Ricezione dei classici
OJ-italique-941
Virgilio Zavarise, poète humaniste véronais et traducteur des chants I et VII de l’Iliade
Dans le vaste chantier que constitue aujourd’hui l’étude de la première réception latine des textes d’Homère dans l’Europe de la Renaissance, l’importance de la traduction, à la fois comme exercice de la précision philologique et comme labeur de l’intelligence herméneutique, n’est plus à démontrer. La monographie fondamentale de Philip Ford a suscité naguère une reprise dynamique de la recherche sur un corpus latin et vernaculaire imposant, qui témoigne de la curiosité souvent inventive des humanistes pour les deux grandes épopées porteuses de renseignements, réels et mythiques, sur les origines de la civilisation grecque. Il n’est certes pas surprenant que ce renouveau de l’intérêt savant pour les textes homériques se situe au berceau de l’humanisme latin en Italie, avec l’initiative de Pétrarque et de Boccace qui encouragèrent les efforts du Calabrais Leontius Pilatus pour produire une version latine de l’Iliade et de l’Odyssée1. Philip Ford a bien noté que cette première version latine « ne fut jamais imprimée, mais malgré ses défauts elle reçut une diffusion manuscrite assez importante, et il est probable qu’elle a servi de point de départ pour les traductions d’autres humanistes en Italie »2. Une étude récente de Susanna Gambino-Longo, sur la traduction des épithètes chez Pilatus, apporte à cette intuition une nouvelle confirmation3, en ouvrant derechef l’investigation sur la genèse de la version latine de l’Iliade à l’époque qui précède encore l’avènement de l’imprimerie. La version latine des épopées d’Homère connaîtra une première cristallisation, qui deviendra une sorte de base de réflexion et de critique pour les contemporains, lorsque l’humaniste de Capodistrie, Andreas Divus, fera paraître à Venise en 1536 ses versions en prose ad verbum destinées à exercer une grande influence sur les traducteurs du seizième siècle4. À partir de cette base imprimée, largement disséminée, les traducteurs latins et vernaculaires qui se succéderont pendant les décennies à venir se partageront entre deux tendances générales, celles notamment de la précision philologique ad verbum, à l’instar de Divus, et du perfectionnement stylistique, dans le sillage de poètes comme Eobanus Hessus5. Mais à l’heure des premières versions latines, élaborées pour la plupart au cours du quinzième siècle par les humanistes en Italie, c’est la forme manuscrite qui domine encore. De ce corpus significatif, qui échappe largement aux visées de l’étude de Philip Ford, Renata Fabbri a présenté l’aperçu détaillé dans un article essentiel qui fait état des contributions d’humanistes comme Politien, Bruni, Pannonius, Decembrio et d’autres, en soulignant la préférence stylistique de ces auteurs pour une langue poétique de résonance virgilienne6. À ces noms déjà célèbres, il convient naturellement d’ajouter celui de l’humaniste et chancelier de Florence Carlo Marsuppini, qui produisit dès le début de la décennie 1450 une version poétique du chant I et d’un bref fragment du chant IX (vv. 308-421) de l’Iliade7. Ces nombreuses versions manuscrites, souvent partielles ou fragmentaires, datant du Quattrocento, témoignent, à la fois, du vif intérêt des humanistes pour l’exercice et la théorie de la traduction du grec vers le latin et en particulier pour le texte grec d’Homère8.
Les deux manuscrits de la traduction des épopées d’Homère que Leontius Pilatus a préparée à l’intention de Pétrarque, actuellement conservés à la Bibliothèque Nationale de France, ont depuis la monographie d’Agostino Pertusi fait couler beaucoup d’encre chez les historiens de l’humanisme et de la réception de l’Antiquité grecque9. Ils sont accompagnés, dans le même fonds de manuscrits latins, d’un volume bien plus modeste qui renferme également des versions latines d’Homère10. Le travail de l’humaniste Virgilio Zavarise, auteur des vers que contient ce manuscrit, semble en effet avoir jusqu’à présent suscité peu d’intérêt de la part des spécialistes de la réception homérique à l’époque de la Renaissance en Italie et en Europe. Connu des contemporains comme l’un des rares humanistes qui aient maîtrisé non seulement les langues grecques et latines, mais aussi l’hébreu et l’arabe11, le nom de ce poète et administrateur véronais parvint à la postérité principalement en raison du rôle modeste que lui donne le pédagogue, poète et orateur vénitien Marcantonio Sabellico, aux côtés de son compatriote véronais Jacopo Conte Giuliari, parmi les personnages du dialogue significatif qu’il composa De linguae latinae reparatione12. Notre étude propose un examen du travail de cet humaniste longtemps négligé de la critique, pour le situer au sein de la constellation de savants lecteurs et traducteurs d’Homère en Italie pendant la deuxième moitié du quinzième siècle. Après une rapide présentation de l’auteur et de son œuvre de poésies latines, il conviendra d’examiner dans le détail deux passages de ses traductions de l’Iliade, provenant des chants I et VII.
Poète humaniste à Vérone
Le nom de Virgilio Zavarise s’inscrit à plusieurs endroits dans l’histoire des lettres humanistes à Vérone pendant la deuxième moitié du quinzième siècle. La manifestation aujourd’hui la plus éclatante demeure sa présence dans l’un des premiers volumes imprimés dans cette ville sur l’Adige, qui fut à l’époque de Zavarise, rappelons-le, l’une des principales municipalités de la Terraferma vénitienne. Il s’agit d’un volume important dans lequel l’humaniste Jacopo Conte Giuliari donne une description poétique de la festivité de couronnement solennel en l’honneur de l’humaniste et juriste Giovanni Antonio Panteo, un protégé du magistrat humaniste vénitien Ermolao Barbaro13. Publié dès 1484 d’après le colophon, le volume qui contient le poème intitulé Panthea actio comprend aussi, à la suite de cette pièce principale, une composition de 356 hexamètres dactyliques dans lequel Zavarise lui-même chante l’éloge des poètes et orateurs de Vérone14. L’ensemble des deux poèmes a connu une première tentative d’édition modernisée dans l’étude que Cesira Perpolli fit paraître en 1915, laquelle porte à la fois sur l’ensemble des vers composant l’œuvre publiée par Giuliari et sur le contexte de la festivité de 148415. Plus récemment, Gabriele Banterle a donné une édition critique du poème de Zavarise, accompagnée d’une traduction italienne et d’un commentaire16. Selon Banterle, ce poème d’éloge, qui conclut la longue suite de compositions en vers publiée par Giuliari, revêt une importance capitale surtout du point de vue de la documentation historique, puisque l’auteur évoque un grand nombre d’hommes qui animent les milieux lettrés à Vérone pendant la deuxième moitié du quinzième siècle. Le principal intérêt de l’œuvre de Zavarise réside ainsi, d’après cette perspective critique, dans le regard panoramique qu’il donne de la vie culturelle et littéraire à Vérone au quinzième siècle17. Sa contribution poétique à la festivité joyeuse marquée par la procession d’un cortège de poètes vers la Piazza dei Signori paraît à cet égard emblématique de son opus d’humaniste véronais, d’autant que Zavarise figura parmi les nombreux hommes de lettres du Quattrocento qui occupent des postes importants dans l’administration municipale.
Les historiographes récents, comme Gabriele Banterle et Rino Avesani, rapportent plusieurs détails de la vie de Zavarise, puisés pour la plupart dans le testament de celui-ci conservé à l’Archivio dello Stato di Verona. Ce document daté du 1er août fut composé au moment où l’humaniste, qui devait mourir avant le 6 mars 151118, était âgé déjà « de soixante ans environ » (annorum circiter sexaginta), ce qui fait remonter sa naissance à la période de 1449-155019. La même source nous apprend que Zavarise épousa Giacoma Maffei en décembre 1579, et que leur union donna naissance à six enfants survivants, tous soigneusement nommés dans le testament. Il est intéressant de noter que, de ces enfants, un garçon appelé Gian Simone, né le 12 septembre 1489, est identifié dans le document comme étudiant in artibus à Paris au moment du décès de son père20. En possession de plusieurs propriétés dans la région de Vérone, la famille de Zavarise connut un bien-être financier certain, et l’humaniste lui-même fut pendant de longues années directement engagé dans la vie politique et administrative de la cité. Il occupa notamment, parmi ses nombreuses charges, le poste de Canceliere del Comune depuis le 19 avril 1498 jusqu’à son décès21. Son testament signale aussi qu’il fit partie du Consiglio de la ville de Vérone à partir de l’année 1485 et qu’en 1498 il fut nommé « préfet » (vicarius) de Valpolicella. En outre, deux manuscrits conservés à la Biblioteca Civica di Verona contiennent, rédigés dans la main de Zavarise22, des listes de charges, d’officiers et de décrets du Consiglio23. Tous ces éléments montrent bien l’engagement de l’humaniste dans l’administration de la vie publique à Vérone, condition fondamentale de son existence qui se reflète dans la circonstance même de son œuvre célèbre, l’énumération encomiastique des poètes et orateurs véronais qui clôture la Panthea actio.
Cette conscience de l’identité civile véronaise se manifeste aussi dans d’autres textes qu’il convient de ranger parmi les œuvres poétiques de Zavarise. Il convient de signaler à ce titre un manuscrit de la Bibliothèque Nationale de France, qui porte les traces d’une collaboration entre Zavarise et le célèbre humaniste, poète, orateur et improvisateur musical Aurelio « Lippo » Brandolini, un homme à plusieurs talents qui s’est distingué tout particulièrement dans la production de chants improvisés dans le milieu raréfié des cours italiens pendant la deuxième moitié du quinzième siècle24. Les auditoires de la cour napolitaine d’Alfonse le Magnanime et de la cour papale de Sixte IV, puis de celle d’Innocent VIII, ont pu apprécier les talents du savant musicien et poète humaniste lors de ses performances données – et applaudies avec enthousiasme – en ces lieux. Après avoir intégré l’ordre augustinien à Florence en 1490, Brandolini enseigna la rhétorique et la poésie dans le Studium Generale, tout en poursuivant son activité d’orateur public25. Franco Alberto Gallo a noté sur ce point que ni son statut religieux, ni sa dignité professorale, n’ont conduit Brandolini à arrêter sa pratique de l’improvisation musicale26. En témoigne le concert qui se déroula à Vérone le 8 octobre 1494, organisé sous les auspices du podestà Girolamo Bernardo. Le manuscrit MS Latin 8315 de la Bibliothèque Nationale contient une séquence de pièces latines signées par Virgilio Zavarise, qui préserve ce que l’on peut appeler le « programme » poétique de l’évènement27. Un bref paragraphe d’introduction au début de cette séquence signale que les poésies de Zavarise, accompagnées de la musique improvisée de Brandolini, furent présentées le 8 octobre dans l’édifice même du podestà28. D’un intérêt particulier est la longue pièce, en cinquante-et-un distiques élégiaques, attribuée à Brandolini, dans laquelle celui-ci chante l’éloge des grands poètes et orateurs de Vérone, en s’appuyant fortement sur la référence à des figures de l’Antiquité romaine29. Ici encore, les talents du poète humaniste Zavarise servent à animer une festivité organisée au nom de la cité toujours en évoquant le lien vivant aux œuvres anciennes.
Un troisième et dernier exemple de l’usage public que fit Zaravise de ses acquis culturels remonte à l’époque, sans doute dans les premières semaines de 1502, où le Consiglio de Venise élut Bernardo Bembo podestà de Vérone30. Avant même son départ de Venise en direction de ses nouveaux quartiers, Bembo reçut les félicitations enthousiastes de plusieurs hommes de lettres véronais. Parmi ceux-ci on peut signaler tout particulièrement Dante III degli Alighieri et l’humaniste Virgilio Zavarise, lesquels lui adressent des poèmes d’éloge. Le manuscrit Ital. IX 364 de la Biblioteca Marciana contient en effet une élégie de félicitations signée par Alighieri31 et une ode saphique dans laquelle Zaravise loue la grande culture littéraire et juridique du nouveau podestà32. Cet éloge, qui dépasse sans doute les bons procédés des humanistes et frise plutôt la flatterie, témoigne dans tous les cas de l’ardeur de l’humaniste véronais pour les études littéraires, puisqu’il déclare priser chez son destinataire – doctorum pater atque princeps…excellens in utraque lingua – surtout les qualités de l’érudition33. L’habitant de la République des Lettres qu’est Zaravise montre peut-être aussi une certaine acuité diplomatique dans les relations internes au territoire vénitien, par sa volonté évidente d’établir des relations harmonieuses, exprimées sur le mode de l’éloquence encomiastique, avec le nouveau magistrat ressortissant de Venise. Aussi s’inscrit-il, en cela, dans une tendance largement répandue chez les hommes de lettres à Vérone pendant la seconde moitié du quinzième siècle34.
Le poète véronais décrit son œuvre
Les nombreuses références à des évènements festifs sous la plume de Zavarise témoignent du rôle central de l’humaniste et administrateur dans l’organisation – ou du moins dans la représentation écrite – des liesses et manifestations joyeuses qui se déroulent sous le regard d’un certain public à Vérone. Malgré le caractère encomiastique de ces productions, le poète ne manque pas d’évoquer sa propre personne par moments, surtout lorsqu’il parle des exploits savants des poètes et des orateurs. Ces passages revêtent souvent un aspect hyperbolique tout à fait conventionnel, typique des humanistes, notamment lorsque le poète énumère ses écrits en promettant de grandes œuvres à venir. Certaines déclarations, en revanche, évoquent des textes qui existent réellement.
Lorsque Zavarise décrit ses propres activités de savant passionné de lettres et de poésie, il n’hésite pas à se référer avec précision aux formes métriques diverses qui retiennent son intérêt. Ainsi, le poème justement célèbre qui apparaît à la fin de l’Actio Panthea en 1484 présente au lecteur un riche panorama de la vie lettrée à Vérone telle que l’auteur la connaît. Dans la fiction poétique qui encadre ce discours pertinent aux realia de la vie culturelle véronaise, la muse Calliope prend la parole à partir du vers 71. Au cours de son énumération descriptive des principales figures de la poésie et de l’éloquence dans la cité, Calliope s’arrête l’espace de six hexamètres sur les talents et les œuvres, encore inédites, de Zavarise lui-même :
Sed te Vergilium latitantem extremus habebat
Angulus et pisces humili sub veste tegebas :
Graia dabas Italis Arabum obliquasque lituras
Hebraicosque manu libros trepidante movebas;
Non elegos efferre palam lyricosque pusillos
Audebas : pudor ingenuus possederat ora35.
Calliope mentionne tout d’abord la prétendue absence de Zavarise à la festivité en l’honneur de Giovanni Antonio Panteo, qui s’est déroulée sous la forme d’un cortège des poètes en procession joyeuse vers la Piazza dei Signori, suggérant qu’il était éloigné momentanément de la cité de Vérone lors de l’évènement. La référence à sa solitude temporaire évoque sans doute aussi ses travaux solitaires de poète et de savant, des œuvres poétiques non encore publiées. Banterle ne manque pas de souligner à propos de ces vers la fierté du poète qui cherche à faire valoir ses capacités non seulement en langue grecque, mais aussi en arabe et en hébreu36. À travers les propos de Calliope, Zavarise se présente ici comme un poète débutant, un homme de lettres en devenir, dont les œuvres s’alimentent de lectures multiples et multilingues, mais qui n’ont pas encore fait de grand éclat dans le monde des lettres contemporaines.
Ce bref passage, dans lequel il se range modestement au sein du panthéon littéraire de la ville originaire de Catulle, ne constitue pas l’unique occasion où il s’efforce d’élaborer quelque portrait de ses propres travaux. Giulio Sancassani a rappelé à cet effet l’existence d’une ode saphique, adressée par le jeune poète au Collegio dei Notai de Vérone comme pétition demandant son admission parmi leurs rangs, préservée à l’Archivio di Stato37. Au sein de cette pièce datée d’environ 1470, une séquence de quatorze vers fait état des activités du jeune humaniste passionné d’écrire des vers en latin et en grec :
Iam diu gratae incubui poesi,
Phocylidemque
Scripsimus lingua patria ac Homeri
Multa traduxi metra vatis almi;
Saepe laudavi thalamum sacratum
Carmine longo.
Versibus quasdam variis et odas
Scripsimus; quaedam cecini ore Graio
Nuper et coepi Latio marinum
Dicere versu
Piscium mores variasque fraudes.
Hinc datur nullum meritum labori
Praemium; at nugae mihi sunt profecto
Praemia magna38.
Zavarise évoque dans ces vers ses activités industrieuses de poète bilingue et de traducteur de vers grecs antiques de genres divers. Dans le commentaire qu’il attache au long poème en hexamètres cum enumeratione poetarum oratorumque veronensium, G. Banterle signale ce passage comme témoignage de l’enthousiasme savant du jeune humaniste. Il note que le poème toujours en chantier, qu’il décrit rapidement dans la troisième strophe citée, sur les caractères, les habitudes et les astuces des poissons marins, mérite d’être considéré aujourd’hui « une œuvre perdue, comme toutes les autres ici mentionnées »39.
L’affirmation du commentateur, selon laquelle ces œuvres évoquées par le poète encore jeune seraient désormais « perdues », concerne évidemment toutes les références énumérées dans l’ode de celui qui cherche à se mettre en valeur auprès du prestigieux collège administratif à Vérone. Banterle laisse entendre qu’il s’agit d’œuvres mineures, de véritables exercices de jeunesse dont l’importance demeure sans doute moins grande que n’est celle du poème dans laquelle Zavarise élabore le portrait des personnalités littéraires de la cité véronaise. La rapidité de la référence peut même conduire le lecteur à croire qu’il s’agit d’œuvres projetées mais non réalisées, voire imaginaires, fruit rhétorique de l’enthousiasme d’un jeune savant encore à ses débuts. L’évidence textuelle préservée dans le manuscrit Latin 8411 de la Bibliothèque Nationale de France montre cependant, à tout le moins, que les références à la composition de vers grecs et à des traductions d’Homère correspondent réellement à des œuvres du poète humaniste.
Le manuscrit Latin 8411
Ce manuscrit encore peu étudié jusqu’à présent renferme en effet une partie significative des œuvres de Virgilio Zavarise parvenues à la postérité. Comme il n’a pas encore été pris en compte dans les travaux traitant des poésies de l’humaniste véronais, il semble utile maintenant d’en esquisser brièvement le contenu. Certaines pièces qui apparaissent dans le manuscrit correspondent de près à des éléments évoqués ailleurs par l’auteur lui-même. Les épigrammes grecques et les traductions d’Homère semblent en effet donner corps à quelques détails évoqués dans les déclarations rapides de l’ode saphique adressée aux membres du Collegio dei Notai.
Le manuscrit Latin 8411 de la Bibliothèque Nationale de France présente un volume en papier, daté approximativement du quinzième siècle et provenant de la collection des manuscrits des Béthune40. Ce volume contient 117 feuilles numérotées, précédées d’une feuille de garde et deux feuilles non numérotées, puis suivies de trois feuilles blanches non-numérotées. La seconde feuille non-numérotée au début du volume contient au recto une inscription curieuse en langue française, dans une main différente de celle(s) du manuscrit. Manifestement plus tardive, l’inscription attribue par erreur le contenu du manuscrit à Jacques Sadolet41. Il est intéressant de noter que la même inscription apparaît verbatim dans le manuscrit Latin 8415 de la Bibliothèque Nationale de France, dont l’intitulé annonce un recueil de compositions en vers attribuées au même cardinal humaniste42. Le contenu du manuscrit peut être divisé en huit sections distinctes, séparées par des suites de feuilles blanches (ff. 10v°, 18r°-20v°, 28v°-37v°, 45v°-47r°, 57r°-v°, 69r°-71v°, 96v°-101v°). À l’ouverture du manuscrit Latin 8411, le lecteur trouve aux feuilles 1r°-10r° une série de poèmes composés pour la plupart en vers grecs et destinés à des amis du poète, en particulier à un certain « Moine Hilarion »43. Cette séquence comprend quatorze poèmes en langue grecque, composés pour la plupart en distiques élégiaques, avec deux odes en strophes saphiques et une brève épigramme en hexamètres dactyliques. Zavarise insère ici des traductions latines de deux pièces, l’une desquelles n’est que fragmentaire, interrompue au milieu d’un distique. Toutes ces compositions apparaissent dans une écriture cursive peu soignée. Deux brèves épîtres en prose grecque sont présentées dans cette séquence, adressées à Zavarise par Hilarion (f. 3r°-4r°). Une prochaine séquence, sans titre, distincte mais rédigée dans la même main, occupe les feuilles 11r° à 17v°. Elle contient quinze poèmes en strophes saphiques, principalement sur le thème de l’amour; plusieurs traitent d’une jeune fille nommée « Angela ». Une nouvelle section de poésies latines occupe les feuilles 21r° à 28r°. Elle est constituée de seize pièces brèves, épigrammatiques, adressées à des amis du poète dans une variété de mètres. Signalons, à titre d’exemple, les deux premières pièces dans cette section, adressées à l’humaniste et « chevalier » véronais Cristoforo Lanfranchini, juriste et orateur connu principalement pour l’oraison latine qu’il prononça devant Frédéric III en mars 145244. Aux feuilles 25r° à 28r° une main différente apparaît, qui compose en caractères minuscules humanistes.
La traduction du premier livre de l’Iliade occupe les feuilles 38r° à 45r° et compte 400 hexamètres dactyliques; elle revêt ainsi une longueur presque équivalente aux deux-tiers du premier chant dans la version grecque. Une brèche qui apparaît à la suite d’un demi-vers, au verso de la feuille 43, semble indiquer que le texte comprend au moins deux longs fragments du premier chant, et non une version paraphrastique de l’ensemble. Quant à la version du septième chant de l’Iliade, elle apparaît aux feuilles 48r°-56v° et compte 501 hexamètres dactyliques. D’une longueur supérieure par 19 vers à celle du texte grec, elle présente une version intégrale de ce chant de l’Iliade. Cette différence de longueur s’explique d’une légère tendance amplificatrice de la version latine, comme l’analyse le montrera.
Les feuilles 58r° à 68v° contiennent une séquence d’épigrammes de Virgilio Zavarise, introduites par un titre en majuscules et à l’encre rouge : Epigrammata Virgilii Zavarisii. Cette séquence compte environ 84 épigrammes composées pour la plupart en distiques élégiaques, avec toutefois une pièce en hendécasyllabes phaléciennes, une en hexamètres dactyliques et deux en strophes saphiques. Deux épigrammes sont composées en langue grecque, suivies de traductions latines. Une nouvelle section de poésies apparaît aux feuilles 72r°-96r°, qui contient une grande variété de pièces composées ici encore en distiques élégiaques, hexamètres dactyliques et strophes saphiques, généralement plus longues que celles dans la séquence précédente, celle des « épigrammes ». Ici encore, le poète s’adresse pour la plupart à des contemporains véronais. On y retrouve notamment la longue ode saphique destinée aux membres du Collegio dei Notai à Vérone (f. 76v° : ‘Primi ô patres, decus ô refulgens / Urbis, in sancto simul et senatu…’), dans sa forme intégrale qui comprend 19 strophes et 76 vers. Cette section compte 34 poèmes de longueurs diverses, écrits encore une fois dans une variété de formes métriques : distiques élégiaques, hexamètres dactyliques et strophes saphiques. Le regroupement final de compositions en vers que renferme ce manuscrit Latin 8411 est contenu dans les feuilles 102r°-117v°. La séquence comprend 22 poèmes individuels, composés en langue latine. Zavarise adresse la plus grande part de ces pièces, rédigées en distiques élégiaques, à ses contemporains humanistes de Vérone et aux membres du Collegio dei Notai. La longue ode saphique est ici reproduite une nouvelle fois (ff. 112r°-113v°), précédée d’une composition en 51 hexamètres dactyliques annonçant solennellement sa pétition destinée aux membres du collège (ff. 111r°-112r° ‘Petitio ab Officialibus Collegii…’) et suivie d’une brève ode saphique qui annonce joyeusement le succès de sa demande (ff. 113v°-114r° ‘Gratiarum actio pro acceptatione’). En attendant une description bibliographique complète, ce bref aperçu vise uniquement à évoquer le contexte dans lequel apparaissent les traductions des deux chants de l’Iliade que donne Virgilio Zavarise. Il convient de remarquer que ces deux textes, qui ensemble forment un corpus de 901 hexamètres dactyliques, apparaissent au cœur du manuscrit. Ainsi insérés au centre de cette collection qui représente une partie significative de l’œuvre de l’humaniste véronais, les chants I et VII de l’épopée homérique sont présentés comme une composante essentielle de sa production poétique.
Les traductions d’Homère
Faute de renseignements précis sur la bibliothèque de Zavarise, il semble raisonnable de croire que l’humaniste traducteur accède au texte grec d’Homère le plus répandu à l’époque, celui notamment de Chalcondyle publié à Florence dès 1488, qui circulait sans doute largement déjà sous une forme manuscrite avant la parution de la version imprimée. Il faut toutefois avouer que les déclarations mêmes du poète véronais dans l’ode saphique adressée au Collegio dei notai et datée d’environ 1470, selon lesquelles ses versions latines d’Homère constituent des œuvres de jeunesse, situent ces versions latines à une époque qui précède celle de l’édition de Chalcondyle, laquelle « servira de base, écrit Philip Ford, à toute édition grecque publiée jusqu’en 1566 »45. Quel que soit le texte grec qu’il consulte, Zavarise se rapproche sur plusieurs points, du point de vue de la syntaxe et du lexique, d’autres traducteurs latins de la période humaniste. La comparaison avec les versions, plus tardives, de Divus, Hessus et Giphanius révèle en effet plusieurs rapprochements au niveau des choix lexicaux. Que Zavarise s’inscrit dans cette communauté des esprits homériques grâce à une référence commune à Pilatus, demeure manifestement une forte possibilité. En revanche, la juxtaposition avec la version paraphrastique de Lorenzo Valla laisse apparaître peu de ressemblances.
L’analyse portera sur deux échantillons de la version de Zavarise, puisés dans les deux chants traduits. Elle considérera d’abord la célèbre ouverture de l’épopée grecque, avant de traiter par la suite des premiers vers du septième chant.
Le chant I, vv. 1-9
L’ouverture de l’Iliade comprend, dans l’incipit, la célèbre formule impérative Μήνιν ἄειδε, que plusieurs traducteurs rendent au moyen d’une construction équivalente, comme Iram cane46 ou Dic mihi… furorem47. Zavarise propose une syntaxe bien plus complexe :
Iram, Diva, mihi Pelidae immitis Achillis
Commemora, Graiis quae multos saeva dolores
Imposuit, fortesque animas ad Tartara misit
Heroum et canibus lacerari corpora fecit
Atque avibus, sic namque Jovis sententia stabat ;
Dissensere ex quo certantes tempore primum
Atrides hominum rex et generosus Achilles.
Taliter et quis eos sceptrum contendere jussit ?
Iratus regi Latonaque et Jove natus...48
Ces vers reproduisent la matière des neufs premiers vers de l’Iliade, que l’humaniste véronais présente comme une séquence formant une unité, tel un exorde, au sein du texte d’Homère. La polyptote Iram… Iratus, formée par l’incipit et l’attaque du neuvième vers, organise en effet ce développement d’ouverture qui demeure cependant bien proche de la version grecque. À la suite de la question posée par le narrateur dans le huitième vers, la voix homérique introduit la réponse narrative en soulignant le thème de la colère qui s’associe explicitement à la divinité inspiratrice qui alimente l’indignation d’Achille. Zavarise s’efforce déjà d’imposer, par les choix lexicaux de sa traduction, une certaine structure de pensée à cette célèbre séquence de vers grecs. Les vers d’Homère présentent néanmoins une matière difficile à encadrer dans des schèmes rhétoriques :
Μήνιν ἄειδε θεὰ Πηληϊάδεω Ἀχιλῆος
οὐλομένην, ἣ μυρί’ Ἀχαιοῖς ἄλγε’ ἔθηκε,
πολλὰς δ’ ἰφθίμους ψυχὰς Ἄϊδι προΐαψεν
ἡρώων, αὐτοὺς δὲ ἑλώρια τεῦχε κύνεσσιν
οἰωνοῖσί τε πᾶσι, Διὸς δ’ ἐτελείετο βουλή,
ἐξ οὗ δὴ τὰ πρῶτα διαστήτην ἐρίσαντε
Ἀτρεΐδης τε ἄναξ ἀνδρῶν καὶ δῖος Ἀχιλλεύς
Τίς τ’ ἄρ σφωε θεῶν ἔριδι ξυνέηκε μάχεσθαι ;
Λητοῦς καὶ Διὸς υἱός : ὃ γὰρ βασιλῆϊ χολωθεὶς…49
L’humaniste véronais se distingue en effet de la plupart de ses contemporains en ce qu’il rejette l’impératif singulier jusqu’au début du deuxième vers. Aussi choisit-il de consacrer la majeure partie du vers initial à une description détaillée du héros, ce qui altère légèrement le sens du texte originel. Au lieu de traduire l’accusatif grec οὐλομένην par un accusatif qui modifie Iram (Μήνιν), Zavarise préfère donner une épithète latine au génitif (immitis), qui ajoute une précision au nom propre du héros qui est déjà associé à l’adjectif patronymique Pelidae comme chez Homère. En ajoutant ainsi une épithète qui qualifie le nom d’Achille, il amplifie la première description de celui-ci aux dépens d’une caractérisation plus précise de la fameuse colère, de l’ire vengeresse, qui, pendant longtemps, éloigna le héros du camp des Achéens. Ce premier tableau d’Achille, élaboré au moyen d’une amplification discrète, centre le regard du poète et de ses lecteurs sur le grand guerrier de l’Iliade, et moins sur son emportement excessif et meurtrier.
En plaçant l’impératif quadrisyllabique commemora au début du deuxième vers, le traducteur préserve une disposition métrique semblable à celle qui caractérise les vers grecs qui ouvrent l’Iliade. Cet impératif occupe en effet la même position métrique que l’épithète (οὐλομένην) qui, dans le texte grec, qualifie la colère d’Achille. L’emplacement de ce verbe correspond par ailleurs à une tendance attestée à plusieurs reprises dans la version latine que donne ici Zavarise, qui place les verbes conjugués en première ou en dernière position au sein de l’hexamètre. Le troisième vers cité ici, qui s’ouvre et se clôt avec des verbes parfaits conjugués à la troisième personne du singulier, illustre bien cette pratique. Ensuite, la séquence des trois vers enjambés dans le texte latin, qui se terminent sur des formes verbales misit…fecit…stabat… (3-5), témoigne de l’importance proprement structurale que revêt le verbe conjugué dans la composition des hexamètres, indépendamment de la construction grammaticale des phrases. En effet, les formes verbales conjuguées n’apparaissent nulle part ailleurs, dans cette séquence d’ouverture, qu’à la première position ou à la position ultime du vers.
Dans cette ouverture du grand poème narratif, jusqu’à la réponse qu’apporte le vers 9 à la question de l’identité du dieu vengeur, le traducteur latin s’efforce de construire les hexamètres en privilégiant une syntaxe qui unit le début et la fin des vers. Ainsi, Zavarise traduit le vers 7 – (1) Ἀτρεΐδης τε (2) ἄναξ ἀνδρῶν καὶ (3) δῖος (4) Ἀχιλλεύς – de façon à reproduire l’ordre des mots dans le texte d’Homère : ‘(1) Atrides (2) hominum rex et (3) generosus (4) Achilles’. Il reproduit par la suite au vers 9 une structure semblable, plaçant les deux éléments de la construction épithète-substantif Iratus…natus au début et au terme de l’hexamètre, si bien que le vers tout entier est encadré par les deux mots qui évoquent la présence imposante d’Apollon, « fils de Latone et de Jupiter ».
La traduction verbatim du texte grec, qui reflète sans doute chez les premiers traducteurs un certain souci de la précision philologique, caractérise aussi chez Zavarise les cinq derniers pieds du troisième vers. Ce vers constitue en effet un lieu de consensus chez les humanistes latins qui s’efforcent de suivre de près le texte grec. Andreas Divus, dans la version en prose qu’il fit paraître en 1537, qui fut connue pour sa fidélité littérale à l’originel, donne un vers qui suit exactement le lexique et la syntaxe d’Homère : ‘Multas autem fortes animas inferis misit.’50 Il se rapproche en cela de la version que donne Pilatus : ‘animas inferno anmisit’51. L’édition bilingue de Giphanius donne une construction semblable : ‘Multas autem fortes animas Plutoni praemisit’52. Même un traducteur aussi librement inventif que l’est Eobanus Hessus en reproduit les principaux traits lexicaux et syntaxiques : ‘Heroumque avido multorum tradidit Orco / Illustreis animas…’53. Malgré les menues différences qui les séparent quant au lexique, ces traducteurs se réunissent dans l’emploi du datif pour traduire la même forme qui, chez Homère, précède un verbe conjugué au passé et dont elle indique la destination de l’» envoi »: ‘Ἄϊδι προΐαψεν’. Au datif Zavarise préfère, en guise de complément circonstanciel de lieu, l’accusatif accompagné d’une préposition marquant le mouvement : ‘ad Tartara misit’. Il choisit ainsi une expression attestée chez Sénèque54 et Cyprien le Gaulois55, mais qui le rapproche surtout de la langue de l’Ilias latina56. Parmi les poètes italiens contemporains de l’humaniste véronais, la même formule apparaît dans un distique de Lodovico Lazzarelli57.
Du vers qui suit celui-ci chez Homère, les textes latins de Divus et de Giphanius donnent la même traduction ad verbum : ‘Heroum, ipsos autem laniamenta fecit canibus’58. La recherche d’un lexique équivalent à celui du poète grec les conduit à employer, comme équivalent du neutre pluriel ἑλώρια, un substantif – laniamenta – qui demeure sans attestation tant chez les poètes de l’Antiquité latine que chez les humanistes. Plus inventive, du point de vue de la syntaxe, est la version que donne Hessus, qui distribue les divers éléments de cet hexamètre sur trois vers consécutifs : ‘Heroumque…/ Illustreis animas, canibusque rapacibus escam / Corpora…’59. Seul Zavarise renonce à rendre le substantif pluriel grec par un terme du même type lexical, proposant une séquence plus complexe, caractérisée notamment par l’emploi causatif du verbe facere avec un infinitif passif (lacerari corpora fecit), usage qui remonte en poésie latine à l’œuvre de Lucrèce60.
Ce premier échantillon révèle chez Zavarise une tentative de rester près du texte grec tout en cherchant à trouver des tournures latines équivalentes puisées dans une belle variété de sources anciennes, sans nécessairement privilégier l’idiome de Virgile. L’étude d’un passage du chant VII confirmera l’importance de l’innutrition latine chez l’humaniste qui cherche à recréer l’esprit et le ton d’Homère dans une langue richement nourrie de lectures multiples.
Le chant VII, 1-7
À l’ouverture du septième chant de l’Iliade, Hector et son frère Alexandre (Pâris) sortent de Troie à la suite de la scène mémorable à la fin du chant précédent (VI, 369-502), où Hector prend tendrement congé de son épouse Andromaque en tenant leur jeune fils dans ses bras. À la fin du chant VI, Hector exhorte son frère à bien s’acquitter de son devoir militaire. Les outrages que l’ennemi prononce à son égard, lui explique-t-il, l’affligent durement. C’est sur ces paroles qu’il traverse la barrière de la ville et entre dans la plaine devant Troie, accompagné de son frère. L’apparition des deux frères ne manque pas de réjouir leurs camarades. Homère décrit le soulagement ressenti par ces soldats fatigués au moyen d’une longue similitude. Telle est la matière des sept hexamètres qui précèdent la reprise narrative de la bataille meurtrière dans laquelle les deux frères ne tardent pas à se mêler.
Dans la version que donne Zavarise de ce septième livre, les sept premiers hexamètres grecs deviennent la matière de huit vers latins. Ici encore, le traducteur scrupuleux demeure attentif au détail du texte d’origine. Ses vers présentent ainsi une réécriture légèrement amplificatrice de la mise en scène homérique :
Exivit portis sic dicens inclytus Hector,
Ibat Alexander cumque ipso pulcher in armis
Inque animo cupidi pugnare viriliter ambo;
Atque deus veluti nautis optantibus ventum
Cum dedit aut puppi venientem, quando politis
Incubuere diu remis, et membra labore
Dissoluere maris pulsantes undique terga,
Sic ad Troianos optatus venit uterque61.
Cette séquence reproduit assez fidèlement le contenu, et même certaines tournures syntaxiques, du texte grec qu’il suit de près. Homère compare l’arrivée d’Hector et d’Alexandre dans le camp des Troyens au vent marin qui apporte un soutien inespéré à des rameurs épuisés :
ᾫς εἰπὼν πυλέων ἐξέσσυτο φαίδιμος Ἕκτωρ,
τῷ δ’ ἅμ’ Ἀλέξανδρος κί’ ἀδελφεός· ἐν δ’ἄρα θυμῷ
ἀμφότεροι μέμασαν πολεμίζειν ἠδὲ μάχεσθαι·
ὡς δὲ θεὸς ναύτῃσιν ἐελδομένοισιν ἔδωκεν
οὖρον, ἐπεί κε κάμωσιν ἐυξέστῃς ἐλάτῃσι
πόντον ἐλαύνοντες, καμάτῳ δ’ ὑπὸ γυῖα λέλυνται,
ὣς ἄρα τὼ Τρώεσσιν ἐελδομένοισι φανήτην62.
Ici encore, Zavarise se montre soucieux de produire un vocabulaire précis qui le rapproche des vers grecs. Aussi choisit-il comme épithète d’Hector un mot trisyllabique dont le sens est équivalent à celui du mot grec φαίδιμος, et qui constitue un bon alternatif au terme illustris, préféré par Divus et Giphanius, au gloriosus de Pilatus63, et à la formule bello fortissimus que propose Hessus au même endroit. Tout comme Achille est régulièrement qualifié de generosus dans la version que donne Zavarise du premier chant, Hector reçoit à plusieurs reprises l’épithète inclytus dans ce septième chant. L’attention scrupuleuse prêtée aux épithètes qui accompagnent les noms propres le conduit aussi à omettre tout mot équivalent au grec ἀδελφεός dans le deuxième hexamètre, auquel il préfère une formule descriptive plus élaborée, qui évoque la beauté corporelle de Pâris (pulcher in armis). Cette expression, qui occupe les deux pieds terminaux de l’hexamètre, éloigne momentanément le traducteur du texte d’origine. Attestée uniquement dans une sylve de Stace chez les antiques64, la formule provient du portrait flatteur tracé par le poète flavien d’un sénateur de l’époque de Domitien, un homme qui promet de beaux exploits militaires. Une telle amplification, qui écarte le traducteur de sa pratique ad verbum, reflète assurément un certain intérêt porté aux épithètes descriptives caractéristiques du style d’Homère.
À la différence d’autres traducteurs latins enclins à livrer une version mot-à-mot des hexamètres grecs65, Zavarise choisit de ne pas reproduire le doublet πολεμίζειν ἠδὲ μάχεσθαι au troisième vers, préférant insérer l’adverbe quadrisyllabique viriliter avant le spondée final. Dans la mesure où il est typique de l’emploi de l’adverbe dans la poésie hexamétrique66, cet emplacement témoigne une nouvelle fois de l’effort du traducteur pour accommoder la matière homérique à une syntaxe latine déjà traditionnelle. L’image des rameurs qui se fatiguent à force de frapper les ondes marines se construit dans Homère à travers l’emploi du participe actif du verbe ἐλάυνειν et un accusatif désignant l’objet direct: πόντον ἐλαύνοντες. Si Giphanius (pontum remigantes) et Divus (pontum impellentes) placent des formules latines équivalentes au début du vers, Zavarise, quant à lui, préfère une construction syntaxique plus complexe, dont le caractère spondaïque souligne avec insistance le rude labeur des mariniers brisés de fatigue : ‘…maris pulsantes undique terga’. Le poète véronais use ici d’une métaphore dont l’origine remonte pour le moins à la Pharsale de Lucain67, mais qui est également attesté chez les humanistes, notamment dans la version que donne Ange Politien des premiers chants de l’Iliade68. Son emploi du verbe incumbere avec le datif, dans le vers précédent qui décrit l’attitude des mariniers laborieux, reflète sans doute un souvenir de cette tournure attestée dans les hexamètres de Virgile69, Ovide70 et Verino71. À la différence de ces poètes qui la déploient à la fin du vers, il la situe au début de l’hexamètre, usage qui reflète la pratique de ceux qui se servent de la forme parfaite au pluriel, qu’ils placent généralement à cette position72. En traduisant le duel φανήτην, Divus et Giphanius choisissent un verbe dont le sens demeure proche, sinon équivalent, de φαίνειν : ‘Sic hi Troianis desyderantibus apparuerunt’73. Zavarise choisit au contraire d’employer le pronom indéfini à l’enclitique uterque, afin de préciser que les deux frères arrivent au camp. Son usage du verbe venire dans ce contexte reflète sans doute un souvenir de l’expression venit uterque attestée chez des poètes anciens et modernes comme Ovide74 et Carlo Marsuppini75. Ces nombreux emprunts d’expressions déjà attestées chez les poètes de l’Antiquité latine et les humanistes auteurs d’épopées témoigne de l’effort que fait Zavarise pour accommoder sa traduction ad verbum à une syntaxe latine convenable au récit épique.
Les versions latines des chants I et VII que Virgilio Zavarise composa pendant la deuxième moitié du quinzième siècle prennent bien leur place au sein du corpus de textes latins qui précèdent la version d’Andreas Divus publiée en 1537. Elles constituent aussi le chantier d’apprentissage et d’expérimentation poétique d’un humaniste friand de connaissances diverses, comme en témoigne sa réputation de linguiste, et qui échange des épîtres en vers grecs avec des hellénistes aussi accomplis que le fut Hilarion de Vérone. L’examen de quelques passages de ses traductions révèle un poète et philologue soucieux de rester aussi près que possible du texte grec sans forcer les limites de la syntaxe latine. Ses choix lexicaux le rapprochent de la lignée de traducteurs qui remonte à Leontius Pilatus et se construit progressivement à travers les contributions de figures importantes comme Andreas Divus et d’Obertus Giphanius. Membre d’une constellation d’humanistes à Vérone qui, bénéficiaires de pédagogues renommés dans la tradition de Guarino76 et élèves de philologues comme Antonio da Brognoligo77, dépouillent les textes poétiques des Anciens à la recherche de leurs propres ressources de poètes et d’orateurs, Zavarise poursuit avec ardeur la quête d’un savoir et d’une sensibilité qui le rapproche toujours davantage des plus grands monuments de l’Antiquité. Sa modeste contribution au travail collectif sur la langue et les poèmes d’Homère témoigne de l’effervescence de tout un milieu lettré qui s’épanouit et se nourrit sur les rives de l’Adige.
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1 Agostino Pertusi, Leonzio Pilato, fra Petrarca e Boccaccio : le sue versioni omeriche negli autografi di Venezia e la cultura greca del primo umanesimo, Venise et Rome, Istituto per la collaborazione culturale, 1964.
2 Philip Ford, De Troie à Ithaque. Réception des épopées homériques à la Renaissance, Genève, Droz, 2007, p. 25.
3 Susanna Gambino-Longo, « L’épithète homérique entre Léonce Pilate et Boccacce », dans Silvia D’Amico et Anne-Pascale Pouey-Mounou (éd.), Le poète aux mille tours. La traduction des épithètes homériques à la Renaissance, Genève, Droz, 2020, pp. 177-198.
4 Pour une discussion historique et transversale des versions latines de l’Iliade au seizième siècle, voir surtout Giovanni Antonio Benedetto, « Le versioni latine dell’Iliade », dans Gennaro Barbarisi (éd.), Vincenzo Monti nella cultura italiana, vol. 1, Milan, Quaderni di Acme, 2005, pp. 961-1027.
5 Voir sur ce point mon article, « Les épithètes du héros troyen dans les premières versions latines de l’Iliade : Valla, Divus, Hessus », dans S. D’Amico et A.-P. Pouey-Mounou (éd.), Le poète aux mille tours, cit., pp. 223-244.
6 Renata Fabbri, « Sulle traduzioni latine umanistiche da Omero », dans Stefano Pittaluga et Franco Montanari (éds.), Posthomerica, vol. 1, Genova, Dipartimento di Archeologia, Filologia classica e loro tradizioni « Francesco Della Corte »-Facoltà di Lettere 1997 (Pubblicazioni del D.AR.FI.CL.ET. N.S. 173), pp. 160, 99-124.
7 Ilaria Pierini, « Le versioni omeriche di Carlo Marsuppini : tempi e modi », Archivum mentis, 3, 2014, pp. 3-35. Ces vers de Marsuppini ont fait l’objet d’une édition critique d’Alessandra Rocco, Carlo Marsuppini, traduttore d’Omero: La prima traduzione umanistica in versi dell’Iliade (primo e nono libro), Padova, Il poligrafo, 2000.
8 Concetta Bianca, « Traduzioni interlineari dal greco nel circolo del Salutati : Jacopo Angeli, Niccolo Niccoli, Leonardo Bruni ? », dans Riccardo Maisano et Antonio Rollo (éd.), Manuele Crisolora e il ritorno del greco in occidente, Napoli, 2002, pp. 133-150. Aussi P. Botley, Latin Translation in the Renaissance. The Theory and Practice of Leonardo Bruni, Giannozzo Manetti and Desiderius Erasmus, Cambridge University Press, 2004, p. 9 et, plus récemment, l’excellente étude de Mariarosa Cortesi, « Greek at the School of Vittorino da Feltre », dans Federica Ciccolella et Luigi Silvano, Teachers, Students, and Schools of Greek in the Renaissance, Leiden, Brill, 2017, pp. 54 et 71.
9 Tiziano Rossi (éd.), Il Codice parigino latino 7880.1. Iliade di Omero tradotta in latino da Leonzio Pilato con le postille di Francesco Petrarca, Milano, Ed. Libreria Malavasi, 2003.
10 Paris, Ms. Latin 8411 : ‘1.° Virgilii Savarisii poëmatia graeca et latina ; 2.° Homeri Iliados libri primus et septimus : eodem interprete ; 3.° Ejusdem epigrammata.’
11 Franco Mancini, « Virgilio Zavarise », dans Enciplopedia Dantesca, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1970, vol. 5, p. 417 : « Umanista veronese (secoli XV-XVI) ; nella nutrita schiera dei letterati veronesi…, lo Z. si distingue sia per la conoscenza, allora rara, dell’ebraico e dell’arabo – e però il Maffei lo celebra come eminente orientalista del suo tempo –, sia per la raffinata tecnica di verseggiatore in latino ».
12 Marcus Antonius Sabellicus, De situ urbis venetae; De officio praetoris; De latinae linguae reparatione, seu de viris illustribus, Venise, Damiano da Gorgonzola, 1494. Édition séparée : M. Antonii Sabellici de Latinae linguae reparatione dialogus, Köln, J. Soter, 1529. Édition critique moderne : Marcantonio Sabellico, De linguae latinae reparatione, éd. Guglielmo Bottari, Messina, Centro interdipartimentale di studi umanistici, 1999. Pour une récente analyse détaillée de ce dialogue longtemps négligé de la critique, voir Patrick Baker, Italian Renaissance Humanism in the Mirror, Cambridge, U.K., Cambridge University Press, 2015, pp. 184-233.
13 Sur la vie l’œuvre de cet humaniste véronais qui fut proche des milieux politiques et culturels de Venise, voir notamment Guglielmo Bottari, Prime ricerche su Giovanni Antonio Panteo, Messina, Centro interdipartementale di studi umanistici, 2008. Aussi Scipione Maffei, Verona illustrata, Milan, Società tipografica dei classici italiani, 1825, vol. 2, pp. 212-214.
14 Panthea actio in qua Linus & Belus legati cum Apolline: Baccho: Sileno: Marte: ac Musis. Et per virgilium poetarum oratorumque veronensium enumeratio, Verona, Antonius Cavalcabovis et Johannes Antonius Novelli, 1484. [USTC 998556].
15 Cesira Perpolli, « L’actio panthea e l’umanesimo veronese », Atti e memoria dell’Accademia di Agricoltura, Scienze e Lettere di Verona, 1915, 16, pp. 3-162.
16 Gabriele Banterle, « Il carme di Virgilio Zavarise cum enumeratione poetarum oratorumque veronensium », Atti e memoria dell’Accademia di Agricoltura, Scienze e Lettere di Verona, 1975, 151, pp. 121-170.
17 Citons sur ce point les remarques de G. Bottari, dans l’introduction à son édition du De latinae linguae reparatione, de Marcantonio Sabellico, op. cit., p. 14, n. 1 : « Tale carme si configura non soltanto come la sintesi più completa della letteratura veronese del Quattrocento – affidata a profili ovviamente elogiativi, ma sorretti talora da osservazioni acute e pertinenti…, ma anche come celebrazione appassionata della città dell’Adige, colta nelle sue bellezze artistiche et naturali… ».
18 C. Perpolli, « L’actio panthea e l’umanesimo veronese », art. cit., p. 96.
19 G. Banterle, « Il carme di Virgilio Zavarise.. », art. cit., p. 125. Signalons que d’autres documents, un desquels est allégué par C. Perpolli dans ses propres raisonnements sur la date de naissance de Zavarise, suggèrent plutôt une date d’environ 1452. Voir dans l’article de Banterle la note 15 (pp. 125-126) et l’étude de Perpolli, « L’actio panthea e l’umanesimo veronese », art. cit., p. 96.
20 G. Banterle, « Il carme di Virgilio Zavarise », art. cit., p. 126.
21 G. Banterle, « Il carme di Virgilio Zavarise », art. cit., p. 127 et la note 19, dans laquelle ce chercheur cite une étude documentaire de Giulio Sancassani, « Catalogo della mostra ‘Il notariato veronese attraverso i secoli’ », Museo di Castelvecchio, 1966, p. 161.
22 Selon G. Banterle, « Il carme di Virgilio Zavarise », art. cit., p. 121 n. 2 et 127 n. 20.
23 Verona, Ms 948 : ‘Repertoria Librorum provisionum sive consiliorum magnificae civitatis Veronae et Registrorum Litterarum ducalium Cancellariae magnifici domini potestatis Veronae enucleato in epitomen per me Vergilium Zavarisium praefatae civitatis Cancellarium et in aliud volumen per ordinem alphabeti redact incipiendo 1405 et Finiendo per totum 1499’ ; et Ms 2891 : ‘Epitome Consiliorum Senatus Veronensis’.
24 Blake Wilson, Singing to the Lyre in Renaissance Italy. Memory, Performance, and Oral Poetry, Cambridge University Press, 2019, p. 337-345.
25 Voir sur le séjour romain de Brandolini, Eugène Müntz, Les arts à la cour des Papes pendant le XVe et le XVIe siècle, Paris, 1882, p. 56 ss. Aussi Giuseppe de Luca, « Un umanista fiorentino e la Roma rinnovata da Sisto IV », La Rinascita 1, 1938, pp. 74-90.
26 Franco Alberto Gallo, Musica nel Castello. Trovatori, oratori nelle corti italiane dal XIII al XV secolo, Bologna, Il Mulino, 1992, pp. 108-110.
27 Paris, Ms. Latin 8315, f. 89v° - 97r° : ‘Virgilii Zavarisii, Veronensis, et Lippi Aurelii Tusci, à nativitate coeci, Eremitae Augustinensis, carmina.’
28 Paris, Ms. Latin 8315, f. 89v° : ‘Ad magnificum et clarissimum dominum Hieronimum Bernardum Veronae pretorem Virgilius Zavarisius veronensis in carmina extemporanea Lippi Aurelii thusci a nativitate caeci nunc heremite augustiniensis et predicatoris egregii ad lyram decantata in ipsius pretoris aula viii octobris 1494.’
29 Paris, Ms. Latin 8315, f. 93r°-95r°.
30 Nella Giannetto, Bernardo Bembo umanista e politico veneziano, Firenze, Olschki, 1985, p. 227.
31 Marc. Ital. IX 364 (=7167) f. 144v°-145v°. Cité par N. Giannetto, Bernardo Bembo umanista, cit., p. 228 et Vittore Cian, « Per Bernardo Bembo. Le sue relazioni coi Medici », Giornale Storico della Letteratura Italiana, XXVIII (1896), p. 59.
32 Marc. Ital. IX 364 (=7167) f. 162r°-163r°.
33 N. Giannetto, Bernardo Bembo umanista, cit., p. 229: « Perciò sottolinea prima di tutto la sua autorità di umanista ».
34 Gene P. Veronesi, Collateral Promoters of the Venetian Myth: Veronese Chronicles in the Age of Venetian Hegemony, thèse de Ph.D., The University of Akron (Ohio), 2015, pp. 248-252.
35 G. Banterle, « Il carme di Virgilio Zavarise », art. cit., p. 136, vv. 158-163 : « Or quant à toi, Virgilio, un coin très écarté / Te retenait, où sous ton modeste habit tu cachais des poissons. / Aux Italiens tu enseignais des œuvres grecques et les griffonnages obliques des Arabes, / Et d’une main tremblante tu compulsais des livres hébraïques. / Tu n’osais pas les publier, tes élégies et tes délicates poésies / Lyriques, tes joues se couvraient d’une timide rougeur ».
36 G. Banterle, « Il carme di Virgilio Zavarise », art. cit., p. 158 : « Lo Zavarise, anche se per bocca di Calliope, non rinuncia a menzionare i suoi meriti di grecista e di conoscitore dell’arabo e dell’ebraico. Sia pure con apparente ritegno, non tace nemmeno della sua produzione poetica ».
37 Archivio di Stato di Verona. Collegio dei notai, vol. 20, 347v°-348r°.
38 G. Sancassani, « Catalogo della mostra ‘Il notariato veronese attraverso i secoli’ », art. cit., pp. 157-158 : « Déjà depuis longtemps je me suis exercé aux agréments de la poésie ; / Phocylide / J’ai réécrit dans la langue latine et d’Homère, / Poète nourricier, j’ai traduit de nombreux vers ; / Souvent j’ai chanté l’éloge des noces sacrées / En hexamètres. / J’ai écrit aussi plusieurs odes dans des mètres / Divers, et plusieurs poèmes j’ai chantés en langue grecque. / Tout récemment j’ai commencé en vers latins / Un poème sur les habitudes / Des poissons marins et leurs astuces diverses. / De ce labeur aucun prix n’est le / Salaire ; or, ces bagatelles elles-mêmes sont assurément pour moi / Un prix bien grand ».
39 G. Banterle, « Il carme di Virgilio Zavarise », art. cit., p. 158 : « Quanto lo Zavarise dice di quest’ultima opera, perduta come tutte le altre sopra ricordate, potrebbe forse esserci di aiuto a comprendere l’et pisces humili sub veste tegebat…nel quale saremmo tentati di scorgere un’allusione al poemetto iniziato in giovane età. Gli Umanisti, infatti, amano questo genere de riferimenti ».
40 Suzanne Solente ; Marie-Pierre Lafitte (éd.), Les manuscrits des Béthune à la Bibliothèque Nationale, Paris, 2001, p. 138. [Dactylographié d’après le manuscrit Histoire de la collection Béthune, rédigé par Suzanne Solente, conservé sous la cote Archives modernes 696.]
41 Paris, Ms. Latin 8411, f. [iiv°] : « Vers grecs et latins faicts par le cardinal Sadolette tenu pour un des grands Esprits de son temps ».
42 Voir toutefois la discussion de ce manuscrit chez Aristide Joly, Etude sur J. Sadolet, 1477-1547, Caen, A. Hardel, 1857, pp. 223-224 : « Note additionnelle ».
43 Il s’agit manifestement de l’humaniste Niccolò Fontanelli, qui prit le nom Hilarion lors de son entrée en religion. Excellent helléniste, il fut l’auteur de plusieurs poèmes en latin et en grec. Zavarise le place dans le cortège de l’Actio panthea, vv. 125-126 : ‘Hillarion monachus quoque, Fontanela progago, / Optimus interpres, vates orator et idem.’ Sur la vie et les œuvres de ce personnage important dans les cercles humanistes à Vérone, voir W. Strobl, « ‘Imitatus Ciceronem ac Hieronymum meum’ : zur theorie des Übersetzens bei Hilarion aus Verona », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 65, 3 (2003), pp. 571-587.
44 C. Perpolli, « L’actio panthea e l’umanesimo veronese », art. cit., pp. 112-114. Lanfranchini figure parmi les protagonaistes véronais énumérés dans le poème de 1484. Voir G. Banterle, « Il carme di Virgilio Zavarise », art. cit., p. 134, v. 131 : ‘Lanfranchinus, eques laudato Caesare factus…’.
45 45. P. Ford, De Troie à Ithaque, cit., p. 16.
46 Andreas Divus, Homeri Ilias ad verbum translata, Andrea Divo justiopolitano interprete, Paris, Chrétien Wechel, 1538, p. 3 ; Obertus Giphanius, Homeri Ilias, seu potius omnia eius quae extant opera. Studio et cura Ob. Giphanii I.C. quae emendatissime edita…, Strasbourg, Theodosius Rihelius, 1572, p. 17 ; Paris, Ms. Latin 7880 (1) : Pilatus, Leontius, Homeri Ilias, f. 1r°.
47 Eobanus Hessus, Homeri Iliados, de rebus ad Troiam gestis, libri xxiiii nuper latino carmine elegantiss. redditi, Helio Eobano Hesso interprete, Bâle, Johannes Oporinus, 1549, p. 1.
48 Paris, Ms. Latin 8114. Homeri Iliados libri primus et septimus : eodem interprete, f. 38r°.
49 Homère, Iliade, I, 1-9 : « Chante, déesse, la colère d’Achille, le fils de Pélée ; détestable colère, qui aux Achéens valut des souffrances sans nombre et jeta en pâture à Hadès tant d’âmes fières de héros, tandis que de ces héros mêmes elle faisait la proie des chiens et de tous les oiseaux du ciel – pour l’achèvement du dessein de Zeus. Pars du jour où une querelle tout d’abord divisa le fils d’Atrée, protecteur de son peuple, et le divin Achille. Qui des dieux les mit donc aux prises en telle querelle et bataille? Le fils de Létô et de Zeus. C’est lui qui, courroucé contre le roi… ». (Traduction Paul Mazon, Paris, Les Belles Lettres, 1967, p. 3).
50 Homeri Ilias ad verbum translata, p. 3.
51 Homeri Ilias, f. 1r°.
52 Ilias, seu potius omnia eius quae extant opera, p. 17.
53 Eobanus Hessus, Homeri Iliados, de rebus ad Troiam gestis, op. cit., p. 1.
54 Sénèque, Hercules Oetaeus, 1765-1766 : ‘Ad Tartara olim regnaque, ô nate, ultima / Rediturus ibas…’.
55 Cyprien le Gaulois, Numeri, 440-441: ‘Nec longum dilata nece ; nam cardine rupto / Terra patens cunctos inferna ad Tartara misit’.
56 Ilias latina, 447-448: ‘Post hos infestus Chromiumque et Echemmona telo / Proturbat celeri pariterque ad Tartara mittit’.
57 Lodovico Lazzarelli, De gentilium deorum imaginibus, 845-846: ‘Pallentes animas interdum ad Tartara mittit, / Interdum tenebris evocat atque animas.’
58 Homeri Ilias ad verbum translata, p. 3 ; Ilias, seu potius omnia eius quae extant opera, p. 17.
59 Homeri Iliados, de rebus ad Troiam gestis, cit., p. 1.
60 Colette Bodelot, « L’évolution de FACERE + proposition complétive : deux voies de grammaticalisation ? », Bulletin de la Société Linguistique de Paris, 218, 113, 1, p. 201. Aussi Phil Thielmann, « Facere mit dem Infinitiv », Archiv für lateinische Lexicographie und Grammatik, 1886, 3, pp. 177-206.
61 Paris, Ms. Latin 8114. Homeri Iliados libri primus et septimus : eodem interprete, f. 48r°.
62 Homère, Iliade, VII, 1-7 : « Ces mots dits, l’illustre Hector s’élance hors des portes ; avec lui va son frère Alexandre. Tous deux au cœur ont une égale envie de guerre et de bataille. De même que le Ciel accorde à des marins le vent qui répond à leurs vœux, à l’heure où ils sont las de battre encore la mer de leurs rames polies et où leurs membres sont rompus de fatigue, tout de même les deux héros apparaissent aux Troyens comme une réponse à leurs vœux ».
63 Paris, Ms. Latin 7880 (1) : Pilatus, Leontius, Homeri Ilias, f. 61v°.
64 Stace, Silves, IV, iv, 69-71 : ‘Nos facta aliena canendo / Vergimur in senium : propriis tu pulcher in armis / Ipsa canenda geres, patriaeque exempla parabis.’
65 Divus : ‘Ambo prompti erant bellare et pugnare’ ; Giphanius : ‘Ambo pugnati erant praeliari et pugnare.’
66 Hor. Ep. I, xvii, 38 ; Ov. F. I, 479 ; Bapt. Mant., Epigrammata ad Falconem, XXXVIII, 71. Cf. en particulier Venance Fortunat, Carminum libri, VII, x, 51-52: ‘Nec graviter doleas cecidisse viriliter ambos, / Nam pro laude mori vivere semper erit’.
67 Luc. Phars. V, 564-567 : ‘Niger inficit horror / Terga maris, longo per multa volumina tractu / Aestuat unda minax flatusque incerta futuri / Turbida te stantur conceptos aequora ventos.’
68 Angelus Politianus, Iliadis Homerice libri quatuor liber II, 624-625 : ‘His dedit Atrides puppes, ut scindere possent / Terga maris ; neque enim undarum commercia norunt.’
69 Virg. Aen. V, 15 ; VIII, 108.
70 Ov. A.A. II, 731.
71 Ugolino Verino, Carlias, IV, 522.
72 Cf. Virg. Aen., I, 84 ; VI, 610 ; VIII, 444 ; XII, 367 ; Stat. Theb., IV, 816 ; Sil. Ital. Pun., XI, 726.
73 Divus, Homeri Ilias ad verbum translata, f. 73v°.
74 Ov. F. II, 815-816 : ‘Grandaevumque patrem fido cum conjuge castris / Evocat : et posita venit uterque mora’.
75 Carlo Marsuppini, Carmina, VI, 59-60 : ‘Censuit utque celer venit uterque Pylon, / Delius utque boves Alphei viderit antris…’.
76 V. Zavarise, cum enumeratione poetarum oratorumque veronensium, vv. 197-199: ‘Romuleas Musas revocans poliensque Guarinus / Optatus nobis, fulgens interprete lingua, / Quo non utilior Latiis irrepsit in arvis…’. (G. Banterle, « Il carme di Virgilio Zavarise », art. cit., p. 138).
77 V. Zavarise, cum enumeratione poetarum oratorumque veronensium, vv. 203-205: ‘Et Broianico ducens Antonius ortum, / Praeceptor tuus atque parens, laudatus honestis / Moribus, illustris vita et virtutibus amplis…’. (G. Banterle, « Il carme di Virgilio Zavarise… », art. cit., p. 138).