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« Qual l’alto Ægeo... » : Montaigne et l’essai des poètes italiens
La poésie est l’expression privilégiée de l’émotion pour Montaigne.1Il cite tout au long des Essais d’innombrables vers, par lesquels il exprime tout ce que sa prose ne peut dire. Ces citations contribuent à un effet d’hétérogénéité stylistique et linguistique, qui définit l’originalité même du livre, dans le cadre d’une « rhétorique des citations » et d’une esthétique de la surprise et de la varietas. Ces vers sont en latin pour la plupart d’entre eux, constituant une véritable anthologie, d’Ovide et de Virgile, cités dès le chapitre 2 du premier livre, à Horace, qui conclut le dernier chapitre du livre III. Montaigne cite également 70 vers de poètes italiens. Ces fragments en langue italienne sont plus importants que les vers français, si l’on excepte, dans les trois premières éditions, le recueil des 29 sonnets d’Etienne de La Boétie, qui constitue à lui seul la matière d’un chapitre dédié à la comtesse de Guiche. La langue italienne, sous le règne de Henri III, était un signe de distinction. De tels vers étaient l’expression ostentatoire d’une culture mondaine, que le livre partageait avec ses lecteurs, dames et gentilshommes dont Montaigne voulait être le pédagogue sans pédantisme.
Les citations de poètes italiens confirment une maîtrise exceptionnelle de cette langue. Leur pertinence, les modalités de leur insertion dans le contexte français des essais, d’une extrême précision et toujours d’une grande subtilité, témoignent plus qu’une simple lecture des textes cités, elles confirment une véritable familiarité avec l’italien, une compréhension de l’intérieur des textes, en poète et en poète italien. Les relations que ces citations entretiennent entre elles, en une étroite intertextualité, révèlent en outre une maîtrise documentaire de la part de Montaigne, celle des livres exploités par une méthode rigoureuse de lecture et d’annotation. On ignore quand et comment Montaigne a appris l’italien. Il le comprenait parfaitement avant même le séjour qui lui fit passer les Monts, entre novembre 1580 et septembre 1581, et dont il laissa une relation écrite en partie en italien. A l’instar de nombreux de ses compatriotes, ces « Français italianisants » auxquels Emile Picot a consacré des travaux très documentés, il avait peut-être appris, ou du moins perfectionné son italien dans les rime de Pétrarque, dans les annotazioni et le vocabulario qui accompagnaient les éditions du poète. L’exemplaire (ou du moins un des exemplaires)que Montaigne possédait, est conservé à la Bibliothèque nationale de France. Il s’agit du petrarca con nuove e brevi dichiarationi, une édition lyonnaise publiée en 1550 par Guillaume Rouillé. Ce volume, émouvant par sa provenance, fait partie des quelque cent livres qui nous sont parvenus sur les mille que possédait l’écrivain, parmi lesquels 16 autres livres en langue italienne, une proportion importante en comparaison de ce que l’on sait des bibliothèques françaises de l’époque.2
Ce petrarca pourtant nous est de peu d’utilité pour savoir comment Montaigne lisait la poésie italienne. Il est probable qu’il disposait d’autres éditions de la même oeuvre, d’un format supérieur, plus commode pour y porter des annotations, comme il avait annoté son édition in-4° de Lucrèce. L’exemplaire ne porte en effet aucune trace de lecture, aucune annotation, aucun de ces résumés qu’il dit avoir l’habitude de porter sur ses livres à la fin de sa lecture pour en conserver le souvenir, et dont plusieurs furent le point de départ de développement autonomes dans les essais. Le volume ne porte pas même des soulignements et autres nota bene que l’on trouve sur d’autres livres. Montaigne s’était borné à y inscrire son nom sur la page de titre, et sur le dernier feuillet, la devise italienne « mentre si può ». Cette devise toutefois ne paraît pas avoir de lien avec Pétrarque en particulier ni avec la poésie. On la retrouve sur son exemplaire des dialoghi d’amore de Leone Ebreo et sur celui d’une édition d’Ausone. Dans les essais, Montaigne attribue à Socrate une formule analogue, « Selon qu’on peut : c’estoit le refrain et le mot favori de Socrate : Mot de grande substance »,3et il en fait l’expression la plus haute de la conscience de soi et de la sagesse. Un autre livre de poésie en italien ayant appartenu à Montaigne est conservé par la même bibliothèque. Il s’agit d’un exemplaire du rinaldodu Tasse ; il ne porte aucune annotation.4Les citations sont donc, avec quelques commentaires épars dans les essais, la seule trace des lectures poétiques en italien par Montaigne.
Dans l’édition originale, publiée à Bordeaux en 1580, Montaigne proposait un ensemble de cinq vers de Pétrarque, en trois citations, toutes regroupées dans le livre I (chapitres 2, 37[38]et 47), et six citations tirées des chants X, XI, XII, XV et XLVI de l’orlando furioso (aux chapitres I, 6 et 28, II, 9, 12, 16 et 37). Bien connues, ces deux oeuvres illustraient à elles seules l’essentiel des lettres italiennes pour les Français de l’époque ; elles étaient entrées, depuis plus d’une génération, dans leur imaginaire lyrique et romanesque ainsi que dans leur propre langue, sous forme de traductions et d’adaptations. Parmi les poèmes de La Boétie qu’il avait lui-même édités en 1571, figuraient ainsi des « Plaintes de Bradamant » [sic]traduites du chant XXXII du romanzo de l’Arioste. Montaigne en cite quelques vers pour illustrer le travail sans cesse repris d’un « esprit genereux ».5L’originalité de Montaigne, qui ne nommait pas l’Arioste et Pétrarque, était de citer en italien des textes déjà traduits et assimilés, et dans le cas de l’orlando, de citer en vers ce qui avait déjà fait l’objet d’une adaptation romanesque.
La deuxième édition des essais, publiée en 1582, est importante pour notre propos parce qu’elle est nourrie de l’expérience littéraire du voyage d’Italie. Le corpusitalien y est augmenté de neuf citations d’auteurs que Montaigne ne nommait pas davantage que les premiers. Ces fragments élargissaient cette voix italienne à d’autres chapitres (I, 17, 26 et 41 ; II, 6, 8, et 17). Montaigne introduisait dans le livre II deux nouveaux vers de Pétrarque, dont l’un
Chi troppo s’assottiglia si scavezza,6
était transmis sous la forme d’un « proverbe toscan », deux citations de Dante, ainsi que trois vers de Properce, traduits en italien. Les vers de Dante et de Properce étaient en fait des citations de seconde main, tirées, l’une, de l’ercolano de Benedetto Varchi, les deux autres de la civile conversazione de Stefano Guazzo. Le premier ouvrage, un des monuments du débat sur la langue vulgaire, avait suscité un certain écho en France. Si l’exemplaire de Philippe Desportes, conservé dans une collection privée, est connu, celui de Montaigne nous manque, mais nous avons montré ailleurs l’utilisation qu’il fit plus tard de l’ouvrage auquel il emprunta l’expression « parlare in punta di forchetta » pour critiquer sa propre pratique de la conversation. Montaigne d’autre part avait lu attentivement le dialogue de Guazzo et les essais portent de nombreuses traces d’une confrontation directe sur des points de civilité. Le fait que Montaigne cite Properce en italien indique sans doute une rencontre fortuite plus qu’une intention esthétique : il n’avait pas dû reconnaître le poète latin sous les trois vers italiens que Guazzo alléguait de façon indifférenciée : « onde ben disse un poeta ». Dans la première édition des Essais, on ne trouve aucune citation de Properce. Dans les éditions suivantes au contraire, Montaigne allait citer des vers du poète latin à une vingtaine de reprises, autant que tous ses poètes italiens, sans pour autant revenir sur la première citation et la remettre dans sa langue originale.
Dans l’édition de 1582, Montaigne ne retournait pas au poème de l’Arioste, dont il ne proposait aucun nouveau vers. En revanche, il prolongea la tonalité héroïque du poème épique par une référence totalement inédite dans la culture française, par quatorze vers pris de la gerusalemme liberata de Torquato Tasso, auquel il prenait également deux vers de l’aminta. Ces quatre citations constituaient une nouveauté absolue pour ses lecteurs, révélant un choix original d’une portée littéraire qui excédait largement la brièveté apparente des citations. Montaigne était le premier en France à citer des vers du poète de Ferrare, de l’autre poète de Ferrare, il était vraisemblablement le premier à en avoir lu, et le premier à mentionner, en le nommant ailleurs par une périphrase, le Tasse dont il évoquait la folie et la misère. Dans les essais pourtant rien ne rattachait explicitement les citations de la gerusalemme au passage fameux dans lequel Montaigne célébrait le Tasse et déplorait à la fois le « saut » qui avait fait passer le malheureux des hauteurs sublimes de la poésie aux abîmes de la bêtise, comme s’il avait voulu dissocier du poète dont il connaissait les souffrances, les beaux vers qu’il avait sélectionnés dans salecture du poème. Plus que l’évocation du poète dans sa misère, les citations prises des chants VIII, X et XIV de la gerusalemme, dont Montaigne offrait ainsi comme une première anthologie riche d’infinies suggestions, furent une révélation pour d’autres lecteurs. Pierre de Brach et Jean du Vigneau, des poètes bordelais familiers de Montaigne, auxquels on peut associer Jérôme d’Avost, rivalisèrent pour rendre le poème en français, et dès 1584, De Brach fit paraître une traduction de l’aminta, peut-être faite d’après un exemplaire rapporté par Montaigne.7
En 1588, la grande édition en trois livres des essais publiée par le libraire parisien Abel L’Angelier consacra Montaigne comme un écrivain français et non plus comme un homme de lettres provincial. Cette belle édition, ouverte par un titre frontispice gravé sur cuivre, très ressemblant aux titres du libraire lucquois Busdrago, se caractérisait par l’amplification des notations personnelles, de nature souvent autobiographique, et par de nombreuses citations poétiques. Celles-ci étaient pour la plupart en latin, témoignant d’un retour systématique à Virgile, à Lucrèce, aux élégiaques, à Horace surtout, dont Montaigne avait annotés les textes dès sa jeunesse et qu’il ne cessa jamais de lire et de relire en une connivence créatrice. Les citations en italien étaient réduites ; elles se limitaient à un vers adapté de Dante, « che ricordarsi il ben doppia la noia »,8d’origine incertaine, et à trois nouveaux fragments de la Gerusalemme, quatorze vers, tous pris du même chant XII, le chant de Tancrède et Clorinde, auquel Montaigne, et à sa suite les lecteurs français semblent avoir porté une attention particulière.
L’édition de 1588 fut aussi la dernière publiée du vivant de Montaigne. Pour des raisons politiques, liées aux troubles qui agitèrent la fin du règne de Henri III, cette édition connut une diffusion limitée. Montaigne toutefois, dès l’été de la même année, se mit à reprendre son texte, qu’il ne cessa d’augmenter et de corriger jusqu’à sa mort, survenue en septembre 1592. Il laissa une « copie » préparé pour une nouvelle édition, qui fut publiée par les soins de Marie de Gournay et qui parut chez Abel L’Angelier au début de l’année 1595, précédant dans le catalogue du libraire la traduction en prose de la gerusalemme par Blaise de Vigenère, une édition en italien de la gerusalemme conquistata et la traduction de quatre chants par Pierre de Brach. Dans l’édition posthume des essais apparaissaient ponctuellement de singuliers italianismes de langage et des expressions en italien.9Montaigne, en revanche n’ajouta aucune citation nouvelle de poète italien. Il supprima au contraire, dans le chapitre II, 37, « De la ressemblance des enfans aux pères », une citation de l’orlando furioso :
et se n’afflige tanto,
che si morde le man, morde le labbia,
sparge le guancie di continuo pianto.10
il avait introduit cette citation dès la première édition, à l’occasion d’un développement destiné à réfuter les prétentions stoïciennes à la maîtrise de la douleur, pour justifier sa propre attitude d’homme malade, « mais capable de commerce, capable d’entretien jusqu’à certeine mesure ». Dans cette argumentation, Montaigne opposait alors à la philosophie la poésie, « qui est libre et volontaire », et qui n’hésite pas à représenter ses héros en pleurs pour donner leurs larmes comme des témoignages de magnanimité. Montaigne connaissait peut-être le chef d’oeuvre du genre, les lagrime di san pietro, de Luigi Tansillo, que Malherbe traduisit dans ces mêmes années. Mais pour illustrer sa conception d’une poésie qui ne craint pas de représenter l’expression physique de la douleur, il faisait référence à un autre exemple fameux, celui de Roger, accablé de remords, déplorant l’injure qu’il avait faite à la dame aimée. La raison de la suppression de ces trois vers tient peut-être à un effet de mode, à ce que l’on croit être le discrédit dans lequel serait tombé l’Arioste aux yeux des lecteurs français de l’époque. Quelques pages plus haut en effet, Montaigne avait déjà modifié une phrase traitant de son propre livre, en supprimant la mention de l’Arioste et rompant un premier parallèle entre Ovide et le poète italien : « à peu près comme Ovide a cousu et r’apiecé sa metamorphose, ou comme Arioste a rengé en une suite ce grand nombre de fables diverses ».11Elle tenait plus probablement à des raisons internes, propres à la rédaction de Montaigne. Celui-ci en fait supprimait un passage plus long, pour le récrire en modifiant l’argumentation originale, et en écrivain attentif aux effets de construction, il remplaçait les vers de l’Arioste, qui évoquaient une douleur morale et non pas physique, par une autre citation, en latin, prise du philoctète d’Attius, analogue par son sens à la précédente, qu’il jugeait probablement plus expressive, plus vigoureuse en termes poétiques et probablement plus pertinente :
Eiulatu, questu, gemitu, fremitibus
resonando multum flebiles voces refert.
la nouvelle citation provenait des tusculanes de Cicéron, que Montaigne suivait dans son argumentation. Mais comme pour compenser la suppression des vers de l’orlando furioso, Montaigne introduisit dans un autre chapitre une claire allusion à des personnages de l’Arioste, en créant un paragone, à vrai dire assez confus entre Bradamante et Angélique, afin d’illustrer les séductions d’une conception virile de la vertu. Cet exemple fait apparaître le soin avec lequel, jusque dans ses ultimes corrections, Montaigne cherchait à assurer par un système d’échos et de renvois, la cohérence de son livre ; il confirme aussi qu’il ne cessait d’avoir présente à l’esprit cette poésie italienne qu’il n’avait cessé d’aimer ou du moins qu’il ne cessait de se représenter les héroïnes de l’Arioste, alors même qu’il prétendait que sa « vieille ame poisante ne se laisse plus chatouiller non seulement à l’Arioste, mais encore au bon Ovide ».
Les citations en vers répondent, dans les essais, à différentes fonctions, bien étudiées par la critique. Pour être le plus souvent ornementales, elles ne jouent pas moins un rôle dans une argumentation critique comme dans un discours personnel. Les citations courtes ont une valeur gnomique, jouent le rôle de maximes énonçant une vérité générale pour conclure un raisonnement, qui peut être paradoxal. Les citations plus longues, dont le module italien est la terzina ou la stanza, servent d’exemples et d’illustration, en développant des comparaisons. Comme une vive représentation, la poésie donne à voir et à comprendre. La définition de la vaine gloire dans le chapitre I, 40 [41]est ainsi amplifiée par quatre vers de la gerusalemme, ajoutés en une seconde rédaction, qui disent mieux, par leur excès rhétorique et leur pointe, le néant de cette « vaine image », dont ils présentent une véritable allégorie :
La fama ch’invaghisce a un dolce suono
gli superbi mortali, e par’ sì bella,
È un echo, un sogno, anzi d’un sogno un’ombra
ch’ad ogni vento si dilegua et sgombra.12
montaigne avait modifié le texte original (« Voi superbi ») pour le faire correspondre à l’énonciation de son texte et il avait corrigé sur l’Exemplaire de Bordeaux la coquille « invanisce », attestant qu’il avait repris le livre italien pour vérifier l’exactitude de la citation. Dans le chapitre II, 6, le chapitre consacré à son expérience des états d’inconscience après une chute de cheval, il citait deux autres vers de la gerusalemme :
come quel ch’ or apre or chiude
gli occhi, mezzo tra ’l sonno e l’esser desto.13
ces vers, introduits dès 1582 dans le texte français, permettaient par une comparaison à valeur d’hypotypose de donner à saisir de façon précise sa propre « veue si trouble ». Montaigne compléta ce passage dans l’édition suivante en ajoutant, quelques lignes avant la première citation, deux autres vers tirés d’un autre chant du même poème :
Perchè dubbiosa ancora del suo ritorno,
non s’assecura attonita la mente.14
il avait modifié le « ma pure » du texte original afin d’intégrer les vers dans son propre texte comme une explication : le retour à la pleine conscience est long, il dure « un long trait de temps » comme si l’âme étourdie n’était pas encore assurée d’être en vie.
Ce n’est sans doute qu’un hasard si Montaigne tirait plusieurs citations de la Civile conversazione de Stefano Guazzo. Mais l’intérêt tout particulier qu’il témoigna à cet ouvrage rappelle aussi qu’il concevait ses propres essais comme une conversation. Comme chez Guazzo, mais selon des modes différents, les citations jouent leur rôle dans cette conversation, se chargeant d’allusions partagées ou assumant la voix même de l’écrivain. Les trois vers de la Gerusalemme cités dans le chapitre II, 8, dans leur banalité apparente, se chargent d’implications particulières. Ce chapitre en effet est dédié à Mme d’Estissac, et ces vers sont à mettre en relation avec le fils de celle-ci, Charles d’Estissac. Montaigne avait accompagné le jeune homme en Italie et c’était en sa compagnie qu’il avait été reçu par le duc de Ferrare et avait pu voir le Tasse dans sa prison. La citation s’insère dans un développement topique consacré au meilleur âge pour se marier ; elle amplifie une remarque dénonçant l’affaiblissement des vertus guerrières chez les jeunes mariés, et décrit le héros alangui dans les délices des premiers temps de la vie conjugale :
Ma hor congiunto a giovinetta sposa,
lieto homai de’ figli era invilito
negli affetti di padre e di marito.15
ces vers pouvaient apparaître comme une allusion personnelle dans un chapitre tout particulièrement nourri de telles allusions à la famille et aux proches de l’écrivain, jouer comme une admonition destinée au jeune Estissac, en âge de prendre femme et de faire le choix entre la gloire et le bonheur. Le jeune homme, qui après son retour d’Italie allait être nommé gentilhomme de la Chambre en 1584, semble avoir suivi la mise en garde implicite de Montaigne et avoir préféré conserver sa vertu intacte, pour mourir sans alliance au cours d’un duel resté fameux.
Dans les essais, à travers les citations, les poètes parlent en leur propre langue intervenant en une conversation à plusieurs voix, pour dire leur expérience, leur connaissance de l’âme, des passions et des sentiments, pour porter témoignage des incertitudes et des doutes de l’esprit, dans le cadre d’un débat parfois contradictoire. Dès le chapitre 2, alors qu’il cherche à exorciser les menaces de la mélancolie qui l’avait conduit à entreprendre la rédaction de son livre, Montaigne fait littéralement parler Pétrarque, sous la figure topique de l’amant, ou plus exactement, à travers la voix singulière d’un poète-amant, se fait entendre le choeur de tous les amants : « Chi può dir com’ egli arde è in picciol fuoco ».16Montaigne rapprochait ce vers d’un vers de Sénèque qu’il paraphrasait : « toutes passions qui se laissent gouster et digerer, ne sont que mediocres », avant de recourir au « divin poème » de Catulle pour dire, de façon plus ferme et plus nette, selon lui, la douleur excessive qu’engendre la passion au point de rendre son expression impossible à celui qui l’éprouve.
Quatre autres vers pris de la gerusalemme permettaient à Montaigne de se dire lui-même, dans le chapitre 5 du livre III, le chapitre consacré à l’amour et aux dames, selon une comparaison cosmographique et mythologique, de se dire dans son intimité la plus profonde : « je sens encore quelques tiedes restes de cette ardeur passée :
Qual l’alto Ægeo, che per aquilone o noto
cessi, che tutto, prima il vuolse et scosse,
non s’accheta ei però, ma ’l sono e ’l moto,
ritien de l’onde anco agitate e grosse »,17
comme la mer reste animée du mouvement de la tempête, alors que le vent a cessé de souffler. De façon plus précise enfin, en évoquant sa propre irrésolution, ce « defaut très incommode à la negociation des affaires du monde », Montaigne prenait appui sur un vers de Pétrarque : « Né si, né no, nel cuor mi suona intero »,18un vers qu’il partageait avec Guazzo. En citant des vers italiens, il finissait par confondre sa personne et sa voix avec celles des poètes ; il faisait siens leurs doutes ou leurs certitudes pour exprimer sa vérité intime. En les lisant attentivement, il entendait les voix de l’amour et les leçons de l’histoire ; en citant leurs vers, en italien ou en latin, au coeur d’un texte français en prose, il les faisait résonner en poète, tout en conjurant le risque de « faire le sot » s’il avait eu la velléité de composer lui-même de la poésie qui ne fût pas égale à celle des maîtres anciens et modernes.
Montaigne était un lecteur de poésie, de cette poésie qui avait su le « transpercer et transporter » dès son enfance.19Dans un chapitre bien connu, avant de développer par un dernier ajout une conception sublime de la poésie comme pouvoir d’expression et comme fureur, il définissait un premier canon, qu’il compléta et nuança dans la suite de son livre : il nommait ainsi Virgile, dont il ne cessait de célébrer la perfection, Lucrèce, Catulle et Horace, mais aussi Lucain, Ovide et Térence, voire Théodore de Bèze, un « galant homme » dont Montaigne remarquait qu’il était l’auteur de vers « excellens et en beauté et en desbordement » en même temps qu’il imposait « la plus querelleuse reformation theologienne ».20Les poètes italiens ne font pas partie de cette liste, ils ne sont jamais nommés ni évoqués ensemble, jamais mis en relation avec les citations données dans le texte. Montaigne leur consacra toutefois un discours fragmentaire, épars dans deux ou trois chapitres principaux, et toujours en relation aux poètes antiques.
Dans l’« Apologie de Raimond Sebond », la poésie est liée à la folie de Lucrèce et du Tasse. Si elle est une expérience de la beauté, elle révèle aussi ses limites, comme moyen de connaissance et comme forme d’art. Montaigne la considère dans la perspective anti-intellectualiste du scepticisme chrétien, comme un vain discours, comme une expression pernicieuse et vaine de l’agitation de l’esprit humain, incapable de connaître la vérité. C’est dans ce contexte que prend sens le portrait du poète italien dans sa prison. En 1580, dans une première rédaction de son argument, pour montrer combien « l’agitation de nostre esprit nous apporte de maladie » Montaigne n’avait à sa disposition que l’exemple des bêtes et une opposition proverbiale entre la virilité du muletier et les défaillances du gentilhomme, prise de Marguerite de Navarre. Dans la deuxième édition des essais, il proposait l’argument de la mélancolie, auquel il donnait une force particulière en l’illustrant d’un exemple contemporain et vécu lors de son voyage, celui du poète entrevu à Ferrare. Dans sa prison, le Tasse lui apparaissait comme l’illustration, comme une figure emblématique de la fragilité humaine et de la présomption. Dans l’édition suivante, Montaigne résumait la thèse et cet exemple par le paradoxe en forme d’oxymore liant la « plus subtile folie » à la plus subtile sagesse, pour conclure, dans l’édition posthume sur une ironie de source paulinienne : « il nous faut abestir pour nous assagir ; et nous esblouir pour nous guider », une conclusion qui ne réhabilitait nullement le poète ni sa folie. L’éloge même du Tasse apparaît ainsi comme un éloge réticent. Le passage fut l’objet de corrections et d’une rédaction plusieurs fois reprise, qui montrent la réserve de Montaigne à l’égard du poète. En 1582, il présentait le Tasse comme « le plus judicieux, le plus delicat, le plus formé à l’air de ceste bien antique, naifve, et pure poesie ».21L’édition posthume, qui corrigeait une leçon erronée de 1588, déplorait son malheur en ces termes :
Quel sault vient de prendre de sa propre agitation et allegresse, l’un des plus judicieux, ingenieux et plus formés à l’air de cette antique et pure poësie, qu’autre poëte italien n’aye de longtemps esté ?22
au fil des éditions, le Tasse perdait ainsi, au jugement de Montaigne, avec sa délicatesse, sa primauté sur les autres poètes italiens.
Parmi ceux-ci, Pétrarque occupait une place particulière. Il faisait depuis deux générations l’objet d’un discours cohérent des lettrés français, dont les « lieux » rhétoriques, formulés une première fois par Jean Lemaire de Belges, avaient été codifiés par Du Bellay dans la deffence et illustration de la langue françoise, qui les avait lui-même pris de Sperone Speroni. Ce discours, de nature apologétique, était en fait destiné à célébrer et à promouvoir la nouvelle poésie française, émule et rivale de la poésie toscane.23Les essais font écho à l’extraordinaire succès européen de la poésie ou plus exactement du lyrisme amoureux de Pétrarque. Montaigne pourtant ne nomme jamais Pétrarque dans son livre, sinon à travers une double médiation. Pétrarque n’apparaît comme personnage lyrique, comme l’amant de Laure et comme poète, offrant le modèle de la poésie amoureuse, que dans le canzoniere de La Boétie recueilli provisoirement dans le chapitre I, 29 avant d’être supprimé de l’édition posthume pour être édité ailleurs. Les deux métonymies du « ruisseau de Sorgue » et de « l’olivier d’Arne » prenaient la valeur d’une allégorie pour désigner le modèle avec lequel entendait rivaliser le poète français. En même temps, développant une figure d’ethos destinée à mettre en évidence la sincérité de son amour, La Boétie refusait de suivre « du Florentin transi, les regretz languoreux »,24dans une dénégation dont les termes étaient repris de Ronsard, qui cherchait à se distinguer du poète et de l’amoureux à l’italienne.
Dans le chapitre « Des Livres », Montaigne marquait son refus des « fantastiques elevations Espagnoles et Petrarchistes ».25En apparence, cette formule est un écho de cette même topique anti-pétrarquiste qui parcourt le demi-siècle. L’adjectif lui-même, « petrarchiste », qu’il emploie dès la première édition, est, sinon un néologisme, du moins un terme rare, inventé, par Nicolò Franco dans son dialogue parodique il petrarchista, publié à Venise en 1539. Montaigne le connaissait probablement par Du Bellay, qui en avait fait le titre d’une pièce plus ancienne reprise dans les divers jeux rustiques et dans laquelle il s’en prenait au poète de cour qui « Va son amour et son style fardant [...] comme un second Catulle ».26En 1553, dans la première version de son poème, Du Bellay ne l’employait pas encore. Il évoquait simplement « l’art de pétrarquizer », claire réponse au « petit sonnet pétrarquizé » de Ronsard. Cette expression, dans le contexte des polémiques littéraires à la cour de Henri II, rattachait directement une forme, le sonnet, à Pétrarque, qui était alors considéré comme son inventeur. Ronsard semblait traiter avec mépris cette forme nouvelle en français, pour mettre en évidence, par contraste, l’ambition lyrique et la haute érudition de l’ode pindarique dont il faisait alors l’essai ; lui-même n’avait pas encore composé de canzoniere à la manière de Pétrarque, et autant que le poète italien, qu’il allait imiter deux ans plus tard dans ses propres amours, il prenait pour cible celui qui avait illustré le « sonnet pétrarquizé » à la française, Du Bellay lui-même, dans l’olive. Dans le même temps, le terme se doubla d’un sens moral. Dans la préface de son Abraham sacrifiant, célébrant le genre protestant de la tragédie sacrée, Théodore de Bèze dénonçait la futilité du genre du sonnet, voué à la poésie amoureuse en vogue à la cour, alors qu’il
seroit mieux séant de chanter un cantique à dieu que de petrarquizer un sonnet et faire l’amoureux transi digne d’avoir un chaperon à sonnettes.27
pour les Français du milieu du XVIe siècle le terme prit un sens éthique que Muret, dans son commentaire aux amours de Ronsard, définit comme « faire l’amoureux transi », offrant à La Boétie la matière de son vers.28
en parlant d’« elevations Petrarquistes », Montaigne, lecteur attentif de Théodore de Bèze, de Du Bellay, de Ronsard et de La Boétie, connaissait assurément toute cette tradition et le double sens que recouvrait le terme. Mais il situait son propos sur un plan plus technique que celui de la dénonciation morale d’un code amoureux à l’usage des dames et des adolescents qu’il pouvait considérer avec une certaine distance. Son propos portait sur le genre particulier de l’épigramme, mais aussi, si l’on suit son texte dans tout son développement, sur la construction à donner au grand poème, dont Virgile et l’Arioste offraient des solutions contraires. Les « fantastiques elevations » apparaissent ainsi comme un excès, comme la troisième étape d’une gradation, après « l’esgale polisseure et [...] perpetuelle douceur et beauté fleurissante », dont les épigrammes amoureuses de Catulle, prototype d’un pétrarquisme avant Pétrarque selon Du Bellay, étaient l’expression la plus belle, et d’autre part, les « pointes mesmes plus douces et retenues, qui sont l’ornement de tous les ouvrages Poëtiques des siecles suyvants ». Le terme d’« elevation » est rare dans Les essais. Montaigne le met en relation avec le Tasse, précisément, et il lui donne dans ce cas un sens positif comme l’expression d’une « vertu supreme et extraordinaire ». Dans le contexte particulier du chapitre « Des Livres », les « elevations » désignent au contraire une forme et une expression brillantes, mais excessives, que Montaigne dit avoir lues chez les Espagnols et les pétrarquistes. Le premier terme demande lui aussi à être précisé : Montaigne n’évoque pas quelque néo-pétrarquiste espagnol, quelque concettiste avant l’heure, mais un auteur antique qu’il cite fréquemment dans les essaiset qu’il goûte pour son inégalité même, Martial, originaire de l’antique Bilbilis, qui aiguisait de ses « aiguillons » la queue de ses épigrammes.
Associées à l’Espagnol Martial et à ses pointes, les « elevations Petrarchistes » recouvrent en tout cas plus et autre chose qu’une simple allusion à Pétrarque, dont les Français reconnaissaient au contraire la douceur et la modération, voire déploraient la froideur plus que le feu. L’expression, liée au genre même qu’illustrait Martial, évoque un aspect technique de la théorie du sonnet, la question de la pointe. En 1550, dans la seconde préface de l’olive, Du Bellay cherchait à mettre en évidence sa propre originalité dans l’art de clore le sonnet par une « grace » particulière. Il opposait sa manière à celle de Luigi Cassola, un des « modernes Italiens » suiveurs de Pétrarque et des Anciens.29 Il nommait le poète italien et précisait qu’il n’avait rien lu de lui, ne le connaissant que de nom. L’argument était subtil et servait précisément à réfuter l’accusation de plagiat qui pouvait peser sur son recueil, lorsque des lecteurs avertis insistaient sur les similitudes qu’ils croyaient voir entre ses sonnets et ceux de l’Italien, les uns et les autres, se concluant par une pointe, étaient traités à la manière d’une épigramme. Cette question avait déjà été évoquée par Thomas Sébillet, qui faisait du sonnet la version italienne de l’épigramme antique. Mais sur ce point particulier, si Pétrarque était bien considéré comme l’inventeur de la forme moderne du sonnet, il apparaissait en retrait par rapport aux infléchissements que lui avaient donnés ses suiveurs. Jacques Peletier du Mans joua dans ce débat un rôle important. Non seulement, il était un des premiers traducteurs français de Pétrarque, un des premiers expérimentateurs de la forme du sonnet et l’initiateur de Ronsard et de Du Bellay à la poésie italienne, mais il fut aussi le premier à exprimer des réserves sur la manière de Pétrarque et à nuancer une admiration alors universelle, en insistant sur ce qu’il considérait comme la faiblesse des sonnets du poète florentin, leur clôture : « quelquefois il conclu[t]un peu froidement ».30Ce jugement est d’autant plus intéressant pour comprendre la position de Montaigne sur le sujet, que Peletier était un familier de l’auteur des essais, qui par deux fois le nomme dans son livre et mentionne leurs relations savantes. Son influence sur la culture poétique et italienne de Montaigne demanderait à être justement réévaluée. Ce n’était pas à Pétrarque, en tout cas, que Montaigne attribuait le défaut qu’il reconnaissait aux pétrarquistes, parmi lesquels les pétrarquistes français. Et ce n’est pas un hasard si la première des citations des rime de Pétrarque dans les essais, « Chi può dir com’ egli arde è in picciol fuoco », est un vers maxime, une pointe, qui servait à souligner non pas l’excès, mais l’expression trop modérée, incapable de dire la passion.
Les « fantastiques elevations Espagnoles et Petrarchistes » désignent en partie l’art de Martial. Elles peuvent aussi viser, de façon moins directe, l’art d’écrire de l’Arétin. Montaigne, dans un autre chapitre, réfutant l’appellation de « divin » trop emphatiquement accordée par les Italiens au polygraphe vénitien, précisait :
L’aretin : auquel, sauf une façon de parler bouffie et bouillonnée de pointes, ingenieuses à la verité, mais recherchées de loing, et fantastiques : et outre l’eloquence en fin, telle qu’elle puisse estre, je ne voy pas qu’il y ait rien au dessus des communs autheurs de son siecle.31
dans la mesure où ces « elevations » sont aussi « fantastiques », elles impliquent enfin l’orlando furioso, de façon plus surprenante et, de la part de Montaigne, non sans une certaine ironie, à l’occasion d’une seconde comparaison, d’un second paragone :
cette mienne conception se reconnoist mieux qu’en tout autre lieu, en la comparaison de l’Æneide et du furieux. celuy-là on le voit aller à tire d’aisle, d’un vol haut et ferme, suyvant tousjours sa pointe : cettuy-cy voleter et sauteler de conte en conte, comme de branche en branche, ne se fiant à ses aisles, que pour une bien courte traverse : et prendre pied à chaque bout de champ, de peur que l’haleine et la force luy faille.32
par cette comparaison, Montaigne entend réfuter « la bestise et stupidité barbaresque de ceux qui [...] comparent à cest’ heure Arioste » à Virgile. Il faisait peut-être une référence à un critique ou un commentateur italien, Simone Fornari, Giovanni Battista Pigna ou Giovanni Battista Giraldi Cinzio, qui avaient célébré l’orlando furioso en ces mêmes termes. Il faisait peut-être allusion à des vers de Dorat qui louait les modernes poètes italiens, dont l’Arioste, en les comparant aux anciens ;33il visait certainement Du Bellay, qui, dans la deffence et illustration, avait proposé en ces mêmes termes l’Arioste comme modèle du poème épique :
Comme a faict de nostre tens en son vulgaire un arioste italien, que j’oseroy’ (n’estoit la saincteté des vieulx poëmes), comparer à un homere et virgile.34
a ce jugement qu’il considérait aussi sommaire qu’irrespectueux des véritables hiérarchies littéraires et de la valeur des oeuvres, Montaigne opposait une comparaison esthétique, fondée sur une métaphore prise de l’art aristocratique par excellence, la volerie. Il mettait en exergue le dessein unitaire et la cohérence de la composition de l’enéide, tout en prenant en compte son inachèvement, pour les opposer à la fragmentation de l’orlando furioso, composé d’une succession de « contes » et de « fables », rangés en une suite arbitraire qui ne formaient pas un ensemble. L’argument semble très précisément repris de Peletier du Mans, qui critiquait ces « choses [...] indignes du Poeme Heroïque ».35Montaigne de surcroît opposait les deux poèmes, qu’il comparait l’un à l’oiseau de haut vol, à l’oiseau de proie, et l’autre à l’oiseau des jardins. L’image qu’il créait était elle-même une variation ingénieuse sur la critique que Ronsard, quelques années plus tôt, dans l’avis au lecteur de la franciade, avait adressée au romanzo italien, dont il refusait de suivre le modèle :
Non toutesfois pour feindre une poesie fantastique comme celle de l’arioste, de laquelle les membres sont aucunement beaux, mais le corps est tellement contrefaict et monstrueux qu’il ressemble mieux aux resveries d’un malade de fievre continue qu’aux inventions d’un homme bien sain.36
ronsard considérait l’orlando furioso comme une « Poesie fantastique », une oeuvre de pure imagination. Par ces termes, il l’opposait à un roman selon sa conception, fondé sur l’histoire et sur le respect de la vraisemblance. Montaigne pour sa part, au début de son argumentation, avait évoqué les « fantastiques elevations ». Il combinait en une même critique, par contaminatio, et peut-être sans véritable cohérence, deux « lieux » polémiques du jugement que les Français portaient sur la poésie italienne, sur Pétarque et sur l’Arioste.
a cet égard, Montaigne est bien un lecteur français, qui cite et qui critique au besoin les poètes italiens pour mieux se dire soi-même, pour dire, par analogie et par contraste, la nature fragmentaire, « fantastique » mais aussi génialement poétique de ses propres essais, de ses propres « elevations ».
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1 Une première version de cette étude, « ‘La peinture de la Poésie qui est libre et volontaire’ : Montaigne et ses poètes italiens » a été publiée dans les Montaigne Studies, XVIII, 1-2, 2006, p. 90-108.
2 Il Petrarca, Lyon, G. Rouillé, 1550, BnF (Rés. Z. Payen 497, reliure signée Duru, 1861). Parmi les livres en italien de Montaigne, on conserve La Historia universale (Venise, Sansovino, 1561), de Lionardo Bruni, Del Tevere (Venise, Aldo, 1576), d’Andrea Bacci, Dell’unione del regno di Portugallo alla corona di Castiglia (Gênes, 1585), de Girolamo de’ Franchi Conestaggio, La prima parte delle vite d’alcuni papi (Venise, Giolito, 1567), de Girolamo Garimberto, Delle Istorie (Venise, Cavalli, 1564), de Paolo Giovio, dans la traduction de Lodovico Domenichi, les Dialoghi di amore (Venise, Aldo, 1549), de Leone Ebreo, Le Antichità della città di Roma (Venise, Ziletti, 1558), de Lucio Mauro, La Disputa intorno alla presenza del corpo di Giesu Christo (Bâle, Perna, 1561), et le Catechismo de Bernardino Occhino, les Cento giuochi liberali (Bologne, Gaccarelli, 1551), d’Innocenzo Ringhieri, le Carcer d’amore (Venise, 1546), de Diego de San Pedro, dans la traduction de Lelio Manfredi, Del governo et amministratione di diversi regni (Venise, 1578), de Francesco Sansovino, La prima parte della geografia (Venise, 1562), de Strabon, dans la traduction d’Alfonso Bonacciuoli, La Seconda parte delle lezzioni (Florence, 1561), de Benedetto Varchi, Delle Historie universali (Venise, 1559), de Giovanni Villani. Cette liste doit être complétée par les livres italiens mentionnés dans Les Essais (les Lettere d’Annibal Caro) et ceux dont Montaigne s’était servi (La Gloria del Cavallo, de Pasquale Caracciolo, par exemple), et dont les exemplaires n’ont pas été retrouvés ; voir G. de Botton et F. Pottiée-Sperry, A la recherche de la librairie de Montaigne, in « Bulletin du Bibliophile », 1997, p. 254-98. Le 30 juin 1581, Montaigne, à Florence, fit l’acquisition de plusieurs volumes chez les Giunti, « un mazzo di commedie undici in numero, e certi altri libretti », Journal de voyage, éd. F. Rigolot, Paris, PUF, 1992, p. 187.
3 Michel de Montaigne, Les Essais, III, 3, éd., J. Balsamo, M. Magnien & C. Magnien-Simonin, édition des « notes de lecture » et des « sentences peintes », par A. Legros, Paris, Gallimard, 2007, p. 861 ; sur cette annotation, voir p. 1857.
4 Torquato Tasso, Il Rinaldo, Venise, F. de’ Franceschi, 1570 ; BnF (Rés. P. Yd.209). Voir J.-M. Chatelain, Le Tasse dans la librairie de Montaigne : sur un exemplaire inconnu du Rinaldo, in « Bulletin du Bibliophile », 1999, p. 125-28.
5 Montaigne, Les Essais, III, 13, p. 1115.
6 Pétrarque, Rvf 105, canzone XX, v. 48 ; Montaigne, Les Essais, II, 17, p. 693.
7 Sur cette question, voir notre étude Montaigne et le ‘saut’ du Tasse, in « Rivista di letterature moderne e comparate », LIV, 2001, p. 389-407.
8 Montaigne, Les Essais, II, 12, p. 520 ; le vers est adapté de Dante, Inferno V, vv. 121-22 : « nessun maggior dolore / Che ricordarsi del tempo felice ».
9 Voir C. Cavallini, L’italien de Montaigne, in « Montaigne Studies », XX, 2008, p. 207-22.
10 Montaigne, Les Essais, II, 37, « De la ressemblance des enfans aux peres », variante du texte de 1580-1588, p. 1701.
11 Montaigne, Les Essais, II, 35, « De trois bonnes femmes », variante de 1580-1588, p. 1694.
12 Montaigne, Les Essais, I, 41, « De ne communiquer sa gloire », p. 278.
13 Torquato Tasso, Gerusalemme liberata, VIII 26, vv. 3-4 ; MONTAIGNE, Les Essais, II, 6, « De l’exercitation », p. 392.
14 Tasso, Gerusalemme liberata, XII 74, vv. 5-6. ; Montaigne, Les Essais, ibid. p. 392.
15 Tasso, Gerusalemme liberata, X 39, vv. 6-8 ; Montaigne, Les Essais, II, 8, « De l’affection des peres aux enfants », p. 409. Sur le personnage, voir L. A. Colliard, Le thème du duel chez Montaigne : l’affaire d’Estissac, in « Montaigne Studies », XVI, 2004, p. 94-102.
16 Pétrarque, Rvf 170, v. 14, éd. 1550, sonnet CXXXVIII ; Montaigne, Les Essais, I, 2, « De la Tristesse », p. 37.
17 Tasso, Gerusalemme liberata, XII 63, vv. 1-4 ; Montaigne, Les Essais, III, 5, « Sur des vers de Virgile », p. 890.
18 Pétrarque, Rvf 168, v. 8 ; éd. 1550, sonnet CXXXVI ; Montaigne, Les Essais, II, 17, « De la presomption », p. 693 ; le vers est cité dans Stefano Guazzo, La Civile conversazione et attribué « al Poeta », éd. A. Quondam, Rome, Franco Cosimo Panini, 1993, p. 27.
19 Montaigne, Les Essais, I, 36, « Du jeune Caton », p. 237.
20 Montaigne, Les Essais, III, 9, « De la vanité », p. 1035.
21 Montaigne, Les Essais, II, 12, « Apologie de Raimond de Sebonde », variante de 1582, p. 1583.
22 Montaigne, Les Essais, II, 12, p. 518.
23 Sur ce discours et sa codification voir notre étude, « Nous l’avons tous admiré.... ». Pétrarque en France à la Renaissance : un livre, un modèle, un mythe, dans Les Poètes français de la Renaissance et Pétrarque, éd. J. Balsamo, « Textes et travaux de la Fondation Barbier-Mueller », 1, Genève, Droz, 2004, p. 13-34, ainsi que Petrarca nei trattati Francesi d’arte poetica del Cinquecento, dans Il petrarchismo. Un modello di poesia per l’Europa. Actes du colloque de Bologne 2004, éd. L. Chines, Rome, Bulzoni, 2006, t. I, p. 375-90.
24 E. de La boétie, sonnet XI, v. 4, in Montaigne, Les Essais, p. 1173.
25 Montaigne, Les Essais, II, 10, « Des livres », p. 432.
26 Joachim du Bellay, « Contre les Petrarquistes », Divers jeux rustiques [1558], éd. H. Chamard, Paris, STFM, 1923, t. V, p. 69.
27 Théodore de Bèze, Abraham sacrifiant, [Genève, C. Badius], avis au lecteur.
28 Pierre de Ronsard, Les Amours [1553], commentaire de M. A. Muret au sonnet CXXIII, vv. 3-4, « Je ne sauroi, veu ma peine si forte / Tant lamenter ne tant Petrarquiser » ; éd. C. de Buzon et P. Martin, Paris, Classiques Didier, 1999, p. 164.
29 Originaire de Plaisance, le cavaliere Luigi Cassola (1474-vers 1560) était lié à Giuseppe Betussi, qui édita son recueil de Madrigali (Venise, 1544) ; Du Bellay ne pouvait guère connaître de lui que deux sonnets publiés dans les Rime diverse di molti eccellentissimi autori (Venise, 1545), dont l’un se conclut sur une pointe : « In donna sì crudel tanta beltade ».
30 J. Peletier du Mans, Art poetique françois [1555], in Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, éd. F. Goyet, Paris, Librairie générale, 1990, p. 293.
31 Montaigne, Les Essais, I, 51, « De la vanité des parole », p. 327. Pour un commentaire détaillé de ce passage, voir notre étude Montaigne, le style (du) cavalier, et ses modèles italiens, in « Nouvelle revue du Seizième siècle », XVII, 2, 1999, p. 253-67.
32 Montaigne, Les Essais, II, 10, p. 433.
33 J. Dorat, « In Isabellam Vallaei », dans Antoine Mathé de Laval, Isabelle imitation de l’Arioste, Paris, Breyer, 1576, f. a3 ; la pièce a été réimprimée dans les Poematia, Paris, Linocier, 1586, p. 13.
34 Joachim du Bellay, La Deffence et Illustration de la langue françoyse, éd. H. Chamard, Paris, 1996, p. 128.
35 Peletier du Mans, Art poetique françois, p. 261.
36 Pierre de Ronsard, La Franciade, avis au lecteur, Œuvres complètes, éd. P. Laumonier, Paris, STFM, t. XVI, 1950, p. 4.