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Les ouvrages religieux français et leur rôle dans l’activité missionnaire de la Congrégation de la Mission de saint Vincent de Paul en Pologne aux XVIIe et XVIIIe siècles

Agnieszka WIECZOREK

Université Nicolas Copernic de Toruń (Pologne)

akraj@umk.pl

Avant de préciser le rôle des ouvrages religieux dans l’activité missionnaire de la Congrégation de la Mission de saint Vincent de Paul en Pologne aux XVIIe et XVIIIe siècles, il convient de commencer par évoquer les missions populaires qui, à côté de l’activité d’enseignement et du ministère paroissial, constituaient l’un des principaux objectifs de l’institut. Pour mieux comprendre l’influence des lazaristes français en Pologne, nous allons présenter les circonstances de leur arrivée sur le territoire polonais et le processus d’installation des structures de la Congrégation dans ce nouvel endroit.

L’arrivée des missionnaires en Pologne dans la deuxième moitié du XVIIe siècle est liée au personnage de la reine Louise Marie de Gonzague, épouse de deux rois polonais : Ladislas IV (1632-1648) et, après la mort de ce dernier, son frère Jean Kazimir (1648-1668). Ce fut à l’initiative de la reine – qui était elle-même membre de la Congrégation des Dames à Paris, et avait personnellement connu Monsieur Vincent, fondateur de la Mission – que le premier groupe de missionnaires arriva en Pologne, en novembre 1651. Parmi les cinq lazaristes, dirigés par Lambert aux Couteaux1, l’un des collaborateurs les plus proches de Vincent, se trouvaient Guillaume Desdames, qui joua un rôle particulièrement important dans la traduction des ouvrages français en polonais, Nicolas Guillot2, Stanisław Kazimierz Żelazowski3 et le frère Jacques Posny4. En dehors de Żelazowski, qui quittera la Congrégation dès 1655, aucun des missionnaires ne parlait polonais, ce qui rendit les débuts de leur activité à Varsovie vraiment difficiles5. Dans sa lettre à Louise Marie de Gonzague du 6 septembre 1651, Vincent de Paul mentionne l’arrivée des lazaristes en Pologne, en précisant également leurs tâches :

Ils ne sont que 3 ou 4, Madame, bien que le dessein fût de vous en envoyer huit ou neuf. Nous avons pensé que ceux-ci suffiront pour un commencement, attendant que Votre Majesté nous fasse l’honneur de nous commander de lui en envoyer d’autres. Ils ne savent pas la langue du pays ; mais, comme ils parlent latin, ils peuvent dès à présent s’occuper à élever de jeunes ecclésiastiques tant à la piété et à l’usage des vertus qu’à toutes les autres choses qu’ils sont obligés de savoir et de faire. Votre Majesté, Madame, leur en pourra faire avoir une douzaine pour commencer, et au bout d’un an ce seront des ouvriens faits, que les nôtres pourront mener en mission pour instruire les peuples de la campagne [...]6.

Ainsi, pendant les premiers mois de leur séjour en Pologne, les missionnaires français se concentrèrent, entre autres, sur le ministère religieux destiné aux habitants francophones de Varsovie et la création de la maison des Filles de la Charité venues en Pologne en 1652, quelques mois après leur arrivée7. Durant les années suivantes, les lazaristes déployèrent des efforts pour créer d’autres maisons au-delà de Varsovie : celles de Chełmno (1676), de Cracovie (1682), de Vilnius (1685), et d’autres encore. Avec le temps, les missionnaires commencèrent à diriger des séminaires diocésains et à créer leurs propres séminaires : à Cracovie, à Varsovie et à Vilnius. Leurs actions contribuèrent à la création de la province polonaise de la Mission, en 1685, qui devint la septième province de la Congrégation en Europe, après les cinq provinces françaises et celle d’Italie8. Elles facilitèrent aussi l’organisation des missions populaires, qui s’étendaient sur des territoires de plus en plus vastes de la Pologne. Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, sept maisons furent créées sur le territoire polonais. Outre les quatre mentionnées plus haut, on érigea celles de Cracovie (1686), de Przemyśl (1687) et Łowicz (1689). En 1772, au moment du premier partage de la Pologne, la Congrégation y comptait trente maisons et 295 missionnaires. Leurs activités englobaient plusieurs domaines. Les lazaristes étaient présents dans l’enseignement (avec la création et la gestion des séminaires, des écoles, etc.), ils s’occupaient des pauvres et des malades, publiaient des ouvrages et organisaient des missions. Remarquons que, jusqu’en 1772, parmi les trente établissements de la Congrégation, vingt-trois organisaient des missions, dix-huit géraient des séminaires et deux – ce qui est particulièrement important pour notre sujet – possédaient leurs propres maisons d’édition. L’activité de la Congrégation se caractérisait aussi par la grande fréquence des missions organisées. Les livres de mission, préservés jusqu’à nos jours, permettent de mieux se représenter leur nombre. Ainsi, la maison de Varsovie, qui fut la première à les mettre en pratique, fut celle qui en mena le plus dans les années 1654-1844 (506 missions). Les missions furent les plus nombreuses dans les années 1741-1750 (71 missions) et 1761-1770 (60 missions). D’autres maisons faisaient preuve d’un dynamisme missionnaire tout aussi remarquable. Il suffit de mentionner l’établissement des lazaristes à Cracovie qui, dans les années 1682-1788, organisa 461 missions, dont la plupart (68) eurent lieu entre 1751 et 1760, ou celui de Siemiatycze, avec 324 missions menées entre 1720-1785, dont 66 furent accomplies dans les seules années 1741-1750 et 1751-17609. Ces quelques chiffres permettent d’expliquer la nécessité d’imprimer des catéchismes et des livres de prières pour les besoins des activités missionnaires.

En raison de l’ampleur des activités déployées, et des sources qui ont été préservées, nous disposons de plusieurs informations sur le nombre et la portée des missions, ainsi que sur l’équipement des missionnaires. Les missions duraient, d’habitude, entre deux et trois semaines, c’est pourquoi les lazaristes devaient voyager avec un équipement complet, qui comprenait des objets quotidiens tels qu’une cafetière, un poêle à café, une boîte à œufs, un rasoir, ainsi que des sucriers et des tasses10. Cependant, pour organiser la catéchèse et enseigner les articles de la foi, les missionnaires avaient aussi besoin d’ouvrages religieux, tels que des manuels, des catéchismes et des livres de prières.

Avant de passer à l’analyse du rôle des ouvrages religieux dans l’activité missionnaire de la Congrégation, il convient de souligner un aspect essentiel. Il est clair que le livre a joué un rôle crucial dans la vie de la Congrégation de la Mission en Pologne. Une preuve en est apportée par l’existence du fonds, exceptionnellement riche, de la Bibliothèque des lazaristes à Varsovie au XVIIIe siècle. À cette époque, elle faisait partie des plus grandes bibliothèques de la ville. Il est probable que les premiers ouvrages qui figurèrent dans ses collections avaient été apportés par les missionnaires eux-mêmes. On peut également penser qu’une partie des fonds avait été envoyée par la maison générale de Paris. Cette hypothèse se fonde sur le fait que, au XVIIIe siècle, les membres de la Congrégation disposaient d’un budget particulier, dont une partie était consacrée aux achats de livres, envoyés, par la suite à des maisons différentes de l’institut11. Remarquons aussi que les efforts des missionnaires, cherchant à compléter et à mettre à jour leurs collections de livres, découlèrent naturellement de leur activité pédagogique et missionnaire. En dehors des exemplaires achetés en Pologne, les répertoires des livres de mission englobent aussi des ouvrages traduits du français, tels que Religia chrześcijańska dowiedziona przez uczynki [La Religion chrétienne prouvée par des actes] (1783), de Claude François Houtteville12, Mowy na konferencjach duchownych… [Les Discours des conférences ecclésiastiques] (1788-1789), de Jean Baptiste Massillon13, ou encore Kazania w osobliwszych materiach z sławniejszych autorów francuskich… [Les Sermons portant sur des sujets extraordinaires, par des auteurs français] (1784-1785)14, rassemblés chez plusieurs auteurs.

La diffusion et l’impression de ces ouvrages religieux étaient possibles grâce à l’imprimerie des missionnaires, qui continua ses activités après avoir déménagé de Chełmno15 à Varsovie. En effet, après le premier partage de la Pologne, en 1772, la maison de Chełmno ne se trouvait plus en territoire polonais. La décision du déménagement fut prise par le visiteur de la province polonaise de l’époque, Mikołaj Siemieński (1774-1789). Après la fermeture de l’imprimerie de Chełmno, l’ouverture de celle de Varsovie était devenue nécessaire, compte tenu de la forte demande en ouvrages religieux, tels que manuels, catéchismes pour adultes, enfants et adolescents, ou encore sermons. En outre, les livres étaient indispensables pour les cours donnés aux séminaires et les missions populaires. L’imprimerie des missionnaires, installée à proximité de l’église de la Sainte-Croix, fonctionna à Varsovie pendant 84 ans, de 1780 jusqu’à 1864, date à laquelle la Congrégation cessa d’exister. Auprès d’elle gravitaient aussi un atelier de reliure et une librairie16.

Le registre du bilan comptable de l’imprimerie pour les années 1780-1839, qui fait partie des collections des Archives de l’Archidiocèse de Varsovie, nous procure des informations cruciales sur ses activités éditoriales17. Le registre des dépenses et revenus de l’imprimerie des lazaristes nous renseigne sur les processus d’édition, ainsi que sur le tirage des différents ouvrages utilisés dans le travail d’enseignement et les missions. Parmi les publications de la maison de Varsovie se trouvent des manuels, des sermons – qui englobent ceux prêchés par les missionnaires polonais, ainsi que des textes traduits du français – des catéchismes traduits du français, ainsi que les traductions polonaises des ouvrages français portant sur l’éthique, la philosophie et la morale18. Dans la masse des ouvrages imprimés à Varsovie, il faut noter certains travaux religieux traduits du français, notamment Najlepszy sposób do kazań [La Meilleure Méthode de prêcher des sermons]19 ou Nowenna do św. Wincentego a Paulo [La Neuvaine à Saint Vincent de Paul]…20, tirés à environ 1000 exemplaires. Comme le remarque Józef Szczepaniec, les catéchismes et les livrets de prières y étaient également en très grand nombre. Remarquons, par exemple, Zbiór codziennego nabożeństwa [Le Catéchisme quotidien] de 178021, avec un tirage à 2000 exemplaires, et Nauki powszechne w sposób katechizmowy… [Le Catéchisme universel] de Mgr Charles-Joachim Colbert de Croissy, évêque de Montpellier, publié en quatre volumes, enrichi, entre autres, de sermons traduits par le lazariste Józef Jakubowski et publiés avec le même tirage22. Il convient de noter que le même Józef Jakubowski avait traduit en polonais plusieurs manuels français, dont le Cours complet de mathématique (1780) de Stéphane Bézout (en polonais, Nauka matematyki…), portant sur les disciplines mathématiques : l’arithmétique, la géométrie, l’algèbre, ainsi que la mécanique et l’hydrostatique23.

Le personnage de Guillaume Desdames24, mentionné plus haut, joua un rôle crucial dans le développement de cette littérature religieuse en Pologne, car ce fut lui qui traduisit en polonais le catéchisme français destiné à être utilisé pendant les missions, Powinności chrześcijańskie, to jest co każdy chrześcijanin wiedzieć i czynić powinien, aby być zbawionym [Les Devoirs chrétiens, ou ce que chaque chrétien doit savoir et faire pour être sauvé]25. Les circonstances de la création de cet ouvrage nous échappent. Il est également impossible de déterminer exactement sur quel catéchisme s’appuyait la traduction de Desdames. Nous savons seulement que le livre fut produit après 1654, à un moment où Guillaume Desdames avait commencé à mener des missions populaires, à Varsovie et dans les villages voisins. À cette époque-là, le lazariste parlait déjà assez bien le polonais, qu’il avait appris très vite. Les sources historiques suggèrent que le catéchisme était prêt à être traduit en polonais en 165526. Ce qui est certain, c’est que le catéchisme de mission parut pour la première fois à Varsovie en 1678, et que sa dernière version fut imprimée à Cracovie en 194727.

Il est également difficile de préciser le nombre d’éditions des Devoirs chrétiens en polonais. L’historiographie, ainsi que nos recherches menées à la Bibliothèque de la Congrégation de la Mission à Cracovie, à la Bibliothèque Jagellonne à Cracovie, à la Bibliothèque nationale à Varsovie, à la Bibliothèque de l’Université de Varsovie et à la Bibliothèque du Séminaire métropolite de Lublin, montrent qu’il en existait sept éditions différentes au XVIIIe siècle (Cracovie, 1716 ; Cracovie, 1755 ; Cracovie, 1779 ; Varsovie, 1780 ; Varsovie, 1781 ; Varsovie, 1793 et Varsovie, 1795). Sept rééditions en furent données au XIXe siècle (Varsovie, 1831 ; Varsovie, 1835 ; Varsovie, 1851 ; Cracovie, 1867 ; Cracovie, 1882 ; ainsi que deux éditions à Cracovie en 1900, l’une à l’imprimerie de Józef Roman Łakociński et l’autre à l’imprimerie d’Antoni Koziański), puis deux éditions, à nouveau, au début du XXe siècle (Cracovie, 1906 et Cracovie, 1914). Pourtant, ces chiffres ne reflètent pas complètement l’importance du tirage de cet ouvrage. Nous savons grâce aux travaux de Stanisław Janeczek et de Stanisław Rospond que les Devoirs chrétiens connurent davantage de rééditions. Ces auteurs mentionnent également les éditions de Supraśl en 1797, de Cracovie en 1800, de Vilnius en 1801, de Varsovie en 1823, 1827 et 1829, et de Cracovie en 194728. Des recherches futures aboutiront sans doute à la découverte d’autres exemplaires.

Il convient aussi d’évoquer l’aspect matériel de ce catéchisme. Tous les exemplaires des Devoirs chrétiens des XVIIIe, XIXe et XXe siècles sont très similaires dans leur apparence. L’ouvrage fut publié sous la forme d’un petit livre, relié ou non, dont les dimensions ne varient pas considérablement, allant de 14 cm x 8 cm, le format le plus répandu, à 13 cm x 9 cm, 14 cm x 9 cm, 15 cm x 9 cm, 15 cm x 10 cm, et jusqu’à 16 cm x 11 cm. Au cours des années, les éditions des Devoirs chrétiens subirent toutefois quelques modifications. Étant donné l’absence d’exemplaire datant de 1678, il est impossible de comparer le contenu de l’ouvrage paru au XVIIe siècle avec ses éditions plus tardives, datant des XVIIIe, XIXe et XXe siècles. Nous pouvons, en revanche, confronter l’édition du XVIIIe siècle avec celles qui suivirent. Outre les articles de la foi, l’ouvrage contenait aussi des cantiques, présents ou absents en fonction de l’édition. Ainsi, celle de 1716 se distingue principalement des éditions plus tardives par l’absence de ces chants29. Les éditions parues dans les années suivantes furent augmentées. Elles contiennent, entre autres, des prières du matin et du soir, et des litanies30. Celle de 1867 fut aussi complétée par des vêpres en latin31.

La désignation de l’ouvrage a également connu des variations. Les éditions de 1716 et 1755 comportent le même titre : Powinności chrześciańskie, to jest co powinien każdy chrześcianin wierzyć, czynić, i wiedzieć, aby był zbawiony [fig. 1]. Cependant, l’intitulé des versions plus tardives, provenant de la deuxième moitié du XVIIIe et du XIXe siècles, a été complété pour inclure aussi la mention du catéchisme (katechizm missyiny) et des cantiques (z przydatkiem nabożnych pieśni). C’est le cas des Powinności chrześcijańskie albo katechizm missyiny nauczający co powinien każdy chrześcijanin wierzyć, wiedzieć, czynić, aby był zbawiony : z przydatkiem nabożnych pieśni, które się podczas missyi śpiewać będą i Mszy śpiewanej32. À la fin du XIXe siècle, le titre fut encore complété pour contenir l’expression livre de mission (książeczka misyjna), comme le montre l’exemplaire Książeczka misyjna zawierająca krótki zbiór katechizmu i powinności chrześciańskich z przydaniem sposobu słuchania Mszy św., modlitw przy spowiedzi i komunii św., tudzież pieśni i nabożeństw pospolicie używanych33 [fig. 2].

Fig. 1. Page de titre des Devoirs chrétiens (Powinności chrześciańskie, to jest co powinien każdy chrześcianin wierzyć, czynić, i wiedzieć, aby był zbawiony, Cracovie, imprimerie de Jan Domański, 1716, exemplaire de la collection de la Bibliothèque de la Congrégation de la Mission à Cracovie).

Fig. 2. Page de titre des Devoirs chrétiens (Książeczka misyjna zawierająca krótki zbiór katechizmu i powinności chrześciańskich z przydaniem sposobu słuchania Mszy św., modlitw przy spowiedzi i komunii św., tudzież pieśni i nabożeństw pospolicie używanych, Cracovie, imprimerie de Józef Roman Łakociński, 1900, exemplaire de la collection de la Bibliothèque de la Congrégation de la Mission à Cracovie).

Il importe, par ailleurs, d’estimer la masse des exemplaires imprimés des Devoirs chrétiens. Au regard du grand nombre de missions pratiquées, comme l’illustre le dynamisme de la maison de Varsovie, et du type de publications sortant de l’imprimerie des lazaristes, il est facile de remarquer que cette dernière eut pour objectif principal l’impression des livres indispensables pour mener les missions. Ces ouvrages, imprimés en 1 000 ou 2 000 exemplaires, n’étaient pourtant pas les seuls livres importants dans la production éditoriale des missionnaires. Les catéchismes et manuels de prières sortant de l’imprimerie de Varsovie se caractérisaient, en règle générale, par un grand nombre d’exemplaires publiés, ce qui est aussi confirmé par le tirage important des Devoirs chrétiens. Les nombreuses rééditions de cet ouvrage soulignent sa forte demande et sa popularité parmi le peuple qui participait aux missions populaires. Le Catéchisme de Desdames occupait une place à part parmi les ouvrages imprimés à Varsovie. Il est clair que son tirage était lié au nombre de missions organisées par la Congrégation. Dans le cas de ce livre, nous pouvons même parler d’un phénomène d’édition, car il prend rang parmi les ouvrages les plus souvent imprimés par la maison de Varsovie. Dans les années 1780-1790, un nouveau tirage était commandé presque chaque mois34. Pour avoir une idée de la réputation de ce catéchisme, il suffit d’apprécier les chiffres de l’année 1780. 10 000 exemplaires ont été tirés, ce qui constitue sans doute un record, comparé à d’autres ouvrages imprimés à Varsovie, qui ne dépassaient pas les 1 000 ou 2 000 exemplaires. Ces chiffres permettent de vérifier l’impact de l’activité missionnaire sur le tirage du catéchisme. Au cours de l’année 1781, 1647 exemplaires en furent vendus35.

En décrivant la demande énorme pour le catéchisme de mission, il convient de considérer un autre fait intéressant. Dans le bilan comptable de 1781 se trouve un fragment concernant une commande de 4 000 exemplaires du catéchisme en lituanien intitulé Pawinastis krykscionyszkas arba Pamoksłas…, pour un prix de 220 złoty36. Compte tenu du nombre de missions que les prêtres effectuaient, entre autres, dans les diocèses de Vilnius et de Samogitie, et du fait que, très souvent, les habitants de ces territoires ne parlaient pas le polonais et que les missionnaires qui s’y rendaient s’exprimaient en lituanien, ce type de commande nous paraît logique. De même que pour les Devoirs chrétiens, il est difficile de déterminer le nombre d’éditions du livre de prières en lituanien. Les recherches menées dans la Bibliothèque de l’Université de Vilnius permettent de constater l’existence des éditions suivantes : Varsovie, 1781 – de l’imprimerie des missionnaires ; Vilnius, 1803 – de l’imprimerie des prêtres basiliens ; Vilnius, 1830 – de l’imprimerie des prêtres basiliens.

En dernier lieu, examinons les prix des ouvrages religieux parus à Varsovie. En analysant la partie du bilan comptable pour le mois de juillet 1782, relative à la publication des deux exemplaires du Catéchisme de Desdames, nous voyons un montant total de 15 grosz, ce qui donne 7,5 grosz par exemplaire37. Les prix des autres livres destinés au travail missionnaire étaient comparables. Ainsi, en avril de l’année 1783, le manuel pour les filles coûtait 10 grosz38. Comparés à d’autres types d’ouvrages, les prix des livres utilisés pendant les missions s’avèrent très bas. Par exemple, en septembre 1782, un exemplaire de Sztuka pisania w trzech rozdziałach… (L’Art d’écrire en trois chapitres), écrit par Dominik Szybiński39, datant de 1781 et décrivant, par exemple, la façon de se servir d’une plume, ainsi que la posture correcte pendant l’action d’écrire, coûtait 4 złoty et 50 grosz. Pamiętnik moralny z różnych polskich autorów zebrany [Mémoires moraux par différents auteurs polonais], datant de 1782 et contenant des anecdotes et des leçons de morale, coûtait 1 złoty et 15 grosz40.

Les ouvrages religieux français jouèrent incontestablement un rôle crucial dans l’activité missionnaire de la Congrégation de la Mission sur le territoire polonais aux XVIIe et XVIIIe siècles. L’exemple des Devoirs chrétiens permet en particulier de constater l’importance du tirage des catéchismes utilisés pendant les missions. Le grand nombre d’éditions et d’exemplaires de cet ouvrage que nous avons retrouvés incitent à poursuivre les recherches sur le rôle du livre dans la vie missionnaire des lazaristes en Pologne.

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1 Lambert aux Couteaux naquit en 1606 à Fossemanant. Il entra dans la Congrégation de la Mission en août 1629 et fut ordonné prêtre deux ans plus tard. Le 17 septembre 1642, il prononça ses vœux de missionnaire. Dans les années 1635-1637, il séjourna à Toul, pour se rendre ensuite à Richelieu au bord de l’Atlantique (1638-1642 et 1645, 1650 et 1651). Collaborateur de Vincent de Paul, il devint son assistant en 1642. Pendant trois ans, il exerça la fonction du supérieur du Collège des Bons-Enfants à Paris (1646-1649), et devint ensuite supérieur de Saint-Charles en 1650. Après son arrivée en Pologne, il vécut à Varsovie, puis à Cracovie où il soigna des malades pendant l’épidémie de choléra. Rentré à Varsovie avec la reine, il séjourna au palais royal. Pendant l’hiver de 1652, il voyagea avec la cour à Sokółka, près de Grodno, où habitait Guillaume Desdames. Il y mourut le 31 janvier 1653. Cf. Jan DUKALA, « Lambert aux Couteaux (1606-1653) », dans Misjonarze św. Wincentego a Paulo w Polsce (1651-2001), vol. II-1 : Biografie, éd. J. Dukała, Cracovie, Instytut Wydawniczy Księży Misjonarzy « Nasza Przeszłość », 2001, p. 11-12.

2 Nicolas Guillot naquit le 6 janvier 1627 à Auxerre. Il entra dans la Congrégation de la Mission le 12 juin 1648 et prononça ses vœux le 12 juin 1651. Il fut ordonné prêtre le 24 décembre 1651. Après la mort de Lambert aux Couteaux en mai 1654, il rentra en France pour repartir en Pologne en juillet de la même année. Il quitta de nouveau la Pologne en novembre 1655 pour travailler à Montmirail, et ensuite à la maison Saint-Lazare à Paris. Dans les années 1662-1667, Guillot fut supérieur de la maison d’Amiens. Cf. Misja polska w pismach Wincentego a Paulo i Ludwiki de Marillac 1651-1660, vol. 1, éd. J. Górny, trad. J. Dukala, Cracovie, Instytut Teologiczny, 2010, p. 120.

3 Stanisław Kazimierz Żelazowski naquit à Varsovie. Il entra dans la Congrégation de la Mission à Paris le 19 octobre 1647. Cf. Misja polska w pismach Wincentego a Paulo i Ludwiki de Marillac, op. cit. [n. 2], p. 120.

4 Jacques Posny naquit à Vendôme et entra dans la Congrégation de la Mission le 16 mai 1649, ibid., p. 138.

5 Ibid., p. 120.

6 À Louise-Marie de Gonzague, reine de Pologne, 6 septembre 1651, ibid., lettre 1401, p. 90.

7 Stanisław ROSPOND, « Rola kościoła św. Krzyża w Warszawie w dziejach Polskiej Prowincji Zgromadzenia Księży Misjonarzy w XVII i XVIII-wiecznej Polsce », dans Księga pamiątkowa. Kościół Świętego Krzyża w Warszawie w trzechsetną rocznicę konsekracji 1696-1996, éd. T. Chachulski, Varsovie, Instytut Teologiczny Księży Misjonarzy, 1996, p. 30.

8 La Province polonaise de la Congrégation de la Mission fut créée pendant la IVe Convention générale de la Mission qui eut lieu à Paris en 1685. Michał Bartłomiej Tarło (1685-1710) devint le premier visiteur de la province.

9 Agnieszka WIECZOREK, Misje ludowe Zgromadzenia Księży Misjonarzy św. Wincentego a Paulo na terenie Rzeczypospolitej od połowy XVII do początku XIX wieku, Toruń, Wydawnictwo Naukowe Uniwersytetu Mikołaja Kopernika, 2014, p. 157-158.

10 Pour en savoir davantage sur l’équipement des missionnaires, cf. A. WIECZOREK, ibid., p. 187-188.

11 D’après Krzysztof GONET, « Biblioteka księży misjonarzy u św. Krzyża w Warszawie. Zarys problematyki », Nasza Przeszłość 86, 1996, p. 78-79.

12 Claude François HOUTTEVILLE, Religia chrześcijańska dowiedziona przez uczynki, Varsovie, imprimerie des Missionnaires, 1783.

13 Jean Baptiste MASSILLON, Mowy…na konferencjach duchownych i synodach diecezjalnych miane o szczególniejszych obowiązkach stanu duchownego z francuskiego na ojczysty język przełożone przez ks. Józefa Łopacińskiego, vol. 1-2, Varsovie, imprimerie des Missionnaires, 1788-1789.

14 Kazania w osobliwszych materiach z sławniejszych autorów francuskich zebrane i na ojczysty język przełożone za pozwoleniem zwierzchności, vol. I-IV, Varsovie, imprimerie des Missionnaires, 1784-1785.

15 Il faut noter que l’imprimerie de Chełmno, établie en 1764, avait été créée à l’initiative des lazaristes de Chełmno et de leur supérieur, Michał Barszczewski.

16 Alfons SCHLETZ, Współpraca misjonarzy z Komisją Edukacji Narodowej (1773-1794). Przyczynek do historii kultury i oświaty w Polsce, Cracovie, imprimerie Powściągliwość i Praca, 1946, p. 46. Pour en savoir davantage sur les livres imprimés par des missionnaires, voir Katalog książek wydanych w drukarni Zgromadzenia XX. Misjonarzy w Warszawie (1780-1794), cité dans A. SCHLETZ, ibid., p. 167-170 ; Archives de la province polonaise de la Congrégation de la Mission, Michał CHORZĘPA, Wydawnictwa Drukarni Świętokrzyskiej w Warszawie, sign. VIII/6 (manuscrit dactylographié).

17 Archives de l’Archidiocèse de Varsovie (AAW), Percepta i ekspensa Drukarni XX. Misjonarzy, sign. 73. Ce manuscrit, si important pour l’histoire de la maison d’édition, fut analysé en détail par J. Krauze-Karpińska, dont l’article abonde en informations intéressantes sur l’histoire de la maison et de ses publications (voir Joanna KRAUZE-KARPIŃSKA, « Warszawska Drukarnia Księży Misjonarzy w księdze przychodów i wydatków 1780-1839 », dans Księga pamiątkowa. Kościół Świętego Krzyża w Warszawie, op. cit. [n. 7], p. 57-66).

18 Pour en savoir davantage sur ce point, voir Dorota PIETRZKIEWICZ, « Książki z warszawskiej drukarni księży misjonarzy w ogłoszeniach prasowych (1780-1792) », dans Analecta. Studia i materiały z dziejów nauki 1-2, 2003, p. 210.

19 René ALMÉRAS, Najlepszy sposób do kazań, Varsovie, imprimerie des Missionnaires, 1785.

20 Nowenna do św. Wincentego a Paulo congregationis missionis i sióstr miłosierdzia fundatora […] z francuskiego języka na polski przetłumaczona, Varsovie, imprimerie des Missionnaires, 1781.

21 Zbiór codziennego nabożeństwa, Varsovie, imprimerie des Missionnaires, 1780.

22 Karol Joachim COLBERT, Nauki powszechne w sposób katechizmowy, w którym tłumaczą się krótko z Pisma i z historii i tradycji fundamenta religii, obyczajność chrześcijańska, sakramenta, modlitwy, ceremonie i zwyczaje Kościoła, vol. 1-4, Varsovie, imprimerie des Missionnaires, 1790-1791. Cf. Józef SZCZEPANIEC, « Rola drukarstwa w życiu literackim polskiego oświecenia. Zarys wybranych zagadnień », dans Problemy literatury polskiej okresu oświecenia, dir. Zb. Goliński, Wrocław, Zakład Narodowy im. Ossolińskich, 1973, p. 92-93 ; Alfons SCHLETZ, Józef Jakubowski, żołnierz i kapłan (1743-1814), Cracovie, imprimerie Powściągliwość i Praca, 1945, p. 123.

23 Stanisław BÉZOUT, Nauka matematyki do użytku artylerii francuskiej napisana przez… towarzysza Akademii Nauk i marynarskiej etc. a dla pożytku pospolitego, osobliwiej dla Korpusu Artylerii Narodowej na polski język przełożona z rozkazu i nakładem Jego Królewskiej Mci Pana naszego miłościwego do druku podana, vol. 1-4, Varsovie, imprimerie des Missionnaires, 1781-1782. D’autres traductions furent réalisées par Jakubowski, dont celle de Louis COTTE, Lekcje elementarne fizyki, hydrostatyki, ­astronomii i meteorologii z traktatem o sferze przez pytania i odpowiedzi, wydane po francusku w Paryżu 1798, a teraz na polski język przetłumaczone, Varsovie, imprimerie des Missionnaires, 1809. Pour en savoir plus sur ses traductions, voir A. SCHLETZ, Józef Jakubowski, op. cit. [n. 22], 1945, p. 215-217.

24 Guillaume Desdames naquit en 1622 à Rouen. Il entra dans la Congrégation de la Mission le 10 juin 1645 à Paris et prononça ses vœux de missionnaire le 10 mars 1648. Il fut ordonné prêtre en 1648 à Paris. Pendant les trois premières années (1648-1651) il s’occupa des missions. Desdames vint à Varsovie à l’automne de 1651. Dans les années 1651-1653, il fut le curé de la première paroisse de la Congrégation en Pologne, dans le village de Sokółka, qui faisait partie du diocèse de Vilnius. Il exerça ensuite la fonction de supérieur de la maison de Varsovie (1658-1668) et devint curé dans les années 1658-1670. En 1667, il assista à la mort de la reine Louise Marie. Il voyagea en France deux ans plus tard, pour ensuite rentrer en Pologne en 1680 et commencer le travail à Chełmno, où il devint supérieur de la maison, curé de la paroisse et recteur du séminaire diocésain. Il quitta Chełmno en 1685 pour devenir supérieur de la maison de Cracovie et recteur du séminaire de cette ville. Desdames mourut le 1er juin 1692, voir Jan DUKAŁA, « Desdames Wilhelm (1622-1692) », dans Misjonarze św. Wincentego a Paulo w Polsce, op. cit. [n. 1], p. 133-134.

25 Powinności chrześcijańskie, to jest co każdy chrześcijanin wiedzieć i czynić powinien, aby być zbawionym, Varsovie, 1678.

26 Luigi MEZZADRI et José Maria ROMÁN, Historia Zgromadzenia Misji, vol. 1 : Od założenia do końca xvii wieku (1625-1697), éd. J. Dukala, Cracovie, trad. Władysław Bomba, Instytut Wydawniczy Księży Misjonarzy « Nasza Przeszłość », 1995, p. 381.

27 J. DUKAŁA, « Desdames Wilhelm », art. cit. [n. 24], p. 133-135 ; Stanisław JANACZEK et Stanisław ROSPOND, Bibliografia misjonarska 1651-1988, Cracovie, s. n., 1988, p. 47 (manuscrit dactylographié provenant de la Bibliothèque de la Congrégation de la Mission à Cracovie).

28 St. JANACZEK et St. ROSPOND, ibid., p. 47.

29 Powinności chrześciańskie, to jest co powinien każdy chrześcianin wierzyć, czynić, i wiedzieć, aby był zbawiony, Cracovie, imprimerie de Jan Domański, 1716.

30 Powinności chrześcijańskie czyli katechizm missyjny nauczający co powinien każdy chrześcijanin wierzyć, wiedzieć i czynić, aby mógł być zbawionym : z przydatkiem sposobu słuchania Mszy świętej i różnych pieśni, Cracovie, nakładem misjonarzy, czcionkami drukarni związkowej pod zarządem Andrzeja Szyjewskiego, 1882.

31 Powinności chrześcijańskie czyli katechizm missyjny nauczający co powinien każdy chrześcijanin wierzyć, wiedzieć i czynić, aby mógł być zbawionym : z przydatkiem sposobu słuchania i śpiewania Mszy świętej i rozmaitych pieśni, Cracovie, imprimerie de Franciszek Ksawery Pobudkiewicz, 1867.

32 Powinności chrześcijańskie albo katechizm missyiny nauczający co powinien każdy chrześcijanin wierzyć, wiedzieć, czynić, aby był zbawiony : z przydatkiem nabożnych pieśni, które się podczas missyi śpiewać będą i Mszy śpiewanej, Varsovie, imprimerie des Missionnaires, 1780 ; Powinności chrześcijańskie czyli katechizm missyjny nauczający co powinien każdy chrześcijanin wierzyć, wiedzieć i czynić, aby mógł być zbawionym : z przydatkiem sposobu słuchania, śpiewania Mszy świętej i różnych pieśni, Varsovie, imprimerie des Missionnaires, 1835.

33 Książeczka misyjna zawierająca krótki zbiór katechizmu i powinności chrześciańskich z przydaniem sposobu słuchania Mszy św., modlitw przy spowiedzi i komunii św., tudzież pieśni i nabożeństw pospolicie używanych, Cracovie, imprimerie de Józef Roman Łakociński, 1900.

34 AAW, Percepta i ekspensa, op. cit., [n. 17], p. 1-99.

35 J. SZCZEPANIEC, op. cit., [n. 22], p. 93 ; J. KRAUZE-KARPIŃSKA, op. cit., [n. 17], p. 64.

36 Pawinastis krykscionyszkas arba Pamoksłas trumpas ape tay ką pawinas kożnas katalykas żinoty…, Varsovie, imprimerie des Missionnaires, 1781. L’imprimerie des lazaristes a enregistré une commande de l’édition des Devoirs chrétiens « po żmudzku » (« à la samogitienne »), c’est-à-dire en lituanien. Voir AAW, Percepta i ekspensa, op. cit. [n. 17], p. 9. La version lituanienne des Devoirs chrétiens est mentionnée par J. KRAUZE-KARPIŃSKA, op. cit. [n. 17], p. 64 et par St. JANACZEK et St. ROSPOND, op. cit. [n. 27], p. 47.

37 AAW, Percepta i ekspensa, op. cit. [n. 17], p. 15.

38 Ibid., p. 21.

39 Dominik SZYBIŃSKI, Sztuka pisania w trzech rozdziałach wyjęta z Encyklopedii i pożytecznymi przydatkami pomnożona, Varsovie, imprimerie des Missionnaires, 1781. L’imprimerie des lazaristes a réalisé une commande de dix exemplaires du livre à 45 złoty, AAW, Percepta i ekspensa, op.cit. [n. 17], p. 16.

40 Pamiętnik moralny z różnych polskich autorów zebrany, Varsovie, imprimerie des Missionnaires, 1782 ; AAW, Percepta i ekspensa, op. cit. [n. 17], p. 16.