Book Title

Une histoire européenne du livre et de l’édition : enseignements et perspectives

François VALLOTTON

Depuis les années 1960, et l’avènement de ce que l’on appelle l’histoire globale, la réflexion sur les jeux d’échelle pertinents dans l’analyse historique fait partie des débats récurrents au sein de la discipline. Longtemps incontestées, les catégories de « nation » et d’« Empire » ont été progressivement « déconstruites », puis considérées comme problématiques de par leur allégeance à des modèles d’explication strictement politiques. La réinscription spatiale précise et minutieuse des phénomènes historiques observés gagne alors en importance et devient le ferment de nouvelles approches privilégiant les notions de globalisation, de transnational ou de translocalisme1.

L’histoire du livre n’est pas restée en dehors de cette tendance historio-graphique de longue durée, quoique de manière discontinue et avec une temporalité propre. La présente contribution, tout en rappelant quelques étapes clés de ce processus, entend souligner les enseignements mais aussi certaines perspectives de recherche liés à ce changement d’échelle dans le domaine de l’histoire de l’édition. Pour ce faire, nous privilégierons l’espace européen. Ce choix pose immédiatement la question de la définition de ses frontières sur le plan aussi bien géographique, politique que culturel : tenir un discours sur l’Europe du livre semble tenir de la gageure, tant le continent s’avère hétérogène de par sa diversité linguistique, mais aussi confessionnelle. Les systèmes éditoriaux qui s’y sont développés se présentent de manière très différenciée du fait de contextes politiques, sociaux et économiques, ainsi que des taux d’alphabétisation dissemblables. En outre, on peut observer, à travers l’histoire, des décalages importants en matière de liberté d’opinion et de presse, ainsi que des fractures idéologiques majeures dont la plus spectaculaire à l’époque contemporaine est sans nul doute la séparation est-ouest provoquée par la guerre froide.

D’un autre côté, on peut considérer l’émergence d’un espace intellectuel européen basé sur la culture écrite comme un phénomène très précoce. Dès le IXe siècle, l’instauration de la minuscule caroline par Charlemagne marque une première uniformisation des règles d’écriture signifiant l’avènement d’une forme graphique commune à l’ensemble de l’Empire2. Au XIIe siècle, cette collectivité intellectuelle gagne en unité avec la constitution d’un réseau d’universités au sein desquelles la liste des domaines d’études est fermée, les matières enseignées et leur traitement strictement configurés, alors que le latin est la seule langue de communication. Un deuxième moment fort est constitué par la naissance de l’imprimerie puis l’impact de la Réforme, qui vont contribuer d’abord à la démultiplication de l’imprimé au sein de l’espace public, puis à la constitution de marchés régionaux via la propagation de langues vernaculaires comme instrument de centralisation administrative. L’édition devient ainsi l’une des premières formes d’entreprise capitaliste, nécessitant des investissements importants, mais aussi le développement précoce de stratégies à la fois commerciales et éditoriales afin d’élargir le cercle des acheteurs et des lecteurs potentiels. Parallèlement, les ateliers irradient depuis la vallée du Rhin, cette paper valley comme l’appelle Frédéric Barbier, à travers tout le continent pour ensuite conquérir le monde3.

Bien plus qu’une réflexion sur le rôle du livre dans l’histoire européenne – qui dépasserait le cadre d’une contribution aussi limitée –, cet article vise ainsi essentiellement à mesurer l’apport heuristique de la « focale » continentale pour le décloisonnement de l’histoire du livre et de l’imprimé. En ce sens, bien loin de mobiliser une vision européocentriste ou européocentrée de l’histoire, elle veut privilégier ce terrain d’observation afin de dessiner de nouvelles perspectives analytiques rompant aussi bien avec le récit des origines, l’approche comparative – souvent figée – des systèmes éditoriaux nationaux ou encore les réflexions en termes d’impérialisme ou de domination culturels. Ce regard sur l’Europe doit ainsi permettre de vérifier les phénomènes d’importation et d’exportation, d’influences, d’appropriations différenciées, voire d’hybridation à l’échelle d’un ensemble géographique précis. Pour ce faire, je procéderai dans un premier temps à un retour sur quelques bornes majeures quant à l’inscription de l’histoire du livre et de l’édition dans une perspective européenne avant de proposer, sous une forme plus programmatique, quelques axes de recherche influencés par certains développements récents de l’historiographie occidentale.

LES CHANGEMENTS D’ÉCHELLE AU SEIN DE L’HISTOIRE DU LIVRE

Si la rupture avec la focale nationale dans le cadre de l’histoire du livre est relativement récente, on se doit de mentionner deux ouvrages canoniques qui placent leur réflexion dans une perspective clairement européenne, soit L’Apparition du livre publié sous la signature conjointe de Lucien Febvre et Henri-Jean Martin (1958) et La Révolution de l’imprimé. À l’aube de l’Europe moderne d’Elisabeth L. Eisenstein (1983). À partir d’itinéraires, de méthodologies et de références distincts, tous deux se retrouvent sur la rupture engendrée par l’invention gutenburgienne de l’imprimerie dans les bouleversements politiques, sociaux et culturels liés à la période moderne. Tout en jouant un rôle incontournable dans l’institutionnalisation de la discipline d’abord, dans l’attachement à une forme d’histoire sociale et culturelle du livre ensuite, ces deux classiques ont toutefois donné lieu à certaines révisions quant au caractère révolutionnaire de l’innovation technique occidentale. Un regard porté sur la tradition xylographique en Chine, en Corée et au Japon, bien antérieure à l’invention de Gutenberg, suffit à montrer que cette dernière n’est pas la seule technique capable de générer « non seulement une forte culture écrite, mais encore une culture imprimée de large assise » 4. Par ailleurs, la forme du support et l’ordonnancement du texte ne sont pas modifiés par l’invention de l’imprimerie, le livre imprimé se calant, jusqu’au début du XVIe siècle en tous les cas, sur la culture du manuscrit.

D’autres césures ont ainsi été mises en exergue comme le passage du volumen au codex, la substitution du parchemin au papyrus avant le recours toujours plus régulier au papier dès le milieu du XIIIe siècle5. Plus fondamentalement, l’histoire du livre s’est ouverte toujours davantage à une histoire plus large de l’écrit, sous ses diverses modalités dans le temps comme dans l’espace. Après la publication de sa monumentale thèse consacrée au monde de la librairie parisienne au XVIIe siècle6, Henri-Jean Martin témoigne de ce renouvellement des approches dans ses travaux postérieurs7. Première étape dans cette forme de mise à distance de la césure amenée par le livre imprimé, son ouvrage Histoire et pouvoirs de l’écrit pose les jalons d’une histoire des systèmes d’écriture dans leur interdépendance avec l’organisation de la société et les manières de penser et de communiquer : associant dans la même réflexion l’apparition des premières écritures connues en Mésopotamie, en Égypte et en Chine, la fonction du passage à l’écrit dans l’Antiquité classique ou l’émergence très contemporaine des médias du son et de l’image, cette somme transcende les bornes chronologiques et les espaces géographiques habituels. Dans son dernier livre, Aux sources de la civilisation européenne – achevé peu avant sa disparition –, il élargit cette réflexion à une histoire des instruments de connaissance et des systèmes de communication, mais en circonscrivant son champ d’études :

Je pris donc la décision de limiter mon champ d’études à l’Europe, dont les langues sont précisément assez voisines pour comprendre dans une large mesure à des formes de raisonnement pour le moins homologues, et qui est de nos jours le théâtre d’un phénomène d’ethnogenèse comme il y en eut sans doute tant autrefois, et dont il est aujourd’hui essentiel de comprendre l’origine et d’appréhender les conséquences8.

Dans une autre contribution phare, la Naissance du livre moderne – qui fait suite à un premier volume collectif intitulé Mise en page et mise en texte du livre manuscrit 9 –, Henri-Jean Martin s’écarte de l’approche économique et sociale pour revenir à l’objet-livre et à l’organisation spatiale, typographique et éditoriale des textes. Centré sur la France, il insiste toutefois sur les jeux d’emprunts transnationaux et sur les logiques de distinction nationales propres à l’adoption ou la conservation de certaines mises en forme et autres caractères typographiques. Loin de constituer un retour à une pratique bibliographique érudite ou bibliophique, ce détour par les formes d’inscription d’une œuvre sur une page et dans un livre est présenté comme un prérequis pour comprendre aussi bien le sens qu’on a voulu lui donner, les valeurs symboliques qui lui étaient associées ainsi que les modes de réception induits par ces dispositifs. Comme le souligne Roger Chartier,

après avoir inventé une nouvelle discipline, l’histoire du livre, Henri-Jean Martin a été à nouveau fondateur, avec Armando Petrucci, Donald F. McKenzie et d’autres, d’un nouvel espace de recherches où sont étroitement liées l’histoire des textes, canoniques ou non, celle des objets écrits, imprimés ou manuscrits, et celle des systèmes de communication, situés entre gestes, parole et écriture10.

Sur un autre plan, la focale portée longtemps sur l’innovation technique d’une part, et sur la constitution d’un espace politique mais aussi marchand de la librairie de l’autre, s’est vue enrichie par la prise en compte de l’histoire de la réception et des formes différenciées d’appropriation des textes. Ce qui s’institutionnalisera comme « histoire de la lecture » se développe tout d’abord en Allemagne avec les recherches de l’historien Rolf Engelsing et de l’ethnologue Rudolf Schenda11. En France, les travaux de Roger Chartier soulignent entre autres l’importance de la reconquête d’une lecture silencieuse puis visuelle dans l’Occident médiéval ainsi que, pour une période plus récente, la révolution de la lecture induite dès le XVIIIe siècle par la prolifération de l’imprimé sous de multiples formes, le succès des petits formats, la baisse des prix des livres ainsi que le développement d’une forte sociabilité liées à la transmission, mais aussi à la discussion de l’actualité politique et éditoriale12. En lien avec l’essor d’une analyse de la réception et des modes d’appropriation des productions culturelles, l’histoire du livre en Europe a intégré progressivement l’histoire de la lecture à ses questionnements13. Avec pour conséquence la mise à distance de l’histoire sérielle quantitative, particulièrement présente dans l’historiographie française : basée sur certains registres de permissions ou de privilèges ou sur les bibliographies nationales, celle-ci avait en effet pour notable inconvénient l’absence de prise en compte de la production clandestine, non autorisée, ainsi que la circulation internationale des imprimés induite au XVIIIe siècle par les nombreuses presses périphériques au royaume.

Un deuxième moment fort de l’histoire du livre et de l’édition en Europe, que l’on peut situer dans les années 1980, est marqué par la mise en œuvre de vastes entreprises collectives fondées sur une cartographie régionale ou nationale clairement circonscrites. Au lancement du grand projet autour de la librairie allemande placé sous l’égide du Börsenverein des deutschen Buchhandels14 répond la publication, entre 1982 et 1986, de l’Histoire de l’édition française en quatre volumes codirigée par Roger Chartier et Henri-Jean Martin. Ces deux vastes entreprises collectives donnent dès lors l’impulsion à toute une série de chantiers similaires tout autour de la planète qui, au-delà de leurs définitions différenciées de la notion de « livre » et d’« édition », privilégient l’espace national comme cadre géographique de référence. Pas moins de quatre équipes travaillent sur l’espace britannique avec, outre la vaste entreprise de l’History of the Book in Britain lancée par Don McKenzie15, les projets spécifiques portant sur le livre en Écosse, au Pays de Galles et en Irlande. Des projets du même type ont essaimé aux États-Unis, en Australie et au Canada16, alors que de nouveaux espaces européens sont balisés avec l’Autriche, l’Italie, la Suisse romande, ou encore l’Espagne17.

Ce premier travail de synthèse est accompagné par le déploiement de multiples travaux monographiques, plus spécialement centrés sur la période contemporaine et issus notamment de l’institutionnalisation, voire de l’autonomisation, de la discipline au sein du monde académique. En parallèle, des départements, centres de conservation ou fondations spécifiquement liées à la conservation et mise en valeur des archives éditoriales essaiment un peu partout en Europe 18 : l’exemplification la plus spectaculaire de ce double phénomène peut être fournie par le cas français avec la multiplication de travaux de maîtrise et de thèses consacrés à l’histoire du livre, ainsi qu’avec la création de l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine en 1989. Cette institutionnalisation de la discipline va avoir comme autre conséquence la constitution d’un réseau international de chercheurs dont les têtes de pont seront Paris, Wolfenbüttel, Turin, Londres, La Haye ou encore Madrid. Autour de rencontres et colloques réguliers se réalise la confrontation des approches et l’élaboration de nouvelles pistes, comparatives cette fois.

La globalisation de l’histoire du livre se poursuit et s’élargit encore en 2000 avec l’organisation du premier grand colloque international de l’édition organisé conjointement à Sherbrooke par le Groupe de recherche sur l’édition littéraire au Québec et le Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Au-delà des approches monographiques qui constituent l’ossature d’une conférence rapidement transposée en livre19, cette rencontre marque un tournant par rapport à notre propos en montrant comment l’imprimé s’est développé dans le monde à partir des trois grands systèmes éditoriaux européens constitués respectivement par les modèles allemand, britannique et français. Même si ceux-ci ne fonctionnent jamais en vase clos, on peut dégager pour chacun d’eux certains traits particuliers. Pour l’Allemagne, la dimension technique, l’organisation professionnelle basée sur les foires et la figure du commissionnaire ainsi que le poids de communautés germanophones sur l’ensemble du globe. Pour la Grande-Bretagne, la fin de la censure préventive dès 1688 et la mise sur pied d’une dynamique entrepreneuriale propre à certains grands libraires, une forme de prépondérance culturelle et intellectuelle incarnée par une presse périodique, de nouveaux genres éditoriaux et certaines sociétés savantes, enfin un marché colonial basé sur une langue de communication à vocation universalisante. Quant à la France, elle compense son déficit démographique par rapport à ses voisins par le magnétisme et le prestige de sa capitale, ainsi qu’en investissant le marché de la littérature de masse bien au-delà des seules frontières linguistiques francophones.

D’aucuns ont pu regretter dans les débats qui ont présidé au colloque une vision jugée trop européocentrée ; celui-ci n’en marque pas moins une borne décisive dans la mesure où il propose la première histoire comparée pour l’ensemble des continents. Dans le même temps, il s’est employé à souligner les modalités différenciées de l’implantation de la production européenne dans le monde, les processus d’autonomisation de marchés régionaux ainsi que les circonstances du renversement de la domination économique et symbolique du « centre », comme dans les exemples américain et brésilien. Cette démarche sera poursuivie dans le cadre des colloques postérieurs organisés respectivement à Prato, Londres et Sydney20. Si la plupart des interventions et communications privilégient ici encore le modèle national comme unité géographique close21, de nouvelles perspectives émergent avec les premiers bilans critiques de la discipline22, ainsi que des ouvrages affichant clairement leur approche pluridisciplinaire d’abord, transnationale ensuite.

Emblématique de ces nouvelles approches, la Storia dell’editoria d’Europa, publiée en 1994, qui, bien que centrée – dans son deuxième volume tout au moins – sur l’édition italienne, affirme le rôle des livres (pris ici dans une dimension à nouveau exclusive) et de l’éditeur moderne dans une forme de culture européenne. Dans un chapitre spécifique23, Vladimira Zemanova évoque le rôle central de certaines capitales comme Paris, Vienne et Prague, ainsi que l’importance de revues comme La Voce (créée en 1908), la Revista de Occidente (1923) ou encore Das Wort (1937), lieu de résistance des écrivains antifascistes allemands réfugiés en URSS. On peut aussi mentionner plus récemment l’ouvrage collectif A Companion to the History of the Book24 qui articule plusieurs chapitres portant sur l’espace européen. Le chapitre sur la période moderne25 souligne le rôle dominant de la Hollande, et notamment d’Amsterdam, qui relaie Anvers depuis 1585 comme centre du commerce international du livre26 ; l’émergence postérieure de Leipzig, qui se substitue à Francfort comme centre de l’édition et de la librairie européenne et participe d’une redéfinition de la cartographie des échanges à l’échelon du continent ; la constitution d’une sphère publique bourgeoise avec l’essor de périodiques, d’une littérature de fiction en langue vernaculaire et l’expansion du modèle britannique de la circulating library ; enfin la mise en place, selon des rythmes et des modalités différenciés, des législations sur le copyright qui sont à la base d’une première autonomisation du champ littéraire et, dès la fin du XVIIIe siècle en Angleterre, de l’ouverture du marché à la concurrence. Les chapitres postérieurs27 insistent sur l’industrialisation de la production à partir du XVIIIe siècle, en lien avec l’émergence de nouveaux publics et de formes inédites de distribution de l’imprimé via le réseau, repérable sur l’ensemble du continent, des bibliothèques de gare.

S’appuyant sur une bibliographie en extension sur divers genres éditoriaux, ces synthèses soulignent le rôle de ceux-ci non seulement dans le développement de l’industrie du livre, mais encore dans l’intensification des échanges intellectuels et éditoriaux au niveau international. Les guides de voyage constituent un terrain d’observation désormais bien balisé : leur production explose durant la première moitié du XIXe siècle, en lien avec le développement du tourisme européen et avec l’impact de certaines manifestations comme la première Exposition universelle à Londres en 1851. Le concept du guide moderne, développé en grande partie par l’éditeur anglais Murray avec ses célèbres volumes à couverture rouge, est adapté et imité par Baedeker à Coblence, Bourdin et Maison (avant leur reprise par Hachette) en France, Nilby, Vallardi et Asteria en Italie. Baedeker comprend très vite l’intérêt commercial d’une publication de ses guides en allemand, anglais et français, alors que Hachette trouve en Adolphe Joanne un directeur de collection diligent chargé de veiller à l’uniformisation rédactionnelle et éditoriale indispensable au succès de ce genre de collection28.

Autre domaine dont l’importance est à souligner en lien avec l’élargissement progressif de l’instruction publique, celui des manuels scolaires. Quantitativement d’abord, ce secteur représente une part très importante de la production éditoriale des différents pays européens. On soulignera ensuite son rôle essentiel dans le décollage de maisons majeures du continent (Hachette, Larousse et Armand Colin en France, Nelson, Longman et Macmillan en Grande-Bretagne, Paravia et Loescher en Italie, etc.) ainsi que l’importance des tirages, tout particulièrement depuis le derniers tiers du XIXe siècle, via les rééditions successives : Le Tour de la France par deux enfants. Devoir et patrie a connu 411 éditions entre 1877 et 1960, alors qu’Armand Colin aura vendu 50 millions de volumes entre 1872 et 188929. Enfin, la production de manuels est largement exportée à l’étranger, sous forme de traductions et/ou d’adaptations, une réalité encore bien actuelle sur le continent africain par exemple. Parallèlement, elle a contribué à l’autonomisation de nombreux systèmes éditoriaux, comme en témoignent le développement de plusieurs maisons actives sur ce secteur en Scandinavie ou en Europe centrale et orientale tout au long du XIXe siècle30.

Afin de limiter un inventaire vite fastidieux, on ne développera pas ici l’impact d’autres formes de publications, par exemple les livres pratiques – du Parfait Secrétaire aux diverses méthodes de langues –, ou encore le marché des dictionnaires et encyclopédies, pour nous arrêter sur le rôle du roman dans cette internationalisation de l’imprimé. Celle-ci se joue sur deux niveaux, le plan des contenus d’abord, celui des supports ensuite. Le roman européen part à la conquête du monde de manière précoce. Le premier volume du Quichotte à peine achevé, les traductions se multiplient : elles vont se concentrer au XVIIe siècle dans l’espace français et britannique avant d’essaimer, mais à la fin du XVIIIe siècle seulement, au Danemark, en Russie, en Pologne, au Portugal et en Suède, dans la Mitteleuropa et l’est européen, enfin en Chine en 1872, en Inde en 1880 et au Japon en 189631. On retrouve la Grande-Bretagne et la France comme principaux pourvoyeurs de romans au XVIIIe siècle et dans la première moitié du XIXe, avec en tête de liste des auteurs comme Scott, Bulwer-Lytton, Dickens, Balzac, Dumas, Sue et Hugo. Comme l’ont montré plusieurs études issues de contextes différents, nombreux sont les pays à s’appuyer sur cette fiction importée – avec une prédilection pour les auteurs rendus célèbres par la vogue du roman-feuilleton en France – pour développer une production éditoriale autochtone et une culture littéraire propre. Jean-François Botrel a analysé comment, après un premier processus d’acclimatation et d’hispanisation d’auteurs français comme « Pablo Feval » ou « Alejandro Dumas », la littérature populaire espagnole naît avec Perez Galdos, un auteur particulièrement influencé par Balzac et par Zola32. En Italie, l’éditeur Treves, déjà à l’origine du Museo di famiglia lancé en 1861 et du Il Giro del Mondo deux ans plus tard, lance la revue Romanziere contemporaneo illustrato au sein de laquelle il prévoit de publier dans chaque livraison trois romans à la fois, le premier inédit d’un auteur italien, le deuxième français, en traduction, enfin le troisième anglais, espagnol ou allemand33.

Ce dernier exemple permet de faire la transition avec un autre aspect de l’internationalisation du roman, à savoir la question des supports. En effet, la prolifération et l’impact du roman sont étroitement liés à l’essor de la fiction sérialisée dans la presse périodique d’abord, puis dans certains magazines. Un phénomène qui prend son origine dès la fin du XVIIe siècle en Angleterre et qui donnera lieu à plusieurs imitations et transpositions34. Le roman-feuilleton en est sans doute la forme la plus connue et la plus exportée, mais on mentionnera aussi la vogue des publications mensuelles en fascicules, initiées par Pierce Egan dès 1820 mais popularisées par Dickens, puis reprises en France dans les années 1840 par Hetzel et Paulin notamment35. Une autre borne importante est l’entrée du roman dans le circuit de grande consommation avec la baisse importante du prix du livre inaugurée par Charpentier en 1838, et avec l’« invention » de la formule du « roman à quatre sous » en France et de la dime novel Outre-Atlantique. Ce processus est complété par le développement des premières collections populaires (la collection Michel Lévy à 1 franc en 1855, les Dicks’ English Novels quelques années plus tard en Grande-Bretagne) ; et ceci bien avant la révolution du poche propre au XXe siècle.

NOUVELLES PERSPECTIVES DE RECHERCHE OU POUR UNE HISTOIRE TRANSCULTURELLE DU LIVRE

Après ce tour d’horizon nécesairement lacunaire, je souhaiterais engager une réflexion plus programmatique sur les orientations que pourrait prendre une histoire transnationale européenne du livre. Pour ce faire, je m’appuierai principalement sur différentes approches développées dans le domaine de l’histoire culturelle. On sait l’importance qu’a joué l’histoire du livre dans l’institutionnalisation et dans une meilleure visibilité de ce champ36. L’histoire du livre, pleinement institutionnalisée à son tour, court sans doute aujourd’hui le risque d’un certain repli, voire d’un enfermement, si elle ne se relie pas à son tour aux tendances présentes dans le champ très dynamique des études culturalistes. Je me limiterai ici à quelques pistes qui visent tout autant à montrer le rôle du livre dans les sociétés européennes qu’à éclairer l’apport de l’histoire du livre à une analyse transnationale de celles-ci.

Traditionnellement, deux types d’approches ont été mobilisées par les historiens. Dès 1958 avec L’Apparition du livre, puis sous une nouvelle forme avec l’émergence des travaux sur la culture de masse, un accent a été porté sur le livre en tant que marchandise en soulignant les modes d’organisation et les poids financiers des producteurs et diffuseurs du livre – une option qui s’est souvent développée au détriment de la prise en compte des facteurs politiques, culturels et religieux qui constituent autant d’éléments-clés propres à favoriser ou au contraire freiner l’internationalisation des échanges. Une autre approche se relie au domaine de histoire intellectuelle et s’interroge sur les auteurs et les ouvrages qui ont connu une forte dissémination depuis leur aire de production d’origine. De ce fait, ces travaux s’intéressent avant tout aux auteurs les plus consacrés du champ littéraire et se focalisent exclusivement sur les textes au bénéfice du plus large rayonnement international. Le risque est ici grand d’oublier les acteurs ou secteurs alternatifs de la production culturelle, liés à la sphère de production restreinte, souvent décisifs pourtant dans l’importation ou l’exportation de nouveaux courants littéraires ou de pensée. De même, ce type de lecture ne se focalise que sur une portion minoritaire du champ de la production culturelle et néglige, en ne privilégiant que les success stories, une réflexion plus large sur les conditions de possibilité de la diffusion et de la circulation d’un auteur, d’un texte ou d’un genre.

Les apories liées à ces deux types d’approches ont pu être dépassées par le recours à la notion de « transferts culturels » qui a généré de nombreuses études depuis une quinzaine d’années. Rappelons que celle-ci, en réaction à un modèle d’analyse « diffusionniste » et à certaines limites de l’approche comparative, s’est principalement développée dans deux directions. La première porte sur les acteurs humains des transferts intellectuels : on peut l’illustrer, pour le domaine qui nous occupe, par les travaux d’Helga Jeanblanc sur le rôle des professionnels du livre allemand à Paris37, ou par diverses contributions récentes sur certains médiateurs culturels comme les traducteurs, les agents littéraires, les directeurs de collection et, au-delà des professionnels eux-mêmes, les professeurs, les voyageurs, les pélerins, diplomates et autres militaires. Autre dimension de cette perspective critique, l’analyse des processus de circulation des textes et des objets : celle-ci prête une attention particulière au contexte de réception ainsi qu’aux processus d’adaptation, de métissage, voire de réinterprétation propres à l’importation de biens culturels dans une société donnée38.

Une histoire des transferts culturels par le livre se doit d’être poursuivie. Et ceci dans le domaine de l’histoire des traductions tout d’abord. Celle-ci se limite en effet encore trop souvent à la prise en compte du seul domaine littéraire. Il faut toutefois saluer l’immense chantier ouvert par une équipe du Centre de sociologie européenne du CNRS sous la direction de Gisèle Sapiro sur l’évolution observée au cours des vingt-cinq dernières années39. Ces éléments font ressortir une forme de diversification des traductions – une hausse qui touche aussi bien les grandes langues comme l’anglais, le français et l’allemand mais aussi des langues de moindre importance ou « périphériques », notamment les langues asiatiques –, concomitante d’un accroissement significatif de la domination de l’anglais. Si au début des années 1990, la moitié des livres traduits dans toutes les langues l’étaient de l’anglais, ce ratio est passé à près de 65 % aujourd’hui. En observant les secteurs qui contribuent le plus à cette hausse, on constate une part prédominante des secteurs les plus commerciaux, la littérature pour la jeunesse en premier lieu, mais aussi le roman policier. Parallèlement à l’émergence d’une littérature mondialisée portant sur les secteurs de rentabilité à court terme s’opposent ainsi des livres à rotation plus lente qui bénéficient également de l’accélération de la circulation des œuvres, mais dans une moindre proportion. Un éclairage rétrospectif serait intéressant à développer pour analyser dans quelle mesure ce phénomène est propre à la situation contemporaine. Par ailleurs, des investigations plus qualitatives restent à mener sur les modalités d’acclimatation ou d’adaptation de certaines œuvres en analysant de manière conjointe le rôle des médiateurs, les modifications quant au contenu, le paratexte constitué par les préfaces et autres adjonctions éditoriales ainsi que les variations de supports (du périodique au livre, du livre relié au livre de poche, du livre isolé à la collection, etc.). Comme l’a montré Pascale Casanova, il s’agit plus fondamentalement d’intégrer à l’analyse le poids des hiérarchies symboliques et culturelles qui conditionnent la logique de l’offre mais aussi de la demande, et qui de ce fait vont favoriser ou au contraire entraver l’importation de tel ou tel type d’ouvrage dans un autre contexte politique et géographique que celui dont il est issu.

À l’échelon plus spécifiquement européen, je mentionnerai encore trois ouvertures potentiellement fécondes. La première concerne le livre étranger au sein de chaque espace national. Michel Espagne a souligné le poids des volumes en langue française dans les catalogues des éditeurs de Leipzig ou de Dresde40 ; Diana Cooper-Richet a pu montrer, sur la base de ses travaux sur Galignani41, le rôle de Paris comme épicentre d’édition et de mise en circulation d’imprimés de toutes sortes en langues étrangères42. Des enquêtes plus systématiques sur le livre étranger dans différents pays sont à même de baliser des terrains nouveaux dans le domaine de l’immigration et de l’exil politique d’une part, de l’histoire des propagandes d’autre part.

Si la circulation des textes est relativement bien documentée, celle des images reste encore embryonnaire ou circonscrite à certaines périodes historiques : la précocité et la densité des travaux sur la période médiévale et moderne – aujourd’hui complétés par des bases de données aussi riches qu’attractives43 – constraste avec la relative lenteur des contemporanéistes à prendre en compte la diversité des corpus iconographiques dans leurs analyses. La question de la circulation des images constitue à ce titre un champ à investir, dans le prolongement des approches existantes sur le plan de l’histoire entrepreneuriale44, de l’étude de la migration des contenus et des supports45 ou des recherches croisées sur les différentes formes de la propagande par l’image46. Certains supports appellent à des approches transnationales – la bande dessinée, les comic books, l’affiche, la littérature satirique et pamphlétaire, le livre pour la jeunesse –, alors que la gestion de l’image au sein du monde de la librairie et de l’édition, qui recouvre des enjeux aussi bien techniques et économiques que symboliques et culturels, se prête à des réflexions plus larges sur les procédés de reproduction, le monde des illustrateurs ainsi que leurs relations de complémentarité et de concurrence avec les hommes de lettres47.

Enfin, il convient de dépasser le cadre de l’histoire nationale pour privilégier certains espaces régionaux intermédiaires, qui permettent de mieux observer les interpénétrations avec d’autres espaces. Michel Espagne a consacré un ouvrage à une approche interculturelle de la Saxe48 alors que les analyses de Michel Vernus sur le livre en Franche-Comté permettent de souligner le contraste entre un foyer éditorial d’importance mineure et la densité d’un réseau de distribution très diversifié49. D’autres études ont analysé le rôle de la Hollande ou de la Suisse comme intermédiaires essentiels pour les relations franco-britanniques ou franco-allemandes, pour ne prendre que ces deux exemples50. De manière plus générale, l’histoire de la circulation de l’imprimé s’est sans doute par trop focalisée sur certaines capitales ou grands centres de production. Dans le cas britannique, Graham Law a remis en cause la vision centripète – développée entre autres par Franco Moretti dans son Atlas du roman européen – selon laquelle les centres éditoriaux jouent un rôle croissant non seulement à l’intérieur de chaque État-nation, mais à l’intérieur du système plus vaste des États européens. Son étude, qui porte sur la production de fiction dans les publications périodiques (miscellanies) de certaines régions périphériques, décrit comment certains feuilletonistes régionaux peuvent prétendre à être les plus lus en Grande Bretagne au milieu de l’époque victorienne : un succès qui reste toutefois éphémère, ne débouchant sur aucune consécration symbolique de la part du centre londonien51. Ce « rôle créateur de la périphérie » a été également démontré pour l’espace francophone mais aussi anglophone (avec l’exemple de l’Écosse) pour certaines périodes données et sur certaines portions du champ éditorial. Les transformations des conditions de production au centre et les réponses spécifiques apportées à des situations de domination culturelle sont ainsi à l’origine d’initiatives locales, voire de l’avènement de systèmes autonomes.

Ce rôle créateur de la périphérie ne doit pas se limiter au périmètre étroit du continent européen, mais servir d’outil à une analyse plus globale des rapports entre celui-ci et le reste du monde. Dans cette perspective, le rôle du livre dans le cadre du processus de domination coloniale a nourri de très nombreux travaux depuis une trentaine d’années. Pour ouvrir ce deuxième champ majeur d’investigation, on mentionnera en premier lieu le travail d’Edward Said sur l’orientalisme, qui retrace les multiples stéréotypes à travers lesquels le Moyen Orient a été perçu par les voyageurs, romanciers et scientifiques occidentaux52. Si l’approche a souvent été critiquée, et ses conclusions relativisées, elles n’en ont pas moins nourri des études similaires en Asie, en Afrique, dans les Amériques mais aussi en Europe, avec notamment le nation de « celticisme » pour caractériser le regard anglais sur l’Irlande. De manière générale, l’imprimé, dans ses multiples déclinaisons, de la carte de géographie à la littérature de voyage en passant par la presse périodique ou les traités religieux, contribue de manière importante au processus de domination et d’acculturation. Avec comme autre forme de l’impérialisme planétaire, la destruction ou la dispersion du patrimoine littéraire et archivistique dont les exemples sont multiples.

Plusieurs analyses récentes tentent toutefois de se dégager d’une grille interprétative aussi unilatérale pour souligner les effets contrastés de l’évolution des représentations et des systèmes de communication entre centre européen et monde colonial. Hans-Jürgen Lüsebrink insiste ainsi sur la césure constituée par les Lumières au niveau tant du transfert de connaissances, que des relations interculturelles et que des visions de l’Autre53. Cette circulation des représentations prend une dimension continentale de par la traduction en plusieurs langues d’œuvres importantes sur le monde colonial54, mais aussi de par la diversification des supports de ces discours qui vont des encyclopédies à la production iconographique en passant par les cabinets de curiosité. L’intensification de ces regards croisés sur l’Autre est porteuse d’une ambiguïté fondamentale : d’un côté ils sont dominés par la conscience de la supériorité occidentale et imprégnés d’une vision missionnaire qui légitime la colonisation et la domination des formes culturelles européennes ; de l’autre, ils nourrissent des polémiques et suscitent des interventions remettant en question cette forme d’universalisme occidental, voire dénonçant ouvertement la réalité de l’esclavage.

De même, l’histoire extraeuropéenne est moins vue comme l’imposition unilatérale de modes de vie et de pensées occidentaux que comme le résultat de processus complexes d’adoption et d’adaptation au sein desquels les élites autochtones jouent un rôle intermédiaire essentiel. L’ouvrage de C. A. Bayly, La Naissance du monde moderne (1780-1914), publié en 2004 et traduit en français trois ans plus tard, est emblématique de ces nouvelles perspectives critiques : tout en montrant comment, en l’espace d’une période relativement brève, l’histoire du monde est devenue européocentrée, l’historien britannique consacre une grande part de son analyse aux mécanismes d’influence, de métissage et de réappropriation qui président à l’homogénéisation et à la modernisation des sociétés considérées. Dans le domaine scientifique, l’industrialisation et la professionnalisation précoces donnent à l’Europe et à l’Amérique du Nord une avance importante dans l’élaboration de systèmes d’explication et d’interprétation du monde qui rompent avec les modèles théologiques ou culturels. Cette démarche se verra toutefois rapidement reprise et adaptée au sein de diverses sociétés non occidentales : dans l’Empire ottoman, Rifaa el-Tahtawi, envoyé en France par Méhémet Ali dans les années 1830, publie à son retour un récit de voyage mettant en scène un personnage fasciné par la civilisation européenne et dont l’ambition est d’en tirer les éléments d’une modernisation de l’Égypte en conformité avec les préceptes de l’islam. Rifaa el-Tahtawi jouera par ailleurs un grand rôle dans la fondation d’une école de langues à l’origine de la traduction d’un grand nombre d’ouvrages adaptés à un lectorat arabe.

Sur le plan littéraire, les agents de la présence européenne, principalement les missionnaires, sont souvent à l’origine de la création d’une littérature en posant les bases d’une langue écrite à partir de dialectes n’existant que sous une forme parlée. On considère que le premier ouvrage imprimé en xhosa, qui remonte à 1823, a été rédigé par John Bennie de la Glasgow Missionary Society à Chumie en Afrique du Sud. Ce centre d’impression, qui prendra le nom de Lovedale, gagne en importance en 1915 avec la création d’un établissement d’éducation : on estime à 238 le nombre d’ouvrages publiés en xhosa jusqu’en 1939 – plus que dans n’importe quelle autre langue africaine si l’on excepte le swahili –, dont la majorité à Lovedale55. Le rôle de l’édition missionnaire de manière plus générale a donné lieu à plusieurs éclairages récents quant à la révolution entraînée par l’imprimé dans les habitudes et les manières de penser des natifs. L’impact de celui-ci passe entre autres par la dissémination du message sur de multiples supports, de la carte postale à l’affiche en passant par des formes de tracts. Son intégration, par exemple dans le cadre d’hymnes ou de livres de psaumes, permet aux Africains de se raccorder à des formes narratives ou performatives traditionnelles, faisant une large place aux formes de transmission orale. Le monde de l’écrit est lié par ailleurs à une forme de pouvoir totémique : ainsi plusieurs convertis considèrent que la seule posession de la Bible est une source de pouvoir magique, ce qui explique que la demande dépasse les frontières du public alphabétisé. De même, la conversion est pour certains intermédiaires religieux locaux un acte qui relève d’une forme d’opportunisme dans la mesure où elle leur permet de se distinguer de groupes rivaux.

Une dernière dimension à souligner est le caractère rétroactif sur la société d’origine de l’exportation culturelle et éditoriale. Isabel Hofmeyer, dans son étude du Voyage du pélerin de Bunyan, montre comment le livre acquiert une dimension transnationale par son inscription dans le réseau de la littérature « évangélique » ; dans le même temps, c’est ce succès et cette diffusion internationale qui sont à l’origine de la canonisation de cet ouvrage et de son auteur après la Première Guerre mondiale, en tant que pierre angulaire de la « Grande Tradition » de la fiction anglaise d’une part, en tant qu’incarnation d’une littérature authentiquement britannique et blanche d’autre part56. De même, Patrick Harris, dans son étude sur le travail missionnaire suisse en Afrique du Sud57, analyse le rôle des représentations africaines dans la construction d’une identité helvétique alors en cours. La présentation de l’art et des modes de vie africains, dans le cadre de différentes publications ainsi qu’au sein de certaines expositions cantonales et nationales, permet par constraste de souligner le progrès et l’avancement de la société suisse. Puissance non coloniale a priori, la Suisse participe ainsi à la nouvelle cartographie du monde par le biais de ses missionnaires et de leurs découvertes. Sur un autre plan, la dénonciation par ces mêmes représentants du Réveil protestant du rôle néfaste de la colonisation assumée par les grandes puissances occidentales et les églises officielles vise à valoriser plus largement la Suisse comme peuple élu et civilisateur.

Nous conclurons ces quelques pistes programmatiques en mentionnant le domaine en plein essor des relations culturelles internationales, et notamment les travaux portant sur le rôle du livre comme vecteur de la diplomatie culturelle58. Si cette approche a privilégié jusque-là certains acteurs nationaux de l’action culturelle extérieure – l’Alliance française et le Service des œuvres à l’étranger dans le cas français, le British Council pour le cas britannique, les Goethe Institute en Allemagne, etc. –, elle pourrait avantageusement être élargie au niveau continental afin d’observer le rôle de l’imprimé dans la définition d’une politique culturelle européenne. L’émergence de la Commission internationale de coopération intellectuelle en 1922, ses ambitions contrariées par la volonté de certaines nations – la France en tête – de maintenir leur hégémonie intellectuelle, constituent des terrains d’investigation privilégiés dans cette perspective59. De même, la politique du Conseil de l’Europe, qui passe par l’élaboration de manuels d’histoire moins chauvins, ou, dans le contexte idéologique de la guerre froide et d’endiguement du communisme, les politiques éditoriales menées au sein de mouvements prœuropéens comme le Centre européen de la culture (1950) autour de l’action de Denis de Rougemont ou comme la Fédération pour l’entente intellectuelle européenne présidée par François Bondy (1968), n’ont pas encore fait l’objet d’enquêtes systématiques60.

Enfin, signalons le rôle de certaines collections éditoriales dans ce processus de construction européenne : Leslie Howsam a notamment travaillé sur les circonstances du lancement des trois volumes de The European Inheritance, un projet initié à la fin de la Seconde Guerre mondiale par la Conférence des Ministres alliés de l’éducation (qui deviendra plus tard l’UNESCO) et confié aux Presses de l’Université d’Oxford61. Pensée comme une histoire « objective » de la civilisation européenne à l’usage des écoles et des universités du continent, l’entreprise est minée par des approches et conceptions par trop divergentes ; la version française ne paraîtra jamais. Dans un autre domaine, Hervé Serry a pour sa part montré l’importance du catalogue européen du Seuil, depuis les prises de position en faveur du rapprochement franco-allemand dans les années 1950 à l’engagement en faveur du vote sur le traité constitutionnel en 200562.

Au-delà de la fécondité de ces approches et de l’ampleur des terrains encore à défricher, on ne manquera pas de souligner en conclusion les grandes difficultés quant à la mise en place d’une véritable histoire culturelle européenne dépassant les cadres monographiques ou nationaux traditionnels. Christophe Charle en a fait une éclairante démonstration dans un long compte rendu d’un des rares ouvrages qui s’est aventuré sur ce terrain pour la période contemporaine, soit celui de Donald Sassoon intitulé The Culture of Europeans63. Parmi les problèmes soulevés par cet ouvrage – par ailleurs remarquable tant pour sa richesse factuelle que pour son ambition programmatique –, Christophe Charle mentionne l’obstacle des langues à maîtriser pour la réalisation d’un tel projet, la prédominance de certains pays européens – la France et l’Angleterre – au détriment du reste du continent, enfin l’absence d’indicateurs transnationaux pertinents et comparables aussi bien qualitatifs que quantitatifs et si possible dynamiques. Dans un autre compte rendu du même ouvrage64, Christophe Charle met en avant quelques pistes qui définissent le cadre programmatique d’un vaste projet intitulé « De l’internationalisation culturelle en Europe. Essai de mesure et de cartographie dans le temps long (XVIIIe-XXe siècles) ». En premier lieu, il convient d’intensifier des formes de recherche collectives permettant une meilleure prise en compte de certaines réalités géographiques délaissées, et la construction d’un cadre de questionnement commun sur la base d’outils et de lieux d’observation similaires. Christophe Charle plaide ensuite pour la prise en compte de la diversité du champ de la production culturelle :

Nous voudrions confronter des domaines fortement liés à la communication linguistique (donc aux problèmes de traduction et de traductibilité) et des domaines passant par d’autres médiums [sic] comme, par exemple, l’image ou la musique, afin de déterminer si les obstacles aux circulations et aux transferts sont du même type et si les effets de méconnaissance ou de reconnaissance reposent sur les mêmes principes65.

Une démarche qui, pour l’histoire du livre, permettrait de montrer les interdépendances au sein du champ médiatique, mais de souligner aussi les rythmes spécifiques d’une circulation imprimée fortement dépendante du langage et donc des identités nationales.

Sur le plan des questionnements enfin, Christophe Charle esquisse deux types d’interrogation de fond, complémentaires. La première privilégie une analyse du degré de circulation européenne des productions culturelles selon les domaines, les espaces et les temporalités, qui ne négligerait pas les effets de ces échanges sur l’univers mental et l’espace social des consommateurs. La seconde a trait aux freins ou au contraire aux facteurs favorables à l’émergence d’un espace culturel européen. Si la déploration quant au déficit d’une Europe de la – ou des – culture(s) constitue l’une des antiennes du discours politique et médiatique contemporain, il serait bon de ne pas s’en tenir là mais de construire une histoire de l’Europe culturelle en tant que terrain de luttes et d’opposition entre systèmes de représentation d’une part, acteurs nationaux et régionaux d’autre part. Là réside la gageure d’une histoire qui sorte des découpages géographiques et politiques traditionnels sans sacrifier à la vogue souvent mal définie du global et du transnational. L’élargissement de la focale ne doit en effet pas s’opérer au détriment d’une réflexion fine portant sur les dynamiques propres à chaque espace de production, de diffusion et de réception, ainsi que sur les rapports de force différenciés et en constante évolution qui caractérisent l’économie des biens matériels comme symboliques.

____________

1 Pour un aperçu synthétique : Jürgen Osterhammel, Niels p. Petersson, Globalization. A short history, Princeton Univ. Press, 2005 ainsi que le numéro de la revue Traverse consacré à l’histoire globale (3, 2007).

2 David Ganz, « Carolingian Manuscript Culture and the Making of the Literary Culture of the Middle Ages », dans Simon Eliot, Ian Willison, dir., The History of the Book and Literary Cultures, London, British Library, 2006, pp. 147-158.

3 Lodovica Braida, Stampa e cultura in Europa tra XV e XVI secolo, Roma, Bari, Laterza, 2000 ; Frédéric Barbier, Histoire du livre, 3e éd. rev. et augm., Paris, Armand Colin, 2012 (2000) ; id., L’Europe de Gutenberg. Le livre et l’invention de la modernité occidentale, Paris, Belin, 2006. On peut citer également l’ouvrage classique de Benedict Anderson, L’Imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme (Paris, La Découverte, 1996 (1983)), qui a inspiré plusieurs des chantiers nationaux sur l’histoire du livre et de l’édition.

4 Roger Chartier, Culture écrite et société. L’ordre des livres (XIVe-XVIIIe siècle), Paris, A. Michel, 1996, p. 28.

5 Roger Chartier, « De l’histoire du livre à l’histoire de la lecture : les trajectoires françaises », dans H. E. Bödeker, dir., Histoires du livre. Nouvelles orientations. Actes du colloque des 6 et 7 septembre 1990 à Göttingen, Paris, IMEC Éditions, 1995, pp. 23-45 (« In Octavo ») ; Jean Irigoin, « Du volumen au codex. L’usage du rouleau et les débuts du livre à pages dans l’Antiquité gréco-romaine », dans Les Trois révolutions du livre, Paris, Éd. de l’Imprimerie nationale, Musée des Arts et Métiers, 2002, pp. 89 et suiv.

6 Henri-Jean Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris au XVIIe siècle (1598-1701), Genève, Droz, 1969, 2 vol.

7 Voir Les Métamorphoses du livre : entretiens avec Christian Jacob et Jean-Marc Châtelain, Paris, A. Michel, 2004.

8 Henri-Jean Martin, Aux sources de la civilisation européenne, Paris, Albin Michel, 2008, p. 20.

9 Henri-Jean Martin, La Naissance du livre moderne, XVIe-XVIIe siècles : mise en page et mise en texte du livre français, Paris, Éd. du Cercle de la librairie, 2000.

10 Roger Chartier, « Henri-Jean Martin ou l’invention d’une discipline », dans Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 165, 2007, p. 328.

11 Hans Erich Bödeker, « D’une “histoire littéraire du lecteur” à l’“histoire du lecteur”. Bilans et perspectives de l’histoire de la lecture en Allemagne », dans Roger Chartier, dir., Histoires de la lecture. Un bilan des recherches, Actes du colloque des 29 et 30 janvier 1993 à Paris, Paris, IMEC Éditions, 1995, pp. 93-124.

12 Roger Chartier, Les Origines culturelles de la Révolution française, Paris, Seuil, 1990.

13 Roger Chartier, « De l’histoire du livre à l’histoire de la lecture : les trajectoires françaises », art. cité ; Roger Chartier et Guglielmo Cavallo proposeront en 1997 une première synthèse intitulée Histoire de la lecture dans le monde occidental (Paris, Seuil).

14 Il s’agit d’une forme de continuation de l’Histoire de la librairie allemande de Kapp et Goldfriedrich en quatre volumes publiée entre 1886 et 1913, entreprise de grande ampleur mais régulièrement passée sous silence dans l’historiographie. Si le projet du Börsenverein est lancé en 1984, les trois premiers volumes publiés à ce jour n’interviendront qu’au début du XXIe siècle : Ernest Fischer, Stephan Füssel, dir., Geschichte des deutschen Buchhandels im 19. Und 20. Jahrhundert, Frankfurt a. M., Saur, 2001, 2003 et 2007.

15 The Cambridge History of the Book in Britain, Cambridge, Cambridge Univ. Press, 1999-, 7 vol. parus.

16 Les cinq volumes de A History of the Book in America ont paru de 2000 à 2009 (Univ. of North Carolina puis California Press) ; L’Histoire du livre et de l’imprimé au Canada est publiée par les Presses de l’université de Montréal pour la version en français, et de l’université de Toronto pour celle en anglais, 2004-2007, 3 vol) ; Martyn Lyons, John Arnold, dir., A History of the Book in Australia, Sydney, Univ. of Queensland Press, 2001-2005, 3 vol.

17 Murray G. Hall, Österreichische Verlagsgeschichte 1918-1938, Wien, Köln, Graz, Böhlau Verlag, 1985, 2 vol. ; Gabriele Turi, a cura di, Storia dell’editoria nell’Italia contemporanea, Firenze, Giunti, 1997 ; François Vallotton, L’Édition romande et ses acteurs, 1850-1920, Genève, Slatkine, 2001 ; Victor Infantes, François Lopez, Jean-François Botrel, dir., Historia de la Edicion y de la Lectura en Espanã. 1472-1914, Madrid, Fundacion German Sanchez Ruiperez, 2003.

18 Pour un bilan européen, voir le colloque 20 ans de recherches sur l’édition organisé en novembre 2009 à l’abbaye d’Ardenne pour les 20 ans de l’IMEC et dont les Actes sont à paraître.

19 Jacques Michon, Jean-Yves Mollier, dir., Les Mutations du livre et de l’édition dans le monde, du XVIIIe siècle à l’an 2000, Actes du colloque international de Sherbrooke 2000, Sainte-Foy, Presses de l’université Laval, 2001.

20 Le colloque de Prato, mis sur pied par Wallace Kirsop et l’Université australienne de Monash en 2001, portait sur les relations entre centre et périphérie, alors que celui de Londres en 2004, placé sous l’égide de la British Library et du Centre for Manuscript and Print Studies à l’Institut d’English Studies de l’Université de Londres, privilégiait les relations entre livre et cultures littéraires. Le colloque de Sydney de 2005, intitulé Histoire nationale ou histoire internationale du livre et de l’édition ? Un débat planétaire, était l’occasion d’un premier bilan de ces nouvelles orientations de recherche tout en balisant de nouveaux objets de recherche transversaux.

21 On peut noter l’émergence, lors des colloques susmentionnés, de nouveaux objets qui contribuent à décloisonner les regards, comme celui constitué par l’histoire du livre et de l’édition dans le monde communiste européen (Serge Wolikow), une histoire comparée de la propriété intellectuelle (Laurent Pfister) ou encore celle des organisations professionnelles internationales (Thomas Loué).

22 Voir la première session des Actes du colloque de Sydney ainsi que Jean-Yves Mollier, « L’histoire du livre, de l’édition et de la lecture : bilan de 50 ans de travaux », dans Laurent Martin, Sylvain Venayre, dir., L’Histoire culturelle du contemporain, Paris, Nouveau Monde, 2005, pp. 127-138 ; id., « La lecture et le monde de l’édition dans l’espace francophone », dans Benoît Pillistrandi, Jean-François Sirinelli, dir., L’Histoire culturelle en France et en Espagne, Madrid, Casa de Velazquez, 2008, pp. 45-57. Ian Willison, « Centre and Creative Periphery in the Histories of the Book in the English-Speaking World, and Global English Studies : À propos The Cambridge History of the Book in Britain », version augmentée et révisée de la communication, non publiée, au colloque d’histoire mondiale du livre et de l’édition (Prato, 2001). Je remercie chaleureusement l’auteur de me l’avoir communiquée.

23 Vladimira Zemanova, « Per una storia dell’editoria d’Europa », dans Storia dell’editoria d’Europa, Firenze, Shakespeare and Company, 1994, pp. 133-144.

24 Simon Eliot, Jonathan Rose, dir., A Companion to the History of the Book, Wiley-Blackwell, 2009.

25 Rietje van Vliet, « Print and Public in Europe 1600-1800 », ibid., pp. 247-258.

26 Roger Chartier, « Magasin de l’Univers ou Magasin de la République ? Le commerce du livre néerlandais aux XVIIe et XVIIIe siècles », dans C. Berkvens-Stevelinck (et al.), éd., Le Magasin de l’Univers. The Dutch Republic as the Centre of the European Book Trade. Papers preented at the International Colloquium, Wassenaar, 5-7 July 1990, Leiden, Brill, 1992, pp. 289-307 ; Otto S. Lankhorst, « “Le miracle holandais” : le rôle des libraires hollandais aux XVIIe et XVIIIe siècles », dans Histoire et civilisation du livre. Revue internationale, 2007, III, pp. 251-268.

27 « A Continent of Texts : Europe 1800-1890 » par Jean-Yves Mollier et Marie-Françoise Cachin ; « Modernity and Print II : Europe 1890-1970 » par Adriaan van der Weel.

28 Jean-Yves Mollier, Louis Hachette (1800-1864), le fondateur d’un empire, Paris, Fayard, 1900, pp. 342-347.

29 Jean-Yves Mollier, « Le manuel scolaire et la bibliothèque du peuple », dans Jean-Yves Mollier, La lecture et ses publics à l’époque contemporaine. Essais d’histoire culturelle, Paris, PUF, 2001, pp. 51-70.

30 Alain Choppin, « Les manuels scolaires », dans Les Mutations du livre et de l’édition, ouvr. cité, pp. 474-483.

31 Franco Moretti, Atlas du roman européen 1800-1900, Paris, Seuil, 2000 (1997).

32 Jean-François Botrel, Libros, penser y lectura en la Espana del siglo XIX, Madrid, Fundacion German Sanchez Ruiperez, 1993.

33 Enrico Decleva, « Présence germanique et influences françaises dans l’édition italienne aux XIXe et XXe siècles », dans Les Mutations du livre et de l’édition, ouvr. cité, pp. 191-205.

34 Voir notamment les contributions de l’ouvrage collectif Marie-Françoise Cachin [et al.], dir., Au bonheur du feuilleton. Naissance et mutations d’un genre (États-Unis, Grande-Bretagne, XVIIIe-XXe siècles), Paris, Creaphis, 2007.

35 Pour ces aspects, voir Jean-Yves Mollier, La Lecture et ses publics à l’époque contemporaine, ouvr. cité ; Simon Eliot, « From Few and Expensive to Many and Cheap : The British Book Market 1800-1890 », dans A Companion to the History of the Book, ouvr. cité, pp. 291-302.

36 Philippe Poirrier, Les Enjeux de l’histoire culturelle, Paris, Seuil, 2004.

37 Helga Jeanblanc, Des Allemands dans l’industrie et le commerce du livre à Paris (1811-1870), Paris, CNRS Éditions, 1994.

38 Lothar Jordan, Bernd Kortländer, dir., Nationale Grenzen und internationaler Austausch. Studien zum Kultur- und Wissenschaftstransfer in Europa, Tübingen, Niemmeyer, 1995 ; Hans Jürgen Lüsebrink, Rolf Reichardt, éd., Kulturtransfer im Epochenumbruch. Frankreich-Deutschland, 1770 bis 1815, Leipzig, Leiziger Universitätsverlag, 1997 ; Frédéric Barbier, Est-Ouest : Transferts et réceptions dans le monde du livre en Europe (XVIIe-XXe siècles), Leipzig, Leipziger Universitätsverlag, 2005.

39 Gisèle Sapiro, « Un révélateur des mutations du marché international du livre : les traductions (1980-2004) », dans Histoire nationale ou histoire internationale du livre et de l’édition ?, ouvr. cité. Voir aussi Actes de la recherche en sciences sociales : Traduction : les échanges littéraires internationaux, no 144, septembre 2002.

40 Michel Espagne, Les Transferts culturels franco-allemands, Paris, PUF, 1999.

41 Diana Cooper-Richet, Galignani, Paris, Galignani, 1999.

42 Diana Cooper-Richet, « L’imprimé en langues étrangères à Paris au XIXe siècle : lecteurs, éditeurs, supports », dans Revue française d’histoire du livre, 116-117, 2002, pp. 203-235 ; id., « Paris, carrefour des langues et des cultures : édition, presse et librairie étrangères à Paris au XIXe siècle », dans Histoire et civilisation du livre. Revue internationale, 2009, V, pp. 121-143.

43 Parmi beaucoup d’exemples, la base de données Viatimages qui réunit près de 2 000 images tirées des ouvrages de voyage en Suisse et dans les Alpes des XVIIIe et XIXe siècles (http://www.unil.ch/ viatimages).

44 Dominique Lerch, Imagerie et société. L’Imagerie Wentzel de Wissembourg au XIXe siècle, [Stras-bourg], Istra, 1982.

45 Rolf Reichhardt, Christine Vogel, « Kalender-Bilder. Zur visuellen Dimension populärer Alma-nache im 18. und 19. Jahrhundert », dans York-Gothart Mix, éd., Der Kalender als Fibel des Alltagswissens, Tübingen, Niemeyer, 2005, pp. 85-136.

46 Laurent Gervereau, « Le Vrai contre le Faux. Les basculements de la Première Guerre mondiale », dans Laurent Gervereau, Histoire du visuel au XXe siècle, Paris, Seuil, 2003 (2000), pp. 98-140.

47 Voir notamment Philippe Kaenel, « Les illustrateurs suisses à Paris. D’Eugène Burnand à Théophile Alexandre Steinlen », dans Art + architecture en Suisse : 1900. Livres illustrés à Paris, 1996/4, pp. 360-377.

48 Michel Espagne, Le Creuset allemand. Histoire interculturelle de la Saxe XVIIIe-XIXe siècles, Paris, PUF, 2000.

49 Michel Vernus, « La diffusion du livre en Franche-Comté sous l’Ancien Régime (XVIIIe siècle) », dans Frédéric Barbier [et al.], dir., L’Europe et le livre. Réseaux et pratiques du négoce de librairie XVIe-XIXe siècles, Paris, Klincksieck, 1996.

50 Roger Chartier, « Magasin de l’Univers ou Magasin de la République ? », art. cité. Jeffrey Freedman, « Zwischen Frankreich und Deutschland. Buchhändler als Kulturvermittler », dans Kulturtransfer im Epochenumbruch, ouvr. cité, pp. 445-497.

51 Graham Law, « Le pouvoir à la périphérie : vers un atlas du roman-feuilleton européen », dans Au bonheur du feuilleton, ouvr. cité, pp. 99-111.

52 Edward W. Said, L’Orientalisme : l’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 2005 (1979).

53 Hans-Jürgen Lüsebrink, éd., Die Europa der Aufklärung und die aussereuropäische koloniale Welt, Göttingen, Wallstein, 2006.

54 L’Histoire des deux Indes de Raynal, publiée pour la première fois en 1770, est traduite en peu de temps en anglais, en allemand, en espagnol, mais aussi en danois, en hollandais, en russe et en hongrois.

55 Jeffrey Peires, « The Lovedale Press : Literature for the Bantu Revisited », dans History in Africa, vol. 6, 1979, pp. 155-175.

56 Isabel Hofmeyr, The Portable Bunyan, A Transnational History of the Pilgrim’s Progress, Princeton, Princeton Univ. Press, 2004.

57 Patrick Harries, Butterflies and Barbarians. Swiss Missionaries & Systems of Knowledge in South-East Africa, Oxford, J. Currey, 2007.

58 Alain Dubosclard [et al.], Entre rayonnement et réciprocité. Contributions à l’histoire de la diplomatie culturelle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 15 ; Claude Hauser [et al.], dir., La Diplomatie par le livre. Réseaux et circulation internationale de l’imprimé de 1880 à nos jours, Paris, Nouveau Monde, 2011.

59 Gisèle Sapiro, « L’internationalisation des champs intellectuels dans l’entre-deux-guerres : facteurs professionnels et politiques », dans Gisèle Sapiro, dir., L’Espace intellectuel en Europe. De la formation des États-nations à la mondialisation, XIXe-XXIe siècles, Paris, La Découverte, 2009, pp. 111-146 ; Jean-Jacques Renoliet, L’Unesco oubliée : la Société des Nations et la coopération intellectuelle (1919-1946), Paris, Publications de la Sorbonne, 1999.

60 Antoine Fleury, Lubor Jilek, éd., Une Europe malgré tout. Contacts et réseaux culturels, intellectuels et scientifiques entre Européens dans la guerre froide, Bruxelles, Bern [etc.], Peter Lang, 2009.

61 Leslie Howsam, « Écrire l’histoire de la civilisation européenne : Ernest Barker, Daniel Mornet et The European Inheritance, 1944-1954 », dans La Diplomatie par le livre, ouvr. cité, pp. 433-445.

62 Hervé Serry, « Lecture d’un catalogue éditorial à la lumière d’une thématique. Les Éditions du Seuil et la construction de l’Europe », dans La Diplomatie par le livre, ouvr. cité ; id., « “Faire l’Europe” : enjeux intellectuels et enjeux éditoriaux d’une collection transnationale », dans Gisèle Sapiro, dir., Les Contradictions de la globalisation éditoriale, Paris, Nouveau Monde, 2009, pp. 227-249.

63 Christophe Charle, « Peut-on écrire une histoire de la culture européenne à l’époque contemporaine ? », dans Annales, 2010/5, pp. 1207-1221.

64 Christophe Charle, « Comparaisons et transferts en histoire culturelle de l’Europe. Quelques réflexions à propos de recherches récentes », disponible sur le site de l’UMR Identités, Relations internationales et civilisations de l’Europe, http://irice.cnrs.fr/spip.php ? article567 (dernière consultation : 6 septembre 2011).

65 Ibid.