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L’histoire du livre au XVIe siècle au regard des autres disciplines

Raphaële MOUREN

Université de Lyon-École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques. Centre Gabriel Naudé (EA 7286)

L’histoire du livre a acquis peu à peu sa place au sein des disciplines académiques, avec plus ou moins de succès suivant les pays. Mais elle reste aussi un outil que doivent apprendre à connaître et comprendre les autres disciplines qui utilisent le livre imprimé ancien : non pas seulement l’histoire au sens le plus large comme ses sous-disciplines, mais aussi la littérature, la philologie, etc. En France, la formation universitaire à l’histoire du livre se développe parcimonieusement, tout en rencontrant l’intérêt de plus en plus grand de jeunes étudiants dans nombre d’universités1. Trop souvent, chacun doit se former lui-même à l’utilisation de cette source riche et complexe. Ailleurs, paradoxalement, quoique l’histoire du livre soit devenue une discipline indépendante, la situation peut pourtant être exactement la même.

On a souhaité regarder quelle place, aujourd’hui, tient l’histoire du livre au début de l’époque moderne dans d’autres disciplines, en sollicitant des chercheurs qui sont prioritairement spécialistes d’un autre domaine, mais étudient, parfois depuis longtemps, le livre imprimé ancien. Les textes réunis ici ne sauraient avoir valeur d’exemple : ils sont des témoignages, présentés sous diverses formes suivant la manière dont l’auteur a compris la commande. Gigliola Fragnito, spécialiste de l’histoire religieuse et plus particulièrement de l’histoire de la censure, est partie de l’ouverture aux chercheurs, en 1998, des archives de l’Inquisition, pour proposer un tableau de la politique d’interdiction du livre vernaculaire en Italie dans la deuxième moitié du XVIe siècle accompagné d’une mise au point bibliographique sur le sujet. Historienne d’art, spécialiste de Sebastiano Serlio, Sabine Frommel réétudie le formidable projet éditorial de l’architecte bolonais au regard des questions architecturales, des vicissitudes variées et des impératifs économiques. Guillaume Berthon, littéraire, spécialiste de Marot, a choisi de mettre l’accent sur deux cas bibliographiques complexes qui l’ont conduit à s’interroger sur les lecteurs de Marot du vivant du poète.

Les auteurs avaient aussi la possibilité, s’ils le souhaitaient, de réfléchir à leur propre approche du livre imprimé, dans une démarche d’auto-histoire – ou d’auto-critique. Martine Furno a relevé le défi et présente ici, dans un texte très personnel, les réflexions et les doutes qui peuvent être ceux d’un latiniste plongé dans les XVe et XVIe siècles, à partir d’exemples précis tirés de ses travaux sur l’histoire des dictionnaires et des outils pédagogiques. István Monok et Jean Dhombres ont travaillé dans des directions encore différentes : le premier, en donnant quelques exemples de l’intérêt que peut avoir l’utilisation de l’histoire du livre et de l’édition pour une histoire nationale, le second, en démontrant, exemples à l’appui, à quel point le regard mathématicien posé sur le livre de mathématiques diffère de celui, par exemple, de l’historien d’art.

Ce dossier est l’occasion de réunir dans Histoire et civilisation du livre des auteurs qui, tout en n’étant pas tous officiellement des historiens du livre, ont apporté à cette discipline dans leurs travaux – et ont déjà, pour certains, collaboré à la revue. Il permet de rappeler que l’histoire du livre se fait en collaboration, et à quel point cette collaboration peut être enrichissante.

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1 Voir le rapport présenté en octobre 2012 par Cecilia Bianchi, Christelle Fontaine et Yvan Hochet lors des rencontres Henri-Jean Martin : ils ont dressé le tableau optimiste d’une production foisonnante et partagée sur tout le territoire (disponible dans la bibliothèque numérique de l’enssib, <http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/>