Une édition peu connue de la Théologie de Montaigne (1603)
L’édition que nous présentons ici a été publiée en 1603 par Romain de Beauvais, à Rouen. Les fonds publics français en conservent cinq exemplaires : Toulouse, Bar-sur-Aube, Moulins, Arsenal, BnF/site de Tolbiac [Fig. 1].
Un exemplaire conservé à Harvard comprend une importante dédicace manuscrite de Léonor de Montaigne :
Monsieur deux raison m’obligent à vous donner ce livre, l’une pour ce que feu Monsieur de Montaigne l’ayant estimé a esté assez de ses amis pour lui donner une robe à la françoise j’ay quelque intérest à sa gloire or il ne peut en recevoir davantage qu’il fera lors qu’il vous servira d’entretien pour que vous avez assez de jugement pour lestimer et assez de piété pour l’aymer autant qu’il le mérite l’autre pour l’affection que j’ay à votre service car j’ay jugé qu’il vous apportera du plaisir puis qu’il a esté assez honnête homme pour plaire à ce traducteur je dé-sire certes que vous en recevez de toute part mais principalement de la maison de Montaigne que je tiens heureuse de vous en pouvoir donner et […] heureuse aussi de ce que ce soit par mon moyen recevez le donc monsieur de la part de votre servante bien humble.
A Montaigne le 17 L. de Montaigne
Cette dédicace atteste que Léonor de Montaigne a eu connaissance de cette édition de 1603 qui fait suite à 1569 et à 1581.
La localisation de l’imprimeur à Rouen comme le fait que le livre ait été en possession de la maison de Montaigne laisse penser que Marie de Gournay a pu y mettre la main, bien que, à notre connaissance, aucun bibliographe n’ait noté ce point.
Ajoutons que notre exemplaire de référence, en velin de l’époque, contient, dans la marge de la page intitulée préface de l’autheur, une longue annotation manuscrite : « Cette préface du premier livre est censurée par le Concile de Trente (comme il se peut voir dans la liste des livres deffendus et censurés. Et pourtant le reste du livre n’est pas censuré par ledit concile. » [Fig. 2].
Notons que cette préface de Sebon est ici présentée pour la première fois sous cette forme et imprimée en grandes italiques ; la grande lettrine A, au début du texte est identique à celle utilisée par Gorbin en 1581 ; les manchettes sont bien présentes en marge.
L’adresse de Montaigne à son père est aussi identique à celle de 1581 ; a été seulement supprimée à la fin la mention : de Paris, le 18 de juin 1568, qui figurait en 1581.
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Compléments. L’article de M. Gallet paru dans la Revue française d’histoire du livre datée de 2018 comportait quelques manques indépendants de la volonté de l’auteur. Les voici comblés (en gras) :
Lire p. 303 : La monographie botanique (six lettres de Jacques Derrida) suivi de : Montaigne selon les trois temps de sa construction subjective
P. 304 : Il me donne son accord pour la dédicace que je lui avais demandé d’accepter de moi : il s’agit de la parution de Babel (William Blake & Co 1999) (« Je vous lis et je reçois tout ce que vous me donnez avec une grande reconnaissance. »)
P. 305 : S’adressant à moi, il écrit, après coup peut-être, cher ami ; il évoque aussi le nom de son ami Jean-Paul Michel.
Il termine en m’exprimant son « admirative gratitude. »
P. 312 : Nous nous sommes longuement interrogés ce soir sur la question du nom qui ne saurait en aucun cas être rabattue par psychologisme sur la question du moi.