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L’âme des royaumes : l’opinion à l’époque moderne et la polémique autour de la bataille de Montijo (1644-1645)

Daniel SARAIVA

Doctorant à l’Université Paris IV-Sorbonne. Boursier de la Fondation CAPES, Ministère de l’Education du Brésil, Brasília – DF 70040-020 (proc. n° 5692-10-5)

Lorsque le Christ Notre Seigneur prophétisa les guerres qui de son époque jusqu’à la nôtre ont troublé les siècles, il dit que les nations se lèveraient les unes contre les autres, et les royaumes les uns contre les autres : Surget gens contra gentem, et regnum adversus regnum. Et afin d’accentuer le danger des guerres qu’il annonçait, il ajoute (chose très digne d’être relevée) qu’il y aurait non seulement des batailles, mais aussi les opinions sur ces batailles : Audituri enim estis praelia, et opiniones praeliorum. La conséquence la plus dangereuse de la guerre et celle qui est le plus à craindre dans les batailles est l’opinion. Dans la perte d’une bataille on risque une armée ; dans la perte de l’opinion on risque un Royaume1.

Le XVIIe siècle a été marqué par des transformations très profondes, touchant à la fois la religion, la connaissance, la politique, la problématique de l’identité de l’homme et des peuples. La Guerre de Trente Ans a constitué un événement majeur : elle a concerné presque tout le continent européen, tandis que, originellement liée aux tensions religieuses issues de la Réforme, elle a fini par suivre une logique totalement différente, inaugurant non seulement un nouvel équilibre dans le rapport de forces international, mais aussi de nouvelles pratiques politiques. Les années 1640 marquent un tournant majeur, quand le conflit semble s’essouffler. Fatigués des destructions et écrasés par des dépenses insoutenables, les États cherchent une fois pour toutes à mettre un terme aux affrontements : en 1643, les négociations de paix sont entamées en Westphalie.

Parallèlement, des rébellions et des guerres civiles éclatent partout, notamment en Espagne. Animée par la réaction interne aux projets politiques du comte-duc d’Olivares2, favori du roi, et soutenue de l’extérieur par la France, une vague insurrectionnelle frappe la Monarchie catholique, avec les soulèvements de la Catalogne et du Portugal en 1640, puis, en 1647, les révoltes à Naples et à Palerme3. Ces mouvements furent à l’origine d’une production d’innombrables « papiers », la publication d’écrits constituant alors une composante majeure de l’action politique des séditieux. Inversement, la monarchie ne resta pas muette, de sorte qu’une énorme quantité de textes polémiques circula largement. Pamphlets, relations4, périodiques, traités juridico-politiques, livres d’histoire – l’ensemble de cette littérature est richissime. Cette guerre de propagande favorisa la construction d’un circuit d’information et de contre-information à l’échelle européenne, les adversaires se livrant une double lutte : dans la sphère militaire, les armées se disputaient la suprématie, tandis que, dans la sphère rhétorique, les plumes se disputaient les opinions. Vaincre l’ennemi n’était pas suffisant, il fallait faire connaître ses victoires. Ainsi, les combats ne s’achevaient pas sur le champ de bataille, mais se prolongeaient par le biais d’écrits qui servaient à en divulguer les résultats et leurs conséquences.

L’avènement des révoltes de 1640 ne fit qu’intensifier cette dynamique. Grâce à la coopération des adversaires de l’Espagne, une abondante quantité de textes opposés à la Monarchie catholique circula entre Lisbonne, Barcelone, Paris et d’autres centres typographiques. Quand, le 26 mai 1644, sur les champs de l’Estrémadure espagnole, Portugais et Castillans s’affrontèrent dans une bataille décisive, celle-ci allait déclencher une polémique révélant l’envergure de la guerre d’information et mettant en valeur l’importance politique de l’opinion à l’époque moderne5.

Jusqu’alors, la guerre entre le Portugal et l’Espagne s’était limitée à une suite d’escarmouches et de pillages. Peu après la « Restauration » du Portugal – nom donné au mouvement qui, en décembre 1640, mit fin à la domination espagnole et acclama roi le duc de Bragance sous le nom de D. João IV –, il devint évident que ni Lusitaniens ni Castillans n’avaient les moyens de pousser des incursions majeures dans le territoire ennemi.

Côté portugais, l’Alentejo demeurait une région qui supposait une protection particulière, car sa chute permettrait aux Espagnols de s’ouvrir la voie vers la capitale adverse. À la mi-1641, l’ouverture des hostilités à la frontière et la découverte d’une conspiration contre le nouveau roi6 dans laquelle étaient impliqués des membres de la plus haute noblesse et du clergé portugais, firent prendre conscience à Lisbonne de l’ampleur du danger. La conduite de la guerre fut également une source intarissable d’opposition, révélée par le taux élevé de remplacement des gouverneurs de l’armée de l’Alentejo7, et par la discussion sur les compétences du nouveau Conseil de Guerre8. Malgré ces obstacles, il fallait fortifier les places, augmenter les effectifs et passer à l’offensive : après l’échec du siège de Badajoz par le comte d’Óbidos en 1643, celui-ci est remplacé comme gouverneur de l’armée de l’Alentejo par Matias de Albuquerque9.

En charge des troupes, Albuquerque changea de stratégie : une offensive frontale à Badajoz était trop risquée et le mauvais état des fortifications lusitaniennes condamnait une tactique exclusivement défensive. Cependant, il découvrit que les réserves de Badajoz étaient insuffisantes, et qu’il fallait les renforcer à partir d’autres places frontalières. Il décida donc d’attaquer ces dernières pour couper l’approvisionnement de la ville principale10 : il assaillit les places au sud de Badajoz en 1643, et, l’année suivante, celles situées au nord de la ville. Mais, explique-t-il, les Espagnols démasquèrent ses intentions et conclurent que la seule possibilité de délivrer Badajoz du danger était de se confronter directement à l’armée portugaise11. Alors qu’Albuquerque mettait Montijo à sac, la place fut secourue par le baron de Molinguen, envoyé par le marquis de Torrecuso. Le premier grand combat entre les forces de D. João IV et celles de Philippe IV eut lieu quand, le 26 mai, des milliers de soldats s’affrontèrent directement. Toutefois, le plus extraordinaire de cette bataille n’est pas ce qui arriva sur le terrain, mais ce qui en découla : comme d’habitude, une fois le conflit fini, les vainqueurs s’empressèrent de faire connaître la nouvelle de leur victoire. Cependant, cette fois-ci, tant les Portugais que les Espagnols se proclamèrent victorieux.

Dans une lettre datée du lendemain de la bataille, Albuquerque communiqua au roi la première victoire de ses troupes contre celles de Castille12. Dans sa réponse, datée du 30, le roi le félicita du succès et lui notifia qu’il avait ordonné les actions de grâces et autres manifestations publiques convenables13. Le 1er juin, Albuquerque reçut le titre de comte d’Alegrete comme récompense de sa victoire14. En Castille, le 31 mai, José Pellicer de Tovar, dans une note aussi concise que confiante, parle d’une victoire aussi célèbre que celle de Lérida15 et, le 14 juin, il accuse réception de la Relation certaine du triomphe du marquis de Torrecuso contre les rebelles portugais16. Rapidement, les imprimés sortirent des ateliers, et les récits sur la bataille de Montijo se multiplièrent en Europe : j’ai répertorié une trentaine de manuscrits et imprimés, rédigés en portugais, castillan, catalan, français, anglais, italien, néerlandais et latin, mais l’ensemble des publications dépasse sans doute ce nombre.

Une première analyse du corpus atteste le caractère politiquement orienté des récits, et la cohérence entre l’information véhiculée et le positionnement de chaque pays dans le réseau d’alliances international est frappante : pour les alliés de l’Espagne, le Portugal perdit la bataille, et inversement. Pour le camp portugais, la fuite d’une partie de la cavalerie désorganisa l’armée, laquelle aurait été défaite si le général et ses adjoints n’avaient réussi à récupérer l’artillerie capturée par les ennemis, contre-attaquant avec une telle vigueur que les Espagnols se virent obligés de traverser le Guadiana et de s’enfuir. Côté espagnol, on affirme que les troupes rebelles ne purent résister à la charge espagnole et se replièrent en abandonnant leur butin. La perte de l’artillerie est justifiée par le vol supposé des chariots nécessaires à son transport.

La première relation portugaise est datée du 15 juin 164417. Contrairement aux autres, elle présente une longue introduction polémique où le conflit d’opinion constitue l’objet même du discours. Le texte décrit l’étonnement avec lequel les autres nations considérèrent le succès de Montijo, même si quelques « politiciens », qui s’en réjouissaient en secret, se sont refusés à manifester publiquement leur satisfaction. Certains, « violant la foi publique et le droit des gens », préférèrent même charger le nom du Portugal plutôt que d’affronter l’Espagne. Pamphlet exaltant le patriotisme, l’imprimé tentait d’insuffler un sentiment de fierté aux Portugais en faisant appel aux prouesses de leurs ancêtres et en les assurant que les paroles de ces « politiciens » ne pourraient rien contre leurs exploits. Puis le texte louait la bravoure des sujets se battant pour leur patrie – non seulement les nobles, mais aussi les hommes ordinaires, les habitants des villages et même les femmes –, et soulignait le respect des soldats portugais pour les lieux sacrés, thème récurrent dans les relations de guerre.

L’auteur imputait aux détachements hollandais se battant aux côtés de l’armée portugaise la désorganisation de cette dernière : effrayée par la supériorité numérique des ennemis, la cavalerie hollandaise aurait fui le combat et, passant au milieu des escadrons alliés, aurait désorganisé leur défense. Quand tout semblait fini, Albuquerque aurait regroupé les troupes, recouvré l’artillerie et chassé les Espagnols. Puis le texte affirme que la victoire de Montijo démontrait la constance avec laquelle les Portugais continueraient à lutter pour leur liberté jusqu’à leur « dernière goutte de sang », malgré l’intention de l’ennemi de « semer » des « rumeurs (...) dans et hors » le royaume pour en discréditer l’union, afin que « ceux du dehors » – les nations étrangères – ne s’engagent pas dans ces affaires et que « ceux du dedans » – les sujets portugais – se craignent les uns les autres et vivent dans un état de « constante méfiance ».

L’auteur ajoute qu’une rumeur relative à l’existence de traîtres parmi les soldats courait dans les rangs de la cavalerie et aurait été la cause de son désordre. Lorsque les combattants virent la cavalerie hollandaise en fuite, ils imaginèrent que ces spéculations étaient vraies et qu’il ne valait pas la peine de risquer sa vie pour une bataille à l’issue déjà décidée. Cet exemple devrait montrer aux sujets loyaux qui répandaient ces bruits en pensant aider leur royaume, qu’en fait ils ne faisaient que favoriser les artifices de l’ennemi. Le texte se termine par une justification du retard de la publication « désirée de beaucoup » : les premières nouvelles étant toujours floues, il était nécessaire de bien vérifier les faits pour qu’aucune fausse information ne soit diffusée. Si cette note révèle l’intention de légitimer la version présentée, elle indique aussi que les Portugais semblaient au courant de ce que des récits castillans de la bataille de Montijo circulaient déjà. À la fin de l’imprimé, parmi les autorisations des censeurs, figure la transcription d’un décret du roi du 11 juin 1644, ordonnant la publication de la relation : D. João IV était parfaitement conscient de la nécessité de divulguer ce document le plus vite possible. Pourtant, ce zèle s’avéra insuffisant, et les Portugais s’engagèrent apparemment tardivement dans la « seconde » bataille de Montijo, celle disputée dans le domaine de l’opinion.

De fait, du côté castillan, le capitaine sévillan António Pardo de Gayoso avait publié la Relación en octavas heroicas, dont le titre annonçait la présentation du récit « réel et vrai » de la bataille18. Une lettre au roi, attribuée au marquis de Torrecuso19, fut également imprimée, afin de donner au lecteur l’impression qu’il partageait véritablement la correspondance privée échangée entre le général et le monarque espagnols. Ce n’était qu’un début. Quelques jours plus tard, un événement inattendu agiterait considérablement cette polémique : le 18 juin, la Gazette de Gênes inséra parmi ses nouvelles celle de la bataille de Montijo – la narration reposant toutefois sur les informations avancées par les Espagnols. La réaction lusitanienne vint par la plume de Luis Marinho de Azevedo, auteur d’une Apologie militaire en faveur de la victoire de Montijo et contre les relations de Castille et la gazette de Gênes, qui, mordantes, la calomnièrent et, malicieuses, l’usurpent20.

D’un ton véhément, Azevedo dénonce la méthode espagnole consistant à payer des agents spécialisés dans la diffusion de fausses nouvelles, « falsifiant l’or de la vérité comme si elle fût de la monnaie ». D’après lui, Gênes, Naples et Milan servaient en fait de ponts par lesquels les « mensonges de Castille » étaient déversés « dans toute l’Italie et l’Allemagne ». Il ajoute que le gazetier n’avait aucun alibi pouvant excuser son erreur, puisqu’il n’avait pas attendu l’arrivée des lettres apportées par les marchands génois de Lisbonne. À l’inverse de ce qu’on fit « en Hollande », où crédit fut accordé aux lettres « du capitaine Vaguen et du quartier-maître général Jean Gilot », et en France, où on suivit « celles de Monsieur de Jardin et d’autres marchands », le gazetier génois préféra se fier à celles « forgées dans les prisons de San Philippe ». Ironiquement, à force de dévoiler les pôles de la propagande castillane, l’« Apologie » finit par exposer ceux du Portugal. Or, à en croire Azevedo, si Gênes, Naples et Milan transmettaient les nouvelles de Madrid, la France et les Provinces Unies propageaient celles de Lisbonne.

Azevedo essaya pourtant de détruire la crédibilité de la gazette en exposant la soumission politique et l’intérêt monétaire de cette dernière. Il se moque du nombre des morts, et de celui des armes saisies, assurant que la seule arithmétique que la gazette connaît est celle de l’argent de Castille. Face à l’accusation des « excès abominables » commis par les Portugais à Barcarrota, dont l’église fut détruite, il fait appel « aux manifestes de Catalogne », notamment à la Proclamación Católica21, comme si la littérature produite par les révoltés composait un miroir des abus des Castillans, légitimant en soi les soulèvements. Évoquant habilement les revers subis par la Monarchie catholique et la production imprimée de ses ennemis, il rappelle que changer le résultat des batailles était une pratique courante des Espagnols, comme ils le firent lors du siège de Perpignan22. Dans le raisonnement d’Azevedo, cette tactique reposait sur le constat qu’un mensonge écrit acquiert la force de la fama23.

Après avoir recommandé aux seigneurs génois de châtier les calomnies de la gazette pour conserver leur neutralité vis-à-vis du conflit franco-espagnol, Azevedo affirme qu’ayant achevé la tâche de réfuter les mensonges de l’ennemi, il disposait encore de temps pour louer les faits d’armes des grands dignitaires portugais. Toutefois, « changeant de style », il s’adresse aux soldats inconnus qui par une si brave action constituèrent « les murs de [leur] patrie », et les exhorte à ne pas craindre les duperies des Espagnols et leurs alliés, puisque la « vérité publiée en Hollande, France, Italie et d’autres provinces » finirait par être connue24. Malgré sa force de conviction, l’« Apologie » ne clôtura pas les débats. Les Castillans imprimèrent d’autres textes et, en octobre 1644, la gazette de Gênes notifia les incursions espagnoles dans le territoire portugais.

La réponse vint dans un pamphlet intitulé « Vérités portugaises contre calomnies castillanes écrites dans des relations et gazettes, pour détromper ceux qui les lisent »25. Le texte anonyme envisage de sauvegarder la réputation du royaume, énonçant que quiconque voulût recevoir le titre de « vrai fils » de la patrie devrait la défendre avec l’épée et la plume. Dans un style moqueur, l’auteur ironise sur le gazetier de Gênes, affirmant que si la secte de Pythagore et celle des druides existaient encore, on pourrait penser que des âmes castillanes occupaient des corps génois. Il lui donne alors un « conseil d’ami » : qu’il se mette à écrire des nouvelles sur la Chine, le Japon, la Perse ou la Turquie et personne ne s’en plaindra. Il explique qu’auparavant les « mensonges de Castille » avaient l’habitude de naviguer de Barcelone aux provinces d’Italie, arrivant à « bon port » à Gênes. À cette époque, plus le voyage était court, moins les mensonges étaient grands, mais depuis que le principat était passé sous domination française, ils partaient d’Alicante ou de Vinaroz, « avec plus de risque et moins de crédit », respectant ce qui est utile et non ce qui est honnête. Puis le pamphlet se propose de percer à jour les méthodes utilisées par l’ennemi pour manipuler l’opinion des sujets et cacher ses défaites.

L’un des exemples est celui d’un soldat espagnol condamné à mort et qui, après avoir combattu à Montijo, ne voulut pas mourir sans se confesser et avoua sur l’échafaud que les Portugais avaient remporté la bataille. Immédiatement, tous les assistants le firent taire comme s’il avait proféré un blasphème qui à lui seul justifiait qu’il fût pendu, car il parlait contre les « mandats de la justice » répandus en toute la Castille. Autre exemple : après que la flotte française eut battu les Espagnols près de Carthagène, on désigna un clerc pour qu’il arrivât à Madrid dans la nuit, en criant « victoire ». Ensuite, on pria la Vierge d’Atocha pour la remercier de la soi-disant conquête, l’autorité de l’Église servant à légitimer l’imposture du prêtre soudoyé auprès des sujets et au profit du gouvernement. En outre, promesse est faite de publier d’autres écrits pour démentir les absurdités de l’ennemi. La littérature constitue plus que jamais un champ de bataille : aux médisances de l’évêque Laínez26, dont le Privado Christiano reproche aux découvertes portugaises d’être plutôt le fruit de l’ambition que l’expression de la volonté de prêcher la parole de Dieu, on réplique par les protestations de Las Casas contre le massacre « de milliers d’indiens innocents »27.

La logique reste la même : employant la plume des hommes savants et des clercs pour tromper « le vulgaire ignorant »28, l’Espagne souhaiterait persuader les autres nations que le Portugal ne pouvait pas se défendre. Le texte voit dans les auteurs de relations et de gazettes les pièces centrales de la machine de propagande castillane, « achetés et rémunérés pour mentir par office et pour tromper par occupation », interdits de dire la vérité sous peine de perdre leurs charges29, à l’instar du gazetier génois. De fait, Gênes s’était transformée pendant la Guerre de Trente Ans en une zone de lutte d’influences entre l’Espagne et la France, et le marché de nouvelles de la République n’était pas à l’abri de ces pressions. Gênes avait depuis longtemps entretenu des liens étroits avec Madrid 30. Dans les décennies 1620-1630, ces relations commencèrent à s’affaiblir, compte tenu de l’insatisfaction croissante des patriciens génois pour la politique internationale de la Castille, qui traitait Gênes plutôt comme un domaine vassalisé que comme un État allié indépendant. La France, désireuse de neutraliser la montée en puissance espagnole dans la Péninsule Italique, songeait à intervenir dans les affaires de la République, en même temps que certains patriciens voyaient dans le Roi Très Chrétien une alternative à l’hégémonie habsbourgeoise31.

En 1629, la balance pencha en faveur des Français, et les relations diplomatiques entre Paris et Gênes furent rétablies. Dorénavant, l’ambassadeur de Louis XIII travaillerait à construire un parti français au sein du patriciat32. En 1634, Richelieu obtint des Génois une déclaration de neutralité vis-à-vis du conflit imminent entre la France et l’Espagne33. Ces enjeux politiques intervinrent directement dans l’organisation du marché des nouvelles à Gênes. Le 13 novembre 1634, le gouvernement décréta qu’aucune feuille d’information ne serait plus écrite ou diffusée sans être préalablement analysée par les censeurs, décision qui concernait surtout les avis manuscrits de Botticelli et Costa34. Quelques années plus tard, le 18 juillet 1639, le typographe Calenzani35 fut appelé à rendre compte aux inquisiteurs d’État de l’impression de feuilles d’information sans l’approbation des magistrats. Le 22 du même mois, Michele Castelli – auteur présumé desdites feuilles – présenta une pétition formelle pour obtenir le privilège d’impression de ce qui serait la première gazette imprimée à Gênes. Sa demande fut accueillie, et une amende décidée envers tous ceux qui publieraient ou distribueraient des gazettes sans lui payer les commissions dues. Une compétition farouche s’installa alors entre le privilégié Castelli et son concurrent Botticelli36. Une dénonciation anonyme accusa alors Calenzani, typographe responsable de l’impression de la gazette de Castelli, de pencher excessivement en faveur du parti du Roi catholique, comme s’il fût un « salarié des Espagnols ». Le texte explique :

Qui est cet imprimeur, Calenzano ? Comment se prête-t-il à envoyer chaque semaine dans toute l’Italie certains avis imprimés pleins de gloses, de commentaires et d’autres vanités en faveur des Espagnols, avec beaucoup de suspicion que tout cela soit fait sur l’ordre de Vos Sérénissimes Seigneuries ? Peut-être qu’il est quelque salarié des Espagnols, ou que quelque plaisantin s’amuse à lui faire écrire ou imprimer de la vanité pour faire murmurer les Italiens de la République de Gênes, qui fait profession d’être neutre entre les deux couronnes, et permet que les imprimés de Gênes, Ville libre et ingénue, se rendent esclaves des passions espagnoles. Sérénissimes Seigneuries, remédiez à l’imprudence de cet homme, qui avec un si grand scandale continue à publier ses petits détritus commentés et passionnés, en lui ordonnant de corriger ses imprimés en enlevant les gloses, les mensonges et les passions, et qu’on ne fasse pas l’écho des Avis de Milan, ce qui ne convient pas à un imprimeur d’une Ville libre et non esclave des Espagnols37.

Sans doute, l’accusation renvoie à celle d’Azevedo. Botticelli et Costa, lésés par le privilège de Castelli, furent les premiers suspectés d’en être les auteurs. Selon Neri, malgré leur exclusion du marché des nouvelles, ils continuèrent d’envoyer à leurs clients étrangers leurs feuilles manuscrites, tentant probablement d’agir dans l’ombre pour faire concurrence à Castelli. Costa, moins prudent, tomba sous « l’œil vigilant » des inquisiteurs et le Sénat demanda son expulsion en 1643. Son exil ne dura pas longtemps : il argumenta qu’il était un homme âgé, en mauvaise santé, et la victime d’un rival qui voulait remettre en question la circonspection de ses avis sur « les succès du monde ». Le gouvernement accepta ses excuses, et il rentra à Gênes le 10 juin 1643 38. Il est pourtant remarquable que l’affaire de son expulsion fût liée à la nature de ses nouvelles sur les événements internationaux.

Le parcours de Botticelli est plus suggestif. En juin 1644, il réapparut à la tête d’un titre dont la publication, chez Farroni39 (ex-associé de Calenzani), durerait un peu plus d’un an, jouissant apparemment de l’autorisation du gouvernement40. La guerre d’informations était explicitement ouverte à Gênes, et les gazetiers ne cachaient pas leur choix. Castelli prenait nettement parti pour les Espagnols et les princes Tomas et Maurice de Savoie, adversaires de Christine de France – « Madame Royale » –, la représentante du pouvoir français dans le duché41. C’était un véritable professionnel de l’information, recevant des revenus annuels pour envoyer ses nouvelles manuscrites à plusieurs États d’Italie42. Selon Pàstine, le Gouvernement de Gênes ne fut pas sensible aux critiques anonymes contre la préférence de Calenzani – et de Castelli – pour l’Espagne, et on peut penser qu’il ne la désapprouvait pas43. Botticelli au contraire défendait les intérêts de la France. Pàstine suppose que le rapprochement entre Gênes et la France en 1643, quand la République envoya son ambassadeur à Paris pour saluer le petit Louis XIV, a permis à Botticelli, par le biais de l’influence française sur le patriciat génois, d’acquérir le droit de publier sa gazette44. Chacun employant sa plume au profit de la puissance qu’il servait, les gazetiers se disputaient la narration des événements de la politique internationale. Tous deux « couvrirent », par exemple, la Guerre de Catalogne, avec une notable disparité entre leurs récits45.

En juin 1645, les privilèges des gazetiers furent à nouveau revus et un autre changement eut lieu. Le 9 août, Castelli obtint en effet le privilège pour trois ans – vendu dès lors à forfait – de « faire, faire faire, écrire, donner et distribuer » exclusivement les feuilles informatives, imprimées ou manuscrites ; toute autre personne étant interdite de le faire sans sa permission46. Cette décision provoqua un fort mécontentement – la concession à Castelli et à son fils du droit de porter des armes, le 28 du même mois, le prouve. Le 14 septembre, Botticelli signa sa dernière gazette47 mais cette fois-ci l’opposition de Castelli alla beaucoup plus loin. Le 6 octobre, le comte de Brienne écrivit une lettre au secrétaire du Mesnil, alors en charge des affaires du Roi de France à Gênes, dans les termes suivants :

L’on a trouvé fort estrange au Conseil du Roy la témérité de Castelli gazetier a Genes qui a ozé plusieurs fois employer en les nouvelles diverses choses scandaleuses et faulses contre l’honneur et la réputation de la France : c’est pourquoi vous luy ferez dir qu’il s’abstiene d’ores enavant de parler ny escrire en aucune façon des affaires de France ny des allies sur peine d’estre mal traitté et rigoureusement chastié si apres en avoir esté averti il oze l’entreprendre48.

Les gazettes de Castelli nuisaient tellement à la France que le comte de Brienne lui ordonna lui-même d’arrêter de parler de ses affaires et de celles de ses alliés. Une telle intimidation au temps où la polémique déclenchée par Montijo était encore vive n’est pas négligeable. Fin octobre, Castelli fit appel au gouvernement déclarant que le père Agostino Castelletto l’avait averti à plusieurs reprises d’arrêter de publier des nouvelles sur les affaires françaises et de se mettre d’accord avec Botticelli, ce à quoi il aurait répondu qu’il serait disposé à le faire si Botticelli acceptait de payer la taxe pécuniaire imposable, ce qui n’était pas le cas. Quelques jours plus tard, il déclara que le « Monsieur du Mesnil » lui avait transmis le message du Roi et que le jour où le privilège lui avait été donné, Botticelli lui avait promis vengeance. La nouvelle se répandit vite, et Castelli aurait même été prévenu par un de ses partenaires à Milan que le secrétaire d’Amantot avait reçu une lettre du comte de Brienne affirmant qu’il fallait prévenir le gazetier de Gênes de ne dire dans ses avis « ni bien ni mal » des affaires de « la Couronne de France et ses Confédérés ». Enfin, il avoua qu’il craignait d’être sans pouvoir choisir et implora le gouvernement de lui enlever l’obligation de payer le forfait et de lui garantir la sécurité dont dépendait une famille de 18 personnes. Si la plupart de ses fils n’était pas génois, il s’en irait servir un autre État quelconque49. Le sujet fut débattu et par deux fois on proposa de chasser Botticelli de la République, mais la motion fut rejetée50.

L’ultimatum français réussit à déséquilibrer les choses : Castelli se sentait vulnérable sans l’appui du gouvernement qui ne voulait pas s’impliquer et qui commençait à craindre que l’altercation ne touche l’opinion génoise. Le marché des nouvelles se modifia alors radicalement. Il semble que Castelli, qui continua encore à travailler jusqu’en février 1646, partit effectivement de la République, où il est remplacé par Michele Oliva et son fils Giambattista. L’assassinat de celui-ci, en décembre 1646, entraîna l’interruption de la feuille. Un autre personnage apparut, Luca Assarino, dont la gazette fut publiée le 21 avril 1646 sous le titre de Sincero, titre qui, selon Pàstine, relevait de l’« ironie des mots ». Assarino était en effet agent double : privilégié et salarié par le gouvernement de Gênes, il entretenait simultanément des relations avec la France, Turin, le duc de Mantoue et le prince Trivulzio51. Établi plus tard, à Turin avec le poste d’historien du duc, il reprit les relations avec la République, comme informateur secret du gouvernement. Si, lorsqu’il commença à publier sa gazette, il n’entretenait pas encore de rapports avec la France, après en avoir gagné les bonnes grâces, il prit la place de Botticelli comme agent d’information au service des Bourbon. Botticelli poursuivra alors sa carrière parmi les gazetiers de Gênes, mais comme concurrent d’Assarino et partisan des Espagnols. Castelli lui-même retourna à Gênes en 1647, et se remit à écrire sur les affaires des Princes. Néanmoins, après avoir dit du mal de la République, il rentra en conflit avec le gouvernement52. Mélange d’intérêts politiques et financiers, le marché de nouvelles à Gênes était ainsi très fluctuant et dangereux, aussi bien pour les gazetiers que pour les typographes. En 1656, par exemple, Farroni fut arrêté sur ordre des inquisiteurs d’État pour avoir donné, sans l’autorisation des censeurs, une relation sur le secours de Valenciennes, dont les « considérations supérieures » pouvaient toucher « les personnes des Princes nommés dans ladite Relation »53.

Tous ces exemples témoignent de l’étonnante importance politique de l’opinion au XVIIe siècle. Toutefois, à la fin de 1645, le célèbre jésuite portugais António Vieira conçut ce qui fut, peut-être, sa synthèse la plus emblématique. Dans un sermon prêché à la chapelle royale de Lisbonne aux alentours de novembre54, peu après la menace de Brienne à Castelli, Vieira exprima dans toute sa profondeur le rôle de l’opinion dans la Guerre de Trente Ans. Le moment était critique pour le gouvernement des Bragance : plus d’un an après la douteuse bataille de Montijo, on en parlait encore. Cette confrontation avait entraîné plusieurs conséquences inattendues, tandis que d’autres affrontements alimentaient le feu de la controverse née en juin 1644, notamment la tentative manquée des Espagnols d’assiéger Elvas au mois de décembre de la même année.

L’ancienne dispute au sein de l’armée portugaise persistait et, début 1645, Matias de Albuquerque perdit la charge de gouverneur de l’armée de l’Alentejo au bénéfice du comte de Castelo-Melhor, lequel y arriva au mois d’avril 1645, déterminé à reprendre l’offensive à grande échelle et satisfaisant ainsi les pressions françaises permanentes pour que les Portugais fissent « la guerre la plus vive possible » contre les Espagnols55. La cible restait Badajoz, mais les Portugais furent arrêtés et l’entreprise se solda par un échec complet. Si Castelo-Melhor proposa au roi d’autres opérations, après discussion au Conseil de Guerre, on décida de prendre les quartiers d’hiver tout en accélérant les préparatifs pour la prochaine campagne. Mais, le 25 octobre 1645, sous le commandement du marquis de Leganés, successeur de Molinguen, les Espagnols marchèrent sur Olivença et détruisirent le pont entre la ville et l’ouest du Guadiana. Castelo-Melhor, supposant le siège d’Olivença imminent, réunit toutes les forces disponibles et partit à son secours, tandis que le roi lui-même quittait Lisbonne pour en diriger la défense56.

C’est dans cette atmosphère d’incertitude, alors que le roi était en Alentejo, que Vieira prononça son sermon, priant devant la reine D. Luísa de Gusmão – qu’il appelait « Judith de Portugal » – pour la victoire, tel la Judith d’Israël face à l’armée de Nabuchodonosor. Chose remarquable : d’après lui, le but premier de cette expédition n’était pas de vaincre des soldats ou d’assujettir des territoires, mais de gagner l’opinion. Plus que le corps, ce qui était en jeu était l’âme du royaume et, selon le jésuite, « l’âme des Royaumes (...) est l’opinion »57. L’assertion est d’autant plus frappante qu’il ne s’agissait pas d’une simple abstraction ou d’une réflexion théorique détachée de la pratique sociale, mais d’une conclusion d’un des esprits le plus pénétrants de son temps, fondée sur l’observation d’une dispute politique dont la conséquence était évidente.

C’est en ayant à l’esprit les événements déclenchés par la polémique de Montijo, face à la possible invasion castillane et dans les brumes des informations contradictoires éparpillées par ce qui était à la fois une guerre de plume et d’épée, que Vieira rappelle la prophétie du Christ, selon laquelle il y aurait « non seulement des batailles, mais aussi les opinions sur ces batailles ». Et quand il souligne que, pour Salomon, le « renom » est meilleur que l’huile de l’onction, puisque celle-ci peut « donner des Royaumes », tandis que « l’opinion peut les enlever »58, c’est plutôt à D. João IV qu’au fils de David qu’il fait référence. D’après le jésuite, c’est cette opinion précieuse mettant en péril tout le Royaume que l’armée portugaise allait chercher en Castille : « Entreprise difficile », où on ne part pas conquérir seulement « les forces d’un royaume », mais « les jugements du monde »59. Il reprend l’argument des autres polémistes portugais : la réputation du royaume était menacée. Le rapport des forces sur le continent pourrait être fondamentalement altéré par l’issue du combat – respect des ennemis, engagement des neutres, constance des alliés, tout en dépendait. Par conséquent, « le monde entier » avait les yeux rivés sur Badajoz, chaque État ayant ses propres attentes sur la meilleure conduite à adopter envers le Portugal : Rome, pour savoir s’il fallait lui reconnaître l’indépendance ; les Provinces Unies, s’il fallait cesser de le soutenir ; la Castille, s’il fallait abandonner la prétention de le soumettre ; et même la France, dont la fermeté était au-dessus de tout soupçon, pour mesurer l’étendue de sa coopération60.

Vieira touche alors un point crucial de la politique européenne, à savoir le congrès de Westphalie, ouvert à Münster et Osnabrück depuis 1643. Il explique que la Diète d’Allemagne était très attentive au succès du conflit, pour fonder ses résolutions, car la justice, toute évidente que fût la légitimité de la cause portugaise, ne pèse pas les royaumes à la balance mais « les mesure à l’épée »61. Ces appréhensions n’étaient pas infondées. Au début du congrès, la conjoncture n’était pas favorable au Portugal. L’Espagne n’était absolument pas disposée à ouvrir des conversations avec ce qu’elle qualifiait de royaume rebelle, qu’il fallait récupérer aussitôt qu’il serait possible de se débarrasser d’autres fronts de bataille entraînant la dispersion des forces. Pour le sort de la monarchie des Bragance, l’hypothèse de la signature d’un traité de paix entre l’Espagne et les Provinces Unies, voire la France, était très préoccupante. La situation empira lorsque Philippe IV, ayant recours à ses alliés habsbourgeois, réussit à exclure formellement les Portugais des négociations.

Par suite, les représentants de D. João IV n’avaient pas été admis au congrès comme plénipotentiaires, ce qui équivaudrait à reconnaître leur légitimité, et ils durent intégrer les délégations françaises et suédoises. Tandis que les envoyés espagnols avaient des instructions très précises de ne pas permettre la réception officielle des Portugais à la table des négociations, les Français se présentaient comme les défenseurs des causes lusitanienne et catalane, toute en prorogeant le plus possible la discussion de la question pour que l’affaire épineuse des « rebelles » portugais ne compromît d’autres sujets à leurs yeux plus urgents62. De même, la connexion établie par Vieira entre le développement des débats à Münster et ce qui se passait sur les champs de bataille n’est pas moins pertinente. Comme le soutient Pedro Cardim, l’action des envoyés français et suédois au congrès de Westphalie était très influencée par les nouvelles qu’ils recevaient constamment sur la guerre dans la péninsule ibérique – ils auraient même souvent reçu des informations contradictoires à propos du résultats des batailles. Cela expliquerait aussi bien l’effort incessant des diplomates français pour vérifier la véritable capacité des Portugais à faire face aux Castillans63, que la tentative continue des Portugais de prouver aux Français qu’ils avaient entrepris de grandes offensives contre les Espagnols64.

Cette affaire agita les plumes : la propagande portugaise publiait les droits présumés du duc de Bragance au trône du Portugal, et refusait la domination indigne à laquelle le pays était soumis depuis son annexion forcée à la Monarchie catholique en 1580, tout en comptant sur les ambassadeurs alliés pour soutenir un plaidoyer65. Les Espagnols, en retour, soulignaient l’outrage de recevoir entre souverains légitimes les représentants d’un « vassal rebelle », ce qui revenait à proclamer à tous les sujets du monde qu’il était licite de se soulever contre leurs princes66. Le congrès était en effet lui-même un espace de circulation d’informations – souvent dissonantes – et de « papiers », c’est-à-dire, un lieu de discussion, tant à l’oral qu’à l’écrit. Des textes étaient diffusés dans l’intention de confondre tels ou tels participants par le biais de fausses informations et de rumeurs, retardant voire empêchant la signature des traités et la prise de décisions majeures. De plus, les écrits se répondaient les uns aux autres, en construisant une vraie polémique67.

Cardim signale que les diplomates étaient parfaitement conscients de l’impact des imprimés sur le cours des événements, étant d’ailleurs les mieux placés pour reconnaître combien il était essentiel pour le pouvoir de propager sa propre version des faits68. Saavedra Fajardo, un des principaux diplomates espagnols à Münster, en donnait l’exemple : dans l’avant-propos d’un ouvrage rédigé pendant un temps d’inactivité, il regrettait la confusion provoquée par le nombre excessif d’écrits publiés lors des négociations, et vu que presque toutes les « Provinces d’Europe » défendaient leurs soi-disant droits dans plusieurs livres et traités, il trouva utile de révéler par écrit ceux de la Monarchie catholique. En outre, il manifesta à plusieurs reprises son inquiétude quant à la campagne de propagande menée par les Portugais et les Français dans le but d’influencer les négociateurs69.

Le fait que la guerre était encore vive pendant le congrès augmenta la fonction stratégique du service d’information – et de désinformation – des plénipotentiaires. Par suite, au fur et à mesure que les opérations avançaient, les représentants diplomatiques attendaient que le résultat des batailles favorisât leur position dans le cadre des négociations70. La nouvelle d’une victoire militaire décisive pourrait changer complètement la conduite des pourparlers. Dans cette perspective, la polémique autour de la bataille de Montijo et tous ses prolongements touchaient le centre même de la politique européenne, se mêlant à un noyau de tensions et d’enjeux internationaux dont la force motrice résidait dans l’opinion. Loin d’être une supposition vague et isolée, l’interprétation des faits donnée par Vieira est partagée par une des personnes les plus impliquées dans la bataille de Montijo : Matias de Albuquerque lui-même.

Dans une lettre adressée à D. João IV datée de 25 juin 164471, Albuquerque lui communiqua les informations qu’il avait obtenues de trois hommes venus de Sanlúcar de Barrameda, concernant la mobilisation inattendue des Espagnols à la suite de Montijo. Un mois à peine après avoir annoncé au monarque avec effusion la nouvelle de la « première bataille » remportée par ses armes72, il se voyait obligé de lui rapporter avec étonnement la réunion rapide des forces ennemies. Les messages reçus par lui révélaient que le marquis de Torrecuso réunissait une puissante armée pour envahir le Portugal. Aux yeux du général, un tel rassemblement de troupes peu après une défaite embarrassante paraissait invraisemblable, et il avança deux hypothèses pour l’expliquer. La première supposait l’existence d’un plan fantastique orchestré par Torrecuso pour tromper le roi de Castille et les représentants des couronnes unies à la Monarchie catholique, en leur faisant croire que l’armée castillane avait remporté la bataille de Montijo, et que c’était donc le moment parfait pour entrer au Portugal et récupérer le royaume rebelle. Pour Albuquerque, le stratagème de Torrecuso aurait commencé par la publication de fausses nouvelles sur la bataille de Montijo. Selon ses informateurs, le marquis aurait publié la nouvelle selon laquelle 4 000 soldats portugais auraient été tués dans l’affrontement, voire plus de 7 000 selon certaines gazettes. Il en conclut que par le biais de cet extraordinaire coup de désinformation

il obligerait le Roi de Castille et les Peuples à se disposer tous à assister Badajoz, supposant qu’avec cela ils pourraient entrer dans ce Royaume [le Portugal] et en gagner des places...73

Le général portugais ajouta qu’il était convaincu que Torrecuso avait réussi à persuader Philippe IV et qu’il s’était même dévoué à le faire, sinon il aurait été « impossible qu’on pût prendre en Castille une pareille résolution » au temps où la guerre de Catalogne exigeait des Espagnols des efforts immenses, y compris « l’assistance personnelle de leur roi », sauf si – et Albuquerque expose ainsi sa deuxième hypothèse – cette poussée de recrutement de combattants « était due au traité de l’assemblée générale de Münster », afin que, grâce à cette démonstration de pouvoir, les plénipotentiaires espagnols pussent montrer qu’ils étaient « si loin de perdre la bataille de Montijo que bientôt, avec une armée encore plus grande », ils entreraient au Portugal74.

La vraisemblance de la conjecture d’Albuquerque ne laisse pas d’intriguer, surtout si l’on tient compte que les moyens dont les deux rois – D. João IV et Philippe IV – disposaient pour éprouver la vérité des faits étaient extrêmement douteux (il n’est pas inutile de rappeler que ceux dont dispose l’historien ne sont pas nécessairement plus fiables) : des lettres de généraux, des relations envoyées par des informateurs, de soi-disant témoignages oculaires, des rumeurs, bref, des versions rapportées par des individus que leurs intérêts personnels rendaient suspects. Force est néanmoins de constater qu’Albuquerque croyait vraiment à ses idées, ou essayait de duper le roi avec la même ruse qu’il accusait Torrecuso d’employer contre le roi de Castille.

L’objectif de l’étude n’est cependant pas de mesurer la fiabilité du discours de ceux qui s’engagèrent dans cette controverse. La lettre d’Albuquerque constitue un document historique remarquable dont la richesse consiste justement à plonger le lecteur dans le sentiment d’incertitude viscéral qui caractérisait une époque où vaincre était souvent synonyme de convaincre. La première bataille de Montijo, celle qui eut lieu sur les champs de l’Estrémadure espagnole, ne dura que quelques heures. La deuxième bataille de Montijo, celle qui mobilisa diplomates, clercs, gazetiers, imprimeurs, professionnels à la recherche du profit, et partisans actifs au service des États, dura des années et n’aboutit pas plus que l’autre à une conclusion définitive : l’issue du combat se perdit avec la vie des ceux qui y participèrent. Toutefois, ceci importe peu car il ne s’agit pas de fixer une sorte de « vérité historiographique » sur la bataille de Montijo. Ce qui importe est de dévoiler les entrailles de cette guerre d’opinion dont, à en croire Vieira, dépendait le sort des royaumes.

Du champ de bataille aux bureaux des ambassadeurs, la lutte pour gagner l’opinion traversait tous les niveaux de la politique moderne. L’analyse de la polémique de Montijo en donne plusieurs illustrations. Pendant toute la durée de la polémique, les notions de « fama » et de « réputation » furent fréquemment évoquées, désignant une espèce de prestige public ou de pouvoir symbolique qui devait être protégé à tout prix, puisqu’il influencerait de façon déterminante le comportement des États vis-à-vis des autres États, et celui des gouvernés vis-à-vis des gouvernants.

Défendre la réputation consistait bien sûr à faire de la propagande. L’important n’était pas ce qui était vrai, mais ce qui était supposé l’être. La formule machiavélienne s’applique superbement : faire croire que l’on possède une vertu est plus pertinent que de la détenir réellement. Néanmoins, les « vertus » qu’il fallait prétendre détenir pouvaient être de nature diverse. Ce prestige reposait à la fois sur des éléments concrets et sur des valeurs immatérielles. Les mêmes textes qui essayaient d’attester le pouvoir de feu des armées voulaient également démontrer la piété de leurs soldats. Face à un monde belliqueux, il fallait exhiber sa puissance militaire ; face à un monde chrétien, il fallait faire preuve de foi.

Au centre de cette querelle, les polémistes identifiaient expressément deux enjeux principaux : la quiétude des royaumes et la fermeté des alliances diplomatiques, autrement dit l’opinion des sujets et celle de leurs dirigeants. D’une part, il fallait préserver la tranquillité chez soi et pousser à la discorde chez l’ennemi ; d’autre part, il fallait nouer des ententes stratégiques et ruiner celles des adversaires. Ces horizons ne représentaient pas des métaphores littéraires ni des abstractions philosophiques, mais ils s’incarnaient dans les pratiques politiques quotidiennes ; on les rencontrait dans les jeux de force des assemblées diplomatiques et dans les troubles des populations civiles ; et on les voyait exprimés dans une multitude de textes qui circulaient largement, animant un débat public à l’échelle continentale. Selon Vieira, l’opinion était « l’âme des royaumes ». Paraphrasant l’adage des temps modernes, on pourrait aussi dire que l’information était le « nerf de la guerre ». À l’instar des armes et de l’argent, elle était une matière première du pouvoir, car manipuler l’opinion des hommes, c’est les dominer.

Illustration n° 1 – Panneau en azulejos du Palais Fronteira (Lisbonne) représentant la bataille de Montijo (circa 1670).

Illustration n° 2 – Première relation de la bataille de Montijo imprimée au Portugal (15 juin 1644).

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1 António Vieira, « Sermão pelo bom sucesso das nossas armas… », 1645, dans Hernani Cidade, Obras escolhidas do P.e António Vieira, v. 3, Lisboa, Sá da Costa, 1951, p. 229.

2 Le projet d’« Union des Armes » d’Olivares consistait à contraindre toutes les couronnes unies à la Monarchie Catholique d’Espagne à participer à l’effort de guerre (cf. Jean-Frédéric Schaub, Le Portugal au temps du comte-duc d’Olivares (1621-1640), Madrid, Casa de Velásquez, 2001, pp. 2-3).

3 Sur ce point, voir Jean-Frédéric Schaub, « La Crise hispanique de 1640 : le modèle des “révolutions périphériques” en question (note critique) », dans Annales. Histoire, Sciences Sociales, 49e année, 1994, p. 219-239.

4 Il s’agit des feuilles informatives portant le récit des événements importants ou des faits extraordinaires, très répandues à l’époque moderne. Voir : Augustin Redondo, « Les relaciones de sucesos… », dans Les Médiations culturelles, Paris, PUPS, 1989, p. 55-67.

5 Sur le problème de l’opinion à l’époque moderne : B. Dooley, S. A. Baron, dir., The Politics of Information in Early Modern Europe, London, Routledge, 2001 ; Michele Olivari, Fra trono e opinione. La vita politica castigliana nel Cinque e Seicento, Venezia, Marsilio Editori, 2002 ; Hélène Duccini, Faire Voir, Faire Croire. L’opinion publique sous Louis XIII, Paris, Champ Vallon, 2003 ; Sandro Landi, Naissance de l’opinion publique dans l’Italie moderne : sagesse du peuple et savoir de gouvernement de Machiavel aux Lumières, Rennes, Pr. Univ. de Rennes, 2006 ; Filippo de Vivo, Information and Communication in Venice, Oxford, University Press, 2007 ; Bouza Álvarez, Papeles y opinion. Políticas de publicación en el siglo de oro, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 2008 ; A. Castillo Gómez, J. S. Amelang, dir., Opinión pública y espacio urbano en la Edad Moderna, Madrid, TREA, 2010 ; Lucien Bély, dir., L’Opinion publique en Europe (1600-1800), Paris, PUPS, 2011.

6 Mafalda Soares da Cunha, « Elites e mudança política. O caso da Conspiração de 1641 », dans Eduardo França Paiva, dir., Brasil-Portugal : sociedades, culturas e formas de governar no mundo português (Séculos XVI-XVIII), São Paulo, Annablume, 2006, p. 325-343.

7 En 1641, par exemple, l’Alentejo connut trois gouverneurs différents (D. F. M. de Melo, ouvr. cité, p. 124).

8 Sur ce sujet, voir Fernando Dores Costa, « O Conselho de Guerra como lugar de poder : a delimitação da sua autoridade », dans Análise Social, vol. XLIV (191), 2009, p. 379-414.

9 Belisário Pimenta, O « Memorial » de Matias de Albuquerque, Coimbra, Bibl. da Universidade, 1944, p. 17.

10 Ouvr. cité, p. 19-20.

11 Ouvr. cité, p. 22.

12 Dans Laranja Coelho, éd., Cartas dos governadores da Província do Alentejo a El-Rei D. João IV a El-Rei D. Afonso VI, V. II, Lisboa, 1940, p. 37-40.

13 Ouvr. cité, p. 41-42.

14 Cf. Afonso Dornelas, « Batalha de Montijo », dans Historia e Genealogia, v. X, Lisboa, 1923, p. 137-141.

15 D. Antonio Valladares de Sotomayor, éd., Semanário erudito, que comprehende varias obras ineditas, criticas, morales, instructivas, políticas, históricas, satíricas, y jocosas de nuestros mejores autores antiguos y modernos, tome XXXIII, Madrid, Antonio Espinosa, 1790, p. 169.

16 Ouvr. cité, p. 188.

17 Relaçam dos gloriosos successos, que as armas de Sua Magestade ElRey D. Ioam IV. N. S. tiuerão nas terras de Castella, neste anno de 1644. atè a memorauel victoria de Montijo, Lisboa, António Álvarez, 1644.

18 António Pardo de Gayoso, Relación en octavas heróicas en que contiene todo lo real y verdadero sucesso de la batalla del Montijo, aviendose primero investigado las noticias mas individuales : juntamente con aquellas de que fue testigo de vista, como quien se halló en la batalla, Seville, Juan Gomez de Blas, 1644.

19 Copia de una carta que el excelentismo señor Marques de Torrecusa embiò a su Magestad, desde la Ciudad de Badajoz, en que le dà cuenta del sucesso que han tenido sus Reales Armas contra el Exercito de Portugal, en aquellas fronteras, Iueues 26 de Mayo deste año de 1644, Sevilla, Juan Gomez de Blas, 1644.

20 Luis Marinho de Azevedo, Apoligia militar en defensa de la victoria de Montijo. Contra las relaciones de Castilla, y gazeta de Genoba, que la calumniaron mordaces, y la usurpan maliciosas, Lisboa, Lourenço de Anvers, 1644.

21 Ouvr. cité, p. 17. La Proclamación Católica a lancé la guerre de papier entre benefectes et malefectes. Il s’agissait avant tout d’une justification de la résistance des institutions politiques catalanes à l’autorité du gouvernement central de Madrid (Mathias Ledroit, « Les Catalans partagés entre le Roi et la Terre. Orthodoxie et hétérodoxie politiques autour de la révolte de 1640 », dans Nuevo Mundo, Mundos Nuevos, EHESS, 2009, http://nuevomundo.revues.org/56569, mis en ligne le 30/06/09).

22 L. M. Azevedo, ouvr. cité, p. 1-2.

23 Ouvr. cité, p. 1.

24 Ouvr. cité, p. 23.

25 Verdades portuguesas contra calumnias castelhanas escritas en relaciones y gazetas para desengaño delos que las leyeren, Lisboa, Lourenço de Anveres, 1645.

26 Sur l’action de Laínez comme prédicateur au service du roi, voir Fernando Negredo del Cerro, Política e iglesia : los predicadores de Felipe IV, Mémoire présenté pour l’obtention du titre de docteur, Madrid, Universidad Complutense, 2001, p. 248-265.

27 Verdades portuguesas…, p. 7.

28 Ouvr. cité, p. 6-9.

29 Ouvr. cité, p. 10-11.

30 Angelo Terenzoni, La repubblica di Genova nell’Europa delle grandi potenze. Secoli XVI, XVII e XVIII, p. 1-2, http://www.acompagna.org/wit/chisiamo/iniziative/martedi/2009-2010/091110.pdf (consulté le 07 XI 2011).

31 Sur la lute d’influence entre France et Espagne à Gênes dans les années 1630, voir Carlo Bitossi, Il Governo dei magnifici. Patriziato e politica a Genova fra cinque e seicento, Genova, Edizioni Culturali Internazionali Genova, 1990, p. 207-250.

32 A. Terenzoni, ouvr. cité, p. 6.

33 Onorato Pàstine, La Repubblica di Genova e le Gazzette. Vita politica ed attività giornalistica (sec. XVII-XVIII), Genova, Waser, 1923, p. 20.

34 Achille Neri, « Michele Castelli e le prime gazzette a Genova », dans Rivista d’Italia, 1913, V. II, p. 300.

35 Sur Pietro Giovanni Calenzani et sa production typographique, voir Maria Maira Niri, La Tipografia a Genova e in Liguria nel XVII secolo, Genova, Olschki, 1998, p. 187-264.

36 A. Neri, ouvr. cité, pp. 302 et suiv.

37 Ouvr. cite, p. 303.

38 Ouvr. cité, pp. 302-304.

39 Sur Giovani Maria Farroni, voir M. M. Niri, ouvr. cité, p. 265-301.

40 A. Neri, ouvr. cité, p. 304.

41 O. Pàstine, ouvr. cité, p. 25.

42 Ouvr. cité, p. 12. Natif de Tortone, arrivé à Gênes aux alentours de 1615 et une deuxième fois en 1634, Castelli passait de ville en ville, avec sa famille et ses outils de travail (cf. M. M. Niri, ouvr. cité, p. 187-189).

43 O. Pàstine, ouvr. cité, p. 26.

44 Ouvr. cité, p. 31-32.

45 D’ailleurs, les gazetiers ne cachaient pas le lieu de provenance de leurs nouvelles. Tandis que celles de Castelli provenaient souvent de Madrid, celles de Botticelli étaient envoyées depuis des villes comme Marseille et Lyon (ouvr. cité, p. 36).

46 A. Neri, ouvr. cité, pp. 304-305.

47 Ouvr. cité, p. 304.

48 Ouvr. cité, p. 307.

49 Ouvr. cité, p. 306-307.

50 Ouvr. cite, p. 308.

51 O. Pàstine, ouvr. cité, pp. 47-48.

52 Ouvr. cité, p. 49.

53 M. M. Niri, ouvr. cité, p. 266.

54 Dans H. Cidade, ouvr. cité, p. 224.

55 D. Luiz de Menezes, História de Portugal Restaurado, partie I, tome II, Lisboa, Antonio Vicente da Silva, 1759, p. 109-113.

56 H. Cidade, ouvr. cité, p. 224.

57 Ouvr. cité, p. 229.

58 Ouvr. cité, p. 229.

59 Ouvr. cite, p. 229.

60 Ouvr. cité, p. 230.

61 Ouvr. cité, p. 231.

62 Les envoyés de Ferdinand III, en particulier Trauttmansdorff et Volmar, soutinrent totalement les Castillans en ce qui concernait le refus des représentants de D. João IV et essayèrent même de faire expulser ces derniers de Westphalie. Pedro Cardim, « Portuguese Rebels at Münster. The Diplomatic Self Fashioning in mid-17h Century European Politics », dans Heinz Duchhardt, éd., Der Westfälische Friede, Historische Zeitschrift, Beiheft 26, München, 1998, p. 296-300.

63 Ouvr. cité, p. 302.

64 Ouvr. cité, p. 306.

65 Voir par exemple : Antonio Moniz de Carvalho, Esfuerzos de la razon para ser Portugal incluido en la Paz General de la Christandad, Conformes a las Obligaciones, intereses, y empeños de Francia, Paris, 1647. Cité par P. Cardim, ouvr. cité, p. 327.

66 Discurso para refutar la demanda de Franceses y sueceses a los Estados del Jmperio, en que se conqe dan passaportes á los Deputados del Tyranno de Portugal para uenir a este Congresso de la paz général, 1645 (cité par P. Cardim, ouvr. cité, p. 308).

67 Un cas significatif est celui de la Déclaration des Ambassadeurs d’Espaigne. Touchant une Trefve pour Portugal, publiée à Münster le 14 août 1647. Le pamphlet, commissionné par la délégation espagnole, répond à un texte attribué aux diplomates français Servien et de la Thuillerie, selon lequel les Espagnols auraient octroyé une trêve aux Portugais, ce qui d’après la Déclaration des Castillans était un « artifice pour empescher d’un costé la conclusion des Traictéz, & retarder de l’autre les preparatifs necessaires & l’action requise pour le recouvrement des dites places du Brasil » (P. Cardim, ouvr. cité, p. 316).

68 Ouvr. cité, p. 316-317.

69 Ouvr. cité, p. 318.

70 Geoffrey Parker, The Thirty Years War, Londres, Taylor and Francis, p. 152-155.

71 Dans L. Coelho, ouvr. cité, p. 43.

72 Ouvr. cité, p. 40.

73 Ouvr. cité, p. 43.

74 Ouvr. cité, p. 43.