres objectifs, l’IEC développera plusieurs stratégies : la publication de livres, l’échange de publications avec d’autres sociétés étrangères et, de plus, il établira des relations avec des libraires qui « représentaient » l’institution et en diffusaient les publications dans les principales capitales européennes. La première et la plus durable de ces « représentations » de l’IEC en ses premières années fut la librairie et maison d’édition d’Honoré Champion, à Paris.
Nous avons déjà traité dans un autre article de cette relation qui s’étendit de 1909 à 19361. La Librairie Champion est le type même d’entreprise fortement engagée dans la recherche érudite sur des thèmes humanistes. Ce n’était pas une simple librairie mais un centre de relations et de rencontre pour les intellectuels et académiciens. Frédéric Barbier a fait état de la condition dynamisatrice des études historiques et il a présenté cette librairie et maison d’édition en exemple des éditeurs qui jouaient un rôle d’« intermédiaire savant » entre les sociétés académiques et le public2. C’est en 1874 qu’Honoré Champion, son fondateur, s’était lancé dans ce commerce et spécialisé dans les sujets historiques en complétant la vente de livres, neufs et d’occasion, par l’édition d’œuvres érudites et de grandes collections ou de grandes revues, bien souvent en collaboration avec des institutions et des sociétés savantes françaises et europénnes.
Il existe à Roubaix, aux Archives nationales du monde du travail (ANMT), un fonds documentaire sur la Librairie Champion qui conserve la correspondance de cette entreprise de 1874 à 19123. Lors de nos consultations, nous avons pu mesurer l’importance de la librairie par les contacts commerciaux suivis qu’elle maintenait avec d’autres libraires, bibliothèques et institutions académiques à travers toute l’Europe et l’Amérique, et par les commandes les plus difficiles et les livres pratiquement introuvables qui lui étaient demandés et qu’elle arrivait à leur fournir4.
Le modèle de librairie et maison d’édition de Champion se présentait donc comme un allié idéal pour les objectifs de l’Institut d’Estudis Catalans puisque, d’une part, il faisait connaître au monde intellectuel parisien la recherche et les publications scientifiques catalanes et que, de l’autre (et comme nous le verrons ici), il pourvoyait la Biblioteca de Catalunya d’une bibliographie internationale qui lui permettrait de s’agrandir. La relation avec Champion était donc, pour les Catalans, hautement stratégique.
Honoré Champion (1846-1913) et son épouse Henriette Émélie Antoinette (née Gérard) eurent, semble-t-il, six enfants mais nous n’en connaissons vraiment que trois : Pierre Champion (1880-1942), archiviste et paléographe formé à l’École des chartes, qui se consacra aux études historiques et à la politique ; Édouard Champion (1882-1938), qui prit en charge l’affaire familiale et se distingua comme bibliophile, historiographe de la Comédie française et auteur d’essais sur plusieurs écrivains contemporains ; et Marie Champion, la sœur aînée (1875-1925), liée elle aussi à l’affaire familiale et dont nous ne savons, malheureusement, que peu de chose5.
En 1905 Honoré Champion fit entrer son fils Édouard dans la librairie. En fait, ce fut celui-ci qui s’occupa surtout de la relation avec l’IEC, qui débuta en 1909, bien que le père, Honoré, intervînt parfois directement. Indirectement, nous savons que Marie avait commencé à y travailler aussi lorsque son père était encore en vie6. Cela signifie qu’elle participait déjà au commerce familial au moins depuis avant 1913. Cependant, comme il était habituel à cette époque dans le cas du travail des femmes et bien qu’elle fût l’aînée, son travail était probablement invisible, sans relation directe avec les clients.
Lorsque la Grande Guerre éclata, en 1914, les fils Champion furent mobilisés et c’est leur sœur Marie qui poursuivit les relations avec l’IEC. Nous nous intéresserons pour l’instant à cette période particulière.
2. Une étape particulière de cette relation : la Première Guerre mondiale
a. Les années de la Grande Guerre. La relation avec Marie Champion
L’analyse de la collaboration entre ces institutions pendant la Première Guerre mondiale est très intéressante car – si nous mettons de côté les difficultés de tous ordres qui se présentaient tant en qui concernait la pénurie que les transports, la gestion, les communications, etc. – la relation tourne autour de la figure de Marie Champion, la sœur, qui prit par force les rênes du commerce et, à force d’efforts et de dépassement de soi, permit à la maison de survivre à des temps troublés. Son intervention apporta en outre un souffle de sensibilité au caractère commercial de la relation et y introduisit des éléments de type personnel. Outre l’intérêt que cette personnalité féminine peut avoir en elle-même, l’analyse de cette période montre quelques-unes des vicissitudes par lesquelles on dut passer à l’arrière du front et la façon dont le caractère bien trempé de certaines femmes sauva la continuité d’une entreprise consacrée au commerce et à l’édition de livres de haute culture et érudition à Paris7.
Malheureusement, les archives de la maison d’édition Champion de cette époque n’ont pas été sauvegardées et nous ne comptons donc que sur la correspondance conservée à Barcelone, et uniquement en ce qui concerne sa relation avec l’IEC. Nous ne savons non plus rien d’autre sur la personne de Marie, ni même si d’autres sources pourraient permettre de mieux reconstruire son activité au cours de ces années de guerre.
Quand Édouard Champion s’engagea pour partir au front, il éprouva le besoin de le faire savoir aux membres de l’IEC et leur envoya une carte postale (10/08/1914) dans laquelle il expliquait que la commande qu’ils avaient passée le 13 juin aurait probablement du retard et leur disait : « Vous êtes avec nous, je le sais, car nous luttons pour la cause de la civilisation et des indépendances particulières. » Il déclarait qu’il fallait en finir « avec la brute germanique » et concluait : « […] et s’il m’arrivait quelque chose, je vous recommande ma maison, celle de ma mère et de ma sœur. Vive la France ! »8.
Comme le prévoyait le libraire, les commandes furent très affectées par l’avènement de la guerre car, le 10 mai 1915, le directeur de la Biblioteca de Catalunya, Jordi Rubió i Balaguer, écrivit à Champion pour en réclamer une qui datait déjà de dix mois (précisément celle du 13 juillet 1914) et dont il n’avait aucune nouvelle. Le 22 mai 1915, Marie Champion lui répondit en précisant que, après le départ à la guerre d’Édouard et des autres employés « […] nous ne sommes plus que quelques femmes à la librairie […] »9 et elle lui demanda encore un peu de temps pour la préparer. Cela montre donc que, après quelques mois de confusion, Marie Champion réussit à faire marcher la boutique, malgré les difficultés et son arrivée précipitée à ce poste de responsabilité.
Le 2 juin, en réponse à cette lettre, Jordi Rubió la prie de lui faire parvenir les livres qu’elle peut déjà fournir sans attendre de les avoir tous. Et il demande si Marie est la mère ou une sœur d’Édouard. Cette marque d’intérêt amène Marie à lui faire quelques commentaires très personnels sur elle-même ; le 8 juin 1915, elle répond qu’elle est la sœur d’Édouard et ajoute :
Je ne me suis jamais occupée des affaires, mais j’aime passionnément les livres et ceux qui s’y intéressent deviennent rapidement mes amis. C’est vous dire, Monsieur, que vous avez toute ma sympathie bien que je ne vous connaisse point ! Rassurez-vous, je ne suis ni jeune ni vieille ; je compte 30 printemps (et célibataire !)10… et ils me semblent lourds par ces temps angoissants… mes frères, que j’adore, sont au feu et je me tue au travail pour oublier ma vie de misère et douleur ! Ayez donc pour moi un peu de pitié. Je ne savais pas que mon frère avait une commande à vous servir arrêtée par la guerre. Je vais la reconnaître et m’en occuper activement, je vous le promets11.
Les 10 et 14 juin partent de Paris deux livraisons des livres de ce lot. Et les 19 et 21 juin, Marie Champion apporte encore quelques éclaircissements sur l’état des autres livres non encore envoyés.
Le 26 juin 1915, Jordi Rubió répond aux commentaires personnels de Marie par ces mots :
Votre lettre du 8 juin me dit bien clairement que vous portez dignement le nom de Champion, parce que vous avez la même force de cordialité que feu votre père et votre frère. […] Il se faudrait presque faire une présentation : je compte 30 janviers (je suis fruit d’hiver), je suis célibataire aussi, j’aime les livres et surtout ceux qui appartiennent à cette bibliothèque que j’ai vu naître il ne fait que 7 années12.
En fait, Jordi Rubió n’avait pas trente ans mais vingt-huit. Et Marie Champion n’avait pas non plus trente ans mais quarante ! La lettre contenait une autre inexactitude car Marie était loin de ne rien connaître aux affaires ni au commerce : nous avons déjà dit que son père, Honoré, l’avait initiée au travail avant 191313.
Certes, les femmes ont toujours travaillé, mais il est vrai que de nombreux historiens ont considéré la Première Guerre mondiale comme un tournant important du fait que c’est à ce moment là que le travail des femmes devint socialement visible et que la preuve fut faite qu’elles pouvaient avoir accès à de nombreux métiers jusqu’alors considérés comme exclusivement masculins… et y réussir. Cependant, les études de genre qui ont traité cette question insistent sur le fait que la visibilisation des potentiels féminins n’a aucunement représenté un pas en avant vers l’égalité des rôles sociaux, pas plus qu’une plus grande acceptation, bien au contraire14.
Un mois plus tard Jordi Rubió écrit à nouveau à Marie Champion au sujet des commandes et ajoute ce paragraphe : « Monsieur votre frère a eu l’aimable idée de nous envoyer sa photographie en uniforme. Je vais lui écrire pour le remercier, mais je vous prie aussi de lui dire de notre part comme nous lui savons gré de son bon souvenir et désirons le savoir loin de tout péril, au milieu de ses livres »15. En réponse, Marie Champion, profitant de ce qu’elle écrivait pour s’excuser d’une erreur de livraison, lui dit : « Mon frère a fort bien fait de vous envoyer son portrait en militaire. C’est un joli garçon. On dit que je lui ressemble ; mais en moins bien, croyez-le ! Je n’ai de commun avec lui que l’amour des livres ; et cela aussi avec vous »16.
Un peu plus tôt, dans la lettre du 8 juin puis ensuite dans celle du 13 août 1915, Marie Champion explique à Jordi Rubió l’une de ses initiatives : il s’agit de la publication des livres destinés à recueillir des fonds pour aider les mutilés de guerre17. Anatole France lui cède l’original et les droits d’auteur de Sur la voie glorieuse18 et Marie demande avec insistance à Rubió de lui en acheter quelques exemplaires. Il semble qu’aucune commande ne vint de Barcelone car, finalement, elle lui fit cadeau d’un exemplaire. Le 13 septembre, elle lui envoie – là encore en cadeau – un exemplaire de Pendant l’orage de Remy de Gourmont, édité aussi par Champion mais cette fois au bénéfice des prisonniers de guerre19. Il est plus que probable que les deux frères mobilisés, Pierre et Édouard, interviennent dans cette intéressante initiative et, du front, utilisent leurs contacts. En 1915 ce sera encore L’Étang de Berre de Charles Maurras, qui sera édité « au profit des blessés du XVe corps », et en 1916, une fois encore au bénéfice des mutilés de guerre, Autour de Jeanne d’Arc, de Maurice Barrès20.
Pour en revenir à la correspondance, après les présentations initiales de juin et juillet Marie et Jordi Rubió commencent à se traiter avec plus de confiance et de familiarité. Dans la même lettre qui accompagne le livre, Marie lui dit : « Dites-moi s’il vous est agréable de le tenir de votre lointaine amie ! […] Vous m’écrivez une lettre bien gentille et qui me plaît fort. […] Vous avez raison de vous fier à moi car je suis fidèle… en amitié et en affaires ». Et encore, en prenant congé, elle lui confie ses craintes devant les souffrances que peuvent endurer ses frères au front : « Je suis actuellement bien tourmentée de mon frère. On parle ici de lutte ardente et je ne cesse de trembler ! »21.
Cette crainte devant les souffrances que peuvent endurer ses frères au front est l’un des sentiments permanents de ses lettres. En août, son frère lui rendit visite et le post-scriptum d’une lettre qu’elle écrit à Jordi Rubió reflète son inquiétude : « P.S. – Mon frère aimé est venu deux jours en permission. Je tremble sans cesse pour sa chère vie si constamment exposée ! »22 ou « Je passe des journées d’angoisse terrible avec mes frères dont je suis sans nouvelles fraîches ! »23 ; mais elle écrit aussi « Depuis hier je suis à la joie d’avoir revu mon frère et je ne sais plus ce que je fais ! »24. Plus tard, « Mon frère est à Verdun ! Il vient d’être décoré et cité à l’ordre de l’armée. Mais vous jugez de ma tristesse et de mes craintes ! »25.
Les commentaires de ton personnel se font encore plus présents et plus intenses au moment des noces d’Édouard dont Marie commente plusieurs aspects dans deux lettres de novembre 191526. La première apprend à Jordi Rubió le mariage de son frère : « Il faut que je vous dise vite qu’il s’est marié samedi dernier entre ses témoins avant de rejoindre le 26e Bataillon de chasseurs dont il est sous-lieutenant. Ma mère est heureuse de ce mariage », et elle ajoute ensuite :
En fin, cher Monsieur, vous nous apprendrez sans doute le vôtre [mariage] avec quelque jolie Espagnole dont votre pays est si peuplé. Ici, en France, nous sommes plus calmes malgré notre réputation littéraire et malgré la frivolité apparente de notre délicatesse. Le dévouement et la fidélité sont bien l’apanage de la Femme Française27.
Il semblerait que Jordi Rubió lui ait répondu par des réflexions également personnelles car, quinze jours plus tard, dans la seconde lettre, Marie en cite quelques termes et se découvre encore plus ; elle laisse affleurer des sentiments personnels de tristesse et de pessimisme, guère étonnants d’ailleurs compte tenu des circonstances. Après avoir parlé de quelques commandes, elle ajoute ce qui suit :
Je regrette d’être si ignorante de tant de choses et j’admire votre science modeste. Je regrette fort de ne pas vous connaître. Nous avons l’un et l’autre l’amour des livres, chose assez rare à notre époque. Mais comme il fait bon de se consoler auprès d’eux – n’est-ce pas – des déceptions et des peines de la vie !
Pardonnez-moi de vous parler ainsi, mais vous êtes si jeune et vous savez combien est vieille une femme qui peut être de votre âge. Dites-moi, donc, que je suis tellement votre amie.
Oui, certes, je suis contente du mariage de mon frère. Sa femme est charmante et bonne. J’espère qu’elle le saura rendre heureux.
Voyez-vous, la vie est trop courte ici bas pour se la compliquer en se faisant de la peine l’un et l’autre. Le rôle de la femme est de tout concilier et de mettre sa joie à faire celle des autres. Du moins, c’est ainsi que je le comprends.
En attendant, cher Monsieur, que vous imitiez mon frère – ce qui, j’espère, ne saurait tarder – ne m’écrivez plus que « cela devient de plus en plus difficile » de se marier, du moins pour l’homme. Je crois seulement que vous êtes trop parfait ! Enfin, c’est une question de chance. Je vous la souhaite de tout mon cœur, heureuse, et je vous prie de croire à mon affectueux dévouement28.
Le niveau de confiance personnelle que la libraire atteint dans les lettres est tout à fait remarquable et ses réflexions intérieures se reflètent dans la correspondance avec une sincérité surprenante et même une certaine ingénuité. L’on ressent la sincérité de ses émotions et de ses sentiments ; en revanche, ses opinions sur la vie, sur le mariage et sur le rôle social de la femme semblent plus stéréotypées29. Nous ne pouvons écarter la possibilité que, étant en temps de guerre, elle écrive peut-être parfois en pensant à une éventuelle censure. Cependant, lorsqu’elle exprime son angoisse face à ce qui peut arriver à ses frères ou lorsqu’elle traite familièrement Rubió, son expression est totalement sincère et aimable. Et il est certain qu’il s’agissait d’une personne ayant une grande connaissance de la littérature ainsi que de l’histoire, domaines auxquels se consacrait surtout la librairie familiale.
Il est fort dommage que nous ne disposions pas des réponses envoyées par Jordi Rubió car, dans une lettre envoyée quelques jours plus tard, Marie insiste sur le cliché (littéraire) des femmes espagnoles :
J’espère que vous êtes revenu sur l’idée excessive que vous vous faites actuellement de vos jolies « Carmen » et qu’elles ne sont pas toutes de cette admirable légèreté d’oiseau ! Comme je vous comprends, malgré tout, et combien il faut appréhender de confier son bonheur en d’autres mains ! Pour moi, qui ai choisi ici-bas la tâche de faire celui [le bonheur] des autres, je vous assure qu’elle est souvent difficile et compliquée ! Comme la vie du reste l’est, dans son apparente simplicité ! La guerre me cause bien des tristesses ! J’ai deux frères que j’aime plus que je ne saurais vous le dire. Comment sortiront-ils de cette lutte, hélas, s’ils en reviennent ?30
C’est sans doute la période où le ton personnel de la correspondance est le plus évident. Dorénavant on ne retrouvera plus autant cette confiance et cette sincérité personnelles. Peu à peu le ton de Marie va évoluer de cette grande confiance à une sincère cordialité puis à un ton plus spécifiquement commercial.
Nous trouvons une preuve de la franchise avec laquelle Marie Champion traitait alors Jordi Rubió dans une réponse de janvier 1916. Il s’était trompé pour une raison quelconque et lui avait demandé des renseignements sur une revue qui n’existait pas ; elle lui écrit en retour : « Qu’est-ce que cette Revue d’Histoire et de Littérature Ancienne dont vous parlez ? Je ne trouve pas ce nom. […] Je travaille pour vous et vous serez content si vous n’êtes pas trop gourmand ! »31. Ou encore dans une autre missive, de novembre 1916 au sujet d’une commande à envoyer en Espagne ; la librairie avait demandé début octobre quel mode de livraison préférait la Biblioteca sans obtenir de réponse ; elle avait donc fini par l’envoyer de Paris à Barcelone et n’avait pas non plus reçu d’accusé de réception de la caisse. Marie ajoute dans une des lettres où elle réclame confirmation de la réception : « Vous êtes bien paresseux ! Donnez-moi des nouvelles ! »32.
En septembre 1916 Marie Champion envoie un cadeau à Rubió, une gravure ; et lorsque celui-ci lui explique l’avoir suspendue aux murs de la Biblioteca, elle lui reproche de ne pas avoir compris qu’il s’agissait d’un cadeau qui lui était personnellement destiné : « Je vous remercie de votre carte aimable mais je suis désolée que vous eussiez pu croire que je vous ai envoyé cette gravure pour la Bibliothèque. Je l’avais trouvée jolie et elle est à vous et bien à vous… Maintenant faites-en ce que vous voudrez »33.
En janvier 1917 Marie Champion va devoir interrompre la direction du commerce pendant un court moment et la nouvelle en arrive à Barcelone. Rubió s’intéresse sur son état dans une lettre à laquelle elle répond en le remerciant de son intérêt :
J’ai été fort touchée que vous ayez pris la peine de demander de mes nouvelles à la Librairie. Je vais mieux, mais j’ai été bien inquiète de ma mère, dont la santé me cause encore les plus vives inquiétudes. [...] Je vous remercie, cher Monsieur, de votre amicale sollicitude. Je considère comme un honneur pour moi d’avoir eu à m’occuper de votre Bibliothèque pendant cette période terrible. J’ai fait tout ce que peut faire une faible femme guidée par le dévouement. Soyez-moi indulgent34.
Plus tard elle tombe malade et, en septembre et octobre 1917, elle ne travaille plus avec la même intensité. Elle l’explique dans une lettre datée du 26 octobre en s’excusant de ne pas s’être trouvée à la librairie lorsque Eudald Duran i Reynals, alors boursier de l’IEC à Paris, y fit une visite. « Je suis désolée d’avoir manqué la visite de Monsieur Duran, votre jeune ami. On m’a dit qu’il est charmant »35. Quelques mois après, lorsqu’elle apprend que Duran était mort à Paris à la fin de l’année 1917, elle compatit de façon très sentie en deux lettres : « Je suis navrée de ce que vous m’apprenez de M. Duran. Il était venu me voir il y a quelque temps et je l’avais rencontré bien portant à peu d’intervalle ! Je suis stupéfaite et émue. Quels jolis yeux se sont fermés ! »36 ; et elle revient là-dessus deux semaines plus tard : « Je pense, malgré moi, à ce beau et bel ami qui est venu si tristement mourir ici, loin de son beau soleil et qui avait une si belle flamme de vie dans ses admirables yeux ! Comme vous avez dû avoir de la peine ! Savez-vous par quelle maladie il a été emporté ? »37.
Il est certain que Marie Champion imprégna la relation commerciale entre la librairie et la Biblioteca de Catalunya d’une sensibilité et d’une empathie auxquelles l’autre partie n’a pas toujours correspondu.
b. Marie Champion, une libraire efficace
Pendant les années de la guerre, Marie étant à la tête du commerce, l’établissement fonctionna assez bien malgré les difficultés de toutes sortes qui ne devaient pas manquer. Bien que le besoin d’évasion ait relancé la lecture et que l’édition s’en soit trouvée renforcée, le conflit mondial entraînait de nombreux problèmes, entre autres de communication. Les envois n’étaient guère sûrs ; parfois les frontières étaient fermées ; il fallait que les agents de transport fassent bien attention à l’arrivée des paquets et des caisses pour qu’ils ne soient pas retournés38. Il arrivait que les correspondants se demandent réciproquement d’écrire les messages sur cartes postales pour éviter ainsi les vérifications officielles des missives sous enveloppe, ce qui retardait beaucoup la distribution et la réception.
Cependant, sur les nombreuses demandes que l’IEC et la Biblioteca de Catalunya firent à la maison Champion pendant la guerre, presque toutes purent être satisfaites. Passés les premiers moments, le groupe des personnes qui tenaient la librairie réussit à servir les commandes, à localiser sur le marché les ouvrages demandés, à organiser les envois et à tenir la comptabilité. Marie Champion, de plus, y travailla avec une certaine facilité et elle restait attentive aux quelques opportunités de livres d’occasion ou de livres rares qui se présentaient, au cas où ses clients pourraient s’y intéresser. Par exemple, lorsqu’elle put localiser une collection complète du Congrès Préhistorique de France : « Je pense à vos archives. J’en ai vu une très belle collection complète et unique de 420 vol. in 4º pour 2500 francs. C’est très difficile et très rare maintenant que beaucoup d’Archives sont brûlées. La voulez-vous ? »39. Parfois, la situation de guerre ne lui permettait pas de trouver ce qu’elle cherchait car beaucoup d’institutions étaient paralysées : « Je vous envoie tout ce que j’ai pu réunir actuellement des Archives commandées par la Bibliothèque de Barcelone. J’attends les autres. Cela n’est pas facile à réunir. Certains archivistes sont mobilisés et certaines Archives sont épuisées. Je les recherche. Quelques séries sont en cours et ne paraîtront qu’après la Guerre. Je fais pour le mieux afin de vous donner satisfaction »40. Ou encore : « Il est impossible de parler de l’Art Chrétien en ce moment : le directeur est mobilisé »41.
Elle fait bien souvent état de ses difficultés dans la correspondance, en certains cas, même avec une certaine nuance de reproche aimable comme si elle sentait que Barcelone n’en comprenait pas la véritable valeur : « Cher Monsieur, Vous paraissez fâché ! Et cela me cause une grande peine ! Je vous assure que j’ai eu bien du mal à me procurer certains de vos ouvrages qui sont épuisés, rares et tous de valeur. J’ai même reçu des offres de libraires à des prix plus élevés que je vous ai comptés, mon pauvre ami ! ». Puis Marie Champion dit avoir envoyé neuf volumes du Congrès Préhistorique de France pour le prix de 420 francs quand les seuls deux premiers volumes lui ont déjà coûté 150. « J’attends d’avoir le complément, mais c’est très difficile pour bien des raisons : guerre, [ouvrages] épuisés ou archives brûlées. Si quelque chose ne vous convient pas, il faudra me le dire »42. Souvent elle lui rappelle que « ces prix sont uniquement pour vous et exceptionnels »43. C’est ainsi qu’une autre fois elle souligne que « comme vous le remarquerez, nous ne vous avons pas fait subir la hausse et l’augmentation que le Syndicat des Éditeurs a décidées pour les livres. Si la Guerre se prolonge encore longtemps les matières premières deviendront de plus en plus difficiles à trouver »44.
Nous voyons ici que Marie Champion ne craint pas d’insister lorsqu’il lui semble que son effort n’est pas assez reconnu. Un autre de ces cas se présenta lorsque, en 1916, Rubió lui parla indirectement d’une donation que le gouvernement français avait fait parvenir à la Biblioteca de Catalunya45. Rubió lui disait : « Il y a déjà quelque temps que je voulais vous écrire en vous priant de bien vouloir remercier votre frère du touchant souvenir qu’il m’a envoyé du front. Des affaires pressantes m’en ont empêché. L’installation du magnifique don de livres que votre Gouvernement vient de nous accorder nous a occupés beaucoup »46 ; à quoi Marie répondit immédiatement : « J’ai beaucoup contribué à l’offre du Ministère pour votre Bibliothèque, que j’aime beaucoup ! »47. Il se pourrait que Marie se réfère là à une contribution de livres de Champion lors de l’exposition de livres français à San Francisco, qui était l’origine de la donation48.
Parfois les difficultés affectent aussi l’organisation interne de la librairie, comme lorsque Marie s’excuse du retard apporté à livrer une commande en fournissant l’explication suivante : « Excusez-moi de ne pas avoir répondu plus tôt à votre demande. Je l’avais confiée à une employée qui l’a retenue au passage et ces Revues habitent nos magasins de fonds où nous n’allons pas tous les jours depuis la guerre »49. Ou, un peu plus tard, vers la fin de la guerre, lorsqu’une épidémie de grippe toucha gravement la population :
Depuis longtemps je n’ai plus de vos nouvelles. Je me permets de vous en demander en même temps que de celles de votre belle Bibliothèque, qui nous a témoigné pendant cette guerre la plus grande fidélité. J’ai dû m’absenter dans le courant de l’été et j’ai perdu deux employées de la grippe qui a causé tant de ravages dans notre Pays50. Je m’occupais de vos commandes avec ces deux personnes et je crains bien que nous eussions laissé en route une partie des ouvrages commandés. Je vous serais bien obligée de me rappeler ceux que vous n’avez pas reçus et que vous désirez toujours.
Mon frère, étant en ce moment en congé de convalescence, pourra nous donner d’excellents conseils en attendant qu’il soit complètement démobilisé, ce qui ne saurait tarder51.
Et lorsqu’un certain temps s’était écoulé sans recevoir de commandes elle écrivait aussi pour rappeler les bons services de l’entreprise :
Depuis bien longtemps je suis sans nouvelles de vous et je m’inquiète. Je pense que vous êtes toujours en bonne santé et que la Bibliothèque est toujours tranquille. [...] Il y a longtemps que nous n’avons pas reçu de commandes de vous. Je pense que vous n’avez aucun sujet de vous plaindre de mes services que je vous renouvelle, désirant bien étendre nos rapports avec votre beau pays52.
Un autre aspect qui permet de se rendre compte de l’affection que Marie Champion ressentait pour les institutions catalanes et des concessions qu’elle leur accordait, est celui du règlement des acquisitions, aspect que l’IEC et la Biblioteca de Catalunya n’ont pas toujours traité avec célérité car ils ne disposaient pas non plus de grosses ressources. Les réclamations sont faites sur un ton léger. Par exemple, en octobre 1916, Marie réclame le règlement de plusieurs factures : « Merci de bien vouloir vous occuper de mes factures. Nous traversons des moments difficiles et les Amis de la France doivent le comprendre. Mes frères ne vont pas mal, mais j’ai toujours peur du lendemain »53 ; en janvier 1917 elle envoie un rappel de ces factures de 1916 et, le 3 février, elle insiste encore en évoquant des impératifs économiques mais elle le fait avec une grande élégance : « Je vois que vous faites toujours pour le règlement tout ce qui vous est possible. J’ajouterai qu’il serait le bienvenu. Nous avons actuellement en France de telles charges pour soutenir héroïquement notre sainte cause que la Patrie réclame toutes nos énergies »54. Ce règlement étant toujours en souffrance, Marie Champion demande à Rubió de l’aider à réclamer une autre importante somme que la Junta de Museos y Palacios de Bellas Artes de Barcelona lui doit depuis 1913 ! Il s’agit de 568,35 francs et elle lui explique qu’elle les a réclamés plusieurs fois sans avoir obtenu quelque réponse que ce soit. Elle lui demande de quelle sorte d’administration il s’agit, s’il les connaît et de quelle autre manière elle pourrait les contacter pour réclamer la dette : « Vous comprenez bien que ma bourse n’est pas inépuisable et que je dois payer cette Marchandise ! Je puis bien faire un Crédit, mais celui-ci est par trop onéreux et depuis si longtemps »55. Rubió lui a probablement répondu qu’il l’aiderait à recouvrer cette facture ; toutefois, immédiatement après il a dû lui aussi se voir obligé de demander une certaine marge de paiement puisque, le 30 mars 1917, Marie Champion lui écrit : « En dépit de ce que vous m’écrivez, vous savez bien que je vous ouvre tout un large crédit. Je sais que vous ne m’oubliez pas et que vous allez faire votre possible pour que votre administration ne s’endorme pas ! »56. Rappelons qu’elle n’a toujours pas recouvré des factures datant d’octobre 1916 et qu’en mai 1917, sans avoir encore reçu quoi que ce soit, elle envoie d’autres livres et se contente d’un très léger reproche :
Vous voyez que je n’oublie pas la Bibliothèque bien que votre Trésorier m’ait totalement oubliée. Ne pourriez-vous pas, discrètement, le rappeler un peu à l’ordre ? Cela me ferait plaisir. Je vous remercie d’avoir bien voulu vous occuper de la Junta Museos à Barcelone. M. Rogent [le trésorier de l’IEC] m’avait fait espérer mon paiement pour Avril… or nous sommes au joli mois de Mai et je ne vois rien venir !57
Et quelques jours plus tard elle trouve encore des excuses à Rubió pour expliquer ce retard : « J’ai bien reçu votre carte… mais je ne vois toujours rien venir ! J’espère que vous n’avez pas été malade. Cela doit être la faute de M. Rogent. Je viens de lui rappeler qu’il devait aussi régler sa dette en Avril et nous sommes en Mai »58. Après sept longs mois de réclamations elle reçoit finalement l’argent de la Junta de Museos et de l’IEC et tout de suite, elle l’en remercie en lui promettant l’envoi d’un livre cadeau : « En ces temps de guerre tout est bien difficile et nous sommes fiers de pouvoir contribuer de toutes nos forces à la défense nationale. Merci pour tout le mal que je vous ai donné auprès du trésorier de Junta Museos. Il faudra que je vous envoie un bon livre pour vous dédommager. Je le chercherai et je le choisirai bien »59. La situation se répète lorsque les factures de 1917 (d’un montant de 1241 et 2350 francs auxquels viennent s’ajouter 1290 francs de l’année 1918) ne sont toujours pas honorées au mois d’avril 1918. Bien qu’il s’agisse de sommes importantes, les réclamations de Marie Champion restent tout aussi mesurées que celles de l’année antérieure avec des phrases comme : « Les temps sont durs, mais ils le sont pour tout le monde et je le comprends »60.
La façon dont se comporte Champion est bien éloignée des conditions dans lesquelles d’autres libraires traiteront avec la Biblioteca de Catalunya et l’IEC pendant la guerre. Il est vrai que ces deux organismes firent peu d’acquisitions chez eux mais Dunot & Pinat, par exemple, se référant à la situation de guerre qu’ils vivaient, leur demandèrent de payer les livres à confirmation de la commande61 ; ce à quoi les responsables de la Biblioteca répondirent qu’ils ne pouvaient légalement pas avancer l’argent avant d’avoir reçu les livres et donnèrent comme référence les noms de Champion et de Leroux62 : ce n’est qu’ainsi qu’ils obtinrent que la librairie leur envoie des livres qui leur furent payés dès la réception. Ernest Leroux et Lucien Dorbon, auprès de qui ils firent aussi quelques achats pendant la guerre63, n’attendirent pas non plus ; nous nous trouvons là bien loin du crédit que leur concédait la maison Champion.
Début février 1919, la guerre étant terminée et Édouard rentré, Marie Champion écrit à Rubió pour reprendre contact après quelques mois d’interruption. La lettre de Marie est brève mais y est jointe une missive d’Édouard, datée du 6, qui marque la reprise de l’activité du frère et comporte, elle aussi, un certain ton personnel.
Cher Monsieur,
Je suis actuellement en permission en attendant d’être démobilisé et je ne veux pas laisser partir cette lettre de ma sœur sans y joindre un petit mot.
Après ces 4 dures années d’absence, il me serait bien agréable d’avoir de vos nouvelles et de tous ces messieurs. Les événements politiques de votre pays ne nous laissent pas indifférents et nos cœurs battent comme les vôtres quand nous étions là-bas… Je m’en tire avec une blessure, mais la santé revient et je vais pouvoir bientôt reprendre ma place à la Librairie. […] Nous autres, Latins, plus que jamais nous devons être unis et forts et « être au courant » de toutes les dernières nouveautés et découvertes dans tous les domaines pour continuer la lutte sur un autre terrain. Car tout est là64.
La dernière lettre que signe Marie Champion avant de laisser la librairie après le retour de son frère est datée du 14 février 1919 ; elle s’y excuse d’une erreur commise par l’une des deux employées décédées des suites de la grippe. Elle annonce aussi qu’à partir de ce moment ce sera à nouveau Édouard qui s’occupera de servir l’IEC et la Biblioteca de Catalunya ; c’est ainsi que prend fin l’intervention de la sœur des Champion, tout au moins pour ces clients catalans.
Nous avons déjà dit, en entamant ce chapitre, que nous ne savons rien d’autre sur Marie, ni si elle poursuivit son travail dans l’affaire ni ce qu’elle fit ensuite. Nous pouvons seulement dire qu’en juillet 1920 elle couvrit ponctuellement une absence de son frère et, à cette occasion, écrivit une unique lettre à Jordi Rubió : « Je vous envoie sous ce pli le relevé de la Bibliothèque Institut d’Estudis Catalanes. En l’absence de mon frère, je vous serais reconnaissante de bien vouloir en ordonner le paiement. Je profite de cette occasion pour me rappeler à votre bon souvenir et vous souhaiter toute sorte de bonnes choses. Mais peut-être ne vous souvenez-vous plus de moi ? »65. Deux jours plus tard, Rubió ajoutait à sa réponse la phrase suivante : « Je suis bien sensible à votre bon souvenir. D’ailleurs je n’ai pas oublié l’aimable gérante de la Librairie Champion pendant la guerre »66.
Son frère de retour, Marie redevient invisible. Nous avons déjà parlé du travail des femmes pendant la guerre et de la continuité de la vision sociale conservatrice sur leur rôle : leur travail avait été considéré comme « une conséquence inattendue de la guerre », conséquence qu’il convenait d’éliminer rapidement une fois le conflit achevé67. Et c’est ce que va se passer dans le cas qui nous occupe : une fois la guerre terminée, Marie Champion, cette femme douée de telles capacités, disparaît de la relation commerciale et revient à la « normalité ».
La sœur aînée des Champion mourut le 18 janvier 1925 dans l’appartement familial du 30 de la rue Jacob, guère loin de la librairie qui se trouvait alors au 5 du quai Malaquais. La revue Vient de paraître lui consacra un petit article nécrologique dont les termes indiquent clairement que Marie, qui – mis à part la période que nous venons d’analyser – demeura au second plan, travailla bel et bien dans l’affaire familiale et qu’elle reste dans le souvenir de ceux qui l’ont fréquentée :
Associée par son père, Honoré Champion, à la destinée de la Librairie, aujourd’hui aux mains de notre confrère Édouard Champion, Mademoiselle MARIE CHAMPION, dont nous avons appris le décès, n’a cessé d’apporter à la tâche de seconder son frère une attention effacée, mais sérieuse et efficace, qui ne permettra pas aux habitués de cette maison, hautement estimée et accueillante, d’oublier ni sa bonté, ni son intelligente activité, ni ses qualités traditionnelles de coeur68.
c. Reprise des relations avec Édouard
Les combats terminés, le quotidien de la librairie revint à une certaine routine. Restaient cependant quelques difficultés issues du conflit comme, par exemple, celle de l’acheminement des colis. Au milieu du discours commercial, la correspondance avec Édouard conserve de petites allusions personnelles et, chaque fois qu’il le peut, il loue les institutions catalanes :
Je m’empresse de vous remercier de votre lettre du 31 écoulé, qui vient de me parvenir, avec des sentiments si cordiaux et si sympathiques. Je n’attendais pas moins de vous tous, que j’ai toujours sus à nos côtés et même dans les moments les plus critiques.
J’espère que vous viendrez bientôt à Paris et que nous pourrons causer longuement.
[…]
Je réunis tout cela en ce moment ci et vous en ferai une expédition dès que possible. Je dis « dès que possible » car en ce moment les difficultés de transport sont considérables, et on n’accepte pas encore de gros colis pour l’Espagne.
Je ne veux pas terminer cette lettre sans vous dire toute mon admiration pour l’œuvre que vous accomplissez là-bas ; vous saurez lire entre les lignes… Je vous prie d’en faire part à vos amis ainsi que de mes sentiments les plus cordialement dévoués69.
Et quelques mois plus tard, il se rappelle à leur bon souvenir et leur annonce avec joie les fêtes en l’honneur de la Victoire : « J’espère de vos bonnes nouvelles et de celles de tous vos amis que vous voudrez bien saluer de ma part. Ici, actuellement on se prépare aux fêtes de la Victoire avec beaucoup d’enthousiasme. Que n’êtes-vous là, hélas ! »70. Et quelques jours plus tard : « J’ai été très touché de ce que vous me dites pour la signature de la paix. Je connais vos sentiments, tous ceux de ces Messieurs et vous avez toujours été avec nous et pour nous. Aussi j’aurais bien voulu que l’un de vous pût assister au moins au défilé de ce beau jour pour lequel vous avez tant travaillé »71.
3. Champion en tant que fournisseur de livres pour la Biblioteca de Catalunya
Dès le tout début de la relation – qui, rappelons-le, avait commencé par un échange de publications – Champion devint le fournisseur efficace et rapide des commandes de livres de l’Institut. La qualité de ses services (diligence, rapidité et efficience) était bien au-dessus de ce que pouvaient offrir les libraires barcelonais de l’époque, qui ne se trouvaient pas dans les circuits de flux des livres érudits et rencontraient donc bien des problèmes au moment de rechercher les ouvrages que leur commandait l’IEC.
Par exemple, en juin 1909, Josep Pijoan, secrétaire général de l’IEC, demandait à Édouard Champion s’il pouvait aider la Llibreria Verdaguer de Barcelone à trouver une œuvre que l’IEC cherchait. Profitant de cette demande, il lui annonçait la décision de créer une bibliothèque et lui confessait les difficultés que rencontraient les libraires de Barcelone à servir l’Institut. Devant une telle situation, ils avaient choisi de regrouper les commandes :
Vous recevrez une commission de la librairie Verdaguer de Barcelona intitulée « Découvertes en Chaldée » publiée par M. Léon Heuzey. Ce livre qui est demandé par l’Institut, il a été impossible à M. Verdaguer de le trouver et c’est sur nos indications qu’il s’adresse à vous.
J’aimerais bien mettre un terme à cette dispersion de commandes et arriver à ce que l’Institut vous accorde la commande générale des ouvrages français, ce qui nous faciliterait la liquidation de fin d’année. Cependant, il conviendrait de fixer un certain escompte qui pût décider la préférence en votre faveur. Je vous parlais dans une de mes lettres de ce que, tandis que nous vous faisions le 30 % de la vente, vous nous faisiez [sic] [vous pourriez nous faire] de votre côté un 8 ou 10 % pour l’achat. En reprenant vos lettres je n’ai trouvé aucune réponse catégorique sur ce point. Je vous prie de vouloir bien répondre le plus tôt possible. L’Institut est chargé de faire une Bibliothèque et dispose d’un fonds respectable pour l’achat des livres, qui se fait aujourd’hui par l’intermédiaire des libraires de Barcelone et qui marche très mal72.
Cependant, quelques mois plus tard, Barcelone conclut un achat de revues avec un autre libraire parisien, Lucien Dorbon. Le secrétaire s’en excuse bien vite auprès de Champion : « Une préoccupation me hante. La voici : vous aurions-nous causé, sans le vouloir, quelque ennui en achetant directement à M. Dorbon la collection de revues ? Quoi qu’il en soit, je vous promets que je tâcherai que, à l’avenir, toutes les acquisitions de l’Institut en France soient effectuées par votre intermédiaire »73.
Toutefois, le transport et les démarches de douane représentent un casse-tête constant, non seulement pendant les années de la guerre mais tout au long de la collaboration. Les grèves surtout créaient de gros problèmes. Les documents nous permettent de suivre, par exemple, le périple d’une caisse qui partit de Paris pour Barcelone en mai 1920 et qui n’y arriva que six mois plus tard en provenance d’Hendaye où elle avait été dérivée… et qui, de plus, arriva par mer74 ! Un autre exemple en 1925 : la Biblioteca de Catalunya avait demandé à Champion la collection des Acta sanctorum et celui-ci l’avait achetée à Bruxelles, à la Société des Bollandistes, à qui il avait spécifié d’adresser l’envoi à Barcelone. L’envoi fut intercepté à Port-Bou et le transporteur en avisa la Biblioteca. Le 1er avril 1925 Jordi Rubió écrivait à Champion :
Cher Monsieur,
Signée déjà ma lettre précédente, j’apprends de l’Agence de la Compagnie des chemins de fer à Port-Bou que pour recevoir les Acta Sanctorum il me faut payer des droits de douane à raison de 4 pesetas or par kilo (il s’agit de 110 kg), parce qu’il n’existe pas de traité de commerce entre l’Espagne et la Belgique et nous sommes en guerre de tarifs.
Naturellement la Bibliothèque n’est pas disposée à payer une somme si grande par suite d’une bêtise douanière. Y aurait-il moyen de faire réclamer la marchandise par votre correspondant à Bruxelles et la faire réexpédier par votre maison ? Il nous faudra sinon abandonner la marchandise et courir les risques de sa mise aux enchères.
Pensez-y. Il s’agit d’une marchandise propriété d’une maison française, la vôtre, et par conséquent je crois que vous avez le droit de la réclamer à la Douane espagnole.
J’écris aux agents de la Compagnie que les livres ont été achetés par nous chez vous et que je vous mets au courant de l’affaire, n’étant pas disposé à payer la taxe prohibitive de 4 pesetas or par kg.
C’est bien extraordinaire, mais en Espagne (nous y sommes, hélas !) les livres paient à la douane75.
Le 6 avril, le libraire écrit à la Société des Bollandistes, leur explique le cas et leur demande d’écrire à la Compagnie des chemins de fer pour qu’ils passent la marchandise à la Compagnie générale des douanes, elle aussi à Port-Bou, qui gère habituellement les livraisons de Champion. Il la prie aussi d’avertir la première compagnie que ce n’est pas la Société des Bollandistes qui en est la propriétaire mais lui, Champion, et s’étonne enfin de ce qu’elle n’ait pas utilisé les étiquettes au nom de Champion, étiquettes qu’il leur avait envoyées dans ce but. Nous en avons le détail car Édouard envoya à Rubió une copie de la lettre qui comporte tous ces éléments. L’affaire dut se résoudre sans que le paquet reparte chez son expéditeur car le 16 mai 1925 Champion, considérant l’affaire close, envoya à la Biblioteca de Catalunya un certificat d’origine des Acta Sanctorum (pour lequel il lui factura 22 francs)76.
Après de si longues années de services, le ton de confiance et de franchise entre Jordi Rubió et Édouard Champion finit par devenir évident. Dans deux lettres intéressantes qu’ils échangèrent en avril 1922 dans lesquelles ils parlent d’une dette que le Museu d’Art i Arqueologia de Barcelone a depuis deux ans envers Champion, Jordi Rubió suggère à Champion de s’adresser directement au directeur du Museu, Joaquim Folch i Torres, et en profite pour lui dédier quelques phrases d’admiration personnelle. Édouard l’en remercie et lui fait une radiographie rapide de la situation de son entreprise :
J’aurais dû vous envoyer plus tôt ma félicitation la plus cordiale et celle des Messieurs de l’Institut pour l’Honneur bien mérité que votre Gouvernement vient de vous accorder. Malgré les difficultés des temps, vous avez donné à votre Maison un essor magnifique qui remplirait de joie feu votre père. Je suis étonné de voir s’accroître chaque semaine la liste de vos publications, si bien choisies, et dont votre nom en est d’ailleurs une garantie suffisante.
Je regrette beaucoup ce qui vous arrive avec les Musées. Pour quoi ne vous adressez vous directement au Directeur M. J. Folch y Torres ? C’est un homme charmant. D’ailleurs le Musée est très riche et vous pouvez être en confiance. Si vos démarches restaient sans réponse j’en dirais un mot au Directeur, qui est mon ami77.
J’ai écrit à la Direction du Musée en question, et comme je dois une petite somme à M. Fernando Fé, de Madrid, je lui ai demandé d’en opérer le recouvrement sur ce même musée. Depuis deux ans que cela traîne, il faut bien en terminer.
Vous voulez bien me dire mille choses aimables sur mes éditions, mais vous devez savoir que cela ne va pas sans difficultés, et je puis vous dire que nous avons des déboires pour chacun, car ils n’arrivent pas à couvrir leurs frais ; et j’en sors chaque fois de ma poche. Les livres anciens seuls nous font vivre et nous apprécions beaucoup l’amitié et la bienveillance de clients fidèles comme votre Institut, mais encore faut-il que nous soyons payés de temps à autre, et c’est pour cela que je suis un peu fâché contre le musée en question. Je suis bien convaincu que son directeur est charmant, mais je ne suis pas en rapports avec lui et, sans doute, si vous pouviez lui dire un mot, cela arrangerait les choses.
Je vous remercie encore des mille choses aimables que vous voulez bien me dire, et je vous prie de me croire, cher Monsieur, très touché de votre lettre78.
Ils échangeaient aussi quelques clins d’œil. Ainsi, parlant de la parution du premier volume du Manuel de l’Hispanisant : « […] si je vous disais que l’un des auteurs, Monsieur Barrau-Dihigo, n’a pas encore son volume et ne sait quand il le recevra, ni s’il en recevra ! Vous connaissez son collaborateur ; je n’insiste pas davantage »79.
Tout au long de leur relation, la librairie envoie constamment des offres de revues et de monographies susceptibles d’intéresser l’IEC et, surtout, la Biblioteca de Catalunya. En 1920 le libraire acheta une grande « Bibliothèque du Midi » à un érudit et bibliophile intéressé par les sujets concernant en général le sud de la France et il insista beaucoup pour l’offrir à la Biblioteca de Catalunya. Il envoya même à Barcelone le fichier complet du catalogue en demandant à Jordi Rubió de l’étudier fiche par fiche. Rubió répondit que cela avait été fait et que les membres de la Biblioteca considéraient que ce catalogue faisait trop souvent double emploi avec les livres qu’ils avaient déjà ; en définitive, ils n’acquirent pas le fonds mais seulement quelques exemplaires.
Cependant, les années passant, les relations entre la librairie Champion et l’IEC ou la Biblioteca de Catalunya ne vont plus être aussi fluides ni se caractériser par d’aussi bonnes dispositions réciproques. Le motif le plus fréquent provient de ce que la Biblioteca de Catalunya tarde fort à régler le paiement de livres, et particulièrement (mais pas seulement) sous la dictature de Primo de Rivera.
Prenons pour exemple le cas déjà cité de l’acquisition des Acta Sanctorum. Les livres reçus, Champion transmet à la Biblioteca de Catalunya la réclamation qui lui provient de Belgique :
Je reçois ce jour une lettre de mon correspondant de Bruxelles me demandant le règlement de la collection des ACTA SANCTORUM qui vous ont été envoyés directement par ses soins.
Voici plusieurs réclamations qu’il m’adresse et je l’ai fait patienter jusqu’à présent, mais aujourd’hui il m’écrit :
« J’espère que votre client de Barcelone va s’exécuter sans retard. C’est au mois de mars que la marchandise lui a été expédiée. S’il tardait encore, je serais obligé de vous prier de régler sans attendre d’avoir été couvert vous-même. »
J’espère que vous pourrez presser ce règlement, car vous savez que je n’ai rien gagné sur cette affaire qui m’a causé au contraire pas mal d’ennuis, et je ne voudrais pas avoir à avancer la somme.
Je compte, donc, sur vous pour faire le nécessaire80.
Il y avait déjà quelques temps que Champion s’en plaignait mais, malgré tout, il s’excusait très expressément de son insistance : « Je vous demande bien pardon de cette “mendicité”, vraiment obligatoire »81. Au moment où l’IEC a enfin l’argent, ce sont des difficultés administratives qui viennent faire obstacle au règlement. Rubió écrit en novembre pour dire que l’argent de la facture de juin est prêt, « quelques milliers de francs », mais que l’administration a des doutes sur quelques sommes (de 6,50 francs, 37,55 francs et 67 francs) et lui demande de lui renvoyer dix autres factures parce que celles dont il dispose n’indiquent pas clairement le titre du livre acheté82.
Parfois, les retards de paiement s’allongeaient vraiment beaucoup. Après des mois d’envois de lettres réclamant le paiement d’une facture, le 20 avril 1932 Georges Nicole écrit :
Cher Monsieur,
Selon votre demande du 26 Mars, j’ai fait faire la copie détaillée de votre relevé qui manque à votre comptabilité ; c’est un gros travail, c’est pourquoi je recommande ma lettre.
Je vous serais très obligé de bien vouloir donner vos instructions pour nous couvrir du montant, la crise actuelle ne nous permettant pas de faire de longs crédits et votre relevé s’étendant sur deux années83.
Le 10 mai 1932 Rubió écrit pour demander que, de la facture de 1930-1931 (8216,45 francs), soient décomptés quelques volumes qui avaient été retournés en septembre 1930.
Finalement, le 30 juin 1932, Rubió envoie la lettre suivante :
Notre comptabilité vous fera parvenir le montant de votre relevé du 29 avril 1932. Je vous prie d’excuser si nous sommes obligés de faire le payement en plusieurs versements à cause des difficultés qu’on nous fait pour le placement de fonds à l’étranger.
Nous vous sommes très reconnaissants pour le long crédit que vous avez accordé à notre Bibliothèque. Je regrette vivement en avoir peut-être abusé. Dorénavant toutes les mesures ont été prises pour éviter ces ennuis à des libraires aussi aimables que vous84.
Un épisode semblable se reproduit en 1935, vers la fin de la relation. Georges Nicole réclame le paiement d’une facture qu’il leur a fait parvenir par le biais de Mossèn Joan Tarré :
Cher Monsieur,
J’avais remis, en Juillet 1934, à Monsieur l’Abbé Tarré, un relevé du compte des fournitures que nous avons faites, en 1932 et 1933, à votre Bibliothèque. J’y avais joint l’état du compte des publications de l’Institut d’Estudis Catalans, et la compensation de ces deux relevés porte à notre crédit une somme de Frs : 3395,30.-
N’ayant pas eu de vos nouvelles, je vous adresse un duplicata de ces deux pièces, et vous prie de bien vouloir procéder à la liquidation de cet arriéré : la situation actuelle du commerce ne nous permet plus de faire d’aussi longs crédits, et je compte sur votre obligeance pour un règlement avant la fin de l’année 193585.
Jordi Rubió répond : « Je ne me souviens pas d’avoir reçu de M. l’Abbé Tarré le relevé dont vous me parlez. Je vous remercie, donc, de me l’avoir rappelé »86 et, en prenant congé, il s’excuse du retard.
L’IEC et la Biblioteca de Catalunya traitèrent aussi avec d’autres librairies parisiennes pendant la période de ces relations avec Champion – surtout avec Lucien Dorbon, Dunot & Pinat et Ernest Leroux87 – cependant leur relation ne fut en rien semblable ni en volume, ni en fréquence, ni en degré de confiance et d’implication. Pour mieux situer l’importance de la relation avec Champion nous pouvons par exemple dire que les archives de la Biblioteca de Catalunya, extrêmement riches et admirablement bien décrites et cataloguées, conservent 475 lettres échangées avec Champion, s’étendant sur une période de 23 ans (1913-1936) ; l’ensemble des lettres qu’elles conservent de la relation avec d’autres librairies parisiennes – les trois ci-dessus mentionnées et quelques autres encore –, n’arrivent pas, entre toutes, au tiers de ce volume et, pour chacune, ne dépassent guère la trentaine. À côté de leur quantité, il faut aussi en considérer la qualité : le traitement avec les autres librairies est principalement administratif et commercial ; en revanche, avec Champion, le ton de la relation est nettement un ton de collaboration88.
Finalement, pour traiter d’un dernier aspect concernant l’intérêt des livres acquis, nous devons dire que, après avoir effectué quelques prospections pour analyser les achats de volumes de plusieurs importantes commandes à des années diverses, le résultat montre que la plupart des acquisitions concernaient des nouveautés publiées au plus tard dans les deux années précédant l’achat ; une autre petite part concerne des achats de grandes collections anciennes et une autre, une bibliographie élémentaire ou plus « classique », pour employer un terme imprécis mais compréhensible. Cette analyse permet de voir que, du côté catalan, les relations avec Champion représentent une voie d’accès aux dernières productions de la recherche dans une multitude de domaines de la connaissance.
*
Tous les éléments qui viennent d’être présentés permettent d’affirmer que la Librairie Champion fut bien plus qu’un fournisseur de livres spécialisés ou un simple représentant de l’Institut d’Estudis Catalans ; en réalité elle fut une alliée indispensable dans la diffusion de la culture catalane en France et dans la création, à Barcelone, de la Biblioteca de Catalunya que l’IEC lançait avec tant d’intérêt. Et l’analyse de la correspondance entre la maison parisienne et l’Institut met en lumière d’une part, du côté barcelonais, la personnalité de Jordi Rubió et, de l’autre, du côté parisien, celles d’Édouard Champion et surtout de Marie Champion. Par le biais de ses lettres, cette dernière crée un lien profond avec leurs destinataires – et même, il faut bien le dire, avec les lecteurs d’aujourd’hui, dont nous sommes – par les sujets personnels qu’elle introduit dans un discours professionnel et par une sensibilité et une proximité qui ne laissent personne indifférent. De plus, son histoire nous a permis de revoir ce contexte de la guerre, si difficile et si particulier, dans lequel elle évolue, ce qui nous ouvre de nouvelles perspectives d’études de figures qui, telles que la sienne, sont restées à l’arrière-plan parisien de la Grande Guerre.
____________
1 Pere QUER, « La Librairie Champion, correspondante de l’Institut d’Estudis Catalans pour la France (1909-1936) », Revue française d’histoire du livre 140, 2019, p. 127-151. Plus généralement sur les éditions de l’IEC, Pere QUER, Les publicacions de l’Institut d’Estudis Catalans de 1907 a 1939, Barcelone, IEC, 2013. L’Institut lui-même a publié un catalogue qui réunit les publications de ses cent premières années d’existence : Catàleg de publicacions (1907-2006) [archive électronique], Barcelone, IEC (ISBN 978-84-7283-932-8), 2011. Très importante aussi pour connaître l’activité générale de l’institution, l’œuvre étendue d’Albert BALCELLS et Enric PUJOL, Història de l’Institut d’Estudis Catalans, Barcelone, IEC et Afers, 2002, 2 vol.
2 Frédéric Barbier, parlant de l’École pratique des hautes études, écrit : « Les éditeurs aussi sont présents, d’abord à travers les collections de l’École et les différentes revues scientifiques, puis par la conception de leur rôle comme “intermédiaires savants” – on pense ici à un personnage comme Honoré Champion, étudié en son temps par le regretté Jacques Monfrin. » Frédéric BARBIER, « L’EPHE a 150 ans » [en ligne], dans Histoire du livre, 04/07/2018 <http ://histoire-du-livre.blogspot.com/2018/07/lephe-150-ans.html> [Consultation : 07/06/2019].
3 Il s’agit du fonds ANMT 22AQ. Nous tenons à remercier tout le personnel des Archives de son amabilité et de sa disponibilité à nous faciliter la consultation des documents.
4 L’étude la plus complète consacrée à la Librairie Champion est celle de Jacques MONFRIN, Honoré Champion et sa Librairie (1874-1978), Paris, Honoré Champion, 1978. Il existe aussi un mémoire de maîtrise inédit de Catherine LOIZEAU, Honoré Champion, libraire et éditeur parisien : perpétuation d’une tradition, 1880-1900, mémoire de maîtrise dirigé par Jacques Marseille (Université de Panthéon-Sorbonne Paris 1), 1990. On peut trouver de nombreuses informations intéressantes dans le blog de Jean-Paul FONTAINE, « L’ami de Sylvestre Bonnard : Honoré Champion (1846-1913) » [en ligne], dans Histoire de la Bibliophilie, 25/04/2016 <http ://histoire-bibliophilie.blogspot.com/2016/04/lami-de-sylvestre-bonnard-honore.html> [Consultation : 12/06/2019]. La maison d’édition est citée plusieurs fois dans l’œuvre monumentale de Roger CHARTIER et Henri-Jean MARTIN (dir.), Histoire de l’édition française, Paris, Promodis, 1985, 4 vol. Une autre source d’information, partielle mais très intéressante (et reprise presque entièrement par J. Monfrin dans son étude) est le livre de mémoires publié par le fils d’Honoré Champion, Pierre CHAMPION, Mon vieux quartier, Paris, Grasset, 1932.
5 Les pistes fournies par J.-P. FONTAINE [cité n. 4] ont été fondamentales pour assurer les dates de naissance et de décès de Marie Champion.
6 C’est ce que nous déduisons d’une petite notice nécrologique que la revue Vient de paraître consacra à Marie (1925, numéro 5, page 59).
7 « À l’exception des industries travaillant pour l’effort de guerre, les entreprises doivent affronter la désorganisation et la pénurie de main-d’œuvre, la difficulté des approvisionnements, la transformation de la consommation, la perturbation des transports, l’inflation monétaire, etc… L’édition n’échappe pas à ces difficultés qui frappent toutes les maisons indépendamment de leur taille ou de leur spécialité. […] Jusqu’à l’automne 1915, les deux problèmes majeurs que sont le manque de personnel et la relance de la demande, appellent des solutions propres à chaque maison. Même si beaucoup se sont ralliées à des décisions semblables (recours aux anciens ou aux femmes pour remplacer les mobilisés ; commande d’une littérature de guerre susceptible d’attirer le public) […] » (Élisabeth PARINET, « L’économie des maisons d’édition pendant la Guerre de 1914 », dans Le Livre et l’Historien. Études offertes en l’honneur du Professeur Henri-Jean Martin, Genève, Droz, 1997, p. 805-806).
8 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 10/08/1914.
9 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 22/05/1915.
10 Cette parenthèse apparaît ajoutée postérieurement, à la main et en interligne.
11 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 08/06/1915.
12 Rubió était né en 1887 et il avait donc 28 ans en juin 1915. Comme il était né un 30 janvier, il se pourrait qu’il y ait eu confusion en mécanographiant le brouillon.
13 Malgré tout, dans de nombreuses lettres, Marie insiste sur son manque d’expérience, attitude que l’on peut interpréter comme un mécanisme de protection propre à la femme qui doit intervenir dans une responsabilité habituellement assumée par des hommes. Par exemple : « Je ne suis qu’une pauvre enfant et j’ai dû faire l’apprentissage de tant de choses ! ». Ou encore : « J’ai fait tout ce que peut faire une faible femme guidée par le dévouement. » Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 13/08/1915 et 15/01/1917.
14 Françoise THÉBAUD, « La Grande Guerre. Le triomphe de la division sexuelle », dans Histoire des femmes en Occident, dir. G. Duby et M. Perrot, vol. 5 : Le XXe siècle, Paris, Plon-Perrin, 20022 [19921], p. 85-144, apporte une correction intéressante à cette idée : « La guerre brise par nécessité les barrières qui opposaient travaux masculins et féminins, et fermaient aux femmes de nombreuses professions supérieures » (p. 105) ; « La guerre : une parenthèse avant un retour à la normale, un théâtre d’ombres où les femmes à l’arrière ne jouent qu’apparemment les premiers rôles » (p. 87). Il faut cependant préciser que le commerce en général, et celui des livres en particulier, est un secteur dans lequel la direction féminine des affaires n’était peut-être pas aussi rare que dans d’autres. Sous l’Ancien Régime, la veuve héritait souvent du privilège accordé à son époux et c’est pour cela qu’une notable présence féminine est documentée et étudiée dans des affaires liées à l’édition entre les XVIIIe et XIXe siècles. Dans le cas de Barcelone, voir Àngels SOLÀ, « Impressores i llibreteres a la Barcelona dels segles XVIII i XIX », Recerques 56, 2008, p. 91-129.
15 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 24/07/1915.
16 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 28/07/1915.
17 Les initiatives bénéfiques se multiplient en temps de guerre, même si beaucoup s’avèrent être des escroqueries (Pierre DARMON, Vivre à Paris pendant la Grande Guerre, Paris, Fayard, 2002, p. 111-114).
18 Il s’agit d’un recueil de brefs récits qui ont tous la guerre comme toile de fond. Marie Champion en disait que c’était « la plus belle chose que je connaisse » (Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99 /1. 08/06/1915). Il y en eut au moins vingt-sept tirages en un an. Le livre portait la mention « Vendu au profit de l’œuvre des mutilés de guerre ». Anatole France était ami de la famille Champion par la relation qu’il avait eue avec Honoré Champion, le père et fondateur de la librairie. Anatole France était le fils de François-Noël Thibault, dit France, libraire déjà lui aussi au Quai Malaquais quand Champion s’y installa.
19 L’édition était parue en juillet 1915 avec la mention suivante : « Achevé d’imprimer le 29 juin 1915 sur les presses de PROTAT frères à Macon pour le compte d’Édouard Champion, soldat. » Gourmont mourut à la fin du mois de septembre de cette même année.
20 Il ne nous semble pas qu’il y ait eu plusieurs éditions de ces deux dernières œuvres. On avait aussi annoncé la publication d’un livre de D’Annunzio intitulé La Douce France, au bénéfice de « l’Hôpital Italien » : nous n’en avons trouvé aucune trace ni n’avons pu vérifier s’il avait jamais vu le jour.
21 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 13/09/1915.
22 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 19/08/1915.
23 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 14/03/1916.
24 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 05/04/1916.
25 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 23/06/1916.
26 Au bout de quelques jours l’IEC recevait un faire-part de mariage qui disait : « En raison des circonstances actuelles, la bénédiction nuptiale leur a été donnée dans la plus stricte intimité, le 13 novembre 1915, en l’église Saint-Pierre de Chaillot. » Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 13/11/1915. « Pourtant, le mariage est encore bel et bien d’actualité ! Surtout depuis l’été 1915, quand un système de permission a été instauré, qui favorise les rapprochements. On peut même avancer que jamais le poilu ne s’est tant marié, la presse de l’époque le souligne » (Franck et Michèle JOUVE, La Vraie Histoire des femmes de 14-18, Paris, Chronique Éditions, 2013, p. 107).
27 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 15/11/1915.
28 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 30/11/1915.
29 Elles sont, d’autre part, bien caractéristiques de cette époque, issues de l’idéal féminin bourgeois du XIXe siècle. F. THÉBAUD, op. cit. [n. 14], écrit : « Servir devient en effet le mot d’ordre des Françaises » (p. 90). Un cas contemporain comme celui d’Adrienne Monnier, par exemple, est très différent.
30 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 11/12/1915.
31 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 26/01/1916.
32 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 02/11/1916.
33 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 02/11/1916.
34 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 15/01/1917.
35 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 26/10/1917.
36 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 12/01/1918.
37 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 30/01/1918.
38 P. DARMON, op. cit. [n. 17], p. 44-45. Selon de nombreux historiens, la guerre – au début tout au moins – stimula le commerce, mais aussi ce que nous appellerions maintenant le recyclage et la vente d’occasion. Yves POURCHER, Les Jours de guerre : la vie des Français au jour le jour entre 1914 et 1918, Paris, Plon, 1994. Mais les énormes difficultés pendant la Grande Guerre pour le monde de l’édition et de la librairie se manifestent de façon évidente dans une étude fondamentale de É. PARINET, art. cit. [n. 7]. Nicolas BEAUPRÉ (« La Grande Guerre des écrivains », dans La Grande Guerre : une histoire culturelle, dir. Ph. Poirrier, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2015) donne quelques explications sur l’arrière-fond créatif qui naît pendant et après la guerre, mais sans citer concrètement ni l’édition ni la vente de livres.
39 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 14/02/1916.
40 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 07/03/1916.
41 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 05/04/1916.
42 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 14/03/1916.
43 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 20/09/1916.
44 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 31/10/1917. Pour le rôle des Syndicats, voir É. PARINET, art. cit. [n. 7].
45 En 1916, l’Institut d’Estudis Catalans demanda au Gouvernement français de transférer à Barcelone une exposition sur la science française qui était alors présentée aux États-Unis, à San Francisco. Pour promouvoir la production scientifique française et pour donner une impression de normalité en pleine guerre, le Ministère de l’Enseignement public français amena non seulement cette exposition à Barcelone mais, de plus, en fit don à la Biblioteca de Catalunya qui s’enrichit ainsi de 2708 volumes et d’une collection de bustes en plâtre des grands savants français, de six médaillons et de quelques portraits. Avant que les volumes ne soient intégrés à la Biblioteca de Catalunya, ils furent exposés à Barcelone où furent aussi organisées des conférences données par des savants de haut niveau comme, par exemple, le physicien Lucien Poincaré (Reis FONTANALS et Marga LOSANTOS, Biblioteca de Catalunya 1907-2007, Barcelone, Biblioteca de Catalunya, 2007, p. 109). D’autre part, Eliseu TRENC (« La propaganda francesa a Barcelona durant la Primera Guerra Mundial », Locus Amoenus 13, 2015, p. 187-196) a étudié les vicissitudes de cette donation. Il explique comment, en Catalogne, la propagande francophile fut lancée par le Conseil des ministres français et conçue par des politiciens français originaires de Perpignan (Pams et Brousse). Ceux-ci traitèrent directement avec les autorités barcelonaises, ce qui amena le gouvernement de l’État espagnol à se plaindre auprès de l’ambassadeur français, et le roi d’Espagne lui-même, Alphonse XIII, se déclara peu favorable aux activités qui se réalisaient à Barcelone. Tout ceci amena à repousser d’un an au moins les conférences prévues, mais n’empêcha aucunement la donation de livres à l’Institut d’Estudis Catalans. Cette donation ne doit pas avoir de lien avec une autre, de 300 exemplaires d’œuvres littéraires françaises, que le gouvernement français effectua en faveur de la Biblioteca de Catalunya par l’intermédiaire du consul de France à Barcelone, et dont nous n’avons pu trouver la date exacte. Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 496/12. Sans indication de date.
46 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 16/06/1916.
47 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 20/06/1916.
48 Dans le dossier de chevalier de la Légion d’honneur d’Édouard Champion, le chapitre de ses mérites mentionne des expéditions de livres à San Francisco au cours de la guerre et précise : « Participation à toutes Expositions avec le Ministère de l’Instruction Publique (Enseignement Supérieur) ». Archives Nationales, Base de Données LEONORE [en ligne], Document de 20/03/1922. http ://www2.culture.gouv.fr/documentation/leonore/recherche.htm [Consultation : 10/08/2019]. Nous n’avons trouvé aucun indice d’une éventuelle intervention de Marie Champion dans la donation. Après avoir lu l’article de E. TRENC, art. cit. [n. 45], et compte tenu des niveaux de décision auxquels était traitée cette question, il semble bien difficile qu’elle ait pu avoir une influence directe quelconque.
49 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 20/09/1916.
50 La grippe de 1918-1919, connue aussi en France sous le nom de grippe espagnole, fut une épidémie très virulente qui devint vite une pandémie. Ce fut l’une des plus mortelles de l’histoire avec des millions de morts et de plus, en France, le système sanitaire, déjà très sollicité par les conséquences de la guerre, fut absolument débordé.
51 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 05/02/1919. Il semblerait qu’elle n’ait pas reçu de réponse de Barcelone depuis le printemps antérieur. Un rappel des factures impayées était en cours depuis ce moment, ce qui explique peut-être ce silence.
52 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 30/01/1918.
53 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 14/10/1916.
54 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 03/02/1917.
55 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 19/02/1917. Marie n’y fait aucune référence mais ce n’était pas la première fois que Champion demandait de l’aide à l’IEC pour recouvrer une facture de la Junta de Museos. En 1909, son père, Honoré, avait fait de même auprès du secrétaire général de l’IEC, Josep Pijoan, qui lui aussi était intervenu. Sur le dos d’une lettre d’Honoré Champion, on peut lire écrit au crayon et probablement de la main de Pijoan : « Escriu a n’en Champion que si dintre 8 dies no cobra, giri a n’en Rogent, rue Lauria, 28, 1º ». [Écris à Champion que si dans 8 jours il n’a rien touché, il envoie les documents à recouvrer à Rogent (le trésorier de l’IEC), rue Lauria, 28, 1er]. Arxiu IEC. Corresp. Secretaria General IEC. 17/08/1909. En 1911 Jordi Rubió avait aussi intercédé auprès du Musée de Barcelone. ANMT 22AQ Caisse 104. 03/04/1911.
56 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 30/03/1917.
57 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 03/05/1917.
58 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 14/05/1917.
59 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 24/05/1917.
60 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 30/01/1918.
61 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 100/2. 19/01/1916. « En raison des circonstances actuelles nous vous serions très reconnaissants de vouloir bien joindre à la confirmation de votre commande son montant correspondant, soit en un chèque sur Paris, soit en effectuant votre versement au Crédit Lyonnais de votre ville, en indiquant qu’il doit être porté à notre compte et en nous avisant. »
62 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 100/2. 26/01/1916. « Nos règlements ne nous permettent pas d’acquitter les livres avant leur réception ; cependant nous pouvons vous solder tout de suite après la réception. Si malgré les circonstances vous pouvez modifier vos conditions, vous pouvez vous adresser pour références à la librairie Champion et à celle de M. Leroux. En autre cas, nous aurons le regret d’acheter les livres de vos fonds qui pourraient nous convenir par le moyen d’un intermédiaire. »
63 Un achat à Leroux en automne 1915 et une petite commande à Dorbon en janvier 1916. Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 105/2 et Caixa 99/11.
64 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 05/02/1919. Édouard fait certainement allusion aux événements qui allaient déboucher sur la grève de la Canadiense, à Barcelone.
65 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 10/07/1920.
66 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 12/07/1920.
67 « Des mesures devront être prises dès la fin des hostilités pour faire une juste discrimination dans les travaux à laisser aux femmes, sans quoi la maternité payerait une rançon trop lourde à la crise de la main-d’oeuvre masculine qu’aura pu causer la guerre » (Bulletin du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, décembre 1918, p. 418-419, cité par P. DARMON, op. cit. [n. 17], p. 183). Tant Pierre Darmon que Françoise Thébaud insistent sur le caractère transitoire de l’apparente émancipation qui se produisit pendant la Grande Guerre : « Ce qui frappe en Europe comme aux États-Unis, c’est la force de la résistance à la modification des rôles, la volonté de cantonner les femmes aux fonctions de remplaçantes – only for the duration disent les Britanniques – » (F. THÉBAUD, op. cit. [n. 14], p. 112). Mais tous deux reconnaissent qu’il y eut, surtout dans le secteur tertiaire, un pas en avant dans la reconnaissance des capacités féminines. Patricia FARA (A Lab of One’s Own : Science and Suffrage in the First World War, Oxford, Oxford University Press, 2018, p. 275) partage cette idée et en souligne les progrès : « As scientists came back home, they resumed they former positions, and women were once more squeezed out of the top jobs. But there had been three major changes. Most obviously, the very fact that women had been so successful during the War transformed perceptions of their abilities and their social roles. Even people who maintained that women belonged at home with the children could no longer justify their arguments by claiming innate female incompetence. In addition, the statistics had altered. Because of wartime training and expanded education, a higher proportion of women now had professional qualifications in science, engineering, and medicine – and there were also more single women demanding on earn their own living. »
68 Vient de paraître 5, 1925, p. 59.
69 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 10/04/1919.
70 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 11/07/1919.
71 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 24/07/1919.
72 Arxiu IEC. Corresp. Secretaria General IEC. 07/06/1909. Le livre auquel il fait référence est d’Ernest de SARZEC, Découvertes en Chaldée. Publié par les soins de Léon Heuzey, Paris, E. Leroux, 1884.
73 Arxiu IEC. Corresp. Secretaria General IEC. 06/01/1910.
74 La caisse avait déjà subi un premier retard causé par la fermeture de la frontière espagnole. Les lettres qui concernent les réclamations faites de cette caisse se trouvent ici : Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 18/05/1920 ; 22/05/1920 ; 15/06/1920 ; 12/07/1920 ; 21/07/1920 ; 28/07/1920 ; 12/08/1920 ; 29/10/1920 ; 06/11/1920.
75 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 01/04/1925.
76 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 06/04/1925 et 16/05/1925.
77 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 15/04/1922.
78 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 18/04/1922.
79 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 21/10/1921. Son collaborateur était Raymond Foulché-Delbosc. Louis Barrau-Dihigo était secrétaire de la Revue des Bibliothèques que Champion éditait et il l’avait présenté à l’IEC au tout début de leur relation : « M. BARRAU-DIHIGO, dont le nom vous est certainement connu, me demande si le tome 1er d’Auzias March a paru. Je crois que vous feriez bien de le lui envoyer pour compte rendu dans la Revue des Bibliothèques. C’est un hispanisant de marque ! » Arxiu IEC. Corresp. Secretaria General IEC. 02/09/1912.
80 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 22/09/1925.
81 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 18/06/1925.
82 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 18/11/1925. Remettre en question des sommes si infimes amène à penser que la réponse de Rubió devait plutôt cacher une intention dilatoire.
83 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 20/04/1932.
84 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 30/06/1932.
85 Mossèn Joan Tarré i Sans était allé à Paris étudier à l’École des chartes et il y résida de longues années, en contact avec les Catalans qui y vivaient.
86 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixa 99/1. 04/12/1935 et 07/12/1935.
87 Arxiu BNC. Fons Biblioteca de Catalunya. Caixes 99/11, 100/2 et 105/2.
88 Le ton de collaboration est aussi remarquable si nous le comparons avec celui que Champion employait dans sa correspondance avec d’autres bibliothèques. Par exemple, ses liens avec la Bibliothèque centrale de Florence sont eux aussi très importants mais ses lettres n’ont pas un ton aussi personnel que les nôtres. ANMT 22AQ Caisse 47.