Revue Italique

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Dante à Lyon : des « rime petrose » aux « durs épigrammes »

Thomas Hunkeler

Dante traverse le seizième siècle français de façon spectrale, à l’ombre quasi totale de son plus célèbre confrère et compatriote Pétrarque. Au succès de ce dernier semble répondre négativement ce qu’Arturo Farinelli a appelé, de façon certes un peu schématique, la sfortuna di dante : l’infortune de Dante en France.1En effet, l’écart entre ces deux couronnes d’Italie ne cessera de se creuser : tandis que le poète du canzoniere est en passe de donner naissance à une dynamique véritablement européenne,2Dante au contraire se trouve relégué, et cela pour de longues années encore, dans la préhistoire poussiéreuse de la seule littérature italienne. Aux yeux des poètes de la Pléiade, Du Bellay et Ronsard en tête, Dante doit être écarté des modèles à imiter ; précisément, pourrait-on dire, parce que son œuvre, et peut-être surtout la divine comédie, paraissent inimitables et inassimilables. Le canzoniere de Pétrarque, en revanche, semble se prêter à merveille à des usages visant en fin de compte l’appropriation de sa substance et de son prestige, et la transformation de ce qui paraît étrange ou étranger en un corpus de référence désormais maîtrisé. Dans la grande entreprise de défense et illustration de la culture française engagée par la Pléiade, Dante ne peut pas avoir de place puisque son œuvre résiste, contrairement à celle de Pétrarque, à toute forme de translatio – même lorsqu’elle est traduite.

Mais ce qui est vrai pour la France en général ne l’est pas forcément pour Lyon. La ville, on le sait, entretient à l’époque des relations intenses avec l’Italie et notamment avec Florence, et elle accueille de nombreux marchands et banquiers italiens.3Cette proximité se fait également sentir au niveau de la production culturelle et livresque. Entre 1530 et 1589, on imprime à Lyon un peu plus de cent éditions d’ouvrages directement en italien, sans compter les traductions, contre seulement cinquante à Paris. Plusieurs marchands libraires comme Guillaume Rouillé et Jean de Tournes visent le public italophone ou italien quand ils publient leurs éditions italiennes de Pétrarque, Boccace, Castiglione, Serlio ou encore de Dante. Les poètes lyonnais sont alors dans une situation tout à fait particulière dans la mesure où l’italien n’est pas, pour eux, une langue « étrangère » au sens strict du terme. S’il est donc une ville française où Dante a pu avoir une certaine influence à l’époque, où il a pu sortir – tant soit peu de l’ombre de Pétrarque, c’est bien à Lyon.

Comme l’a noté Jean Balsamo dans une récente étude, la réception de Dante en France à la Renaissance se limite, apparemment, à quelques initiatives isolées dont il convient de ne pas surestimer la portée.4Généralement parlant, le seizième siècle français semble avoir retenu du poète avant tout le nom, parfois quelques passages de la divine comédie, beaucoup plus rarement les autres écrits.5En revanche, ce que l’on retient en France dès le XVe siècle de façon quasi systématique, c’est la difficulté de l’œuvre de Dante : l’érudition dont elle témoigne, la subtilité de son argumentation, son style élevé et, par conséquent, le défi qu’elle constitue pour ses lecteurs et ses exégètes.6

Si, dès les premières années du XVIe siècle, des poètes comme Octovien de Saint-Gelais, Jean Lemaire de Belges ou Marguerite de Navarre se réfèrent à la divine comédie et s’en inspirent, la mention du nom de Dante apparaît le plus souvent liée à son extrême difficulté, comme dans l’avertissement au lecteur de la première traduction française de la divine comédie, due à Balthazar Grangier et publiée seulement dans les dernières années du seizième siècle, en 1596 :

Amy lecteur, considerant qu’en ceste mienne traduction il m’a fallu accomoder à un poëte le plus difficile, obscur et conciz qui soit non seulement entre les Italiens, mais encore entre les Latins [...], j’ay pensé te debvoir advertir des choses qui de premiere face se trouveroient estranges, n’estoit la necessité pour laquelle je n’ai sceu les eviter. premierement tu ne trouveras une poesie delicate, mignarde, coulante et bien aysée, comme est celle quasi de tous noz poetes françoys [...]. car ayant translaté la presente comedie vers pour vers [...], je me suis veu contrainct de me rendre en plusieurs passages difficile et embrouillé, tout autant qu’est l’autheur mesme [...].7

c’est sans doute cette renommée de l’œuvre de Dante – une œuvre haute et subtile, mais par endroits « difficile et embrouillée » – qui a incité plusieurs commentateurs de l’époque à la rapprocher de l’œuvre du poète lyonnais Maurice Scève. Dans le promptuaire des médailles de 1577, dont les notices ont probablement été rédigées par Charles Fontaine, Scève est en effet comparé, non à Pétrarque, comme on aurait pu s’y attendre, mais à Dante, et ceci en raison même de l’obscurité et de la difficulté de sa poésie :

Ce poète [i.e. scève] ayant quasi l’esprit et l’entendement de Dante, poëte très obscur et difficile, a escrit sa Délie, d’un si haut subjet et argument, que tous les poëtes de notre temps l’ont admiré... brief, en toutes choses, ce brave poëte s’est monstré d’un esprit tant singulier qu’à bon droit nous le devons tenir pour admirable, et considerer plustost en ses escrits la profondeur de ses vers, que les paroles, qui sont néantmoins bien choisies.8

de la même façon, Guillaume Colletet écrira dans sa vie des poètes français à propos du microcosme de Scève :

Ou son style obscur et aussi difficile que celui de dante m’est du tout inconnu, ou ce poëme ne procède que d’une même source.9

mais la question principale est bien celle-ci : dans quelle mesure le rapprochement entre la poétique du Dante de la divine comédie et les écrits majeurs de Scève est-il plus qu’un simple parallèle se basant sur le caractère obscur et difficile des œuvres respectives des deux poètes ? Les éditeurs de Scève, Eugène Parturier en tête,10nous mettent en garde : si l’on croit reconnaître çà et là quelques citations dantesques, notamment dans le microcosme, ces reprises sont isolées et n’ont aucun caractère systématique.11Mesurée à l’aune de Pétrarque et des poètes pétrarquistes, l’importance de Dante paraît donc à première vue réduite dans l’œuvre scévienne.

Il existe cependant un document qui témoigne d’un intérêt plus qu’anecdotique de Scève pour l’œuvre de Dante : l’édition il dante qui sort des presses lyonnaises de Jean de Tournes en 1547, deux ans seulement après la première édition de Pétrarque. Ces deux éditions comportent chacune une épître dédicatoire signée par Jean de Tournes et adressée à Maurice Scève : la première retrace par le menu l’histoire bien connue de la découverte de la tombe de Laure en Avignon douze ans plus tôt, en 1533, tandis que la seconde, plus courte, présente l’édition de Dante comme une sorte de supplément presque obligatoire à celle de Pétrarque.

Elle le fait, comme Saulnier l’a bien remarqué,12à travers une allusion aux vers 1-8 du dizain 282 de délie, où le poète oppose les bienfaits de la lune (autrement dit de délie) à ceux du soleil :

Basse planete à l’ennuy de ton frere,
qui s’exercite en son chault mouvement,
tu vas lustrant l’un, et l’autre hemispere,
mais dessoubz luy, aussi plus briefvement.

tu as regard plus intentivement
a humecter les fueilles, et les fleurs :
et ceste cy par mes humides pleurs
me reverdit ma flestrie esperance.

aux patientz tu accroys leurs douleurs :
et ceste augmente en moy ma grand souffrance.13

l’épître dédicatoire que signe Jean de Tournes pour son édition de la divine comédie développe en effet une opposition similaire entre le soleil et la terre ainsi que le champ sémantique de la fécondité déjà présent dans le dizain qu’on vient de citer. Comme le monde qui a besoin et du chaud et du froid, le lecteur français, écrit de Tournes, doit pouvoir disposer non seulement de Pétrarque, mais aussi de Dante :

Si come al variar d’il gran pianeta, unico & stabile, questo basso hemisperio non se contienne, [...] ma or in una, & or in altra qualità s’informa, al caldo, al fredo, al germinar di foiglie, fiori, e frutto, & rinversar coteste al suo fine : cossi al moto errante di bei lumi par ch’in noi se tramuti un novo seno [...]. avenga adunque ch’alla rinovation d’i volgar poeti il mio studio avolto si sia con tal animo, che giovi e deletti il mio travaiglio in commun a tutti : e, dal soave & misurato dir di m. francesco petrarca, giunto or sia a un poco piu erto & adumbrato sono d’il fiorentin poeta, m. dante alighieri [...].14

dans la perspective développée par Jean de Tournes à l’intention de Scève – à qui cette lettre est adressée –, la poésie « raide et ombrageuse » de Dante est présentée comme l’indispensable complément de la poésie « suave et mesurée » de Pétrarque. Dans un tel contexte, l’attrait de Dante pour Scève devient plus manifeste. Son influence sert d’abord de contrepoids à celle de Pétrarque et permet de rééquilibrer la tonalité potentiellement douce, voire doucereuse de la lyrique pétrarquiste amoureuse par une note à la fois plus subtile et plus âpre. La tendance pétrarquiste à la métaphore convenue et à l’image facile, qui fera bientôt les délices de l’antipétrarquisme français, se trouve chez Scève contrebalancée par la recherche d’un style obscur et difficile, qui permet par moments de hisser la lyrique amoureuse au niveau de la poésie philosophique.

Afin de saisir toute l’importance de la figure de Dante pour Scève, il paraît cependant nécessaire de relier ces réflexions générales sur l’obscurité de Dante et de Scève, à la notion de « dureté » que le poète lyonnais revendique explicitement pour ses épigrammes dans le huitain liminaire de délie. L’épigramme scévienne porte en effet la trace d’un débat déjà ancien entre les tenants d’une poésie douce et « féminine » et ceux d’une poésie dure, âpre et « virile », dont on ne pourra mentionner ici que quelques jalons essentiels.

C’est, dans le canzoniere de Pétrarque, la célèbre chanson 70, lasso me, ch’i’ non so in qual parte pieghi (Hélas je ne sais plus de quel côté tourner), qui marque un moment fort de ce débat, puisque Pétrarque y cite à la fin de chacune des cinq strophes l’incipit d’un poème de ses prédécesseurs : d’Arnaut Daniel (comme le croyait, à tort, Pétrarque)15et de Guido Cavalcanti, puis le poème così nel mio parlar voglio esser aspro de Dante, La dolce vista e’ l bel guardo soave de Cino da Pistoia et enfin l’incipit’ de sa propre chanson 23, nel dolce tempo della prima etade. On sait en effet que les trois dernières citations tournent toutes autour du problème de la douceur ou de la dureté du chant poétique : tandis que Dante semble conseiller un chant âpre et dur, les chansons de Cino et de Pétrarque lui-même penchent plutôt en faveur d’une poétique de la douceur. Le problème central que Pétrarque traite dans la chanson 70 à travers cette série de citations est le suivant : faut-il tenter d’amadouer la dureté de la dame en lui offrant une poésie « douce », ou vaut-il mieux, comme le propose Dante dans la chanson citée, répondre à la dureté de la dame au moyen d’une poésie elle aussi « dure » et « âpre » ?

dans l’œuvre de Dante, l’adjectif « aspro » caractérise une façon de parler qui est ressentie comme « virile », et donc particulièrement bien adaptée à des sujets nobles – une idée que l’on retrouve à plusieurs endroits de l’institution oratoire de Quintilien, par exemple dans ce passage du livre IX : « Dans l’ensemble, s’il fallait choisir, j’aimerais mieux un arrangement dur et âpre (duram [...] atque asperam compositionem) plutôt qu’efféminé et sans nerf (effeminatam et enervem) ».16Dante suit cette leçon notamment dans le dolci rime d’amor qui ouvre le quatrième traité du convivio.17dans cette chanson, le poète se propose en effet d’abandonner « les douces rimes d’amour » (v. 1) et son « doux style » (lo mio soave stile, v. 10) à cause des attitudes dédaigneuses et cruelles de sa dame, pour passer à un autre sujet, la « vaillance » (il valore, v. 12), qui demande à être traitée en « rimes âpres et subtiles » (con rima aspr’ e sottile, v. 14). Le terme « âpre » se réfère ici, comme Dante l’explique dans son commentaire, « à la sonorité de l’expression » (quanto al suono de lo dittato), puisqu’il « ne convient pas en une telle matière d’être doux » (a tanta materia non conviene essere leno).18 En d’autres mots, le changement de sujet – la vaillance au lieu de l’amour – impose au poète un changement de style et de registre qui l’amène à abandonner le « doux » style pour un style « âpre et subtil ».19

L’argumentation est plus complexe dans l’incipit de la chanson così nel mio parlar voglio esser aspro qui fait partie de la série des rime petrose du poète. Car si Dante y évoque l’idée que l’attitude dédaigneuse de sa dame lui impose un changement de style, il n’y est aucunement question d’abandonner la poésie amoureuse pour un autre sujet, prétendument plus noble :

Così nel mio parlar voglio esser aspro
com’è ne li atti questa bella petra,
la quale ognora impetra
maggior durezza e più natura cruda,
e veste sua persona d’un dïaspro20

l’idée avancée par Dante dans ces vers n’est pas de changer de style à cause d’un changement de genre, mais plutôt d’adapter le style de sa poésie amoureuse à l’attitude dont fait preuve la dame. Le choix d’un style âpre s’explique alors par la volonté de mimer, au moyen de la matière sonore du vers, la dureté de la dame, qui est comparée à une pierre précieuse enchâssée de jaspe.

La revendication de l’aspérité n’est toutefois pas absolue chez le Dante des rime petrose. Dans le de vulgari eloquentia (II, xiii, 13), on lit en effet qu’il faut tenter d’éviter « l’âpreté des rimes » (rithimorum asperitas), sauf si elle est « atténuée par une certaine douceur » (lenitati permixta), car « le mélange des rimes douces et âpres » (lenium asperorumque rithimorum mixtura) donne au style tragique davantage d’éclat. Dans ce sens, le poème Così nel mio parlar voglio esser aspro réalise ce programme poétique en combinant une âpreté verbale à une structure métrique qui prend par moments, comme le note Luciano Rossi, des mouvements de danse.21

Dans sa chanson 70 où il reprend l’incipit de la chanson de Dante, Pétrarque procédera à une correction de l’illustre aîné. Certes, la strophe 3, qui est placée sous le signe de Dante, voit dans la dureté du cœur de la dame la raison de la dureté du cœur de l’amant et par conséquent celle de sa poésie – onde, come nel cor m’induro e ’naspro / così nel mio parlar voglio esser aspro (« Donc, tout autant que rude et dur se fait mon cœur, / En mon parler je veux être âpre »). Toutefois, les deux dernières strophes du poème de Pétrarque constituent un revirement tout à fait manifeste, puisque le poète finit par attribuer la prétendue dureté de la dame à une erreur ou une incompréhension de sa part (v. 31-32 et v. 35-37) :

che parlo ? o dove sono ? et chi m’inganna,
altri ch’io stesso e ’l desïar soverchio ?
[...]
se mortal velo il mio veder appanna,
che colpa è delle stelle,
o de le cose belle ?

si le regard de l’amant-poète est incapable de saisir l’attitude réelle de la dame, mieux vaut choisir un style doux, conclut donc Pétrarque en revenant à la dolcezza de la poésie d’un Cino da Pistoia et en terminant sa chanson sur une auto-citation où le mot « dolce » figure de façon explicite.22

La suite que donnera Scève à ce débat montre bien à quel point la référence à l’intertexte pétrarquien se combine chez lui avec le souci de s’en démarquer. C’est surtout le dizain 28523qui témoigne de la tentative, de la part de Scève, de dépasser la dichotomie apparente entre une poétique de la dolcezza et une poétique de l’asperitas, incarnées respectivement par les figures de Pétrarque et de Dante. Voici comment Scève articule dans son dizain (v. 1-6) aspérité dantesque et douceur pétrarquienne :

De fermeté plus dure, que dyaspre,
ma loyauté est en toy esmaillée :
comme statue à l’esbaucher toute aspre :
et puis de stuc polyment entaillée,
par foy en main de constance baillée
tu l’adoulcis, et jà reluict tresbien.

si le poète lyonnais connaît parfaitement le topos de la dame cruelle et dure, le dizain 285 s’en distingue principalement en ce qu’il met l’accent, non sur la dureté de la dame, mais sur la dureté du « ferme amour » de l’amant, tout en reprenant à l’identique les mots à la rime de la célèbre chanson de Dante : « aspre » et « Dyaspre ». Mais ce qu’il faut surtout noter, c’est que ce faisant, Scève imite en même temps Pétrarque, qui avait, lui aussi, utilisé le même jeu de rimes aspro / dïaspro dans son sonnet 51.

Une imbrication aussi savante des références à Dante et Pétrarque peut paraître surprenante de la part d’un poète français. En réalité, elle s’explique par l’une des particularités des éditions de Pétrarque au XVIe siècle. En effet, à partir de la seconde édition aldine des cose volgari de Pétrarque de 1514, le texte de la chanson de Dante dont Pétrarque cite l’incipit est reproduit in extenso dans ce qu’on appelle l’appendix aldina, appendice qui sera également repris dans les éditions de Pétrarque fabriquées par Jean de Tournes en collaboration avec Maurice Scève.24L’essentiel, ici, est que la référence de Scève à Dante, et plus précisément au Dante des rime petrose, nous confronte à un chapitre de l’histoire littéraire encore très peu analysé : celui qui concerne l’influence, non de la divine comédie, mais bien des poésies amoureuses de Dante – les rime, le convivio, la vita nova – sur la poésie française de la Renaissance au moment même où Pétrarque commence à régner en maître incontestable.

Il fallait être un italianiste féru comme Scève, particulièrement bien relié aux milieux italianisants de Lyon, pour oser se faire l’avocat, en plein pétrarquisme français des années 40, d’une autre tonalité plus « ombrageuse » venant d’une Italie moins connue, et qui devait paraître passablement archaïque à ceux qui se passionnaient alors en France pour les délices des douceurs pétrarquisantes. Pour mieux comprendre les chemins tortueux de l’influence dantesque sur Scève, essayons alors de préciser le contexte italianisant dans lequel évoluait le poète.

A côté des noms de Pétrarque et de Dante, il faut également mentionner celui de Sperone Speroni qui eut une influence décisive sur Maurice Scève. On sait notamment que les derniers poèmes de délie, plus précisément les dizains 424 à 446, sont marqués par des emprunts systématiques faits au dialogo d’amore de Speroni, qui avait paru avec une série d’autres dialogues deux ans plus tôt, en 1542.25Manifestement, Scève avait lu les dialogues de Speroni dans leur version originale, puisque la version française des dialogues de messire speron sperone, italien, établie par le traducteur parisien Claude Gruget, date seulement de 1551.

Plusieurs dialogues de Speroni, notamment le dialogo della rettorica et le Dialogo delle lingue – qui forment tous les deux un commentaire et une critique des célèbres prose della volgar lingua de Pietro Bembo (1525) – contiennent des références intéressantes à Dante. On se souvient que Bembo, qui avait donné dès 1502 son édition des terze rime de Dante à Alde, procède dans ses prose della volgar lingua, publiées plus de vingt ans plus tard, à un réquisitoire massif contre la poésie et la langue de Dante.26Dans le second livre des prose, Bembo mettra ainsi dans la bouche de son frère, Carlo, une série de remarques très critiques où il accuse Dante d’avoir trop souvent utilisé des mots inappropriés :

[dante] molto spesso ora le latine voci, ora le straniere, che non sono state dalla toscana ricevute, ora le vecchie del tutto e tralasciate, ora le non usate e rozze, ora le immonde e brutte, ora le durissime usando [...].27

des deux composantes qui font selon Bembo le succès de la poésie, à savoir la gravità et la piacevolezza (cette dernière est selon Bembo synonyme de soavità et de dolcezza), Dante aurait négligé la seconde, tandis que Cino da Pistoia aurait, lui, omis la première. Pétrarque en revanche a, de l’avis du Bembo des prose, trouvé l’équilibre idéal entre ces deux qualités :

Sì come aviene delle composizioni di m. cino e di dante, ché tra quelle di dante molte son gravi, senza piacevolezza, e tra quelle di m. cino molte sono piacevoli, senza gravità. [...] dove il petrarca l’una e l’altra di queste parti empiè maravigliosamente, in maniera che scegliere non si può, in quale delle due egli fosse maggior maestro.28

si le dialogo delle lingue de Speroni reprend, sans la commenter, l’idée d’un Dante au parler rude et désagréable, le dialogo della rettorica tente en revanche de trouver une explication rhétorique du style « âpre » choisi par Dante. Voici ce que note Speroni dans un développement consacré à la nécessité de choisir des paroles proportionnées à l’humeur exprimée (parole all’umore proporzionate) :

il che dante considerando, alcuna volta nelle canzoni e nella commedia, non a caso o per consuetudine, ma a bello studio elesse rime molto aspre ; non per altro, salvo perchè al soggetto di che parlava, aspro molto e privo al tutto d’ogni dolcezza, si convenissero.29

ce passage est essentiel surtout en ce qu’il met l’accent sur le choix conscient et volontaire de rimes « âpres » de la part du poète. Loin d’être le résultat du hasard ou d’une éventuelle maladresse, le choix de Dante est en réalité motivé par le désir de faire correspondre forme et fond, signifiant et signifié – un peu plus haut, Speroni parle de mots « a’ concetti significati corrispondenti ».30Il convient donc, dit en somme Speroni – qui prend ici le contrepied de Bembo – de choisir des rimes « proportionnées », en accord avec la matière traitée : « douces » pour exprimer la douceur, « âpres » pour exprimer la dureté.

mais ce qu’il faut surtout mettre en évidence, c’est qu’une telle leçon est à proprement parler aux antipodes de la rhétorique pétrarquiste de l’époque, qui tend au contraire à imposer un seul style doux pour toutes les matières traitées. Speroni en est parfaitement conscient, puisqu’il oppose dans son traité les orateurs, dont les paroles obéissent entièrement aux concepts signifiés, aux poètes dont les ouvrages dépendent moins des concepts de l’intellect que de leur qualité sonore et musicale – « de danses, sons et chants » (da’ balli, suoni, e canti son dependenti), comme il le dit.31Le nom de Dante en vient alors à signifier, sous la plume de Speroni, une exception à cette règle, et par conséquent une alternative valable au rouleau compresseur pétrarquiste.

A cet égard, il peut être intéressant de comparer les positions respectives de Bembo et de Speroni à celle de Du Bellay. Comme l’ont montré Francis Goyet et Pierre Blanc, Du Bellay suit Bembo dans sa mise à l’écart de Dante, lorsqu’il omet de le citer dans sa défense et illustration à côté de Pétrarque et de Boccace parmi les modèles en langue vulgaire (défense, I, xii).32 On observe la même tendance lorsque Du Bellay remarque, en se référant à Cicéron, que la poésie « a eté inventée par observation de Prudence, et mesure des oreilles », et qu’il faut par conséquent répudier « toutes choses âpres, et rudes » (défense, I, x).

toutefois, Du Bellay est conscient du danger qu’il y a à tomber dans un pétrarquisme doucereux et caricatural, comme le montre explicitement son célèbre poème « A une dame » de 1553, dans lequel il prétend avoir « oublié l’art de petrarquizer ».33En réalité, Du Bellay n’est pas du tout prêt à abandonner le modèle pétrarquiste ; comme l’a montré Olivier Millet, il s’efforce simplement de le modérer en joignant à la douceur pétrarquienne non l’asperitas dantesque, mais la gravitas virgilienne, se faisant ainsi l’avocat d’un « doulx grave style ».34

Mais revenons aux représentants des milieux italianisants qui ont pu introduire Scève à la lecture de Dante et en particulier de ses poésies amoureuses. Une figure, à cet égard importante, est le poète Bartolomeo Del Bene, un parent du peintre florentin Benedetto Del Bene (Benedict d’Albeyne) avec qui Scève avait travaillé au moment de l’Entrée du Cardinal Hippolyte d’Este à Lyon, en mai 1540.35On sait que Bartolomeo Del Bene, poète à la cour d’Henri III, est à l’origine de la seule mention de Dante sous la plume de Ronsard, dans une élégie que les exécuteurs testamentaires du Vendômois publient en 1587. Dans ce texte dédié au « Sieur Barthelemi Del-Bene, Gentilhomme Florentin, Poëte Italien excellent, pour response & revanche à deux de ses Odes Italiennes », Ronsard prend soin de souligner la filiation pétrarquiste de Del Bene, au détriment des anciens, à savoir Dante et Cavalcanti :

depuis que ton petrarque eut surmonté la nuit
de dante, & cavalcant, & de sa renommée,
claire comme un soleil, eut la terre semée
fait citoyen du ciel [...]36

si les vers de Ronsard ne signifient aucunement – comme le pense Farinelli –37 que le poète français méprise Dante, la métaphore qui compare Pétrarque, une fois de plus, au soleil et Dante (ainsi que Cavalcanti) à la nuit est cependant éloquente. A la suite de Desportes et du Ronsard des sonnets pour hélène, l’influence de Pétrarque sur les lettres françaises est à nouveau à son comble dans le dernier tiers du XVIe siècle ; comme l’a noté avec justesse Jean Balsamo, le soleil de Pétrarque semble alors avoir surmonté définitivement la nuit des temps dans laquelle Dante et Cavalcanti se trouvent relégués.38

Les choses, pourtant, n’étaient pas aussi faciles pour Del Bene, grand amateur non seulement de Pétrarque mais aussi de Dante. Dans une ode dédiée à Vincenzo Alamanni, il avait en effet évoqué non seulement la suavitas de Pétrarque, mais aussi l’asperitas de Dante. Selon Del Bene, les efforts joints de ces deux « nobles cygnes » de l’Arno ne suffiraient pas à rendre justice à la vertu de sa dame à lui :

Che l’uno et l’altro nobil cigno, ond’arno
le sponde ha illustri e note,
l’aspre giungendo e le soavi note,
a pien cantarne avrian cercato indarno.39

si l’expression hyperbolique de Del Bene est parfaitement convenue dans la poésie amoureuse de l’époque, le fait de juxtaposer l’âpreté dantesque et la suavité pétrarquienne l’est en revanche beaucoup moins. On constate alors qu’aux yeux d’un poète d’expression italienne comme Del Bene, Dante semble effectivement offrir une alternative poétique, ou au moins un enrichissement significatif, à l’apport pétrarquiste au sens étroit, alors que la très grande majorité des poètes français, à l’exception, justement, de Maurice Scève, se limitent habituellement au seul Pétrarque et à la douceur associée à son nom.

A côté de Speroni et Del Bene chez qui Scève a pu s’inspirer lors de sa reprise de l’asperitas dantesque, une troisième figure liée aux milieux italianisants pourrait, elle aussi, avoir joué un rôle par rapport à la façon dont le poète lyonnais lit et comprend Dante. Il s’agit de l’écrivain et historien Gabriele Symeoni, pour qui Scève rédigera en 1555 un petit sonnet d’éloges qui sera placé en tête d’un tract de propagande politique.40Selon Saulnier, c’est seulement une année auparavant, en 1554, que Scève, qui appelle Symeoni pourtant son « amy », aurait fait sa connaissance.41

On peut toutefois supposer qu’une première rencontre entre les deux hommes, ou du moins entre Symeoni et Jean de Tournes, eut lieu bien plus tôt, à savoir dans les premiers mois de 1547 lorsque Symeoni arrive à Lyon après être passé par Ravenne en 1546. Cette hypothèse est corroborée par le fait que l’édition de Dante que Jean de Tournes publie exactement à la même époque – la lettre dédicatoire est datée du 24 mars 1547 – contient à la fin du volume un « Summario di la vita di Dante »42dans lequel il est fait état de la tombe de Dante à Ravenne restaurée par Bernardo Bembo, le père de Pietro Bembo, et de l’épigramme qui orne le tombeau. On y trouve même l’idée que Dante aurait été obligé de rédiger lui-même sa propre épitaphe.

Or ces indications ne sont fournies dans aucune des autres éditions de Dante que nous avons pu consulter : ni dans celle des terze rime préparée par Pietro Bembo en 1502 pour Alde, ni dans l’édition Giolito de 1536 contenant le commentaire de Landino, ni dans l’édition de Vellutello de 1544. En revanche, elles figurent toutes dans un ouvrage de Symeoni, publié – il est vrai – bien des années plus tard, en 1558, à Lyon chez Jean de Tournes sous le titre les illustres observations antiques du seigneur gabriel simeon florentin en son dernier voyage d’italie, l’an 1557.43Mais on sait aussi que Symeoni, grand amateur d’inscriptions et d’épitaphes, avait déjà rendu une première visite au tombeau de Dante à Ravenne en 1546, pendant un voyage de Rome à Venise, justement avant de venir s’installer à Lyon.44Il y avait déposé, aux pieds du monument consacré à Dante, un sonnet à lui dans lequel il avait comparé sa propre situation d’expatrié à celle de son célèbre prédécesseur – ce qui lui avait d’ailleurs valu des blâmes et des moqueries de la part de certains confrères. Voici le second quatrain du poème :

Ecco me lasso, a te simile anchora
nel cercar nuova patria, & cangiar stile,
ch’invidia ogn’ alma nobile & gentile
cosí persegue fino all’ultima hora.45

c’est à Lyon que Symeoni devait trouver cette nouvelle patrie après son départ d’Italie, en 1547, et surtout à partir de 1554. Il est donc tout à fait possible que ce soit Symeoni qui ait fourni à Jean de Tournes, ou à Scève lui-même, les indications recueillies dans les dernières pages de leur édition de Dante parue à Lyon en 1547. Notons toutefois que la prétendue amitié entre Scève et Symeoni ne pouvait pas être bien grande, puisque Symeoni reviendra dans son Illustratione de gli epitaffi et medaglie antiche sur l’affaire de la redécouverte de la tombe de Laure en 1533, en observant non seulement que le sonnet italien retrouvé dans la prétendue tombe de Laure « non fu mai del Petrarca », mais également que la découverte du tombeau était due au seul roi François Ier – une façon tardive de désavouer Scève à qui Jean de Tournes avait attribué, on le sait, le mérite de cette découverte.46

En dépit de ces dissensions, et quel que soit leur bien-fondé, il paraît indéniable que la position littéraire que Scève occupe dans les années 1540 à Lyon, à la fois en tant que collaborateur de l’éditeur Jean de Tournes et en tant que poète, est une position habituellement réservée aux seuls italianisants. Car si le Pétrarque du canzoniere est en passe d’être francisé à cette époque à travers les traductions partielles de Marot, de Peletier du Mans et celle, complète, établie par Vasquin Philieul en 1555,47il n’en va pas du tout de même de Dante. A cette époque, et pendant encore de longues années, la divine comédie, et à fortiori les poésies amoureuses de Dante, restent du ressort presque unique des Italiens. La redécouverte de Dante en France ne commencera vraiment qu’avec les romantiques, comme l’a bien montré Jean-Pierre Ferrini.48

Avant de conclure, revenons encore une fois brièvement à la façon dont Scève utilise les modèles dantesque et pétrarquien dans délie pour donner forme à sa propre poétique. Nous avons déjà vu que le poète lyonnais déplace dans le dizain 285 l’idée de dureté vers la notion marotique de « ferme amour » tout en se souvenant, à travers le jeu de rimes en « aspre » / « Dyaspre », du débat entre Dante et Pétrarque.

Dans le dizain scévien, la fermeté (v. 1) et la loyauté (v. 2) de l’amour sont comparées à la production d’une statue qui, d’abord « âpre » (v. 3) au moment d’une première ébauche, sera ensuite « adoulcie » (v. 6) au contact de la main de l’aimée. L’opposition entre les positions attribuées à Dante (asperitas)et Pétrarque (dolcezza)se trouve par conséquent chez Scève suspendue par une dynamique visant à dépasser ce qui est ressenti comme une dichotomie stérile. Cette évocation d’une statue progressivement rendue de plus en plus douce et luisante, presque vivante, n’est en effet pas sans rappeler le mythe de Pygmalion et celui, voisin mais inverse, de Méduse, figure dont on sait l’importance dans l’imaginaire scévien.

Comment ne pas constater alors que les rime petrose de Dante, et en particulier le poème così nel mio parlar voglio esser aspro, sont également placés sous le double signe de Méduse et de Pygmalion ? Le topos de « l’œil agressif »49est récurrent au début du poème de Dante, notamment aux vers 9 à 15 du poème en question, tandis que la fin du texte offre au contraire l’idée d’une vengeance, démystifiant ainsi l’identification de la dame avec la figure de Méduse. Les derniers vers du poème préparent alors un véritable renversement du topos de la Méduse et une évocation, certes indirecte, de la figure de pygmalion, comme le notent avec justesse Robert Durling et Ronald Martinez.50Mais l’allusion à Pygmalion est encore plus explicite dans la troisième des rime petrose, amor, tu vedi ben, où la fin de la première strophe évoque « le meilleur tailleur de pierre », autrement dit Pygmalion, avant d’enchaîner sur l’idée de la constance de l’amant semblable à de la pierre. Ici encore, un rapprochement avec le poème de Scève s’impose en raison de la reprise systématique de plusieurs notions clés. Le glissement de la figure de Méduse à celle de Pygmalion, de la dureté du cœur de la dame à la dureté de la constance de l’amant, est commun aux poèmes de Dante et de Scève, et il paraît tentant de parler ici d’une influence des rime petrose sur le poète des « durs épigrammes ».

Une dernière question se pose cependant : par quelle voie le poète lyonnais a-t-il pu prendre connaissance de l’ensemble des rime petrose de Dante et plus généralement parlant de ses poésies amoureuses ? Si l’on tient compte des rapports très étroits que Scève entretenait avec les milieux italianisants, on peut supposer que le poète lyonnais a consulté l’une ou l’autre des éditions anthologiques qui voient le jour en Italie dès le premier quart du XVIe siècle. La plus célèbre de ces anthologies est sans doute la fameuse « Giuntina » de 1527, qui avait paru à Florence sous le signe des prose della volgar lingua de Bembo. Sous le titre sonetti e canzoni di diversi antichi autori toscani, elle offre en effet, dans les quatre premiers livres, un important choix des poésies amoureuses de Dante.51Dans la lettre dédicatoire du volume qu’il adresse aux jeunes amateurs de poésies toscanes (a gli suoi nobilissimi gioveni amatori de le toscane rime), l’éditeur Bernardo di Giunta justifie l’importante place qu’il accorde à Dante par le fait que ce dernier est avec Pétrarque « l’un des deux yeux les plus lumineux de notre langue » (l’uno de’ duoi lucidissimi occhi de la nostra lingua), mettant ainsi l’accent sur la nécessité de redonner à Dante la place qu’il mérite à côté de Pétrarque, et par conséquent sur leur complémentarité.

Mais ce qui est surtout intéressant, c’est que Bernardo di Giunta présente les rime petrose de Dante, ensemble avec cinq autres poèmes, dans le troisième livre de son anthologie sous le titre général de canzoni amorose e morali, les distinguant ainsi d’une part des sonetti e canzoni recueillis dans les deux premiers livres, et d’autre part des canzoni morali du livre quatre. C’est ainsi le livre iii qui réalise de façon idéale le programme poétique énoncé dès le début du convivio, lorsque Dante dit vouloir former ces chansons d’amour et de vertu (d’amor come di vertu materiate) pour éviter une trop grande obscurité.52Notons simplement ici qu’une telle idée n’est pas sans rappeler la poétique que Scève élaborera dans son propre recueil, lorsqu’il fera de Délie l’objet, non seulement du plus grand amour, mais de la « plus haulte vertu ».

certes : lorsque Dante accentue la dimension spirituelle de sa poésie au moyen de ses lectures allégoriques, lorsqu’il ira dans le convivio jusqu’à faire de l’amour une sorte d’excipient du message moral, il est très loin d’un poète comme Scève, pour qui les aspirations amoureuses et morales de la poésie sont au contraire inextricablement liées. Mais le Dante que Scève lit et dont il s’inspire n’est plus tout à fait l’austère poète médiéval ; il a été revu et corrigé à la lumière du néoplatonisme florentin et du de amore de Ficin. Pour reprendre l’expression de Corrado Bologna,53c’est « le ‘nouveau’ Dante de Florence » que Scève lit et dont il peut se sentir proche ; celui dont l’édition lyonnaise de 1547 parle en termes d’une « triplici comedia di quell’lume platonico ».54Pour ce Dante, comme pour Scève, l’amour n’est plus une simple étape ou une jeune erreur, comme disait Pétrarque ; il est au contraire le fondement même de la morale : son origine et son but.

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1  A. Farinelli, Dante e la Francia dall’èta media al secolo di Voltaire, Milano, Hoepli, 1908.

2  Voir P. Blanc (éd.), Pétrarque en Europe XIVe-XXe siècle. Dynamique d’une expansion culturelle, Paris, Honoré Champion, 2001.

3  Voir J. Boucher, Présence italienne à Lyon à la Renaissance, Lyon, Editions LUGD, 1994.

4  J. Balsamo, Dante, L’Aviso Piacevole et Henri de Navarre, in « Italique », I (1998), pp. 79-94.

5  Voir D. Cecchetti, Dante e il rinascimento francese, in « Letture classensi », 19 (1990), pp. 35-63, et F. Simone, Dante e la cultura francese del Rinascimento, dans Umanesimo, Rinascimento, Barocco in Francia, Milano, Mursia, 1968, pp. 150-67.

6  Pour des raisons de cohérence argumentative, la présente contribution résume dans sa première partie une série de remarques déjà esquissées dans une étude intitulée ‘Si durs épigrammes’ : l’obscurité de Délie et la leçon de Dante, L’énigmatique à la Renaissance : formes, significations, esthétiques dans éd. par D. Martin, P. Servet, A. Tournon, Paris, Honoré Champion, 2008, pp. 121-136.

7  La Comedie de Dante, De l’enfer, du Purgatoire et Paradis, mise en ryme françoise et commentée par M.B. Grangier, Paris, Jehan Gesselin, 1596, cité d’après Cecchetti, Dante e il rinascimento francese cit., p. 53. Nous soulignons.

8  Le Promptuaire des médailles, Lyon, G. Rouillé, 1577, p. 251. Nous soulignons.

9  G. Colletet, Vie des poètes françois, cité d’après Farinelli, Dante e la Francia cit., p. 390.

10  Maurice Scève, Délie, éd. critique par E. Parturier, introduction et bibliographie par C. Alduy, Paris, STFM, 2001 (1916), pp. LXI et LXXI.

11  Voir toutefois, au sujet de la présence de Dante dans le Microcosme, notre contribution Une épopée du ‘curieux pouvoir’ : le Microcosme de Scève entre Virgile, Dante et Reisch, dans Le théâtre des curiosités, Cahiers V.L. Saulnier 25, PUPS, 2008, pp. 17-27.

12  V.-L. Saulnier, Maurice Scève, Paris, Klincksieck, 1948, t. II, p. 141, note 85.

13  Nous citons Délie d’après l’édition critique établie par G. Defaux, Genève, Droz, 2004.

14  Il Dante, con argomenti, e dechiaratione de molti luoghi, novamente revisto, e stampato, Lyon, Jean de Tournes, 1547, pp. 3-4.

15  Comme le note P. Blanc dans le commentaire de son édition bilingue du Canzoniere d’après laquelle nous citons (Paris, Classiques Garnier, 1988, pp. 154-55), cette canso provençale est aujourd’hui attribuée à Guillem de Saint-Gregori.

16  Cf. Quintilien, Institution oratoire IX, 4, 142.

17  Dante Alighieri, Convivio, dans Opere minori, I, 2, a cura di C. Vasoli e D. de Robertis, Milano-Napoli, Ricciardi, 1988, pp. 494-524. Nous citons la traduction française d’après Dante, Œuvres complètes, Paris, Le Livre de poche, coll. « La pochothèque », 1996.

18  Dante, Convivio cit., p. 539.

19  Voir F. Bruni, Semantica della sottigliezza, dans Testi e chierici del medioevo, Genova, Marietti, 1991, pp. 91-133, en particulier 93-94.

20  Dante Alighieri, Rime, dans Opere minori, I, 1, a cura di D. De Robertis e G. Contini, Milano-Napoli, Ricciardi, 1984, p. 447.

21  Voir L. Rossi, Così nel mio parlar voglio esser aspro (CIII), in « Letture classensi », 24 (1995), pp. 69-89.

22  Cela dit, le Canzoniere connaît d’autres endroits où le poète est tenté de parler « en des vers âpres, dénués de douceur » (in rime aspre, et di dolcezza ignude), comme par exemple la chanson 125 (v. 16), ou encore le sonnet 293 (v. 7-8): « Je ne peux – je n’ai plus de lime assez douce – / rendre suaves, claires, des rimes sombres, et âpres » (traduction légèrement modifiée de : non posso, et non ò piú sí dolce lima, / rime aspre et fosche far soavi et chiare). Voir D. De Robertis, Petrarca petroso (1983), dans Il ‘Canzoniere’ di Francesco Petrarca. La critica contemporanea, a cura di G. Barbarisi e C. Berra, Milano, LED, 1992, pp. 203-50, et surtout C. Bologna, Petrarca petroso, in « Critica del testo », VI/1 (2003), pp. 367-420.

23  On notera que ce poème suit de près le dizain 282 cité plus haut.

24  Voir D. De Robertis, L’Appendix Aldina e le più antiche stampe di rime dello stil novo, dans Editi e rari. Studi sulla tradizione letteraria tra Tre e Cinquecento, Milano, Feltrinelli, 1978, pp. 27-49.

25  D. Fenoaltea, The Final Dizains of Scève’s Délie and the Dialogo d’Amore of Sperone Speroni, in « Studi Francesi », 59 (1976), pp. 201-25 ; P. Martin, La réception du Dialogo d’Amore en France. Le couronnement de la Délie, dans Sperone Speroni, Dialogo d’amore, traduit par Claude Gruget, Dialogue traittant d’amour et de jalousie, Poitiers, Maison des Sciences de l’Homme et de la Société, La licorne, coll. Textes rares, 1998, pp. 171-209.

26  Voir E. Pasquini, Le Prose della volgar lingua e il linguaggio poetico di Dante, dans Prose della volgar lingua di Pietro Bembo, a cura di S. Morgana, M. Piotti, M. Prada, Milano, Cisalpino Monduzzi, 2000, pp. 139-56.

27  Pietro Bembo, Prose della volgar lingua, dans Prose e rime, a cura di C. Dionisotti, Torino, UTET, 1960, p. 178.

28  Bembo, Prose della volgar lingua cit., p. 146.

29  Sperone Speroni, Dialogi, Venise, Alde, 1542, p. 234.

30  Speroni, Dialogi cit., p. 233.

31  Speroni, Dialogi cit., p. 234.

32  Voir le commentaire de F. Goyet dans son édition du tome I de Joachim du Bellay, Œuvres complètes, Paris, Honoré Champion, 2003, pp. 361-364, ainsi que P. Blanc, Les raisins verts du pétrarquisme : sur la douceur, et sur son cheminement de Pétrarque à Du Bellay. Essai de critique différentielle, dans J. Balsamo (éd.), Mélanges de poétique et d’histoire littéraire du XVIe siècle, offerts à Louis Terreaux, Paris, Honoré Champion, 1995, pp. 225-37.

33  Joachim du Bellay, Œuvres poétiques, tome I, Paris, Classiques Garnier, 1993, pp. 170-77.

34  Voir O. Millet, Présence de Virgile dans L’Olive de Du Bellay, dans Les Fruits de la Saison. Mélanges de littérature des XVIe et XVIIe siècles offerts au Professeur André Gendre, Genève, Droz, 2000, pp. 105-18.

35  Saulnier, Maurice Scève cit., pp. 201-2.

36  Pierre de Ronsard, Œuvres complètes, tome II, éd. par J. Céard, D. Ménager et M. Simonin, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1994, pp. 418-20, vv. 22-25. Cf. aussi Pierre de Ronsard, Œuvres complètes, tome XVIII, éd. P. Laumonier, Paris, Marcel Didier, 1966, pp. 253-57, qui reproduit la première des odes italiennes que Del Bene avait adressées au poète français.

37  Farinelli, Dante e la Francia cit., p. 432.

38  J. Balsamo, Les rencontres des Muses. Italianisme et anti-italianisme dans les lettres françaises de la fin du XVIe siècle, Genève, Slatkine, 1992.

39  G. Carducci, S. Ferrari (éds.), Odi XXVII di Bartolommeo Del Bene gentiluomo fiorentino, Bologna, 1900, cité d’après Farinelli, Dante e la Francia cit., p. 430, note 1.

40  Sonnet reproduit dans Maurice Scève, Œuvres poétiques, éd. B. Guégan, Paris, Classiques Garnier, 1927, p. 301. Sur Symeoni, voir T. Renucci, Un aventurier des lettres au XVIe siècle: Gabriel Symeoni, Paris, Didier, 1943.

41  V.-L. Saulnier, Maurice Scève cit., pp. 403-4.

42  Il Dante, cit., pp. 537-39.

43  Lyon, Jean de Tournes, 1558, p. 73.

44  Renucci, Un aventurier des lettres au XVIe siècle: Gabriel Symeoni, cit., pp. 40-41 et 139-41.

45  Nous citons ces vers d’après Gabriel Symeoni, Illustratione de gli epitaffi et medaglie antiche, Lyon, Jean de Tournes, 1558, p. 76.

46  Symeoni, Illustratione de gli epitaffi et medaglie antiche cit., p. 14.

47  Voir J. Balsamo (éd.), Les poètes français de la Renaissance et Pétrarque, Genève, Droz, 2004, surtout les contributions respectives de J. Balsamo et G. Bellati, pp. 35-51 et 203-28.

48  J.-P. Ferrini, Lectures de Dante. Un doux style nouveau, Paris, Hermann, 2006.

49  Pour reprendre la belle formule de L. K. Donaldson-Evans, Love’s Fatal Glance: A Study of Eye Imagery in the Poets of the ‘Ecole Lyonnaise’, University of Mississippi, Romance Monographs, 1980.

50  R. M. Durling et R. M. Martinez, Time and the Crystal. Studies in Dante’s Rime petrose, University of California Press, 1990, pp. 196-97.

51  Sonetti e canzoni di diversi antichi autori toscani in dieci libri raccolte, Firenze, Eredi di Filippo Giunta, 1527.

52  Dante, Convivio I, 1, 14.

53  C. Bologna, Tradizione e fortuna dei classici italiani. I. Dalle origini al Tasso, Torino, Einaudi, 1993, p. 235.

54  Il Dante, cit., p. 537.