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Cadavres exquis bibliographiques

Ce qu’enseignent deux singuliers montages de libraire sur le marché du livre poétique au XVIe siècle

Guillaume BERTHON

Université du Sud (Toulon-Var). Laboratoire Babel (EA 2649)

Le spécialiste de poésie ancienne ne s’intéresse bien souvent qu’aux deux ou trois grandes éditions autorisées d’un recueil poétique majeur, le plus souvent abordées à travers des éditions modernes dont la fidélité aux témoins d’époque est variable. Les autres éditions sont généralement négligées pour leur manque d’autorité : les pièces apocryphes y abondent et les erreurs s’y comptent par dizaines. En somme, ces éditions ne quittent généralement les rayonnages des bibliothèques qui les conservent que pour quelques consultations pressées en vue de l’établissement d’une fiche descriptive sommaire qui alimentera à son tour quelque bibliographie exhaustive (d’un auteur, d’un libraire ou d’un imprimeur, d’un genre, etc.). Au mieux, elles seront citées comme preuves du succès ou comme faire-valoir pour les éditions autorisées. Si les raisons de ce désintérêt sont non seulement compréhensibles mais aussi, la plupart du temps, tout à fait raisonnables, effectuer occasionnellement la démarche inverse, c’est-à-dire placer au centre de l’étude les contrefaçons et les éditions non autorisées, n’est pas sans apporter quelques heureuses surprises ni sans poser de fertiles problèmes.

Depuis huit ans, environ, que nous nous intéressons à la bibliographie ancienne des œuvres de Clément Marot, nous avons eu maintes fois l’occasion d’ouvrir ces éditions délaissées, parfois même inconnues, tant les catalogues des bibliothèques ou les bibliographies généralistes ne s’aventurent bien souvent guère au-delà de la seule page de titre1. Nous voudrions présenter ici deux des cas les plus singuliers qu’il nous ait été donné de rencontrer, afin de montrer de quelle manière (paradoxale) ils permettent de mieux comprendre ce qu’est un recueil poétique « à l’époque de sa reproductibilité technique », et de mieux éclairer les raisons circonstancielles qui guident Marot dans la constitution de son recueil.

MAROT ET LES FRÈRES L’ANGELIER : UN RENDEZ-VOUS MANQUÉ ?

Au début des années 1540, Arnoul l’Angelier est avec son frère Charles un libraire fort en vue du Palais de justice parisien2. Depuis 1536, les deux « anges liés » (selon le jeu onomastique que proclame leur marque) ont adossé leurs bancs remplis de livres aux premier et second piliers de la grande salle du Palais. C’est bien entendu à cette clientèle relativement homogène qu’ils destinent les textes qu’ils publient : parlementaires, bien sûr, mais aussi membres des grands corps de l’État qui siègent dans le bâtiment, et tous ceux qui s’attardent sur l’Île de la Cité pour leurs affaires3. Dans la production des L’Angelier au tournant des décennies 1530 et 1540, on trouve donc des livres de droit, des ordonnances royales, des protocoles et autres formulaires, mais aussi de très nombreux ouvrages relevant de ce que l’on appellera plus tard les Belles-Lettres, soit une série de traductions en français d’ouvrages grecs, latins ou italiens, des recueils de poésie ancienne et moderne – le Printemps de Jean Leblond semble être la première édition publiée par Arnoul4 – et des livres historiques, le tout complété par des ouvrages de piété qui vont du Livre de l’internelle consolation à de petits traités aux accents réformés plus vigoureux5. Cette spécialité littéraire de l’officine L’Angelier, déjà bien affirmée, se distinguerait bientôt par le coup d’éclat de la publication conjointe en 1549 de la Deffence et illustration de la langue françoyse et de L’Olive6.

Au tout début des années 1540, pourtant, malgré cette prédilection pour l’actualité littéraire faite pour plaire aux arpenteurs cultivés des galeries du Palais, les deux frères semblent encore rester à distance du singulier phénomène éditorial marotique. Lancé en 1532 par la librairie à l’enseigne du Faucheur (tenue par Pierre Roffet jusqu’à son décès en 1533, puis par sa veuve, Jeanne Cassot, jusqu’en 1537), le florissant marché des éditions des œuvres de Clément Marot continue année après année de prendre son remarquable essor. Or depuis la mort de la veuve Roffet, Étienne, l’un des fils de Pierre et Jeanne (sans doute l’aîné), ne publie plus du poète que des nouveautés isolées, abandonnant à ses confrères les rééditions systématiques et lucratives des autres œuvres marotiques. Les principaux libraires du Palais et de l’Île de la Cité, suivis par quelques confrères de la rive gauche eux aussi appâtés, ne se font pas faute de s’engouffrer dans la brèche et Gilles Corrozet, Denis Janot, Vincent Sertenas, Antoine Bonnemère et Jean Bignon prennent dûment la relève dans la capitale7. Jusqu’en 1541, Arnoul et Charles L’Angelier ne paraissent quant à eux pas contaminés par la fièvre marotique qui touche leurs principaux confrères.

L’année 1541 marque toutefois un tournant de cette histoire éditoriale. Cette année-là, Gilles Corrozet obtient – ou plutôt dérobe si l’on en croit le poète indigné8 – la primeur de la traduction marotique de l’antique poème grec de Musée sur les amours tragiques de Léandre et Héro. Il la publie aussitôt après avoir spécialement obtenu un monopole de deux ans de la prévôté de Paris daté du 10 janvier 1540 (1541 n. s.). Associé pour la première édition (in-4°) à Jean André, son voisin du Palais, Corrozet s’adjoint pour la seconde (in-8°) les finances d’un autre de ses voisins, Charles L’Angelier lui-même, et lui met ainsi le pied à l’étrier marotique9. À partir de cette même année, les deux frères, séparément ou conjointement, vont publier des Œuvres du poète de Cahors (en 1541, 1542, 1547, 1548), son édition de Villon (1541 et 1542) ou encore ses traductions des psaumes (1546 et 1547).

Ce changement d’attitude a probablement quelque chose à voir avec le mariage, vers 1540 selon Jacques Renouard10, de Girarde Roffet et Arnoul L’Angelier. Un élément matériel semble le confirmer : la présence, à la suite du seul exemplaire complet conservé des Œuvres de 1542 publiées par les deux frères, de l’édition des Psaumes procurée par Étienne Roffet en 1543, et ce alors que les deux livres ont été imprimés au moyen du même matériel typographique, probablement celui d’Étienne Caveiller11. L’alliance des Roffet et des L’Angelier paraît donc avoir eu comme heureux effet de lancer l’officine aux deux anges dans le marché marotique.

Mais restons quelques instants sur cet hymen de 1540. Dans la dot de Girarde figure logiquement une partie des biens de feus Pierre Roffet et Jeanne Cassot. L’inventaire réalisé à la mort de cette dernière, soit en 1537, nous est connu ; il a jadis été dépouillé et commenté par Annie Charon-Parent12. Parmi les 6 658 livres que compte l’héritage, on remarque la présence de « 66 petits volumes et de 80 rames petit et moyen papier » d’œuvres de Jean et Clément Marot. Ces derniers chiffres, relativement peu élevés si on les confronte aux stocks que révèlent des inventaires après décès comparables13, paraissent indiquer tout à la fois les faibles tirages auxquels procédaient sans doute les Roffet (650 plutôt que 1 300 exemplaires, probablement), et l’important débit des éditions de L’Adolescence clementine et des recueils appariés, dont l’enseigne au Faucheur a multiplié les rééditions de 1532 à 1536 – huit éditions de la seule Adolescence clementine ! Ces invendus à la date de 1537 étaient probablement composés d’exemplaires de la dernière édition Roffet, celle de 1536, au reste l’une des plus grossièrement réalisées, imprimée à l’économie – le moindre blanc typographique a été exploité pour serrer au mieux la composition – sur du papier médiocre14.

Malheureusement pour les jeunes mariés, l’année 1538 est une année de profonds bouleversements dans l’histoire éditoriale des œuvres marotiques. Jusqu’alors, celles-ci se composaient des recueils successivement entassés par le poète : L’Adolescence clementine dès août 1532, la Suite de l’Adolescence clementine fin 1533 et la traduction du Premier livre de la Metamorphose d’Ovide en 1534, triptyque auquel les libraires joignaient souvent le Recueil des œuvres de Jean Marot éditées par son fils au tournant des années 1533-1534. Au cours de l’été 1538 paraît à Lyon chez Étienne Dolet et Sébastien Gryphius une nouvelle édition des œuvres du poète de Cahors15. Celui-ci a revu en personne pour l’occasion un certain nombre de textes et réorganisé l’ensemble en quatre volets réunis sous le titre commun d’Œuvres : on y retrouve en premier L’Adolescence clementine et La Suite de l’Adolescence clementine, remaniées de façon importante, suivies par une abondante série d’Epigrammes mêlant ancien et nouveau, le tout étant toujours couronné par la traduction d’Ovide.

Comme on pouvait s’y attendre, les libraires parisiens que nous avons énumérés font immédiatement leurs le contenu et l’organisation de cette nouvelle édition, d’autant que l’émission au nom de Sébastien Gryphius n’était protégée par aucun privilège particulier. Antoine Bonnemère et Vincent Sertenas prennent même le soin de préciser que leur édition a été faite « sur la coppie de Greffius de Lyon »16. Dans leur grande majorité, les libraires se résignent donc probablement à sacrifier leurs stocks d’éditions marotiques ancienne manière, ou à les écouler sur des marchés secondaires moins exigeants en termes de nouveauté éditoriale que les étals du Palais parisien – nous reviendrons sur cette hypothèse plus loin. Ainsi d’Antoine Bonnemère, justement, qui venait de proposer en cette même année 1538 avec l’aide de Pierre Sergent une édition des trois vieux recueils complétés par les œuvres de Jean Marot et une nouveauté de quelques feuillets17. L’innovation lyonnaise le contraint à réimprimer entièrement l’édition « sur la coppie de Greffius », en s’associant cette fois à Vincent Sertenas, le partage des frais d’impression s’imposant peut-être à Bonnemère en raison de l’infortune économique due à la malheureuse édition datée de 1538 que la concurrente lyonnaise venait de rendre caduque.

Tous les libraires semblent s’être conformés à ce modèle, et il n’y a guère qu’un commerçant d’Anvers pour faire encore imprimer en 1539 une édition de Marot qui perpétue les anciennes divisions et les versions des textes antérieures à la révision de 153818. Arnoul L’Angelier semble pourtant avoir été à la fois plus pingre et moins regardant que ses collègues. Se trouvant, suite à son mariage, en possession de stocks d’éditions marotiques publiées à l’enseigne du Faucheur avant la date de 1538, il paraît rechigner à n’en tirer aucun profit. Plutôt que de s’en défaire à vil prix ou de les abandonner dans les entrailles de son magasin, il décide de les recycler par un superficiel travail de dépoussiérage dont deux témoins ont survécu, à la description desquels nous voudrions désormais nous consacrer.

BRICOLAGES DANS LA BOUTIQUE D’ARNOUL L’ANGELIER

Le premier d’entre eux est conservé à la bibliothèque de l’Université de Göttingen et de l’État de Basse-Saxe et le second à celle de l’Université de Cambridge19. Sur la page de titre, dont le détail varie quelque peu entre les deux exemplaires, Arnoul L’Angelier annonce « Les Œuvres de Clement Marot » et énumère correctement les quatre volets dont se compose l’ouvrage depuis l’édition jalon de 1538, auxquels l’éditeur ajoute même « Une eglogue nouvelle » composée par Marot en 1539. La mention « Le tout par luy [le poète] autrement et mieulx ordonné que par cy devant » est coutumière – pas un libraire ne s’en prive alors ! – et achève de donner au livre l’air familier des très nombreuses éditions qui paraissent en ces mêmes années et proposent le canon défini par l’édition de 1538, éventuellement enrichi d’une poignée de fraîches nouveautés. Les bibliographes pressés s’y sont eux-mêmes souvent trompés, identifiant ces exemplaires avec ceux d’une véritable nouvelle édition L’Angelier publiée en 1541-1542 (mais aux noms conjoints des deux frères20).

Et pourtant, lorsque l’on ouvre le livre, on constate rapidement que la page de titre générale, qui appartient au bifeuillet a1/8, est d’une typographie radicalement différente des autres feuillets : au titre et au huitième feuillet, un caractère romain de type Gaillarde et de style aldin (R 64), contre un romain non aldin de type Philosophie (R 73-74) pour les autres feuillets du cahier a et des cahiers suivants21. Le détail révèle rapidement le montage de libraire que constituent ces deux exemplaires. L’édition ainsi rhabillée est, comme on l’aura compris, la dernière édition Roffet de L’Adolescence clementine, publiée à la date de 153622. Les volets suivants ne cachent plus la supercherie, l’éditeur s’étant paresseusement contenté de ne changer que la page de titre générale. En feuilletant les deux exemplaires, on tombe ainsi sur le titre original de La Suite de l’Adolescence clementine, toujours publiée en 1536 par la Veuve Roffet, et imprimée dans le même caractère romain quelque peu démodé au début des années 1540.

Les choses changent très légèrement pour le reste du volume. En effet, bien qu’elle ait généralement été jointe aux autres recueils marotiques, la traduction des Métamorphoses d’Ovide avait toujours été imprimée par Étienne Roffet, le fils aîné de Pierre et Jeanne. S’il restait encore des exemplaires de la dernière édition de la Metamorphose, datée elle aussi de 1536, ils devaient donc figurer parmi les possessions d’Étienne, et non dans l’héritage de Girarde, passé dans les mains d’Arnoul L’Angelier. Notre éditeur ne se décourage pas pour si peu, et fait feu de tout bois. Dans l’exemplaire de Göttingen, on le voit mettre la main dans son propre stock de librairie, et insérer après la Suite de l’Adolescence une traduction du dixième livre de la même Metamorphose, due au marotique mais peu connu Calvy de la Fontaine23, qu’avaient publiée les frères L’Angelier en février 1536 (a. s.), soit au tout début de leur carrière – par parenthèse, signalons que l’existence de l’édition L’Angelier et de la traduction de Calvy est absolument ignorée des bibliographies courantes24. Dans l’exemplaire de Cambridge, en revanche, Arnoul a préféré recourir à la Metamorphose publiée par son collègue (et régulièrement associé) Antoine Bonnemère en 153825. Comme par hasard, il s’agit de l’édition de 1538 que nous évoquions précédemment, dont le débit a probablement été sacrifié par la sortie concomitante de la nouvelle mouture lyonnaise des Œuvres du poète qui avait contraint Bonnemère à la réimpression immédiate de l’ensemble, Metamorphose comprise.

Mais le seul véritable problème qui se posait à Arnoul L’Angelier était de trouver de quoi composer un quatrième volet d’Epigrammes, puisque rien de tel n’existait dans la production marotique (ni même dans la production poétique française) avant 1538. Cette fois, notre libraire du Palais se résigne à acquérir les quatre cahiers correspondants (signés PP-SS8) de l’édition récente des Œuvres du poète de Cahors tout juste publiée par Jean Bignon26. Il en profite pour prendre au libraire-imprimeur de la montagne Sainte-Geneviève le petit cahier de nouveautés (signé a8) comprenant la récente Églogue au roy, le Dieu gard, et la pièce composée par Marot à l’occasion de l’entrevue niçoise arrangée en 1538 par le Pape entre le Roi et l’Empereur27.

Arnoul peut ainsi proposer aux lecteurs distraits du Palais une édition des Œuvres marotiques aux allures de nouveauté tout en écoulant les rames de papier déjà imprimé que son récent mariage lui a mises entre les mains, mais que l’activité éditoriale du poète paraît avoir rendu invendables en l’état. Les deux témoins qui nous restent aujourd’hui des bricolages du libraire ressemblent donc fort à ce que l’on nommerait volontiers des cadavres exquis bibliographiques, soit un panachage composite d’éditions réunies sous un même titre rassembleur et mensonger.

Alexandre Piffault a montré qu’Arnoul procédera encore une dizaine d’années plus tard d’une façon similaire, quoique plus scrupuleuse : L’Olive augmentée de Du Bellay imprimée en 1550 s’étant mal vendue, notre libraire décide en 1552 de l’insérer au sein d’un nouveau recueil composé d’une réédition de La Deffence et illustration de la langue Françoise, de L’Anterotique de la vieille et de la jeune Amye et des Vers liriques – la nouvelle page de titre annonce les quatre volets comme faisant partie d’un même geste28. L’artifice permet à l’ingénieux libraire de remettre à la vente ces anciens exemplaires du recueil amoureux de Du Bellay dédaignés du public lettré, au point qu’il est même contraint de réimprimer une série d’Olive dès 1554 pour être en mesure de proposer encore ce montage qui semble recueillir les faveurs du public29. Comme on peut toutefois le constater, la cohérence et l’honnêteté éditoriales sont préservées dans cet habile assemblage, ce qui n’est guère le cas du Marot trafiqué que nous avons décrit. Il convient donc désormais de comprendre les enjeux posés plus précisément par ces montages dépareillés de 1541.

MARCHÉ DU RECUEIL POÉTIQUE ET COMPORTEMENTS D’ACHETEURS

Le rapiéçage auquel se livre l’aîné des deux frères L’Angelier est singulier et apparemment paradoxal. D’un côté, il suppose un lecteur doté d’un certain discernement, assez exigent pour réclamer à son libraire la dernière édition des Œuvres du grand poète de François Ier, et refuser d’acquérir une édition obsolète. De l’autre, il suppose un lecteur suffisamment étourdi pour ne se fier qu’au titre général de l’ouvrage, ne pas remarquer la bigarrure typographique des premiers feuillets – ce n’est pas seulement la différence du style des caractères, mais leur taille même qui est en cause – ni la présence, sur les pages de titre intermédiaires, de noms de libraires et surtout de dates différents (1536 pour La Suite de l’Adolescence procurée par la veuve Roffet, 1537 pour la Metamorphose de Calvy de la Fontaine, 1538 pour celle qu’avait publiée Bonnemère).

Le problème soulève en fait plusieurs questions étroitement liées. Un lecteur averti dispose-t-il alors d’une vision suffisamment complète du marché éditorial pour distinguer entre les diverses éditions d’une même œuvre ? Pour les textes de grand débit, se contente-t-il d’exiger une édition de date récente, ou a-t-il une idée de ce qu’il est censé y trouver ? Cherche-t-il avant tout à se procurer une partie plus ou moins complète des œuvres d’un auteur, ou désire-t-il plus spécifiquement des compositions récentes, quitte à payer à nouveau pour des textes déjà possédés ? Cette dernière question, en particulier, suppose l’existence de lecteurs assez passionnés pour acheter des éditions successives des œuvres du même poète. Les bibliothèques anciennes que les inventaires après décès nous permettent aujourd’hui de reconstituer partiellement ne font pas voir, à notre connaissance, de possesseur de plusieurs éditions marotiques différentes30. Mais ces inventaires sont trop souvent rudimentaires, et il n’est pas interdit de penser qu’on se débarrassait (don, revente, ou même destruction) des éditions périmées31. D’ailleurs, le chanoine Jean Botzheim ne reprochait-il pas à Érasme de devoir racheter régulièrement les œuvres de son ami en raison des révisions et augmentations caractéristiques de la manière de l’humaniste ?32 Commentant en 1538 la réorganisation de ses Œuvres, Marot écrit lui-même :

plus facilement, que paravant, rencontrerez ce, que vouldrez y lire. Et si ne le trouvez là, où il souloit estre, le trouverez en reng plus convenable33.

La formulation suppose bien un public de lecteurs fidèles et connaisseurs, migrant d’édition en édition à mesure que le poète révise son œuvre. Ce type de lecture ne fera que se répandre dans les années qui suivent. L’édition publiée « à l’enseigne du Rocher » en 1544, l’année où se tait définitivement Marot, est la première à proposer une table monumentale de seize pages qui répertorie l’intégralité des pièces incluses dans l’ouvrage, invitant à une lecture fragmentaire qui serait lecture de reconnaissance autant que lecture de découverte.

Malgré tout, d’autres indices suggèrent tout autant l’idée d’un marché fortement segmenté, où l’acheteur n’a accès qu’à une information très partielle. De ce point de vue, l’observation des livres achetés par Fernand Colomb, le fils du navigateur, qui datait toujours minutieusement ses achats, est particulièrement instructive. En effet, les acquisitions du bibliophile sévillan lors de son voyage français de 1535-1536 (à Montpellier de juin à juillet 1535, puis à Lyon d’août à février 1536, et enfin Avignon de mars à mai 153634) ne sont pas toujours celles que l’on attendrait. On remarque d’abord que notre lecteur est capable d’acheter à trois mois d’intervalle deux éditions équivalentes du même ouvrage, le Messager d’amours d’un certain Jean Piquelin35. Mais mieux vaut en rester aux livres marotiques, qui constituent un intéressant poste d’observation en raison de leurs nombreuses rééditions. De ce point de vue, notre homme avait un ample choix. En 1536, les Roffet en sont, comme nous l’avons écrit, à leur huitième publication de L’Adolescence clementine et commencent à être concurrencés, à Paris, par Antoine Bonnemère, François Regnault et Jean Petit qui inaugurent tous leur première édition marotique cette année-là – tous ces livres sont imprimés en caractères romains. À Lyon, où domine encore la bâtarde de chancellerie, François Juste en est à sa cinquième impression de L’Adolescence, Denis de Harsy à sa troisième (en romains), et Guillaume Boullé en a publié également une autour de 1534 (partiellement en romains). À Avignon, enfin, où séjourne également Fernand Colomb, Jean de Channey propose pour sa part une édition des recueils marotiques imprimés en bâtarde entre 1533 et 153636.

En dépit de l’abondance et de la variété du marché éditorial marotique dont devaient probablement porter témoignage les villes traversées qui n’étaient pas les moindres du point de vue du commerce de librairie (Montpellier, Lyon et Avignon !), Colomb, au terme de son voyage, ne se sera porté acquéreur que d’une édition d’œuvres de Marot imprimée en bâtarde à Lyon par Olivier Arnoullet entre 1530 et 1531, et achetée à Montpellier le 6 juillet 1535 pour 8 deniers37. D’apparence, le livre choisi est assez peu soigné, ni illustré comme les jolis volumes de Denis de Harsy, ni joliment présenté comme les élégants livrets allongés de François Juste. Du point de vue du texte fourni, Colomb a acheté la pire édition qu’il pouvait alors trouver : au-delà de la qualité très moyenne du texte fourni, il faut bien voir que celui-ci a été complètement revu et considérablement augmenté par Marot dès 1532, justement en réaction à la publication de l’ouvrage d’Arnoullet puis d’une copie parisienne de celui-ci. Or les libraires cités plus haut qui publient Marot à partir de 1532 prennent tous pour base l’ensemble revu par le poète. Seul élément qui a pu guider le choix de notre acheteur, le livre imprimé par Arnoullet est un modeste in-octavo de quarante feuillets, quand les éditions de ses concurrents dépassent toujours la centaine de feuillets, et parfois de loin. Le prix à payer devait être en conséquence, et les modestes huit deniers déboursés à Montpellier par Colomb le rappellent. Mais le Sévillan n’était pas homme à regarder à la dépense, comme le prouvent largement ses autres acquisitions – voir les Triomphes de Pétrarque imprimés par Romain Morin pour Denis de Harsy en 1532, achetés à Lyon en septembre 1535 pour cinq sous, soit soixante deniers, ou les six livres du Perceforest publié par Gourmont en 1531, qui le contraignent à la même date à verser jusqu’à un écu d’or38. En somme, on est bien en peine d’expliquer les motivations qui ont poussé le fils du célèbre explorateur à rapporter de son séjour montpelliérain une seule édition des œuvres marotiques dont tout indiquait pourtant le caractère caduc.

ENTRE LIBRAIRES ET LECTEURS : L’AUTEUR

Ces exemples mènent au constat suivant, à la saveur toute paradoxale. Quelle que soit leur ville d’exercice, les éditeurs semblent posséder pour la plupart une vision claire de l’état du marché éditorial dont ils suivent de près la rapide évolution. Cette vision globale paraît en revanche faire défaut à de nombreux acheteurs, Fernand Colomb n’étant sans doute pas le moins éclairé d’entre eux. On ne peut évidemment tirer aucune conclusion de l’observation d’exemples isolés, d’autant qu’il existe peut-être autant de profils de lecteurs que de livres à vendre. Mais les bricolages pratiqués par Arnoul L’Angelier conduisent vers une conclusion similaire : d’un côté, un libraire qui pense ne pouvoir écouler une édition obsolète telle quelle, et la vend après lui avoir fait prendre un bain de jouvence assez superficiel ; de l’autre, un lecteur suffisamment informé pour exiger une édition récente, suffisamment ignorant pour se laisser prendre aux procédés assez grossiers du libraire.

L’analyse détaillée de la bibliographie exhaustive d’un auteur à succès comme Marot montre des libraires rivalisant parfois d’ingéniosité pour proposer un inédit faisant défaut aux éditions rivales ou, lorsque manquent les inédits, une innovation éditoriale (table, illustrations, réorganisation de l’ensemble, révision du texte, etc.) propre à distinguer leur dernière édition39. Ce raffinement est difficilement compréhensible si le lecteur est finalement incapable de faire la différence, de classer chronologiquement les éditions comme d’en comprendre les enjeux éditoriaux. Faut-il donc supposer, comme nous l’avions fait plus haut, la coexistence d’un lecteur familier des galeries du Palais, de la rue Saint-Jacques ou de la rue Mercière, connaisseur à qui l’on n’en conte pas, et d’un lecteur peu au fait de l’actualité de la librairie, qui recherche un texte ou un auteur sans guère se préoccuper de subtilité éditoriale ? Il est difficile de répondre à cette question d’une manière définitive, mais on voit qu’il ne faut peut-être pas toujours appliquer aveuglément la règle de datation consistant à considérer une édition sans millésime comme obligatoirement antérieure à une édition qui proposerait un texte meilleur ou plus complet. La vision du marché du livre dont disposaient les lecteurs semble bien avoir été très inégale, et il est probable que certains libraires aient cherché à en profiter, quand d’autres agissaient davantage en se laissant guider par l’esprit d’émulation, produisant des « livres pour libraires » comme on parle de musique pour musiciens.

Mais en quoi ces chicanes devraient-elles retenir aujourd’hui le spécialiste de poésie du XVIe siècle ? Peut-être bien parce que, qu’elles aient ou non correspondu aux attentes d’un lectorat sans doute très hétérogène, elles ont informé le travail d’auteurs attentifs, comme Marot, aux conditions de diffusion de leur œuvre. Dès la première réédition de L’Adolescence clementine, qui intervient seulement trois mois après la parution de l’editio princeps, le poète prend l’habitude de revoir les textes déjà publiés autant que d’augmenter le volume de quelques nouveautés40. Au cours de sa très brève carrière d’éditeur de ses propres œuvres (de 1532 à 1534 puis de 1538 à 1541), Marot saisira l’occasion constituée par la plupart des rééditions pour revoir son texte (même très superficiellement), opérer des ajouts plus ou moins nombreux, voire réorganiser différemment l’ensemble des pièces. De là l’insistance du poète sur l’ordre de ses œuvres que suffit à rappeler le célèbre passage de l’épître à Dolet qui ouvre l’édition de 1538, fustigeant la précipitation des libraires cupides, par les additions desquels « se rompt tout l’ordre de [s]es Livres, qui [lui] a tant cousté à dresser »41.

Les montages de la librairie L’Angelier que nous avons décrits attestent ironiquement l’intégration de ces revendications d’autorité par les éditeurs – ironiquement parce que notre rusé commerçant paie ses lecteurs de mots, ceux qu’il affiche sur la page de titre menteuse de son édition fatras de 1541. Sans doute des lecteurs pouvaient-ils malgré tout y trouver leur compte, ceux du moins qui n’étaient guère préoccupés par les chimères éditoriales des auteurs et leurs susceptibilités de gens de lettres, et qui se considéraient satisfaits dès lors qu’ils pouvaient lire dans le recueil nouvellement acquis la grave « Deploration sur le trespas de messire Florimond Robertet » ou le leste dizain « Martin menoit son pourceau au marché ». Pour ceux-là, l’ivresse espérée de la lecture devait justifier les flacons les plus défectueux. Le poète ne s’y est pourtant pas résigné : sans renier la légitimité de ces lectures éprises d’immédiateté et peu soucieuses de subtiles architectures42, il a bâti une œuvre à plusieurs niveaux de lecture et, s’il est permis d’utiliser la formule du prologue de Gargantua, « légère au pourchas, mais hardie à la rencontre » – entendons d’une poursuite aisée, mais résistant à la confrontation finale.

Ainsi, la manie correctrice et réorganisatrice de Marot, qui est constitutive de l’idée qu’il se fait du travail poétique, a tout aussi certainement été façonnée par les contraintes éditoriales qui se sont imposées à lui dès son entrée en librairie. Forcé de réagir devant la prolifération rapide des publications non autorisées de ses œuvres, Marot décide dès 1532 de prendre en main leur diffusion. Constatant néanmoins la minceur de l’arsenal légal existant pour garantir l’intégrité de son travail (pour l’essentiel, le système des privilèges), il comprend qu’il pourra difficilement empêcher que l’on imprime çà et là des éditions de ses compositions sans qu’il ait le loisir d’en contrôler la qualité. L’intelligence de Marot est de prendre les commerçants du livre à leur propre jeu, en proposant lui-même avec une grande régularité de nouvelles éditions de ses œuvres, revues, augmentées et réorganisées. Il évite ainsi de laisser la main aux libraires, en prenant l’initiative d’alimenter leurs presses de nouveautés de tout type (textuel ou éditorial) soigneusement distillées. La décision même, qui n’allait pas de soi, de republier systématiquement l’ensemble de ses textes, anciens comme nouveaux, réunis en un seul volume d’Œuvres, plutôt que d’entasser recueil sur recueil, découle au moins partiellement de cette constatation. Marot tire donc les conséquences du fonctionnement du marché éditorial de son époque. Mieux, il les met à profit pour en constituer une véritable méthode poétique et, plutôt que d’aspirer à la réalisation d’un monument aere perennius, décide de bâtir édition après édition une œuvre vivante qui se révèle aussi à travers ses perpétuelles métamorphoses43.

ANNEXE : DESCRIPTION DES EXEMPLAIRES ÉTUDIÉS ET DES ÉDITIONS QU’ELLES REPRENNENT

Nous avons pu consulter en personne l’exemplaire conservé à Göttingen ; pour celui de Cambridge, nous sommes en revanche redevable à la disponibilité d’Emily Dourish, qui a bien voulu répondre très précisément à toutes nos questions sur l’exemplaire conservé dans la bibliothèque dont elle s’occupe et nous en envoyer plusieurs clichés. Qu’elle en soit ici chaleureusement remerciée.

1. Les Œuvres, Paris, Arnoul L’Angelier, 1541, in-8°

Göttingen, Niedersächsische Staats- und Universitätsbibliothek (8 P GALL I, 7112).

Les oeuvres | DE CLEMENT MAROT | de Cahors en Quercy Valet de | Chambre du Roy. | Desquelles le contenu sensuyt. | Ladolescence Clementine, | La suyte de ladolescence, | Deux livres des epigrammes | Le premier livre de la Me- | tamorphose de Ovide, | Une Eglogue nouvelle. | } bien augmentees [l’accolade porte sur toutes les lignes précédentes] | 1541 | Le tout par luy autrement & mieulx | ordonne que par cy devant. | LA MORT NY MORT | On les vend a Paris en la grant salle du | Palays au second pillier en | la boutique de Arnoul | Langelier.

5 parties :

125 f. foliotés (dernier f. 124 par err.), 3 f. non chiffrésa-q8Réémission de L’Adolescence, Veuve Roffet, 1536, avec insertion d’un nouveau bifeuillet a1/8
72 f. non chiffrésA-I8La Suite, Veuve Roffet, 1536
56 f. non chiffrésA-G8H4Trad. du 10e livre des Métamorphoses et de l’élégie Nux par Calvy de la Fontaine, Charles et Arnoul L’Angelier, 1537
32 f. foliotésPP-SS8Epigrammes, fragment de l’édition Bignon, 1540
8 f. foliotésa8Eglogue et autres pièces, partie de l’édition Bignon, 1540

2. Les Œuvres, Paris, Arnoul L’Angelier, 1541, in-8°

Cambridge, University Library (F154.e.4.14).

Les oeuvres | DE CLEMENT MAROT | de Cahors en Quercy Valet de | Chambre du Roy. | Desquelles le contenu sensuyt. | Ladolescence Clementine, | La suyte de ladolescence, | Deux livres des epigrammes | Le premier livre de la Me- | tamorphose de Ovide. | Une Eglogue nouvelle. | } bien augmentees [l’accolade porte sur toutes les lignes précédentes] | Le tout par luy autrement & mieulx | ordonne que par cy devant. | LA MORT NY MORT | On les vent a Paris en la grant Salle du | Palays au second pillier en | la boutique de Arnoul | Langelier. | 1541

4 parties :

125 f. foliotés (dernier f. 124 par err.), 3 f. non chiffrésa-q8Réémission de L’Adolescence, Veuve Roffet, 1536, avec insertion d’un nouveau bifeuillet a1/8
72 f. non chiffrésA-I8La Suite, Veuve Roffet, 1536
32 f. non chiffrésaA-dD8Metamorphose, Bonnemère, 1538
32 f. foliotésPP-SS8Epigrammes, fragment de l’édition Bignon, 1540

3. Description des éditions recyclées par Arnoul L’Angelier

a. L’Adolescence clementine et La Suite de l’Adolescence, Paris, Veuve Pierre Roffet, 1536, in-8°

Paris, BnF (Res-p-Ye-664).

Édition complète en trois parties ; L’Angelier ne réutilise que les deux suivantes :

125 f. foliotés (dernier f. 124 par err.), 3 f. non chiffrésa-q8
72 f. non chiffrésA-I8

Pages de titre :

LADOLESCENCE | CLEMENTINE. | AULTREMENT | Les Oeuvres de Clement Marot, de Cahors en | Quercy, valet de chambre du Roy, faictes en son | adolescence, avec aultres oeuvres par luy compo- | sees de puis sadicte adolescence. Reveues & cor- | rigees selon sa derniere recongnoissance oultre tou | tes aultres impressions contrefaictes tant a Paris | que a Lion ausquelles a son grant deshonneur ont este | adjoustees aulcunes oeuvres scandaleuses mal com- | posees & incorrectes desquelles craignant yceluy | non seullement le blasme de chose si mal faicte | aussy le grant dommage qui luy pouroit venir | a cause desdictes oeuvres scandaleuses apres avoir | desavoue lesdictes oeuvres a obtenu privilege | oultre les troys ans premiers deux aultres ans | qui sont cinq ans, commencans a la datte de la pre | miere Impression. Et sont toutes aultres faulces | & erronicques contrefaictes & sans adveu. | On les vent a Paris devant l’esglise sainct Ge- | neviefve des Ardens, Rue neufve nostre | Dame, A l’enseigne du Faulcheur. | Avec privilege pour cinq ans. | M.D.XXXVI.

LA SUITE DE LA- | dolescence Clementine, Dont le contenu pour- | rez veoir a l’autre costê de ce feuillet. | Revue & corrigee selon sa derniere recongnois- | sance, & approuvee. Et sont toutes oeuvres | sur ce contrefaictes deffendues. | [marque] | On les vend a Paris en la rue neufve nostre Dame | devant l’Eglise saincte Geneviefve des Ardens | a l’enseigne du Faulcheur. | Avec Privilege conferme pour cinq ans, | M.D.XXX.vi.

b. Le Premier Livre de la Metamorphose, Paris, Antoine Bonnemère, 1538, in-8° Paris, bibliothèque Mazarine (8° 21653 A).

Édition complète en cinq parties ; L’Angelier ne réutilise que la suivante (ex. de Cambridge) :

32 f. non chiffrésaA-dD8

Le Premier Li- | VRE DE LA METAMOR- | PHOSE DOVIDE, TRANS- | latee de Latin en Francoys par | Clement Marot de Cahors en | Quercy, Valet de cham- | bre du Roy. | Item certaines œuvres quil feit en prison | non encores imprimez. | On les vend a Paris par Anthoine Bonnemere en | Lhostel Dalebret devant sainct Hilaire. | 1538.

c. Calvy de la Fontaine (trad.), Le dixiesme livre des Methamorphoses, Paris, Charles et Arnoul L’Angelier, 26 février 1537 :

Göttingen, Niedersächsische Staats- und Universitätsbibliothek (8 P GALL I, 7112). L’exemplaire présent dans le livre conservé à Göttingen que nous avons analysé constitue à notre connaissance le seul conservé de l’édition.

56 f. non chiffrésA-G8H4

LE DIXIESME LIVRE | DES METHAMORPHOSES | DOVIDE, TRADUICTE EN | Ryme Par Lesclave fortune, | Ensemble Lelegie Dovi- | de Sur la complain- | cte du Noyer. | Traduicte par Calvy de la | Fontaine. | [bois] | Ilz se vendent au Palais, au premier | Pilier, devant la Chapelle de messieurs | les Presidens, A la boutique de Arnoul | & Charles les Angeliers Freres, | Avec Privilege.

d. Œuvres, Paris, Jean Bignon, [1540], in-8°

Paris, BnF (Res-Ye-1469-72).

Les oeuvres | DE CLEMENT MAROT | Valet de Chambre du Roy, | Desquelles le contenu sensuyt. | Ladolescence Clementine, | La suyte de ladolescence, | Deux livres des epigrammes | Le premier livre de la Me- | tamorphose de Ovide. | Une Eglogue. [accolade : « bien augmentees »] | Le tout par luy autrement & mieulx ordonne | que par cy devant. | LA MORT NY MORT | Imprime a Paris par Jehan Bignon | imprimeur demourant en la | Rue Judas.

Édition complète en quatre parties (dont trois à signatures continues) dont L’Angelier ne réutilise que des fragments :

98 f. foliotés, 2 f. non chiffrésA-M8N4Adolescence
112 f. foliotésAA-OO8Suite
63 f. foliotés, 1 f. blancPP-YY8Epigrammes et Metamorphose
8 f. foliotésa8Eglogue

____________

1 Nos recherches ont d’abord pris la forme d’une thèse de doctorat, soutenue à l’Université de Paris IV en 2010 (« L’intention du Poëte ». Du pupitre à la presse, Clément Marot autheur). À partir de ce travail, nous préparons aujourd’hui la publication d’un essai sur Marot « autheur », à paraître aux éditions Classiques Garnier, et celle d’une bibliographie commentée des éditions marotiques parues jusqu’en 1550, à paraître aux éditions Droz.

2 Sur les frères L’Angelier, on pourra consulter l’étude manuscrite réalisée par Jacques Renouard en 1916 (L’Officine des Langelier, libraires parisiens, 1536-1562, bibliographie de leurs éditions). Le manuscrit est consultable à la Réserve de la BnF sous la cote C-73 (1-2). On peut compléter la liste fournie par Jacques Renouard par une interrogation de l’Universal Short Title Catalogue (ci-après USTC <http://www.ustc.ac.uk>) qui contient les notices complètes des ouvrages recensés par Andrew Pettegree, Malcolm Walsby et Alexander Wilkinson (voir la publication, en notices courtes, de leur French Vernacular Books : Books published in the French Language before 1601. Livres vernaculaires français : livres imprimés en français avant 1601, 2 vol., Leiden, Brill, 2007).

3 Le cas de l’étal de Galliot Du Pré, qui se trouve à proximité de celui de nos frères libraires, est similaire et bien connu : voir le tableau (transposable) qu’en dresse Annie Parent-Charon, « Aspects de la politique éditoriale de Galliot Du Pré », dans Le livre dans l’Europe de la Renaissance, Actes du XXVIIIe colloque international d’études humanistes de Tours, dir. Pierre Aquilon, Henri-Jean Martin, Paris, Promodis, Cercle de la librairie, 1998, p. 209-218, notamment p. 210. La gravure plus tardive d’Abraham Bosse représentant « La Galerie du Palais » (vers 1638) donnera à son tour une idée de la façon dont devaient se présenter les « bancs » que les libraires adossaient aux piliers de la grande salle du Palais.

4 Le Printemps de l’humble esperant, On les vent a la grant salle du Palles au premier pillier en la boutique de Arnoul L’Angelier, 1536, [62] f., 8°. Paris, Arsenal (8° BL 8699), (A-G8H6). USTC 34532.

5 Sur ce dernier point, voir l’étude très précise d’Eugénie Droz, t. I, « Le curé Landry et les frères Langelier », dans Chemins de l’hérésie : textes et documents, Genève, Slatkine, 1970, p. 273-394.

6 La Deffence et Illustration de la Langue Françoyse (…), Imprimé à Paris pour Arnoul l’Angelier, tenant sa Bouticque au second pillier de la grand’sale du Palays, 1549, [48] f., 8° (a-f8) ; L’Olive et quelques autres œuvres poeticques, Imprimé à Paris pour Arnoul l’Angelier tenant sa Bouticque au second pillier de la grand’sale du Palays, 1549, [40] f., 8° (A-E8). USTC 8453 et 40665. Sur le caractère conjoint de cette publication et la question de sa date, voir la mise au point de Michel Magnien, « La première Olive », dans L’ Olive de Joachim Du Bellay, éd. Ruggero Campagnoli, Éric Lysøe, Anna Soncini Fratta, Bologna, CLUEB, 2007, p. 7-45.

7 Pour le détail de ces éditions, consulter le site de l’USTC ainsi que la Bibliographie des éditions de Clément Marot publiées au XVIe siècle de Claude Albert Mayer (Paris, Nizet, 1975), nos 38-40, 42-44, 55-57, 63-69, 73, 77, 81, 87, ou notre Bibliographie à paraître.

8 Voir la préface à l’édition véritablement autorisée qu’il fait paraître fin 1541 chez Sébastien Gryphius à Lyon : L’Histoire de Leander et de Hero (…), Lugduni, apud Seb. Gryphium, 1541, 13 f., [1] f. bl., 8° , Paris, BnF (Rés. p Ye 2891) (A8B6). USTC 40128. Œuvres poétiques complètes, éd. Gérard Defaux, 2 vol., Paris, Bordas (Classiques Garnier), t. I (1990 ; réédition Dunod 1996), t. II (1993), p. 499-500.

9 Des amours de Leander et Hero, On les vend à Paris en la grand salle du Pallais en la boutique de Gilles Corrozet [de Jehan André] (…), Imprimé à Paris par Guillaume de Bossozel, 1541, [12] f., 4° , Paris, Arsenal (4° BL 1662 ; au nom de Gilles Corrozet) et BnF (Res-Ye-320 ; au nom de Jean André), [12] f., (A-C4). USTC 40124. Des amours de Leander et Hero, On les vend à Paris en la grand salle du palais, au premier pillier en la bouticque de Charles l’Angelier [de Gilles Corrozet], devant la chappelle de messieurs les Presidens, 1541, [48] f., 8°, Paris, Arsenal, (8° BL 4027 ; au nom de Charles L’Angelier) et Bulletin de la librairie Damascène Morgand, nouvelle série, 16 (mars 1913), no 1885 (au nom de Gilles Corrozet), (A-F8). USTC 40130.

10 Ouvr. cité, p. XIV. Voir aussi Roméo Arbour, Dictionnaire des femmes libraires en France (1470-1870), Genève, Droz, 2003 (« Histoire et civilisation du livre », 26).

11 Les Œuvres, On les vend à Paris en la grand salle du Palais, aux premier et deuxiesme pilliers, par Arnoul et Charles les Angeliers, freres, 1542, 5 parties, 118 f. (dernier f. xviij par err.), [2] f. bl. (a-p8), 128 f. (A-Q8), 40 f. (Aa-Dd8E8), 40 f. (Aaa-Eee8), 40 f. (AA-EE8), 16°. USTC 40191, 40192. Trente deux Pseaulmes de David (…). Plus vingt autres Pseaulmes, On les vend à Paris, sur le pont sainct Michel, à la Rose blanche, par Estienne Roffet, 1543, 2 parties, 52 f., 16° (A-F8, G4), 36 f. (a-d8, e4). USTC 40215. L’exemplaire se trouve à la Médiathèque du Grand Troyes (Y. 16. 3321) : les plats de la reliure d’origine (en veau fauve) ont été conservés dans la réfection moderne. Le décor indique une reliure à une date proche de la date de publication (encadrement de filets estampés à froid ; fleurons dorés tirés aux angles, dauphin couronné doré au centre des plats).

12 Annie Charon-Parent, Les Métiers du livre à Paris au XVIe siècle (1535-1560), Genève, Droz, 1974 (« Histoire et civilisation du livre », 6), p. 206-209 ; les chiffres que nous donnons sont tous issus de cette étude.

13 Voir la comparaison proposée par Annie Charon-Parent avec les stocks d’un libraire comme Guillaume Godard (ibid., p. 208).

14 L’Adolescence clementine et La Suite de l’Adolescence, On les vent à Paris devant l’esglise sainct Geneviefve des Ardens, Rue neufve nostre Dame, A l’enseigne du Faulcheur, 1536, 125 f. (dernier f. 124 par err.), [3] f. (a-q8 ), [72] f. (A-I8), 8°. Le Premier Livre de la Metamorphose…, On les vend à Paris sur le pont Sainct Michel, en la boutique de Estienne Roffet dict le Faulcheur à l’enseigne de la Rose Blanche, 1536, [32] f. (a-d8), 8°. USTC 27585, 37943, 76705, 89757. Voir l’exemplaire Paris, BnF (Rés p Ye 664) réunissant les trois volets, malgré le manque des premiers feuillets de L’Adolescence et des derniers feuillets de la Metamorphose.

15 Les Œuvres…, A Lyon, au Logis de Monsieur Dolet [On les vend a Lyon chez Gryphius], 1538, 4 parties, 90 f. (a-k8 l10), 96 f. (A-M8), 32 f. (Aa-Dd8), 26 f. (A-B8 C10), 8°, Paris, BnF (BnF Rés. Ye 1457-1460 (Dolet) et Rés. Ye 1461-1464 (Gryphe)). USTC 14980, 15014-15016 et 11087, 57936, 59201, 59202. Sur les deux émissions de l’édition, voir notre étude « Les débuts de Dolet comme libraire (Marot, 1538) : histoire d’un fiasco », dans Étienne Dolet, 1509-2009, éd. Michèle Clément, Genève, Droz, 2012 (« Cahiers d’Humanisme et Renaissance », 98), p. 325-343.

16 Les Œuvres…, Pour Anthoine de Bonnemere demourant à l’ostel D’Albrait, [fin 1538-1539], 4 parties, 98 f. (dernier f. 58 par err.) (a-m8 n2), 111 f. (dernier f. 126, foliotage anarchique), [1] f. bl. (A-O8), 34 f. (Aa-Dd8 Ee2), 30 f. (aA-cC8dD4 eE2), 8°, Paris, BnF (Rés. Ye 1449-1452). La mention « sur la coppie de Greffius de Lyon » figure au titre de La suite (et même au titre général dans l’exemplaire décrit par le catalogue Ernest Stroehlin, no 887). USTC 73639, 89994, 89996, 89997.

17 L’Adolescence clementine, La Suite de l’Adolescence, Le Premier Livre de la Metamorphose, Jean Marot, Le Recueil, Le Dieu Gard, On les vent à Paris par Anthoine Bonnemere à L’Hostel D’Alebret devant sainct Hylaire [On les vent à Paris en la Rue neufve nostre Dame à l’enseigne de Sainct Nicolas pour la seule Suite], 1538, 5 parties, 127 f. foliotés (dernier f. cxxix par err.), [1] f. bl. (a-q8), [72] f. (A-I8), [32] f. (aA-dD8), [43] f., [1] f. bl. (aa-ee8ff4), [2] f., [2] f. bl. (AAA4), 8°, Paris, BnF (Rothschild n° 604, II.5.44). USTC 57882-57886. L’homogénéité du matériel typographique que présente la Suite de l’Adolescence avec les autres recueils, et le fait que les deux seuls exemplaires conservés comportant plus d’un recueil apparient la Suite de Sergent aux autres recueils de Bonnemère (l’exemplaire Rothschild cité et l’exemplaire de la bibliothèque Mazarine, 8° 21653 A) permettent de penser que Sergent s’est associé à Bonnemère pour produire cette édition complète des recueils marotiques pré-1538.

18 L’Adolescence clementine, La Suite de l’Adolescence, Le Premier Livre de la Metamorphose, Jean Marot, Recueil, Sur les deux heureuses [sic] voyages, On les vent à Anvers en la maison de Jehan Steels à l’escu de Bourgongne, 1539, 2 parties, [120] f. (a-p8), [200] f. (A-Z8AA-BB8), 8°. La Haye, Koninklijke (B, 231 G 14). USTC 13468, 24048.

19 Göttingen, Niedersächsische Staats- und Universitätsbibliothek (8 P GALL I, 7112) et Cambridge, University Library (F154.e.4.14). Voir en annexe p. 68 la description des deux exemplaires.

20 Les Œuvres (…), On les vend à Paris en la grand salle du Palais, aux premier et deuxiesme pilliers, par Arnoul et Charles les Angeliers, freres, 1541, 16°, Berlin (Staatsbibliothek, 8° Xt 4870), Windsor (Bibliothèque royale), et vente Jean Tannery, no 89. Malheureusement, l’exemplaire de la bibliothèque de Windsor semble avoir été détruit pendant l’incendie de 1992 et celui de Berlin est donné par les bibliothécaires comme détruit ou déplacé pendant la Guerre – le catalogue informatique de la bibliothèque indique que l’exemplaire a été déplacé à Moscou, mais c’est une erreur, l’édition L’Angelier 1542 qui s’y trouve provenant de la bibliothèque de Dresde ; signalons toutefois que Claude A. Mayer semble bel et bien avoir consulté cet exemplaire après la Seconde Guerre mondiale. Ces exemplaires sont plus ou moins précisément décrits par les sources suivantes : pour l’exemplaire Windsor, voir A Thousand Years of French Books: Catalogue of an exhibition of manuscripts, first editions and bindings, arranged by Desmond Flower for the National Book League, Cambridge, Cambridge University Press, 1948, no 32, p. 23-25 ; pour l’exemplaire berlinois, voir Émile Picot et Christophe Nyrop, Nouveau recueil de farces françaises des XVe et XVIe siècles publié d’après un volume unique appartenant à la bibliothèque royale de Copenhague, Genève, Slatkine Reprints, 1968 (réimpression de l’édition de Paris, 1880), p. XLIV-XLV ; pour l’exemplaire Tannery, voir Jean Tannery, « Des livres perdus et retrouvés », dans Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire, 1939, p. 53-66 et le catalogue de la vente du comte de Hoym, Catalogus librorum bibliothecæ illustrissimi viri Caroli Henrici comitis de Hoym, olim regis Poloniæ Augusti II apud regem Christianissimum legati extraordinarii, digestus & descriptus a Gabriele Martin, bibliopal Parisiensi, cum indice auctorum alphabetico, Parisiis, apud Gabrielem & Claudium Martin, via Jacobæa, ad insigne Stellæ, 1738, no 2283, p. 237.

21 Il s’agit probablement de la Gaillarde gravée par Garamont en 1538 et du Philosophie de Colines (1525). Voir les notices de ces caractères dans les ouvrages de Hendrik D. L. Vervliet, French Renaissance Printing Types, A Conspectus, New Castle (Del.), London, Oak Knoll Press, Bibliographical Society, Printing Historical Society, 2010, nos 28 et 48 ; Id., The Palaeotypography of the French Renaissance: Selected Papers on Sixteenth-Century Typefaces, Leiden, Boston, Brill, 2008 (« Library of the Written World – The Handpress World », 6), t. I, p. 50 et 209.

22 Voir l’exemplaire de la BnF (Rés. p Ye 664), pour l’ensemble des recueils marotiques, malgré des feuillets manquants, ou l’exemplaire de la bibliothèque du Musée Condé de Chantilly (no 1188, Rés. VI E 44), qui ne contient que L’Adolescence.

23 On se souvient peut-être que Calvy de la Fontaine a participé à la querelle Marot-Sagon en prenant parti pour le poète de Cahors et en composant la « Response à Charles Huet, dict Hueterie » et la « Complaincte et testament de François Sagouyn » publiées au sein du recueil des Disciples et amys de Marot contre Sagon, Paris, [Louis Blaubloom pour] Jean Morin, 1537 (f., F2-G3, H1, I4) (Paris, BnF Res-Ye-1582).

24 Pour être tout à fait exact, on trouve parfois mention de la traduction de la « Complaincte du Noyer » par Calvy de la Fontaine, qui aurait été publiée sans date par les frères L’Angelier (et la date de 1550 est régulièrement répétée sans que l’on sache pourquoi). Cette traduction figure en fait à la suite de celle du dixième livre des Métamorphoses dont nous venons de signaler l’existence. La description complète figure en annexe. La date de publication (26 février 1536 « avant Pasques », soit 1537) ne figure pas au titre, mais à l’achevé d’imprimer qui se trouve entre la complainte (annoncée au titre général toutefois) et la Metamorphose. Cette date précoce en fait l’un des tout premiers livres publiés par nos libraires.

25 Le Premier Livre de la Metamorphose, Paris, Antoine Bonnemère, 1538, 8°, Paris, BnF, Rothschild (no 604, II.5.44). Description complète en annexe.

26 Les Œuvres, Paris, Jean Bignon, [1540], 8°, voir par exemple l’exemplaire de Paris, BnF (Rés. Ye 1456). Description complète en annexe.

27 Précisons toutefois que l’appendice, annoncé sur les pages de titre des deux exemplaires, n’est en fait présent que dans l’exemplaire conservé à Göttingen. Celui de Cambridge a probablement perdu cet ultime cahier avant d’être nouvellement relié.

28 Pour les détails, voir Alexandre Piffault, Bibliographie des éditions de La Deffence et de L’Olive de Joachim Du Bellay (1549-1569), mémoire de maîtrise, dir. Michel Magnien, Univ. Paris III, 2008, p. 43-58. Le mémoire est notamment consultable à la Réserve de la BnF (Bibl. K/Dub. 2).

29 Ibid., p. 59-63.

30 Voir par exemple les dépouillements d’Alexander Herman Schutz, Vernacular Books in Parisian Private Libraries of the Sixteenth Century According to the Notarial Inventories, University of North Carolina, The University of North Carolina Press, 1955 (Studies in the Romance Languages and literatures, 25).

31 Cet aspect appuierait la thèse développée par Oliver M. Willard (« The Survival of English Books Printed Before 1640 : a Theory and Some Illustrations », The Library, s. 4, 23 (1942), p. 171-190) selon qui, en cas de fréquentes rééditions, les dernières versions sont mieux conservées que les premières. Jean-François Gilmont a toutefois montré que l’axiome ne se vérifie pas toujours : Le livre et ses secrets, Louvain-la-Neuve-Genève, Droz-Université catholique de Louvain, 2003, p. 305-306.

32 Voir la lettre-catalogue de 1523 publiée dans La correspondance d’Érasme, dir. Aloïs Gerlo, Paul Foriers, Bruxelles, Pr. acad. européennes, 1967, t. 1, p. 1 et 35-36.

33 Œuvres, Lyon, [François Juste pour] Étienne Dolet, 1538, 8°, Paris, BnF (Rés. Ye 1457-1460), f. a3r.

34 Jean Babelon, La bibliothèque française de Fernand Colomb, Paris, Champion, 1913 (Revue des bibliothèques, supplément, 10), p. X.

35 Ibid., p. 168-170, no 176-177. Colomb acquiert d’abord à Montpellier le 27 juin 1535 pour 5 deniers une édition lyonnaise de l’opuscule (Lyon, Barnabé Chaussard, 1527, in-8° de 16 f.) avant d’acheter à nouveau à Lyon en septembre de la même année l’édition avignonnaise procurée par Jean de Channey sans date (in-8° de 16 f. également, qui ne propose manifestement rien de plus que la précédente). Faut-il évoquer l’amnésie de l’acheteur compulsif ?

36 L’édition n’est pas datée, mais semble prise sur l’édition de François Juste datée du 12 juillet 1533. Le dernier livre connu imprimé par Channey date de 1536.

37 Les Opuscules et petitz Traictez de Clement Marot, Lyon, Olivier Arnoullet, [1530-1531], in-8°, Paris, BnF (Res-p-Ye-736 : l’exemplaire a été dérobé à la bibliothèque Colombine au XIXe siècle, avant de parvenir dans les collections de la BnF). Sur cet exemplaire, voir Édouard Rahir, « La première édition des œuvres de Clément Marot », dans Mélanges offerts à M. Émile Picot par ses amis et ses élèves, Paris, Damascène Morgand, 1913, t. II, p. 635-645.

39 Voir par exemple les pratiques d’un Galliot Du Pré, mises en évidence par Annie Charon-Parent (« Aspects de la politique éditoriale de Galliot Du Pré », art. cité, p. 213-214).

40 La deuxième édition de L’Adolescence clementine est achevée d’imprimer le 13 novembre 1532, trois mois après la première, terminée le 12 août de la même année. Le poète y ajoute une demi-douzaine de pièces, et introduit déjà un certain nombre de corrections dans les œuvres publiées dès le mois d’août.

41 Œuvres, éd. citée, Paris, BnF (Rés. Ye 1457), f. a3r. Les titres des grands recueils marotiques autorisés rappellent tous la révision et surtout l’ordonnancement comme preuves de la collaboration de l’auteur : « Le tout reveu, corrigé, et mis en bon ordre » pour L’Adolescence de 1532, « Le tout songneusement par luy mesmes reveu, et mieulx ordonné » et « Le tout par luy autrement, et mieulx ordonné, que par cy devant » pour les Œuvres de 1538 dans leurs deux émissions. Les contrefacteurs copieront bien entendu jusqu’à ces proclamations d’autorité.

42 On pense à l’agacement de Paul, le personnage de l’Immortalité de Kundera, constatant que les plus chères des intentions de Mahler étaient inaccessibles à la plupart des oreilles : « Chaque chose est à sa place, tout est travaillé, pensé, éprouvé, rien n’est laissé au hasard ; mais cette gigantesque perfection nous dépasse » : Milan Kundera, Œuvres, Paris, Gallimard, 2011 (Bibliothèque de la Pléiade), t. II, p. 275. Notre essai à paraître aux éditions Classiques Garnier s’achève précisément par une analyse du subtil ordonnancement des grands recueils marotiques dans chacun de leurs états autorisés.

43 Voir les belles pages de Roger Chartier qui ouvrent son Inscrire et effacer : culture écrite et littérature (XIe-XVIIIe siècle), Paris, Seuil, Gallimard, 2005, notamment p. 9-11. Elles posent très bien le problème (aux allures de mystère théologique) d’une œuvre incarnée dans chacune de ses réalisations matérielles successives, et qui les dépasse pourtant.