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Un aperçu de « la vie des autres » : la police parisienne du livre et ses informateurs sous l’Ancien Régime

Gudrun GERSMANN

Munich

En hommage à Daniel Roche

Monsigneur (…) jay fait de mon mieu pour découvrir plus, mais il ne ma pas été possible, jay marqué exactement é fidellement tout ce que je scavois jay meme été jusqua trois fois par jour ché M. D m y [l’inspecteur de police Joseph d’Hémery, G. G.] pour l’instruire, il ni a que luy qui peut me render justice des demarches que jay fait, quoy quil ment coute et que je sort vrayment de mon caractère pour faire pareille choise je me suis luré ( ?) entierrement dans l’esperance de nous assurer l’honneur de votre protection esperant de votre bonté Monseigneur que quand il nus arrives des remous que vous ne nous abandonneré point, vous ayants toujours servi avec la fidelité qui convien1.

Cette lettre, truffée de fautes d’orthographe et datée de la mi-décembre 1748, fut l’une des nombreuses missives qui parvenaient chaque jour au chef de la police parisienne et à ses subordonnés. Griffonnée d’une écriture gauche, elle avait été rédigée par une femme qui signait mystérieusement « Madame L M H », et faisait référence à une rafle que venait d’opérer – non sans succès – la police du livre. Avec l’aide de son mari et d’un autre complice, le compagnon imprimeur Bonnin, Madame « L M H » – dont on sait aujourd’hui qu’elle s’appelait en réalité Lamarche – avait feint de s’engager activement dans une imprimerie clandestine afin d’observer pendant plusieurs semaines, pour le compte de la police, le processus de fabrication du roman pornographique de Thérèse philosophe, interdit. Paradoxalement, l’informatrice était une grande figure des milieux littéraires clandestins, bien connue des services de police. Et pourtant, elle avait rapporté aux autorités, dans les moindres détails, l’avancée du projet et la fabrication des premiers exemplaires. Ces derniers n’étaient pas plus tôt imprimés que les forces de l’ordre arrêtaient les contrevenants2.

Pendant tout ce temps, la « traîtresse » vivait probablement dans l’angoisse de devoir assumer les conséquences de ses actes. Elle était consciente de ce que sa vie et sa réputation dans le milieu clandestin seraient anéanties si l’on apprenait qu’elle avait dénoncé ses complices. C’est pourquoi « Madame L M H » multipliait les formules obséquieuses à l’adresse du lieutenant général afin de s’assurer un minimum de soutien dans l’hypothèse où les choses se gâteraient3.

La lettre de Madame Lamarche ne contient pas de révélations fracassantes, mais c’est précisément du fait de sa banalité qu’elle se prête à une première approche, édifiante, sur la situation et sur l’état d’esprit des indicateurs de la police littéraire pendant l’Ancien Régime. Ces éléments se reflètent dans la forme et dans la nature des informations communiquées, ainsi que dans l’expression du doute et des craintes personnelles. Cette missive, typique du genre, illustre à merveille les ambiguïtés du rôle d’indicateur ; elle révèle en effet les difficultés d’une coopération étroite avec la police, notamment la dépendance des informateurs, la pression énorme pesant sur leurs épaules et leur angoisse permanente. Le comportement de Madame Lamarche n’était pas inhabituel. De nombreux documents attestent aujourd’hui de ce qu’une myriade d’écrivains, d’imprimeurs, de libraires et de colporteurs évoluant dans les milieux littéraires clandestins avaient offert leurs services à la police parisienne du livre au XVIIIe siècle.

Pourquoi les censeurs recrutaient-ils leurs agents dans ces milieux ? Qu’est-ce qui les poussait à engager à tour de bras des individus louches dont la loyauté et la fiabilité laissaient manifestement à désirer ? La réponse est simple : sans leur aide, la police du livre n’aurait jamais pu remplir sa mission dans un régime obscurantiste et soucieux de contrôler l’opinion. Les indicateurs n’auraient pas eu lieu d’être dans un État libéral, attaché à la liberté de la presse. Leur existence reposait entièrement sur la surveillance exercée par le pouvoir auquel leurs informations étaient destinées. Ils évoluaient dans une zone floue, sur le fil de la légalité, transgressant parfois les règlements officiels. Dans le Paris prérévolutionnaire, ils faisaient le grand écart entre les censeurs et les milieux clandestins, leur activité se situant à la croisée de la légalité et de l’interdit…

Comment fonctionnait la censure en France ? La surveillance des paroles et des écrits était profondément ancrée dans l’Ancien Régime. Par principe, les sujets incultes ne se voyaient accorder qu’un accès très limité au savoir. Le pouvoir les « protégeait » des ouvrages indésirables par l’intermédiaire d’un appareil de censure et de police complexe, qui filtrait les livres en amont et en aval. Son fonctionnement obéissait à une politique littéraire monopolistique, qui reposait sur l’autorisation d’imprimer, véritable institution, et soumettait des centaines d’écrivains, d’éditeurs, de libraires et de colporteurs à la répression exercée par la police du livre. Avant la Révolution française, qui ancra la liberté de la presse dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, tout le secteur de l’édition, de l’impression et de la commercialisation était régi par un vaste ensemble de règles et de sanctions. De nombreux contrevenants furent emprisonnés à la Bastille ou dans d’autres geôles du Royaume4.

La plupart des écrivains, imprimeurs, libraires et colporteurs français opérant aux confins de la légalité étaient conscients des interdits et connaissaient des exemples dissuasifs. Ils vivaient donc dans la crainte permanente d’être confrontés à la saisie impromptue de leurs presses ou emprisonnés à la Bastille. Cela n’empêcha pas le développement d’une industrie parallèle qui coexistait avec les imprimeries légales et fournissait un important lectorat en livres interdits. Fabriqués en province ou à l’étranger puis introduits clandestinement à Paris, ces ouvrages vendus sous le manteau étaient qualifiés de « drogues » dans le jargon policier5. Cependant, les imprimeries clandestines comme celle qu’avait infiltrée Madame Lamarche existaient jusque dans la capitale. Elles étaient gérées par des compagnons imprimeurs, qui travaillaient avec des caractères typographiques volés et avec des presses mobiles. Ces entreprises n’étaient pas forcément critiques à l’égard du régime ; nombre d’entre elles obéissaient simplement à des intérêts économiques. En effet, la production et le commerce d’ouvrages illicites étaient très lucratifs.6

La police du livre avait des méthodes très diverses pour combattre le trafic de « drogues » littéraires. Ainsi, elle effectuait des descentes régulières dans les librairies et les cabarets, fermait les imprimeries clandestines, arrêtait les écrivains suspects et saisissait les ouvrages subversifs. À cet égard, elle s’apparentait à un « organe exécutif » des autorités de la censure, agissant essentiellement a posteriori. Toutefois, elle élaborait aussi des mesures préventives visant à contrecarrer ou à démasquer en amont les projets d’édition illégaux. Pour mener à bien cette tâche, elle avait besoin d’indicateurs suffisamment introduits dans les milieux parallèles, car eux seuls disposaient d’informations intimes sur les personnes et leur situation, informations nécessaires à une opération efficace, planifiée à l’avance. Par ailleurs, ces « initiés » bénéficiaient d’un avantage inestimable sur n’importe quel commissaire de police, car les clandestins s’imaginaient pouvoir parler librement devant eux7.

Pour reprendre une comparaison moderne, il en allait de ces indicateurs comme du monstre du Loch Ness : tout le monde connaissait leur existence, mais personne ne les avait jamais vus. Bien sûr, ils défendaient farouchement leur anonymat, et ce souci était généralement respecté par la police, qui ne voulait pas fragiliser son système d’information. Dans les documents de l’époque, il est souvent question d’un « homme de confiance », d’une mystérieuse « informatrice » ou d’une « source ». Les indicateurs sont quasi systématiquement désignés par leurs initiales, leur nom apparaissant rarement en entier. Aujourd’hui, il est donc très difficile d’identifier les personnes qui se cachaient derrière ces messages dénonciateurs. Même pour leurs contemporains, les agents officieux restèrent longtemps des « hommes de l’ombre » : ils constituaient une menace insaisissable, mais toujours vaguement présente à l’esprit de chacun, notamment des écrivains ou des commerçants qui étaient dans le collimateur des autorités.

À l’instar de la « sombre Bastille », les méprisables indicateurs du lieutenant général de police étaient devenus un leitmotiv des ouvrages critiquant le régime à la veille de la Révolution française. En 1782, Louis-Sébastien Mercier leur consacra dans son portrait de Paris en plusieurs volumes des tirades désormais légendaires. Par ailleurs, l’indicateur était souvent décrit comme une créature nocturne de la métropole dans les récits des voyageurs européens. Johann Jacob Volkmann résuma le sentiment général à la fin des années 1780 :

Le pire des fléaux, celui dont les Parisiens se plaignent le plus, ce sont les espions de la police qui se cachent dans tous les coins, fourbes, toujours prompts à dénoncer ceux qui tiennent des propos inconsidérés sur le pouvoir8.

Quant à son confrère Friedrich Schulze, il estimait cette armée d’informateurs à plus de 40 000 personnes, ce qui était extrêmement exagéré dans la mesure où l’appareil de police eût été inévitablement dépassé par de tels effectifs9.

Aujourd’hui encore, l’indicateur – le « mouchard » du XVIIIe siècle – est considéré comme l’infâme alter ego de l’homme « respectable » et surtout de l’intellectuel. Mais n’est-il pas réducteur de perpétuer ce topos ? Avant de condamner en bloc les dénonciateurs, peut-être convient-il – malgré la qualité fluctuante des sources historiques – d’analyser les motifs de leur conduite. En effet, le parcours « professionnel » de chacun et le jeu des interactions sociales permettent sans doute de comprendre ce qui les poussait à devenir des indicateurs10. Cela paraît d’autant plus nécessaire que les « espions » de l’Ancien Régime ont rarement fait l’objet de recherches poussées. En outre, dans les travaux qui leur sont sporadiquement consacrés, ils sont presque immanquablement réduits à des curiosités historico-culturelles.

Lorsqu’on entreprend d’analyser le rôle des agents officieux sous l’Ancien Régime, il est très intéressant de commencer par les informateurs de la police du livre. Contrairement aux « vulgaires espions des champs, des bois et des prairies », ils sont généralement assez faciles à cerner sur le plan biographique – voire autobiographique – à partir des sources issues des archives de la police. Trois facteurs expliquent cet état de fait : premièrement, la personnalité des inspecteurs chargés de surveiller le monde littéraire parisien entre 1740 et 1789, qui classèrent les rapports des indicateurs dans un vaste fonds d’archives. Deuxièmement, l’aisance stylistique et le souci d’exhaustivité des informateurs littéraires. Troisièmement, la Révolution française : lorsque ces archives héritées de l’oppression devinrent subitement accessibles, à partir de 1789, l’anonymat si protégé des indicateurs fut levé11, éclairant d’anciens opposants sur l’identité des « traîtres » qui les avaient fait envoyer en prison. Les dénonciateurs devinrent alors l’objet de toutes les curiosités, voire d’une hystérie générale. Quant aux agents officieux qui avaient compté sur la confidentialité du système, ils furent soudain confrontés à la nécessité de se justifier ouvertement et à la crainte d’une condamnation publique obligeant chacun d’entre eux à méditer les conséquences de ses actes, quelle qu’en eût été la portée.

Il a fallu attendre la recherche socio-historique sur les Lumières (notamment associée à l’historien Robert Darnton, évoqué plus haut) pour que ces informateurs deviennent des objets d’étude. Dans un article publié en 1968 dans le Journal of Modern History et traduit en allemand par la suite, Darnton expose la double vie fascinante de l’écrivain et révolutionnaire français Jacques-Pierre Brissot. Ce dernier, fervent admirateur des grands philosophes, s’efforça en vain de faire connaître ses écrits quand il n’était qu’un jeune homme de lettres. En 1784, ses gazettes satiriques lui valurent un séjour à la Bastille, puis il devint un espion à la solde de Jean-Charles-Pierre Lenoir, chef de la police parisienne. L’étude des dossiers archivés par Monsieur Lenoir révèle que Brissot aurait espionné pour son compte les milieux littéraires pendant plus d’un an après sa sortie de prison. De nombreux éléments corroborent cette hypothèse. Après la prise de la Bastille, il tenta l’impossible pour détruire les documents établissant ses liens avec la police, mais il ne put endiguer la montée de la rumeur, qui se mua rapidement en certitude12.

Au-delà des découvertes spectaculaires de Robert Darnton, les archives parisiennes – et plus particulièrement celles de la Bastille – recèlent encore une pléthore de documents remarquables, largement inexplorés, sur les indicateurs de la police. Dans l’ensemble, il s’agit d’un corpus hétérogène, en partie fragmentaire, qui ne se prête guère à l’analyse quantitative et dont l’étude ne débouche parfois que sur des hypothèses. Cependant, les sources existantes offrent un éclairage intéressant sur le fonctionnement de l’appareil de surveillance élaboré par la police de la librairie, ainsi que sur les intentions et les motivations de ses indicateurs.

Avant d’examiner ces sources en détail, il importe toutefois de faire une tentative de définition, car il est difficile de cerner l’indicateur type. À quelle période naquit l’espionnage littéraire ? Des études socio-historiques récentes soulignent à juste titre la souplesse et la sophistication extraordinaires du système d’information mis en place par la police parisienne pendant l’Ancien Régime. Les autorités disposaient d’agents disséminés dans toute la ville. Parfois, c’étaient les commissaires eux-mêmes qui fréquentaient incognito des cafés et des cabarets mal famés, afin de surprendre les conversations des habitués ou de les entraîner dans des discussions compromettantes. Tout un chacun pouvait donc devenir, sans le vouloir, un informateur de la police ; il suffisait d’accepter deux ou trois chopes de vin offertes par un agent en civil et de laisser échapper, sous l’effet de l’alcool, une quelconque allusion qu’on se serait bien gardé de faire dans son état normal13.

Le présent article, qui vise à définir plus précisément l’indicateur de police pendant l’Ancien Régime, passera délibérément sous silence ces délations quasi involontaires, ainsi que les nombreuses dénonciations privées qui furent adressées à la police, par exemple après l’attentat perpétré par Damiens contre Louis XV en 1758. Certaines personnes, bouleversées par l’événement, se sentirent obligées de livrer des compatriotes qu’elles jugeaient suspects. En juillet 1758, maître Moreau, avocat bourguignon, signala ainsi un certain Moriceau à la police de Paris justifia son geste par des motivations altruistes : il aurait été mû par les répercussions de l’acte infâme perpétré par Damiens, par son amour envers le meilleur des souverains, par son profond respect pour ce que l’État avait de plus sacré et de plus vénérable, mais aussi par les terribles angoisses tourmentant son âme depuis qu’il avait entendu les tirades menaçantes et irrévérencieuses de Monsieur Moriceau, dont il avait fait la connaissance lors d’un dîner organisé le jeudi de la semaine précédente14. Le crédit qu’accordait la police à ce genre de dénonciation apparut clairement dans la sanction, qui ne se fit pas attendre : Moriceau, habitué des cafés politiques, auteur de gazetins interdits et agitateur notoire, fut exécuté sur la place de Grève.

Ces délations étaient généralement le fait d’initiatives individuelles et exceptionnelles. Par ailleurs, elles apparaissaient souvent dans des lettres moralisatrices, l’auteur justifiant son geste en invoquant le bien commun. La suite de l’article fait plutôt référence aux indicateurs professionnels. À l’instar de Madame Lamarche, ces derniers étaient parfaitement conscients de leurs actes. En outre, ils étaient indirectement mandatés par l’État puisqu’ils collaboraient avec la police de la librairie dans le cadre d’accords quasi contractuels, s’engageant à fournir des informations régulières en contrepartie d’une rémunération ou d’avantages en nature.

La police du livre n’aurait guère pu remplir sa mission sans recourir quotidiennement à ces nombreux informateurs. Pourtant, aucune histoire ne leur a encore été consacrée. Si ce projet était entrepris, il pourrait, compte tenu de l’état actuel de la recherche, s’appuyer sur les éléments suivants. Dans un premier temps, il conviendrait de dépasser les clichés éculés pour explorer plus à fond les liens existant entre l’institution et l’individu, la police littéraire et l’indicateur, ainsi que leurs implications. Pour cela, il faudrait préalablement esquisser une typologie des informateurs en s’efforçant de rendre justice à leurs multiples profils, du simple suiviste à l’espion professionnel. Ce faisant, il faudrait tenir compte des motivations et des facteurs biographiques susceptibles d’expliquer leurs agissements, mais aussi de la façon dont ils se percevaient : comme en témoignent de nombreux documents, certains d’entre eux s’interrogeaient sérieusement sur les conséquences de leurs actes. Par ailleurs, il serait indispensable de soumettre à une lecture critique les rapports rédigés par les indicateurs. Les études anciennes ont trop souvent négligé le fait que ces textes, élaborés avec le plus grand soin à l’attention de la police du livre, ne constituent nullement des descriptions objectives.

Les écrivains et les imprimeurs à la solde de la police littéraire maniaient quotidiennement la langue et l’écriture, et cela se reflétait fréquemment dans la rédaction de leurs missives. Si cette observation ne s’applique pas aux dénonciateurs plus modestes, tels que les petits colporteurs ne sachant ni lire ni écrire, elle se vérifie bel et bien chez les hommes de lettres. Par exemple, les rapports envoyés par Mathieu-François Pidansat de Mairobert ou par le chevalier de Mouhy n’avaient rien d’un compte rendu ou d’une simple description. Ils obéissaient à une structure habile, répondaient d’emblée aux attentes du destinataire – c’est-à-dire de l’inspecteur de police – et suivaient une dramaturgie clairement définie.

La complexité des relations entre la police du livre et ses indicateurs apparaît très nettement quand on se penche sur l’inspecteur Joseph d’Hémery (brièvement évoqué plus haut), en charge de la surveillance officielle du monde parisien des lettres (écrivains, imprimeurs et libraires) depuis la fin des années 1740. À ce titre, il contrôlait les ouvrages envoyés de l’étranger, tenait d’une main de fer les commerçants, imprimeurs et colporteurs détenteurs d’une autorisation officielle, inspectait les imprimeries parisiennes et traquait les auteurs ou vendeurs d’écrits illégaux15. Mais les sources révèlent surtout que l’inspecteur de la librairie faisait preuve d’un talent extraordinaire pour approcher les informateurs, les entretenir et les placer à des postes stratégiques au sein des milieux clandestins16. Joseph d’Hémery exigeait de ses agents des rapports détaillés et réguliers sur la vie et les agissements des personnes épiées. Il s’intéressait non seulement aux activités littéraires des auteurs suspects, mais aussi à leur mode de vie, à leur personnalité ou à leur apparence. Les indicateurs devaient exercer un contrôle sans faille, s’immiscer dans tous les domaines et ne négliger aucun détail, même s’il pouvait paraître futile à première vue.

Bien que Joseph d’Hémery n’ait jamais exposé ses raisons en détail, il semble évident que cette politique de l’information extrêmement rigoureuse obéissait à la logique selon laquelle « le savoir, c’est le pouvoir ». L’inspecteur voulait se familiariser le mieux possible avec le « mode opératoire » des auteurs subversifs afin d’être paré à toute éventualité et de pouvoir réagir rapidement si un ouvrage interdit était mis en circulation. Dans cette optique, il recourait à un système d’identification sophistiqué, sorte de bertillonnage avant l’heure, qui accordait la plus grande importance à l’analyse des caractéristiques physiques17.

En faisant appel à des indicateurs, Joseph d’Hémery cherchait aussi à réduire la pression exercée par ses supérieurs, qui exigeaient de lui des résultats rapides lorsque paraissaient des libelles sur des nobles de haut rang, d’éminentes personnalités ou des membres de la Cour. Ainsi, d’Hémery reçut du lieutenant de police Sartine une lettre portant la mention « urgent » juste après que ce dernier eut entendu parler d’un pamphlet circulant dans la capitale :

Monsieur d’Hémery doit tout mettre en œuvre pour empêcher la diffusion [de l’opuscule] ; demain, à la première heure, il me dira ce qu’il sait de l’auteur et de l’imprimeur,

écrivit Sartine. On imagine sans peine la pression qui pesa alors sur d’Hémery. De même que les indicateurs étaient soumis au bon vouloir de l’inspecteur, ce dernier était tributaire de leurs informations.

Comment travaillaient les agents officieux de la police du livre ? Comment s’y prenaient-ils pour espionner leurs contemporains ? Les dossiers constitués pendant le mandat d’Hémery montrent pourquoi et comment la police de la librairie utilisait ses indicateurs. Ils révèlent en outre la complexité des stratégies élaborées pour mettre les « cibles » en confiance. Comme dans le cas de Madame Lamarche, la méthode la plus courante consistait à placer durablement un informateur – ou, pour reprendre la terminologie d’Hémery, un « homme de confiance »18 – dans l’entourage immédiat d’écrivains, d’imprimeurs ou de libraires suspects afin d’être minutieusement informé de leurs activités.

Ainsi, le 19 juin 1751, Joseph d’Hémery rendit compte à son supérieur d’une mission d’observation engagée depuis six mois. En décembre 1750, il avait appris qu’un couple appelé Devaux vendait jusqu’en province des « nouvelles à la main », c’est-à-dire des gazettes manuscrites au contenu subversif, strictement interdites. Pour réunir des preuves tangibles, il envoya aussitôt un « homme de confiance » dans une chambre meublée située non loin du domicile des Devaux. L’agent avait pour consigne de tisser avec le couple des liens de bon voisinage afin de se procurer un exemplaire de ces écrits prohibés. Il consacra près d’un mois à mettre les Devaux en confiance, puis il passa à l’étape suivante. Joseph d’Hémery avait chargé l’espion de raconter au couple une histoire rocambolesque : ce dernier devait annoncer à ses nouveaux amis qu’il était malheureusement contraint de quitter Paris sans délai pour retourner dans sa province natale, mais qu’il serait infiniment comblé de continuer à lire les « nouvelles à la main », s’ils voulaient bien lui faire le plaisir de les lui procurer. Après quelques jours de réflexion, les Devaux acceptèrent le marché et informèrent l’espion qu’une personne de leur connaissance était disposée à lui faire parvenir les « nouvelles » deux fois par semaine moyennant trois livres par mois. L’indicateur paya ses fournisseurs à l’avance, leur laissa une adresse postale et feignit de partir. Bien sûr, l’adresse était en réalité celle d’un deuxième intermédiaire spécialement recruté à Soissons pour réceptionner les « nouvelles » parisiennes interdites. Enfin, un troisième homme de confiance fut engagé afin de transmettre les fragiles feuillets à d’Hémery lui-même, dernier maillon de la chaîne.

Avec deux siècles et demi de recul, les stratagèmes élaborés par d’Hémery paraissent tellement complexes qu’on est irrésistiblement amené à s’interroger : dans de telles conditions, comment la police du livre pouvait-elle organiser ses traques et tout simplement fonctionner ? On pourrait même se demander si, pendant la deuxième moitié du XVIIIe siècle, l’inefficacité croissante de la police littéraire ne résultait pas directement de ces manœuvres, dont le résultat était négligeable au regard des frais engagés. Malgré toute leur sophistication, les petites machinations échafaudées par d’Hémery étaient loin de porter leurs fruits avec la rapidité escomptée. Car si l’inspecteur avait investi de tels moyens, rémunérant trois indicateurs pendant plus de six mois, ce n’était pas tant pour piéger les Devaux – dont les simples activités de vente et de diffusion l’intéressaient modérément – que pour identifier le véritable auteur des « nouvelles ». Il lui fallut encore beaucoup de temps et d’efforts pour démasquer enfin Nicolas Sarrazin, ancien étudiant en musique confondu par des analyses graphologiques.

Les informateurs se remettaient-ils en question ? Certains d’entre eux ne paraissaient guère préoccupés par les conséquences de leurs actes. Ils considéraient manifestement qu’espionner des amis et des collègues au sein des milieux clandestins constituait une activité comme une autre, un simple moyen de subsistance, et il leur arrivait même de recommander les services de personnes « de confiance » issues de leur entourage. Cette sollicitude profita par exemple au compagnon imprimeur Pigache. Dans un courrier daté de mars 1752, des indicateurs chevronnés assurèrent à d’Hémery que Pigache, un « bon garçon » très bien informé, ferait un homme de confiance idéal19.

Avec le recul, on pourrait classer la plupart des indicateurs de police en deux familles : d’une part, les profiteurs qui raisonnaient en termes pragmatiques, et d’autre part, ceux qui agissaient par conviction. Le célèbre dramaturge Fréron, dont les activités d’espion étaient un secret de Polichinelle à Paris dans les années 1750, appartenait typiquement à cette dernière catégorie. Dans L’Écossaise, représentée à la Comédie française en juillet 1760, Voltaire accusa pour la première fois publiquement Fréron d’espionnage, sans faire la preuve de ce qu’il insinuait 20. Sa théorie ne fut confirmée que bien plus tard, lorsqu’on étudia les anciens dossiers d’Hémery. En effet, Fréron renseigna secrètement l’inspecteur de police sur les milieux littéraires parisiens pendant plus de deux décennies, de 1750 à 1771. Dans ce cadre, d’Hémery et son espion nouèrent une relation presque fusionnelle. Fréron était probablement le seul indicateur adressant ses comptes rendus à son « cher ami », et il lui arrivait de dîner avec d’Hémery. Mais il n’en négligeait pas pour autant l’aspect financier des choses, et les deux hommes ne perdaient pas de vue le caractère professionnel de leurs rapports21.

Une autre catégorie d’espions littéraires présente sans doute un intérêt historique particulier : les écrivains qui, tels que Jacques Pierre Brissot ou Pierre Manuel, menaient une existence paradoxale, c’est-à-dire qu’ils critiquaient le régime tout en épiant – parfois durablement – leurs confrères des milieux clandestins pour le compte de la police du livre. Le cas de Pierre Manuel illustre parfaitement l’ascension, ou plutôt la déchéance d’un jeune écrivain converti à l’espionnage. Né vers 1754 dans une famille de toiliers montargois, Pierre Manuel fait d’assez bonnes études au collège22,puis il intègre le séminaire de Montargis23 avant de trouver sa voie : il sera essayiste et écrivain. Après avoir accompli les rites initiatiques classiques, notamment la visite d’un grand auteur des Lumières24, il s’installe à Paris vers 178025 (il a alors environ 25 ans) dans l’espoir, confiera-t-il plus tard, « de s’ouvrir le chemin d’un établissement dans la librairie »26. Mais, à l’instar de nombreux jeunes écrivains inconnus et démunis de sa génération, Pierre Manuel fut bientôt confronté à la frustration et à l’échec dans la capitale mondiale de la littérature et des beaux-arts. Il fut obligé de gagner sa vie en exerçant divers emplois de précepteur ou d’assistant libraire, se consacrant à l’écriture uniquement pendant son temps libre27.

Certes, l’extraordinaire diversité de ses écrits ne tarda pas à éclater au grand jour : lors d’une rafle effectuée en avril 1786, la police saisit dans son logement de la rue des Deux écus de multiples courriers et manuscrits en cours, mais aussi des essais et des comptes rendus critiques, des nécrologies, des brochures et des pamphlets28. Malgré tous ses efforts, Pierre Manuel ne connut pas le succès. En 1788, son Coup d’œil philosophique sur le règne de saint Louis fut étrillé dans l’Année littéraire29 de Fréron, et son almanach intitulé L’Année françoise, ou Vies des hommes qui ont honoré la France subit le même sort l’année suivante. Le jugement fut sans appel : selon les critiques, le jeune Pierre Manuel était un « obscur compilateur » qui ne savait pas écrire, déformait les faits et multipliait les déductions erronées30.

Quelques années après son arrivée à Paris, les perspectives de Pierre Manuel paraissaient bien mornes. Au lieu d’être un écrivain acclamé – ou simplement de pouvoir vivre de sa plume –, il était devenu un habitué des cafés les plus populaires de Paris, un de ces « pauvres diables » faméliques qui s’attiraient les quolibets permanents de confrères mieux lotis31. Étant donnée la misère dans laquelle il vivait depuis plusieurs années, il n’est pas étonnant que Pierre Manuel ait fini par accepter un travail promettant d’être lucratif, celui d’indicateur dans les milieux littéraires clandestins. Comme l’indique un volumineux dossier établi sur lui par la police du livre, il était devenu, au milieu des années 1780, une figure clef de ce monde parallèle à Paris. Il était particulièrement actif dans le commerce d’éditions pirates, de brochures interdites et de nouvelles à la main. Par ailleurs, Pierre Manuel était un des principaux interlocuteurs des éditeurs clandestins en Europe. À ce titre, il entretenait des liens étroits avec des librairies et des maisons d’édition à Bordeaux, Genève, Bruxelles, Marseille, Nantes, Maastricht, Neuwied et Lyon32.

Sa carrière clandestine atteignit sans doute son apogée à l’hiver 1786, pendant la fameuse « affaire du collier », cette subtile escroquerie qui nuisit gravement à la réputation de la monarchie et dont les fuites furent telles qu’elle devint rapidement un immense succès littéraire33. À Paris, les imprimeurs et colporteurs clandestins tels que Pierre Manuel34 avaient du mal à suivre la demande de publications illégales sur l’affaire. Selon des témoignages de l’époque, les livrets, caricatures et gravures n’avaient pas encore fini de sécher qu’on les leur arrachait littéralement des mains35. La police du livre réagit à ce formidable engouement en redoublant de vigilance et en multipliant les rafles, ce qui eut des conséquences tragiques pour Pierre Manuel. Ainsi, les enquêteurs remontèrent jusqu’à lui en cherchant à identifier les distributeurs d’un pamphlet intitulé Lettre du garde du Roi, qui dénonçait avec virulence les privilèges du clergé et le système juridique de l’époque36. Le 31 janvier 1786, Pierre Manuel fut surpris par une descente de police dans une pièce reculée de son domicile de la rue des Deux écus et conduit à la Bastille, où il fut soumis le jour même au premier d’une série d’au moins six interrogatoires37.

La police de la librairie procéda avec Pierre Manuel comme avec d’autres hommes de lettres clandestins : elle exploita la position de faiblesse dans laquelle se trouvait le prisonnier pour l’instrumentaliser. Lorsqu’elle lui proposa de devenir un indicateur à sa solde, Pierre Manuel, dans sa situation désespérée, estima probablement que l’offre constituait une issue tentante. Tout porte à croire que c’est à ce moment-là qu’il consentit, comme Jacques Pierre Brissot, à se mettre au service du chef de la police, Monsieur Lenoir. En effet, les dossiers constitués par ce dernier dans les années 1780 mentionnent explicitement Pierre Manuel comme informateur38. Autre élément indiquant que la police littéraire avait probablement conclu un marché avec lui : son emprisonnement à la Bastille ne dura que huit semaines.

La carrière d’indicateur de Pierre Manuel constitue un exemple typique : souvent, les informateurs devenaient réceptifs aux propositions – au demeurant lucratives – de la police du livre lorsqu’ils se trouvaient dans une situation dramatique, sur le plan financier ou existentiel. Leur séjour à la Bastille jouait un rôle clef à cet égard. Certes, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, le lieu n’avait en réalité plus grand-chose à voir avec le sombre mythe populaire qui l’entourait, mais l’emprisonnement n’en représentait pas moins, pour les détenus, un bouleversement d’une ampleur difficilement imaginable. La police du livre connaissait parfaitement ces mécanismes psychologiques et jouait froidement sur l’insécurité et l’angoisse du lendemain, très propices à une nouvelle carrière d’espion. Elle tirait parti de la situation sans oublier que les prisonniers avaient consenti à coopérer sous la pression des circonstances.

Les informateurs de la police devaient évidemment rester anonymes pour survivre dans les milieux qu’ils épiaient, mais il n’était pas non plus dans l’intérêt de la police qu’ils soient démasqués. Nombre d’entre eux n’auraient sans doute jamais été confondus si l’appareil de la police littéraire, qui reposait sur un fragile socle de relations, de manipulation, de chantage et d’intimidation, ne s’était pas brutalement effondré en 1789. Les archives de la police, naguère confidentielles, furent pillées dès le début des années 1790, dévoilant ainsi des vérités choquantes : certains documents prouvaient que des figures majeures de la Révolution, telles que Jacques Pierre Brissot ou Pierre Manuel, avaient collaboré avec la police de la librairie.

Les anciens pamphlétaires clandestins furent pris pour cibles à leur tour, confrontés à des écrits révélant par le menu leurs agissements passés, poussés toujours plus loin dans leurs retranchements. Sommés à plusieurs reprises de s’expliquer publiquement, ils nièrent toute implication avec l’énergie du désespoir et tentèrent, d’une façon extrêmement théâtrale, de s’ériger en parangons de la vertu offensée. Au cours d’une cérémonie, Jacques Pierre Brissot se fit remettre solennellement les clefs de la Bastille, où il avait soi-disant fait les frais du despotisme pendant si longtemps. Quant à Pierre Manuel, il raconta à qui voulait l’entendre qu’il avait été en première ligne lors de la prise de la Bastille – ce qui était faux – et mit à profit maintes réunions du Club des Jacobins pour se poser en « victime de l’absolutisme ».

Aujourd’hui encore, il est difficile d’expliquer le comportement des anciens indicateurs après la Révolution. S’agissait-il d’une fuite en avant, de tentatives destinées à duper l’opinion ? Le souci de « sauver la face » joua sans doute un rôle prépondérant dans le cas de Jacques Pierre Brissot et de Pierre Manuel. Mais d’autres facteurs entrèrent probablement en ligne de compte. Pour conclure, il est permis de se demander – même schématiquement – si l’invocation constante de la « vertu persécutée » n’était pas le reflet d’une auto-persuasion réussie. N’était-ce pas un moyen de perpétuer une image de soi intacte, idéalisée, en occultant purement et simplement les erreurs du passé ? Ce qui était objectivement perçu comme un mensonge constituait peut-être une vérité subjective. Et, avec le recul, ce facteur pourrait même conférer une dimension quasi tragique à certains indicateurs de la police.

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1 Cette lettre, cité par Paul Chauvet (« Compagnons imprimeurs »), est tirée des Archives de la Bastille (cote 10301). Sur ce fonds et sa portée pour l’histoire de la police sous l’Ancien Régime, cf. Gudrun Gersmann, « Das Bastille-Archiv, eine Fundgrube zur Erforschung des literarischen Untergrundes im Ancien Régime », dans Bea Lundt, Helma Reimöller, éd., Von Aufbruch und Utopie. Perspektiven einer neuen Gesellschaftsgeschichte des Mittelalters, Köln, Weimar, Wien, [s. d.], pp. 367-381.

2 Sur l’impression et la diffusion de Thérèse philosophe, cf. Gudrun Gersmann, « Das Geschäft mit der Lust des Lesers. Thérèse philosophe – zur Druckgeschichte eines erotischen Bestsellers im 18. Jahrhundert », dans Das Achtzehnte Jahrhundert, n° 1/1994, pp. 72-84. Pieter van Wissing est en train de rédiger une nouvelle étude sur la réception de ce roman aux Pays-Bas. En Allemagne, le livre a été réédité il y a quelques années par Michael Farin et Hans-Ulrich Seifert (Thérèse philosophe. Eine erotische Beichte, München, 1990).

3 Sur la correspondance de Madame Lamarche avec la police du livre, voir les Archives de la Bastille, 10301.

4 L’étude de Nicole Herrmann-Mascard sur la censure pendant l’Ancien Régime reste édifiante (La Censure des Livres à Paris à la fin de l’Ancien Régime, Paris, 1968). De nouveaux éléments sont mis en évidence dans le livre de François Moureau, De bonne main. La communication manuscrite au XVIIIe siècle (Paris, 1993).

5 Robert Darnton (université de Princeton) a été l’un des premiers historiens à décrire le fonctionnement de cette économie parallèle. Il étudie depuis plusieurs décennies les milieux littéraires clandestins ; pour avoir une vue d’ensemble de ses travaux, cf. Robert Darnton, The Literary Underground of the Old Regime, Cambridge (Mass.), 1982. Plus récemment, il a publié un condensé de ses recherches dans un article de l’American Historical Review (« An Early Information Society. News and the Media in Eighteenth-Century Paris », vol. 105, n° 1, février 2000). Cet article est expérimental, dans la mesure où les développements sur la « société de l’information » parisienne du XVIIIe siècle sont complétés par un plan de Turgot électronique sur lequel figure l’emplacement des cafés surveillés par les autorités pendant l’Ancien Régime. En cliquant dessus, l’internaute accède à des rapports rédigés par des indicateurs de la police (http://www.historycooperative.org/journals/ahr/105.1/ah000001.html). Les travaux de Robert Darnton ont été remis en cause ces dernières années, notamment par John Lough et Dale van Kley (Dale van Kley, « In search of eighteenth-century Parisian public opinion », dans French Historical Studies XIX, 1995, pp. 215-226 ; John Lough, « The French Literary Underground reconsidered », dans STV 329, 1995, pp. 471-482).

6 Cf. Gudrun Gersmann, Im Schatten der Bastille. Die Welt der Schriftsteller, Kolporteure und Buchhändler am Vorabend der Französischen Revolution, Stuttgart, 1993, pp. 87-187.

7 Marlinda Ruth Bruno a réuni dans sa thèse de doctorat (non publiée) des rapports passionnants rédigés par Joseph d’Hémery, inspecteur de la Librairie française (The Journal d’Hémery 1750-1751. An Edition, Vanderbilt University, 1977).

8 Johann Jacob Volkmann, Neueste Reisen durch Frankreich, vol. 1, Leipzig, 1787, p. 183.

9 Friedrich Schulze, Über Paris und die Pariser, Berlin, 1791, vol. 1, p. 154.

10 À cet égard, de nouvelles approches intéressantes sont présentées dans Gilles Malandain, « Les mouches de la police ou le vol des mots. Les gazetins de la police secrète et la surveillance de l’expression publique à Paris (2e quart du XVIIIe siècle) », dans Revue d’histoire moderne et contemporaine, 1995, t. 42, pp. 376-404.

11 Cf. Paul Chauvet, « Compagnons imprimeurs et imprimeries clandestines à Paris sous le règne de Louis XV », dans Revue d’histoire économique et sociale, 1939, p. 159 : « La police a en effet un intérêt majeur à ce que les agissements de ses agents secrets restent soigneusement cachés, et il est probable que sans le grand bouleversement de 1789, l’énorme documentation conservée dans les tours de la Bastille n’aurait été de sitôt mise à la disposition des érudits et des chercheurs. »

12 Cf. Robert Darnton, « Ein Spion im literarischen Untergrund », dans id., Literaten im Untergrund, Frankfurt a/Main, 1988, pp. 45-68.

13 Cf. Alan Williams, The Police of Paris 1718-1789, Bâton-Rouge, London, 1979.

14 Archives de la Bastille, 12002

15 Les activités de Joseph d’Hémery sont décrites dans l’ouvrage de Nicole Herrmann-Mascard, La Censure des livres à Paris à la fin de l’Ancien Régime, ouvr. cité, pp. 92-96.

16 La plupart des rapports rédigés de la main d’Hémery ne sont plus accessibles, mais il en existe une version établie par son copiste. Là encore, voir Marlinda Ruth Bruno, The Journal d’Hémery 1750-1751, ouvr. cité, p. 18.

17 Cf. Angela Taeger, « Die Karriere von Sodomiten in Paris während des 18. Jahrhunderts », dans Wolfgang Schmale, éd., MannBilder: ein Lese- und Quellenbuch zur historischen Männerforschung, Berlin, 1998, pp. 113-131.

18 BnF, mss, n.a.f. 1214, p. 19.

19 Archives de la Bastille, 10301

20 Sur les activités d’espionnage de Fréron, voir le passionnant article de Marlinda Ruth Bruno, « Fréron, police spy », dans Studies on Voltaire, 148, 1976, pp. 177-199, et plus particulièrement la p. 177.

21 Ibid., p. 190.

22 John Adolphus, Biographical Memoirs of the French Revolution, vol. II, p. 12.

23 Les activités prérévolutionnaires de Pierre Manuel furent raillées dans un libelle de 1793 intitulé La Vie secrète de Pierre Manuel [Paris, s. d.], p. 7.

24 Cf. Kuscinski, Dictionnaire des Conventionnels, p. 427.

25 Ibid.

26 Cf. sa réponse à la question pourquoi il était devenu « apprenti libraire » lors d’un interrogatoire de police mené le 7 février 1789 (Archives nationales, W 295, n° 246).

27 John Adolphus, Biographical Memoirs of the French Revolution, vol. II, p. 12.

28 Archives nationales, W 295, n° 246, Résultats de l’examen des papiers du s. Manuel (avril 1786)

29 Fréron, L’Année littéraire, année M.DCC.LXXXVIII, tome Premier, Paris, 1788, pp. 309-312 (réédité à Genève en 1966). Cependant, le livre fit l’objet d’un commentaire élogieux dans les Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des Lettres en France, depuis MDCCLXII jusqu’à nos jours, vol. 32, London, 1788, p. 10 : « 30 Avril 1786. Le Coup d’œil philosophique sur le règne de saint Louis est traité dans le genre de l’histoire universelle de Voltaire. Il est divisé en chapitres courts & rapides ; il est hardi, satirique, plaisant ; les anecdotes y sont accumulées & présentées sous le jour le plus piquant. »

30 Ibid., Année M.DCC.LXXXIX, 1789, pp. 49-74 et plus particulièrement p. 66. Le critique conclut en ces termes très durs : « Pour faire lire avec intérêt un Ouvrage comme celui-ci, où toute la vie de chacun de nos grands hommes est réduite à quatre ou cinq pages, il faudroit avoir la précision du Génie & la plume de Montesquieu ; mais une plume comme celle-là n’est point taillée pour des compilations » (p. 73 et suiv.).

31 Sur la vie de ces auteurs peu connus, voir les portraits d’écrivains dressés dans le Petit dictionnaire des grands hommes de la Révolution, Paris, 1790.

32 Archives nationales, W 295, n° 246, Résultats de l’examen des papiers du s. Manuel (avril 1786).

33 Sur les retombées publiques de l’affaire, voir Frantz Funck-Brentano, L’Affaire du collier, Paris, 1901, et L. Seubert, L’Intrigue du collier, épisode du règne de Louis XVI (1785-1786), Paris, 1864.

34 Archives nationales, W 295, n° 246, Résultats de l’examen des papiers du s. Manuel (avril 1786).

35 Frantz Funck-Brentano, L’Affaire du collier, ouvr. cité, p. 289.

36 Lettre d’un garde du Roi, pour servir de suite aux mémoires sur Cagliostro, London, 1786.

37 Les comptes rendus d’interrogatoire des 7, 11 et 16 février et des 11 et 28 mars sont consultables aux Archives nationales. Certains se trouvent sous la cote W 295 citée plus haut, d’autres dans les Minutes de la Bastille (Y 11442).

38 Robert Darnton, « Ein Spion im literarischen Untergrund », art. cité, p. 61.