Le livre dans l’espace arabe : dimensions transnationales
Franck MERMIER
IIAC-LAU, CNRS-EHESS
L’expression « monde arabe » est communément employée pour désigner l’ensemble des pays composant la Ligue des États arabes qui, créée en 1945, rassemble aujourd’hui 22 pays. Elle possède cependant un caractère monolithique qui empêche de discerner toute la diversité et la pluralité de cet ensemble composite dont la population était estimée à 334 millions d’habitants en 2004. De la Mauritanie à Bahreïn, le « monde arabe » n’est ni une entité politique, ni un ensemble géographique homogène. Si la religion musulmane y est prépondérante – seul le Liban se distingue par un président chrétien (et même obligatoirement de confession maronite) – elle se décline en différentes versions chiites et sunnites. Les chrétiens arabes, eux-mêmes affiliés à différents rites, forment des communautés plus ou moins importantes dans plusieurs pays (Égypte, Syrie, Liban, Palestine, Jordanie, Irak). La langue arabe, dans sa forme littérale, est certes un facteur unifiant mais, pendant longtemps, l’analphabétisme et la lenteur des progrès de la scolarisation, ont retardé la diffusion de l’imprimé dont l’implantation dans les pays arabes a été tardive.
L’usage des dialectes et la pénétration des langues étrangères, de manière différenciée selon les pays et souvent en lien direct avec la diversité des situations coloniales, ont constitué des freins à la généralisation d’une référence linguistique commune. Des situations contrastées de diglossie existent dans tout l’espace arabe. Plusieurs pays du Maghreb se caractérisent ainsi par l’usage de l’arabe parlé, du français et du tamazight, tandis qu’au Liban, le français et l’anglais coexistent, parfois s’entremêlent avec l’arabe. Ces « métissages linguistiques »1 sont aussi fonction du statut des langues et leur usage peut aussi être compartimenté, notamment dans le cadre des pratiques de lecture (scolaire, ludique, religieuse…). La langue étrangère peut ainsi, pour certaines élites, être une langue de référence pour certains domaines et l’arabe pour d’autres. En outre, la résistance à incorporer les dialectes dans l’arabe écrit continue à être forte, qu’elle ressortisse au caractère sacré de la langue du Coran, à l’idée de l’unité arabe ou à d’autres facteurs politiques et sociaux qui restent à élucider2.
La longue domination ottomane sur de nombreuses régions de cet espace a aussi suscité des situations très diverses. Le contrôle politique du sultanat d’Istanbul, en se délitant progressivement au fur et à mesure des progrès des impérialismes britannique et français notamment, a fait émerger de nouveaux pouvoirs plus ou moins autonomes comme dans les cas de l’Égypte et du Maroc au XIXe siècle, voire du Mont-Liban. La péninsule Arabique, quant à elle, sera restée en grande partie à l’écart de la main mise de la Sublime Porte ou l’a fortement contestée comme au Yémen et dans les provinces du Nejd et du Hedjaz.
La situation du livre dans l’espace arabe est donc l’héritière de cette histoire morcelée et des frontières qu’elle a établies. Elle est aussi liée aux nouvelles centralités politiques et culturelles qui vont progressivement s’affirmer ou se constituer dans le cadre d’un ensemble régional qui, par le biais du nationalisme arabe, deviendra de plus en plus conscient de lui-même. La mise en place des États arabes après les indépendances conforte des découpages nationaux mais la définition, au niveau de chaque pays, de politiques éducatives et culturelles, notamment dans le domaine de l’arabisation en Algérie, en Tunisie et au Maroc notamment3, a paradoxalement renforcé l’existence d’un marché du livre arabe. Cette étude vise ainsi à cerner les caractéristiques du « système éditorial » arabe en retraçant l’émergence et le développement des secteurs de l’édition dans une perspective transnationale. La question du livre est étroitement liée au rôle culturel des villes, foyers d’innovation technologique et culturelle4, ainsi qu’aux processus d’affirmation et d’identification politico-culturels qui transforment les contours des « communautés de sentiments » que l’on ne peut réduire aux frontières nationales dans l’espace arabe.
LES DÉBUTS DE L’IMPRIMERIE
Les débuts de l’imprimerie dans l’espace arabe ont été non seulement tardifs mais cantonnés, durant une longue période, dans le giron des congrégations religieuses chrétiennes. Leur monopole initial sur les techniques d’impression dans l’espace arabe est sans doute dû à l’attitude première des autorités ottomanes face à cette innovation technologique. Le secteur privé de l’édition s’est donc développé avec lenteur, et, dans un premier temps, seulement en Égypte et au Liban. L’ère du manuscrit continua ainsi longtemps à prévaloir dans l’espace arabe, et notamment durant la période qui voyait en Europe le développement de la culture médiatique de l’imprimé. Dépendantes de l’Empire ottoman, les provinces arabes ne connurent l’imprimerie qu’après son implantation à Istanbul où elle ne fut d’abord autorisée que pour publier des ouvrages en caractères non arabes pour les communautés juives et chrétiennes. Les premiers ateliers typographiques furent installés par des juifs à Constantinople et à Salonique à la fin du XVe siècle. En 1588, le sultan Murad III autorisa la vente de livres en arabes mais l’interdit religieux d’imprimer dans la langue du Coran dura encore longtemps.
Certains ulémas craignaient notamment que le livre sacré ne fût altéré par sa reproduction mécanique. Une autre raison à cet interdit résidait dans la résistance des copistes d’Istanbul qui se sentaient menacés par la concurrence de cette nouvelle technique. Un édit religieux promulgué en 1726, sous le règne du sultan Ahmad III, autorisa enfin l’impression d’ouvrages en arabe à condition qu’il s’agisse de livres profanes et que leur contenu soit contrôlé par des savants religieux5. La même année fut fondée l’imprimerie d’Istanbul, qui ne publia que 21 ouvrages jusqu’à la date de sa destruction en 17876. Pour Francis Robinson, la raison principale de cette opposition initiale résiderait dans le fait que
(l’)imprimerie mettait en cause le cœur du système islamique de transmission du savoir, elle attaquait ce qui rendait la connaissance digne de confiance, ce qui lui donnait de la valeur et de l’autorité,
du fait que la transmission orale du Coran dans une relation entre maître et disciple était la base de l’éducation musulmane7.
Le premier livre imprimé en arabe ne l’a pas été dans l’espace arabe mais en Italie en 15148. Il s’agissait d’un psautier melkite. C’est d’ailleurs les chrétiens qui furent à l’origine de la première imprimerie installée dans l’espace arabe, celle du monastère Saint-Antoine à Qazhayya dans le Mont-Liban en 1585. Elle publia le premier livre imprimé au Proche-Orient, un psautier arabe écrit en caractères syriaques (garchûnî)9. Cependant, la première imprimerie utilisant les caractères arabes aurait été celle des chrétiens melkites à Alep en 170610 à l’instigation du patriarche grec-orthodoxe d’Antioche, Athanase Dabbâs. Elle aurait été importée de Valachie11. C’est aussi un chrétien, Abdallah Zâkher, qui est souvent présenté comme « le premier imprimeur arabe »12. Ce catholique d’Alep aurait appris son métier dans l’imprimerie de cette ville, qui aurait cessé de fonctionner en 1711. Le pouvoir ottoman le condamna à mort, à l’instigation des autorités grecs-orthodoxes, en raison de sa conversion au catholicisme. Il trouva refuge au Mont-Liban en 1722 et travailla dans l’imprimerie du monastère de Mâr Yuhannâ (Saint-Jean-Baptiste) à Choueir. Le jésuite Fromage avait fait venir ses presses typographiques d’Europe en 1726. Abdallah Zakher aida à les installer et il en devint le seul propriétaire. Cette imprimera commença de fonctionner en 1733-1734 et s’arrêta en 1899.
La première imprimerie de Beyrouth, installée dans le couvent grec-orthodoxe de Saint-Georgios, publia, en 1751, son premier ouvrage, un livre de Psaumes13. Un siècle plus tard, en 1855, Damas connut sa première véritable imprimerie (matba’at al-Dûmânî) qui était aussi consacrée aux livres religieux chrétiens. Les deux plus grandes imprimeries du Proche-Orient furent aussi d’inspiration chrétienne et furent fondées à Beyrouth. L’imprimerie américaine créée en 1834 allait dépendre du Syrian Protestant College (1866) tandis que l’Imprimerie catholique fut établie en 1848 en lien avec le Collège des Jésuites (1875). Sous le nom d’American University of Beirut et d’Université Saint Joseph, ces deux institutions jouèrent un rôle éducatif éminent aussi bien au Liban que dans tout l’Orient arabe. Dans d’autres provinces arabes de l’Empire ottoman, le rôle des congrégations religieuses chrétiennes fut aussi prééminent pour les débuts de l’imprimerie. Ainsi de l’Irak, où l’imprimerie fut réintroduite en 1856 par les dominicains français à Mossoul, les premières presses de Bagdad n’étant installées qu’en 1861 par le Persan Mirzâ ‘Abbâs14. En Palestine, la première imprimerie aurait été fondée par Yisrael Bak et son fils Nasim, en 1832, pour publier des ouvrages religieux juifs15. En 1846, les franciscains créèrent, à l’instigation de l’Autrichien Frotchner et avec l’appui de l’empereur François-Joseph, une imprimerie à Jérusalem. Elle fit paraître des ouvrages en arabe, turc, arménien, hébreux, grec, français et italien16. En Tunisie, l’abbé François Bourgade fonda, en 1845, la première imprimerie du pays mais elle ne dura que peu de temps17.
Un des effets de l’implantation des imprimeries dans les communautés chrétiennes (à l’exception des coptes d’Égypte) a été de diffuser l’arabe comme langue liturgique, en remplacement progressif du syriaque. Cela conduisit aussi à son expansion comme langue de transmission du savoir dans les milieux chrétiens du Proche-Orient18. Dans un autre registre, la modernisation de la langue arabe fut aussi redevable des publications des presses de l’imprimerie catholique et de l’imprimerie américaine au Liban. Leurs traductions, encyclopédies et dictionnaires participèrent du mouvement de « renaissance arabe » (nahda) commencée au XIXe siècle19. Il reste que l’impact global des imprimeries chrétiennes demeura limité du fait qu’une grande partie de leurs productions et de leurs circuits de distribution restaient confinés aux communautés chrétiennes.
DE NOUVELLES CONFIGURATIONS IDENTITAIRES
L’antériorité de ces presses chrétiennes dans l’histoire de l’imprimerie arabe renvoie à la suprématie européenne de l’époque en matière de techniques. Ce phénomène est aussi directement lié au cosmopolitisme particulier à l’Empire ottoman, celui de l’ère des réformes (Tanzimat). L’égalité juridique des sujets ottomans coexistait avec le statut des « protégés » chrétiens des puissances européennes. La domination impérialiste de celles-ci était l’arrière-plan de ce cosmopolitisme, avec son pluralisme confessionnel, linguistique et aussi idéologique. Les idées réformistes et nationalistes s’étaient ainsi emparées des élites intellectuelles urbaines qui en publicisaient leur propre version20, notamment à Alexandrie, Le Caire et Beyrouth. Ces villes jouissaient d’une plus grande autonomie au sein de l’Empire ottoman et étaient le plus en contact avec les méthodes occidentales d’enseignement21.
Journaux et livres concoururent à l’émergence de ce nouvel « espace public » où se débattaient les questions cruciales du développement, de l’émancipation nationale, de la place du religieux et des rapports de genre. Dans le domaine de la presse, Beyrouth et Le Caire concentrèrent plus des trois quarts des titres créés entre 1828 et 1878, 20 dans la première ville et 10 dans la seconde22. Il a été estimé que le lectorat égyptien représentait 75 000 personnes pour 8 millions d’habitants, dans les années 1880, alors qu’il était pratiquement inexistant une vingtaine d’années auparavant23. L’Égypte attira, dans la seconde moitié du XXe siècle, de nombreux intellectuels venus de Syrie et du Liban, notamment durant le règne du sultan ottoman ‘Abd al-Hamîd II (1876-1902) qui instaura une censure sévère et sourcilleuse24. Ils contribuèrent à l’effervescence culturelle du Caire et d’Alexandrie, soit en fondant des journaux et revues, soit en y collaborant comme journalistes25. La capitale égyptienne était devenue le principal foyer intellectuel de l’espace arabe, un des centres du réformisme musulman et de la « pensée arabe »26. Il ne faudrait cependant pas ignorer la production intellectuelle portée par certains périodiques influents qui furent publiés à Damas, Tripoli (du Liban), Jérusalem et Haïfa27. À Damas, un an seulement après la Révolution Jeune-Turque de 1908, 35 journaux furent créés et 60 furent fondés à Beyrouth entre 1908 et 191428.
Le contenu des nouvelles formes d’identification nationaliste fut très mouvant, puisque, si l’on excepte le cas de l’Égypte, les définitions territoriales des différentes entités arabes n’étaient pas fixées. Les interventions coloniales furent souvent déterminantes. L’occupation britannique de 1882 en Égypte et la révolution jeune-Turque de 1908 eurent des conséquences importantes sur l’essor des nationalismes arabes. L’imposition de mandats et protectorats français en Syrie, au Liban, en Tunisie et au Maroc, de mandats et de protectorats britanniques en Palestine, Transjordanie et Irak, au Sud du Yémen et dans les pays du Golfe, institua de nouvelles frontières qui furent souvent contestées.
La proclamation d’un foyer national juif en 1917 puis de l’État d’Israël en 1948 est un exemple emblématique de cette ingérence impérialiste. La création d’un État du Grand-Liban en 1920 ou la cession du Sandjak d’Alexandrette à la Turquie en 1938 ont aussi été perçus par les nationalistes syriens comme des spoliations territoriales insupportables. Et que dire des entités des États du Golfe, des sultanats de l’Arabie du Sud ou des royaumes de Transjordanie et d’Irak, si ce n’est que leur création était directement liée aux intérêts de la puissance britannique qui en établit les frontières et choisit leurs dirigeants, suscitant de nouvelles causes de conflits.
Le développement de l’imprimé dans les mondes musulmans fut aussi une réaction à l’expansion du pouvoir colonial. Elle prit une forte dimension identitaire donnant lieu à « une relation symbiotique entre l’essor d’une conscience panislamique et celui de la presse »29. Le réformisme islamique se serait ainsi développé en fonction des progrès de l’imprimerie et du télégraphe dans le monde musulman, l’imprimé ayant été le vecteur privilégié d’une « communauté imaginaire » panislamique30. Dans l’ensemble du monde musulman, le Coran et autres livres religieux étaient vendus par dizaines de milliers d’exemplaires dans les années 187031. Si le sentiment d’appartenance nationale, dans l’espace arabe, s’est forgé dans les luttes pour l’indépendance, il a toujours coexisté avec le partage d’identités plus larges, à travers l’arabité et l’islam, religion majoritaire. Sur le plan idéologique, l’arabisme et le panislamisme contribuèrent à fournir des cadres de mobilisation qui débordèrent les espaces nationaux récemment constitués.
L’ÉTAT ET LE SECTEUR DE L’ÉDITION
Un bref retour sur les débuts de l’imprimerie dans l’espace arabe révèle le rôle déterminant des pouvoirs politiques, en parallèle à celui des congrégations religieuses chrétiennes, pour son implantation ou son développement, dans de nombreux pays. De fait, l’émergence d’un secteur privé de l’édition fut long à venir et se localisa en premier lieu au Caire puis à Beyrouth, faisant de ces deux villes les deux capitales du livre dans l’espace arabe. On peut considérer ce phénomène comme une conséquence de l’implantation tardive de l’imprimerie, voire de son association initiale avec les institutions religieuses et étatiques.
Après l’éphémère expérience des presses installées par le Français Bourgade à Tunis, Mohammed Bey créa en 1857 une imprimerie et son successeur, Sadok Bey, l’imprimerie officielle tunisienne en 186032. Au Maroc, les premières presses apportées par un particulier furent confisquées par le sultan Mohammed IV qui décida de les installer à Fès en 1864 pour créer l’imprimerie officielle marocaine33. Dans la péninsule Arabique, les situations ont été variables. Si dans la colonie britannique d’Aden les premières presses typographiques, confiées à la charge de prisonniers, furent installées en 185334, les Ottomans n’introduisirent l’imprimerie à Sanaa qu’en 1877 pour publier le journal officiel San’â’35. Ils firent de même cinq ans plus tard à La Mecque qui ne connut sa première imprimerie privée qu’en 190936, tandis que le Koweït attendit 1948 pour que soient installées ses premières presses37. La fondation d’une imprimerie à Riyad, pour l’impression du journal Al Yamâma, et à Jeddah, pour les périodiques et livres scolaires, ne date que de 1952.
Ces imprimeries n’eurent cependant qu’une production limitée en matière d’ouvrages et, jusque dans les années 1960, la plupart des livres destinés au marché de la péninsule Arabique, étaient publiés au Caire. La plus célèbre imprimerie de l’espace arabe fut cependant celle de Bulâq qui fut créée au Caire en 1821, sous le règne de Muhammad Ali. Elle fut d’abord consacrée à la publication de documents officiels et de livres européens traduits en arabe ou en turc, la plupart consacrés aux savoirs techniques puis, à partir de 1832, aux livres scolaires. Son premier directeur fut le Syrien Nicolas al-Masâbikî, qui fut envoyé en Italie pour apprendre l’art typographique. Il est intéressant de noter que les boursiers égyptiens ayant étudié en Europe avaient l’obligation de traduire en arabe un ouvrage tiré de leurs livres de cours, traductions publiées par l’imprimerie Bulâq38.
De manière générale, l’émergence d’un secteur de l’édition séparé du secteur de l’imprimerie fut tardive, même au Caire et à Beyrouth, et il fallut attendre la deuxième moitié du XXe siècle pour que ce processus se réalise véritablement39. Une autre caractéristique de l’édition dans l’espace arabe a été la mise en place d’un contrôle et d’un monopole étatique de ce secteur dans de nombreux pays, à l’exception notable du Liban. Ainsi, en Égypte, le régime nassérien instaura un contrôle fort de la vie culturelle qui se traduisit notamment par la nationalisation de nombreuses maisons d’édition dans les années 1960. L’Organisation générale égyptienne pour le livre, créée en 1971, sera ainsi « le premier éditeur égyptien et arabe » en termes de production40. Dans les autres pays, tels que la Syrie, l’Irak, la Libye, l’Algérie et la Tunisie, le nombre d’éditeurs privés était extrêmement réduit et le secteur public était prédominant. Il en était de même dans la Péninsule arabique, notamment en Arabie saoudite, au Koweït, à Oman, au Yémen et dans les Émirats arabes unis, où les institutions étatiques étaient les principaux acteurs de la production du livre.
En 1982, Abdelkader ben Cheikh écrivait ainsi que « l’avènement de l’État éditeur est une des caractéristiques du système éditorial arabe. C’est à partir des années 1960, et après les années 1970 pour certains pays, que le secteur étatique ou semi-étatique s’est développé. C’est le cas, par exemple, de la Société nationale d’édition et de diffusion (SNED) en Algérie, de la Maison tunisienne d’édition (MTE) et de la Société tunisienne d’édition (STD) en Tunisie, de l’organisation générale d’édition et de diffusion en Libye et de la Dâr al-Hurriya en Irak »41. Ce phénomène ne peut être dissocié de celui d’une censure vigilante qui dispose d’institutions en charge de l’appliquer dans tous les pays arabes, notamment lors des foires qui sont devenues un des principaux vecteurs de diffusion du livre dans cet espace42.
LE LIVRE, INSTRUMENT DE L’HÉGÉMONIE CULTURELLE
Après la création de la foire du livre du Caire en 1969, la plupart des États arabes ont progressivement commencé d’organiser, dans leurs capitales et leurs villes principales, ce genre de manifestations commerciales servant aussi à exprimer l’intérêt des gouvernants pour le domaine culturel. C’est ainsi qu’un calendrier annuel s’est mis en place pour éviter un télescopage entre ces différentes foires du livre qui se succèdent de septembre à juin. L’ex-président Moubarak avait coutume de prononcer un discours lors de l’inauguration de la foire du Caire, et son épouse parrainait de nombreuses initiatives consacrées à l’encouragement de la lecture. De manière générale, la presse arabe rend régulièrement compte de ces manifestations, soit pour souligner le rôle des dirigeants politiques dans la vie culturelle, soit aussi pour traiter de la crise du livre et de la lecture dans les pays arabes.
Dans les années 1970, le Koweït joua un rôle culturel régional important en éditant de nombreux livres à visée pédagogique dans les domaines des sciences humaines et de la littérature, tandis que l’Arabie saoudite soutenait financièrement l’impression de millions d’exemplaires du Coran en lien direct avec l’idéologie wahhabite de son régime et ses ambitions panislamiques43. C’est aussi dans le domaine de la traduction que la prétention à jouer un rôle culturel panarabe s’est fait jour et a suscité la mise en place de programmes d’aide, particulièrement en Égypte, au Koweït et en Syrie44. La fondation de l’Organisation arabe de la traduction à Beyrouth en 1999 a constitué une étape importante en privilégiant l’exigence de qualité scientifique dans un domaine où le pire côtoie le meilleur. C’est cependant la publication du rapport du Programme des Nations unies pour le Développement de 2002, consacré au développement humain dans le monde arabe, qui a relancé ou suscité une politique de traduction dans plusieurs pays arabes45. Les conclusions de ce rapport, reprises dans l’ensemble de la presse arabe et occidentale, pointaient les déficiences en matière de traduction d’ouvrages et, plus largement, signalaient les faiblesses du monde arabe en matière d’éducation et de recherche.
De nouveaux instituts de traduction ont été créés récemment, comme à Alger et Tunis, mais c’est dans la péninsule Arabique, alors que la production éditoriale de cette région reste marginale, qu’une nouvelle dynamique a été lancée. Il est ainsi intéressant de constater le nouveau rôle joué par Abu Dhabi pour la promotion de la culture arabe et le développement de la bibliothèque arabe par le biais des traductions. On peut ainsi mentionner le prix du cheikh Zayed qui existe depuis 2007 et qui accorde neuf récompenses, dont un prix à la traduction d’environ 150 000 euros. Ce prix créé à la mémoire du cheikh Zayed ben Sultan Al Nahyan, est censé récompenser ceux qui contribuent au développement de la culture arabe dans le monde. Il est placé sous l’autorité du Abu Dhabi Culture and Heritage et son comité est composé de neuf membres appartenant à plusieurs pays arabes.
Le prix le plus célèbre est l’Arab Booker Prize qui récompense chaque année, depuis 2007, ce qui est considéré comme le meilleur roman arabe de l’année. Sous l’égide de la fondation des Émirats à Abou Dhabi, son jury tournant est composé d’intellectuels arabes et de spécialistes britanniques de la littérature arabe ou participant aux prix littéraires britanniques. L’idée de ce Booker arabe avait été lancée lors de la foire du livre de Francfort de 2005, dont le monde arabe était l’invité d’honneur. Cette fondation a aussi lancé le projet de traduction Kalima, qui vise à traduire une centaine de titres en arabe chaque année, pour arriver à 500 titres en 2010. Il faut enfin évoquer la création en 2008 à Dubaï d’une organisation pour la culture et les arts et le lancement du projet de traduction Tarjam qui se veut le pendant de celui d’Abou Dhabi.
Ce phénomène est intéressant en ce qu’il révèle plusieurs échelles d’intervention et de communication. L’une à l’échelon régional, au niveau de la péninsule Arabique, où peut se lire un jeu subtil de rivalités entre les différents pays et même au sein des Émirats arabes unis. L’autre, à l’échelon du monde arabe, dans un but d’affirmation nationaliste et panarabe au niveau culturel au moment où l’idéologie politique du panarabisme est en déclin. Enfin, une échelle internationale où se manifeste la surenchère pour s’attirer les grandes marques internationales de musées (Louvre, Sorbonne, Guggenheim…) et d’architectes, dans le même objectif de promotion autant économique que culturelle sous couvert de visée éducative.
LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉDITION PRIVÉE
L’emprise du secteur étatique dans le domaine du livre, et notamment en Égypte, fut un des facteurs qui favorisa l’essor de l’édition privée au Liban46. Beyrouth supplanta Le Caire, dans les années 1970, non pas en termes de production d’ouvrages mais en matière de diffusion puisque la capitale libanaise rassemblait la plupart des maisons d’édition de dimension panarabe de la région. Les pays du Maghreb étaient ainsi devenus dépendants de l’édition moyen-orientale, et notamment libanaise, pour l’importation de livres en arabe tandis que leur production éditoriale, dont une partie est en langue française, dépasse rarement leurs frontières. Depuis les années 1960-1970, la péninsule Arabique est devenue un marché important pour l’édition libanaise, notamment dans le domaine des livres scolaires, para-scolaires et universitaires. Les progrès de l’alphabétisation et de la scolarisation, mais aussi de l’arabisation dans le cas des pays du Maghreb, se sont ainsi répercutés de manière positive sur le secteur du livre au Liban.
Seul régime libéral de la région, le Liban bénéficiait d’un contrôle moins strict de l’État dans les domaines culturel et médiatique. Dans les années 1970, de nombreux intellectuels et entrepreneurs culturels arabes s’étaient retrouvés à Beyrouth, profitant d’une censure réduite, des opportunités du libéralisme économique ou du soutien de différentes forces politiques arabes (dont l’OLP), pour créer des revues et des maisons d’édition. La capitale libanaise était devenue « l’espace public du monde arabe » et un « laboratoire idéologique et littéraire », son milieu éditorial réfléchissant les débats intellectuels et idéologiques en cours dans un espace arabe déchiré par des dissensions politiques47.
Depuis les années 1990, la suprématie du Caire et de Beyrouth sur le marché du livre arabe commence à être contestée du fait de l’apparition d’un polycentrisme éditorial inédit. Le développement de l’édition privée en Égypte, en Syrie, en Jordanie, en Arabie saoudite, en Tunisie, Algérie et au Maroc, plus récemment en Irak, est une des caractéristiques majeures de la fin du XXe siècle. Ce phénomène pourrait avoir des conséquences importantes pour le développement d’une production et de champs culturels nationaux. Il ne faudrait cependant pas se méprendre. Souvent, le développement du secteur de l’édition est allé de pair avec celui de l’imprimerie et il est souvent difficile de faire une distinction nette entre les deux. De fait, le nombre de maisons d’édition dotées d’une dimension panarabe dans ces pays n’est pas encore comparable avec celui du Liban et de l’Égypte.
Depuis les années 1980, l’essor du livre religieux islamique, dans ses variantes patrimoniales en couvertures dorées ou dans ses versions populaires, a suscité la création de nombreuses maisons d’éditions. Une grande partie de cette nouvelle édition privée, comme c’est le cas en Syrie, en Arabie saoudite ou en Jordanie, s’est spécialisée dans ce segment éditorial dont le marché embrasse l’ensemble des mondes musulmans. Ainsi, l’édition chiite concentrée dans la banlieue sud de Beyrouth bénéficie d’un lectorat présent en Irak, Bahreïn, Arabie saoudite, Koweït et Iran tandis que certains regroupements d’éditeurs sunnites, de différentes nationalités, permettent une diffusion en réseaux de leurs productions dans plusieurs pays. L’édition islamique a ainsi connu un fort développement. Elle a bénéficié du revivalisme musulman qui a émergé dans les années 1970 sur les décombres d’un panarabisme moribond et sur les braises de la révolution iranienne. Le livre religieux représente ainsi une part importante de la production éditoriale arabe, notamment en Égypte48.
En revanche, dans le domaine des sciences humaines et de la littérature, la baisse des tirages a été très forte depuis les années 1980 (entre 2 000 et 1 000 exemplaires en moyenne) alors que l’édition islamique a été en augmentation constante au cours de la même période. De fait, le nombre d’éditeurs arabes spécialisés dans la littérature et les sciences humaines est réduit, et leurs entreprises sont souvent de petite taille. Il existe certes quelques grandes maisons d’édition, comme Dar El-Shorouk au Caire, Dar al-Adab ou Arab Scientific Publishers à Beyrouth, qui ont connu quelques succès commerciaux avec des romans mais, en règle générale, le lectorat reste réduit pour ce genre éditorial. Le succès panarabe de L’immeuble Yacoubian de Alaa El-Aswany, d’abord publié au Caire par la petite Dar Merit, puis repris par Dar El-Shorouk, demeure exceptionnel.
Ces maisons d’édition représentent cependant le segment le plus innovant de l’édition arabe. Leurs protagonistes sont les plus enclins à se différencier d’un milieu éditorial caractérisé par une obsession mercantiliste et à s’identifier ou à se sentir proches des milieux intellectuels auxquels ils appartiennent et dont ils peuvent être les porte-parole. Les bouleversements en cours dans le monde arabe devraient avoir des répercussions importantes dans le domaine du livre et favoriser la création de nouvelles structures éditoriales spécialisées dans la pensée critique et la création littéraire.
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1 Jocelyne Dakhlia, éd., Trames de langues. Usages et métissages linguistiques dans l’histoire du Maghreb, Paris, Maisonneuve et Larose, 2004.
2 Abdesselam Cheddadi, « Traduction et culture dans le monde arabe », dans Esprit, février 2009, pp. 96-108.
3 Gilbert Grandguillaume, Arabisation et politique linguistique au Maghreb, Paris, Maisonneuve et Larose, 1983.
4 Ulf Hannerz, « The cultural role of world cities », dans Ulf Hannerz, Transnational connections, culture, people, places, London, Routledge, 1996, pp. 127-139. Cet auteur fait de la présence des « expressive specialists » dans les cités mondiales un critère de leur rôle comme marchés culturels.
5 Wahid Gdoura, Le Début de l’imprimerie arabe à Istanbul et en Syrie : évolutions de l’environnement culturel (1706-1787), Tunis, Publications de l’Institut supérieur de documentation, 1985, pp. 75-122.
6 Ibid., p. 208.
7 Francis Robinson, « Technology and Religious Change: Islam and the Impact of Print », dans Modern Asian Studies, vol. 27, n° 1, 1993, pp. 234-237.
8 Josée Balagna, L’Imprimerie arabe en Occident (XVIe , XVIIe et XVIIIe siècles), Paris, Maisonneuve et Larose, 1984.
9 Basile Aggoula, « Le livre libanais de 1585 à 1900 », dans Le Livre et le Liban, Paris, Unesco-Agecoop, 1982, pp. 297-300.
10 La date n’en est pas assurée : voir Suhayl Al-Maladhî, Al-Tibâ’a wa-s-sahâfa fî Halab [L’imprimerie et la presse à Alep], Damas, Dar Yu’rib, 1996, pp. 17-38.
11 Virgil Cândea, « Dès 1701 : dialogue roumano-libanais par le livre et l’imprimerie », dans Le Livre et le Liban, Paris, Unesco-Agecoop, 1982, pp. 286-288.
12 Voir par exemple, Joseph Elias Kahhâla, ‘Abdallâh Zâkhir. Mubtakir al-matba’a al-‘arabiyya [Abdallah Zakher, inventeur de l’imprimerie arabe], Alep, Markaz al-inmâ’ al-‘arabî, 2002.
13 Voir Louis Cheikho, Târîkh al-tibâ’a fî-l-Machriq [Histoire de l’imprimerie au Machrek], 2e éd., Beyrouth, Dar al-Machriq, 1995, pp. 43-46.
14 Michael W. Albin, « Iraq’s First Printed Book », dans Libris, vol. 31, n° 2, 1981, pp. 167-174. Voir aussi Khalîl Sâbât, Târîkh al-tibâ’a fî-l-machriq al-‘arabî [Histoire de l’imprimerie dans l’Orient arabe], Le Caire, Dar al-Ma’ârif, 1966, pp. 295-299. Il est à noter que le premier livre publié en Irak l’aurait été vers 1830, un ouvrage en turc portant sur l’histoire de l’Irak.
15 Ami Ayalon, « The Beginnings of Publishing in the pre-148 Palestine », dans Philip Sadgrove, éd., History of Printing and Publishing in the Languages and Countries of the Middle East, The Journal of Semitic Studies supplément 15, University of Manchester, 2005, p. 71.
16 Khalîl Sâbât, Târîkh al-tibâ’a fî-l-machriq al-‘arabî, ouvr. cité, pp. 319-321.
17 Elle cessa ses activités en 1854 : voir Kmar Bendana, « Générations d’imprimeurs et figures d’éditeurs à Tunis entre 1850 et 1950 », dans Jacques Michon, Jean-Yves Mollier, dir., Les Mutations du livre et de l’édition dans le monde du XVIIIe siècle à l’an 2000, Paris, L’Harmattan, Montréal, Presses de l’Université Laval, 2001, p. 352.
18 Voir le témoignage très anti-clérical de Volney, Voyage en Égypte et en Syrie, Paris, La Haye, Mouton, 1959, pp. 292-295.
19 Voir Franck Mermier, Le Livre et la ville. Beyrouth et l’édition arabe, Arles, Actes Sud/Sindbad, 2005, pp. 27-30.
20 Sami Zubaida, « Cosmopolitanism and the Middle East », dans Roel Meijer, éd., Cosmopolitanism, Identity and Authenticity in the Middle East, Richmond, 1999, pp. 15-33.
21 George N. Atiyeh, « The book in the modern Arab world: the cases of Lebanon and Egypt », dans George N. Atiyeh, éd., The Book in the Islamic World. The Written Word and Communication in the Middle East, New York, State University of New York Press, The Library of Congress, 1995, pp. 233-236.
22 Elias Hanna Elias, La Presse arabe, Paris, Maisonneuve et Larose, 1993, p. 18. L’année 1828 est celle de la création du premier journal égyptien au Caire, al-Waqâ’i’ al-misriyya et 1878 celle de la fondation du célèbre journal égyptien Al-Ahrâm.
23 Juan Cole, « Printing and Urban Islam in the Mediterranean World, 1890-1920 », dans Leila Tarazi Fawaz, C. A. Baily, éd., Modernity and Culture. From the Mediterranean to the Indian Ocean, New York, Columbia University Press, 2002, p. 351.
24 George N. Atiyeh, « The book in the modern Arab world », art. cité, p. 241.
25 Voir Albert Hourani, The Emergence of the Modern Middle East, Londres, MacMillan Press, 1981, pp. 103-123 et Mas’ûd Dâhir, Al-Hijrat al-lubnâniyya ilâ Misr [L’émigration des Libanais en Égypte], Beyrouth, Publications de l’Université libanaise, 1986.
26 Albert Hourani, Arabic Thought in the Liberal Age 1798-1939, Oxford, Oxford Univ. Press, 1962.
27 Ainsi que le rappelle Samir Seikaly, « Damascene Intellectual Life in the Opening Years of the 20th Century: Muhammad Kurd ‘Ali and Al-Muqtabas », dans Marwan Buheiry, éd., Intellectual Life in the Arab East 1890-1939, Beyrouth, American Univ. of Beirut, 1981, pp. 125-153.
28 Philippe de Tarazi, Tarîkh al-sahâfa al-‘arabiyya [Histoire de la presse arabe], 1, Beyrouth (1913-1944), cité dans Rashid Khalidi, « ‘Abd al-Ghani al-‘Uraisi and Al-Mufid : The Press and Arab Nationalism before 1914 », dans Intellectual Life in the Arab East 1890-1939, ouvr. cité, p. 39.
29 Francis Robinson, « Technology and Religious Change », art. cité, p. 243.
30 Juan Cole, « Printing and Urban Islam in the Mediterranean World, 1890-1920 », art. cité, pp. 344-364.
31 Francis Robinson, « Technology and Religious Change », art. cité, p. 233.
32 Kmar Bendana, « Générations d’imprimeurs et figures d’éditeurs à Tunis », art. cité, p. 352.
33 Muhammad b. Charîfa, « Târîkh al-tibâ’at al-‘arabiyya fî-l-Maghrib » [Histoire de l’imprimerie arabe au Maghreb], dans Nadwa tarikh al-tibâ’at al-‘arabiyya hattâ intihâ al-qarn al-tâsi’ ‘ashr [Colloque sur l’histoire de l’imprimerie arabe jusqu’à la fin du XIXe siècle, 22-23 octobre 1995], Abou Dhabi, Cultural Foundation Publications, 1996, pp. 205-229.
34 Najmî ‘Abd al-Majîd, ‘Adan 1839-1969 [Aden 1839-1967], Sanaa, Markaz ‘Ubâdî, 2007, p. 133.
35 Yahya Ez-Zine Abdalla, Le Yémen et ses moyens d’information, Alger, SNED, 1978, p. 61. La date de 1872 est donnée par Yahyâ al Sa’âtî, « Al-tibâ’a fî chibh al-Jazîrat al-‘arabiyya fî-l-qarn al-tâsi’ ‘achr al-mîlâdî » [L’imprimerie dans la péninsule Arabique au XIXe siècle], dans Nadwa tarikh al-tibâ’at al-‘arabiyya hattâ intihâ al-qarn al-tâsi’ ‘ashr, ouvr. cité, p. 249.
36 Abbâs b. Sâlih Tachqandî, Al-tibâ’a fî-l-mamlakat al-‘arabiyya al-sa’ûdiyya 1300h-1419h [L’imprimerie dans le royaume d’Arabie saoudite 1300h-1419h], Riyad, Maktabat al-malik Fahd al-wataniyya, 1999, pp. 18-19.
37 Sulaymân al-‘Askarî et al., Al-thaqâfa al-kuwaytiyya [La culture koweïtienne], Koweït, Kitâb al-‘arabî, 15 janvier 2003, p. 11.
38 Abû-l-Futûh Ridwân, Târîkh matba’a Bulâq [Histoire de l’imprimerie Bulâq], Le Caire, Mat’ba’at al-amîriyya, 1985, p. 133.
39 George Atiyeh, « The Book in the Modern Arab World: The Cases of Lebanon and Egypt », dans George Atiyeh, The book in the Islamic World. The Written Word and Communication in the Middle East, New York, State University of New York Press, The Library of Congress, 1995, p. 236.
40 Al-hay’at al-misriyya al-‘âmma li-l-kitâb ou General Egyptian Book Organization : voir Yves Gonzalez-Quijano, Les Gens du livre. Édition et champ intellectuel dans l’Égypte républicaine, Paris, CNRS-Éd., 1998, note 6, p. 56.
41 Abdelkader ben Cheikh, Production de livres et lecture dans le monde arabe, Paris, Unesco, 1982, p. 8.
42 Voir Franck Mermier, Le Livre et la ville, ouvr. cité, pp. 121-160.
43 Franck Mermier, « Le marché du livre arabe : réseaux de diffusion et rivalités idéologiques (1950-1980) », dans Claude Hauser [et al.], dir., La Diplomatie par le livre. Réseaux et circulation internationale de l’imprimé de 1880 à nos jours, Paris, Nouveau Monde, 2011, pp. 379-389.
44 Richard Jacquemond évalue le nombre d’ouvrages traduits grâce aux aides publiques, entre 1945 et aujourd’hui, à 2 000 en Égypte, 1 400 en Syrie, 600 au Koweit et environ le même chiffre en Irak (Richard Jacquemond, « Siyâsât al-tarjama fî-l-‘âlam al’arabî. Ichkâl al-tamthîl, wa khitâbât wa-l-waqâ’i’ » [Les politiques de traduction dans le monde arabe], dans Al-‘Arabiyya wa-l-tarjama, Beyrouth, Organisation arabe de la traduction, n° 3, printemps 2010, p. 110).
45 Voir Franck Mermier, Le Livre et la ville, ouvr. cité, p. 180-182, Richard Jacquemond, « Les flux de traduction entre le français et l’arabe depuis les années 1980 : un reflet des relations culturelles », dans Gisèle Sapiro, dir., Translatio. Le marché de la traduction en France à l’heure de la mondialisation, Paris, CNRS-Éditions, 2008, p. 347-369. Abdesselam Cheddadi, « Traduction et culture dans le monde arabe », art. cité.
46 Voir Franck Mermier, Le Livre et la ville, ouvr. cité, pp. 46-52.
47 Ibid., pp. 53-87.
48 Voir Yves Gonzalez-Quijano, Les Gens du livre, ouvr. cité.