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Sannazar entre Olivier de Magny et Hugues Salel dans Les Amours (1553) ou la complicité du dédicataire. Étude d’une source inédite
L’entrée dans l’atelier d’un traducteur demeure un accès privilégié à la compréhension du travail d’écriture d’un auteur en raison du nombre considérable de problèmes que soulève la traduction. Nous allons répondre à quelques-unes des questions qui portent sur la légitimité ou sur le lectorat – réel ou idéal – des textes traduits. Pour ce faire, nous nous appuierons sur une source italienne traduite par Magny, non encore relevée par la critique. L’intérêt de ce bref passage translaté de l’italien est d’être enchâssé dans l’épître dédicatoire adressée à Hugues Salel. Après avoir rappelé les rapports entre Oliver de Magny et Hugues Salel1 au moment de la publication des amours en mars 1553,2nous analyserons, dans un deuxième temps, le passage traduit avant de nous interroger, dans une troisième partie, sur le statut social et littéraire de la dédicace en tenant compte des personnes concernées, à savoir le dédicateur, le dédicataire et l’auteur italien de la source traduite.
Le canzoniere de Magny est dédié « A Monseigneur de Saint Cheron et de Saint Sanson, Conseiller & Aumosnier ordinaire de la Royne » (pp. 53-54). Sous ces titres se cache Hugues Salel, un érudit très influent à la cour de François Ier qui a joué un rôle décisif dans la formation intellectuelle d’Olivier de Magny. Celui-ci entre à son service en qualité de secrétaire, vraisemblablement dans la deuxième moitié des années quarante, et c’est grâce à lui qu’il rencontre les représentants de la Brigade. On ignore également la date exacte de la mort de Salel, survenue au moment même ou juste après la publication des amours, en tout cas entre les 18 et 27 mars 1553 – respectivement dates du privilège et de la dédicace – et le 25 juillet 1553 – date du privilège de lesonzième et douzième livres de l’iliade,3 traduits par Salel et édités à titre posthume par son secrétaire fidèle. Après le décès de son protecteur, Magny sera obligé de chercher avec empressement un nouveau mécène, mais cette quête fut particulièrement ardue car il n’est pas facile de « vivre de sa plume » au XVIe siècle, comme l’ont montré les études savantes de Michel Simonin.4
Le rapport d’estime de l’élève pour son maître est attesté dans les amours par la présence onomastique réitérée de Salel : la page de titre annonce « un recueil d’aucunes œuvres de Monsieur Salel, Abbé de saint Cheron, non encore veuës », le volume en entier lui est dédié ainsi que le sonnet vi (« Divin Salel, de qui l’ancre dorée ») et les odes v et ix sont intitulées « A Monseigneur de saint Cheron ». Sa personne est évoquée par le « Quercinois Homere » dans la toute première des odes (p. 124, v. 66) et ses vers de jeunesse sont introduits par un avertissement « Au lecteur » (pp. 186-87) de la plume d’Olivier de Magny en personne. Par ailleurs, le nom de Salel – juxtaposé à ceux de Marc-Antoine Muret, d’Etienne de Navières et de Jean de Maumont, trois érudits mentionnés plusieurs fois dans le même volume – est appelé à protéger le « livre » de Magny dans le péritexte liminaire du supplément reproduisant les pièces inédites du mécène (« Luy mesmes à son livre », p. 188). Il n’est peut-être pas sans importance de rappeler que le supplément débute par une fausse page de titre qui donne l’illusion du commencement d’un nouveau recueil. Le supplément se définit ainsi comme un fascicule autonome bien que non indépendant de celui qui le précède, la continuité intellectuelle et matérielle entre les deux volets étant ainsi assurée.5
en dépit d’un rapport intellectuel respectueux qui s’annonce d’emblée sincère et profond, l’épître dédicatoire présente, en signe d’excusatio, les topoi les plus courants de ce type de texte : l’hommage du livre au dédicataire en tant que signe de reconnaissance pour sa protection morale et littéraire (« pour vous tesmoigner, comme je voudroy, le desir que j’ay de n’ensevelir par une ingratitude les biens que j’ay receuz de vous »), la hardiesse de ce geste vu la petitesse du présent (« vous en [amas]faire un present » ; « je crain tellement de trop entreprendre en cest endroit », « je n’eusse jamais osé vous adresser chose si peu convenable »), la demande d’approbation (« Je vous suplie donc très humblement, Monseigneur, de prendre en gré ces petis labeurs »), le topos de modestie qui consiste d’une part à soumettre ses vers à un « comité de lecture » avant de les faire imprimer et de l’autre à afficher dans les cahiers liminaires du volume le sodalitium de poètes renommés censé garantir la valeur des vers de l’auteur (« sans le bon visage que ce livre a receu de Messieurs de Ronsard, Dorat, Muret, Saingelais, Jodelle, Baif & Denisot »), le topos des juvenilia en relation avec l’inspiration amoureuse (« ces petis labeurs conduitz et menez par les divers chemins de ma jeunesse ») ou enfin le rapport hiérarchique entre l’élévation morale du dédicataire et l’abaissement intellectuel du dédicateur (« Vostre très humble & très obeissant serviteur », l’adverbe « humblement » revient deux autres fois ; « vous faire service »).
Les compliments liminaires soulignent incontestablement la grandeur magnanime du destinataire et, de c fait, ils relèvent de l’écriture épidictique, le registre consubstantiel à ce type de texte. Magny n’a sans doute pas oublié la leçon de Ronsard qui venait d’affirmer, en 1550, dans la préface des odes, que « c’est le vrai but d’un poëte Lirique de celebrer jusques à l’extremité celui qu’il entreprend de louer ».6Mais par delà le style conventionnel de la lettre, rien ne devrait empêcher de croire en une fidélité et un dévouement sincère et loyal du jeune poète envers celui qui a contribué à son éducation intellectuelle et à sa promotion sociale et poétique. C’est pourquoi, en disciple obligeant, Magny publie les vers de jeunesse de son protecteur en annexe à ses amours. Magny, originaire du Quercy de même que Marot et Salel, aspire peut-être spéculant de bonne heure sur l’état de santé de ce dernier – à l’héritage du prestige social et intellectuel de son mécène par le biais de la même origine régionale et espère assurer ainsi la troisième génération littéraire du Quercy. À travers le supplément annexé, le maître passe le témoin à son apprenti afin que celui-ci puisse afficher la continuité intellectuelle et témoigner en même temps, au moment de la quête d’un nouveau protecteur, du service fidèle voué à son tuteur.7L’appendice pourrait se comprendre comme une lettre de recommandation et comme un emploi privé et restreint de la translatio studii, légitimée entre autres par le référent toponymique.8Dans la préface des odes de Ronsard, le prince des poètes conseillait d’« honnorer par le titre de son païs »9la personne faisant l’objet du panégyrique.
La figure de son mécène se trouve exploitée effectivement dans l’ode l’ombre de salel, publiée pour la première fois dans le tombeau qui lui est destiné en 1553 sous la direction de Magny. Il s’agit d’une prosopopée prononcée par Salel et adressée à Jean d’Avanson, le futur protecteur du Quercinois, dont le but est de lui recommander son élève :
Et que de mon magni, mon attente non vaine,
tu sois doresnavant le recteur et mecene,
comme je soulois estre.10
Le nom choisi par Magny pour célébrer sa dame, Castianire, est celui de la femme de Priam, personnage issu du huitième chant de l’iliade d’Homère, ce qui accentue davantage l’hommage rendu à son mécène et à son travail de traduction ainsi que la continuité entre le maître et son élève :
Donnez au tourment de mon cueur
castianire quelque treve,
n’empeschant que ceste liqueur
mes espritz alterez abreuve,
c’est par là que vostre nom beau
dedaigne et ne craint le tombeau,
arraché de sa creuse panse,
par mes vers, veufz de recompence.
celuy veux chanter (si je puis)
qui devant moy vous a chantée,
non enflammé comme je suis
d’une aspre ardeur inusitée,
mais en revelant les secretz
de l’aveugle (clarté des grecs)
et sonnant après luy la guerre,
qui de son bruyt emplit la terre.11
s’il n’y a rien de surprenant au fait que le Quercinois s’approprie dans sa dédicace quelques-uns des topoi les plus courants de ce type de texte, on peut s’interroger sur la loyauté envers Salel en raison de l’emboîtement d’une dédicace italienne, adressée par la force des choses à un destinataire différent, dans l’épître dédicatoire où Magny exprime son dévouement sincère à son mécène. Il s’agit de l’épître dédicatoire des sonetti et canzoni de J. Sannazar (1530) adressée à la marquise Cassandra :
[...] stimando in niun loco potere più commodamente salvarle, che nel tuo castissimo grembo, nel quale di ogni tempo le sacre Muse con la dotta pallade felicemente e con diletto dimorano. Tu [...] prenderai benignamente queste mie vane e giovenili fatiche, per diversi casi da la fortuna menate, e finalmente in picciolo fascio raccolte ; e quelle con la tua giusta bilancia esaminando, le mediocri (ché buona non credo ve ne sia veruna) porrai da parte, a le altre, che a questo grado non attingeranno, porrai silenzio, a tutte egualmente darai pietosa vènia ; acciò che da tal principio le studiose donne assicurate, non si sdegnino leggere quelle che accettate saranno da la ingeniosa e gran cassandra.12
La version française conduit le lecteur à la source italienne :13
Je me suis avisé de faire un amas de quelques vers que j’ay mesurez autresfois sur la lyre, & depuis, l’ayant mis en ceste sorte, vous en faire un present, sachant très bien ne le pouvoir mettre en lieu de plus grande seureté qu’entre voz mains, qui de tous temps avez les Muses & les graces auprès de vous. [...] je vous suplie donc très humblement, monseigneur, de prendre en gré ces petis labeurs conduitz & menez par les divers chemins de ma jeunesse, & depuis mis en un monceau pour les apendre à l’autel de l’affection immortelle que j’ay de vous faire service : voire mesmes faire tant pour moy, s’il vous plaist, que de les peser en la juste balance dont vous avez acoustumé mesurer toutes choses, mettant ceux que vous trouverez dignes de lire (nonobstant que je ne presume rien de la masse) en un petit coin à part pour en passer le temps aucunes fois, & le reste qui ne pourra venir à ce degré passer en silences sans empescher vostre divin entendement en ocupation si terrestre & basse [...].14
Magny reprend à Sannazar les mêmes images, parfois traduites littéralement (« la giusta bilancia », « juste balance »), le début de la traduction par le participe présent (« stimando », « sachant »), les mêmes tournures (« per diversi casi menate », « menez par les divers chemins » ; « porrai silenzio », « passer en silences »), la présentation du dédicataire comme une sorte de trésorier ainsi que la suspension de la réflexion (voir la formule entre parenthèses). Il en va de même du mouvement syntaxique : à une phrase du texte italien répond une phrase dans la version française. Il est indéniable que Magny avait le texte de Sannazar – l’un des auteurs les plus imités et les plus traduits dans ses amours –15sous les yeux au moment de la rédaction de sa dédicace. C’est pourquoi nous ne parlerons guère d’une citation de la source italienne imprégnée dans la mémoire du poète et restituée au moment de la rédaction de l’épître dédicatoire. L’inventio et l’elocutio de la traduction, mais aussi la dispositio dans un sens large du terme, conduisent incontestablement à l’auteur de l’arcadie. Il est plus intéressant d’analyser les écarts par rapport au texte original ou les additions et les transformations dues à l’invention de l’auteur.
La traduction se trouve confrontée au changement de sexe du dédicataire. Sannazar s’adresse à une dame, figure paradigmatique des lectrices évoquées à la fin de la dédicace. C’est pourquoi le poète invite la marquise à conserver ses vers dans son « castissimo grembo », comme une vierge qui tient l’Enfant dans son giron. On a du mal à s’imaginer Salel avec le livre du poète dans son très chaste giron, partie symbolique du corps renvoyant surtout à la femme, d’où le choix plus conforme, dans la version française, de recevoir le volume du Quercinois entre ses mains.
Le nom de Salel, de même que Cassandra, fonctionne par ailleurs comme un filtre sélectif entre la production poétique globale de l’auteur et le florilège que les lecteurs pourront lire : par sa fonction de séparer les pièces réussies des poèmes de mauvaise facture, il assume le rôle de censeur. Cassandra étant comparée aux Muses et à Pallas, Magny ne reprend pourtant que le premier référent mythologique – les Muses – et remplace le deuxième – Pallas – par les Grâces. Quelles sont donc les raisons d’un tel évincement du moment qu’il était si courant de mettre ses vers à l’abri de Minerve et de rapprocher celle-ci des Muses ? Rien n’aurait été plus aisé que de rapprocher un humaniste tel que Salel, dont le plus grand motif d’orgueil était la traduction de l’iliade, avec la déesse de l’érudition. Plusieurs ouvrages des années quarante et cinquante sont dédiés à la nouvelle Pallas de France, Marguerite de France, celle-ci donnant désormais le relais à l’ancienne Pallas, Marguerite de Navarre. Il est peu vraisemblable que Magny refuse de mentionner cette Déesse pour ne pas impliquer la sœur unique du roi à travers son référent mythologique, dans le contexte d’un recueil amoureux. L’olive de 1550 de Du Bellay lui était pourtant dédiée. Le Quercinois évite en tout cas toute ambiguïté pour conférer l’exclusivité à son dédicataire.
Par ailleurs – et c’est là une hypothèse plus plausible – il se peut aussi, du moment que le binôme Pallas-Marguerite allait de soi depuis des décennies, que Magny ne veuille pas évoquer les amours d’antan entre Salel et une certaine Marguerite qui avait fait l’objet d’un cycle amoureux publié dans les Œuvres de 1539.16À partir de 1540, au moment où il avait été nommé abbé commendataire de Saint-Cheron par François Ier et chargé par celui-ci de traduire l’épopée d’Homère, Salel estimait inopportun de continuer à chanter ses amours17et d’être considéré moins comme le traducteur de l’iliade que comme un « amoureux transi ». Cependant, le sonnet vi des amours fait curieusement de Salel un chantre de l’amour dont l’inspiration, à laquelle fait appel Magny pour ses vers sur Castianire, l’emporte sur celle des poètes célébrant Délie, Olive et Cassandre.18En tout cas, comme l’a montré F. Joukovsky,19il faudra attendre les poètes de la Pléiade pour observer l’antique alliance entre les Muses et les Grâces,20alors que pour leurs prédécesseurs, celles-ci n’étaient que des personnages de second degré, les suivantes de Vénus : la réécriture de la source se fait toujours à la lumière de l’esthétique contemporaine.
A l’intérieur de cette traduction littérale, outre les variations de l’auteur, une formule est insérée ex nihilo. Il s’agit de l’expression « mis en monceau pour les apendre à l’autel de l’affection immortelle ». L’image de l’offrande de ses propres vers à l’autel d’une divinité avec l’espoir de l’accomplissement du vœu est très courante chez les auteurs de la Pléiade. Mais c’est surtout dans le vœu des amours de Ronsard de 1552/3 que cette image acquiert toute sa force et assume sa pleine signification par sa disposition en tête du volume : y aurait-il dans l’expression du Quercinois une reprise délibérée ou une réminiscence de la formule du vœu ronsardien « append a nostre autel, / l’humble discours de son livre immortel » ?21L’intertextualité de la formule rappelle également, par son abstraction, les vers intellectualistes des erreurs amoureuses de Pontus de Tyard, publiées en 1549 et en 1551. Il s’agit en tout cas d’une image topique autour de 1550, de réminiscence ronsardienne, souvent employée dans l’espace péritextuel ou dans les parties liminaires qui encadrent le texte.
La source italienne parle de « mie vane e giovenili fatiche, per diversi casi da la Fortuna menate », phrase qui fait écho incontestablement au premier sonnet des rerum vulgarium fragmenta de Pétrarque :22« in sul mio primo giovenile errore » (v. 3), « fra le vane speranze e ’l van dolore » (v. 6). La version française s’approprie par infléchissement la phrase italienne : « ces petis labeurs conduitz & menez par les divers chemins de la jeunesse ». Dans la langue d’accueil, la jeunesse définit moins l’attribut moral des « fatiche » que le parcours biographique qui sous-tend la production poétique. Les vers de Sannazar sont des « vane e giovenili fatiche », où l’on ressent encore le référent pétrarquien de réminiscence augustinienne. Le terme « vane » est cependant omis dans l’épître de Magny, ses « labeurs » ne sont que « petis », sans doute en raison d’un travail juvénile estimé imparfait avec beaucoup de mauvaise foi. On pense tout de suite au huitain dédicatoire de la délie (« Tu y pourras lire / Mainte erreur »)23ainsi qu’au titre des erreurs amoureuses de Tyard et au sonnet adressé à Scève (« en ces erreurs »),24où le référent moral de la déviance amoureuse est écarté au profit du pur référent pétrarquien transposé, comme l’a suggéré récemment F. Rigolot à propos des canzonieri de Scève et de Tyard, sur le seul plan de la création poétique. Le terme « erreurs » est pris dans le sens des déviations thématiques et stylistiques par rapport au canon des modèles.25
Par ailleurs, dans le texte de Sannazar, ce sont les bizarreries accidentelles de Fortune qui décident du sort favorable ou défavorable des vers du poète, de la réussite comme de l’échec du projet littéraire. Fortune, incarnation allégorique du bonheur éphémère qui menace toute réussite individuelle et gloire passagère, est ressentie par le traducteur avant tout comme une figure proche de la production poétique de la vieille garde, celle des Grands Rhétoriqueurs désapprouvée dans la deffence et illustration de la langue françoyse. En 1553, en plein essor du renouvellement poétique et esthétique soutenu par la Pléiade, c’est l’heure de l’envol pindarique réactualisé par Ronsard, de la revendication optimiste et sans retenue d’une gloire supposée impérissable : Fama a détrôné Fortuna et ses collègues Ignorance, Envie et Temps ; les Muses l’emportent sur les Parques ; la flamme apollinienne gagne en prestige sur les vertus évangéliques, humilitas et charitas, des décennies précédentes. La confiance audacieuse de la nouvelle génération est attestée par l’affirmation de la présence du divin dans l’acte créateur, force qui élève le poète à son plus haut degré et en fait un poète-prophète semblable aux dieux.26C’est pourquoi, dans la version de Magny, la figure allégorique de l’instable Fortune a été nuancée, elle n’est évoquée que par « les divers chemins » qui renvoient à une errance pleine de hasard sous l’égide d’une « jeunesse » soumise d’habitude à la stultitia par l’excès des ardeurs et des pulsions irrationnelles et aux dérèglements physiologiques. La notion de jeunesse dans la langue d’accueil réactualise le terme « giovenile », certes, mais elle se dépouille de toute connotation morale pour s’inscrire avant tout sur le plan de la création poétique.
Ce passage montre bien comment des locutions à la mode dans la phraséologie poétique contemporaine de la langue d’accueil interfèrent avec une traduction parfois littérale. L’amplification, l’appropriation et les remaniements de la source italienne, bref sa réécriture, sont autant de signes évidents du travail du traducteur. Magny se sent dégagé de toute contrainte, la traduction n’est qu’un procédé au service de l’illustration et de l’enrichissement de la langue française. L’esthétique nationale l’emporte sur l’esthétique italienne considérée désormais comme insuffisante. Le respect de l’œuvre d’origine n’est pas le but essentiel de Magny, il lui suffit de rendre compte surtout de l’inventio et parfois de l’elocutio, afin de rendre la source reconnaissable aux lecteurs en dépit de toutes les transformations.
La traduction de ce bref passage en dit long sur la pratique de l’imitatio chez Magny. La critique, on le sait, lui a souvent reproché une transcription surabondante et désinvolte des pétrarquistes italiens ou de ses prédécesseurs français, et l’a accusé pour cela de pillage et de plagiat. Mais la pratique de l’imitatio est une spécificité incontestable de la création poétique de la Renaissance. À ce propos, Y. Giraud a montré récemment le talent d’adaptation et la conscience artistique dont fait preuve Magny et l’éditeur moderne des Amours, Françoise Charpentier, adopte une position plus modérée.27Pourrait-il s’agir alors d’une traduction dissimulée dans le texte, qui témoignerait d’un manque d’honnêteté intellectuel sinon à l’égard du public des lecteurs, du moins à l’égard de son protecteur ? Pourquoi piller le texte de Sannazar dans un billet dédicatoire ? Qu’aurait-il coûté à Magny, au fond, d’écrire une petite dédicace en prose ?
On pourrait thématiser la question de la sincérité de Magny envers son dédicataire, question délicate à bien des égards, car proche d’une conception romantique. Mais compte tenu du soutien remarquable de Hugues Salel lors de sa formation intellectuelle et de sa promotion littéraire, tout lecteur – renaissant ou moderne – s’attendrait à une dédicace loyale, qui parle du profond du cœur. Magny accomplit en effet cette tâche par l’amplification du passage traduit, farci pour l’occasion d’une série de formules qui insistent sur la magnanimité de son protecteur (voir les parties en italique) :
je vous suplie donc très humblement,monseigneur, de prendre en gré ces petis labeurs conduitz & menez par les divers chemins de ma jeunesse, & depuis mis en un monceau pour les apendre à l’autel de l’affection immortelle que j’ay de vous faire service : voire mesmes faire tant pour moy, s’il vous plaist, que de les peser en la juste balance dont vous avez acoustumé mesurer toutes choses.28
En dépit de l’emploi réitéré des mêmes topiques, le « genre » de la dédicace n’est pas soumis à une codification formelle et thématique intransigeante. La dédicace du principe de Machiavel à Laurent le Magnifique, par exemple, constitue un précédent illustre d’honnêteté intellectuelle et de franchise morale. Nous convenons que notre poète ne possède pas la même habileté rhétorique, mais c’est là un témoignage de l’importance du texte dédicatoire en tant que présentation de la dignité et de la conscience morale du dédicateur. L’éloge discret au dédicataire va de pair avec l’audace de la requête : occuper un rôle central dans la nouvelle vie politique de Florence en dépit de la parenthèse républicaine – contraire au régime médicéen – à laquelle avait participé Machiavel.
Nous écarterons également l’hypothèse du plagiat, notion sinon inconnue, du moins peu pertinente au système littéraire renaissant. Magny ne mentionne pas la source, il est vrai, mais est-elle vraiment dissimulée ? Pour le dire autrement : si le lecteur ne reconnaît pas la source, au point que même les éditeurs modernes – qui en ont pourtant relevé avec acribie un nombre considérable – n’ont pas su la remarquer, est-ce alors le dédicataire, Salel, en qualité de « suffisant lecteur »,29qui pourra dévoiler les sources du recueil amoureux de Magny ?
la prudence s’impose et nous n’oserons pas parler d’une dissimulation des sources car la fortune de l’œuvre de Sannazar en France est indiscutable, surtout en ce qui concerne son arcadie.30Pasquier, dans le monophile, faisait évoquer par Philopole « une infinité de tant braves esprits qui jadis furent estimez, et encores de tant d’autres qui pour le jourd’huy reluysent entre les hommes [...] ? Voyez, je vous supply, entre les Italiens, un Pétrarque, un Sannazar, un Bembe ».31Salel, en père spirituel, aurait-il conseillé à son secrétaire de lire du Sannazar ? Les sonetti et canzoni de celui-ci sont, à côté du canzoniere de Pétrarque, de l’orlando furioso de l’Arioste et du recueil collectif des rime diverse de Giolito, l’une des grandes références des Amours de Magny. D’après les sources relevées par F. Torraca et Whitney, reprises et commentées par F. Charpentier dans son édition, sur les cent deux sonnets des amours, onze sont autant de traductions ou de transpositions partielles des sonnets de Sannazar (sonnets v, vii, xvii, xxi, liii, liv, lv, lxii, lxix, lxxviii, lxxix) – et des recherches supplémentaires pourraient révéler bien d’autres surprises.32La figure de Sannazar est disséminée avec cohérence tout au long de la chaîne de sonnets, tout comme celle de Salel à l’intérieur du volume. Comme le rappelait déjà F. Torraca à la fin du siècle dernier, « sembra che Olivier de Magny ricorresse al Sannazar più spesso degli altri lirici francesi », ce qui nous invite à nous interroger davantage sur les raisons profondes d’une présence si assidue dans les amours du Quercinois. Loin de vouloir réhabiliter la verve poétique de celui-ci, nous estimons que la présence de Sannazar dans un texte de Magny dédié à Salel dessine un équilibre des rapports personnels entre les deux interlocuteurs de la dédicace. En effet, Salel connaissait très bien les œuvres de l’humaniste italien. Loin d’être novateur, l’éminent érudit s’était borné à imiter ses devanciers et à leur reprendre les mêmes genres et les mêmes formes métriques. Un seul poème de longue haleine mérite néanmoins d’être retenu pour son originalité : Salel est le premier poète à avoir introduit en France l’églogue marine, mais là encore c’est une imitation de l’ecloga piscatoria de Sannazar33 dont, il convient de le rappeler, ce dernier fut l’inventeur. Ce poème a été composé en 1536, lors du décès, le 10 août, du dauphin François et c’est dans la même année que sont sorties des presses lyonnaises de Gryphe les opera omnia de Sannazar. Tout cela pour dire que Salel connaissait très bien les œuvres du poète napolitain et que lui aussi, comme son élève, s’était inspiré de ses vers dans sa jeunesse.
La traduction d’un texte notoire dans les amours peut être un jeu complice avec la culture du lecteur, ce qui est d’autant plus approprié pour un texte dédicatoire, texte éphémère et obséquieux à la fois qui s’adresse avant tout à un lecteur privilégié. Dans seuils, Genette insiste sur le statut socio-culturel et politique du paratexte, une zone non seulement de transition, mais aussi de transaction : « lieu privilégié d’une pragmatique et d’une stratégie, d’une action sur le public au service, bien ou mal compris et accompli, d’un meilleur accueil du texte et d’une lecture plus pertinente – plus pertinente, s’entend, aux yeux de l’auteur et de ses alliés ».34Dans le cas des amours de Magny, ce n’est pas seulement la dédicace, mais aussi tout l’appareil paratextuel liminaire qui se met à l’abri d’un modèle, comme autant de moyens pragmatiques et stratégiques aptes à s’insérer dans une tradition poétique et esthétique et à s’aligner ainsi sur l’œuvre d’un modèle, en l’occurrence Ronsard (voir par exemple la formule ronsardienne insérée dans la traduction ou la reprise du même titre) et Sannazar. Celui-ci occupe une place déterminante dans le discours liminaire, comme une figure de relais entre le destinateur et le destinataire. Par cette présence, le recueil affiche un programme de lecture porté à terme avec cohérence et qui consiste en un hommage littéraire à Salel, le seul « suffisant lecteur » dont la complicité littéraire l’autorise à savourer en exclusivité l’intertexte de la dédicace, et par cela même, d’effectuer une « lecture pertinente ». La dédicace, élément de proue du paratexte avec la préface, est le lieu par excellence d’un discours sur l’œuvre et sur le texte ainsi que de la défense de son idéologie. Conditionnée et pré-orientée pourtant par l’image qu’elle souhaite projeter de ses lecteurs et à ses lecteurs, elle participe à la construction de la réception de l’œuvre et forge l’horizon d’attente du lecteur.
Nous n’avons guère l’ambition de dévoiler les intentions de l’auteur, mais cette lecture paraît plausible car elle explique le goût de la transposition et de la traduction à partir d’un seul poète. L’idée sous-jacente en est une sorte de ludus, un jeu intellectuel humaniste entre un auteur et un complice d’exception, le dédicataire.
Magny se définit ainsi comme le successeur intellectuel et légitime de Salel à travers Sannazar : tout comme Salel, qui s’appropriait les œuvres latines de Sannazar lors de ses exordes littéraires, de même Magny, qui aspire à l’héritage socio-culturel et intellectuel de son protecteur, s’inspire des œuvres vernaculaires de l’humaniste napolitain. Le climat poétique des années cinquante est sensiblement différent de celui, latinisant, des années trente, ce qui explique l’intérêt du Quercinois pour la production en langue vulgaire.
La présence ostentatoire de Salel dans tout le recueil et la présence littéraire plus silencieuse de Sannazar, dissimulée tout au long de la chaîne des sonnets, font que les figures des deux lettrés, après s’être rencontrées dans la dédicace, s’enchevêtrent et se côtoient dans tout le volume grâce à la mise en scène habile de Magny, coordinateur d’une conversation littéraire à trois. La traduction se prête admirablement à ce jeu, à la construction d’un lieu idéal, à la fois ouvert sur les nouvelles perspectives esthétiques – celles de la Pléiade – et tourné vers l’âme de l’œuvre, où seul Salel, en qualité de complice, retrouve Sannazar sans difficulté. À ce propos, il n’est peut-être pas indifférent d’avoir entouré le sonnet vi des amours, le seul dédié au « Divin Salel », par deux pièces traduites de Sannazar, les sonnets v (« Le jour tant beau & tant aventureux ») et vii (« Arrestez-vous, voyez la douceur grande »).
Loin de toute rivalité entre l’auteur et son traducteur, Magny insiste, dans tout le recueil, sur l’auteur traduit, il ne disparaît ni derrière la figure imposante du modèle ni derrière l’architecture de son œuvre, mais les détache du fond de sa création pour les faire ressortir davantage par un jeu de perspectives. De cette manière, Magny fonctionne comme relais entre Sannazar et Salel, et la dédicace révèle au lecteur idéal l’une des sources cachées et profondes de son canzoniere. En véritable clef de voûte du recueil, le passage traduit inséré dans la dédicace se propose comme un programme de lecture pour tout « suffisant lecteur ».
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1 Pour les données sur l’homme et son œuvre, voir l’étude de Jules Favre, Olivier de Magny (1529 ?-1561). Etude biographique et littéraire, Paris, Garnier, 1885.
2 Edition utilisée :Olivier de Magny,Œuvres poétiques. Amours – Hymne – Gayetez, éd. sous la direction de F. Rouget avec la collaboration de D. Ménager et F. Charpentier, Paris, Champion, 1999. Le recueil des Amours est édité par F. Charpentier.
3 Paris, V. Sertenas, 1554. In-8°.
4 M. Simonin, Vivre de sa plume au XVIe siècle ou La carrière de François de Belleforest, Genève, Droz, 1992.
5 Une description bibliographique des Amours de Magny, fort minutieuse, est donnée dans le catalogue précieux de J. P. Barbier, Ma Bibliothèque poétique, Quatrième partie, tome III. Contemporains et successeurs de Ronsard. De la Gessée à Malherbe, Genève, Droz, 2002, pp. 400-15.
6 Pierre de Ronsard,Œuvres complètes I. Odes et Bocage de 1550, précédées des premières poésies 1547-1549, éd. P. Laumonier, Paris, Hachette, 1914, t. I, p. 48.
7 Nicolas Denisot dédie en 1553 un sonnet aux quatre poètes qui ont illustré le Quercy au XVIe siècle : « Si quelque fois je t’ai veu lamenter / Pour ton Marot, le premier de son age : / O qu’à bon droit tu dois bien d’avantage / Pour ton Salel ore te tourmenter! / Mais qu’ai-je dit ? Tu te dois contenter. / Voici Magni qui d’un brave courage / Vient bravement aporter cest ouvrage / Qui peut ton loz de la poudre exempter. / Puis Vernassal, ta quatrième esperance, / Mon Vernassal congneu dedans la France / Redore encor ton sejour Quercynois » (Olivier de Magny, Œuvres poétiques, p. 254, vv. 1-11).
8 Imprimée chez E. Groulleau, l’édition des Amours est partagée entre deux libraires, Estienne Groulleau et Vincent Sertenas. L’un des partenaires les plus étroits de celui-ci était Denis Janot, dont la veuve, Jeanne de Marnef, se remarie en 1547 avec Etienne Groulleau. L’édition partagée des Amours s’explique ainsi par une politique éditoriale issue d’une collaboration fertile entre les deux libraires depuis le début de leurs activités. Remarquons également que c’est chez Sertenas qu’est publiée la traduction de l’Iliade d’Homère donnée par Salel, Les Dix premiers livres de l’Iliade (1545) et Les Onzième et douzième livres de l’Iliade (1554), ce qui corrobore l’importance du protecteur lors de l’introduction de Magny dans le milieu culturel parisien.
9 Pierre de Ronsard, Œuvres complètes I, p. 48.
10 Olivier de Magny, Les trois premiers livres des Odes de 1559, éd. F. Rouget, Genève, Droz, 1995, pp. 105-6(ode xiii, vv. 85-87).
11 Olivier de Magny, Œuvres poétiques, p. 151 « A Monseigneur de saint Cheron » (ode ix, vv. 25-40).
12 Iacobo Sannazaro, Opere volgari, éd. A. Mauro, Bari, Laterza, 1961, p. 135.
13 Dans les passages cités, le texte original et sa traduction sont reproduits en italique ; en caractères romains ne sont donnés que les passages omis par le traducteur, traduits différemment ou amplifiés.
14 Olivier de Magny, Œuvres poétiques, pp. 53-54.
15 Voir M. S. Whitney : « Sannazar [...] est souvent mis à contribution par Magny, non seulement dans les Amours mais aussi dans ses autres recueils de poésie amoureuse. Les Amours lui doivent bon nombre de sonnets dont plusieurs sont de vraies pièces d’anthologie », dans Olivier de Magny, Les cent deux sonnets des Amours de 1553, éd. M. S. Whitney, Genève, Droz, 1970, p. 10.
16 Les Œuvres de Hugues Salel, valet de chambre ordinaire du Roy. Imprimées par commandement dudict Seigneur. Avec privilege pour six ans, Paris, E. Roffet, 1539.
17 Sur la question oiseuse de l’identification historique de Marguerite, voir la brève récapitulation dans Hugues Salel, Œuvres poétiques complètes, éd. H. H. Kalwies, Genève, Droz, 1987, p. 225, note 77, où l’on trouvera d’autres références bibliographiques portant sur cette question.
18 Dans la partie annexée aux Amours, quelques poèmes de Hugues Salel traitent d’amour.
19 F. Joukovsky, Poésie et mythologie au 16e siècle. Quelques mythes de l’inspiration chez les poètes de la Renaissance, Paris, Nizet, 1969, pp. 62-68.
20 Pierre de Ronsard, Odes et Bocage de 1550, p. 224 : « Les Muses honorées, / Les Muses mon souci, / Et les Graces dorées / I habitent aussi » (ode ii, 17, vv. 49-52)
21 Pierre de Ronsard, Œuvres complètes, Les Amours (1552), éd. P. Laumonier, Paris, Hachette, 1925, t. IV, p. 4.
22 Francesco Petrarca, Canzoniere, edizione commentata a c. di M. Santagata, Milano, Mondadori, 1996, p. 5.
23 Maurice Scève, Délie. Object de plus haulte vertu, éd. E. Parturier, Paris, S.T.F.M., 1917, p. 3.
24 Pontus de Tyard, Erreurs amoureuses, éd. J. A. McClelland, Genève, Droz, 1967, p. 94.
25 F. Rigolot, Erreurs amoureuses : une poésie pétrarquienne et saphique, dans L’Erreur de la Renaissance. Perspectives littéraires, Paris, Champion, 2002, p. 79-108.
26 Voir le dernier sonnet des Amours qui rappelle de près le vœu et le sonnet final des Amours de Ronsard (Œuvres complètes t. IV, p. 172, sonnet clxxxii).
27 Francesco Torraca, plein de cette ferveur patriotique propre à quelques seiziémistes italiens de la fin du XIXe siècle, accuse avec véhémence Magny de plagiat : voir son Gl’Imitatori stranieri di Jacopo Sannazaro, Roma, Lœscher, 1882 Le chapitre concernant Magny est repris dans Jules Favre, Olivier de Magny cit., pp. 425-34. Pour d’autres évaluations semblables, voir aussi L. Kastner, The Sources of O. de Magny’s Sonnets, dans « Modern Philology », VII (1909), pp. 27-48 ; M. Whitney, Olivier de Magny’s Amours de Castianire : Laura redux ?, dans « Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance », XLV (1983), pp. 257-71 et Id., Olivier de Magny et Castianire en 1553 : ‘Seches feuilles au vent’, dans « Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance », XLIX (1987), pp. 83-93. Pour une mise au point de la question, voir Y. Giraud, Traducteur servile ou adaptateur intelligent : Olivier de Magny et ses modèles italiens, dans Les Fruits de la Saison. Mélanges de littérature des XVIe et XVIIe siècles offerts au Professeur André Gendre, textes réunis par P. Terrier et alii, Neuchâtel, Université de Neuchâtel, 2000, pp. 247-57.
28 La mort prochaine du dédicataire expliquerait-elle le manque d’authenticité absolue pour une épître dédicatoire écrite peu avant la publication et qui ne sera, de ce fait, jamais lue par un destinataire agonisant ? Cet argument plaiderait en tout cas en faveur de la mort de Salel avant le 26 mars, date de la dédicace, hypothèse qui serait épaulée par l’analyse de la matérialité du livre. Comme d’habitude, le premier cahier du volume, le cahier A, celui qui contient la dédicace, a été composé à la fin : le titre de départ du canzoniere commence au cahier b et c’est avec ce deuxième cahier que débute également la numérotation des feuillets. Mais cette hypothèse, certes la plus économique, n’explique pas tout, car aussi conventionnel que soit un texte dédicatoire, et peut-être justement en raison de sa nature conventionnelle, rien n’aurait justifié l’appropriation d’un texte d’autrui pour une dédicace qui aurait dû afficher d’emblée un attachement dévoué.
29 Voir l’essai I, 24 de Montaigne : « Un suffisant lecteur descouvre souvant és escrits d’autruy, des perfections autres que celles que l’autheur y a mises et apperceuës, et y preste des sens et des visages plus riches. » (Michel de Montaigne, Les Essais, éd. P. Villey, Paris, Presses Universitaires de France, 1965, p. 127).
30 Voir Carlo Vecce, Iacopo Sannazaro in Francia : scoperte di codici all’inizio del XVI secolo, Padova, Antenore, 1988.
31 Etienne Pasquier, Le Monophile, éd. Enea Balmas, Milan, Cisalpino, 1957, p. 193.
32 Rappelons l’ode xi, où un passage est tiré de l’Arcadie. Cette œuvre, sans doute la plus célèbre de l’auteur, a été tournée en français par Jean Martin en 1544 ; voir Jacopo Sannazar, L’Arcadie, dans la traduction de J. Martin (1544), éd. J.-C. Ternaux, Presses universitaires de Reims, 2003.
33 Eglogue marine sur le trespas de feu Monsieur Françoys de Valoys, Daulphin de Viennoys, filz aisné du Roy. Composée par Hugues Salel de Quercy. En laquelle sont introduitz deux mariniers, Merlin et Brodeau, pœtes françoys, contenu dans Eglogue marine sur le trespas de feu Monsieur Françoys de Valoys, Daulphin de Viennoys, filz aisné du Roy. Ensemble ung Chant royal sur l’entreprinse de l’empereur contre le Roy. Ensemble ung Chant royal sur l’entreprinse de l’empereur contre le Roy, et honteuse fuite dudict Empereur. Et autres choses. Le tout composé par Hugues Salel de Quercy – s.l.n.d. [Paris, O. Mallard, 22 janvier 1536 an. st.]. Voir les pp. 105-26 dans l’édition moderne de Hugues Salel, Œuvres poétiques complètes. Sur ce sujet, consulter l’étude de Luigi Monga, « Salel imitateur de Sannazar dans sa bucolique marine », Acta conventus neo-latini Turonensis. Actes du IIIe congrès international d’études néo-latines, p. p. J.-Cl. Margolin, Paris, Vrin, coll. « De Pétrarque à Descartes », XXXVIII, 1980, t. I, pp. 547-56 ; ainsi que l’anthologie de F. Joukovsky, La Renaissance bucolique, Paris, GF-Flammarion, 1994, pp. 113-14 et pp. 139-48.
34 G. Genette, Seuils, Paris, Seuil, 1987, p. 8.