Paris et la présence lusophone dans la première moitié du XIXe siècle
Diana COOPER-RICHET
Centre d’Histoire culturelle des Sociétés contemporaines (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines)
La « librairie étrangère »1, dans le Paris de la première moitié du XIXe siècle, est un secteur très particulier de l’univers du livre, dans lequel des libraires-éditeurs ont produit et vendu des ouvrages imprimés dans différentes langues étrangères, des plus rares – dites aujourd’hui périphériques – aux plus répandues, allant ainsi du mongol ou du persan à l’anglais, en passant par le copte, l’italien, mais aussi le portugais et, ceci, dès les premières années qui ont suivi la Révolution. Ces productions s’adressent à des publics variés : aux spécialistes et aux érudits lorsqu’il s’agit de langues rares parlées dans des régions très éloignées de la France, mais aussi aux visiteurs et aux résidents étrangers. Les Anglais, par exemple, de plus en plus nombreux à passer ou séjourner sur le Continent, sont à la recherche de livres et de journaux dans leur langue. Il en sera de même pour les imprimés en espagnol, surtout dans la seconde moitié du siècle, lorsque les Latino-Américains2 commenceront à débarquer en Europe. Enfin, des marchés s’ouvrent dans le Nouveau Monde, notamment en Amérique du Sud, sur lesquels les professionnels français s’investissent, d’abord en publiant des livres qui sont exportés vers les différents pays de ce continent, puis en s’y installant et en y ouvrant des librairies.
Au début du XIXe siècle, le monde lusophone vit de profonds bouleversements. Au Portugal, c’est la guerre contre Napoléon Ier, puis le départ de la dynastie de Bragance vers sa colonie d’outre-Atlantique en 1807. Au Brésil, c’est la lutte puis l’accession à l’indépendance en 1822, qui s’accompagne d’une modernisation politique et de l’émergence d’élites cultivées et progressistes, avides de lectures. Or, les marchés brésiliens et portugais sont encore loin de couvrir leurs propres besoins en imprimés. Dans la seconde moitié du siècle des maisons comme celles des Garnier3 s’installent au Brésil pour y développer une véritable industrie éditoriale locale. Pour tous ces lecteurs d’horizons divers, Paris est, en ces premières décennies du XIXe siècle, au carrefour de toutes les langues et de toutes les cultures. C’est ainsi que des livres, mais aussi des revues, en portugais, vont y être publiés et vendus. La centralité du rôle joué par la capitale française dans la production et la mise en circulation, à travers le monde, d’imprimés lusophones a été, jusqu’ici, largement sous-estimée. Deux groupes d’hommes très différents y ont œuvré : le premier est formé de libraires-éditeurs-imprimeurs français, le second, d’hommes de lettres et de sciences, de traducteurs, de directeurs de revues et d’artistes portugais et brésiliens, installés en France. Ensemble, ils contribuent à faire de cette ville une plaque tournante pour la diffusion de la culture et de la langue portugaises et brésiliennes, qui concurrencent des places comme Lisbonne, Coimbra et Londres. Dresser un premier tableau de la production éditoriale parisienne en portugais dans la première moitié du XIXe siècle, tant du point de vue des ouvrages que des périodiques, ainsi que des hommes qui les ont produits, tel est l’objet de cet article.
LE LIVRE EN PORTUGAIS CHEZ LES LIBRAIRES-ÉDITEURS PARISIENS4
Grâce au travail pionnier de dépouillement de la Bibliographie de la France effectué par Victor Ramos5 à la fin des années 1960 et au début des années 1970, nous savons désormais que quelque 563 titres en portugais furent publiés à Paris, entre 1797 et 1850, soit en moyenne près de 30 titres par an. C’est, assez naturellement, durant les décennies 1820 et 1830, celles de la plus grande effervescence politique dans le monde lusophone, que la production d’ouvrages est la plus importante6. Dans ce dénombrement, les catalogues de livres en portugais publiés par les libraires parisiens, tout comme les dictionnaires et les lexiques multilingues, mais aussi des ouvrages en français sur la littérature ou la poésie portugaises, ces derniers n’étant pas à proprement parler des ouvrages lusophones, sont comptabilisés. À cette production, il est nécessaire d’ajouter l’assortiment d’ouvrages en portugais présent dans les boutiques de la capitale, ainsi que les imprimés disponibles dans les cabinets de lecture, dont Victor Ramos n’a pas tenu compte.
Un certain nombre de professionnels français – libraires, éditeurs, imprimeurs – se sont investis dans la diffusion d’imprimés en portugais, à la fois pour des raisons commerciales, mais aussi intellectuelles et d’ouverture sur les cultures du monde, malgré l’étroitesse de ce marché. Quelques maisons ont été très actives dans le domaine de la « librairie lusophone », comme celle que dirige Jean-Pierre Aillaud7. À l’instar d’autres libraires français – Rolland8, Villeneuve9, Bossange, Plancher10, Didot, Garnier11, de Mongie12 – Aillaud s’est installé à Rio de Janeiro où il s’est associé avec Hector Bossange. En avril 1827, ils ont ouvert une boutique dont la raison sociale est Souza, Laëmmert et Cie, vers laquelle Hector Bossange expédiera des livres en français13. Le rôle précis de Jean-Pierre Aillaud dans la mise en œuvre de transferts culturels, entre la France et le Brésil, reste encore à évaluer. Il est cependant le libraire parisien le plus investi dans le domaine lusophone. Avec plus de cinquante titres en portugais publiés par ses soins, dans la première moitié du XIXe siècle, il détient la première place. Les catalogues de sa maison, conservés à la Bibliothèque nationale de France, témoignent de l’intérêt qu’il accorde à la lusophonie. En 1820, le Supplément au Catalogue de la Librairie Etrangère et Française de Jean-Pierre Aillaud, fort d’une dizaine de pages, en consacre une demie aux ouvrages dans cette langue. Onze ans plus tard, en 1832, le Catalogue général de fonds, d’assortiment et en commission qui en compte maintenant 66, présente sur deux pages une trentaine de titres en portugais. En juin 1835, l’établissement qui a désormais pour raison sociale « Librairie diplomatique, française et étrangère de Jean-Pierre Aillaud », propose, sur les 30 pages que compte son catalogue, trois pages de livres en portugais, à prix fixe et au rabais.
C’est dans les années 1840, qu’Aillaud met véritablement l’accent sur cette niche du marché du livre. Le Catalogue à un rabais extraordinaire de septembre 1842 comporte les rubriques suivantes : « Livres portugais » (4 p.), « Livres publiés par l’Académie Royale des Sciences de Lisbonne » (2 p.), « Ouvrages de Sylvestre Pinheiro Ferreira » (2 p.) et « Livres classiques adoptés dans les écoles de Portugal et du Brésil » (2 p.), qui montrent l’ancrage lusophone, de plus en plus fort, de cette librairie. Deux ans plus tard, le Catalogo dos livros portuguezes e latinos publicados em Pariz par Jean-Pierre Aillaud fait 20 pages. En 1846, il en a 12 de plus ; cette fois, les titres sont classés en « Livros de Fundos » (14 pages), « Livros Latinos adoptados para as aulas de Portugal e do Brazil. Impressos em Pariz » (2 p.), puis « Livros portuguezes publicados em Pariz » (5 p.) et « Livros Portuguezes publicados em Portugal » (2 p.). Cette présentation sera régulièrement reprise par la suite14. Dans le Catalogo dos livros Portuguezes, Latinos, Francezes, Inglezes… Paris em Casa do Ve Jean-Pierre Aillaud-Monlon15, de 1860, il est mentionné que la maison est « Livreiros de suas Majestades o emperador do Brazil e el Rei de Portugal ». Les listes de ce type – de 50 à 70 pages – se succèdent et s’amplifient dans les décennies 1860 et 187016, montrant en cela l’ampleur de l’offre lusophone de cette maison, désormais spécialisée. Aillaud poursuit donc son activité en France, parallèlement à son installation au Brésil.
Les Barrois17, père et fils – le premier est déjà actif sous la Révolution – seront parmi les premiers à occuper ce segment du marché du livre et, s’ils ne publient que douze titres en portugais, leur assortiment est intéressant. En 1811, en avril 1816, puis en février 1817, cette maison fait paraître des catalogues18 entièrement consacrés aux livres parus dans cette langue. Dans leurs catalogues généraux, régulièrement mis en circulation, comme en 1812 et 1820, figurent toujours quelques ouvrages en portugais. Bobée et Hingray, qui prendront leur succession, en offriront également. Les Bossange19, le père Martin et ses deux fils Adolphe et Hector, dans leur librairie et dans leur grande Galerie, sont entièrement tournés vers la commission internationale. Leur réseau couvre la terre entière20. Associés à Londres avec l’éditeur Masson dans les années 1815-1817, ils mettent à la disposition de leurs clients d’imposants catalogues d’ouvrages dans différentes langues, parmi lesquels en janvier 1815, une liste d’ouvrages en portugais21, dont un seul a été publié par leurs soins. En 1824, Bossange père, installé 60 rue de Richelieu, fait paraître un Catalogue des livres espagnols et portugais de 20 pages. Entre 1830 et 1836, son fils Hector sera à l’origine de l’édition de trois ouvrages en portugais et, vers 1837, il publiera un catalogue intitulé Preço corriente dos livros portuguezes da livraria de Hector Bossange et compagnie.
Les Galignani, libraires-éditeurs spécialisés dans le domaine anglais, ne négligent pas pour autant les ouvrages dans d’autres langues, comme le prouve ce catalogue des années 1833-1834 consacré aux livres italiens, espagnols, allemands et portugais. Tout au long du XIXe siècle, la Librairie européenne de Baudry22, sera consacrée aux cultures venues d’ailleurs. Ici, pas de catalogue spécifique aux ouvrages en portugais, alors qu’il en existe pour l’anglais, l’italien et l’allemand23, ce qui n’empêche pas cet établissement de porter un intérêt soutenu aux productions lusophones. Baudry ne publie pas moins de sept livres en portugais. Dans le Catalogue des principaux livres en langues étrangères qui se trouvent chez Baudry – circa 1820 –, parmi les quelques 600 ouvrages, aux côtés de publications en anglais, italien, espagnol, hollandais et flamand, figurent des titres en portugais, de même qu’en 1826.
Un certain nombre d’autres imprimeurs-libraires parisiens, ont contribué à la mise en circulation d’ouvrages en portugais, plus particulièrement en les imprimant. En effet, n’importe quel écrivain pouvait demander à faire imprimer ses écrits en s’adressant à un atelier de son choix. C’est ainsi qu’un certain nombre d’entre eux furent mis à contribution. Ce sera le cas de l’imprimerie Pillet l’aîné – éditeur en 1811 de la Bibliographie de l’Empire français, puis du Journal Général de l’imprimerie et de la librairie, devenu en 1814, la Bibliographie de la France, dont cette maison sera en charge jusqu’en 1856 – qui en imprimera trente-cinq. Didot24, l’un des grands éditeurs du XVIIIe siècle avec Panckoucke, se tournera de plus en plus vers la seule imprimerie, notamment en se dotant de caractères qui feront sa réputation. Cette maison produira, à elle seule, vingt-trois ouvrages en portugais. D’autres imprimeries, comme celles de Pommeret et Guénot, José Tastu, P. N. Rougeron, Rey et Gravier, en composent également. Ces derniers le font dès les années 182025, mais également en italien, et leurs successeurs Rey et Belhatte26, Libraires de Sa Majesté le Roi du Portugal, sont toujours actifs sur le même créneau en 1864, lorsqu’ils font paraître leur Catalogo da Livraria portugueza. Dans une moindre mesure, J. Smith27, Renouard, Charles-Joseph Hingray28, ainsi que Pommeret et Moreau en mettent également sur le marché. Il n’est, d’ailleurs, pas rare qu’ils s’associent à plusieurs pour publier un livre portugais, afin de limiter les risques et de partager les frais. Ce sera le cas d’Hingray et Baudry, de Pillet, Aillaud et Baudry, de Bobée et Rignoux, ainsi que de Smith, Papinot, Aillaud, Pihan et Delaforest.
Dans l’introduction à son répertoire des ouvrages en portugais publiés en France dans la première moitié du XIXe siècle, Victor Ramos29 analyse les différentes phases par lesquelles passe cette production. Jusqu’au milieu des années 1830, les événements politiques au Portugal et au Brésil influent fortement sur l’édition de livres. Il y a, ensuite, un retour vers des thématiques plus classiques, comme l’affirmation de l’identité nationale, mais aussi, et surtout, la traduction des grands textes de la littérature romantique : Alexandre Dumas, Madame Leprince de Beaumont, Florian, Marmontel, Bernardin de Saint-Pierre, Mme de Staël, Charles Nodier ou Mme de Saint-Venant, voir des auteurs de romans-feuilletons comme Paul de Kock. Mais, pour l’essentiel, le passage en portugais de la « littérature pour journaux », des feuilletons, ne se fera que dans les années 1840 : ils partiront alors, vers le Portugal et le Brésil, dans les « boîtes » des colporteurs30. Ni Victor Hugo, ni Balzac, ni Stendhal ne sont traduits à cette époque, les passeurs considérant, peut-être que ces auteurs ne correspondaient pas au goût des lecteurs pour lesquels ils se faisaient les intermédiaires. Comme l’indique, sommairement, Victor Ramos31, et comme le montrent les travaux conduits par Sandra Guardini Teixeira Vasconcelos32, les auteurs romantiques de langue anglaise sont, aussi, bien représentés. Walter Scott n’est-il pas le plus traduit de tous ? Mais Harriet Beecher Stowe, Fenimore Cooper, Ann Radcliffe, tout comme Matthew Gregory Lewis, Daniel Defoe ou Jonathan Swift le sont aussi.
L’œuvre maîtresse du poète et voyageur Luis de Camoëns33 (1524-1580), Os Lusiadas (1572), poème en dix chants racontant l’épopée de Vasco de Gama sur la route des Indes, figure très fréquemment dans les catalogues des libraires parisiens spécialisés. De 1818 à 1832, les Bossange proposent sans discontinuer cet ouvrage en version originale, tout comme les Dondey-Dupré34, importante famille de libraires-éditeurs spécialisée dans les langues orientales, en 1825, et Baudry en 1846. Cette épopée à la dimension planétaire, pétrie de connaissances classiques, n’était-elle pas déjà bien en place chez les marchands mexicains à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle35 ? Baudry propose, par ailleurs, de José da Fonseca, Prosas selectas ou Escolhas dos Melhores logares dos auctores portuguezes antiguos e modernos ordenada e correcta publié par ses soins en 1837 et Les Aventures de Télémaque, de Fénelon, disponibles en version bilingue français-portugais, mais aussi à partir, de 1851, en six langues.
Les dictionnaires et les lexiques représentent une constante dans l’offre et la production d’ouvrages en portugais, d’autant qu’ils perdurent pendant toute la période, n’étant pas tributaires des mouvements politiques qui se déroulent dans le monde lusophone. Aillaud en propose dès 183336, de même que Bossange et Baudry, dont le Nouveau dictionnaire portatif des langues française et portugaise, de Francisco Solana Constancio, imprimé chez Renouard, en vente dans les librairies Rey et Gravier, Baudry et Bobée, date de 1828. On peut aussi s’y procurer la Chrestomathie polyglotte en extraits des poètes grecs, italiens, espagnols, portugais, anglais, français, de M. Lebas et M. Régnier (1835) en vente chez Hingray, T. Barrois, Baudry et Hachette, ou encore les Dialogues usuels et familiers. Nouveau guide de conversation en six langues (1852) par Bellanger, Wittcomb, Steuer, Zirardini, Pardal et Moura, voire le Nouveau guide de conversation ou dialogues usuels (1846) de Bellanger, Witcomb, Steuer, Zirardini, en vente chez Baudry, Stassin et Xavier, Amyot et Truchy.
La plupart de ces établissements commercialisent des livres d’assortiment publiés dans d’autres villes et pays, principalement à Coimbra, Lisbonne et Londres. Leur choix est donc relativement vaste. Quelques exemples suffisent à le montrer. Dans le catalogue, de 1824, de la maison Bossange, il y a plus de vingt titres publiés à Londres ou à Paris, dont des traductions de Lesage et de Marmontel en portugais. Martin Bossange, libraire du Roi, met en circulation, en 1834, un Catalogue de collections d’ouvrages dans tous les dialectes de l’Europe et dans ceux de la France en particulier, à vendre en entier. Au nombre des rubriques de cette liste, « Poètes et historiens espagnols et portugais », qui ne comporte pas moins de vingt-cinq titres publiés au Portugal, à Coimbra et à Lisbonne, dont certains datent de la fin du XVIIIe siècle – 1761 et 1781 notamment. Un an plus tard, en 1835, le Catalogue de livres en espagnol anciens et modernes portugais et limousins qui se trouvent à la Galerie de Bossange père (20 pages) propose aussi un choix de livres lusophones publiés à Londres, ainsi qu’à Lisbonne, notamment un titre de 1745. À la Maison de commission pour l’étranger de H[ector] B[ossange] et Cie, le catalogue de 1838 présente trois pages d’ouvrages en portugais, tous publiés à Paris. Dans les numéros 4 et 5 de son Bulletin bibliographique ou Liste des ouvrages nouveaux publiés en France, du 15 juillet 1830, la publication des Annaes37 de l’historien grec Corneho Tacito, livre traduit en langue portugaise, « offert à sa patrie et à ses amis par le journaliste et homme politique libéral portugais Jose Liberato Freire de Carvalho »38. Ce catalogue comporte une section portugaise. Si, comme nous l’avons vu, Jean-Pierre Aillaud publie plus de cinquante titres en portugais entre 1797 et 1850, il en met en vente de nombreux autres, notamment dans la seconde moitié du siècle. En 1820, le Supplément à son catalogue mentionne une vingtaine d’ouvrages en portugais dont certains publiés au Portugal. En 1821 et en 1826, il propose six ouvrages lusophones dont deux viennent de Lisbonne. Six ans plus tard, l’offre a considérablement augmenté, une trentaine de titres sont disponibles en provenance de Londres et du Portugal, dont une bonne partie de dictionnaires.
Quelle quantité de livres en portugais a-t-elle ainsi, circulé, en France et à partir de la France, durant la première moitié du XIXe siècle ? Si l’on suppose, comme on est légitimement en droit de le faire, que les ouvrages publiés dans la capitale ont été tirés, en moyenne, à 500 exemplaires chacun, on peut estimer qu’au cours de la cette période, près de 300 000 volumes diffusés en portugais ont été imprimés à Paris. Si l’on y ajoute l’assortiment proposé par les libraires dans leurs catalogues, il est probable qu’au moins 350 000 d’entre eux ont été mis en circulation. La présence lusophone ne s’arrête pourtant pas là, périodiques et passeurs sont également très nombreux dans la capitale française.
PÉRIODIQUES EN PORTUGAIS ET PASSEURS DE LA CULTURE LUSOPHONE39
Le XIXe siècle, s’il est le siècle de l’explosion du monde éditorial, est aussi selon un certain nombre d’historiens le « siècle du journal », voire de la « civilisation du journal ». L’effervescence inattendue de la presse lusophone dans la capitale française témoigne de la volonté de quelques passeurs de cultures – libraires-éditeurs, hommes de lettres, scientifiques français, portugais ou brésiliens – de faire entendre, par le biais des médias les plus modernes, la voix du monde lusophone, de faire circuler les idées à son sujet, mais aussi de contribuer à y faire connaître les avancées de la science et les Lumières de la pensée européenne. N’est-il pas étonnant de constater que, parmi les nombreuses publications en langues étrangères mises sur le marché à Paris40, on dénombre, pour les années 1815, date de la chute du Premier Empire, et la fin des années 1830, pas moins de dix revues en portugais, auxquelles il faut ajouter quatre titres qui n’ont été qu’annoncés41. Si ces périodiques sont très différents les uns des autres, ils possèdent cependant un certain nombre de caractéristiques communes, au premier rang desquelles leur précarité. Très éphémères, ils ne durent que l’espace d’une à quatre livraisons, sauf pour l’un d’entre eux. Sérieux, pour la plupart, ils sont dominés par les visées scientifiques et culturelles, voire politiques, de leurs promoteurs, ainsi que par leur ambition de contribuer au progrès de la jeune nation brésilienne en formation.
Parmi les dix revues qui virent véritablement le jour, quatre furent conçues et dirigées par Francisco Solano Constancio. La première de ces publications est O Observador lusitano em Pariz ou Collecçao literaria, politica e commercial (quatre numéros entre janvier et avril 1815), qui cumulera quelques 660 pages. Il y a ensuite, d’abord annoncée dans la Bibliographie de la France du 17 juin 1818 par le biais d’un prospectus intitulé Prospecto de huma nova obra periodica intitulada, les Annaes das Sciencias, das Artes e das letras por huma Sociedade de Portuguez residente em Pariz, une revue née en juillet 1818 et qui disparaîtra en avril 1822 avec la publication de son tome XVI. Elle sera remplacée, en 1827, pour quatre numéros seulement, par les Novos Annaes das Sciencias e das Artes dedicados as que fallem a lingua portugueza e mambos os hemispherios. Enfin, en janvier 1837, Constancio fera paraître une seule et unique livraison de l’Archivo dos Conhecimentos uteis, Periodico mensal destinado a promover a agriculturas e industria de Portugal e do Brazil, publié par Jean-Pierre Aillaud. Il est intéressant de noter que si le premier de ces périodiques est présent dans les collections de la BnF, c’est grâce au legs fait par l’abbé Grégoire, prêtre révolutionnaire, puis anti-impérialiste, auquel Constancio a pris soin de faire parvenir des exemplaires de sa revue, témoignant par là-même de l’orientation progressiste de ses opinions et de son admiration pour celui qui avait su rejeter l’Empire.
En dépit des difficultés auxquelles s’est heurté Constancio, il semble avoir souhaité mettre, à tout prix, une publication lusophone sur le marché parisien. Dans l’« Advertencia »42 du dernier numéro des Annaes, daté d’avril 1815, il signale que les liaisons maritimes entre la France et le Portugal étant suspendues en raison du retour de Napoléon en France lors des Cents Jours, et la censure portugaise ayant largement dénaturé le contenu de son périodique, il a décidé de mettre un terme à sa publication. Il s’est, sans doute, trouvé confronté à d’autres obstacles lorsqu’il tenta de faire vivre sa troisième revue, Novos Annaes, puis, dix ans plus tard, la dernière des quatre Archivo de conhencimentos, puisqu’elles disparaissent très rapidement. Il n’est guère que la seconde de ses tentatives, celle des Annaes qui fut couronnée d’un succès un peu plus durable. Étant l’œuvre d’un seul et même individu, ces périodiques présentent assez naturellement un certain nombre de points communs, au premier rang desquels une volonté de scientificité et une approche assez encyclopédique du savoir, même si les sciences « dures » semblent avoir été privilégiées par le rédacteur-en-chef, médecin de formation. Une certaine volonté de mettre en valeur le monde lusophone, Portugal dans un premier temps, Brésil après 1822, transparaît clairement, de même que celle de promouvoir les Lumières et le progrès, y compris dans la sphère politique, avec des articles sur la politique impériale et sur l’abolition de l’esclavage, est assez évidente. La littérature est également présente, tant française – avec, notamment, des commentaires sur Les Martyrs (1809) de Chateaubriand – que portugaise.
Parmi les six autres périodiques, en portugais, qui furent lancés pendant cette période, un seul a tenté de rivaliser intellectuellement, avec les précédents. Le rédacteur-en-chef du mensuel O Contemporaneo politico e literario (trois numéros en 182043) reproche aux Annaes d’avoir résolument exclu les études littéraires de ses pages. Il veut, quant à lui, leur accorder une place importante, tant en portugais que dans d’autres langues. En exergue, la rédaction de la revue a, d’ailleurs, inscrit quatre vers de Camoëns. Ce sont, pourtant, les observations sur la vie politique qui sont au centre des préoccupations de cette nouvelle publication, qui se tourne vers les modèles européens, français et anglais pour observer le fonctionnement de la monarchie constitutionnelle. A Abelha ou Collecçao de conhecimentos os mais agradaveis, instructivos, necesarios e uteis as classes da sociedade, extrahidos dos jornaes scientificos e literarios de toda a Europa e dos obras dos melhores escriptores. Jornal portugués digido e publicado mensalmente em Pariz (un numéro en 1830) est l’œuvre de Francisco Ladislas Alvares d’Andrada. Cette publication mensuelle, de type encyclopédique, tire l’essentiel de son contenu des périodiques européens. Elle utilise la technique dite du copier-coller, déjà largement en usage dans le monde de la presse à cette époque. A Abelha veut faire « œuvre morale », contribuer au « bonheur des peuples », mais surtout être l’écho, pour les lusophones du monde entier, de la civilisation européenne. Car, comme les publications de Constancio, cette revue est destinée à partir régulièrement vers le Portugal et le Brésil, comme le montrent les collections de la Biblioteca Nacional de Portugal à Lisbonne, celles de la Fundação Biblioteca Nacional et du Real Gabinête Portuguès de Leitura à Rio44.
Le cas d’O Patriota Brasileiro, revista mensal, un unique numéro en 1830, publié par la Livraria des Estrangeiros de Renouard, est intéressant, car dans son titre même le périodique se place, huit ans après son indépendance, sur le plan de la défense de la jeune nation brésilienne. Comme celles qui l’ont précédée, cette revue est dédiée au pays qui l’accueille, la France, terre des Lumières de la connaissance. L’essentiel du contenu de la seule livraison conservée dans les collections de la Bibliothèque nationale de France est consacré à des articles historiques, à des textes sur la toute nouvelle constitution de dom Pedro Ier et à des informations scientifiques, politiques et littéraires en provenance du Brésil. La seule revue à avoir marqué l’histoire intellectuelle brésilienne est Nitheroy. Revista Brasiliense, sciencias, lettras e artes45 (2 tomes en 1836), dont la devise est « Todo pelo Brasil e para o Brasil ». Ici, encore ce sont les Lumières de la civilisation qui sont mises en avant, afin qu’elles bénéficient aux Brésiliens. Ses collaborateurs, dont le principal, Domingos José Gonçalves de Magalhães, sont connus pour avoir largement contribué à l’introduction du courant romantique dans ce pays. Enfin, il faut mentionner pour mémoire deux autres périodiques très particuliers. D’abord une modeste publication intitulée O Padre Malagrida ou a Tezeira periodico politico e literario (un ou deux numéro en 1829), d’après le nom d’un jésuite d’origine italienne parti au Brésil au début du XVIIIe siècle et qui fut brûlé publiquement à Lisbonne par l’Inquisition pour avoir, a-t-il été dit, participé à un complot contre le Roi46 ; et une petite feuille spécialisée dans la viticulture, O Vinhateiro. Obra em que se tratarà de cultura da vinha, da fabricaçao e conservaçao de vinho, da distillaçao dos agoas aredentes… (un numéro en 1832), dont on ne comprend pas très bien la présence à Paris. Pour terminer, il faut encore signaler les quatre périodiques annoncés comme devant paraître, l’un en 1826, O Nivelador, Jornal scientifico, techino e literario redigico por huma sociedad de Portuguez rezidentes em Paris47, les trois autres en 1832 : O Independente, O Perguntador, O Tribuno do Povo48, portant tous des titres significatifs de leurs ambitions – L’Indépendant, Le Questionneur et La Tribune du Peuple. Ces trois revues n’ont jamais vu le jour, mais le projet de les faire paraître témoigne du bouillonnement de la presse, y compris en langues étrangères, à cette époque.
La voix du monde lusophone a donc bien essayé de se faire entendre à partir de Paris, par le biais de la presse périodique. Un certain nombre de passeurs, hommes du livre et intellectuels, français, portugais et brésiliens, ont participé à cet effort de diffusion des Lumières, de la France vers le Portugal et le Brésil. Rey et Gravier, Bobée, Firmin Didot, Renouard, tous ces libraires éditeurs ont été mis à contribution, qui par Constancio, qui par Alvares d’Andrada, qui par d’autres encore, pour les aider à produire et à diffuser leurs revues en portugais à destination des lusophones de Paris, mais aussi et surtout de ceux du Portugal et du Brésil, à qui ils veulent faire connaître l’évolution de la vie politique et intellectuelle européenne. Si le travail fait par Antoine-Augustin Renouard49 et par son fils Paul, imprimeurs possédant une grande variété de caractères – ce qui n’empêchera pas les directeurs de revues lusophones de se plaindre du manque de caractères adéquats disponibles à Paris50 –, ainsi que celui fait par la maison Firmin Didot51, est en partie connu, il n’en est pas de même de celui de certains des autres libraires cités, sur lesquels les informations sont parcellaires, plus particulièrement en ce qui concerne leur activité dans le domaine étranger.
Un grand nombre d’ouvrages, mais également de périodiques en langues étrangères, se donnent à lire, sur abonnement, dans les cabinets de lecture spécialisés. La « Librairie des Étrangers, française, anglaise et américaine » des Renouard, par exemple, installée 55 rue Neuve Saint Augustin, propose dans ses
salons littéraires, spacieux et magnifiques (…) tous les journaux de France, d’Irlande, d’Écosse, d’Amérique, et aussi de ceux qui paraissent en Italie, en Allemagne, au Portugal, dans les Pays-Bas (…). On y trouve toutes les revues et tous les ouvrages périodiques, littéraires et scientifiques, publiés dans les deux mondes52.
Sans doute pouvait-on y lire les différents périodiques en portugais donnés à Paris53, plus particulièrement O Patriota Brasileiro. Periodico mensal, dont l’unique tome a été publié par cette même Livraria des Estrangeiros. Peut-être les passeurs lusophones se retrouvaient-ils là pour lire la presse de leur pays d’origine ?
Les guerres napoléoniennes, l’effervescence politique dans le monde lusophone, la guerre civile au Portugal puis les troubles politiques persistant dans ce pays, sont à l’origine de mouvements de population qui expliquent la présence, à différentes reprises au cours de cette période, d’émigrés politiques d’un niveau culturel élevé, libéraux, anticléricaux, anti-absolutistes portugais, lecteurs des encyclopédistes, de Voltaire, de Rousseau et de Montesquieu, mais aussi des principes éducatifs développés par Fénelon dans Télémaque, venus se réfugier en France, pays dans lequel ils peuvent faire entendre leur voix, et devenant ainsi des passeurs de la culture lusophone dans le reste du monde. Quelques noms sont à retenir pour cette période : ceux de Francisco Solano Constancio, de Francisco Ladislau Alvares d’Andrada, de Domingos José Gonçalves de Magalhães, de Manuel José Araùjo Porto-Alegre et de Sylvestre Pinheiro Ferreira. C’est le premier d’entre eux qui a été le plus actif dans la production de périodiques en portugais. Fils du chirurgien du roi du Portugal, Francisco Solano Constancio (1777-1846) est lui-même médecin, mais il a surtout été diplomate au service, à Paris d’abord, puis à Washington, où il est nommé ambassadeur. Il démissionne de ce poste en 1829 pour s’installer définitivement à Paris, où il partage son temps entre l’écriture et l’édition. Il est, par exemple, l’éditeur de la publication mensuelle Esprit des revues anglaises. Analyse critique des revues trimestrielle d’Édimbourg et de Londres (juillet 1841-février 1842), dans laquelle il étudie chaque mois, dans un esprit alerte et ouvert sur tous les sujets, les revues britanniques. Il est également un traducteur actif. Sa traduction Des Principes de l’économie politique et de l’impôt (1817) de Ricardo, publié par Jean-Pierre Aillaud en 1819, est encore en usage aujourd’hui. Il est enfin l’auteur d’une Nouvelle grammaire portugaise à l’usage des Français, publiée en 1832 par le même éditeur. À tous ces titres, Constancio présente un cas exemplaire de passeur de cultures entre le monde lusophone, la France et l’Angleterre.
Sur Francisco Ladislau Alvares d’Andrada, promoteur en 1830 de la revue Abelha, qui dit vouloir concurrencer les périodiques de Constancio, les données biographiques sont peu nombreuses. Néanmoins, le portrait qui se dessine de lui, à travers les collections de la Bibliothèque nationale de France, montre un traducteur actif du français et de l’anglais vers le portugais, notamment des romans d’Alexandre Dumas – La Comtesse de Charny en 1854 chez Cadot –, mais aussi des œuvres de Benjamin Franklin54 – imprimées à Londres en 1832 –, ou encore de La Cabane de l’Oncle Tom, ou La vie des nègres en Amérique, de Harriet Beecher Stowe, chez Rey et Belhatte en 1853. Notons encore qu’il est lui-même auteur de plusieurs ouvrages, dont une Historia de José de Faro ou a Mercador ambulante… 55, ainsi que d’une histoire de la guerre de Crimée : A Russia, a Turquia et a historia da actual guerra de Oriente56. Andrada apparaît donc, dans sa volonté de mettre une revue intellectuelle et transculturelle sur le marché, comme un véritable médiateur, tout comme un observateur de l’évolution et des progrès du monde, dont il veut porter le témoignage dans le monde lusophone.
Médecin et écrivain comme son père avant lui, Domingos José Gonçalves de Magalhães (1811-1882) est considéré comme l’introducteur du romantisme au Brésil. C’est la publication simultanée, en 1836 à l’âge de 25 ans, alors qu’il séjourne à Paris, de Suspiros poeticos e saudades57 et de la revue Nitheroy qui est à l’origine de cette réputation, même si nombre de critiques littéraires le considèrent, malgré tout, comme un poète médiocre. Il semble que si cette revue jouit, aujourd’hui encore, d’une aura aussi grande dans l’histoire littéraire du Brésil, c’est moins pour le périodique lui-même, qui n’a publié que deux numéros loin de Rio, qu’en raison de l’article de Magalhães, « Essai sur l’histoire de la littérature brésilienne »58 : celui-ci, également publié séparément, passe pour un manifeste en faveur du romantisme, un courant littéraire alors encore peu connu des Brésiliens. Afin de faire paraître Nitheroy, Magalhães s’est associé, à Paris, avec Manuel José de Araùjo Porto Alegre (1806-1879), peintre et professeur d’arts plastiques. À Rio, il travaille sous la direction de Jean-Baptiste Debret, avec lequel il est parti pour la France en 1831. À Paris il fréquente les milieux romantiques et fait la connaissance de Magalhães. Ensemble, et avec Francisco de Sales Torres Homem (1812-1876), médecin, avocat, journaliste et écrivain romantique né à Rio, ils décident de fonder une revue en portugais : Nitheroy. Les trois hommes participent aux activités de l’Institut historique de Paris59, dont le Journal publiera un article de Araùjo sur « Les beaux-arts au Brésil »60 mais signale aussi en détail le lancement de Nitheroy, indiquant que la nouvelle revue a connu un grand succès et que tous les exemplaires du premier numéro ont été vendus61.
À ces noms, il faut associer celui de Sylvestre Pinheiro Ferreira, né à Lisbonne en 1769. Entré tôt chez les oratoriens, il dut se réfugier en Angleterre en 1797, en raison de ses prises de position libérales. Il est un temps secrétaire de l’ambassadeur du Portugal à Paris avant d’être lui-même chargé d’affaires à Berlin de 1802 à 1807, poste qu’il fut contraint de quitter sur ordre de Napoléon. Il rejoint alors immédiatement la famille royale au Brésil, où il occupe des postes importants. Il se fait le défenseur de l’affranchissement des esclaves et de la mise en place d’un gouvernement représentatif, tant en métropole que dans la colonie. En 1822, il accompagne le retour du roi Joao au Portugal et ne quitte ce pays qu’après l’abolition de la monarchie constitutionnelle en avril 1824, date à laquelle il s’installe pour dix ans à Paris. Là, il écrit des ouvrages de droit dont certains seront mis en vente chez Bossange. Son élection à la Section « Législation » de l’Académie des Sciences morales et politiques illustre la stature du personnage.
CONCLUSION
Si, en cette première moitié du XIXe siècle, aucun libraire-éditeur parisien ne se tourne vers les seuls imprimés lusophones, de nombreuses maisons y consacrent une part plus ou moins importante de leur activité. Les quantités d’ouvrages produites, si elles ne sont pas colossales, témoignent cependant du rôle joué par Paris comme lieu d’innombrables transferts culturels, une ville à partir de laquelle partent, vers le Nouveau Monde, avec les imprimés de toutes sortes, notamment en portugais, des modèles, des idées, des courants de pensée et des genres littéraires nouveaux. En France, quelques médiateurs portugais et brésiliens se sont, quant à eux, tournés vers la revue intellectuelle et critique – média moderne, inventée en Écosse en 1802, dont ils sont les observateurs –, afin de faire passer de l’autre côté de l’Atlantique, vers la jeune nation brésilienne, mais aussi vers le Portugal en quête d’une monarchie constitutionnelle, les « Lumières » et les avancées scientifiques de l’Ancien Monde, plus particulièrement françaises. Grâce au travail de traduction d’un certain nombre d’entre eux, les productions intellectuelles les plus récentes, comme les œuvres d’économie politique de Ricardo, mais aussi les romans français et anglais, vont franchir les mers, pour aller, dans la langue de Camoëns et de Garrett, rejoindre les nouveaux lecteurs de ces pays et influencer durablement leurs élites.
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1 Voir sur ce sujet Diana Cooper-Richet, « Paris, capitale des polyglottes ? Édition et commercialisation des imprimés en langues étrangères sous la Restauration », dans Jean-Yves Mollier, Martine Reid, Jean-Claude Yon, dir., Repenser la Restauration, Paris, Nouveau Monde, 2005, pp. 197-209 ; id., « Presse en anglais et littérature, à Paris, dans la première moitié du XIXe siècle », dans Marie-Ève Thérenty, Alain Vaillant, dir., Presse et plumes. Journalisme et littérature au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde, 2004, pp. 153-168 ; id., « Les imprimés de langue anglaise en France au XIXe siècle : rayonnement intellectuel, circulation et modes de pénétration », dans Jean-Yves Mollier, Jacques Michon, dir., Les Mutations du livre et de l’édition dans le monde, du XVIIIe siècle à l’an 2000, Québec, Presses de l’Université Laval ; Paris, L’Harmattan, 2001, pp. 122-140 ; id., « L’imprimé en langues étrangères à Paris au XIXe siècle. Lecteurs, éditeurs, supports », dans Revue française d’histoire du livre, n° 116-117, 2002, pp. 203-325 ; id., « La librairie étrangère à Paris au XIXe siècle : un milieu perméable aux innovations et aux transferts », dans Actes de la Recherche en Sciences sociales, mars 1999, n° 126-127, pp. 60-69 ; id., « Paris et l’écoute des cultures du monde au XIXe siècle », dans Les Cahiers du XIXe siècle, n° 3, 2008, pp. 223-243 ; id., « Diffusion du modèle victorien à travers le monde. Le rôle de la presse en anglais publiée en France au XIXe siècle », dans Marie-Ève Thérenty, Alain Vaillant, dir., Presse, nations et mondialisation au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde, 2010, pp. 17-32 ; id., « La presse britannique dans le Paris de la première moitié du XIXe siècle : modèle et vecteur de transferts culturels », dans Jean-Yves Mollier, Philippe Régnier, Alain Vaillant, dir., La Production de l’immatériel. Théories, représentations et pratiques de la culture au XIXe siècle, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2008, pp. 115-129.
2 Voir Diana Cooper-Richet, Michel Pierssens, « Bohemia Latina », dans Pascal Brissette, Anthony Glinoer, dir., Bohème sans frontière, Rennes, PUR, 2010, pp. 279-293.
3 Eliana Regina de Freitas Dutra, Rebeldes literarios da Republica : Historia e identidade nacional no Almanaque Braseleiro Garnier (1903 1914), Belo Horizonte, Editoria UFMG, 2005.
4 Quelques très brèves indications sommaires ont été fournies sur ce sujet dans Diana Cooper-Richet, « Paris, carrefour des langues et des cultures : édition, presse et librairies étrangères à Paris au XIXe siècle », dans Histoire et civilisation du livre. Revue internationale, 2009, V, pp. 129-130.
5 Victor Ramos, A Ediçào em França : 1800-1850, repertorio geral dos titros publicados e ensaio critico, Paris, Fundação Calouste Gulbenkian, 1972.
6 Elle passe de 2 à 3 titres, dans les premières années de la période concernée, à 41 en 1836, pour retomber à un seul, en 1855.
7 Jean-Pierre (Joao Pedro) Aillaud, né en 1752 à Monestier de Briançon, s’est installé à Coimbra en 1770, où il a ouvert une librairie, s’associant par la suite avec Bertrand. Il est le père de trois enfants, dont un fils prénommé comme lui, Jean-Pierre, libraire à Paris. Voir Laurence Hallewell, O Livros no Brasil : sua historià, Sao Paulo, Edusp, 2005, pp. 198, 232, 289 et 291 ; Fernando Guedes, O Livro e a leitura em Portugal – subsidios para a sua historià – seculos XVIII-XIX, Lisboa, Verbo, 1987, p. 42 ; Joao Pinto Loureiro, « Livreiros e Livrarias de Coimbra », dans Arquivo Coimbrão, 12 (1954), pp. 69-171. La veuve Bertrand et ses fils, libraires à Lisbonne, publient en 1835 un catalogue de 15 pages consacré aux ouvrages en portugais, dont la BnF conserve un exemplaire. Voir sur cette maison les travaux de Manuela D. Domingos, Bertrand, uma livraria antes de terramoto/Bertrand, une librairie avant le tremblement de terre, Lisboa, Biblioteca Nacional, 2002.
8 Laurence Hallewell, ouvr. cité, p. 102.
9 Ibid., pp. 120, 122, 148, 150 et 154.
10 Ibid., pp. 139, 142, et 150. Arrivé à Rio vers 1824, pour servir dans l’Armée impériale, où il fut notamment éditeur du Jornal de Commercio, il retourna en France en 1844.
11 Dont l’un de frères Baptiste Louis, présent dès 1844, sera le véritable inventeur de la littérature nationale. C’est lui, le premier qui décide de rémunérer les écrivains lusophones qui, jusque-là, publiaient pour leur propre compte. Propriétaire de la plus grosse structure de Rio de Janeiro, il sera véritablement l’archétype de l’éditeur brésilien moderne : Jean-Yves Mollier, « La construction du système éditorial français et son expansion dans le monde du XVIIIe au XXe siècle », dans Les Mutations du livre et de l’édition dans le monde, ouvr. cité, p. 62. Les frères Garnier sont aussi pourvoyeurs de livres obscènes pour toute l’Amérique latine : voir Jean-Yves Mollier, L’Argent et les lettres, histoire du capitalisme d’édition (1880-1920), Paris, Fayard, 1985, p. 239 et Laurence Hallewell, ouvr. cité, p. 211.
12 Voir Nelson Schapochnik, « Maudits typographes », dans Cahiers du Brésil contemporain, n° 69/70, 2008, numéro spécial Cheminements du roman dans le Brésil du XIXe siècle, Sandra Guardini Teixeira Vasconcelos, dir., p. 117 ; Laurence Hallewell, ouvr. cité, pp. 197-201 et 209-211. Mongie, installé, comme la plupart de ses collègues français, rua Ouvidor, n’a pas une librairie indépendante, mais seulement une filiale de la maison parisienne du même nom.
13 Archives de Paris, dossier D11 U3/87, faillite 6948 du 16 juillet 1831. « Cet établissement a reçu en commandite 25 000 francs de livres à 15 % de rabais seulement sur le catalogue. L’acte de société est du 6 avril 1827 et expire le 1er mars 1833. Le commerce étant déjà très souffrant à Rio de Janeiro, la dernière révolution l’a anéanti. »
14 Notamment en 1851. Son adresse est alors : 13 quai Voltaire.
15 Maison maintenant installée 47 rue Saint-André-des-Arts. Ce catalogue ne comporte pas moins de 68 pages.
16 La collection Q10 B de la BnF conserve les catalogues des années 1863 et 1874.
17 Giles Barber, « Galignani’s and the publication of English books in France from 1800 to 1852 », dans The Library, n° 5, vol. XVI (1961), pp. 267-286.
18 Tous les catalogues, dont il est fait mention dans cet article, sont conservés à la Bibliothèque Nationale de France dans la collection Q10 B.
19 Nicole Felkay, « Le Musée encyclopédique de Martin Bossange », dans Bulletin du bibliophile, 1984-1, pp. 32-39 et « La Librairie Bossange », dans Claude Galarneau, Maurice Lemire, dir., Livre et lecture au Québec 1800-1850, Québec, Institut québecois de recherche sur la culture, 1988, pp. 43-58. Voir aussi Anthony Grolleau-Fricard, « Le réseau Bossange dans trois récits de voyage », dans Yvan Lamonde, Didier Poton, dir., La Capricieuse (1855) : poupe et proue. Les relations France-Québec (1760-1914), Québec, Presses de l’Université Laval, 2008, pp. 56-57 ; Diana Cooper-Richet, « La librairie Bossange et le commerce transatlantique au début du XIXe siècle. Retour sur les échanges entre “Centre” et “Périphérie” », dans Jean-Dominique Mellot [et al.], Passeurs d’histoires. Figures des relations France-Québec en histoire du livre, Québec, Presses de l’université Laval, 2010.
20 Ibid.
21 Catalogue des dépôts de livres français établis par Bossange et Masson, imprimeurs-libraires à Paris.
22 La maison Baudry, devenu Baudry Dramart, puis Dramart-Mesnil, l’une des très rares maisons a être demeurée active pendant tout le XIXe siècle dans le secteur du livre en langues étrangères, a été étudiée par Jean-Benoît Francou, Baudry, un éditeur pirate du XIXe siècle, ou la Librairie européenne de 1815 à 1852, mémoire de maîtrise, dirigé par Diana Cooper-Richet et Jean-Yves Mollier, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 1999.
23 Des catalogues de livres en anglais sont mis en circulation en mai 1822, en mai 1823 et en juin 1824 ; en italien, il y en aura en mars 1824, notamment.
24 Sur la maison Didot, voir Jean-Yves Mollier, ouvr. cité, pp. 81-101.
25 Le Catalogue de livres de fonds et d’assortiment, conservé dans la série Q10 B de la BnF, comportant 154 pages et daté de 1827, propose des livres en latin, en espagnol, en anglais et cinq pages d’ouvrages en portugais. En 1860, cette maison a toujours des ouvrages lusophones à son catalogue. Ces différentes maisons imprimeront respectivement 19, 13, 11 et 10 ouvrages en portugais.
26 En 1864, le Catalogo da Livraria portugueza de Rey et Belhatte compte 16 pages.
27 James Smith (1812-1847), imprimeur, a été installé dans différents lieux de la capitale : rue de la Réunion, rue Montmartre, rue Fontaine-au-Roi.
28 Ces différents imprimeurs en produisent respectivement 8, 4 et 3.
29 Ouvr. cité, pp. 15-39.
30 Ouvr. cité, p. 33.
31 Ouvr. cité, p. 26.
32 Sandra Guardini Teixeira Vasconcelos, « Présentation », dans Cahiers du Brésil Contemporain, n° spécial, « Cheminements du roman dans le Brésil du XIXe siècle », dir. Sandra Guardini Teixeira Vasconcelos, n° 69/70, 2008, pp. 5-10.
33 S’écrit également Camoës.
34 Diana Cooper-Richet, « Paris, capitale des polyglottes ?… », art. cité, et Jean-Yves Mollier, ouvr. cité, pp. 320-321.
35 Carlos Alberto Gonzales Sanchez, Los Mundos del libro. Medios de difusión de la cultura occidental en las Indias de los siglos XVI y XVII, Séville, Universidad de Sevilla, 2002, p. 227, cité par Serge Grusinski, Les Quatre parties du monde. Histoire d’une mondialisation, Paris, Éd. de La Martinière, 2004, p. 122.
36 En avril 1833, le catalogue compte 26 pages, dont une seule de livres en portugais.
37 Ab Excessu diui Augusti, texte connu sous le nom d’Annales.
38 Exilé à Londres, il fut l’éditeur d’un journal en portugais dans cette ville.
39 Quelques indications ont été fournies à ce sujet dans Diana Cooper-Richet, « Paris, carrefour », art. cité, pp. 138-139.
40 Dans le dernier numéro d’avril 1815 de O Observador Lusitano em Pariz, p. 652-653, il est indiqué qu’il existe déjà des périodiques en portugais à Londres.
41 Ainsi, tous les deux ans environ entre 1815 et 1837, en moyenne un titre en portugais est lancé dans la capitale française.
42 P. 652-653.
43 100 pages pour la première livraison.
44 La première des trois conserve, dans ses collections, O Observador, les Annaes, O Contemporaneo, les Novos Annaes et O Padre. La seconde propose également O Observador et les Novos Annaes. Enfin, le Cabinet de lecture portugais de Rio possède, comme les deux autres O Observador, et comme la bibliothèque de Lisbonne les Annaes et O Padre. Il est le seul, cependant, à pouvoir offrir Nitheroy à la lecture.
45 Revista Nitheroy. Edição fac-similar acompanhada de textos criticos, éd. Ana Beatriz Demarchi Barel, Coimbra, Minerva, 2006.
46 Voltaire, Œuvres complètes, t. XXIX, Paris, Crapelet, 1819 ; Philosophie, t. I, Paris, Renouard, 1819, p. 403. C’est dans un sermon en hébreu prononcé par le rabbin Akib, à Smyrne le 20 novembre 1761, année de la mort du père Gabriel Malagrida, que celui-ci est cité. Le sous-titre du périodique évoque des ciseaux, sans doute en référence à la censure.
47 Bibliographie de la France, 14 juin 1826.
48 Ces quatre titres sont donnés par Ernesto de Canto, Ensaio bibliogràfico, Punta Delgada, Tipografia de Arquivos dos Açores, 1888, pp. 287, 291 et 293.
49 Diana Cooper-Richet, « La redécouverte des éditions aldines au XIXe siècle. Antoine-Augustin Renouard, bibliophile, collectionneur et passeur culturel », dans Yannick Portebois, Nicholas Terpstra, éd., The Renaissance in the Nineteenth Century/Le XIXe siècle renaissant, Toronto, Center for Reformation and Renaissance Studies, 2003, pp. 179-197.
50 A Abelha, n° 1, p. 60.
51 Jean-Yves Mollier, L’Argent et les Lettres, ouvr. cité, pp. 81-101.
52 Catalogue des livres français qui se trouvent en lecture à la libraire des Étrangers, Paris, 1831.
53 Victor Ramos, ouvr. cité, p. 151.
54 London, Greenslaw.
55 London, Bingham, 1832.
56 Paris, Pommeret et Moreau, 1854.
57 Ce texte est tiré du second numéro de la revue Nitheroy, il a été publié à Rio de Janeiro, chez J. P. Veiga, en 1836.
58 Tome I, numéro 1, 1836.
59 Fondé en 1833, il a pour objectif de favoriser les études historiques. L’Institut a pour président Jean-François Michaud, membre de l’Académie française et de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, et pour secrétaire perpétuel Eugène Garay de Monglave (1796-1878), auteur d’une Histoire de Paris (Paris, Bibliothèque populaire ou l’instruction mise à la portée de toutes les classes et de toutes les intelligences, 1833) et de bien d’autres ouvrages.
60 Encyclopédia Itau Cultural arts visuels, notice Porto-Alegre, Manuel José de Araùjo. Voir : http://www.itaucultural.org.br/aplicExternas/enciclopedia_ic/index.
61 Journal de l’Institut historique, t. 3, 2e année, 1836, rapport lu à la 2e classe de l’Institut historique par Eugène de Monglave membre de l’Institut royal de Naples, pp. 209-211.