Ricezione dei classici
OJ-italique-941
La traduction comme art de l’offrande poétique : les « couronnes » épigrammatiques de Giovanni Battista Pio tirées de l’Anthologie de Planude
C’est à Bologne que paraît, en 1520, chez Hieronymus de Benedictis, l’editio princeps du poème de Rutilius Namatianus connu aujourd’hui sous le titre de De reditu suo, Sur son retour, proposée par Giovanni Battista Pio (1468 ?-1543), figure importante de l’humanisme bolonais1.
Dans le De reditu suo, composé selon toute vraisemblance en 418 apr. J.-C., son auteur, un aristocrate gaulois originaire de Narbonnaise, évoque son voyage de retour depuis Rome, où il a exercé une brillante carrière publique, jusqu’à sa patrie natale. Cet iter poétique, marqué, entre autres, par le souvenir de la Satire 1, 5 d’Horace, inspiré par un voyage à Brindes, les écrits d’exil que sont les Tristes et les Pontiques d’Ovide ou encore l’Énéide de Virgile, est l’occasion pour son rédacteur de mêler l’évocation de sa propre carrière, la vision de villes, lieux et paysages, et l’hommage à d’illustres amis. Le parcours géographique se double d’une réflexion historique sur la permanence des valeurs romaines, et d’une méditation sur le temps qui, tout en apportant la ruine et la dévastation en territoire italique, consacre aussi l’éternité de la gloire de Rome2.
L’intérêt de cette édition réside dans le fait que le texte de Rutilius proposé par Pio est indépendant du Vindobonensis 277, le plus célèbre des quatre apographes de la copie aujourd’hui perdue que Giorgio Galbiate, secrétaire de Giorgio Merula, réalisa d’un des manuscrits originaux découverts à Bobbio en 1493 et contenant le poème de Rutilius. Le Vindobonensis 277 fut « exécuté pour et en partie par Sannazar à Milan ou à Lodi, et non Rome, fin juillet ou début août 1502 »3. Pio, proche du milieu milanais, a selon toute vraisemblance eut accès à une des quatre copies apographes dépendant de celle de Galbiate, et son texte a ainsi valeur de manuscrit4.
Sur la page de garde de l’ouvrage, précédé du nom de son auteur (Claudius Rutilius poeta priscus), Pio donne pour titre à l’ouvrage De laudibus Vrbis, Etruriae et Italiae (« Sur les éloges de la Ville, de l’Étrurie et de l’Italie »5). Comme le précise Jean-Louis Charlet6, ce titre inventé par Pio traduit l’intention courtisane de la dédicace du recueil au pape Léon X, célébré à travers ces trois toponymes à la fois comme le maître de la Rome pontificale, comme le fils de la Toscane médicéenne, héritière de l’antique Étrurie, et comme l’homme politique qui rêve de fédérer derrière lui l’Italie pour repousser l’ennemi étranger. Outre le titre, l’hommage courtisan se lit également dans le très long poème dédicatoire de sept pages en distiques élégiaques adressé au pape, mais surtout dans la petite couronne anthologique qui vient s’ajouter en fin de volume, et qui retiendra ici notre attention. Sous le titre de Ad sanctiss<imum> Leonem Pontif<icem>. X. Pius faciebat (« Voici ce que, pour le très saint pape Léon X, Pio rédigeait »), le Bolonais livre sous la forme d’une traduction latine quatorze épigrammes grecques extraites de l’Anthologie de Planude, un recueil qui fut édité pour la première fois en grec par Jean Lascaris en 1494 à Florence chez Lorenzo de Alopa, puis par Alde Manuce à Venise en 1503 sous le titre de Florilegium diuersorum epigrammatum in septem libros7. Suivront deux autres éditions aldines, l’une en 1521, l’autre en 1551.
Ce n’est pas le lieu de rappeler le retentissement extraordinaire qu’eut le texte de Planude à la Renaissance en Europe, tant dans la poésie néo-latine que dans la poésie vulgaire : James Hutton en a suivi les voies complexes avec patience et précision dans deux ouvrages toujours indispensables auxquels nous renvoyons8. Il suffira de souligner que les épigrammes rassemblées et classées par Planude furent abondamment traduites, imitées, transposées, assorties en nouvelles anthologies à la configuration changeante où les traducteurs mesuraient leur talent. Il est rare que tel recueil du xvie siècle portant le titre de Nugae, de Siluae, d’Epigrammata, de Carmina ou même d’Emblemata ne comporte pas une ou plusieurs pièces qui en soient directement tirées ou indirectement inspirées.
La petite couronne anthologique rassemblée par Pio s’inscrit dans cette vogue et, au-delà de ce qui semble être une motivation courtisane, elle présente en elle-même un grand intérêt. Elle constitue en effet un véritable laboratoire expérimental, où il est possible d’examiner sur un corpus miniature quelles étaient les pratiques de la traduction du grec au latin qu’adoptait Pio, et quelle était sa conception de l’épigramme : l’anthologie planudéenne offre en effet un modèle épigrammatique distinct de celui que proposent Catulle et Martial, Ausone et Claudien ou encore les Epigrammata Bobiensia9. Pio fut, rappelons-le, l’élève des hellénistes bolonais Antonio Urceo dit Codro et de Philippe Béroalde l’Ancien, mais aussi le maître d’un autre Bolonais, Achille Bocchi, l’auteur d’un recueil fameux d’emblèmes, les Symbolicae Quaestiones, paru à Bologne en 1555. Même si, dans son recueil poétique précédent, intitulé Elegidia et publié en 1509, Pio ne semble pas s’être inspiré d’épigrammes grecques de l’Anthologie10, il en cite et en traduit cependant régulièrement dans ses Annotationes de 1496, ainsi que dans ses Annotamenta de 1505, à l’appui de certains commentaires érudits, ce qui suggère une fréquentation de longue haleine.
Selon Anna Maranini, Pio se serait inspiré pour ses traductions du court recueil des Progymnasmata de Thomas More et John Lily, paru à Bâle en 151811. Après le texte grec de chacune des 18 épigrammes grecques retenues, les deux humanistes anglais confrontent, sous leur nom respectif, leur propre traduction latine, dans un mouvement qui combine translatio, aemulatio, uariatio. Édité à la suite de l’Utopie (De optimo reipublicae statu deque noua insula Vtopia), le recueil des Progymnasmata est placé en tête des Epigrammata de More, en guise d’échauffement ou d’ouverture à la pratique poétique, comme le prévoit le titre même, qui désigne dans l’Antiquité des exercices préparatoires permettant d’initier les élèves de rhétorique à la rédaction et à la prononciation de discours complets12. Deux épigrammes choisies par Pio sont déjà chez More et Lily (8 et 10), mais, chez Pio, le texte grec n’apparaît jamais. Seules figurent les traductions latines. Préférant au principe du progymnasma (exercice qui prélude à la pratique) un exercice qui en conclut le déroulement, Pio pratique un final poétique très personnel où il abandonne le statut philologique d’éditeur de textes anciens pour laisser entrevoir à son illustre destinataire l’atelier du poeta (Pius faciebat dit l’adresse en forme de signature) : ses productions constituent un point d’orgue aux vers de Rutilius. Il est tentant, bien sûr, de chercher dans ces quelques épigrammes, comme l’a fait Anna Maranini, des thématiques communes avec le propos de Rutilius, qui se prolongeraient ici en écho, en particulier des « avvertimenti etici e insegnamenti di vita morale »13. Pour aller dans ce sens, on notera que, dans sa « grande couronne » de traductions de pièces de l’Anthologie de Planude conservée sous forme manuscrite à la Bibliothèque Vaticane (Vat. Lat. 2851), et sur laquelle nous reviendrons amplement, Pio a fait figurer une pièce de six distiques élégiaques intitulée In monachos, et qui n’est autre qu’un passage fameux du De reditu suo de Rutilius (v. 441-452), où le poète païen, qui se rend dans l’île de Capraria, condamne comme « rage si insensée née d’un cerveau troublé » (peruersi rabies tam stulta cerebri, f°124v°-125r°) le mode de vie solitaire des moines. La transformation générique montre la capacité de l’épigramme-citation à décupler, par sa brièveté, le potentiel satirique ciblé de l’original. Mais faut-il conclure avec la chercheuse italienne que, pour le groupe des épigrammes publiées en 1520, « è assai improbabile che il Pio abbia consultato l’Anthologia Graeca », et supposer que « è molto più plausibile che abbia rielaborato la “rielaborazione” di area inglese » ?14 Nous ne le croyons pas et voudrions montrer au contraire que, dans ces pièces finales, Pio est un authentique lecteur, traducteur et interprète de l’Anthologia Planudea : il est parfaitement au fait des entreprises éditoriales de son époque, véritables jalons dans l’histoire de ce texte grec, et il n’a cessé de remanier son propre travail de traducteur. En effet, la « petite couronne » qui clôt la princeps de Rutilius Namatianus en 1520 ne prend son sens que si elle est méticuleusement confrontée à deux documents essentiels qui permettent d’en éclairer les méthodes et les ambitions : d’un côté l’édition aldine de l’anthologie planudéenne de 1503, de l’autre, la « grande couronne » de Pio restée manuscrite, que nous avons déjà évoquée plus haut. Plus ambitieuse que la première par son volume, cette « grande couronne » en constitue un prolongement et, pour certaines pièces, un remaniement, même si elle est restée inédite. Or cette traduction d’ampleur, qui fut dédiée par Pio au pape Paul III et, pour une partie, à Pier-Luigi Farnèse – duc de Parme et de Plaisance, et fils du précédent – constitue à son tour une nouvelle proposition anthologique, qui, dans l’état où nous la présentent les deux manuscrits qui la conservent, s’inscrit explicitement dans le sillage d’une autre anthologie contemporaine inspirée par le recueil planudéen, celle de traductions latines de l’Anthologie de Planude rassemblées par Janus Cornarius et parue en 152915. L’édition de Cornarius faisait elle-même suite au recueil de Iohannes Soter16, et on rappellera que, dans les recueils de Soter comme de Cornarius, le texte grec en langue originale de chaque épigramme est cité en premier et suivi par une ou plusieurs traductions latines : celles-ci sont dues à des auteurs antiques (tel Ausone), mais encore et surtout à des humanistes de la Renaissance, parmi lesquels on citera justement More et Lily, mais aussi Politien, Érasme, Alciat, Crinitus, Pio lui-même, et bien d’autres encore, y compris Cornarius pour le recueil de 1529. Notons en revanche que, dans les manuscrits du Vatican qui conservent le travail de Pio, le texte grec n’apparaît pas.
L’objectif de notre présente contribution sera de cerner les enjeux linguistiques et poétiques de l’activité traductologique de Pio à partir de la micro-anthologie choisie par lui, traduite du grec, et offerte à Léon X. Notre étude se fondera sur l’édition critique cette « petite couronne » de Pio parue en 1520, dans laquelle nous tenons compte des corrections éventuellement apportées par le manuscrit Vat. Lat. 2851 à certaines pièces, et que le lecteur trouvera dans la seconde partie de notre étude.
L’édition aldine de 1503, un moteur du geste anthologique ?
En lisant la traduction latine de Pio, le lecteur se pose immédiatement la question de savoir à partir de quelle édition du texte grec le Bolonais a travaillé : s’agit-il de celui procuré par Lascaris chez Alopa de 1494 ou de celui publié chez Alde en 1503 ? Or, après avoir jeté un simple coup d’œil à l’édition d’Alde, le doute n’est guère permis : Pio semble avoir ouvert l’édition aldine au hasard, être tombé sur les pages Dviiv°-Dviiir°, qui justement se font face, et avoir commencé sa traduction avec la première pièce, puis les suivantes (qui appartiennent au premier livre de l’Anthologie de Planude), en suivant rigoureusement leur ordre d’apparition, comme une épreuve mi-ludique mi-scolaire qu’il se serait imposée, relevant le défi d’une improvisation contrainte. L’entreprise n’était pas sans écueil, car le texte très incertain de certaines épigrammes (par exemple la 7 et la 12) en compliquait d’emblée la simple lecture. La structuration typographique des pages de l’édition aldine a ainsi constitué un véritable dispositif d’inspiration et de sélection (Fig. 1) : c’est bien la distribution des pièces grecques à l’intérieur du cadre formel et visuel que constituent les deux pages en vis-à-à-vis qui a d’abord dicté le choix des modèles à traduire et présidé à la délimitation du processus anthologique, même si la dernière pièce, celle de Léonidas, déborde de quelques lignes sur une troisième page (Dviiiv°).
Pour faciliter la circulation dans la série (avec notre numérotation de 1 à 14), nous résumons à grands traits le propos des épigrammes grecques retenues par Pio, en renvoyant le lecteur à notre édition/traduction annotée des pièces que l’on trouvera en annexe :
Fig. 1. Florilegium diuersorum epigrammatum in septem libros, Alde Manuce, Venise, 1503, p. Dviiv°-Dviiir
© Thüringer Universitäts-und Landesbibliotehk Jena (8 Phil.VII,4) [p. Dviiv° : https://collections.thulb.uni-jena.de/rsc/viewer/HisBest_derivate_00004048/BE_0762_0062.tif Dviiir° : https://collections.thulb.uni-jena.de/rsc/viewer/HisBest_derivate_00004048/BE_0762_0063.tif]
De Lucillius. Un certain Aganax, qui se plaint d’avoir mené une vie très malheureuse, la foule aux pieds pour gagner l’Hadès.
D’un anonyme. Le narrateur console un défunt mort loin de sa patrie, en lui rappelant que la route est droite vers l’Hadès et qu’un même vent y emporte tout le monde.
De Palladas. L’épigramme rappelle que l’obésité conduit à une mort prématurée, comme l’a expérimenté Denys, le tyran d’Héraclée.
D’un anonyme. Un défunt s’adresse au lecteur pour lui annoncer qu’il l’attend dans l’Hadès, et qu’à son tour le lecteur fera de même avec un autre, puisque tout le monde y descend.
D’un anonyme. Dans son épitaphe, un certain Inachos, serviteur de Crinagoras et apprécié par lui, évoque deux terres et deux mères : sa terre natale, qu’il a quittée parce qu’elle était trop chaude, et la terre étrangère qui l’a accueillie et qui conservera son corps pour toujours.
D’Antiphile. Interrogée par un narrateur sur les raisons et l’endroit de sa disparition, une source tarie explique qu’elle a beaucoup pleuré Agricola et que la cendre du défunt a absorbé ses eaux.
D’un anonyme. Dans la ville de Memphis en Égypte, le taureau Apis annonce la mort du poète astronome Eudoxe de Cnide en léchant son manteau.
D’un anonyme. Énumération des excès qui abrègent la vie (bains, vins, Vénus, danses, banquets, jeux).
De Lucien. Les crimes peuvent rester ignorés des hommes, jamais des dieux.
D’un anonyme. Quatre métamorphoses de Zeus pour séduire quatre mortelles.
D’Antipater. Un narrateur dialogue avec un groupe de bergers, devant la statue d’un terme associant Hermès et Héraclès, pour opposer d’un côté les offrandes modestes qui satisfont Hermès et de l’autre les victimes animales qu’exige Héraclès. Ce qui aboutit à la situation absurde que le troupeau est anéanti par le dieu même qui est censé le protéger des loups.
D’Antipater. Variation sur la précédente, la pièce fait entendre cette fois la voix d’Hermès qui se plaint de son association avec Héraclès au sein du terme. Le vorace Héraclès s’empare sans vergogne des plus modestes dons, poires sauvages et raisin vert, qui ont été dédiées collectivement. Hermès, qui se trouve dépouillé, exhorte les porteurs d’offrandes à bien vouloir spécifier en l’honneur de qui ils déposent leur contribution, pour résoudre la querelle.
Pour rompre la continuité de la succession imposée par les deux pages de l’édition aldine, deux pièces ont été ajoutées par Pio et constituent une sorte de coda :Épigramme dédiée au très influent cardinal Gilles de Viterbe (1469-1532), très proche de Léon X, qui se voit entouré par le cortège de Vertu et ne jalouse donc pas les richesses de Midas. La pièce a été composée par Pio et n’appartient donc pas à l’anthologie planudéenne ;
De Lucillius. Pièce satirique empruntée au second livre de Planude, dans la section εἰς δυσειδεῖς « Sur les difformes » (p. Lr° de l’édition aldine), qui évoque le visage repoussant d’Olympikos.
Effets de corpus : échos et variations
Bien que Pio accepte de relever le défi de traduire, avec les contraintes afférentes, les deux pages affrontées de l’édition aldine, il n’en faudrait pas conclure pour autant que leur sélection relève, elle, du pur hasard. Même s’il serait vain d’espérer y répondre de manière définitive, la question de savoir pourquoi Pio a choisi ces pages plutôt que d’autres mérite néanmoins d’être posée : elle nous invite en effet, pour saisir les motivations du geste anthologique, à évaluer la cohérence interne du corpus et les échos que cet ensemble peuvent entretenir avec d’autres activités littéraires de l’humaniste.
Les Progymnasmata de More et Lily pourraient certes constituer un argument : les deux épigrammes que le recueil de Pio partage avec celui des auteurs anglais pourraient ainsi avoir constitué une sorte de noyau de départ, invitant le Bolonais à regarder dans l’édition d’Alde les pièces grecques qui gravitent autour de ces morceaux choisis : Pio aurait toutefois limité l’extension de son choix aux deux pages en vis-à-vis.
Cependant une raison interne au corpus lui-même peut aussi être suggérée. En effet les pièces choisies appartiennent à deux sections thématiques successives propres au livre 1 de Planude, la mort et les morts (εἰς θάνατον καὶ θανόντας) pour les pièces 1 à 5, les dieux (εἰς θεούς) pour les pièces 6 à 12. Échantillon représentatif de la uarietas du recueil planudéen, l’ensemble des pièces ainsi délimité échappe cependant à l’éparpillement grâce à sa double thématique, irriguée par un réseau significatif d’échos, de symétries et d’oppositions entre des motifs, des mètres, des situations d’énonciation, qui en assure la cohésion. Par exemple, les deux pièces 11 et 12, unies par l’utilisation du distique élégiaque, constituent un diptyque autour de la statue de dieu-terme associant Hermès et Héraclès. La seconde est clairement une variation amplifiée par rapport à la première, mais avec un changement de situation d’énonciation : un narrateur dialogue sur la statue avec des bergers venus faire des dons aux deux dieux dans la 11 ; l’Hermès de la statue prend la parole et adresse ses récriminations contre Héraclès directement aux passants dans la 12. Les rapprochements sont parfois subtils. Ainsi, l’épigramme 2 et l’épigramme 5 constituent des pièces consolatoires pour deux individus morts loin de leur patrie, un thème cher aux épigrammes funéraires : dans la première, un narrateur s’adresse directement au défunt, tandis que, dans la seconde, c’est le défunt qui prend la parole. Mais l’épigramme 2, par sa conclusion (πάντοθεν εἷς ὁ φέρων εἰς Ἀΐδην ἄνεμος « Il vient de partout, le vent unique qui emporte vers l’Hadès »), trouve aussi un écho dans l’épigramme 4, où le défunt apostrophe le lecteur pour lui dire qu’il l’attend aux Enfers, et qui se clôt sur une idée semblable (πάντας ὁμῶς θνητοὺς εἷς Ἀίδης δέχεται « Tous les mortels pareillement un Hadès unique les reçoit). Leur structure rhétorique inductive rapproche également la 2 et la 4 : aux cas particuliers, soulignés par le dialogue je/tu, succède la généralisation sous forme d’énoncé gnomique. Or, entre les deux pièces, vient s’insérer l’épigrammme 3 sur Denys d’Héraclée, que son obésité a conduit vers une mort rapide : elle présente justement la structure rhétorique inverse, par déduction, qui part de l’énoncé général (renforcé par le jeu étymologique πολλὴ/ πολλάκις) pour aboutir à l’exemplum particulier. Mais l’épigramme 3 sur l’obésité peut aussi être rapprochée de l’épigramme 8 qui rappelle que le vin, les bains et les travaux de Vénus précipitent la fin. En outre, avec son énumération cumulative, l’épigramme 8 est à son tour à relier à la 10, où l’énumération de quatre métamorphoses de Zeus dans l’hexamètre fait exactement écho à celle des quatre mortelles qu’il a visitées sous ces formes dans le pentamètre.
Enfin, les visions de la mort, de l’au-delà et des dieux révélées par ce petit groupe d’épigrammes, où les oppositions voire les contradictions sont aussi fortes que les éléments qui convergent ou se répondent, ont certainement intéressé le lecteur de textes païens que fut Pio. On sait par exemple les difficultés philosophiques qu’a posées en général aux humanistes de la Renaissance la confrontation avec Lucrèce, moins soluble dans le christianisme que le platonisme ou le stoïcisme, et on rappellera que Pio avait publié en 1511 un commentaire au De natura rerum lucrétien qui fit date : la question de la mortalité de l’âme, tout comme celle de l’indifférence des dieux constituaient, parmi d’autres, des difficultés majeures que Pio avait courageusement affrontées17. Certes, ces quelques épigrammes grecques, d’époques, d’auteurs et de genres différents, ne se font pas l’expression d’une doctrine cohérente, mais elles dessinent les contours d’une sensibilité philosophique ou théologique païenne complexe, toute en tensions, parfois compatible avec le christianisme, parfois y répugnant totalement. Malgré l’évocation récurrente de la mort sous la forme d’une descente dans l’Hadès ou l’image du vent psychopompe qui aide l’âme dans son parcours, rien n’est dit sur un quelconque au-delà, ni sur une survie de l’âme18. Pio tente bien des variations pour suggérer la géographie infernale, avec l’évocation des Champs Élysées (pièces 1 et 2) et du Styx (n° 2, 4 et 8), ou l’utilisation de la métaphore du port (n° 5). Mais il s’agit là de lieux communs qui ne réussissent pas à dissimuler la réalité physique de la mort que présentent les textes poétiques : celle d’un corps enfoui dans une terre étrangère sous la pierre tombale (n° 5), ou réduit à l’état de cendre qui assèche toute eau, y compris les larmes (n° 6), bref un néant qui pourrait évoquer celui que décrit Lucrèce au livre 3 de De rerum natura lors de la dissolution des atomes qui constituent chaque être vivant, corps et âme. De même, les mises en garde contre les plaisirs excessifs dans les épigrammes 3 et 8 rappellent le mode de vie austère prôné par Épicure dans la Lettre à Ménécée, tandis que la vision proposée des dieux antiques est pour le moins paradoxale : d’un côté, ils semblent attentifs aux hommes, leur annonçant la mort par des signes, tel Apis (n° 7), ou connaissant chacune de leurs actions, y compris les mauvaises (n° 9) ; de l’autre, ils apparaissent comme des mirages, tel le Zeus de l’épigramme 10, adoptant de multiples métamorphoses pour abuser spécifiquement de la crédulité de quatre mortelles, ou se montrent puérilement jaloux – Mercure et Hercule – de leurs petites prérogatives et des offrandes qui leur sont faites, nuisant là aussi aux intérêts humains. Les deux dernières pièces ont elles aussi leur cohérence. Un abîme sépare et associe en même temps d’un côté le cortège quasi-céleste des vertus qui entoure Gilles de Viterbe et projette le lecteur vers l’empyrée, et de l’autre, le tableau effrayant et exotique d’Olympikos-face-de-crocodile, isolé, agenouillé au sol, présentant sa face monstrueuse à la surface d’un bassin ou d’une source au risque d’en périr d’effroi. En gommant la suggestion que faisait l’original grec de l’épigramme 12 sur Olympikos d’un cadre sauvage entouré de montagnes et peuplé de sources, Pio laisse la possibilité d’imaginer le cadre civilisé d’un parc urbain, et rassemble ainsi les pièces 11 et 12 en un diptyque cohérent mais fortement contrasté, évoquant peut-être les splendeurs et les misères de la cour pontificale. Au sein même de chacune des deux épigrammes latines, la pointe en forme d’allusion mythologique permet à son tour de constituer un couple d’exempla où le système rhétorique de l’éloge et du blâme se superpose à la mise en regard du présent et du passé. Ainsi la royauté céleste et présente de Gilles-Aegidius (dont le nom rappelle l’égide protectrice de Minerve), conquise à force de beauté intérieure, est opposée à l’avarice endurcie de Midas, roi de jadis, tandis que la laideur physique bien réelle d’Olympikos, devenant une sorte d’hybride au nom grec divin et à l’allure d’animal égyptien maléfique, l’oppose en tout point à la beauté de l’antique Narcisse.
La dédicace au pape Léon X de cette guirlande poétique si marquée par le paganisme n’étonnera pas, si on veut bien se souvenir que le pape Léon, né Giovanni de Médicis, fils de Laurent le Magnifique et grand mécène des arts et des lettres, était passionné par l’Antiquité. Cette offrande permet aussi de mieux comprendre la présence de la pièce dédiée à Gilles de Viterbe. À travers son hommage au Prieur Général des Augustins, nommé cardinal en 1517 et qui, en qualité de légat pontifical, avait toute la confiance du pape dans les importantes missions diplomatiques qu’il s’était vu confier (en particulier en Allemagne et Espagne)19, Pio manifeste explicitement son attachement à la uirtus Christiana et à ses représentants terrestres les plus illustres.
Interpres aut poeta ?
Il n’y a pas d’exergue ni d’épître dédicatoire dans l’édition des épigrammes à la suite du texte de Rutilius Namatianus dans l’édition de 1520. En revanche, Pio s’exprime sur certaines de ses intentions dans la dédicace du manuscrit des traductions de l’Anthologie de Planude qu’il offre à Paul III :
Et ce travail (opus), je te l’ai consacré surtout pour qu’il puisse être utile au révérendissime Alexandre Farnèse, ton petit-fils20, en l’honneur duquel les Muses rivalisent pour tresser des lauriers. Je savais en effet que tu étais trop important pour que je puisse penser que tu t’abaisserais à ce genre de tâche. Car notre jeune homme, qui a dépassé ses ancêtres, comparera (conferet) le grec avec le latin, tâche que Cicéron loue sans modération. Telle est la disposition d’esprit qui caractérise Alexandre, le premier entre tous, telle est l’heureuse faculté d’imitation (imitatio)21 propre à un jeune esprit et qui engendrera un jour les fruits les plus abondants, s’il est vrai que la vertu a échu précocément aux Farnèse – car ils ont hérité d’un talent pour l’éloquence et les disciplines libérales. Ce sont donc les auteurs les plus diserts du genre humain et les poètes les plus délicats qui se voient envoyés à leur très éloquent censeur (censorem). Ce travail qui est mien, quelle que soit sa qualité, il appartiendra à ton jugement d’en évaluer avec soin le poids total (penitus expendere). De manière assurée, il sera de nature à pouvoir être le témoignage le plus fiable d’un esprit qui ne s’affaiblit pas et de l’affection que je te voue22.
Dans ce passage, Pio ne dit rien de de précis sur son travail de traducteur, mais indique plutôt à ses prestigieux lecteurs les modalités du jugement critique (censorem) qu’il attend d’eux et qui sera en même temps le plus profitable pour eux : ce jugement doit se fonder sur un travail de σύγκρισις, c’est-à-dire de comparaison (conferet), d’évaluation entre l’original grec et la traduction latine, exprimée à travers l’image de la pesée méticuleuse et complète (penitus expendere). Cette image renvoie à un texte célèbre où Cicéron s’explique sur sa manière de traduire du grec au latin23. L’orateur, qui a terminé une traduction en latin (conuerti) de deux discours, l’un d’Eschine, l’autre de Démosthène, explique qu’en qualité d’orator et non de simple interpres24, il n’a pas tenu pour nécessaire de « rendre un mot pour un mot » (non uerbum pro uerbo… reddere), mais qu’il a conservé « toutes les catégories de mots et leur sens (genus omne uerborum uimque)25 ; et, ajoute-t-il, il n’a pas jugé convenable de « les payer au lecteur à l’unité » (ea… adnumerare lectori) mais « pour ainsi dire d’en donner un poids équivalent » (tamquam appendere). L’image assimile la traduction littéraire à une transaction marchande réussie où la disparité des mots-pièces-de-monnaie trouverait à s’annuler dans l’équivalence du poids métallique global qu’ils représentent. Dans le même passage, Cicéron précise les trois domaines où s’exerce, de manière plus générale, l’équivalence entre la langue-source et la langue-cible : 1°) les idées (iisdem sententiis) et les figures de pensée (earum formis tamquam figuris)26, appelées aussi uirtutes un peu plus loin, et auxquelles il ajoute 2°) l’ordre des matières (rerum ordine)27 ; 3°) les catégories et le sens des mots (genus/uim), c’est-à-dire « en traduisant chaque mot en choisissant parmi les mots latins appartenant au même champ sémantique celui qui exprime au mieux le sens et les valeurs contextuelles »28. Dans le De finibus, l’Arpinate précise encore sa pensée, à nouveau en trois temps, en vilipendant les interpretes indiserti « les traducteurs auxquels les mots manquent » : plutôt que de calquer un mot latin sur un mot grec, mieux vaut en prendre un plus courant (magis usitatum) ; en cas d’impossibilité de rendre un mot grec par un seul mot latin, Cicéron s’autorise à en utiliser plusieurs pour dire la même chose (idem pluribus uerbis exponere) ; s’il n’y a pas d’équivalent latin, il demande qu’on lui accorde le droit de recourir à un mot grec29. Enfin, dans les deux passages du De optimo genere oratorum que nous avons évoqués, Cicéron insiste sur la nécessité de ne pas faire violence aux usages de la langue d’arrivée, au moyen « de termes conformes à notre habitude » (uerbis ad nostram consuetudinem aptis, §14) et en invitant à ne suivre fidèlement les mots que « dans la mesure où ils ne s’éloignent pas de notre usage » (uerba persequens eatenus ut ea non abhorreant a more nostro, §23), ce qui justifie sa suggestion d’employer plusieurs mots là où la langue d’origine n’en emploie qu’un seul. Le respect du système linguistique de la langue-cible dépasse l’idée d’une simple correction formelle et implique clairement, à travers la norme d’usage et donc de « naturel », des considérations stylistiques et esthétiques30.
Les propos cités de Cicéron s’inscrivent dans son entreprise de traduction latine des philosophes grecs, et les épigrammes de l’Anthologie planudéenne pourraient sembler constituer a priori un univers très différent. Or Cicéron lui-même insistait sur la proximité entre l’orateur et le poète – et se voulait lui-même les deux –, soulignant la plus grande liberté du second par rapport au premier par la uerborum licentia, « la liberté d’expression »31. Les réflexions cicéroniennes, qui sont clairement à l’horizon des déclarations de Pio, pourront donc offrir des repères théoriques commodes pour tenter de cerner et de caractériser le travail d’adaptation et de transposition proposé par l’humaniste bolonais. Le lexique varié des poèmes originaux et leur diversité métrique, tout comme les référents culturels foisonnant auxquels ils font allusion constituent autant de défis adressés à un traducteur latin. Mais Pio, comme Béroalde et Urceo Codro avant lui, n’est toutefois pas un adepte du « cicéronianisme » intransigeant tel qu’il pouvait régner à la curie pontificale, et ses préférences « apuléiennes » rendirent assez désagréable son premier séjour romain, entre 1512 et 1514. Or, pour traduire l’anthologie planudéenne, sa propension à utiliser tout le spectre linguistique qu’offre la littérature latine, à la fois dans sa diachronie et dans sa diversité générique, de la poésie aux textes de lois et aux articles de science, de Plaute aux représentants de la latinité d’argent et jusqu’à l’époque tardive, en passant par les auteurs augustéens, sans se limiter au style périodique ni au lexique cicéroniens, a constitué un réel avantage. En nous limitant à l’étude de quelques exemples significatifs, nous avons ainsi distingué trois axes d’approche inspirés par les distinctions cicéroniennes (il y en aurait beaucoup d’autres possibles) : l’ordre des matières, la notion de « respect de l’usage » dans la langue-cible, la question des mots grecs.
Ordo rerum
Deux tendances majeures instrinsèquement liées se distinguent dans la volonté que manifeste Pio de rester aussi fidèle que possible aux originaux grecs dans ses traductions : 1°) respecter la configuration des vers grecs, c’est-à-dire l’ordre d’apparition des idées ou des arguments (ordo rerum) et leur distribution à l’intérieur du vers ou du distique, 2°) conserver la place particulière qu’occupent dans le vers certains mots ou expressions importants et les souligner par des césures métriques.
Le premier point, qui se vérifie régulièrement dans la série, trouve une illustration frappante dans l’épigramme 8 traitant des amours de Jupiter sous la forme d’un monodistique élégiaque. La triade étiologique (vin, bains, Vénus) expliquant les vices qui précipitent la mort occupe tout l’hexamètre en grec, grâce aux articles et à la répétition de la coordination καὶ (Οἶνος καὶ τὰ λοετρὰ καὶ ἡ περὶ Κύπριν ἐρωὴ). Ces trois sujets au rythme syllabique croissant (2 + 4 + 8) font attendre verbe et complément d’objet, qui n’apparaissent qu’au pentamètre. Dans leurs Progymnasmata de 1518 (p. 174 = Cornarius p. 75), More et Lily ont traduit l’épigramme en permutant la structure grammaticale des deux vers : l’évocation des enfers apparaît dans le premier vers, l’hexamètre32, les trois sujets en deuxième partie de pentamètre. En effet, ces trois sujets, rendus aussi chez More et Lily par l’asyndète Balnea, uina, Venus, proche d’un authentique proverbe latin33, constitue une séquence beaucoup plus courte que dans l’original grec, et vient donc s’inscrire plus naturellement dans la deuxième partie du pentamètre. Pio a, au contraire, choisi de respecter strictement l’organisation du distique grec original et il ouvre donc l’hexamètre par la même séquence latine, Balnea, uina, Venus, et il l’isole par la coupe penthémimère. Ce qui le contraint, pour compléter métriquement le premier vers, à rajouter une seconde série ternaire (choreae, conuiuia, ludus, « danses, banquets et jeux »), étrangère à l’original grec et qui affaiblit sans doute le caractère percutant de la première, même si elle lui est sémantiquement apparentée : le vin et les travaux de Vénus peuvent évoquer l’atmosphère des banquets, où prennent place à leur tour des danses en chœur et des jeux. Il a veillé toutefois à introduire le terme choreae, certes bien connu de Virgile (Aen. 6, 644 ; 9, 615), mais qui a surtout l’avantage de faire entendre un mot grec (χορεία). L’ajout de termes est donc préférable aux yeux de Pio-traducteur au bouleversement de l’organisation syntaxique des vers et de l’ordre d’apparition des idées.
Concernant le second point et la mise en valeur de mots ou de séquences, on remarque que, dans l’épigramme 1, Aganax ferme le premier vers et Elysios le dernier, comme dans l’original (Ἀγάναξ ; Ἀΐδεω), restituant l’image du défunt précipité selon son souhait aux enfers ; de même, dans l’épigramme 2, Athenis ferme le premier vers et Meroe le second, comme le font Ἀθηνῶν et Μερόης dans la source grecque ; la cité athénienne et la ville nubienne doivent en effet résumer à elles seules les quatre coins du monde compris dans l’adverbe undique/ πάντοθεν, « de partout ». Dans l’épigramme 3, l’expression Non peragit en début de poème traduit Οὐ ποιεῖ à la même place en grec, bien que Pio soit contraint d’isoler mortem, avant le sujet natura, entre les coupes penthémimère et hephthémimère, alors que dans l’original, la diérèse bucolique s’alignant sur l’armature rhétorique suspend le vers après ἡ φύσις et juste avant ἀλλὰ. Le second distique latin suit au plus près le grec : Huius, complément de testis au vers 4 (« de cela… [fut] le témoin), ouvre le vers 3, et transpose le Τοῦδ’, lui aussi à l’ouverture du vers 3 et complément de μάρτυς au vers 4 ; testis et μάρτυς occupent d’ailleurs une place identique, juste avant la penthémimère du pentamètre. Dans ce vers, la séquence testis talia passus reproduit parfaitement l’agencement du grec μάρτυς, ὁ τοῦτο παθών et ses genera uerbum (nom + adjectif + participe). De même, le syntagme du vers 3 regnator Dionysius Hercleae se superpose exactement au grec ὁ τυραννήσας Διονύσιος Ἡρακλείας, et Pio a même respecté le contre-rejet τῆς ἐν τῷ Πόντῳ (in Ponto) au début du vers suivant. Enfin, l’épigramme 6 d’Antiphile à propos d’une source tarie propose un subtil travail sur les coupes. Dans l’original grec, la première question posée occupe la plus grande partie du vers premier : l’apostrophe aux eaux de la source est mise en relief par la coupe penthémimère (Κρηναῖαι λιβάδες), et la question proprement dite est soulignée par la pause bucolique (τί πεφεύγατε ;). La deuxième question s’inscrit dans le dactyle et le spondée terminaux (ποῦ τόσον ὕδωρ ;). Pio garde l’ordre des questions, mais inverse la place qui leur est accordée au sein du vers : la première question est réduite à sa plus simple expression (interrogatif + nom : quo fuga) et, suivie (à la différence du grec) par l’apostrophe (fontis aquae), réussit à s’insérer avant la penthémimère ; la seconde question occupe en revanche tout le reste du vers, avec, de surcroît, l’irruption de l’image poétique de la nymphe qui habite et personnifie la source (nympha) et le trait descriptif du son mélodieux (garrula), absents de l’original. C’est tout un paysage rustique, visuel et sonore, qui est ici suggéré, sans doute à travers le nom du défunt Agricola, c’est-à-dire littéralement « l’homme qui habite ou cultive les champs ». Dans le pentamètre, l’adjectif poétique épithète ἀενάους, « qui coule toujours », « intarrissable », qui renvoie aux eaux, est rendu par l’adjectif iuges, « qui coule sans interruption » : dans le grec comme dans le latin, il est placé avant la coupe penthémimère, pour souligner le paradoxe que constitue le tarrissement de la source et justifier la nécessaire salve de questions qui ouvre le texte. On remarquera en outre que les interrogatifs grecs divers τί (pourquoi), ποῦ (où) et Τίς (quel [rayon]) ont été unifiés en latin avec l’anaphore quo (ποῦ), qui permet d’insister sur le départ des eaux pour un ailleurs invisible : cette infidélité apparente s’adapte parfaitement à l’esprit de la pièce, qui relève de l’inscription funéraire.
Verbis ad nostram consuetudinem aptis
La volonté de proposer une traduction qui, tout en restituant une partie de l’original grec, respecte des traits qui soient proprement latins, se laisse voir assez clairement dans les épigrammes 1 et 3. Dans l’épigramme 1, un certain Aganax prend la parole pour dire à quel point sa vie fut insupportable, comme le montrent les adjectifs au préfixe péjoratif (δυσ- : τρισδύστηνος, rendu en latin par infaustus ; δύσζῳον) ou privatif (α- : ἀβίοτον <βίοτον>, rendu par <Vitae> inuitalis) ou dérivé d’un mot négatif (λύσσα, rage). Un verbe imagé donne le ton à l’ouverture du poème, Ἡμάξευσα, « parcourir péniblement en chariot », qui s’applique métaphoriquement à l’existence. Le terme vient de ἅμαξα, ης (ἡ) qui désigne le chariot tiré par des bêtes de somme, destiné à porter des fardeaux, terme qui s’oppose en particulier au char de guerre, ἅρμα, ατος (τὸ), plus léger et rapide car tiré par des chevaux. Or Pio traduit le terme grec Ἡμάξευσα par deux termes latins, ueloces currus, « chars rapides, qui semblent en contredire les caractéristiques. Currus désigne en effet le char militaire ou le char de triomphe romain, mais pas le carroi lent et surchargé. En réalité, c’est une tentative pour faire résonner dans l’épigramme latine des realia plus spécifiquement romains. La métaphore de la vie comme course de char dans l’enceinte cosmique du cirque est courante sur les sarcophages romains34 et Sénèque renvoie plusieurs fois métaphoriquement aux jeux du cirque et à l’endurance des athlètes pour célébrer la constance du sage résistant aux assauts de la fortune35, en particulier, aux courses de char36. Dans la traduction latine, Aganax devient ainsi un aurige soumis aux dangers de l’arène romaine. Le rapprochement implicite avec Sénèque est d’autant plus probable que l’épigramme a été rédigée par un certain Lucillius, poète romain de langue grecque du ier siècle apr. J.-C., auteur d’épigrammes dont on ne sait rien, mais dont le nom évoque immanquablement le destinataire quasi-homonyme des Lettres de Sénèque. De même, l’expression uitae… functus honore au v. 2 de l’épigramme traduite par Pio poursuit l’adaptation au contexte romain avec l’image de la vie comme cursus honorum, « parcours des honneurs », dont le citoyen romain franchit les étapes et qui se transforme ici en une charge insupportable.
Dans l’épigramme 3, sur la mort du tyran Denys d’Héraclée, Pio a fait le choix de traduire le grec παχύτης, « obésité », par le terme ingluuies, « voracité », « gloutonnerie », insistant plus sur la cause que sur le résultat, avec l’image sous-jacente de la gula béante – et du péché capital. Le terme est bien connu des poètes latins37, mais c’est sans doute à cause d’un chapitre célèbre d’Aulu-Gelle que Pio a choisi le terme. En effet, Aulu-Gelle évoque un passage tiré d’une satire de Varron intitulée Sur les mets (Peri edesmatôn), qui lui permet de dresser une longue liste bigarrée d’aliments raffinés et exotiques, avec leur provenance géographique38, quae profunda ingluuies uestigauit, « qu’une goinfrerie sans fond est allée chercher partout ». Sont cités pêle-mêle le paon de Samos, le francolin de Phrygie, les grues de Médie, le chevreau d’Ambracie, le jeune thon de Chalcédoine, la murène de Tartessos, et bien d’autres, l’énumération s’achevant sur les noix de Thasos, la datte d’Égypte et le gland d’Hibérie. Varron condamne bien sûr ces excès de gourmandise, et Aulu-Gelle renchérit en citant Euripide et Chrysippe qui les vilipendent également. Par ce seul terme latin d’ingluuies, Pio souhaite probablement faire surgir à la mémoire de son lecteur toute la série alimentaire énumérée d’après Varron, et qui plus est, à la table d’un tyran grec, jouant du stéréotype des rois hellénistiques perdus par la luxuria et les excès qu’elle engendre.
Concedi nobis oportere ut Graeco uerbo utamur
Pio utilise certains termes calqués directement du grec et qui ne sont sans doute plus perçus comme tels tant ils sont courants dans la littérature latine, par exemple nympha (pièce 6, v. 1), chlamys (pièce 7, v. 5, pour traduire λώπη) ou chorea (pièce 8, v. 1). Mais le Bolonais n’échappe pas à la difficulté, voire à l’impossibilité de traduire de manière adéquate quelques termes grecs pour lesquels il n’existe pas de mot latin pertinent, transcrit ou non du grec. L’épigramme 12, traduite de Léonidas, en propose deux exemples, empruntés au vocabulaire technique. Rappelons au préalable le contexte. Dans le poème grec, nous l’avons dit, Hermès s’insurge contre Héraclès, uni à lui sur un pilier hermaïque, borne janiforme en pierre qui concrétise leur fonction de gardiens des limites (v. 3 : ὁρῶν [sic pour ὅρων] φύλακες), que Pio rend en latin par quis te bene termine credis « auxquels à bon droit tu te fies en matière de bornage », ce qui lui permet d’utiliser le mot rare termen, que l’on trouve chez Varron (De lingua Latina 5, 21). Cette image du terme bicéphale est rappelée dans le dernier vers, où Pio propose de traduire la formule grecque τὰν ἔριν ἀμφοτέρων (« la querelle qui tous deux nous oppose ») par litem ancipitem que nous proposons de traduire par « la querelle qui oppose nos deux têtes » : anceps signifie ici « ambigu », « dont l’issue est incertaine », mais fait surgir par l’étymologie la vision des deux têtes – caput – des divinités formant le pilier. Venons-en maintenant à la question des termes grecs problématiques. Hermès reproche à son indissociable compagnon d’engloutir, avec sa voracité proverbiale, toutes les offrandes qui sont apportées, y compris celles qui le sont spécialement pour Hermès. Parmi ces offrandes, il y a des poires sauvages et des raisins verts. Le terme grec ἀχράδας du vers 5 vient de ἀχράς, ἀδος (ἡ), qui désigne en effet le poirier ou la poire sauvage. Or Pio se contente de le translittérer en latin (achradas), sans doute parce que le terme achras, dis (f.) existe déjà chez Columelle (7, 9 ; 10, v. 15 et 250), même s’il y désigne exclusivement le poirier, et non son fruit. Pio conserve la désinence grecque d’accusatif pluriel en -ας, ce qui permet à la forme achradas de s’associer avec libatas, isosyllabique et homéotéleute, pour former une séquence euphonique de part et d’autre de la coupe penthémimère.
La gourmandise d’Héraclès est telle qu’il engloutit au vers 8 les grappes de raisin, qu’elles soient mûres (ὥριμοι) ou bien largement vertes (χύδαν ὄμφακες). Or le terme ὄμφακες (de ὄμφαξ, ακος [ὁ et ἡ] signifiant « raisin vert, acide, qui n’est pas mûr ») est lui aussi simplement translittéré par Pio sous la forme d’omphacas, inconnu en latin. Seuls sont attestés, sur la même racine grecque, le neutre omphacium39, le « verjus », et quelques composés comme omphacocarpos, un nom de plante (aparinè ou « gratteron »)40, ou omphacomel, un sirop fait avec de l’omphacium41. Pourquoi Pio a-t-il tenu à maintenir le terme grec ? Il nous semble que le terme omphacas permet, par sa sonorité, de rappeler le terme de même racine ὀμφακίζειν, utilisé dans le proverbe grec Σικελὸς ὀμφακίζει, qui semble remonter à Épicharme (frgt. 239), et qui est sans doute à l’horizon de notre épigramme. Érasme en explique ainsi le sens dans l’adage 1413 :
Le Sicilien vole du raisin vert. Les Grecs appellent omphaka le raisin acide et qui n’a pas mûri, apo tou ômous phagein, c’est-à-dire « parce qu’ils sont consommés encore verts ». De là vient qu’on appliquait la formule à ceux qui, par goût du vol, volaient les objets d’aussi peu de valeur qu’on voudra. La formule est tirée du tempérament voleur des Siciliens. On ne se trompera pas en l’employant contre ceux qui, en raison d’une avidité immodérée et très prompte à se manifester, causent un immense dommage à autrui afin de s’octroyer un petit gain »42.
L’usage du mot grec permet à Pio de continuer à suggérer qu’Héraclès s’apparente, dans l’épigramme, au Sicilien du proverbe, prompt à s’emparer des offrandes communes très modestes et peu savoureuses dont l’accaparement, tout en ne le nourrissant guère, ulcère son compagnon. Dans l’épigramme précédente, les victimes animales prélevées par le dieu appauvrissent également le porteur d’offrande tout autant que les loups : la borne sacrée perd ainsi son effet bénéfique contre les animaux prédateurs. Hermès souhaite par conséquent une séparation, sinon de corps – impossible ! –, du moins de culte, avec spécification par l’orant lui-même du destinataire spécifique des dons. Là où le grec insiste sur le désagrément affectif de l’appariement (v. 9 : Μισέω τὰν μετοχὰν οὐδ’ ἥδομαι), la traduction latine exprime en termes juridiques le déséquilibre d’un contrat qui stipule théoriquement un partage égal de la potestas dans l’association, mais qui aboutit, dans la pratique, à léser une des parties (Aequa sodalicii non est mihi grata potestas).
L’atelier du traducteur : cadres théoriques et applications pratiques
Comme nous l’avons déjà rappelé, l’unité du petit corpus de traductions de 1520 se voit quasiment démantelée dans la « grande couronne » de Pio, un abondant recueil anthologique de traductions latines d’épigrammes de l’Anthologia Planudea, conservé dans deux manuscrits de la Bibliothèque Vaticane, le Vat. Lat. 2851 et le Chigi L.IV.76. Ces deux manuscrits sont signalés par P.-O. Kristeller43, mais n’ont jamais fait l’objet d’une description ni d’une étude. Le manuscrit Vat. Lat. 2851 nous intéressera seul ici dans la mesure où c’est là que se retrouvent certaines pièces de l’édition de 1520, quoique souvent corrigées voire réécrites44. Dans le cadre de cet article, notre présentation du manuscrit sera succinte, dans l’attente d’un travail plus approfondi.
Le manuscrit Vat. Lat. 2851 est autographe. Il comporte 156 feuillets numérotés en chiffres arabes et a pour titre Ioannes Baptista Pius Bononiensis interpres epigrammatum Graecorum. Il est précédé de trois feuillets numérotés en chiffres romains, rédigés dans une écriture calligraphiée. Il s’agit d’une dédicace allographe à Paul III qui, débutant sur une page enluminée, transforme le volume en offrande. La page enluminée comporte, outre une lettrine, un cadre végétalisé divisé en compartiments, avec, dans les parties supérieure et inférieure, un médaillon figuratif et un blason papal (Fig. 2), et elle se clôt par une épigramme adressée au lecteur par un certain Balthasar Thar. Lunensis, où sont célébrés les mérites du recueil. Il est impossible de dater le manuscrit, sinon de manière relative. La préface à Paul III fait mention d’un Pio rélégué dans un « coin d’Étrurie » et de l’élection d’Alexandre Farnèse l’Ancien au trône pontifical, c’est-à-dire en 1534, qui lui aurait permis d’échapper à ce destin obscur45. Pio fait probablement allusion à la chaire d’humanités qu’il a occupée à Lucques, près de Florence, à la Scuola di San Alessio entre 1527 et 1537, avant de retourner enseigner à Bologne pour l’année 1537-1538. Or on sait que c’est grâce à l’intervention de Paul III qu’il a pu obtenir une seconde fois une chaire de rhétorique à la Sapienza de Rome entre 1539 et 1542, date de sa mort. L’offrande spécifique au pape Paul III des livres 1-6 du recueil constitue, selon toute probabilité, un témoignage de reconnaissance. Mais sa rédaction, tout comme le travail de traduction proprement dit, sont évidemment bien antérieurs. De même, la dédicace des livres 7 et 8 à Pier-Luigi Farnese, fils de Paul III, qui confirme, sinon une rédaction, du moins une mise en forme postérieure aux livres 1-6, ne nous renseigne cependant pas davantage sur une date précise, même si Pio y rappelle qu’il fut le précepteur de Pier-Luigi46. En effet, entre 1512 et 1514, pendant qu’il occupait pour la première fois la chaire de rhétorique à la Sapienza de Rome, le Bolonais veillait, parallèlement à ses charges académiques, à l’instruction d’élèves dans un cadre privé : parmi eux, on comptait Marcantonio Flaminio et Pier-Luigi Farnese, né en 1503. C’est donc entre 1539 et 1542, et plus probablement autour des années 1539-1540, au plus près de la seconde nomination de Pio à Rome, qu’il faut sans doute situer la version des traductions telle que nous la présentent les deux manuscrits. En l’absence de témoignage plus précis, il est impossible de déterminer si c’est la mort brutale de leur auteur ou un désintérêt pour le recueil, une fois remplies ses fonctions courtisanes, qui expliquerait qu’il ne soit pas parvenu au stade de la publication.
Fig. 2. Ioannes Baptista Pius Bononiensis interpres epigrammatum Graecorum. Dédicace à Paul III, ms Vat. Lat. 2851, f°Ir°
© Biblioteca Apostolica Vaticana, Roma.
L’ouvrage comporte huit livres. Quelques-uns portent un titre général emprunté aux classifications génériques de Planude (par exemple In amores, qui renvoie aux épigrammes amoureuses, ou In imagines, In statuas, qui renvoie aux épigrammes ecphrastiques), et que l’édition d’Alde mentionne elle aussi en ouverture de chaque livre. On retrouve également dans le manuscrit l’intitulé de certaines sections thématiques de Planude internes à chaque livre (Sur les combats, Sur la vigne, Sur les offrandes, Sur les courageux, Sur la vertu, etc.), mais le classement alphabétique qui régit ces sections chez Planude est parfois totalement abandonné. De même, l’agencement des livres s’écarte souvent de l’ordre de Planude conservé par l’édition aldine, comme nous avons pu le constater. L’objectif est clairement de composer, à partir des traductions latines, un recueil original dont la configuration générale rappelle Planude tout en s’en démarquant :
Livre 1 (f° 1-30r°) : choix d’épigrammes traduites du livre 1 de l’édition aldine de Planude (épigrammes démonstratives et exhortatives).
Livre 2 (f° 31v°-46r° : In amores) : choix d’épigrammes traduites du livre 7 de l’édition aldine (épigrammes amoureuses).
Livre 3[a] (f° 46v°-67r°) : suite du choix d’épigrammes traduites du livre 1 de l’édition aldine. Les pièces 2, 4, 8 à 10 de l’édition de 1520 y figurent dans cet ordre (f° 49v°-50v°) ; dans le manuscrit, une épigramme vient s’intercaler entre les pièces 4 et 8. Toujours dans le manuscrit, en fin de livre, la mention erronnée finis secundi libri engendre à son tour une erreur sur la numérotation du livre suivant, présenté à nouveau comme livre 3.
Livre 3[b] (f° 67v°-88r°) : choix d’épigrammes traduite du livre 2 de l’édition aldine (épigrammes satiriques).
Livre 4 (f° 88v°-99v°) : choix d’épigrammes traduite du livre 3 de l’édition aldine (épigrammes funéraires)
Livre 5 (f° 100r°-116r° : In imagines uirorum bonorum. In imagines Gabrielis praesidis Byzantini Leontii Scholastichi) : choix d’épigrammes traduite du livre 4 de l’édition aldine (épigrammes ecphrastiques).
Livre 6 (f° 116v°-119v°) : choix d’épigrammes traduite du livre 6 de l’édition aldine (épigrammes votives).
On remarquera que les pièces 3, 7, 12 et 14 de l’édition de 1520 n’apparaissent plus dans cet ensemble.
À la suite du livre 6 (f° 119v°-128r°), et au beau milieu d’une page, Pio ouvre une nouvelle section, indépendante du découpage en livres, et, dans un avis au lecteur, justifie son aspect fourre-tout (il y a en effet rassemblé sans ordre des pièces traduites sur le vif) par le recours au lieu-commun horatien qui veut que l’on soigne la satietas du lecteur par la uarietas47. Les pièces 5, 1, 6, 11 de l’édition de 1520 y font leur apparition dans cet ordre aux pages 120v°-122r° (Fig. 3) ; dans le manuscrit, une épigramme vient s’intercaler entre les pièces 5 et 1, trois épigrammes entre les pièces 6 et 11. Les épigrammes 3, 7, 12 et 14 de l’édition de 1520 n’ont donc pas été reprises du tout dans le manuscrit.
Fig. 3. Ioannes Baptista Pius Bononiensis interpres epigramatum Graecorum,ms Vat. Lat. 2851, f°120v°-121r°
© Biblioteca Apostolica Vaticana, Roma.
Après cet intermède, la couronne manuscrite se poursuit avec les livres 7 et 8, qui forment une section à part rajoutée postérieurement à la série précédente, et qui correspond au livre 5 de Planude dans l’édition aldine. Comme l’indiquent leur titre général, le livre 7 (f° 130r°-142v°) comporte des extraits de la traduction de la description par Christodoros des statues du gymnase de Zeuxippe à Constantinople et le livre 8 (f° 143r°-152r°) comporte la traduction d’un choix d’épigrammes qui ornaient les colonnes et statues des athlètes placées dans l’hippodrome de Constantinople, en particulier de l’aurige Porphyrius. Ces deux livres sont précédés d’une dédicace à Pier-Luigi Farnese, dans laquelle Pio indique qu’il conviendra d’adjoindre ce petit opuscule aux autres traductions d’épigrammes offertes à Paul III, ce qui a été effectivement réalisé dans le manuscrit48.
Enfin, le manuscrit comporte quelques pages finales (f° 153r°-v°; f° 155 v°-156r°, le feuillet 154 restant blanc) qui livrent une assez curieuse liste, précédée d’une déclaration de Pio à son lecteur. Avouant humblement que sa volonté de traducteur a sans doute dépassé ses forces réelles, le Bolonais distingue en effet trois types d’épigrammes dans son recueil : celles qu’il a renoncé à traduire en latin au cours de la transcription, tant leur excellence en grec les rendait inaccessibles à une autre langue, tels des objets saints et sacrés ; celles qu’il a produites dans son atelier (officina nostra) sans modèle grec et pour lesquelles il revendique seul la gloire ; celles enfin qui sont toujours des traductions latines du grec mais qui ne sont pas siennes, et pour lesquelles il donne la liste des interpretes dont il a repris le texte49. Pour chaque épigramme concernée, il mentionne le numéro du livre de son recueil où se trouve le poème, son incipit, le nom de son traducteur sous la forme X interpres, non Pius. On découvre ainsi le nom d’auteurs antiques (Ausone, Virgile, Rutilius), mais aussi d’humanistes (Alciat, More, Lascaris, Vrsinus Velius, Leonicus). L’information est précieuse car elle nous renseigne sur l’un des « manuels » utilisés par Pio : plusieurs traductions recopiées par l’humaniste sont en effet directement empruntées à l’anthologie de Janus Cornarius de 1529, où elles apparaissent pour la première fois, en particulier sous la signature d’Alciat et de Cornarius lui-même50. Si l’hypothèse du manque de temps pour justifier l’attitude de Pio est peu probable51, on suggèrera en revanche le désir du concours poétique tel qu’il se pratique largement autour de l’Anthologie de Planude dans la première moitié du XVIe siècle.
Les corrections manuscrites : la loi de l’aemulatio
Bien qu’Érasme soit le premier à l’expliciter, l’aemulatio, conçue comme rivalité positive qui stimule la production littéraire ou artistique, est en relation étroite avec les concepts d’imitatio et de translatio comme techniques de l’adaptation et de la traduction des formes esthétiques et linguistiques d’une civilisation à l’autre, d’une langue à l’autre depuis l’Antiquité (en particulier entre la Grèce et Rome)52. Les anthologies inspirées par Planude à la Renaissance constituent un champ où s’exprime de manière tout à fait exemplaire cette conception de la traduction comme confrontation : confrontation du poeta humaniste aux modèles antiques (grecs, mais aussi latins, souvent traducteurs du grec eux-mêmes, et qui servent de filtres pour les réécritures), confrontation aux traducteurs latins contemporains qui se plient à l’exercice. Le dispositif typographique de la page anthologique, telle qu’on peut la voir par exemple dans les Progymnasmata de More, mais aussi dans les recueils de Soter et Cornarius déjà évoqués, offre en particulier un cadre matériel adéquat où se révèlent les jeux subtils d’influences, de reprises, de variations, d’adaptations entre les langues, mais aussi entre les traducteurs dans une même langue, ici le latin. En effet, sous l’épigramme grecque en langue originale, avec la mention de son auteur quand il est connu, viennent se rassembler les traductions latines plus ou moins fidèles d’humanistes divers dont les noms sont également mentionnés, invitant ouvertement le lecteur à la comparaison, à l’évaluation et à l’instauration d’une hiérarchie entre les auteurs et entre les époques. C’est spécifiquement par ce travail de comparaison qu’aux yeux de Pio la simple lecture peut trouver l’utilité et l’efficacité d’un véritable exercice de formation, comme il le dit lui-même dans la dédicace à Paul III déjà citée53. Le principe même de la collation anthologique tel que l’envisagent Soter puis Cornarius montre visuellement à la fois la difficulté de l’exercice de traduction et sa solution : c’est bien par la réunion en un seul lieu, parfois sur une seule page, des possibilités multiples de traductions et des approches diverses qu’elles mettent en œuvre, c’est-à-dire par conjugaison de la répétition et de la variation, que l’original dans une langue peut se révéler de manière satisfaisante dans une autre. Il n’y aura jamais LA traduction, comme une solution unique, parfaite et définitive, mais plusieurs, et d’autres encore à venir qui n’annuleront pas les précédentes, mais viendront se glisser dans les interstices oubliés ou occuper les espaces laissés vacants.
L’exercice que Pio propose est un peu différent, dans la mesure où les originaux grecs ne figurent pas en tête de ses productions. Et si quelques-unes des traductions de ses contemporains apparaissent, ce n’est pas pour susciter la comparaison avec les siennes, mais plutôt pour venir remplacer celles qu’il n’a pas écrites, sans que mention soit faite dans le corps du texte des auteurs qu’il recopie, comme pour vérifier la sagacité du lecteur. Ce n’est en effet qu’à la fin du manuscrit que ce dernier se verra dévoiler la liste des emprunts, comme nous l’avons rappelé plus haut. Pio fait ainsi appel doublement à la mémoire, à la culture, à la bibliothèque, intérieure ou matérielle, de ses destinataires. Or nous voudrions montrer que certains remaniements et réécritures apportés à telle ou telle pièce du petit corpus de 1520 qui a subsisté dans la « grande couronne » vaticane se sont faits notamment sous l’impulsion du recueil de Cornarius54. En voici quelques exemples.
L’unique distique qui compose l’épigramme 4 (sur les morts qui attendent aux enfers tous les vivants, l’un après l’autre) a été entièrement réécrit. La première version, celle de 1520, s’ouvrait sur Intereo, « je péris », qui reprenait à l’initiale le Κάτθανον de l’épigramme grecque, placé lui aussi en début de vers : en grec comme en latin, les deux termes sont mis en valeur par la coupe trihémimère. Les formes moror/ moraris respectaient également le changement de personne souligné par le double polyptote μένω/ μενεῖς, σε/ σύ, auquel le grec donne du relief grâce à la coupe trochaïque troisième après σε55. De même, Pio tentait de rendre dans le vers 2 l’opposition entre la totalité du genre humain (πάντας θνητοὺς) et l’unicité de l’Hadès (εἷς (Ἀίδης) par l’adverbe pariter, « pareillement », équitablement ». Dans son recueil anthologique (p. 75), Cornarius restitue également l’opposition, mais sous une forme plus fidèle au grec : unum/ cunctis « Il n’y aura en effet qu’un seul lieu d’accueil pour tout le monde, l’Orcus (Vnum etenim cunctis hospitium Orcus erit). En revanche, chez Pio, le rejet de Fata (aliena) en début de vers 2 rompait la stricte séparation que proposait l’épigramme grecque entre la diversité de la sphère humaine, éclatée entre « je », « tu », « il », et limitée à l’hexamètre, et la sphère de l’Hadès unique, réservée au pentamètre. Cornarius respecte, de son côté, cette distribution.
Dans la seconde version, Pio bouleverse totalement l’original grec, du moins pour le premier vers. À l’image de l’attente, il substitue celle du flambeau que le mort passe au vivant, qui, à son tour, le passera à quelqu’un d’autre en mourant : « Ma lumière, je te la donne, moi qui fus enlevé ; bientôt un autre la reçoit » (Lampada ego raptus tibi do, mox accipit alter), avec la coupe hephthémimère après do, qui isole la sphère du « je » et celle du « tu ». Au polyptote moror/ moraris se substitue le doublet marquant l’échange do/ accipio. Certes, l’épigramme grecque ouvrait sur la mort, alors que la traduction latine décide d’ouvrir avec le mot grec lampas, symbole de la vie qui se transmet ; mais ce n’est qu’une illusion, promptement dissipée : la remise du flambeau, impliquant l’arrachement du défunt (raptus), ne fait ensuite qu’accentuer les ténèbres et la violence du monde d’en-bas, que le mort affronte sans lumière pour le guider. La première version évoquait la Styx uiolenta, « Le Styx impétueux ». La seconde a beau mentionner les champs élyséens, l’expression grauis Orcus, « le pénible Orcus », suggère la vision des enfers comme masse tombée au fond de l’univers, véritable trou noir qui attire tous les corps par sa pesanteur. Pio, tout en conservant son originalité, semble ici s’être rallié sur deux points au choix de Cornarius : la substitution de l’Orcus au Styx ; la stricte division des matières entre hexamètre et pentamètre, cette fois sans rejet.
Le deuxième exemple sera emprunté à l’épigamme 9, qui traduit un texte de Lucien sur un motif bien connu de la philosophie antique puis du christianisme : les crimes humains qui peuvent rester cachés aux hommes n’échappent jamais aux dieux/ à Dieu, ni même à la conscience du perpétrateur qui trouve dans le remords une juste punition de son forfait56. Grâce au doublet λήσεις (mis en relief par l’hephthémimère)/ οὐ λήσεις (en ouverture du second vers), le texte grec opposait strictement l’hexamètre, où les crimes peuvent rester inconnus des hommes, et le pentamètre, où ils ne peuvent en revanche échapper aux dieux. Dans la première version de l’épigramme 9, Pio s’éloignait totalement de l’original grec, du moins dans le premier vers, qui n’en était ni une traduction ni même une variation : « Ne fais rien, ô mortel, qui soit sans honneur ni mesure » (Nil age, mortalis, cui non modus et decor insit). Il s’agissait en réalité d’une libre improvisation qui posait de manière anticipée la conséquence morale impliquée par le second vers : « Ne compte pas que ton crime aux dieux puissent échapper » (Nec superos laedens posse latere puta). Le second vers ne rendait pas compte, avec le nec… puta (« et ne t’imagine pas », « et ne va pas croire »), du participe à valeur conditionnelle et restrictive οὐδὲ λογιζόμενος (« pas même si tu y comptes », « pas même si tu y as réfléchi »).
La seconde version est beaucoup plus percutante. Le premier vers suit désormais le texte grec : « Souvent des hommes tes forfaits restent ignorés, souvent ils le resteront » (Saepe homines malefacta latent tua, saepe latebunt). Outre des effets de répétition et de polyptote (saepe… latent/ saepe… latebunt), on notera que le passage du présent au futur est souligné par la pause bucolique après tua. Regardons à présent la traduction qu’Alciat propose dans le recueil de Cornarius (aux côtés de celles de Luscinius – Ottmar Nachtgall – et d’un certain Bergius, non identifié, p. 75) :
Forte uiros quae tu facies malefacta latebunt ;
Praetereunt summos nec meditata deos.
Il se peut que les forfaits que tu accompliras des hommes resteront
[ignorés ;
Ils n’échappent pas, même bien préparés, aux dieux suprêmes.
On ne peut manquer d’être frappé par la présence de termes retenus également par Pio : le participe malefacta, le futur latebunt, le participe passé meditata à valeur hypothétique et adversative. Il y a tout à parier pour que le Bolonais ait revu sa traduction à l’aune de celle d’Alciat.
Mais l’influence de l’anthologie de Cornarius dans les retouches apportées à certaines épigrammes peut être plus subtile encore. Dans la version de 1520 de l’épigramme 2, qui console un défunt ayant péri loin de sa patrie (la route vers les Enfers est toujours droite et un même vent y porte), Pio fait le choix au vers 1 de calquer à peu près le grec : Εἰς Ἀΐδην ἰθεῖα κατήλυσις, « Vers l’Hadès la descente est tout droit », par la formule Inferni introitus rectus, « L’entrée des Enfers est tout droit », en respectant la coupe hephthémimère. Il substitue toutefois à l’idée de descente (κατήλυσις) celle d’entrée (introitus), tandis que le groupe prépositionnel ouvrant le premier vers, Εἰς Ἀΐδην « dans l’Hadès », est rendu dans un premier temps par l’adjectif plus plat et moins imagé Inferni (sous-entendu loci : « du monde d’en-bas »), également à l’ouverture du premier vers ; ce n’est qu’au début du pentamètre suivant, et donc au prix d’une redondance, que ce groupe prépositionnel sera finalement restitué de manière adéquate avec l’expression In Styga « dans le Styx ». Mais ce qui attire l’attention est la substitution dans le manuscrit de idem (« même », « identique ») à rectus pour rendre ἰθεῖα, « direct », « droit », qualifiant la route des Enfers. La raison de la substitution nous paraît devoir être cherchée dans la traduction que Cornarius propose du premier distique de l’épigramme dans son anthologie de 1529, p. 74 (il est d’ailleurs le seul traducteur pour cette pièce) :
Qui petis hinc Orcum, quid differs ? Siue ab Athenis
Seu Meroë prodis, undique recta uia est.
Toi qui gagnes l’Orcus depuis ta place, pourquoi tarder ? Que
[d’Athènes
Tu viennes, ou bien de Méroé, d’où que tu partes la voie
[est droite.
La traduction de Cornarius déstructure très habilement l’original grec, en scindant l’expression Εἰς Ἀΐδην ἰθεῖα κατήλυσις sous la forme de deux types distincts de propositions, non reliées entre elles et placées aux deux extrémités du distique : une relative qui ouvre l’hexamètre avant la coupe penthémimère (Qui petis hinc Orcum) ; une apodose qui ferme la deuxième partie du pentamètre (undique recta uia est). Se voit ainsi renforcé l’effet de circularité induit par l’enjambement qui unit d’un vers à l’autre les protases marquant l’alternative Siue ab Athenis/ Seu Meroë prodis, et surtout par l’adverbe undique qui les résume et les généralise. Cet adverbe traduit πάντοθεν « de partout » au vers 4 de l’épigramme grecque, mais le déplace pour caractériser non pas uentus/ ἄνεμος mais uia/ κατήλυσις. L’élision ui(a) crée de plus un phénomène d’accélération rythmique.
C’est sans doute pour se démarquer du recta uia de Cornarius que Pio a décidé d’abandonner l’idée de rectitude pour celle d’identité (idem introitus) : cette substitution permet, comme le fait Cornarius, d’anticiper sur l’adverbe undique rapporté au vent au vers 4, conformément à l’original grec. Elle a aussi l’avantage de réintroduire dans le texte latin l’idée d’unicité (εἷς) que le grec associait au vent dans le même vers, mais que ne rendait pas la première traduction de Pio (Omnia ad Elysios undique uentus agit).
Conclusion
Au terme de ce parcours, qui ne peut être ici que très partiel, plusieurs constats s’imposent. Loin de n’être qu’une activité annexe à l’entreprise d’édition et de commentaire des textes anciens, la traduction des épigrammes de l’Anthologie de Planude par Pio constitue un véritable travail de fond, essentiel à l’interprétation des auteurs, et qui a sans doute été mené par l’humaniste tout au long de sa carrière. Le petit groupe de pièces publiées en 1520 constitue un appendice au texte de Rutilius Namatianus et a été traduit d’après une page de l’édition aldine de Planude : Pio y joue le jeu de l’improvisation contrainte, prenant les pièces telles qu’elles viennent, avec leurs difficultés linguistiques, philologiques et herméneutiques, et leur étrangeté culturelle. Les discours divers tenus sur et par les morts et les dieux dans les originaux grecs confrontent en effet le traducteur chrétien à la réalité infiniment complexe d’une civilisation polythéiste à laquelle il s’était déjà frotté par son activité de commentateur, en particulier de Lucrèce. Largement fondu et amplifié dans l’anthologie manuscrite du Vatican, ce travail de traduction n’a pas seulement l’austérité humble d’un exercice d’entraînement dans le secret de l’atelier du poeta : dédié à deux papes, Léon X et Paul III, et au fils de ce dernier Pier Luigi Farnèse, présenté modestement comme un instrument pédagogique destiné à la formation de l’esprit, il s’avère être pour son auteur un instrument de promotion et de reconnaissance intellectuelle et sociale. Après Codro et Béroalde, Pio souhaite apparaître comme un maître in utraque lingua, « dans les deux langues ». Constamment remaniées, ses traductions latines d’épigrammes grecques s’avèrent également être un lieu de rivalité littéraire avec les productions des Anciens, bien sûr, mais aussi de ses contemporains, comme le montre l’influence qu’exercent sur lui les propositions de traduction issues de l’Anthologie de Cornarius, dans laquelle son nom figure déjà aussi pour quelques pièces. C’est sans doute pour se démarquer de ses contemporains ou pour montrer qu’il peut faire mieux à partir des emprunts qu’il glane ça et là que Pio contrevient parfois à ses propres principes de traduction, sans que l’on puisse en tirer vraiment de principes généraux : nous avons vu que la réécriture de l’épigramme de Lucien sur les crimes qui échappent à la connaissance des hommes mais pas à celle des dieux constituait un retour à la source, sous l’impulsion d’Alciat, alors que la correction de l’épigramme sur les morts qui attendent successivement tous les vivants aux enfers conserve, certes, la structure de l’original mais introduit une image qui n’y était même pas suggérée. Généralement très proche du texte grec, Pio se montre attentif en particulier à l’ordre d’apparition des arguments, aux mots-clés disposés à des places stratégiques, ou encore au rôle de soulignement joué par les coupes métriques, ne recourant qu’exceptionnellement, et de manière fondée, à la simple translittération du grec. Comme nous avons tenté de le montrer, ce farouche partisan d’une latinité riche, diachroniquement ample et linguistiquement bigarrée était sur ce point très fidèle aux préceptes de Cicéron traducteur du grec.
Annexe
Édition comparée des épigrammes
Pour chacune des épigammes latines constituant la micro-anthologie de Pio, nous donnons le texte tel qu’il apparaît à la fin de son édition bolonaise de Rutilius Namatianus parue en 1520 chez Girolamo Benedetti. Nous avons modernisé la ponctuation et proposé une traduction française en regard. Nous donnons sous forme d’apparat critique les corrections apportées à l’édition de 1520 par le manuscrit de la Bibliothèque vaticane (Vat. Lat. 2851), avec une traduction française lorsqu’il s’agit d’une réécriture complète, puis nous proposons le texte grec de la première édition aldine (Florilegium diuersorum epigrammatum in septem libros, Venise, 1503 = ald.), directement à la source du travail de Pio ; nous y avons adjoint une traduction française, en espérant qu’elle permettra au lecteur de mieux mesurer les écarts entre l’original grec d’Alde et la traduction/ adaptation proposée en latin par Pio. Ensuite, nous indiquons la référence de l’épigramme-source dans les éditions modernes de l’Anthologie grecque (= AG) en précisant les variantes par rapport à l’Aldine, ainsi que la référence dans le manuscrit de Planude. Enfin, nous donnons, avec la pagination, les traductions latines d’autres auteurs proposées dans l’anthologie de Janus Cornarius (Selecta epigrammata Graeca Latine uersa, ex septem epigrammatum Graecorum libris, Bâle, Ioannes Bebel, 1529 = Cornar.), qui ont fortement inspiré les corrections apportées par Pio dans le manuscrit du Vatican aux épigrammes publiées en 1520.
Autres abréviations :
aubreton = Anthologie grecque. Première partie, Anthologie palatine, tome X, livre XI, éd.-trad. Robert Aubreton, Paris, 1972 ; beCkby = Anthologia Graeca, éd. Hermann Beckby, München, 2e édition, 1965-1968 ; irigoin- maltomini-laurens = Anthologie grecque. Première partie, Anthologie palatine, tome IX, livre X, éd. Jean Irigoin, Francesca Maltomini, trad. Pierre Laurens, Paris, 2011 ; paton = The Greek Anthology, éd. William Roger Paton, London-Cambridge (Mass.), 1916-1918 ; Waltz-desrousseaux et alii : Anthologie grecque. Première partie, Anthologie palatine, tome IV, livre VII, éd. Pierre Waltz, trad. Alexandre-Marie Desrousseaux et alii, Paris,1960 ; Waltz-soury = ibid., tome VII, livre IX, éd. P. Waltz, trad. Guy Soury, Paris, 1957.
Épigramme 1
1520 f°Eiiir°Ex Graeco. Lucilli.Veloces egi currus infaustus Aganax : Vitae inuitalis functus honore fui,Nec spatio tenui multo ; sed calce replaudensTellurem in campos appropero Elysios. | Traduite du grec. De Lucillius.J’ai mené des chars rapides, moi, l’infortuné Aganax : J’ai rempli la charge d’une vie qui n’en n’était pas une,Et je n’ai pas tenu longtemps ; mais frappant du pied à coups[redoublésLa terre, je me hâte vers les plaines élyséennes. |
Fontes : 2 Vitae inuitalis… honore] cf. Verg. Georg., 4, 326-327 : En etiam hunc ipsum uitae mortalis honorem/… relinquo. | |
Vat. Lat. 2851, f°121r°tit. Ex Graeco] In Aganacem | Lucilli] -cillius|| 2 inuitalis] haud uita- || 3 replaudens) sepulchra || 4 Tellurem] Percutiens| In] om. | |
Ald. p. Dviiv°, carm. 1Λουκιλλίου.Ἡμάξευσα καὶ αὐτὸς ὁ τρισδύστηνος Ἀγάναξ τοῦτον δύσζῳον κἀβίοτον βίοτον·οὐ μὴν πολλὸν ἐπὶ χρόνον ἤλασα· λὰξ δὲ πατήσας λυσσώδη ζωὴν, ἤλυθον εἰς Ἀΐδεω. | De Lucilius.En carroi j’ai traîné, moi aussi, le trois fois infortuné Aganax, Cette vie sans joie de vivre et invivable ;Mais je n’ai pas conduit longtemps : quand j’eus piétiné du talon Cette existence d’enragé, je vins chez Hadès. |
AG 9, 574 ; — Plan. 1a, 36, 17, f°10r° ; — Cornar. ø |
Épigramme 2
1520 f°Eiiir°Non tristandum si quis procul patria obeat.Incertum. Ex Graeco.Inferni introitus rectus, seu pergis Athenis, In Styga, et a nigra siue uenis Meroe,Nec procul a patria tristeris, amice, peremptum : Omnia ad Elysios undique uentus agit. | Point ne faut pleurer qui meurt loin de sa patrie.Auteur inconnu. Traduit du grec.L’entrée des Enfers est tout droit, si tu fais route depuis Athènes Ou même si tu viens de la noire Méroé : elle va au Styx ;Et ne t’afflige pas, mon ami, d’avoir péri loin de ta patrie :Un vent venu de partout emporte tout aux Champs Élysées. |
Vat. Lat. 2851, f° 49v°tit. Non tristandum… incertum] Permutatus est ordo linearum | tristandum] dolen- | Incertum] Incerti auctoris | Ex Graeco] om. || 1 introitus rectus] est idem introitus | qui] seu || 2 In] Ad | a] ab (sic) || 3 Nec ] Ne. | |
Ald. p. Dviiv°, vue 71, carm. 2῎Αδηλον.Εἰς Ἀΐδην ἰθεῖα κατήλυσις, εἴτ’ ἀπ’ Ἀθηνῶν στείχεις, εἴτε νέκυς νείσεαι ἐκ Μερόης ;μή σέ γ’ ἀνιάτω πάτρης ἀπο τῆλε (sic) θανόντα· πάντοθεν εἷς ὁ φέρων εἰς Ἀΐδην ἄνεμος. | Auteur inconnu.Vers l’Hadès la descente est tout droit, soit que d’Athènes Tu partes, soit qu’une fois mort, tu viennes de Méroé ;Et ne t’afflige pas d’avoir péri loin de ta patrie :Il vient de partout, le vent unique qui emporte vers l’Hadès. |
AG 10, 3 : 3 ἀπο τῆλε Ald] ἀποτῆλε Beckby Paton Irigoin-Maltomini-Laurens ; — Plan. 1a, 36, 18, f°10r°; — Cornar. p. 74 : [Cornar.] Qui petis hinc Orcum, quid differs ? Siue ab Athenis,/ Seu Meroë prodis, undique recta uia est./ Anxius ah ne sis patria tibi quod procul extat/ Terra : etiam hinc uentus nanque secundus erit. |
Épigramme 3
1520 f°Eiiir°Gulam mortem accelerare. Palladae.Non peragit tantum mortem natura sed ipsamIngluuies rapido cogit adire pede. Huius regnator Dionysius HercleaeIn Ponto testis talia passus obit. | Que la goinfrerie précipite la mort. De Palladas.Nature n’est pas seule à provoquer la mort, mais c’est la mort[justement Que gloutonnerie nous force à rejoindre d’un pas rapide.De cela, Denys, le tyran d’HéracléeDu Pont, fut témoin, lui qui en fut la victime avant de mourir. |
Vat. Lat. 2851ø | |
Ald. p. Dviiv°, carm. 3Παλλαδᾶ.Οὐ ποιεῖ θάνατον μόνον ἡ φύσις, ἀλλὰ τὸν αὐτὸν καὶ πολλὴ παχύτης πολλάκις εἰργάσατο.Τοῦδ’ ὁ τυραννήσας Διονύσιος Ἡρακλείας τῆς ἐν τῷ Πόντῳ μάρτυς, ὁ τοῦτο παθών. | De Palladas.La nature n’est pas seule à donner la mort, mais cette même mort, Un fort embonpoint l’a souvent provoquée aussi.De cela, Denys, le tyran d’HéracléeDu Pont fut le témoin, lui qui en fut la victime. |
AG 10, 54 : 1 φύσις Ald.] φθίσις Beckby Paton Irigoin-Maltomini-Laurens ; — Plan. 1a, 36, 19, f°10r° ; — Cornar. ø. |
Épigramme 4
1520 f°Eiiir°Alter alterum uicissim trudit in mortem.Incertum. Ex Graeco.Intereo, sed te moror. At tu aliena moraris Fata. Omnes pariter Styx uiolenta capit. | Chacun précipite à son tour son prochain vers la mort.Auteur inconnu. Traduit du grec.Je péris, mais je t’attends. Et à ton tour, tu attends de ton prochain Les destins. Tous, pareillement, le Styx impétueux nous emporte. |
Vat. Lat. 2851, f°49v°Tit. Alter… mortem.] om. | Ex Graeco] om. || 1-2 Lampada ego raptus tibi do, mox accipit alter./ Omnia ad Elyseos sic grauis Orcus agit. | 1-2 : Ma lumière, je te la donne, moi qu’on a ravi ; bientôt un autre la reçoit./ C’est ainsi que, vers les champs élyséens, le pesant Orcus précipite tout. |
Ald. p. Dviiv°, carm. 4῎Αδηλον.Κάτθανον, ἀλλὰ μένω σε· μενεῖς δέ τε καὶ σύ τιν’ ἄλλων·πάντας ὁμῶς θνητοὺς εἷς Ἀΐδης δέχεται. | Auteur inconnuJe suis mort, mais je t’attends ; toi aussi, tu en attends un parmi[d’autres ; Tous les mortels pareillement un Hadès unique les reçoit. |
AG 7, 342 : 1 ἄλλων Ald.] ἄλλον Beckby Paton Waltz-Desrousseaux et alii ; — Plan. 1b, 23, f°83v° ; — Cornar. p. 75 : [Cornar.] Mortuus expecto te, expecta deinde alium tu,/ Vnum etenim cunctis hospitium Orcus erit. |
Épigramme 5
1520 f°Eiiiv°Epitaphium Inachi terrae maternam pietatem laudantis. Incertum.Ex Graeco.Terra mihi genitrix, mea tellus occulit ossa, Officium haud matris inferioris agens.Illa pia diuturna parens me uinciet ulna,Sed propria rapuit me genetrice calor.Hospes in hoc portu iaceo post flebile fatum, Inachus, heu, fidi [sic] Crinagorae famulus. | Épitaphe d’Inachus, de sa terre maternelle louant la piété. Auteur inconnu.Traduit du grecUne terre m’engendra, une contrée dissimule mes os, N’accomplissant pas moins bien son devoir de mère.3 Cette parente me serrera longtemps dans sa pieuse étreinte, Mais c’est à celle qui vraiment m’engendra que la chaleur[m’a enlevé. Je repose, hôte accueilli dans ce port après un tragique destin,Moi, Inachus, hélas, serviteur du fiable Crinagoras. |
Vat. Lat. 2851, f°120v°-121r°tit. Incertum] om. | Ex Graeco] om. || 2 inferioris] deter- || 3 diuturna] antiqua | uinciet ulna] condet in ulnis || 4 Sed] At | rapuit] eripuit. | |
Ald. p. Dviiv°, carm. 5῎Αδηλον.Γῆ μευ καὶ μήτηρ κικλήσκετο, γῆ με καλύπτει καὶ νέκυν· οὐ κείνης ἥδε χερειοτέρη.Ἔσσομαι ἐν ταύτῃ δηρὸν χρόνον· ἐκ δέ με μητρὸςἥρπασεν ἠελίου καῦμα τὸ θερμότατον. Κεῖμαι δ’ ἐν ξείνῃ ὑπὸ χερμάδι, μακρὰ γοηθεὶςἼναχος, εὐπειθὴς Κριναγόρου θεράπων. | Auteur inconnu.Une terre fut appelée ma mère, une autre me dissimule, Une fois mort ; et celle-ci n’est pas moins bonne que l’autre. 3 Et j’y resterai fort longtemps ; ce qui, à ma mèreM’arracha, c’est la chaleur du soleil, extrême.Je repose en terre étrangère, sous une pierre, fort pleuré, Moi, Inachos, le fidèle serviteur de Crinagoras |
AG 7, 371 : tit. ῎Αδηλον Ald.] Κριναγόρου Beckby Paton Waltz-Desrousseaux et alii ; — Plan. 1b, 23, 2, f° 83v° ; — Cornar. ø |
Épigramme 6
1520 f°Eiiiv°Antiphili Graeci poetae in aridum fontem.Quo fuga, fontis aquae ? Quo garrula nympha[recedit ?Quo radius iuges solstitialis agit ?Agricolam flentes lachrymis rorantibus omnes Absumptae, illius arida puluis habet. | Du poète grec Antiphile, sur une source tarie.Où va votre échappée, eaux de la source ? Où se retire la[nymphe jasarde ? Où le rayon du soleil chasse-t-il vos ondes intarissables ?Pleurant Agricola, à force de laisser ruisseler nos larmes, toutes Nous nous sommes épuisées, et sa cendre assoiffée nous retient. |
Vat. Lat. 2851, f°121r°tit. Antiphili…poetae] om. || 1 fuga] fugitis | aquae] latices. | |
Ald., p. Dviiv°, carm. 6᾿ΑντιφίλουΚρηναῖαι λιβάδες, τί πεφεύγατε ; ποῦ τόσον ὕδωρ ;Τίς φλὸξ ἀενάους ἔσβεσεν ἠελίου ;Δάκρυσιν Ἀγρικόλαο τετρίμμεθα· πᾶν δ’ ὅσον ἡμῖνἦν ποτόν, ἡ κείνου διψὰς ἔχει σποδιή. | D’Antiphile.Eaux de la source, pourquoi avoir fui ? Où tant d’eau[est-elle allée ?Quel rayon solaire a tari vos flots perpétuels ?Nos larmes pour Agricola nous ont épuisées ; et tout ce que[nous avions Pour servir de boisson, sa cendre assoiffée le retient. |
AG 9, 549 : τετρίμμεθα Ald.] τετρύ- Beckby Paton Waltz-Soury et alii ; — Plan., 1a, 63, 5 Beckby (= 1a, 56, 3 Waltz-Soury), f°15r° ; 1b, 21, 2, f°84r° ; — Cornar. : ø. |
Épigramme 7
1520 f°Eiiiv°De oraculis tauri Memphitici.Incertum. Ex Graeco.In Memphi sermo est tauro didicisse nitenti Eudoxum propriam per sacra oracula mortem Iunici humanam linguam natura negauit.Vocalesque sonos ; sed stans diuinitus oreLinxit adorato chlamydem. Sunt certa secutaSigna necis. Subito passu mors atra cucurrit Huic soles denos, quinos, ternosque uidenti. | Sur l’oracle délivré par le taureau de Memphis Auteur inconnu. Du grecÀ Memphis court le bruit que, d’un taureau éblouissant, Eudoxe apprit sa propre mort sous la forme d’un saint oracle. Au bovin la nature a refusé l’humaine langue4 Et les sons d’une voix ; mais debout, sous l’influence divine, Il lècha le manteau d’Eudoxe, muffle incliné. Suivirent[d’indubitables Signes annonciateurs de sa fin. D’un pas rapide, la mort[sombre accourut Pour lui, qui avait vu dix fois cinq plus trois soleils. |
Vat. Lat. 2851ø | |
Ald., p. Dviiir°, carm. 1῎Αδηλον.Ἐν Μέμφει λόγος ἐστὶ μαθεῖν ἰδίην ποτὲ μοίρηνΕὔδοξον παρὰ [sic] τοῦ καλλίκερω ταύρου· κοὐδὲν ἔλεξε· πόθεν; βοῒ γὰρ λόγον οὐ πόρε φύτληοὐδὲ λάλον *** Ἄπιδι στόμα· ἀλλὰ παρ’αὐτὸν 4λέχρια κεῖνος στὰς, προφανῶς ἐλιχμήσατο λώπην, δηλῶν ὡς ἀποδύσει δὴ βιοτὴν ὅσον οὔπω.Καὶ δὴ οἱ ταχέως ἐπελήλυθεν αὐτίκα πότμος, ἠελίους δεκάκις πέντ᾽ ἠδὲ τρεῖς ἐσιδόντι. | Auteur inconnu.À Memphis court le bruit qu’un jour c’est son propre sort[qu’appritEudoxe d’un taureau aux belles cornes,Qui ne souffla mot ; comment, alors ? Car à un bœuf la[nature n’a point donné le langage,4 Ni, à Apis, une bouche qui parle ; mais, debout près[d’Eudoxe, Cet animal se pencha pour lui lécher ostensiblement[le manteau, Montrant qu’il quitterait la vie dans peu de temps.Et aussitôt la mort avait fondu sur notre homme avec vélocité, Lui qui avait déjà vu dix fois cinq plus trois soleils. |
AG 7, 744 [= Diog. Laert., 8 (Pyth.), 91] : Ἐν Μέμφει λόγος ἐστὶ προμαθεῖν τὴν ἰδίην/ Εὔδοξόν ποτε μοῖραν παρὰ τοῦ καλλίκερω/ ταύρου· κοὐδὲν ἔλεξεν. Βοῒ γὰρ πόθεν λόγος;/ Φύσις οὐκ ἔδωκε μόσχῳ λάλον Ἄπιδι στόμα./ Παρὰ δ’ αὐτὸν λέχριος στὰς ἐλιχμήσατο στολὴν,/ προφανῶς τοῦτο διδάσκων· « Ἀποδύσῃ βιοτὴν/ ὅσον οὔπω. » Διὸ καί οἱ ταχέως ἦλθε μόρος/ δεκάκις πέντε τε καὶ τρεῖς ἐσιδόντι Πλειάδας. Beckby Paton Waltz-Desrousseaux et alii. ; — Plan. 1b, 23, 4, f°84r° : 1-2 disticho elegiaco utitur Plan. in uersibus 1-2, sed hexametris in relinquo carmine || 4 μόσχῳ Ἄπιδι PLAN.] Ἄπιδι ALD. ; — Cornar. : ø. |
Épigramme 8
1520 f°Eivr°Incertum. Ex Graeco.Balnea, uina, Venus, choreae, conuiuia, ludus, Haec subitum faciunt ad Styga mortis iter. | Auteur inconnu. Traduit du grec.Les bains, les vins, Vénus, les danses, les banquets, les jeux Ouvrent soudain vers le Styx le chemin de la mort. |
Vat. Lat. 2851, f°50r° tit. Ex Graeco] om. | |
Ald. p. Dviiir°, carm. 2Οἶνος καὶ τὰ λοετρὰ καὶ ἡ περὶ Κύπριν ἐρωὴ ὀξυτέρην πέμπει τὴν ὁδὸν εἰς Ἀΐδην. | Le vin, les bains et les ardeurs liées à Cypris Ouvrent la voie plus vite vers l’Hadès. |
AG 10, 112 ; — Plan. 1b, 21, 5, f°84r° ; — Cornar. p. 75 : Morvs. Si quis ad infernos properet descendere Manes/ Huc iter accelerant balnea, uina, Venus. G. Lilivs. Nos caligantis rapiunt ad tecta tyranni/ Praecipiti cursu balnea, uina, Venus. Vide etiam : Progymnasmata Thomae Mori et Gulielmi Lylii sodalium, in De optimo reip. statu deque noua insula Vtopia, Basileae, apud Iohannem Frobenium, 1518, p. 174 : G. Lilii. 1 tecta Cornar.] regna. |
Épigramme 9
1520 f°Eivr°In deos. Luciani.Nil age, mortalis, cui non modus et decor insit, Nec superos laedens posse latere puta. | Sur les dieux. De Lucien.Ne fais rien, ô mortel, qui soit sans honneur ni mesure,Ne compte pas que ton crime aux dieux puisse échapper. |
Vat. Lat. 2851, f°50r°Saepe homines malefacta latent tua, saepe latebunt./ At superos nunquam, uel meditata, latent. | Souvent des hommes tes forfaits restent ignorés, souvent ils le resteront./ Mais de ceux d’En-Haut jamais, même bien préparés, ils ne restent ignorés. |
Ald. p. Dviiir°, vue 71, carm. 2ΛουκιανοῦἈνθρώπους μὲν ἴσως λήσεις ἄτοπόν τι ποιήσας, οὐ λήσεις δὲ θεοὺς οὐδὲ λογιζόμενος. | De LucienLes hommes pourront probablement ignorer que tu as mal agi, Mais les dieux ne l’ignoreront pas, pas même si tu y comptes. |
Épigramme 10
1520 f°Eivr°De amoribus Iouis. Incertum.Ex Graeco.Taurus, olor, satyrus, pluuium fit Iuppiter aurum, Ledae aestu, Europes, Antiopae, Danaes. | Sur les amours de Jupiter. Auteur inconnu.Traduit du grec.Jupiter se fit taureau, cygne, satyre, pluie d’orPar amour de Léda, d’Europe, d’Antiope, de Danaé. |
Vat. Lat. 2851, f°50r°tit. De amoribus Iouis] om.| Incertum] Sine domino | Ex Graeco] om. || 2 aestu] igne. | |
Ald. p. Dviiir°, carm. 4ΛουκιανοῦΖεὺς κύκνος, ταῦρος, σάτυρος, χρυσὸς δι’ ἔρωτα Λήδης, Εὐρώπης, Ἀντιόπης, Δανάης. | De LucienZeus fut cygne, taureau, satyre, or par amour De Léda, d’Europe, d’Antiope, de Danaé. |
AG 9, 48 ; — Plan. 1a, 37, 2, f°10r° ; — Cornar. p. 76-77 : Morvs. Taurus, olor, satyrusque ob amorem Iuppiter aurum est,/ Europes, Ledes, Antiopes, Danaës. G. Lilivs. Taurus, olor, satyrus, per amorem Iuppiter aurum/ Europae, Ledes, Antiopae, Danaës. [Vide etiam : Progymnasmata Thomae Mori et Gulielmi Lylii…, ed. cit. supra, p. 178] ; C. Vrs. Velivs. Iuppiter Europam niuei sub imagine tauri/ Dilectum Cretes per mare uenit onus./ Duxit olorinas candenti corpore plumas /Quum deus ad Ledae tecta uolaret amans./ Et clausam pluuio Danaën delusit in auro./ Semihominis satyri cornibus Antiopen./ Amphytriona fuit regem mentitus, in unam/ Mirifice noctes quum coiere duae./ Et si te uideat, sed ne te uiderit oro,/ Cynnama, in amplexus et uolet ire tuos./ [p. 77] Non aurum, non taurus olorue aut quilibet horum,/ Verum se maior si queat esse uelit. |
Épigramme 11
1520 f°Eivv°AntipatriMercurius facilis, pastores, lacte nitenti Gaudet et est quernis mitior ille fauis. Herculeis* aries sanis cum lactibus agniProcidat : haud soli uictima sola placet.– Sed cohibere lupos ualet. – At custodia si me Pauperat, heus, hostes quos magis esse rear ?* Pour des raisons métriques, allongement de la finale normalement brève du génitif (-ĭs) par diphtongaison. | D’AntipaterMercure, aisé à satisfaire, ô bergers, de lait étincelantSe réjouit et s’adoucit grâce aux rayons de miel de chêne.Le bélier d’Hercule, accompagné des laitages sains réservés[à l’agneau, S’effondre : Hercule est le seul à ne pas se satisfaire d’une[seule victime. – Pourtant, il réussit à tenir les loups en respect. – Mais si ma[garde me rend Pauvre, hélas, pourrais-je trouver pires ennemis ? |
Vat. Lat. f°122r°Tit. Antipatri] In Mercurium || 1 nitenti : recen- || 3 sanis : tener-. | |
Ald. p. Dviiir°, carm. 5᾽Αντιπάτρου– Εὔχολος Ἑρμείας, ὦ ποιμένες, ἐν δὲ γάλακτι χαίρων καὶ δρυΐνῳ σπενδόμενος μέλιτι·ἀλλ’ οὐχ Ἡρακλέης· ἕνα δὲ κτίλον ἢ παχὺν ἄρνα αἰτεῖ καὶ πάντως ἓν θύος ἐκλέγεται.– Ἀλλὰ λύκους εἴργει. – Τί δὲ τὸ πλέον, εἰ τὸ[φυλαχθὲν ὄλλυται, εἴτε λύκοις εἴθ’ ὑπὸ τοῦ φύλακος ; | D’AntipaterIl est aisé à satisfaire, Hermès, ô bergers, quand de laitIl se réjouit ou quand il reçoit une libation de miel de chêne ; Mais pas Héraclès ! un bélier ou un agneau gras,Voilà ce qu’il réclame et, en tous les cas, il prélève une offrande. – Mais il éloigne les loups ! – Quel est le pire, quand ce que[l’on garde Périt : que ce soit à cause des loups ou du fait du gardien ? |
AG 9, 72 : 1 Εὔχολος Ald.] Εὔκο- Beckby paton Waltz-Soury ; Plan. 1a, 37, 3, f°10r° ; Cornar. ø. |
Épigramme 12
1520 f°Eivv°-Evr°Mercurius de sodallitio Herculis queritur LeonidaeSi cultos hinc ire libet, spatiator, in agros,Seu celerem excelsa sistis in arce pedem, Hos duo caelicolas quis te bene termine credisArcada me cernis, Herculis hanc statuam : [Evr°] Numine propicii semper mortalibus ambo. | Mercure se plaint d’être l’associé d’Hercule.De LéonidasS’il te plaît, passant, de te rendre aux champs depuis la[ville haute, Ou bien, en cette dernière, d’arrêter ton pas précipité,Ces deux habitants du ciel, auxquels à bon droit tu te fies[pour le bornage, Tu les aperçois, moi l’Arcadien, là, la statue d’Hercule :5 Tous deux, par notre pouvoir, sommes toujours favorables[aux mortels. |
Hic mihi libatas achradas eripuit.Non mihi lance pari fertur redimita racemis Vua : graues pariter omphacas iste uorat. Aequa sodalicii non est mihi grata potestas :Qui dicat ambobus munera priua dicet.« Herculis hoc, dicat, donum est, ast Arcadis illud », Et litem soluat qui litat ancipitem. | Mais lui, il m’a volé les poires offertes en offrande.Non, ce n’est pas pour moi qu’on apporte, sur un plat[pareil au sien, en couronne de grappes, Le raisin : les lourds grains verts, c’est lui qui les dévore[pareillement. La puissance à parts égales propre à notre association ne[m’agrée point : 10 Qui à tous deux nous voue des dons doit les vouer séparément. Qu’il dise : « Ici le don d’Hercule, mais là celui de l’Arcadien », Celui qui sacrifie, et il résoudrait la querelle qui oppose[nos deux têtes. |
Fontes : 7 pari fertur redimita racemis] cf. Stat. Silu., […] caris gaudet redimita racemis ; 8 omphacas] Cf. Erasmi, Adagia, 1513 (Σικελὸς ὀμφακίζει, i. e. Siculus omphacissat). | |
Vat. Lat. 2851ø | |
Ald. p. Dviiir°-v°, carm. 6Λεωνίδου.Ὦ τάνδε στείχοντες ἀταρπιτόν, οἵ τε ποτ’ ἀγροὺς δαμόθεν, οἵ τ’ ἀπ’ ἀγρῶν νεῖσθε ποτ’ ἀκρόπολιν,ἄμμες ὁρῶν (sic) φύλακες δισσοὶ θεοί, ὧν ῾ μὲν Ἑρμᾶς,[p. Dviiiv°,] οἷον ὁρῇς μ’, οὗτος δ’ ἅτερος Ἡρακλέης· ἄμφω μὲν θνατοῖς εὐάκοοι, ἀλλά ποθ’ αὑτοὺς,αὐτῷ μοι παραθεὶς ἀχράδας, ἐγκέκαφεν·ναὶ μὰν ὡσαύτως τοὺς βότρυας, οἵ τε πέλονται ὥριμοι, οἵ τε χύδαν ὄμφακες, εὐτρέπικεν.Μισέω τὰν μετοχὰν οὐδ’ ἥδομαι· ἀλλ’ ὁ φέρων τί (sic),ἄμφω, μὴ κοινῇ τοῖς δυσὶ παρτιθέτω,καὶ λεγέτω·» Τῇ τοῦθ’, Ἡράκλεες, », ἄλλοτε « ΤοῦτοἙρμᾷ » καὶ λύει τὰν ἔριν ἀμφοτέρων. | De LéonidasÔ vous qui empruntez ce sentier, soit pour aller aux champs Depuis la ville, soit pour aller des champs à l’acropole,Nous voici, deux dieux gardiens des bornes, dont l’un[est Hermès, Tel que tu me vois, l’autre, le second, Héraclès ;5 Tous deux sommes favorables aux mortels, mais parfois[nous-mêmes…, A-t-on déposé des poires spécialement pour moi, il les[a englouties !Et de même les grappes de raisin, celles qui sontMûres, et celles qui sont largement vertes, il en dispose ! Je hais ce partage, et n’en tire aucun plaisir ; mais qui nous[porte quelque don À tous deux, qu’il ne le dépose pas en commun pour les deux, 10 Mais qu’il précise : « Là, voici pour toi, Héraclès », puis :[« Ceci pour Hermès », et il résout la querelle qui tous deux nous oppose. |
AG 9, 316 : tit. Λεωνίδου Ald.] Λεωνίδου Ταραντίνου Beckby Paton Waltz-Soury || 1 οἵ τε Ald.] αἴτε omnes || 2 οἵ τ᾽ Ald.] αἴτ᾽ omnes || 3 ὁρῶν Ald.] ὅρων omnes | ὧν ῾ Ald.] ὧν ὁ omnes || 4 ὁρῇς Ald. Beckby Paton] ὁρῆς Waltz-Soury || 5 αὑτοὺς Ald. Paton] οὗτος Beckby Waltz-Soury || 6 αὐτῷ μοι Ald.] αἴτ’ ὠμὰς Beckby αἴκ’ ὠμὰς Waltz-Soury αἰ ξύνᾷ Paton | παραθεὶς Ald.] παραθῇς omnes || 7 οἵ τε Ald.] αἴτε omnes || 8 οἵ τε Ald.] αἴτε omnes | χύδην Ald.] χύδαν omnes || 9 τί Ald.] τι omnes || 10 ἄμφω Ald.] ἀμφίς omnes | κοινῇ Ald.] κοινᾷ omnes || 11 Τῇ Ald.] Τὶν omnes || λύει Ald.] λύοι omnes ; — Plan. 1a, 37, 4, f°10r° ; — Cornar. ø. |
Épigramme 13
1520 Evr°Reverendiss<imo> car<dinali> Aegidio. Diua beatifico cum te colat agmine uirtus,Inuideas nulli fulua metalla Midae. | Au révérendissime cardinal Egidio [da Viterbo]Comme divine Vertu t’honore d’un cortège qui fait de toi un[bienheureux, Tu ne saurais envier ses ors blonds à aucun Midas. |
Épigramme 14
1520 f°Evr°In Olympum deformem.Cum patulo referas rictu crocodilon, Olympe, Garrula sic fontis cur tibi lympha placet ?Effuge Narcisi fatis contraria fata,Ne propriam exosus, hic pereas, faciem. | Sur le monstrueux Olympus.Alors qu’avec ta gueule béante, tu rappelles le crocodile, Olympus, Pourquoi l’onde jasarde de la source te séduit-elle ainsi ?Fuis par ton destin le destin funeste de Narcisse,Te gardant de périr ici même, par haine de ta propre face. |
Fontes :4 fatis contraria fata] Verg. Aen. 1, 239. | |
Vat. Lat. 2851 f°122r°tit. fontem crebro uisentem add. ms postdeformem ||1 Cum] quom || 2 sic] tam ||4 Ne propriam…faciem] Ne faciem pereas saepe uidendo tuam. | |
Ald. p. Lr°, carm. 1Τοῦ αὐτοῦ [i. e. Λουκιλλίου]Ῥύγχος ἔχων τοιοῦτον, Ὀλυμπικέ, μήτ’ ἐπὶ κρήνην ἔλθῃς, μήτ’ ἐν ὄρει πρός τι διαυγὲς ὕδωρ.Καὶ σὺ γὰρ ὡς Νάρκισσος ἰδὼν τὸ πρόσωπον ἐναργὲςτεθνήξῃ, μισῶν σαυτὸν ἕως θανάτου. | Du même [Lucilius]Muni d’un un tel groin, Olympikos, auprès d’une source Ne va jamais, ni, en montagne, vers une onde claire.Car toi aussi, après avoir vu, comme Narcisse, ton visage[distinctement,Tu auras péri, en te haïssant jusqu’à la mort. |
AG 11, 76 : 2 ἐν ὄρει Ald. Waltz-Soury] ἐνόρα Beckby Paton; — Plan. 2a, 13, 1, f°23r° ; — Cornar., p. 160-161 : C. Vrs. Velivs. Rostro adeo cum sis turpi, nec, Olympice, fontes,/ Nec pete perspicuas ad loca montis aquas./ Nam facie inspecta, ueluti Narcissus, obibis/ Lethifero teipsum praecipitans odio. (cf. Velii Epigrammatôn Graecorum Latinum in sermonem uersorum liber, Basileae, 1522, apud Frobenium, 1522, p. A3v°) ; Lvscinivs. Quum foedet uultum deformis, Olympice, nasus,/ Perspicuos fontes et fuge montis aquas./ Mortem namque odio, ueluti Narcissus, obibis/ Ipse tui, turpem si uideas faciem. Alciatvs. Grype caue ad speculum liquidumque accedere fontem/ Ne tua conspiciens turpia membra cadas./ Nam ueluti proprio periit Narcissus amore,/ Fortassis proprio tu moriere odio. |
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Élève de Philippe Béroalde l’Ancien et d’Antonio Urceo Codro, Pio fut un infatigable éditeur et commentateur des textes anciens : Sidoine Apollinaire, Fulgence, Plaute, Lucrèce, Cicéron épistolier, Valerius Flaccus, Columelle, mais aussi des lexicographes comme Nonius Marcellus, Festus Pompeius et Varron. Il traduisit en latin le livre IV des Argonautiques d’Apollonios de Rhodes et, outre de volumineux recueils d’Annotationes et d’Annotamenta, fruits de ses lectures, il publia un recueil poétique inspiré par les poetae noui romains et intitulé Elegidia. Il mena une carrière d’enseignement et de lecteur universitaire (à Bologne, Mantoue, Bergame, Lucques et Rome), comme en témoignent ses Praefationes gymnasticae, dont certaines ont été rédigée en vers, à l’instar de celles de Politien.
Pour les éléments biographiques, les études les plus utiles sont : Daniele Conti, s. v. Pio, Giovanni Battista, Dizionario biografico degli italiani, vol. 84, Roma, Istituto dell’Enciclopedia Italiana, 2015, pp. 87-91 ; Valerio del Nero, Note sulla vita di Giovan Battista Pio (con alcune lettere inedite), « Rinascimento » 2s, 21 (1981), pp. 247-263 et Id., G. B. Pio fra grammatica e filosofia: dai primi scritti al commento lucreziano del 1511, in Luisa Avellini (dir.), Sapere e/è potere. Il caso bolognese a confronto, vol. 1 : Forme e oggetti della dispute delle arti, Bologna, 1990, pp. 243-257 ; Carlo Dionisotti, Giovan Battista Pio e Mario Equicola, in Gli umanisti e il volgare fra Quattro e Cinquecento, Firenze, Le Monnier, 1968, pp. 99-104. On pourra consulter également Christopher Carlsmith, A Peripatetic Pedagogue: Giovanni Battista Pio in Bergamo, 1505-1507, in Robert A. Pierce, Silvana Seidel Menchi (dir.), Ritratti : La dimensione individuale nella storia (secoli xv-xx). Studi in onore di A. Jacobson Schutte, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2009, pp. 45-55. Ilona Oppelt, Studi su Giovanni Battista Pio, in Luisa Rotondi Secchi Tarugi (dir.), L’Educazione et la formazione intellettuale nell’età dell’umanesimo, Milan, Guerini, 1992, pp. 187-192 ; Loredana Chines, I Lettori di Retorica e humanae litterae allo Studio di Bologna nei secoli xv-xvi, Bologna, Il Nove, 1992, pp. 56-58.
Sur Pio commentateur de Lucrèce, voir les études fondamentales de V. del Nero, La sessualità nel commento di G. P. Pio a Lucrezio, « Rinascimento » 26 (1986), pp. 277-295 ; Id., Filosofia e teologia nel commento di Giovan Battista Pio a Lucrezio, « Interpres » 6 (1985), pp. 156-199 ; Id., L’anima di Lucrezio nel commento di Pio, « Annali dell’Istituto di Filosofia » 5 (1983), pp. 29-60 ; Ezio Raimondi, « Il primo commento umanistico a Lucrezio », in Politica e commedia. Dal Beroaldo al Machiavelli, Bologna, il Mulino, 1972, pp. 101-140. Voir aussi Elena Nicoli, Il giudizio di Epicuro nel commento di Giovan Battista Pio a Lucrezio, in Marco Beretta, Francesco Citti, Alessandro Iannucci (dir.), Il culto di Epicuro. Testi, iconografia e paesaggio, Firenze, Olschki, 2014, pp. 227-254.
Pour les Praefationes et le commentaire à la Tabula Cebetis, voir Stefano Benedetti, La Cebetis Tabula e Giovanni Battista Pio tra «vocabuli exquisiti» e «curiositas» erudita, in Stefano Colonna (dir.), Roma nella svolta tra Quattro e Cinquecento, Roma, De Luca Editori d’arte, 2004, pp. 183-207 ; Id., Per l’oratoria accademica di primo Cinquecento: la praelectio romana di Giovanni Battista Pio (1512), in Antonio Barbuto (dir.), Altri dati per Mario Petrucciani, Roma, Bulzoni, 2004, pp. 117-146.
2 Voir Étienne Wolff, Quelques aspects du De reditu suo de Rutilius Namatianus, « Vita Latina » 173 (2005), p. 66-74 ; voir aussi l’introduction de Rutilius Namatianus, Sur son retour, éd. et trad. par Étienne Wolff, avec la collaboration de Serge Lancel et Joëlle Soler, Paris, Les Belles Lettres, 2007, en particulier pp. XXV-XXXVIII.
3 Jean-Louis Charlet, Quelques témoignages humanistes sur le texte du De reditu suo de Rutilius, dans Clémentine Bernard-Valette, Jérémy Delmulle et Camille Gerzaguet (dir.), Nihil ueritas erubescit. Mélanges offerts à Paul Mattei par ses élèves, collègues et amis, Turnhout, Brepols, 2017, p. 489-509, ici p. 490. Voir du même : Histoire résumée du texte et des éditions de Rutilius Na(u)mati(an)us, « Vita Latina » 173 (2005), pp. 57-65, ici p. 59.
4 J.-L. Charlet, Histoire résumée… de Rutilius Na(u)mati(an)us, cit., p. 60.
5 D’autres titres seront mentionnés pour l’ouverture de chacun des deux livres : […] liber primus cui titulus itinerarium ; Rutilii Claudii Numatiani de reditu suo, itinerarii liber secundus.
6 J.-L. Charlet, Quelques témoignages humanistes, cit., p. 493.
7 On rappellera de manière très simplifiée que la collection d’épigrammes grecques allant du ier siècle av. J.-C. à l’époque byzantine que l’on appelle aujourd’hui l’Anthologie grecque comporte seize livres : elle est constituée de l’Anthologie palatine (livres 1-15) – du nom de la bibliothèque palatine d’Heidelberg où cette collection ne fut (re)découverte sous forme manuscrite qu’au xviie siècle par Claude Saumaise – et des 395 pièces de l’Anthologie de Planude qui ne figurent pas dans l’Anthologie palatine et qui ont été rassemblées dans le livre 16 de notre moderne Anthologie grecque. Avant la redécouverte tardive de Saumaise et pendant toute la Renaissance, on ne connaît donc de l’Anthologie grecque que l’Anthologie dite « de Planude » ou « planudéenne », de moindre ampleur que l’Anthologie palatine et aux contours en partie différents, qui a été rassemblé par le moine byzantin Maxime Planude à la fin du xiiie et au début du xive siècle. Sur cette tradition textuelle très complexe, voir la synthèse proposée dans l’introduction de l’Anthologie grecque. Première partie, Anthologie palatine, tome I, Livres I-IV, éd.-trad. Pierre Waltz, Paris, Les Belles Lettres, 1928. Pour l’histoire de la planudéenne voir l’introduction à l’Anthologie grecque. Deuxième partie, Anthologie de Planude, éd.-trad. Robert Aubreton, Paris, Les Belles Lettres, 1980, pp. 13-30. Voir également Alan Cameron, The Greek Anthology From Meleager to Planudes, Oxford, Clarendon Press, 1993.
8 Voir James Hutton, The Greek Anthology in Italy to the Year 1800, Ithaca/ New York, 1935 (Pour Pio, voir pp. 144-145) ; Id., The Greek Anthology in France and the Latin Writers of the Netherlands up to the year 1800, Ithaca/ New York, 1946. Sur l’épigramme à la Renaissance, voir Pierre Laurens, L’Abeille dans l’ambre : célébration de l’épigramme de l’époque alexandrine à la fin de la Renaissance, Paris, Les Belles Lettres, 20122 ; Susanna de Beer, Karl. A. E. Enenkel, David Rijser (dir.), The Neo-Latin Epigram, a Learned and Witty Genre, Louvain, Leuven University Press, 2009 ; J.-L. Charlet, Qu’est-ce que l’épigramme au Quattrocento ?, « Istituto Lombardo, rendiconti. Classe di lettere e scienze morali e storiche » 139 (2005), pp. 373-390.
9 Sur ces différents aspects, voir J. -L. Charlet, Traductions en vers latins d’épigrammes de l’Anthologie grecque : Niccolò Perotti, Antonio et Giacomo Costanzi, « Humanistica » 6-1 (2001), pp. 17-23.
10 Pour autant que l’on puisse en juger, en attendant une édition critique de ce texte.
11 Voir Anna Maranini, Utopie in viaggio : da Rutilio Namaziano a Thomas More passando per Giovan Battista Pio (e Filippo Beroaldo Il Vecchio), « Giornale italiano di filologia » 1 n. s. (2010), pp. 187-202, ici p. 191.
12 Les plus illustres représentants sont Aphthonios, Hermogène de Tarse et Aelius Théon. Voir George A. Kennedy, Progymnasmata : Greek Textbooks of Prose Composition and Rhetoric, Atlanta, Society of biblical literature, 2003.
13 Voir A. Maranini, Traduzioni-interpretazioni rinascimentali di epigrammi palatini (Pio, More, Lily). Lusso e lussuria tra bagni, vino e amore, dans Graziano Benelli et Manuela Raccanello (dir.), Tradurre la letteratura. Studi in onore di Ruggero Campagnoli, Florence, Le Lettere, 2012, pp. 73-93, ici p. 85. Anna Maranini, outre les sources antiques et médiévales, rattache l’épigramme 8 (Balnea, uina, Venus…) à « una triste (ma comune) condanna d’etica protestante », à rattacher à la tradition d’Érasme et de Lancino Curzo (Ibid., p. 88).
14 Ibid., p. 92.
15 Selecta epigrammata Graeca Latine uersa, ex septem epigrammatum Graecorum libris […] recens versa ab Andrea Alciato, Ottomaro Luscinio ac Iano Cornario Zviccaviensi, Bâle, Io. Bebel, 1529.
16 Epigrammata Graeca ueterum elegantissima eademque Latina ab utriusque linguae uiris doctiss<imis> uersa […] per Ioannem Soterem collecta nunque iterum edita, Cologne, 1528 (1ère édition : 1525).
17 Voir les éléments de bibliographie sur ce commentaire dans la note 1.
18 Sur cette caractéristique des inscriptions funéraires en général, voir Richmond Lattimore, Themes in Greek and Latin Epitaphs, Urbana, University of Illinois Press, 1962.
19 Voir Germana Ernst, Siona Foà, Egidio da Viterbo, Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 43, Roma, Istituto dell’Enciclopedia Italiana, 1993, pp. 351-353 ; D. S. Chambers, s. v. Egidio Antonini of Viterbo in Peter G. Bietenholz, Thomas Brian Deutscher (dir.), Contemporaries of Erasmus: A Biographical Register of the Renaissance and Reformation, vol. 1-3, Toronto/Buffalo/London, University of Toronto Press, 1985, pp. 64-65.
20 Il s’agit du « Grand Cardinal » Alexandre Farnèse (1520-1589), le fils de Pier-Luigi Farnese, lui-même fils de Paul III.
21 Le terme imitation implique ici non seulement l’idée de composition à partir d’un modèle, mais aussi celui de traduction. Sur cette implication, voir Cicéron, De optimo genere oratorum, 13 et Macrobe, Saturnalia, 5, 2, 13 ainsi que les analyses de A.-M. Lewis, Latin Translations of Greek Literature: The Testimony of Latin Authors, « L’Antiquité classique » 55 (1986), pp. 163-174, ici p. 169.
22 Ms Vat. Lat. 2851, f°III r°-v° : Quod praecipue tibi consecraui ut Reuerendissimo Alexandro Farnesio nepoti tuo, cui certatim Musae lauream contexunt, prodesse possit. Maiorem enim te sciebam quam descensurum huc putarem. Conferet enim iuuenis transgressus auos Graeca cum Latinis, quod Cicero laudat non mediocriter. Is sensus est principis Alexandri, ea est animi iuuenilis felix imitatio olim paritura fructus uberrimos, siquidem Farnesijs uirtus contigit ante diem – his etenim est haereditaria uis eloquentiae ingenuarumque artium. Eloquentissimi igitur humani generis auctores lepidissimique poetae ad eloquentissimum censorem mittuntur. Labor iste meus, qualis sit, erit iudicij tui penitus expendere. Certe is erit qui animi non degeneris et amoris erga te | [f°II v°] mei monimentum certissimum esse possit.
23 Cicéron, De optimo genere oratorum, 14, éd. Wilhelm Friedrich, Leipzig, 1907 [M. Tulli Ciceronis scripta quae manserunt omnia, I, 2], p. 386 : Conuerti enim ex Atticis duorum eloquentissimorum nobilissimas orationes inter seque contrarias, Aeschinis et Demosthenis ; nec conuerti ut interpres, sed ut orator, sententiis isdem et earum formis tamquam figuris, uerbis ad nostram consuetudinem aptis. In quibus non uerbum pro uerbo necesse habui reddere, sed genus omne uerborum uimque seruaui. Non enim ea me annumerare lectori putaui oportere, sed tamquam appendere.
24 Sur le sens d’interpres, voir Bruno Rochette, « À propos du nom de l’interprète en latin », Glotta 76 (2000), pp. 83-93.
25 Il s’agit des catégories de mots et de leur sens (cf. Orator, 32, 115). Voir B. Rochette, “Traduire ou ne pas traduire”. Un dilemme bien connu des auteurs grecs et latins, dans Corinne Bonnet, Florence Bouchet (dir.), Translatio : traduire et adapter les Anciens, Paris, Classiques Garnier, 2013, pp. 21-38, ici p. 30.
26 Il s’agit des figures de pensées pour Alessandro Garcea, Aulu-Gelle, Probus et le problème de la traduction des textes poétiques, dans Bernard Bortolussi, Madeleine Keller, Sophie Minon, Lyliane Sznadjer (dir.), Traduire, transposer, transmettre dans l’Antiquité gréco-romaine, Paris, Picard, 2009, pp. 17-26, ici p. 20.
27 Cicéron, De optimo genere oratorum, 23, éd. citée, p. 388 : Quorum ego orationes si, ut spero, ita expressero uirtutibus utens illorum omnibus, id est sententiis et earum figuris et rerum ordine, uerba persequens eatenus, ut ea non abhorreant a more nostro – quae si e Graecis omnia conuersa non erunt, tamen ut generis eiusdem sint elaborauimus –, erit regula, ad quam eorum dirigantur orationes, qui Attice uolent dicere.
28 Pour une analyse de l’expression uerbum e uerbo, voir Christian Nicolas, La néologie technique par traduction chez Cicéron et la notion de “verbumexverbalité” dans Michèle Fruyt, Ch. Nicolas (dir.), La création lexicale en latin : actes du IXe colloque international de linguistique latine (Madrid, 16 avril 1997), Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2000, pp. 109-146. Voir également Anna Svenbro, Théoriser la traduction à la fin de l’Antiquité et au début du Moyen Âge. Quelques glissements sémantiques, dans B. Bortolussi et alii, Traduire, transposer, transmettre, cit., pp. 9-16. Pour une approche globale de la traduction chez Cicéron, voir Paolo Serra Zanetti, Sul criterio e il valore della traduzione per Cicerone e S. Gerolamo, in Atti del I Congresso Internazionale di Studi Ciceroniani, Roma, aprile 1959, vol. II, Roma, Centro di Studi Ciceroniani, 1961, pp. 355-405.
29 Cicéron, De finibus bonorum et malorum 3, 4, 15 (éd. Theodor Schiche, Leipzig, 1915, p. 93) : Nec tamen exprimi uerbum e uerbo necesse erit, ut interpretes indiserti solent, cum sit uerbum, quod idem declaret, magis usitatum. Equidem soleo etiam, quod uno Graeci, si aliter non possum, idem pluribus uerbis exponere. Et tamen puto concedi nobis oportere ut Graeco uerbo utamur quando minus occurret Latinum […].
30 Sur les enjeux esthétiques et stylistiques des traductions cicéroniennes, voir Alfonso Traina, Vortit barbare. Le traduzioni poetiche da Livio Andronico a Cicerone, Roma, Edizioni dell’Ateneo, 19742. Henri Bardon, Traduire, « Latomus » 39/3 (juillet-septembre 1980), pp. 647-674, fait le rapprochement avec un passage des Noctes Atticae 9, 9, 1, où Aulu-Gelle évoque Virgile traducteur des poètes grecs, et explique qu’il est inutile que « nous nous acharnions à traduire tous les mots de la manière (modum) dont ils ont été dits », au risque de leur faire perdre leur grâce (gratiam) « si on leur fait subir une violence excessive dans la transposition, pour ainsi dire malgré eux et sans leur accord » (si quasi inuita et recusantia uiolentius transferantur).
31 Voir Cicéron, De oratore 1, 16, 70.
32 More : Si quis ad infernos properet descendere Manes/ Huc iter accelerant balnea, uina, Venus « Si l’on se hâte de descendre vers les Mânes infernaux/ Ce qui accélère le chemin qui y conduit, ce sont les bains, les vins, Vénus » ; Lily : Nos caligantis rapiunt ad tecta tyranni/ Praecipiti cursu balnea, uina, Venus « Nous emportent vers les toits du tyran enveloppé de ténèbres,/ En une course précipitée, les bains, les vins, Vénus ».
33 On se demandera d’ailleurs si ce n’est pas l’épigramme grecque qui est une traduction de la formule. Voir CIL 3, 12274c : Balnea uina Venus faciunt properantia fata. Il existe d’autres variantes, par exemple le carmen epigraphicum de T. Claudius Secundus (CIL 6, 15258) : Balnea uina uenus corrumpunt corpora nostra/ Sed uitam faciunt balnea uina uenus ou celui de C. Domitius Primus (CIL 14, 914, v. 4 : Balnia uina Venus mecum senuere per annos. Sur le succès de la formule, voir A. Maranini, Traduzioni-interpretazioni rinascimentali, cit., pp. 79-83.
34 Voir Franz Cumont, Recherches sur le symbolisme funéraire des Romains, nouvelle édition par Janine et Jean-Charles Balty, avec la collaboration de Charles Bossu, Rome, Nino Aragno Editore, 2015, pp. 340-341 et 440-454. Sur le cirque comme image du monde dans l’Antiquité, voir Émile B. Lyle, The Circus as Cosmos, « Latomus » 43 (1984), pp. 827-841.
35 Voir par exemple De constantia sapientis, 9, 5.
36 Sénèque, De tranquillitate animi, 9, 3 : Non in cursu tantum circique certamine, sed in his spatiis uitae interius flectendum est, « Ce n’est pas seulement aux courses et aux combats du cirque, mais dans les espaces de cette existence qu’il faut faire un virage serré » (c’est-à-dire se passer du luxe).
37 Virgile, Georg., 4, 431, Horace, Sat. 2, 8 ; Silius Italicus Pun., 6, 155.
38 Noctes Atticae, 6, 16, 5.
39 Pline, Nat. hist. 12, 30 ; 14, 98.
40 Ibid., 27, 32
41 Pall., 9, 13.
42 Érasme, Adages, ii, v, 13, éd. sous la direction de Jean-Christophe Saladin, Paris, Les Belles Lettres, 2011, pp. 278-279 (traduction modifiée) : Σικελὸς ὀμφακίζει, i. e. Siculus omphacizat. Omphaca Graeci dicunt uuam acerbam et immaturam, ἀπὸ τοῦ ὠμοὺς φαγεῖν, i. e. quod crudi comedantur. Vnde dicebatur in eos, qui libidine furandi quantumlibet uilia tollerent furto. Ductum a furacitate Siculorum. Non perperam dicetur et in illos, qui ob immodicam et praeproperam auiditatem, quo pusillum lucelli faciant sibi, damnum ingens aliis inferunt.
43 Voir Paul-Oskar Kristeller, Iter Italicum. Vol. II : Italy. Orvieto to Volterra, Vatican City, London/Leiden, The Warburg Institut/ E. J. Brill, 1967.
44 Les livres 7 et 8 de cette traduction, dédiés à Pier Luigi Farnese et copiés à la fin du Vat. Lat. 2851, figurent également dans le manuscrit Chig. L.IV.76, lui aussi conservé à la Bibliothèque Vaticane. Il s’agit d’une copie allographe qui porte le titre de Io. Baptistae Pii Bononien. Latina interpretatio libri V Graecorum epigrammatum, où les deux livres sont précédés de la même dédicace à Pier Luigi Farnese. À la suite de cette dédidace, le manuscrit Chig. L.IV.76 comporte deux pages introductives (f°4 r°-v°), qui ne semblent que copier pour la seconde fois le passage de la dédicace décrivant sommairement le sujet des deux livres du recueil. Il s’agit en réalité de la première rédaction du passage, antérieure à la dédicace, et qui lui a été ensuite intégrée, au prix des quelques minimes corrections imposées par l’adjonction d’un dédicataire précis. Cette première version se concluait en particulier par quatre lignes où Pio insistait sur la finalité pédagogique de son entreprise, « lui qui, le premier, offrit en bonne langue latine cet ensemble complet pour aider à l’instruction des étudiants » (f° 4v° : Haec uniuersa Io.Baptista Pius Bononiensis primus in studiosorum eruditionem iuuandam latinitate donauit).
45 Ms Vat. Lat. 2851, f°III r° : Ego uero Pius uates tempora timens inimica uirtuti in angulo Hetruriae delitescebam, totque cladibus prateritis et imminentibus comites lachrymas dabam, Diogenis Cynici dolium uersabam ne satagentibus cunctis solus desidere uiderer. Exitum uerbi tui fatiloqui morabar, quo me olim ancipitem monueras ut meliora tempora laetus expectarem. Expectaui. Audiuit uota mea Deus. Audiuit, fis pontifex. Ego senex pene Nestoreus ex Hetruscis latebris oblato tibi caelitus applausi, proque signo plausus infinitaeque laetitiae epigrammata Graeca a magnis et excellentibus, immo diuinis ingenijs elucubrata tibi Graece Latineque doctissimo dicaui, opus tua facundia censuraque condignum. « Mais moi, le pieux [Pio joue sur le sens de son patronyme latin] poète inspiré, redoutant des temps hostiles à la vertu, je demeurais caché dans un coin d’Étrurie, je versais des larmes pour accompagner tant de défaites passées et à venir, je faisais rouler le tonneau de Diogène le Cynique, de peur de donner l’impression d’être le seul à ne rien faire alors que tout le monde se démenait. J’attendais la réalisation de ton propos prophétique, celui que tu m’avais tenu jadis pour m’engager, quand je doutais, à espérer dans la joie de temps meilleurs. J’attendis. Dieu entendit mes vœux. Il les entendit, tu devins pape. Et moi, presqu’aussi vieux que Nestor, depuis ma cachette étrusque, je t’applaudis, toi qui nous avais été envoyé par le ciel, et, pour témoigner de mes aplaudissements et de ma joie infinie, je te dédiai, à toi qui maîtrises parfaitement le latin et le grec, des épigrammes grecques conçues par de grands, d’excellents, que dis-je, de divins génies, présent digne de ton éloquence et de ton esprit critique ».
46 Ms. Chigi L.IV.76, f°2r° : Nec enim facile bonus praeceptor discipuli talis ac tanti solet obliuisci ; f°2v° : Vale, Pii clientuli preceptorisque memor.
47 Ms Vat. Lat. 2851, f° 119v°-120r°: Quum uarietate nihil solet esse dulcius, epigrammata nonnulla pro calore uertentis diuersam in schedam relata et exordinariam, libuit ea mihi, ut numeros milites sparsim conscribere, satietati legentium medenti. Eandem enim materiam saepe repetentes, diuersis licet auctoribus, ut in simplici uictu, nauseamus. A uiolis ad rosas transeuntes, [120r°] reficimur et erigimur et fit illud urbanissimi poetae, appetitur posito uilis oliua lupo, magnique species ordinis est, ordinem interdum non seruare. Vale.
48 Ms Chigi L.IV.76, f° 129r° : Opusculum hoc annexum erit epigrammatis antiquorum poetarum quae Domino deoque nostro Paulo Tertio dicauimus.
49 Ms Vat. Lat. 2851, f° 153r° : Octonos epigrammatum e Graecia in Latium translatorum libros coegi maiori uoluntate quam facultate. Pauca sunt quae cum describerem optime doctorum uirorum ingeniis limata uidi : quae melius Latine posse loqui non duxi. Ab his ut solemnibus consecratisque manus ac stilum abstinui. Caetera ex officina <mot illisible> nostra prodierunt ; quae cum aliis laudem nostram non communicant, sed domi nostrae nata sunt. Quae me interpretem non habent, ista sunt a me per ordinem subscripta. Vale.
50 Pio indique par exemple (f°153v°) qu’Alciat est l’auteur de la uariatio qu’il cite au f° 27r°-v°, après sa propre traduction d’un distique anonyme de l’Anthologie de Planude (= AG 9, 146) évoquant la présence conjointe sur les autels de la statue d’Elpis (Espoir) et de Némésis : In Spem. Sic incipit : Quae dea tam laeto suspectans sidera uultu. Alciatus interpres libro primo inuenies. Or cette variation très dilatée d’Alciat par rapport à l’original grec apparaît effectivement pour la première fois chez Cornarius (p. 50), et elle sera reprise dans le recueil des Emblemata qui paraîtra à Augsbourg chez Steyner en 1531 sous le titre In simulacrum Spei (p. E1r°).
51 Cinq ans séparent en effet l’élection de Paul III en 1534 et la nomination de Pio à Rome en 1539.
52 Joeren Jansens, Imitatio : literaire navolging (imitatio auctorum) in de Europese letterkunde van de renaissance (1500-1700), Hilversum, 2008 ; Francesco Bausi, Poésie et imitation au Quattrocento, dans Perrine Galand-Hallyn, Fernand Hallyn (dir.), Poétiques de la Renaissance. Le modèle italien, le monde franco-bourguignon et leur héritage en France au xviesiècle, Genève, Droz, 2001, pp. 438-488. Voir également les synthèses toujours utiles (avec bibliographie) de George W. Pigman III, The Metaphorics of Imitatio and Aemulatio, « Humanities Working Paper » (California Institute of Technology, Division of the Humanities and Social Science, Pasadena), 18 (January 1979) ; Id., Versions of Imitation in the Renaissance, « Renaissance Quarterly » 33-1 (Spring, 1980), pp. 1-32. Pour une synthèse et une bibliographie actualisée, voir Virginie Leroux, Émilie Séris (dir.), Théories poétiques néo-latines, Genève, Droz, 2018, ch. 3 : L’imitation.
53 Ms Vat. Lat. 2851, f°III r° : Conferet enim iuuenis transgressus auos Graeca cum Latinis, quod Cicero laudat non mediocriter. « Car notre jeune homme, qui a dépassé ses ancêtres, comparera le grec avec le latin, tâche que Cicéron loue sans modération ».
54 Rappelons que les pièces 2, 4, 8 à 10 et 14 de 1520 figurent aussi dans l’anthologie de Cornarius.
55 Chez Pio, l’opposition entre entre moror et at tombe après le troisième dactyle, qui n’est pas une coupe attendue.
56 Aulu-Gelle rapporte ce constat au philosophe cynique Peregrinos (Noctes Atticae 12, 11) et Sénèque à Épicure (ad Luc., 97, 13). Le christianisme adapte le motif sous la forme de Dieu καρδιογνώστης, Dieu « qui connaît à fond les cœurs ». Voir par exemple Ambroise, De interpellatione Iob et Dauid, 3, 1, 5. Les trois textes mettent en valeur le terme latere (rester caché, inconnu ou ignoré) et ses dérivés (latebra, cachette).